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Titre : Revue de la Haute-Auvergne / publiée par la Société des lettres, sciences et arts "La Haute-Auvergne"

Auteur : Société La Haute-Auvergne. Auteur du texte

Éditeur : Société des lettres, sciences et arts "La Haute-Auvergne" (Aurillac)

Date d'édition : 1961-04-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344240407

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344240407/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 01 avril 1961

Description : 1961/04/01 (A63,T37)-1961/06/30.

Description : Collection numérique : Fonds régional : Auvergne

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k65480764

Source : La Haute-Auvergne

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 23/09/2013

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REVUE DE LA

HAUTE - AUVERGNE

T. 37, 63e année avril-juin 1961

Société des Lettres, Sciences et Arts La Haute-Auvergne AurilIac


SOMMAIRE

MUZAC (André). — Jean-Aymard Piganiol de La Force (1669-1753). Notes biographiques et bibliographiques.

RIEUF (Jean). — Le Bassin de l'Allagnon.

CANTUEL (Pierre). — Simples remarques sur les fougères du Cantal.

WIRTH (Pierre). — La « Fièvre statistique » et les premières enquêtes économiques dans le Cantal (fin).

NOTES ET DOCUMENTS. — La nomination de Rigaud d'Aureille au bailliage des Montagnes, par P.-F. Fournier; Quelques notes sur la famille de M'll' Jules Michelet, par Raymond Mil; Essai d'interprétation sur l'origine du remblaiement des vallées affluentes de la Dordogne en amont de Bort et sur l'évolution du réseau hydrographique du bassin de Saignes et Sur une inversion du relief au nord du Cantal, par Y. Boisse de Black du Chouchet; Sur la présence et la distribution des tritons dans le Cantal, par Marius Lhorme.

BIBLIOGRAPHIE. — CHEVALLIER (Pierre), Une affaire maçonnique sous Louis XVI; AMADIEU (M.), Liste des évêques de Saint-Flour de 1317 à 1952 (J. Fouilleron); VILAIN (Lucien), Les chemins de fer de montagne français (A. Trin); Monographie agricole du Cantal (G. de Bonnafos); FONTAINE (Anne), Henri Mondor; REED (Muriel), Muriel chez. (P.M.); Lo Cobreto.

NOTE DU TRÉSORIER La cotisation pour 1961 est actuellement exigible.

Son montant est fixé à 7 nouveaux francs.

Il est recommandé de s'en acquitter au moyen d'un virement ou d'un mandat C.C.P. adressé à la Société de la Haute-Auvergne, à Aurillac.

C.C.P. Clermont-Ferrand, 99.61, et non d'un chèque bancaire dont l'encaissement par le C.C.P. coûte 0.50 NF à la Société.

Beaucoup de membres de la Société sont en retard pour 1960.

Le trésorier se permet d'insister auprès des retardataires pour leui demander de bien vouloir s'acquitter de leur dette. Il rappelle à ceux auxquels il a adressé une formule de contre-remboursement en fin d'année 1960, que ce contre-remboursement correspondait au retard de versement de 1959.

Ces mêmes membres de la Société sont donc actuellement en retard pour 1960.


Jean-Aymard Piganiol de La Force 1669-1753 (Notes biographiques et bibliographiques)

« Jean-Aymard Piganiol, écuyer, seigneur de La Force, chevalier de l'ordre de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, ci-devant gouverneur des pages de feu Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Toulouse pendant trente-neuf ans, Conseiller du Roy, Contrôleur des guerres à la suite du régiment aux gardes suisses (1) » ne naquit pas en 1673 comme l'indiquent tous les ouvrages qui le mentionnent ou la plaque de la rue qui porte son nom. Aurillac le vit naître le 21 septembre 1669, au témoignage du registre des baptêmes de la paroisse Notre-Dame d'Aurillac, aujourd'hui disparue.

« Ce dimanche, vingt et uniesme septembre mil six cent soixanteneuf a esté baptisé Jean-Aymar Piganiol, enfant naturel et légitime de Pierre Piganiol et de Marguerite Parisot, mariés. Iceluy Jean Aymar nay le lundi dernier passé. Son parrain a esté Aymar Piganiol, sa marraine Antoinette de Cossol. Présents les soussignés : » A. PARISOT; P. CAUPEIL, prêtre; COUDERC, vicaire (2). »

Nous savons peu de chose sur sa famille. Au moment de sa naissance, sa grand-mère maternelle qui était veuve, tenait commerce, rue Saint-Jacques (3), l'actuelle rue du Collège (4). C'est, peut-être, dans cette rue que naquit Jean-Aymard Piganiol ! Son père était également « marchand », selon la formule de l'époque. Que vendait-il ? Sans doute, comme sa belle-mère, Delphine Laporte, du fromage, du papier, des instruments agricoles ou ménagers, des outils, de la laine et du « drap d'Ollande » (5). Ce père prévoyant et avisé avait un soin particulier de sa fortune. Les nombreux actes retrouvés nous le montrent comme une manière d'usurier qui rachetait volontiers les rentes seigneuriales ou consentait des prêts sous bonne caution (6). Il se trouvait, de par l'efficacité de sa méthode, créancier de bien des Aurillacois plus particulièrement choisis dans la petite noblesse terrienne ou de robe. Ainsi

(1) D. H. de la Ville de Paris, éd. 1765. avertissement.

(2) Arch. Mun. d'Aurillac, registres des baptêmes de l'égli:.e N.D., 1669, fol. 10.

(3) A. D., minutes Cabrespine, 30-6-1693.

(4) M. - LEYMARIE, Grandeur et décadence du vieux quartier de Saint-Géraud, Aurillac, 1960.

(5) A. D., minutes Pipv, 16-4-1668.

(6) A. D., minutes Cabrespine. 13-3-1668, 30-6-1693. 7-6-1701. 22-12-1700: Pinv. 31-12-1668.

(7) A. D., minutes Pipy, 31-12-1667.


l'était-il devenu de la veuve d'Annet Parisot, de La Force, mère de sa luture femme, après l'avoir été de son époux.

La mère de Jean-Aymard Piganiol, Marguerite Parisot, descendait d'une vieille famille qui avait compté plusieurs consuls, Gabriel Saunier en 1541, Jean Parisot en 1575, Etienne Parisot en 159'5 (8). Ses ancêtres ctaient, pour la plupart, avocats ou procureurs du Roy au Siège Présidial (9). Depuis le mariage de son trisaïeul, Pierre de Parisot, avec Anne du Saunier, en 1562, le fief de La Force, situé en bordure du village de Rouffiac, sur la paroisse de Saint-Simon, était devenu un bien de sa famille (10). Par ce Pierre de Parisot, Jean-Aymard descendait des du Trieu, des Teissières, des Cabrol, possesseurs de ce fief depuis la fin du xv' siècle (11). Par lui encore, il se trouvait dans la descendance d'Issaline de Fortet, nièce et héritière de Pierre de Fortet, chanoine de Paris et docteur en Sorbonne, fondateur du célèbre collège parisien qui ne disparut qu'à la Révolution (12).

Avec Antoine de Parisot, grand-père de Jean-Aymard, le lustre de la famille s'était un peu terni (13). Ses prodigalités, son esprit processif, son inconduite lui avaient valu de voir fondre rapidement la fortune de ses ancêtres. Sa succession s'était révélée des plus compliquées car il avait tenté, par une vente fictive, de faire passer le fief de La Force sur la tête d'un enfant naturel (14). Les sequelles d'une instance engagée par son beau-frère, Michel Delolm, pour faire revenir ce fief dans la famille légitime tourmentèrent jusqu'au petit-fils d'Antoine de Parisot et ne s'éteignirent qu'avec la Révolution (15). La liquidation de « diverses appellations de sentences pendantes en la cour de Paris » obligèrent Annet de Parisot à des voyages dans la capitale, voyages coûteux qui ajoutèrent encore au déficit consécutif aux prodigalités du père (16).

Pierre Piganiol, lui, se trouvait toujours à propos pour prêter au plaideur sous solide garantie l'argent qui le tirait pour un temps d'une impécuniosité à tendance chronique (17). Ses créances devinrent telles que de prêteur Pierre Piganiol passa sans difficulté au rang de prétendant. Trop d'inquiétantes dettes firent de la veuve d'Annet de Parisot une future belle-mère compréhensive (17 bis), puis de sa fille Marguerite une fiancée conciliante. Sa main fut ainsi mise dans celle de Pierre Piganiol. La genèse de cette opération explicite le contrat de mariage des parents de Jean-Aymard, en date du 31 décembre 1668 (18), lequel se réduit presque uniquement à un inventaire des créances de Pierre Piganiol contre Delphine Laporte et son mari Annet de Parisot.

(8) Manuscrit de Comblai.

(9) Manuscrit de Comblât.

(10) Généalogie de J.-F. Delolm de Lalaubie. Arch. du Général de Néaraval

(III L). b. du C. Article sur Saint-Simon. -

(12) Généalogie de la famille de Fortet. d'Aurillac en A nuprffnp A- n

rm A n F Ptr- ---, _u u_.--o.'-'

(14) A. D., minutes Caviar. 19 mars 1fi?n

(15; Sentence de Froquieres de Vie, 5-H-1742. Arch. de R. Delché, à Rouffiac. Requête et ordonnance du juge ordinaire du village de Rouffiac du 8-8-1765, Arch. R. Delché. Exploit d huissier du 16-3-1785. Arch. R. Delché

(16) A. D.. E 309.

(17) A. D.. minutes Caviar

(17 bis) Inventaire des biens de Delphine La Porte, 16 avril 1668, A. D., minutes Pipy, 16-4-1668.

(18) A. D., minutes Pipy, 31-12-1668.


Du côté maternel, la famille de Jean-Aymard se trouvait, lorsqu'il vint au r—nde, alliée à la moyenne noblesse, les Delolm de Lalaubie, les Bonhore de Falgueyras, les Peytavi de la Salle, les Cambefort de Mazic, les Vernhes de Boussac. Huit enfants (quatre garçons et quatre filles) (19) composaient la famille de Pierre Piganiol qui comptait, dans sa parenté, un « peintre-verrier », un « potier d'étain », un « marchand confiseur » et divers marchands (20).

La jeunesse de Jean-Aymard Piganiol nous est inconnue. Nous savons seulement que sa mère mourut des suites de couches, alors qu'il avait 11 ans, le 4 novembre 1680 (21) et qu'il demeura le seul héritier du fief de La Force. Un an plus tard, son père se remariait avec Anne du Rocher (22), fille d'un magistrat de Vic-en-Carladès et ce, dans la maison d'une dame de Boissy, qui pourrait bien être la mère de Louis de Boissy, auteur dramatique et premier académicien français de HauteAuvergne.

Nous n'avons nulle part trouvé trace des premières études de JeanAymard Figaniol. Sans doute fut-il élève des jésuites. Eux seuls, en effet, dispensaient à Aurillac, dans leur collège déjà plus que cinquantenaire, le solide enseignement classique. L'avertissement de l'édition posthume de la « Description historique de la ville de Paris » (1765) signale qu' « après avoir fait ses premières études dans sa province, ses parents l'envoyèrent à Paris pour se perfectionner et y apprendre les exercices convenables à un jeune homme de sa condition. » Son lointain ascendant, Pierre Fortet, avait, par testament à la fin du xiv" siècle, fondé un collège dans lequel il entendait que tussent admis gratuitement quatre étudiants appartenant à sa famille ou, à défaut, originaires du, diocèse de Saint-Flour (23). On retrouve jusqu'à la révolution des demandes de bourses faites par les descendants des Fortet, assorties de généalogies tendant à démontrer leur parenté avec le fondateur (24).

Piganiol dut produire des pièces suffisantes à l'appui d'une demande de bourse puisqu'il était par sa mère descendant d'Issaline de Fortet.

Mais rien, en fait, ne permet d'affirmer qu'il bénéficia de cette bourse pendant les 5 ou 6 anné2s d'études gratuites auxquelles elle donnait droit. S'il parle longuement du collège Fortet et de son fondateur, Piganiol ne fait aucune allusion à son passage dans cette maison.

Son père, dans le testament qu'il fit, le 30 juin 1693 (25) — (il ne mourut qu'en 1701) — et aux termes duquel il le faisait son « héritier général et universel », dit de lui qu'il est « licencié en droit ». A cette époque Jean-Aymard Piganiol était âgé de 24 ans et, selon l'abbé Pérau (25 bis), dans l'avertissement cité plus haut, « dans le cours de

( 19)' Testament de Pierre Piganiol; Cabrespine. 30-6-1693.

(20) Arch. Mun., registre des baptêmes de l'église N.-D.. 2-3-1682, 10-10-1669, 24-1-1674, 10-10-1675. etc. Lettres de J.-A. Picaniol a G. Delolm de Lalaubie. arch. du Général de Népraval.

(21) Arch. Mun., actes d'inhumation de réalise N.-D. du 4-11-1680.

(221 A D minutes VprHipr Snint-rir<.))f-< 19-l-lfSft2- î:¡hr.nin.> H-'<-)~).!)

- - - , - - (23) Raoul BUSOUET, Etude historique sur le collège de Fortet (Ù94-1764). Paris. 1907.

(24) Arch. du Général de NégravâI.

(24 bis) P. DE LA F., Description historique de la Ville de Paris, 1765, t. VI, pp. 26-38.

(25) A. D., minutes Cabrespine, 30-6-1693.

(25 bis) Maurice DUMOULIN, Notes sur les vieux guides de Paris. (Mémoires de la Soc. de l'histoire de Paris, t. XLVII, p. 266.)


ses occuvations, il profitait de tous les moments de loisirs qu'elles lui laissaient pour se procurer des amis et des connaissances utiles, qu'il sut s'attacher plus encore par la douceur de ses mœurs et par l'honnêteté de sa conduite que par ses talents. Peu ardent pour sa fortune, il paraissait disposé lorsqu'il entra dans le monde, à n'avoir d'autre vue qu'un poste honnête où il pût vivre décemment et utilement (26). »

« Les amis et connaissances utiles » furent vraisemblablement les membres de la « colonie auvergnate » déjà très vivante dans la capitale.

Ses plus illustres représentants étaient alors les Noailles et, parmi eux, Louis-Antoine, Cardinal-Archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud (1651-1729), et Anne-Jules, duc, pair et maréchal de France (1650-1708).

Né à Aurillac dans la « ci-devant rue des Esclops », — actuellement de Noailles -, et dans l'hôtel qui porte encore son nom, Anne-Jules de Noailles était le père de 21 enfants et sa femme la maréchale qui, au dire de Saint-Simon, « avait plus d'esprit et de politique que tous les ministres ensemble », régnait à la fin de sa vie sur plus de cent descendants directs, alliés à tout ce qu'il pouvait y avoir de ducs et de princes à la cour et, voire même à un fils de Louis XIV, comme nous le verrons par la suite (27). Piganiol dira un jour du maréchal : « Ce seigneu;, pendant le cours de sa faveur qui a été aussi longue que sa vie, n'a jamais cessé de donner des marques de bienveillance à la ville qui l'avait vu naître (28). »

Nul doute que Piganiol ne fît appel à la protection des Noailles quand, en 1698, « ses amis firent parler en sa faveur à M. le Comte de loulouse. Ce Prince voulut le connaître, et bientôt après il se l'attacha, en le chargeant, quoique jeune encore, de présider à l'éducation de ses pages en qualité de Gouverneur (29) ».

Quel était ce Prince auprès de qui Piganiol devait vivre pendant trente-neuf ans (30) ?

Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, Prince légitimé de France, duc de Damville, de Châteauvillain, de Penthièvre, de Rambouillet, Marquis d'Albert, Pair, Amiral et Grand Veneur de France, Lieutenant général des armées du Roy, chevalier de ses ordres et de la Toison d'or, Gouverneur de Guyenne puis de Bretagne, naquit à Maintenon, le 6 juin 1678, sixième et dernier enfant de Louis XIV et de M111 de Montespan. Légitimé à trois ans, il était à cinq ans amiral de France, et gouverneur de Guyenne à onze. Peu à peu s'accumulèrent sur ses épaules charges, domaines, titres au point que son fils devait un jour devenir le plus riche héritier du royaume. Sa mère, « la belle Atliénaïs », animée de ce que Saint-Simon appelait le « démon de la bâtardise », ne cessait de solliciter le roi en faveur de ses enfants.

(26) D. II. de la Ville de Paris, éd. de 17/SS nv,.riKc,.m,.nt

(27) Li;\ôtri;, Versailles au temps des rois n M5

KlIs) Nuuv. description de la b'ranrr V nA 17=;^ t v r - un

(29) D. H. de la Ville de Paris. 1765. avertissement

- ..,

1712 (30) P. ANS's?|1\t \fL''é"lu^'CIUC c'C de la Maison de France, Paris, du Iicelc de Louis XV, Paris, 18.56, 8 \'01. - VoI~T~ilRi--', Le siècle de Louis XIV. - Mémoires secrets sur le règne de Louis A'IV' par Dl'CLOS, Ed. F. Didot. 1881. - H. CARRE, Mm. de Mon), - Duc DL LI FORCE, Louis XIV et sa COI/l, Paris, 1956.


Louis XIV, soucieux d'éviter les colères et les emportements de son exigeante maîtresse, l'apaisait par l'octroi de quelque duché ou de quelque importante charge de l'Etat. Il le faisait d'autant plus volontiers au bénéfice du comte de Toulouse que celui-ci était devenu son fils préféré, surtout depuis que son ainé, le duc du Maine — surnommé e Demi-Louis, — vaniteux et intrigant, avait manifesté aux armées une telle couardise que tout le monde se gaussait.

En 1702, le comte de Toulouse commandait la flotte croisant en Méditerranée, au large de la Sicile et dans le canal de Malte. En 1704, il était à la tête de l'armée navale qui porta de si rudes coups aux Anglo-Bataves de l'amiral Roocke devant Velez-Malaga (31). En 1706, il faisait le siège, par mer, de Barcelone. Déjà atteint par la maladie de la pierre qui devait lui être fatale, en butte aux manœuvres de Pontchartrain qui voulait lui faire retirer tous ses commandements dans la marine, le comte de Toulouse partagea dès lors sa vie, entre la cour qu'il n'aimait pas, son hôtel de Toulouse et ses domaines, Rambouillet plus particulièrement. En 1715, il fut fait membre du Conseil de Régence, puis chef du Conseil de la Marine. Louis XV, qui l'aimait beaucoup, s'apprêtait à lui donner la succession du Cardinal de Fleury, quand il mourut le 1er décembre 1737, âgé de 59 ans.

Le comte de Toulouse avait épousé, le 22 février 1723, Marie-SophieVictoire de Noailles, fille du maréchal, veuve depuis 10 ans du marquis de Gondrin, petit-fils légitime de M'W de Montespan, et âgée de 35 ans.

C'était une des femmes les plus jolies et les plus spirituelles de la cour.

Elle tint à Rambouillet, où Louis XV aimait à lui rendre visite, un salon renommé. De cette union très heureuse, le comte de Toulouse eut, le 16 novembre 1725, un fils, le duc de Penthièvre, beau-père de la princesse de Lamballe et de Philippe-Egalité.

De tous les bâtards royaux auxquels il voue une haine intarissable, Saint-Simon n'excepte que le comte de Toulouse qui, dit-il, était « l'honneur, la vertu, la droiture, la vérité, l'équité mêmes ». L'énorme fortune qu'il possédait permit au comte de Toulouse de satisfaire « la passion des bâtiments » héritée de son père, mais aussi de créer d'importantes fondations charitables et d'entretenir cette école des pages dont Piganiol fut gouverneur.

Cette école des pages, analogue à celles du roi ou de certains princes de la couronne, avait pour but de « permettre à la noblesse terrienne et pauvre de faire élever ses fils à peu de frais » et après trois années, de leur donner « la possibilité d'obtenir une cornette de cavalerie ou une lieutenance d'infanterie » (32), voire un grade dans la marine.

Les pages, comme leur gouverneur, « appartenaient à leur prince »; ils faisaient partie de « sa maison ». C'est donc à Versailles que l'école des pages fut d'abord établie, de 1698 à 1707; par la suite, elle suivit

(31) C. DE LA ROM IFRI , La bataille de Velez-Malaga et ses conséquences. Comm. à l'Acad. de Marine, 11-1-1922, t. I. Paris 1924. — VOLTAIRE. Le siècle de Louis XIV. ch. XX et XXI.

(32) Dr DE RIBIER, Preuves de la noblesse d'Auvergne. Preuves des pages admis dans les écuries du roi (1667-1792), Clermont, 1908.


le comte de Toulouse à Rambouillet (33) jusqu'en 1713, date de l'installation du prince dans l'hôtel qu'il venait d'acquérir et de transformer, rue de la Vrillière, et qui est de nos jours le siège de la Banque de France (34).

« M. Piganiol, bien instruit de ses obligations dans un poste où il s'agissait de former de jeunes élèves destinés par leur naissance à servir l'Etat dans la profession des armes, mit toute son attention à répondre au choix du prince et y réussit. Il s'appliqua, d'abord, à gagner le cœur de ses élèves par sa douceur et son affabilité; s'étant rendu par ce moyen, plutôt leur ami que leur maître, il eut l'agrément de voir cette jeune noblesse se porter au bien avec ardeur et faire par honneur et par sentiment ce qu'on n'aurait, peut-être, pas obtenu si facilement d'une contrainte qui déplaît aux jeunes toujours et souvent les rebute. »

« Une éducation ainsi dirigée ne pouvait manquer d'avoir le plus grand succès; et l'Ecole des Pages de l'Hôtel de Toulouse se soutint pendant près de 40 ans avec une réputation et une célébrité qui la faisaient préférer à d'autres écoles d'un rang supérieur, et dans lesquelles il paraissait même y avoir plus à espérer du côté de la fortune et de l'avancement (35). »

L'école, à ses débuts, dut laisser d'importants loisirs au gouverneur, car, dès 1701, Piganiol, qui se faisait appeler maintenant Piganiol de La Force, publiait, coup sur coup, trois ouvrages : « Naudeana », recueil d'anecdotes et de bons mots de Naudé, bibliothécaire de Richelieu et de Mazarin, « Patiniana » du nom du célèbre médecin Guy Patin et sa « Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly » qui devait connaître un succès retentissant, une dizaine d'éditions successives et donner prétexte à toutes sortes de démarcations et contrefaçons.

Vivant dans l'appartement de son maître, au rez-de-chaussée de la façade nord du château de Versailles (36), témoin de la vie familiale de Louis XIV, mais aussi des mouvements de sa cour, Piganiol n'a cependant, dans son ouvrage, rien retenu du spectacle des hommes.

Savait-il que le redoutable duc de Saint-Simon, peuplerait, — et de quelle manière ! — ce Versailles qu'il décrit à la façon précise et méticuleuse d'un inventaire ?

« Appartenir à un prince » supposait la participation à tous ses déplacements. C'est ainsi qu'en 1702, Piganiol suivait l'Amiral de France, « embarqué sur son même vaisseau nommé Le Foudroyant (37) ».

Parti de Toulon, il participa à la campagne de la flotte dans le golfe de Malte, croisant au large de Messine, de Naples, de Civitta-Vecchia, avant de rejoindre son point de départ (37 bis). Quelques détails de

(33) Henri LONGNON, Le château de Rambouillet, Paris, s.d. — G. LENÔTRE, Le château de Rambouillet Paris 19in

A-) (34) F. AUDET, L'hôtel de Toulouse, Paris, 1932. — Durante, notaire à Paris, 26-6-1734, Arch. dl' Général clp. Nperaval

(35) D. H. de la Ville de. Pari^ 17AS ""prti""p",,,nt

(361 J. LEVRON, Versailles. Arthand 19S7 T.NTIR#» Hp T T à C I inco

(37) Journal des sçavants, PJG. DE LA F., Lettre sur l'histoire de la Maison de France par le P. Anselme, mai 1741, p. 314.

(37 bis) Mémoire de Trévoux, PiG. DE LA. F., Lettre sur nÚtQir de la Maison de Francç par le P. Anselme, noy. 1742, p. 2075,


cette campagne nous sont fournis par la lettre suivante de Piganiol adressée au P. R., jésuite : « Mon très Révérend Père, » Votre zèle pour la vérité et vos bontés pour moi me font espérer que vous voudrez bien informer le public dans un de vos journaux de quelques fautes que j'ai remarquées, il y a longtemps, dans les deux dernières éditions de l' « Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France, des Grands Officiers de la Couronne et de la Maison du Roy ».

» A la page 91 du premier tome de l'édition que du Fourny donna en 1712 et à la page 176 du premier tome de l'édition que le Père Simplicien donna en 1726, il est dit en parlant de feu Monseigneur le Comte de Toulouse, qu'il « commandait en 1702 une escadre de vaisseaux dans » la Méditerranée, avec laquelle, après avoir rendu ses respects au Pape, » étant présenté par le cardinal de Janson, il visita les côtes de Sicile, » croisa quelque temps dans le canal de Malte et revint à Toulon au » mois d'octobre ».

» Monseigneur le Comte de Toulouse n'alla point à Rome comme l'insinuèrent ces deux auteurs, par conséquent il ne fut point présenté au Pape par le Cardinal de Janson et ne rendit point à Sa Sainteté ses respects en personne, mais il les lui fit rendre par le marquis d'O, premier gentilhomme de sa chambre qui fut envoyé exprès à Rome sur un brûlot appelé « l'Eclair », détaché de l'escadre, qui le rendit à CivittaVecchia d'où il se rendit à Rome par une autre voiture.

» Le commandeur de Comminges et M. de Valincour accompagnèrent par curiosité le marquis d'O qui, seul, était chargé des ordres du prince.

Comme j'avais l'honneur d'être à ce prince et d'être embarqué sur le même vaisseau qu'il montait, je puis certifier ces faits comme témoin oculaire; et il y a encore plusieurs officiers vivants soit dans la marine, soit de la maison du prince, lesquels étant embarqués sur cette escadre, sont en état de confirmer ce que je viens de dire.

» Les deux écrivains que je viens de citer ne se trompent pas moins lorsqu'ils ajoutent dans la même page, qu'en 1703 Mgr le comte de Toulouse « fut fait général-lieutenant des armées du Roy et qu'il servit sur » terre en cette qualité sur la Meuse, où il eut le commandement général » de la cavalerie ». Il n'y a pas un mot qui ne soit une faute. Ce prince avait été fait lieutenant-général des armées sur la fin de la guerre qui fut terminée par la paix de Riswic, et il ne lui aurait point convenu d'aller servir sous un général d'armée de terre en 1703 après avoir commandé en chef sur mer en 1702.

» Ce prince revint armer à Toulon en 1703; mais nos vaisseaux ne sortirent point de la rade et demeurèrent au Morillon, d'où cette campagne fut nommée « la campagne du Morillon ».

» J'ai été chez vous pour avoir l'honneur de vous assurer, comme je le fais ici, qu'on ne peut être avec plus d'estime, ni avec plus de respect, » Mon très Révérend Père, >> Votre très humble et très obéissant serviteur.

» PIGANIOL DE LA FORCE (37 bis). »


De même, en 1704, Piganiol embarqua à Brest sur le navire amiral, qui, à la tête de 25 unités, gagna Cadix, franchit le détroit de Gibraltar, échappa à la flotte anglo-batave commandée par l'amiral Roocke et joignit Toulon où Duquesne l'attendait. Le comte de Toulouse repartit alors, ayant 50 navires sous ses ordres, en direction des côtes espagnoles.

C'est au cours de cet épisode que se situe cette cruelle et glorieuse journée du 24 août, dite journée de Velez-Malaga, dont le comte de Toulouse sortit vainqueur, ramenant toute sa flotte, malgré les 63 vaisseaux des alliés (38). Piganiol de La Force en réchappa de justesse ainsi que nous l'apprend sa lettre du 28 août 1704 : « Dans la rade de Vice Malgue, ce 28 août 1704.

» Enfin, mon cher ami, Mgr le comte de Toulouse qui souhaitait avec tant de passion de rencontrer les ennemis et de les battre en a trouvé l'occasion et s'est satisfait le 24 de ce mois. Les deux armées se trouvèrent en présence de fort bon matin par le travers de Malgue, à 8 ou 10 lieues au large. Celle des ennemis était de soixante et trois vaisseaux et avait le vent sur nous, la nôtre n'était que de cinquante mais la présence d'un prince qui a toutes les qualités essentielles à un grand général et qui est l'homme du monde qui connaît le mieux le mérite et qui lui fait le plus de justice la rendait invincible. Le combat commença à dix heures du matin et ne finit qu'à sept heures du soir; on n'en a point vu de plus vif ni de plus chaud. On se cannona sans relâche pendant tout ce temps-là et si les ennemis avaient été d'aussi bonne volonté que nous et qu'ils n'eussent pas été plus incommodés on ne se serait pas quitté si tôt. Mais comme ils étaient les maîtres du vent, sur les sept heures du soir, l'amiral Roocke fit border son mât d'artimon, amena ses deux basses voiles et tint le vent pour s'en aller.

Cela s'appelle par terre abandonner le champ de bataille, ce qui est la marque la plus sûre de la victoire pour celui qui demeure. Le 25, le 26 et le 27 nous demeurâmes encore dans le même parage à attendre que le vent fût bon pour aller aux ennemis ou qu'ils vinssent à nous mais ils n'en voulurent plus tâter, et le mercredi après-midi nous nous portâmes à la côte d'Espagne.

» Voici la liste des officiers les plus distingués qui ont été tués : chefs d'escadre M. le Bailli de Lorraine, M. de Belle-Ile Erard. et Thesu, ayde-major; ce dernier me parlait quand il vint un boulet de canon qui lui emporta la cuisse, et me couvrit le visage de son sang et de sa chair.

Cela s'appelle, mon ami, la manquer belle.

» Voici la liste des principaux blessés : .quatre pages de M. l'Amiral, outre les deux qui sont morts.

» Je vous prie, Monsieur, de faire mille compliments à trois ou quatre de mes amis quand vous les verrés et d'être persuadé que je suis bien le vôtre.

PIGANIOL DE LA FORCE.

» .et surtout donnés de mes nouvelles à M. Grison qui demeure, rue

de (38) C. DE LA RONCIÈRE, La bataille de Velez-Malagua et ses conséquences. Comm. à l'Acad.

de Marine, 11-1-1922, t. I, Paris, 1924,


Acte de baptême de Piganiol de La Force



du Petit-Reposoir, chez un épicier qui fait le coin, faites-moi le plaisir de lui envoyer dire que je vie porte bien et que je l'embrasse. De vos nouvelles de Toulon, s'il vous plaît (39). »

A nouveau l'amiral de France fit campagne en Méditerranée en 1706.

L'affaire était mal préparée, et à l'arrivée de l'escadre ennemie, l'escadre française dut abandonner le siège de la ville de Barcelone qu'elle avait tenté d'investir. Ce fut la fin de la carrière navale du comte de Toulouse et, du même coup, de celle du gouverneur de ses pages.

Le comte de Toulouse avait acquis en 1705 la terre de Rambouillet qui devait devenir sa résidence préférée. Il consacra tout son loisir à l'accroissement de ce domaine, à l'aménagement de son parc confié à Le Nôtre, aux agrandissements et embellissements du château dirigés par Robert de Cottes (40). Il y constitua une énorme bibliothèque où voisinaient les ouvrages sur la marine qu'il ne cessait d'étudier, la philosophie, la religion, l'histoire, la géographie, les beaux-arts, etc. Piganiol eut, de la sorte, à sa disposition les instruments de travail qui lui permirent, avec la libéralité de son maître, de mener à bien les ouvrages qu'il méditait.

Louis XIV, séduit par Rambouillet, lors de la fête d'inauguration, y revint souvent. Il y séjourna même à de nombreuses reprises avec Mmp de Maintenon ou la Palatine, obligeant ses ministres à venir, tous les jours de Versailles pour travailler avec lui aux affaires de l'Etat.

Ainsi Piganiol continua de vivre dans l'atmosphère de la Cour.

Avec l'abbé Augustin Nadal (1659-1740), auteur de médiocres tragédies qui lui valurent cependant très tôt l'accès de l'Académie française, Piganiol avait fondé en 1708, le « Nouveau Mercure ». Imprimé à Trévoux, comme le célèbre dictionnaire, le « Nouveau Mercure » fut entrepris dans le but de critiquer le « Mercure galant » de Visé. Il était rédigé sur un plan analogue, et comme lui comportait des historiettes, des dissertations, des pièces fugitives en vers et en prose, des nouvelles du mois. Piganiol participa à toutes les controverses de l'époque par l'intermédiaire de ce Mercure dont 14 volumes furent publiés de 1708 à 1711 (41).

Encouragé par le succès de sa « Description de Versailles », Piganiol entreprit un ouvrage plus ambitieux : la « Description de la France ».

Avec ce souci d'une information précise et contrôlée qui fut toujours le sien, il dépouilla une quantité énorme de documents inédits. En 1718, il pouvait donner au public la première édition de cet ouvrage qui comportait alors 6 volumes. Le style, certes, avait bien un peu souffert de l'accumulation de tant d'érudition, mais le succès de cette « Description de la France » n'en fut pas moins considérable. Piganiol la reprit pour des éditions successives remaniées, corrigées et amplifiées. Envieux d'une telle réussite, des éditeurs ne se gênèrent pas pour publier de vulgaires démarcations qui, elles aussi, profitèrent de l'engouement suscité par Piganiol.

(39) Lettre à Cabart de Villermont. B. N., fr. 22814, p. 309. — JAL, Dictionnaire. B. N., collection Dangeau.

(40) G. LENÔTRE, Le château de Rambouillet, Paris. 1930.

(41) SOMMERVOGEL, Tableau méthodique des Mémoires de TràollX.


Dès après la mort de Louis XIV, le comte de Toulouse se retira de la vie publique bien qu'il fût membre du Conseil de Régence et que ses vertus et l'affection de Louis XV lui eussent évité les désagréments qui ne furent pas épargnés aux autres bâtards. Lorsque l'école des pages fut installée en l'hôtel de Toulouse, rue de la Vrillière, la vie de Piganiol, calquée sur celle de son maître, ne connut plus les voyages officiels, les grandes manifestations nationales ou les cérémonies de la Cour. Cependant, l' « Introduction à la description de la France », ouvrage en deux volumes qu'il publia vers la fin de sa vie, donne tant de détails sur le sacre de Louis XV, sur son premier Lit de justice et sur son mariage qu'il paraît évident que son auteur en fut le témoin attentif.

Les rééditions des œuvres de Piganiol se succédaient rapidement quand en 1724, il publia son « Nouveau voyage en France », en un volume, « avec itinéraires et cartes faites exprès, qui marquent exactement les routes qu'il faut suivre pour voyager dans toutes les provinces de ce royaume. Ouvrage également utile aux Français et aux étrangers ».

On le voit, Piganiol avait, dès le début du xvin" siècle, eu l'idée des « guides » qui, par la suite, devaient devenir l'une des branches les plus vivantes de l'édition. Il faisait, en cela, figure de précurseur; aussi suscita-t-il une foule de disciples, voire d'imitateurs.

A la mort d'un de ses amis, Henri Edme, fils d'un des directeurs de la Compagnie des Indes, contrôleur des guerres à la suite du Régiment des Gardes Suisses, en 1734, Piganiol se fit recevoir dans la charge restée vacante. L'acquisition de cette charge n'était pas ruineuse; deux mille deux cents livres y suffisaient. Ses exigences n'étaient pas considérables car depuis le début du siècle elle inclinait à laisser un long loisir à son possesseur. Elle n'en conférait pas moins la noblesse, en permettant de porter le titre d' « Ecuyer », et en assurant un honnête revenu annuel de 1.933 livres (42).

« Le premier du mois de décembre (1737), Monsieur le Comte de Toulouse est mort fort regretté du roi et du public. C'était un bon prince. » Ainsi s'exprime le journal de Barbier (43), et Piganiol dira plus tard dans sa « Description de Paris » : « L'honneur que j'ai eu d'avoir été à son service pendant trente-neuf ans, en qualité de gouverneur de ses pages, me rend la perte que j'ai faite continuellement présente et augmente tous les jours des regrets qui ne finiront qu'avec ma vie (44). »

Que devint alors l'Ecole des pages ? « Elle se soutint pendant tout le temps que Monsieur Piganiol y présida », dit l'abbé Pérau (45). Sans doute faut-il en conclure que le duc de Penthièvre, fils unique du comte de Toulouse, âgé seulement de 12 ans à la mort de son père. ne sut la soutenir comme lui et que Piganiol, dans sa soixantième année, ayant résigné ses fonctions, l'école entra en sommeil avant de mourir de sa belle mort.

(42 Lettre de R-J. F-,diii~~ ? G- Dclolm d<-' Lalaubic, arcb. du Généra] de Négraval. Lettre du Colonel de Cossé-Brissac chet du Service historique de l'armée, à l'auteur, du 15 avril 199

',1V Çarbii.r Journal hist. et anecdntiauc du siècle. dt> I.nuÎK XV Parie IJK* s vni

(4-4) !.:IG"D!,L\ ':'. !)c,crirti()11 de Paris, de Versailles et de Marlv. )742 t. VUT n 747

u. m. tic la 11 le de Paris, 3e éd., 1765, avertissement. .P., -, -. -.,..I.


Devenu contrôleur des guerres, Piganiol se livra alors exclusivement à ses travaux d'érudition et à la préoaration des éditions successives de ses œuvres. En 1738 il donnait une « Description de Paris, de Versailles et de Marly » en 2 volumes. Son souci de controverse érudite lui fit aussi adresser des lettres au « Journal des sçavants x., au « Mercure de France » et à divers auteurs ou savants de son temps.

Par un codicille, en date du 7 juin 1701 (46), dicté à La Force en présence de plusieurs médecins et chirurgiens, Pierre Piganiol avait confirmé son fils dans la qualité d' « héritier général et universel ».

Deux mois après, le 10 août 1701, il était inhumé, auprès de sa première femme, dans l'église N.-D. d'Aurillac (47). Mettant à profit son voyage à Aurillac, Piganiol avait réglé la succession de son père. Il avait soldé les nombreuses fondations pieuses prévues, il avait traité avec « Messires les chanoines de Saint-Flour » (48), propriétaires du logement de sa belle-mère à Aurillac. Il avait aussi consenti un bail pour son domaine de La Force (49). Mais dès ce jour le fief de La Force et les « rotures qui en dépendent » devinrent une longue tracasserie pour Piganiol. Ce voyage de 1701 semble bien être le dernier qu'il fit à Aurillac.

Il lui fallait donc pour traiter avec ses fermiers faire appel à des intermédiaires. Ceux-ci ajoutaient encore à ses tracas. Il en fut ainsi de Marguerite de Puech, veuve de messire maître Etienne de Fargues, président en l'élection générale de la ville d'Aurillac, qui semblait surtout préoccupée de « jouir d'un cochon et du louage du château » et de ce Laporte, marchand bourgeois, peut-être son parent, qui pendant 30 ans fut plus prompt à adresser des mémoires de frais qu'à transmettre le montant des fermages (50).

En 1742, Piganiol écrivait à l'abbé Delolm de Lalaubie, proche voisin de La Force par son fief familial de Beillac : « Je ne compte pas d'aller finir mes jours dans ma chère patrie », et « Il est trop coûteux et trop désagréable de faire venir un petit revenu de si loin. La moitié en reste en chemin (51). » Quelque temps après il entreprenait avec Guy Delolm de Lalaubie, conseiller au Présidial et lieutenant principal en l'élection de la ville d'Aurillac, une longue correspondance, retrouvée récemment (52), qui aboutit à la vente de La Force le 15 décembre 1751 (53) pour la somme de 36.000 livres.

La dernière œuvre de Piganiol de La Force, est l' « Introduction à la description de la France et au droit public de ce Royaume, qui comprend tout ce qui s'observe auprès du Roy, l'état de sa Maison, ses titres, ses prérogatives, son cérémonial, ses officiers et ceux de sa Couronne », « le gouvernement ecclésiastique, civil et militaire de la France (54) ».

Un titre aussi explicite dit assez qu'après avoir décrit les Drovinces du

(46) A. D., minutes Cabrespine, 7-6 1701.

(47) Arch. Mun., actes d'inhumation de l'cglise N.-D., 10-8-1701.

48 (Jahresnine 7-6-70

(49) A. D., minutes Cabrespine, 5-6-1701.

(50) Lettres de Pie. de La F. à G. Delolm de Lalaubic. arch. du Général de Négrava]

(51) Lettres de Pie. de La F. à G. Delolm de Lalaubie. arch. du Général de Nésraval.

(52) Arch. du Général de Néeraval. - -

(531 M. C. Et. VI, 709. Minutes Silvestre. Paris. 15-12-17S1

(54) Chez Th. Legras, Paris, 1752, 2 vol, in-12".


Royaume, sa capitale et la résidence de son roi, Piganiol terminait son œuvre par la description des institutions de son pays.

Piganiol de La Force passa les dernières années de sa vie chez son filleul René-Jean Edme, avocat, fils de son ami Henri Edme. « .Monsieur Edme et moi vivons en même maison (55) », écrivait-il à Guy Delolm de Lalaubie. Il était donc, tantôt à Paris, rue de La Harpe, tantôt au château des Rouaudières, près de Cormenon, dans le Bas-Vendomois.

Les registres de la paroisse de Cormenon dont dépendait ce château des Rouaudières portent que « Le vingt et unième jour de r. ovembre mil sept cent cinquante, a été par nous prêtre curé de cette paroisse, soussigné, baptisé en la chapelle du château des Rouaudières, par permission obtenue de Monseigneur l'Evêque de Blois (Jean-François Le Fêvre de Caumartin), en date du 29 octobre de la présente année, Jean-Aymard, né du jour d'hier, du légitime mariage de Messire RenéJean Edme, avocat au parlement de Paris, seigneur des Rouaudières et de dame Anne-Nicole Picqllenot, ses père et mère; le parrain a été Messire Jean-Aymard Piganiol, écuyer, seigneur de La Force, en Auvergne, contrôleur des guerres à la suite du régiment des gardes suisses, ci-devant, gouverneur des Pages de feu S.A.S. Monseigneur le Comte de Toulouse; la marraine a été demoiselle Henriette-Marie-Françoise Edme, tante dudit enfant, qui ont signé avec nous. Dont acte.

R.-J. EDME PIGANIOL DE LA FORCE EDME FAUSSABRY, curé de Cormenon (55) Piganiol de La Force pensait de plus en plus à faciliter sa succession.

« Comme mon fief est le seul bien que je puisse laisser à mon héritier, je n'en veux pas dissiper le prix et j'en veux aussitôt faire un emploi (56) », écrivait-il à Guy Delolm de Lalaubie. A cette vente de La Force qu'il était pressé de voir se réaliser Piganiol avait mis une condition dernière : « Je me réduis à me réserver encore la faculté de porter le nom de La Force tant que je vivrai » (57) (6 octobre 1751). La condition fut acceptée et Guy Delolm de Lalaubie attendit le décès de son vendeur pour se faire appeler Delolm de Lalaubie de La Force. Peu de temps après, Piganiol cédait à son filleul, contre une rente viagère annuelle de 2.000 livres sa créance contre Delolm de Lalaubie (58).

« Je n'ai pas de grandes maladies, écrivait-il toujours au même correspondant, mais j'ai plusieurs infirmités (59). » C'est en considération de ces infirmités annonciatrices de son déclin qu'il avait fait son testament, le 20 novembre 1748 (60), confirmé par un codicille en date du 6 avril 1752 (61). Après quelques legs de sommes d'argent à ses nièces, Catherine Piganiol, épouse Granier de Belliac, Jeanne Piganiol, épouse

(55) Lettre à G. Delolm de t.a]anhif- nrrh ri" neral np NJpcrraval

(55 bis) Registres de la commune de Cormenon, 2-11-1750. — E. NOUEL, Notice sur J.-A.

Piganiol de La Force. Bull. de la Soc. Arch. du Vpndômn;" IRQQ n 176

- (56) Lettre à G. Delolm de Lalaubie. arch. du neral He Necrrnval

(57) Lettre ? G. Delolm de I.alanhie arrh Hn Honorai Miarrrairsi 1

(58) M. C. Et. VI. 718. Minlltps Silvpstrp Parie 18-1-17^9

(59) Lettre à G. Delolm fie ï alanhin arrh /lu rUrwW-il A* \Torrr-n'i 1

(60) M. C. Et. VI. 709 Minutes Sih;p"trp Parie 9n.11_n4fi

(61) M. C. Et. VI, 719. Minutes Silvestre', Paris. 6-4-1752.


Lantuejoul, de Saint-Antoine-de-Leynhac, et à son neveu Martin Piganiol, de Felgines, de Boisset, « il donne et lègue à Monsieur René-Jean Edme, mon filleul, avocat au Parlement de Paris. le surplus de tous mes biens. et à tous mes présomptifs héritiers collatéraux. à chacun 5 sols. ».

C'est en consultant les registres de la paroisse de Cormenon que nous avons appris que Jean-Aymard Piganiol de La Force mourut brusquement, comme le laisse entendre l'acte ci-après, au château des Rouaudières.

« L'an mil sept cent cinquante-trois et le dixième jour du mois de janvier, a été par nous prêtre curé de Boursay, doyen de Mondoubleau soussigné, inhumé dans le cimetière de céans, le corps de feu Messire Jean-Aymard Piganiol, écuyer, seigneur de La Force en Auvergne, contrôleur des guerres à la suite du Régiment des Gardes Suisses, cy-devant Gouverneur des Pages de Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Toulouse, lequel était âgé d'environ quatre-vingt-cinq ans et n'a pu recevoir que le sacrement d'extrême-onction, et ce, en présence de Messieurs les prêtres vicaires, cy-après dénommés : » François-Jacques Vérité, chanoine de Saint-Calais; » Jacques de Fretel, prieur curé de Saint-Marc; » Claude de La Morlière, prieur curé de Choue; » Claude-Pierre-François Buttin, prieur curé de Mondoubleau; » François-Julien Desveaux, curé de Saint-Cyr-de-Sargé; » Noël-Antoine Valin, curé de Saint-Martin-de-Sargé; » Michel Hubert, curé de Rahay; Pierre-Antoine Chaillou, Laurent Autreuil, François-René Bataillé, François-Achille Moriceau, Eustache Le Fèvre, Louis Faussabry, curé de Cormenon; Charles-Claude Aubert, conseiller du roy et procureur au grenier à sel de Mondoubleau; » Pierre-Louis Begenne et Jean-Baptiste Girard, marchands (62). »

L'assistance était nombreuses à ses obsèques. On n'y compte pas moins de 8 prêtres des paroisses voisines, un chanoine de Saint-Calais, plusieurs personnalités de Mondoubleau (63). Mais aucun membre de la famille Edme n'apparaît parmi les signataires, alors que René-Jean Edme écrit, de Paris, le 24 février 1752, à Guy Delolm de Lalaubie : « Il y a longtemps, Monsieur, que j'aurais eu l'honneur de répondre à votre dernière lettre, sans la maladie et la mort de Monsieur Piganiol, arrivée le 15 du passé à ma terre des Rouaudières. Je ne suis à Paris que de mardi dernier. (64). »

On ne saurait être plus bref dans l'oraison funèbre de son parrain !.

Dès les phrases suivantes, les vrais soucis du scripteur apparaissent et surgissent les mots d'héritage, de créances, d'intérêt, etc. La lettre

(62) Registres de l'état civil de la commune de Cormenon (L.-et-C.). 10-1-1753.

(63) J. A., Lettres percheronnes : Piganiol de La Force. Une erreur, in « Le Carillon du Vendômois », 2 mars 1899. — R. DE SAINT-VENANT, Notice sur J.-A. Piganiol de La Force, in « Dict. hist. du Vendômois », t. III, 1914-1915, p. 54.

(64) Lettre de R.-J. Edme à G. Delolm de Lalaubie, arch. du Général de Négraval.


.- uivante, du 17 mars, bt encore plus explicite : C Permettez-moi de vous dire uue la succession de feu Monsieur Piganiol n'est pas si consuierable qu'on se l'imagine et que tout bien apprécié, je n'y trouverai pas 20.000 livres (6). </ René-Jean oublie de mentionner que la rente viagère qu'il n'a, san-> doute, pas servie à son parrain lui avait permis de recouvrer la créance de 36.000 livres sur Guy Delolm de Lalaubie.

Quelque; année., plus tard, les Edme vendaient leur terre des Rouaudiere. L'indifférence des amis de Piganiol laissa bientôt tomber en déshérence une tombe Qui disparut à la fin du xvrn siècle, lors de la suppression du cimetiere paroissial. Les Rouaudières furent démantelées dans les dernières années du XIX" siècle par un propriétaire désireux de n'en plus payer les impôts (66;. Ainsi ne demeure-t-il pas davantage du château de La Force qui vit Piganiol enfant que de celui des Rouaudières où il rendit son dernier souffle, pas davantage, hélas! du cimetière campagnard qui abrita un temps sa dépouille.

- Si l'on réfléchit sur les occupations qu'une éducation aussi suivie (que celle des pages du comte de Toulouse} devait donner à Monsieur Piganiol et sur les fréquents voyages qu'il était obligé de faire à la Cour et ailleurs, à la suite du prince auquel il était attaché, on sera surpris qu'il ait pu, au milieu de tant de sujets de distractions, trouver encore assez de loisirs pour se livrer à de pénibles recherches et faire part au public du fruit de ses veilles. Ainsi s'exprime l'abbé r'érau, dans le long avertissement qu'il ajouta à l'édition posthume de la « Description historique de la ville de Paris et de ses environs (67). » En effet, les principaux ouvrages et les publications les plus importantes de Piganiol datent tous de l'époque où il 4 appartenait » au comte de Toulouse. Après la mort de ce dernier, il ne fit que reprendre toutes ses œuvres précédentes pour en donner de nouvelles éditions, corrigées, remaniées, augmentées suivant les cas. A telle enseigne que la * Description de Paris » qui comptait 2 volumes en 1736, en comportait 8 en 1742 et que la « Description de la France * passa de 6 volumes en 1718 à 13 volumes en 1753.

- J'ai toujours été surpris, dit Piganiol, que parmi tant d'écrivains que le règne de Louis le Grand a produits, il ne s'en soit point trouvé qui ait voulu nous faire connaître l'intérieur d'une monarchie, qui, depuis tant de siècles, fait une si grande figure dans le monde, et que nous n'ayons pas encore une description particulière de la France qui mérite la peine d'être lue (68). » Tel était le but poursuivi par Piganiol qui ne se leurrait pas sur les multiples difficultés que supposait son entreprise; « Une bonne description de la France est d'ailleurs difficile à faire, et les retours n'en sont point aussi flatteurs que ceux d'un ouvrage moins utile mais plus flatteur », dit-il dans le même avertissement, non sans une pointe d'amertume. Mais « son amour de la patrie », le « goût pour ce genre d'érudition ,> et la « gloire de montrer le chemin » à ses successeurs lui donnèrent le courage de persévérer pendant plus de 50 ans.

dans la voie qu'il s'était tracée.

(65j Lettre de R.-J. Edmc à G. Delolm de Lalaubie. arch. du Général H p. Mpcrraval

(66) J. ALEXANDRE, Le château, des Rouaudières, Vendôme, 1905. — Notice sur les Rouaudières, Dict. hist. du Vendômois. t. ITT. 1914-1915 n Jin

(67) D. H. de la Ville de Paris. 3e érï 17AS îivprticçpmpnt

(68) PIG. DL LA FORCE, Introduction à la Description de la France, 1752, avertissement.


« Pour l'exécution de ce dessein, dit Piganiol, j'ai consulté tout ce qu'il y a d'imprinté et un grand nombre de mémoires manuscrits que j'ai ramassés de tous côtés. Les Etats des Généralités que Messieurs les Intendants départis dans les provinces avaient dressés pour l'intruction de feu Monseigneur le duc de Bourgogne sont sans doute ce qui a fourni ce qu'il y a de plus utile dans celte compilation. Cependant, j'ose dire que j'ai reçu peu de mémoires qui n'aient été corrigés ou perfectionnés (69). »

Pour parfaire son travail Piganiol n'hésitait pas à faire appel à des érudits locaux, comme le montre la lettre suivante, adressée à Bouhier de Savigny, président à mortier du Parlement de Dijon, membre de l'Académie française et collaborateur du Journal de Trévoux et du Mercure (1673-1746) :

« Monsieur, » Malgré l'indulgence que le public a eue pour quelques ouvrages que je lui ai donnés, je n'oserais me flatter que mon nom soit parvenu jusqu'à vous. Il ne m'en eût pas fallu davantage pour m'empêcher de prendre la liberté de vous écrire si la voix publique ne m'avait appris que vous communiquez vos lumières avec la même facilité que vous les avez acquises et qu'il n'y a jamais eu, Monsieur, de sçavant plus communicatif que vous.

» C'est dans la confiance de votre caractère bienfaisant que je me hasarde de vous écrire et de vous dire, Monsieur, que je travaille actuellement à augmenter et perfectionner la quatrième édition de ma « Description de la France ». Comme un des principaux mérites des ouvrages qui ne sont point de pure imagination consiste dans l'exactitude, j'ose vous prier très humblement, Monsieur, d'avoir la bonté de m'envoyer une copie fidelle des inscriptions qu'on a mises sur le piédestal de la statue équestre érigée dans la place royale de Dijon.

» Il y a quelques années qu'on donna dans un Mercure de France, deux distiques latins apparemment pour pressentir le goût du public sur ces deux inscriptions dont l'une commence : « Dum magno hi statuam, » etc. » et l'autre par ces nwts-cy : « Quisquis equum spectas », etc.

» La première parut même dans le Mercure, traduite en quatre vers français, mais depuis ce temps-la, je n'en ai plus entendu parler et j'ignore si on les a gravées sur le dit piédestal ou si on en a mis d'autres.

Le public et moi vous seront très obligés, Monsieur, si vous voulez bien nous faire connaître les inscriptions qui sont audit piédestal et les noms de ceux qui en sont les auteurs.

» J'ai l'honneur d'être, avec bien de l'estime et beaucoup de respect, votre très humble et obéissant serviteur.

» PIGANIOL DE LA FORCE.

» Mon adresse est à mon nom en la maison de M. Dinet, Procureur au Parlement, rue Saint-Hyacinthe, à la Porte Saint-Michel, Paris (70). »

(69) PIG. DE LA FORCE, Introduction à la Description de la France, 1752, avertissement.

(70) B. N., fr. 24.421, p. 195.


Telle est donc la méthode d'un travail que Piganiol de La Force qualifiait lui-même de compilation. D'édition en édition, il tentera de compléter ses ouvrages, et ce souci primera pour lui celui du style. Très honnêtement, il reconnaît ses limites. Il ne sait rien de la sculpture et peu de choses de la peinture. Il ne s'en cache pas et va jusqu'à souhaiter l'aide de « quelques écrivains » en cette matière. « Il faudrait être bien éperdûment prévenu en sa faveur pour oser se flatter que dans un ouvrage aussi étendu. ne se soient glissées beaucoup de fautes », dit-il (71). Et de faire appel à l'indulgence, voire à la collaboration du public. Ailleurs, il fait allusion à la « grande facilité à varier les expressions » qui serait si nécessaire dans son travail. L'abbé Pérau lui fait écho, disant : « Il faut cependant convenir que les écrits de Monsieur Piganiol tiraient plutôt leur prix de son érudition et de ses recherches que de sa manière d'écrire, car sa diction est trop unie, quelquefois même négligée (72). »

Et c'est Piganiol, lui-même, qui dit modestement à propos de son travail : « L'homme du monde dont l'esprit est le plus borné réussit toujours quand il s'attache sans relâche à un même genre d'étude (72 bis). »

Piganiol de La Force a souvent emprunté à ses prédécesseurs Malingre, du Breul, Le Maire, Germain Brice, Doms Félibien et Lobineau, Sauvai. Aucun de ceux-ci n'avaient cependant fait un travail aussi méthodique, aussi systématique, peut-on dire, que lui. Ses contemporains ne s'y trompèrent point, puisqu'ils accordèrent à ses ouvrages un succès qu'attestent les nombreuses éditions successives (73). Il devint, pour ainsi dire, classique dans son genre et, à son tour fut imité, pillé, plagié, démarqué. Des libraires français ou étrangers publièrent même des ouvrages qui étaient de simples copies à peine modifiées. La chose était possible en un temps où les droits d'auteur n'étaient pas protégés.

Piganiol fut même traduit en allemand. J.-F. Bielke, en effet, publiait à Iéna, en 1723, un gros volume de 600 pages, in-8, sous le titre « Neuester Staat von Frankreich », précédé d'une longue et très élogieuse préface de Struwe, bibliothécaire de l'Université d'Iéna.

« Nous ne dissimulerons pas, dit l'abbé Pérau (74), que Monsieur Piganiol qui, dans le commerce du monde était d'un caractère doux et liant, n'était pas tout à fait le même lorsqu'il s'agissait de littérature.

Il avait une tendresse d'auteur pour ses productions et pour ses recherches. Et lorsqu'on courrait avec lui la même carrière, ou qu'on faisait usage, sans le citer, de quelque découverte qu'il croyait avoir faite le premier, sa bile s'allumait facilement. » Il eut ainsi de nombreuses controverses avec l'abbé de Longuerue, M. Vosgien, le P. Texte, le P.

Anselme ou M. de Laroque, mais plus particulièrement encore avec

(71) PIG. DE LA FORCE, Introduction à la Descrintirm rlp ln Frnnrp

(72) D. H. de la Ville de Paris. éd. 176S avcrtUcf.mr.nr

(72 bis) Introduction à la Dpcrrintinn RTA Ir, ¡;-;';,;';:,;---'::::; + s. A nn

(73) Maurice DUMOULIN, Notes sur les vieux guides de Paris. Mémoires de la Soc. d'Hist.

(73) Maurice DUMOULlN, Notes sur les vieux guides de Paris. Mémoires de la Soc. d'Hist.

de Paris, t. XLVII. - Ph. DESCOUX, La description de Paris de Pig. de La F., « Gazette des Beaux-Arts », t. I, 1908, p. 329. M. BARROUX, Le département de la Seine et la Ville de Paris.

Notions générales et blhltner. nntjr PM J'ru/io.. l'I,;,'r;..n Dn_; mm

(74) Pig. de La F., D. H. de la Ville de Paris, 1765, avertissement.


U C.mtal 5tlQ V»IU« ,U R,»nt» Chir»»» ,U 1 ;

Ruines du château de La Force, a Rouffiac, Commune de Saint-Simon.

Le château des Rouaudières, à Cormenon, près de Mondoubleau (/. et L.)



Germain Brice, mort en 1727, qui est de tous les écrivains celui qu'il a le plus maltraité.

En voici un exemple tiré de la préface de la « Description historique de la ville de Paris ». Piganiol vient de citer les éditions successives de ses « Descriptions » et il ajoute : « Toutes ces descriptions allumèrent tellement la bile de Germain Brice et blessèrent si sensiblement son amour-propre qu'il oublia la force des termes et franchit les bornes de la modestie qui sied si bien aux honnêtes gens. Non seulement, il se crut un auteur original mais il eut même la faiblesse de le faire imprimer.

Brice avait plus de raison qu'il ne pensait de se croire original mais c'était dans un sens qui a fait dire à un grand philosophe, bel esprit (le Père Malebranche), qu'il y avait dans le monde plus d'originaux qu'on ne croyait.

» Nous n'avons garde d'excuser M. Piganiol, conclut l'abbé Pérau, sur sa trop grande sensibilité. Nous ne voudrions pas cependant que l'on en tire des conséquences désavantageuses sur le fond du caractère d'un homme très estimable par ailleurs. On peut être un très honnête homme comme il l'était en effet et avoir de l'humeur et quelques travers. Ce sont des taches si l'on veut, mais sur lesquelles il ne faut pas porter des jugements trop rigoureux. Non ego paucis offendar maculis (75). »

L'académicien Boissy, son compatriote vicois, dira d'ailleurs un jour à Piganiol : « Je rends hommage à la philosophie » Qu'au milieu de la cour on te voit cultiver.

» Ta vertu sans reproche a su s'y conserver » Et n'a pris de ces lieux que l'écorce polie (76). »

Piganiol de La Force jouit d'une très grande notoriété pendant tout le XVIII" siècle. Son œuvre, longtemps considérée comme classique, n'a pas cessé d'être consultée avec profit par tous les historiens. De nos jours encore, elle constitue une masse de renseignements auxquels il est souvent fait appel, même par les auteurs de manuels d'histoire à l'usage des classes (76 bis). M. Roger Grand, ancien archiviste en chef du Cantal et éminent académicien, dit de Piganiol qu' « il est instruit, véridique et paraît de jugement très sincère et équitable », tandis que René Héron de Villefosse, l'historien de Paris, confirme que son œuvre est « une des sources valables de l'histoire de Paris » et que « pendant des années, il a eu à portée de sa main l'exemplaire de Piganiol illustré dans les marges par les dessins originaux de Gabriel de Saint-Aubin qui devait se promener dans Paris, cet exemplaire à la main et croquait les silhouettes des édifices qui lui plaisaient (77). »

(75) PIG. DE LA F., Description hist. de la Ville de Paris, 3E éd., 1765, avertissement.

(76) Cité par MIJOULE, Le premier Auvergnat de l Academie française, « Revue de la HauteAuverenc », 1929-1930, p. 205.

(76 bis) Victor-L. TAPIE, Les temps modernes, 1492-1789, classe de 3', Paris, Hatier, 1960.

— Le lever du roi, p. 249, extrait de l'Introduction à la description de la France, t. I.

(77) E. DACIER, La description de Paris de Pig. de La F., « Rev. de l'art ancien et moderne », t. XIII, 1908, p. 241. — E. DACIER, Une description de Paris de Pig. de La F., illustrée par G. de Saint-Aubin, « Bull. de la Soc. de l'art français », 1908, p. 13. — E. DACIER, Gabriel de Saint-Aubin, peintre, dessinateur et graveur, Paris, 1931.


Piganiol de La Force a consacré de nombreuses pages à la HauteAuvergne. Les Aurillacois lui doivent la seule description qui puissent leur permettre une évocation précise de ce que pouvait être leur ville avant que les vandalismes privés ou public supprimassent les plus convaincants vestiges de son passé (78).

Rapportons pour finir l'opinion de deux contemporains. Le premier, l'abbé Pérau, dit : « Tout ce qui est parti de sa plume porte le caractère d'un très honnête homme et d'un vrai citoyen (79). » Et l'abbé Lenglet Dufresnoy, auteur d'une « Méthode pour étudier l'histoire » (80) déclare : « Cet auteur, un de nos meilleurs et de nos plus judicieux écrivains, est d'une scrupuleuse exactitude sur les historiques et, ce qui est un phénix dans un homme de lettre, il joint à un savoir profond et varié, une grande probité, beaucoup d'honneur et tout le savoir-vivre d'un habile courtisan. »

André MUZAC.

ADDENDUM

Nous donnons ici deux lettres de Piganiol, exemples typiques des controverses érudites qu'il entretenait avec les savants de son temps et de la façon dont sa « bile s'allumait ».

LETTRE DE M. PIGANIOL DE LA FORCE A M. S.

Je fus bien mortifié, Monsieur, il y a deux ou trois jours, de n'avoir pu vous instruire dit différend littéraire qui est entre M. l'abbé Lavocat, docteur en théologie de la Faculté de Paris et bibliothécaire de la Maison de Sorbonne, M. Vosgien, chanoine de Vaucouleurs et moi. Il y a quelque teins que travaillant à une nouvelle édition de ma « Description de Paris x, il me tomba entre les mains un livre qui regarde la Faculté de Médecine de cette ville, et qui est intitulé : Décréta, ritus, usus, Laudabiles Saluberrimi Medicorum Parisiensium Ordinis Consuetudines Imprimé à Paris, chés Jacques Quillau, en 1714, un volume in-12.

Dans ce même volume est aussi renfermé un magnifique panégyrique de cette Faculté, composé et prononcé par Gabriel Naudé, ce bibliographe si sçavant. L'orateur y loue, comme il devait, ces grands sujets que cette Faculté a produits en différens tems, et n'a garde d'oublier Robert de Douay, chanoine de Senlis, et médecin de la Reine Marguerite de Provence, femme du roi Saint-Louis. Naudé y apostrophe les médecins de Paris, et leur dit que ce vertueux et grand médecin les a associés à la gloire et à la réputation qu'il s'est acquise par le legs considérable qu'il fit à cette maison célèbre qui prit ensuite le nom de Robert de Sorbon : Quae postea à Roberto Sorbone, Sorbona nomen auspicato nacta est. Goûtez à longs traits la gloire qu'il vous a acquise, ainsi que

(7Pu,, DE L\ F., Desc. de la France, 3e éd., 1754, t. XI.

( ) PIG. DE LA F., Description historiaue de la Ville de Paris- -le éd. 17AS AVPRTISSPMPNT.

(80) Méthode pont étudier l'histoire, Paris, 1772, 15 vol., - par LENGLET-DUFRESNOY.


ces propres paroles de son testament (1) : Mille et quingentas libras Parisienses reliquit adopus quorumdam Scholarium quos, intendebat facere exconsilio Magistri Roberti de Sorbona in Theologia Studentium.

Ces quinze cents livres parisis étaient alors une somme considérable.

Dès que j'eus fait cette petite découverte, je résolus de la vérifier sur l'original de ce testament qui est gardé dans les Archives de la Sorbonne.

J'y allais voir M. Salmon, qui en était pour lors bibliothécaire, et qui non seulement me fit voir ce testament, mais eut encore la politesse de m'aider à le collationner avec le mien, c'est-à-dire avec celui qui est rapporté par Naudé. Dès lors, je n'hésitai plus à regarder Robert de Douay comme le fondateur de la Sorbonne, mais lorsque ma quatrième édition de Paris parut, en 1742, je ne fus pas peu surpris de ce que M. l'abbé Lavocat me fit donner avis par M. l'abbé d'Alainval, que je m'étais trompé sur le fondateur de la Sorbonne. Je répondis à cet abbé que cela ne pouvait point être, parce que j'avais composé cet article sur l'Acte qui est dans les Archives de la Sorbonne.

Depuis ce tems-là M. l'abbé Lavocat m'a fait dire les mêmes choses par un avocat d'Auvergne, nommé M. de Fraissi de Sestrières (A), qui est de ses amis et des miens, et je lui fis la même réponse que j'avais faite à M. l'abbé d'Alainval. Enfin un homme que je ne nomme point, et qui prend à Robert de Sorbon pareil intérêt que les moines prennent à leur fondateur, a produit la clause du Testament de Robert de Douay, et en y ajoutant ce mot de Novorum de sa façon, a bâti un système singulier. Il rapporte d'abord l'article du Testament, mais au lieu de le rapporter tel qu'il est, et tel que je l'ai rapporté ci-dessus, il le falsifie en y ajoutant : Novorum Scholarium in Theologia Studientium. Par le mot de novorum, il prétend établir deux sortes de boursiers dans le collège de Sorbonne. Mais il est plus aisé d'altérer un titre que de faire une fondation. Par l'intromission de ce mot de novorum, il renverse les tems et les faits, pour établir un système qui n'est pas celui de la vérité, et qui est d'une grande conséquence. M. Vosgien n'y pense pas quand il dit que je n'ai pas fait attention que ce legs est du 13 mai 1258. Je vais lui prouver le contraire par les paroles du testament, rapportées dans le Panégyrique de la Faculté de Médecine de Paris, et que j'offre de faire

(1) Voici la note que Naudé a mise au bas de la page où est la clause de ce testament ci-dessus rapportée : Testamentum illucl legendum, exscrihcndum, ex archivis Sorbona, mihi tradidit vir multiplici doctrina, et anliqua morum integritate spectandus Edmundus Richerius, Doct. Sorb. eï Cardinalilii Collegii Moderator supremus.

« Mercure de France. »

Copie faite sur l'exemplaire appartenant à la Bibliothèque de l'Institut Catholique de Paris.

(A) La famille de Fraissy a donné de nombreux avocats. Le plus célèbre fut Pierre de Fraissy, consul en 1650 et 1660, dont Lombard lit en 1669 le portrait conservé au Musée des Beaux-Arts d'Aurillac. L'ami de Piganiol pourrait être Raymond de Fraissy, qui était mort en 1751, ou François de Fraissy, qui vivait à la même date, (A. D., E 441), ou plutôt ce « feu Jean de Fraissy de Sistrières juge prébidial et d'appeaux du Carladès » dont Piganiol parle dans sa Description de la France. t. XI. D. 302. éd. 1754. rubriaue d'Aurillac.

(B) Le titre de ce dernier ouvrage est : Dictionnaire géographique portatif, ou description des Royaumes, provinces, villes, patriarchats, évêchés, duchés, comtés, marquisats, villes impériales et anséatiques, ports, forteresses, citadelles et autres lieux considérables des quatre parties du monde. Traduit de l'anglais sur la treizième édition de Laurent Echard. par Monsieur Vosgien, chanoine de Vaucouleurs, à Paris, chez la veuve Didot, 1747.

Un avis ajouté à l'avertissement de la 2' édition reprend la controverse objet de la lettre de Piganiol.

Quant au « Journal des sçavants », il fait dans son numéro de février 1748, p. 120, un compte rendu du Dictionnaire portatif qui n'est rien d'autre qu'un résumé de sa préface et un écho de la controverse,


voir à quiconque le souhaitera. Il y est dit : Mille et quingentas libras Parisienses reliquit ad opus quorumdam Scholanum quos mtendebat facere ex consilio Magistri Roberto de Sorbona in Theologia Studentium.

Que M. Vosgien me suive. Est-il parlé là d'une fondation déjà faite ?

Non assurément, pas même d'une qui fût commencée ou sur le point de l'être ad ODUS auorumdam Scholarrium quos intendebat facere qu'il avait l'intention de faire. Ex consilio Magistri Roberti de Sorbona, suivant.

l'avis de M, Robert de Sorbone. Cette fondation paraît avoir été faite vers l'an 1252, et nous n'en connaissons point ici qui fût plus ancienne.

Jusques ici personne n'a trouvé encore cette distinction d'écoliers anciens et d'écoliers nouveaux, inventée et produite par M. Vosgien et par la personne que je ne nomme point. Voyez le Journal des Sçavants du mois de février 1748, et le Dictionnaire géographique ci-devant portatif (B).

J'ai l'honneur, etc.

A Paris, ce 1er avril 1748.

LETTRE ÉCRITE LE 28 JANVIER 1733 A MONSIEUR DELAROQUE, L'ANTIQUAIRE (1)

Monsieur, J'ignorerais encore que vous vous plaignés de Dom Beaunier, Religieux Bénédictin, et de moi, si un de mes amis ne m'avoit averti que dans le Mercure de France du mois d'octobre dernier, vous nous attaquiés tous deux sans ménagement, et sans raison.

Je lus ce Mercure, et je trouvais que vous nous accusiés d'avoir profité de ce que vous aviés appris au public touchant la chasuble de saint Regnobert, qu'on garde dans la sacristie de l'église de Bayeux, « et d'avoir trouvé à propos l'un et l'autre de nous en faire honneur, sans déclarer où nous avions pris cette découverte, ce qui n'arrive jamais aux véritables sçavans (2) ».

Dom Beaunier et moi n'avions pas besoin de votre décision pour nous détacher du titre de véritables sçavans, nos sentiments sont naturellement plus modestes, mais nous allons faire voir au public que nous ne nous sommes point fait honneur de rien qui vous appartienne. Je parle icy au nom de Dom Beaunier, et au mien, quoiqu'il ne m'ait pas chargé de parler pour lui, mais comme il m'a fait l'honneur de me copier fidèlement en plusieurs endroits de son livre, et surtout dans celui que vous réclamés comme une de vos découvertes, je suis devenu son garant, et je dois par reconnaissance l'associer aux raisons que je vais alléguer pour ma déffense.

Quelque répugnance qu'un honnête homme ait à parler de lui, vous

(1) Ainsi surnomme pour le distinguer de son frère, auteur putatif du « Mercure de France".

(2) « Mercure de France » du mois d'octobre 1732, p. 2122.


me forcés, Monsieur, de rappeler icy quelques faits que vous avés supprimés, ou déguisés, et dont la connaissance est néanmoins nécessaire pour découvrir si votre accusation contre nous est fondée, ou non.

En 1718, je donnais au public une Description de la France qui fut imprimée à Paris. En 1719, il en parut une autre édition faite à Amsterdam; et en 1722 une troisième faite à Paris, et considérablement augmentée. Je donnais en 1724, pour la commodité de ceux qui voyagent, un abrégé de cet ouvrage sous le titre de Nouveau Voyage de France. De son côté, Dom Beaunier donna en 1726 un Recueil historique, chronologique et topographique des Archevêchés, Evêchés, Abbaïes et Prieurés de France tant d'hommes que de filles, de nomination, et collation royale.

Tout ce que j'ai dit dans les trois Descriptions de la France, se réduit à trois chefs : 1° J'ai remarqué que dans la sacristie de l'église de Bayeux, on garde une relique qu'on nomme « La chasuble de saint Regnobert », et qu'elle est enfermée dans une cassette d'yvoire sur laquelle il y a une inscription; 2° Que cette inscription était en langue arabe et écrite en ancien caractère arabe appelé couphi ou cuphique. et que M. Petis de la Croix avait été le premier qui en avait connu les caractères, et qui l'avait traduite en notre langue; 3° Qu'il était mal aisé d'expliquer comment cette relique, et la cassete à inscription mahométane se sont trouvées ensemble, mais que le R.P. de Tournemine avait donné là-dessus une conjoncture également ingénieuse et satisfaisante.

J'ai répété les mêmes choses dans le Voyage de la France, à cela près que comme c'est un abrégé je n'ai point nommé le R.P. de Tournemine, mais l'ayant nommé dans les trois éditions de la Description de la France, on voit bien que cet oubli n'est point affecté. D'ailleurs, ce n'est point à vous, Monsieur, de vous en plaindre. Or dites-moi, Monsieur, en quoi consiste donc cette découverte pour laquelle vous faites tant de bruit ?

Seroit-ce que vous nous avés dit que dans la sacristie de l'église de Bayeux, on gardoit la chasuble de S. Regnobert dans une cassette d'yvoire, etc. ? Mais M. Hermant, curé de Maltot, l'a dit dans son Histoire du diocèse de Bayeux, imprimée à Caen, en 1705. D'ailleurs quelqu'un qui donnerait à cette remarque le nom de découverte, serait aussi ridicule que celui qui en disant que la châsse de sainte Geneviève est à Paris dans l'église royale qui porte le nom de cette sainte, prétendrait avoir découvert quelque chose de bien caché, et de bien nouveau.

Serait-ce parce que vous auriés connu le premier, les caractères de l'inscription, ou bien parce que vous l'auriés traduite ? Cela ne peut point être, car vous nous avés dit vous-même que ce fut M. Petis de la Croix qui fit l'un et l'autre.

Ce n'est pas non plus pour avoir découvert comment la chasuble de S. Regnobert, et la cassette à inscription mahométane se sont rencontrées, car le R.P. de Tournemine est le seul, que je sache, qui ait donné sur cette rencontre une conjecture vraisemblable.


Peut-être regardés-vous comme une découverte d'avoir appris a ceux qui ne le sçavoient pas, que c'étoit M. Petis de la Croix qui avoit tradu en notre langue l'inscription mahométane ? Mais de bonne foi, Monszeur, ce petit courtage de littérature mérite-t-il le nom de découverte. Non assurément mais il me fait souvenir de ce qu'on a dit au sujet dun sonneur de Saint-André-des-Arcs. Un prédicateur y fit un sermon si solide, et si éloquent, que les applaudissements continuels qu'on lui don-

noit parvinrent jusqu'au sonneur. Celui-ci, homme infatué de lui-même, se croyant en droit de partager l'honneur qui revenoit de ce sermon, crioit de toute sa force : « Messieurs, Messieurs, c'est moi qui l'ai sonné. »

Si vous n'êtes pas ce sonneur-là, Monsieur, il faut du moins convenir que vous lui ressemblés beaucoup.

Après cette victoire chimérique que vous croyés avoir remportée sur Dom Beaunier, et sur moi, vous courés à une autre qui ne l'est pas moins. Vous dites qu'étant allé au prieuré de Saint-Vigor-le-Grand, un moine de cette maison, âgé de près de quatre-vingt-dix ans, vous donna une copie du procès-verbal de la cérémonie observée le 15 may de l'an 1662 à l'entrée solennelle que François de Nesmond, Evêque de Bayeux, fit dans sa ville épiscopale. Il ne fallait pas aller à Saint-Vigorle-Grand pour faire cette découverte, car M. Hermant, que j'ay cité, a rapporté cette même cérémonie, page 481, et suivantes. Cette cérémonie est d'ailleurs toujours la même, et lorsque M. de Luynes prit possession en personne de l'Evêché de Bayeux, il y a quelques années, elle fut renouvelée, et le chevalier de Saint-Jory, qui écrit avec autant d'esprit que d'agrément, en donna une relation exacte et élégante. Après ces deux écrivains, vous auriés dû, Monsieur, faire grâce au public, et vous dispenser de le fatiguer par une cérémonie que les uns sçavent et que les autres regardent avec indifférence toutes les fois qu'il n'est point amené par les circonstances du tems. Cependant, vous ne faites aucun quartier là-dessus, et vous le raportés tout entier dans le Mercure de France. Vous vous êtes sans doute flatté qu'en faisant venir le moine de Saint- Vigor-le-Grand sur la scène, et qu'en disant beaucoup de mal de l'histoire de M. Hermant, et de la relation du chevalier de Saint-Jory, le public ne vous soupçonneroit point d'avoir copié votre relation d'après les leurs. Comme vous avés toujours au bout de votre plume des hommes anonymes tout prêts à vous servir, et à vous louer, vous leur faites dire que l'histoire de M. Hermant n'est « qu'une ébauche peu exacte du côté de la chronologie et qui ne donne pas grande idée de la critique de l'auteur ». Quant au chevalier de Saint-Jory, vous décidés, sans fiction, et sans détour, que sa « relation est pleine d'emphase, et de choses déplacées, et qu'elle n'a plu à personne ». Pour la votre, Monsieur, elle a toutes les qualités de celles que vous avés copiées; mais dès que ces deux écrivains ne vous ont plus servi de guides, vous n'avés plus sçu où vous en étiés, et vous êtes tombés en des fautes d'autant moins pardonnables qu'elles défigurent des faits qui se sont passés sous vos yeux. Vous nous dites que M. de Nesmond, Evêque de Bayeux, est mort en 1714, et que l'abbé de Lorraine lui succéda. Il n'y a pas là un mot de vrai. M. de Nesmond ne mourut que le 16 de juin de l'an 1715; ce fut le Cardinal de la Trémoille qui lui succéda immédiatement, mais ce ne fut qu'au commencement du mois de février 1716. Ce Cardinal ayant été transféré à l'Archevêché de Cambray au mois de may 1718, François Armand


de Lorraine fut nommé en même temps à l'Evêché de Bayeux. Ce ne sont pas là des fautes d'impression, car il n'y a pas d'ouvrier, c'est à dire de compositeur, qui mette l'abbé de Lorraine pour le Cardinal de La Trémoille. D'ailleurs vous les auriés corrigés dans les deux errata que vous avés déja donnés dans le mois d'octobre dernier.

Il vous eût été aisé, Monsieur, d'éviter ces méprises grossières, car il n'y a personne à Bayeux et à Caën qui ne vous eut mis au fait du tems de la nomination, et de la suite des derniers Evêques de Bayeux, mais une fausse honte vous a retenu, et vous avés mieux aimé vous tromper, que d'avouer à quelqu'un que vous ignoriés des faits aussi connus. Cependant, vous voulés faire accroire au public que vous avés trouvé en Basse-Normandie, c'est-à-dire un des pays du monde où il y a le plus d'esprit, et de sçavoir, des gens qui non seulement ont eu la patience de vous entendre lire ce que vous avés écrit sur Bayeux, mais qui même vous ont applaudi. Il n'a manqué aux louanges qu'ils vous ont données, que celle de vous avoir jugé capable de redresser la chronologie de l'Histoire de M. Hermant. Ce dernier trait auroit achevé leur portrait et le vôtre.

Je suis, Monsieur, etc.

PIGANIOL DE LA FORCE.

(Extrait du Mercure de France, 1733.)

ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE DES ŒUVRES DE PIGANIOL

Nous avons tenté, nous reportant au catalogue général de la Bibliothèque nationale, à celui de la Bibliothèque de l'Institut Catholique de Paris, aux références prises dans les ouvrages qui traitent de Piganiol ou dans les catalogues des libraires antiquaires, faisant enfin appel à notre bibliothèque personnelle, d'établir cette bibliographie.

« Il faudrait, comme dit notre auteur, être bien éperdument prévenu en sa faveur » pour penser qu'aucune erreur ne s'est glissée dans un tel essai. Comme lui, nous nous excusons auprès du lecteur et faisons appel à sa collaboration bienveillante pour rectifier toute mention erronée ou réparer toute omission.

Nous mentionnons des œuvres que certains auteurs attribuent à Piganiol, telles celles éditées chez Saugrain. Des bibliographes plus qualifiés pourraient seuls faire des attributions exactes Pour que nos sources soient bien précisées, nous les indiquerons entre parenthèses après la mention de chaque ouvrage. Pour plus de facilités, nous userons d'abréviations pour les références les plus répétées.

B.N. = Catalogue général de la Bibliothèque nationale.

B.I.C. = Catalogue de la Bibliothèque de l'Institut Catholique de Paris.

C.L.A. = Catalogue de libraires antiquaires.

A.M. = Ouvrages m'appartenant.


1701 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly contenant une explication historique de toutes les peintures, tableaux, statues, vases et ornements qui s'y voient, leurs dimensions et les noms des peintres et des sculpteurs qui les ont faits.

A Paris, F. et D. DELAULNE, 2 vol., in-12 (ll'C édition).

(B.N.).

Naudaeana et Patiniana, ou singularités remarquables prises dans les conversations de MM. Naudé et Patin.

A Paris, 1 vol., in-12.

(Cité par P. LAROUSSE, in Grand dictionnaire universel du XIXe siècle.) (1).

1703 Naudaeana et Patiniana, ou singularités remarquables prises des conversations de MM. Naudé et Patin.

Seconde édition revue, corrigée et augmentée d'additions au Naudaeana qui ne sont point dans l'édition de Paris.

A Amsterdam, François VAN DER PLAATS, 1 vol., in-12, 2 portraits.

(B.I.C., B.N., le catalogue de la B.N. dit : « édité par Piganiol ».) 1707 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly. (T édition).

A Paris, F. et P. DELAULNE, 2 vol., in-12.

(B.N.).

1708-1711 Le nouveau Mercure, dédié à Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince Souverain des Dombes.

A Trévoux, se vend à Paris chez Jacques ESTIENNE, 14 vol., in-12 (en collaboration avec l'abbé Augustin NADAL).

Janvier 1708 - avril 1709; janvier 1711 - mai 1711.

(B.N.) (2).

1713 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly. (3e édition).

A Paris, F. et P. DELAULNE, 2 vol., in-12.

1715 Description géographique et historique de la France.

A Paris, 5 vol., in-12.

(Cité par P. LAROUSSE, Gd Dict. Univ. du XIXe s.) 1716 Les curiositez de Paris, de Versailles, de Marly, de Vincennes, de Saint-Cloud et des environs, avec les adresses utiles pour trouver facilement tout ce qu'ils renferment d'agréable ou d'utile., par M.L.R.

A Paris, SAUGRAIN l'aîné, 1 vol., in-12, pl.

(B.I.C.).

1717 Les délices de Versailles, de Trianon et de Marly, contenant une explication historique de toutes les peintures, tableaux, statues, etc.

A Amsterdam, 2 t., reliés en un seul, in-16, 5 pl., 38 gravures.

(C.L.A. Picard, 2/1958.) 1717 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly (4e édition).

A Paris, Florentin DELAULNE, 2 vol., in-12.

(A.M.).


1718 Nouvelle description de la France dans laquelle on voit le gouvernement général de ce royaume, celui de chaque province en particulier et la description des villes, maisons royales, châteaux et monuments les plus remarquables, avec la distance des lieux pour la commodité des voyageurs (l10 édition).

A Paris, Théodore LE GRAS, 6 vol., in-8".

(B.N.).

Nouvelle description de la France.

A Paris, Théodore LE GRAS, 5 vol., in-12.

(DUMOULIN, Notes sur les vieux guides de Paris, in « Mémoires de la Société de l'histoire de Paris », t. XLVII, p. 261.) Nouvelle description de la France.

A Paris, la veuve de Florentin DELAULNE, 5 vol., in-12.

(DUMOULIN, op. et loc. cit.) (3).

1719 Nouvelle description de la France. Amsterdam (4).

1722 Nouvelle description de la France.

Seconde édition corrigée et augmentée considérablement.

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 6 vol., in-12 (5).

(B.I.C.).

Nouvelle description de la France. (3" éd.).

A Paris, Théodore LE GRAS, 7 vol., in-12 (6).

(B.N.).

1723 Les curiosités de Paris.

A Paris, Claude-Marin SAUGRAIN, 1 vol., in-12.

(B.N. Le catalogue de la B.N. dit : « Edité par Piganiol. ») Neuester Staat von Frankreich, darinnen eine kurtze Einleitung zum Jure Publico und Historie dieses miichtigen Konigreichs. nicht weniger accurate Nachrichten von Kôniglicher Salb-und Crônung auch andere DenckiDûrdigkeiten zu finden.

A Iéna, Johan Félix BIELCKE, 1 vol., in-8", 600/24 pp.

(Universitâts-Bibliothek Iena.) (7).

1724 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly. (5" édition).

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 2 vol., in-12, pl.

(A.M.).

Nouveau voyage de France, géographique, historique et curieux, 1 vol., in-12.

(Cité par BARBIER, Dictionnaire des œuvres anonymes, t. III, p. 524, qui indique que, jusqu'à cette date, cet ouvrage parut anonymement.) 1724 Nouveau voyage en France.

A Paris, 2 vol., in-12.

(Cité par P. LAROUSSE, Gd Dict. Univ. du XIXe s., avec la mention « abrégé de celui de 1715 ».) Nouveau voyage de France, avec un itinéraire et des cartes faites exprès qui marquent exactement les routes qu'il faut suivre pour voyager dans toutes les provinces de ce royaume.

A Paris, Théodore LE GRAS, 1 vol., in-12, pl., XX-622 pp.

(B.N.).


1730 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly (6" édition).

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 2 vol., m-12, pl.

(Description de Paris et de ses environs.) A Paris, 2 vol., in-12 (Cité par DUMOULIN, op. et loc. cit., p. 262.) 1733 Lettre à M. Delaroquc, l'antiquaire, au suj et de la chasuble de saint Regnobert de Bayeux, du 28 janvier 1733. s.l.n.d., in-4 , 4 pp.

(B.N.).

Lettre à M. Delaroque.

« Mercure de France ».

(B.N.).

1736 Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de SaintCloud, de Fontainebleau et de toutes les autres belles maisons et châteaux des environs de Paris. Nouvelle édition A Paris. Théodore LE GRAS. 2 vol., in-12, 4 gr., 1 front.

1. C.L.A. Picard, 6 1958.) 1738 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly. (T édition)

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 2 vol., in-12, pl.

1740 Nouveau voyage de France avec un itinéraire et des cartes faites exprès qui marquent exactement les routes qu'il faut suivre pour voyager dans toutes les provinces de ce royaume.

A Paris, Théodore LE GRAS. 2 vol., in-12, pl.

1741 Lettre au P. R., jésuite, sur quelques endroits de l' « Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France et des grands officiers de la couronne et de la Maison du Roy, par le Père Anselme », in « Journal des Sçavants ».

A Paris, chez CHAUBERT, mai 1741, p. 314 (Bib. mun. d'Aurillac.) 1742 Lettre au P. R., jésuite. in « Mémoires pour l'histoire des sciences et des beaux arts de Trévoux .>>.

A Paris, chez CHAUBERT, mai 1741, p. 314.

Description de Versailles, de Marly, de Meudon. de Saint-Cloud, de Fontainebleau et de toutes les autres belles maisons et châteaux des environs de Paris. Nouvelle édition.

A Paris, C.N. POIRION, 1 vol., in-12, 4 pl.

(A.M.).

1742 Dscription de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de SaintCloud, de Fontainebleau et de toutes les autres belles maisons et châteaux des environs de Paris. Nouvelle édition.

A Paris, Théodore LE GRAS, 2 vol., in-12, pl.

(Description générale sommaire.) (C.L.A. Dorbon, n° 642.) Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de SaintCloud, de Fontainebleau et de toutes les autres belles maisons ou châteaux des environs de Paris.

A Paris, Théodore LE GRAS, 8 vol., in-12, pl.

(B. I. C.) (8),


Description de Paris, de Versailles.

Nouvelle édition.

A Paris, Charles-Nicolas POIRION, 8 vol., in-12, pl.

(B.N.).

1748 Lettre à M. S. sur Robert de Sorbon (à Paris, ce 1er avril 1748).

In « Mercure de France », juillet, 1748.

(B.I.C.).

1751 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly. (8" édition).

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 2 vol., in-12, pl.

Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly.

A Paris, DESPREZ et CAVELIER, 2 vol., in-12, pl.

(C.L.A. Picard.) Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly.

A Paris, C.-N. POIRION, 2 vol., in-12, 16 pl.

(C.L.A. Goumy, oct. 1957.) Introduction à la Description de la France.

(Citée par Anicet et Georges DIGARD, 1910.) (?).

1752 Introduction à la description de la France et au droit public de ce royaume.

T. I. qui comprend tout ce qui s'observe auprès du Roy, l'état de sa Maison, ses titres, ses prérogatives, son cérémonial, ses officiers et ceux de sa couronne.

T. II. qui comprend le gouvernement ecclésiastique, civil et militaire de la France. 3" édition, corrigée et augm. cons.

A Paris, Théodore LE GRAS, 2 vol., in-12.

(A.M.) (9).

1753-1754 Nouvelle description de la France, dans laquelle on voit le Gouvernement général de ce Royaume, celui de chaque Province en particulier; et la Description des villes, maisons royales, châteaux et monuments les plus remarquables, avec des figures en taille douce.

Par M. PIGANIOL DE LA FORCE, troisième édition, corrigée et considérablement augmentée.

A Paris, chez Théodore LE GRAS, 13 vol., in-12, pl.

(A.M.).

1755 Nouveau voyage de France avec un itinéraire.

A Paris, DESPREZ, 2 vol., petit in-12.

Nouveau voyage de France.

Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée suivant la nouvelle description de la France.

A Paris, Théodore LE GRAS, 2 vol., in-8°.

(B.N.).

1763 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly.

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 2 vol., in-12, 13 pl.

(C.L.A. DORBON, n" 642.)


1764 Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly. (9e édition).

A Paris, veuve de Florentin DELAULNE, 2 vol., in-12, pl.

(B I C ) Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly.

A Paris, Etienne-François SAVOYE, 2 vol., in-12, pl.

1765 Description historique de la ville de Paris et de ses environs, par feu M. PIGANIOL DE LA FORCE.

Nouvelle édition, revue, corrigée et considérablement augmentée.

A Paris, G. DESPREZ, 10 vol., in-12, 94 pl.

(B.N.) (10).

Description historique de la ville de Paris.

A Paris, chez les libraires associés, 10 vol., in-12.

1780 Nouveau voyage de France.

Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée.

A Paris, veuve SAVOYE, 2 vol., in-12, 41 h.t., 15 cartes.

NOTES

(1) L'avertissement du libraire de l'édition d'Amsterdam (1703) dit : « Je n'ai pu faire tout ce que je voulais pour perfectionner cette nouvelle édition. Elle ne laisse pas que d'être incomparablement meilleure que celle de Paris. »

(2) Nous devons à l'obligeance de M. le chanoine Géraud Venzac, titulaire de la chaire de littérature française des Facultés Catholiques de Paris, — que nous assurons de notre vive reconnaissances, - une analyse du « Nouveau Mercure » dont nous extrayons la substance.

Le « Nouveau Mercure » se présente sous la forme de recueils, in-12, d'environ 250 pages chacun, paraissant tantôt pour un, tantôt pour deux mois.

Chaque recueil contient des nouvelles de Versailles, de la France, de l'étranger, concernant la 'politique, la guerre, la cour et les fêtes diverses, des mémoires scientifiques, des relations de séances académiques. Tout ceci ne comporte aucune signature. Cet ensemble est entrelardé de poésies (cantates, odes, épithalame, etc.) en général signées.

La page 11 de l'introduction, non signée, du recueil de janvier 1708 porte : « Des écrivains connus pour d'autres ouvrages ont été choisis pour remplir ce projet. » Des vers du F. du Cerceau apparaissent entre les nouvelles.

Les recueils de février, mars-avril, mai-juin, juillet-août, septembre-octobre, novembredécembre 1708 se présentent de façon identique.

Même présentation en 1709. Le recueil de février-mars contient des « Révélations surprenantes concernant la succession du Grand Mogol » (p. 22) et le « Récit de l'entrée solennelle à Paris du Nonce Salviati » (pp. 69 et seq.).

Commencé en janvier 1708, le « Nouveau Mercure » tomba au mois d'avril 1709. Le recueil de janvier 1711 indique, p. 9 : « Une société a entrepris de le rétablir. »

A titre d'exemple, indiquons le contenu du recueil de février 1711.

F. 1 Epître au moineau de Célimène (anonyme).

F. 9 Poésie sur l'origine des oiseaux (anonyme).

F. 45 Nouvelles de décembre 1710. P. 5t, Prière à l'Amour (par M. F.).

P. 57 : Nouvelles d'Espagne. Prise de Brihuega par Philippe V, le 9 décembre 1710.

P. 108 Nouvelles de Paris.

P. 111 Epître à M. Vergien, sur la lune et les marées.

P. 123 : Voyage à Moka (Arabie) par des Malouins.

F. 153 : Nouvelles de janvier 1711. France, Espagne, Versailles.

F. 169 Iris (cantate).

P. 175 Le Caffé (cantate).

F. 179 Ode anacréontique.

P. 181 Enigme.

F. 182 Chanson.

ADDITION : F. 1 Etude de M. Parent sur le froid de 1709.

F. 21 Relation du siège de Gérone.

P. 35 Analyse de la tragédie de Joseph.

F. 61 Epithalame.


Le recueil de mars 1711 contient un mémoire sur les tremblements de terre, celui d'avril des nouvelles du Canada et celui de mai 1711 est identique aux précédents.

On ne voit nulle part apparaître la signature de Piganiol de La Force, pas plus que celle de son collaborateur, l'abbé Augustin Nadal.

(3) « Puis (PIGANIOL DE LA FORCE) publia une Nouvelle description de la France (1718) en cinq volumes in-12, chez Legras et chez sa sœur, la veuve Delaulne, où le premier volume est consacré à Paris et environs. » DUMOULIN Maurice, Notes sur les vieux guides de Paris (« Mémoires de la Société de l'histoire de Paris ». t. XLVII. D. 261).

(4) Citée par Piganiol dans sa lettre à M. Delaroque du 28 janvier 1733. (« Mercure de France ».)

(5) Dans cette édition, le tome 1 (732 pp.) constitue la première version, un peu moins étoffée, de l'Introduction à la description de la France. La page de titre porte : « Tome premier, qui comprend tout ce qui s'observe auprès du Roy, l'état de sa maison, ses titres, ses armes, ses prérogatives, ses officiers et ceux de sa couronne, avec le gouvernement ecclésiastique, civil et militaire de la France. »

Nous avons trouvé mention d'une autre édition en 7 volumes in-12 chez la veuve de F. Delaulnc et Dumoulin (op. cit., p. 262), diL : « La deuxième édition (de la Nouvelle description de la France), en huit volumes, parut en 1722, les deux premiers étant réservés à la capitale et ses entours. Le premier seul parle de Paris, le second traitant des environs.

Elle ressemble comme une sœur à celle de Saugrain, mais lui est supérieure pour la partie descriptive. ;>

(6) Indication de Piganiol dans sa lettre à M. Dclaroque du 28 janvier 1733. (« Mercure de France". )

(7) Extraits d'une lettre du Dr Feyl, bibliothécaire de l'Université d'Iéna, en date du 15 janvier 1958 : « La traduction allemande de Piganiol, qui a paru à léna, figure dans notre bibliothèque.

Je vous donne le titre exact et détaillé de cette traduction : La nouvelle France, de M. Piganiol de La Farce, avec une courte introduction au droit public et à l'histoire de ce puissant royaume et des renseignements non moins détaillés sur des couronnements et autres faits remarquables.

Traduit du français avec un grand nombre de remarques historiques servant au commentaire et augmenté d'un appendice sur le mariage du roi Louis XV. Avec une introduction de M. B. G. Struve, conseiller à la Cour et conseiller de Saxe et de Brandebourg en même temps que professeur de droit et d'histoire. Iéna : J. F. Bielcke 1723. 600 pages avec en plus 24 pages non numérotées formant un index des matières et des noms propres. In-8°. »

« L'introduction. de B. G. Struve. porte la date léna, le 25 septembre 1722. Elle comporte 26 pages. et caractérise en le louant, le travail de Piganiol de La Farce. Struve donne enfin. le nom des traducteurs allemands du livre : il s'agissait du lecteur de français de l'Université d'Iéna en même temps secrétaire à la Cour de Weimar, Franciscus Roux, qui réalisa cette traduction en collaboration avec le professeur d'Iéna J. G. Hensius (ancien intendant de la Cour) et l'a pourvue des remarques explicatives. »

« Après la préface de Struve, vient. une introduction des traducteurs qui comporte 18 pages. » (Traduction Dussert.) A la fin de l'avertissement de la troisième édition de l'Introduction à la Description de la France (1752), Piganiol manifeste sa reconnaissance à la « Nation Allemande » « pour l'honneur qu'elle m'a fait de traduire le premier volume de ma Description de la France et de le mettre au nombre des livres de droit public. Ce qui m'a été confirmé par M. Schoëpflin, historiographe du Roy, de l'Académie Rovale des Inscriptions et Belles Lettres de Paris, et professeur en histoire et belles lettres à Strllsbourg. »

(8) Piganiol dit dans sa lettre à M. S. (« Mercure de France », juillet 1748) reproduite plus haut : « lorsque ma quatrième édition de Paris parut en 1742. »

(G bis) DUMOULIN (Op. cit., pp, 264-265) dit « le vrai titre de Piganiol en tant qu'historien de Paris. après la préface vient une approbation du 3 mai 1741 et un privilège de 6 ans en date du 12 juillet 1736, au nom du libraire Théodore Legras, qui en a cédé la moitié à sa sœur la veuve Delaulne. Celle-ci a, elle-même, cédé sa part aux libraires Cavelier et Poirion, qui entrent donc chacun pour un quart. Mais l'imprimeur de tout le tirage est la veuve Delaulne.

» Beaucoup plus complet que celui de Brice, trop complet en bien des parties. malgré les erreurs. l'ouvrage de Piganiol constitue un travail énorme et consciencieux qui a servi à tous les historiens postérieurs. Pour la description des monuments ou l'énumération des hôtels particuliers. point de vue si intéressant pour nous, Piganiol est notre meilleure source imDrimée. »

(9) Le papier de cette édition porte le filigrane : AUVERGNE 1742. Une grappe de raisins dressée apparaît entre le nom et la date.

(10) DUMOULIN (Op. cit., pp. 265-266) dit : « Toute la partie concernant les beaux-arts est de M. D. L. F. de S.-Y. (De Lafont de Saint-Yenne); le reste a été remanié par l'abbé G.-L. Pérau, déjà éditeur de Brice en 1752, et qui ne se nomme pas, étant probablement l'auteur de l'avertissement (Lelong, Bibliothèque de la France, t. III, p. 340; Quérard, France littéraire, t. VII, p. 42).

» Cette édition était dotée d'un privilège de neuf ans pris par l'imprimeur Desprez, en date du 13 mars 1765, auquel le titulaire associa ses collègues Nyon, Barrois, Bauche, Hochereau, Le Clerc, Guillyn, Didot, Musier. veuve Savoye et Despilly., Knapen, Panckouke et Lambert, en tout 14 participants. »

« Cette édition constitue la dernière description complète de Paris que nous ait légué le XVIII5 siècle. Elle faisait encore autorité 10 ans plus tard. Aucune des descriptions de Paris du xixe siècle n'a l'ampleur de celle de Piganiol. »

A. M.


LE BASSIN DE L'ALLAGNON

Des études très précises ont été faites par la Société hydro-technique de France et par le Service des Etudes et Recherches hydrauliques de l'Electricité de France sur l'hydrologie du département du Cantal en vue de l'utilisation judicieuse de l'énergie de ses rivières.

Il nous a paru intéressant de les compléter par une monographie du bassin de l'Allagnon, le moins connu de tous.

1. — FACTEURS CONDITIONNELS DU REGIME A) GEOGRAPHIE Le relief, le sol, la végétation Les Monts du Cantal donnent naissance à de nombreux cours d'eau qui, tels les rayons d'une roue, le Puy Mary en étant le moyeu, sillonnent profondément ses pentes. Les quatre principaux sont, par ordre d'importance des bassins versants et des longueurs : la Cère, l'Allagnon, la Rhue et la Maronne. La Truyère, née en Lozère dans les Monts de la Margeride, ne faisant que traverser le département du Cantal sur une quarantaine de kilomètres.

Tous, sauf l'Allagnon qui, par l'intermédiaire de l'Allier, apporte ses eaux à la Loire, appartiennent au Bassin de la Garonne et ont été barrés ou captés à des fins hydro-électriques.

L'Allagnon s'est appelée successivement à travers les siècles : Alanionem (1095), Lanhon (1264), Alanhonis (1275), Alamonis (1368), Valanhio (1408), Alagnhon (1490), Rivus dal Anho (1581), Alagnon (1752).

Nom venant du celtique « anno l', terme générique pour désigner <, l'eau ». D'où tous les nombreux : Lagnon, Lagnou, Lignon, Lognon, etc.

Longue d'un peu plus de 90 kilomètres, l'Allagnon prend sa source à 2 kilomètres de celle de la Cère, à 1.500 mètres d'altitude, au pied du Puy de Bataillouse (1.686 m.). Après une course de 55 kilomètres dans le département du Cantal, elle traverse la partie Nord-Ouest de celui de la Haute-Loire et se jette dans l'Allier, dans le Puy-de-Dôme, au Saut du Loup (390 m.). Son bassin versant, orienté sud-ouest - nord-est, ayant une surface de 1.060 kilomètres carrés, pour une altitude moyenne de 960 mètres (la Cère à Montvert 764 km2 pour 750 m., la Maronne à Basteyroux 821 km2 pour 660 m.).

Pendant des millénaires, suivant un lit qu'une trainée d'alluvions permet très bien de reconstituer à l'emplacement actuel de la dépression du Lander — la rivière de Saint-Flour — la Truyère s'est jetée dans l'Allagnon, près du Mont Loubier (1.164 m.), un peu en amont de Pont-


du-Vernet. Philippe Arbos l'a dit : « C'était alors le vrai fleuve d'Auvergne! »

Mais à la fin de l'époque tertiaire, à l'étage Pontien du Miocène supérieur, les dernières coulées de basalte du volcan cantalien, déferlant en vagues successives autour de son énorme cratère, vinrent former les Planèzes et barrer la route à la Truyère, la refoulant ainsi vers le Lot.

Péripétie qui explique son brusque coude à Garabit. Ce captage naturel étant des effets du volcanisme, le phénomène le plus grandiose de notre pays.

De ce fait, son débit a été très réduit et actuellement, avec ses 15 m3 à la seconde, l'Allagnon n'offre que bien peu d'intérêt pour les hydrauliciens.

A peine sortie des contreforts du Cantal, l'Allagnon, de Neussargues à Massiac, doit se frayer un étroit passage entre les montagnes du Cézalier et celles de la Margeride. Tous ces dômes surbaissés, aux profils arrondis, ne formeraient sans interruption jusqu'aux Monts Dore qu'une seule et même chaîne, parallèle à la Loire et au Rhône, sans la large coupure de l'Allagnon. C'est ce qui explique la profondeur de sa vallée et la haute altitude de son bassin versant comparativement à celui des autres rivières du Cantal.

Les affluents rivp gauche de l'Allagnon sont : l'Allanche, la Sianne, la Voireuse, la Bave, qui descendent du Cézalier (1.555 m.).

Les affluents rive droite : l'Arcueil et l'Allagnonette qui viennent des contreforts de la Forêt de la Margeride (1.404 m.).

Seule l'Allagnon grossie du Lagnon sort du cœur même du Massif du Cantal (1.858 m.).

L'Allagnon a une pente de 38 m. au kilomètre de sa source à Murât.

De là jusqu'à Neussargues dans une large vallée couverte de prairies, celle-ci descend à 8 m. Traversant les gorges entre Cézalier et Margeride, de Neussargues à Massiac, elle passe à 10 m. Enfin, de Massiac au Saut du Loup, cette moyenne est de 4 m. par kilomètre.

C'est le Lagnon, ruisseau d'Albepierre, son premier affluent rive droite, qui a le privilège d'être le cours d'eau le plus élevé et le plus rapide du Cantal. Il naît, en effet, sous le Plomb du Cantal à plus de L700 m. d'altitude et rejoint l'Allagnon, avec un débit de 1 m:! à la seconde après 16 kilomètres de course, un peu en aval de Murât, près de La Chapelle-d'Allagnon (890 m.). Soit une dénivellation moyenne de 50 m. au kilomètre avec des chutes dont certaines atteignent 15 mètres.

L'Arcueil, avec un débit semblable entre Loubinet et Anval, atteint dans le superbe défilé de Noubieu, sous le Mont-Journal (1.185 m.) une pente qui n'est pas inférieure à 40 m. par kilomètre.

De tous ses affluents, c'est l'Allagnonette qui, naissant dans les vallons de Saint-Poney, a la pente la plus douce avec 20 m. par kilomètre.

Le Bassin de l'Allagnon offre une certaine symétrie, tant au point de vue de la surface que du relief, par rapport à l'axe formé par le collecteur central. En effet, sa superficie totale étant de 1.060 km2, la rive gauche en mesure 595 km, la rive droite 465 km. Pour le relief, la simi-


litude est encore plus grande. A la dépression rive gauche entre Cantal et Cézalier, dénommée Plateau de la Malmouche, correspond sur la rive droite celle du Plateau de la Planèze entre Cantal et Margeride. Aux hauteurs du Cézalier correspondent en face celles de la Margeride.

Si, partant de Font-Allagnon, on fait un tour d'horizon, on trouve sur la rive gauche, délimitant ce bassin avec ceux de la Cère, de la Rhue et de la Couze cI' !\rde:), les sommets suivants dans le Massif du Cantal, le Puy de Bataillouse (1.686 m.), le Téton de Vénus (1.670 m.), le Roc de Va::,sivièrb (1.654 m), le Bec de l'Aigle (1.640 m.), le Puy de Chavagnac (1.275 m.). Puis, après avoir traversé l'Allanche, dans le Massif du Cézaiier : le Signal de la Roche Rousse (1.396 m.), le Mousson-Bas (1.450 m.), ie Puy Lascombe (1.475 m.), le Signal du Luguet (1.555 m.), le Pic d'Artout (1.393 m.), le Truc de Mazoir (1.280 m.). Enfin, dominant la plaine de Mauriat, celles de la Limagne et du Lembron, la vieille tour féodale de Moncelet perchée sur le Pic de Vichel (793 m.).

En face sur la rive droite, séparant son bassin de celui de la Cère, de ia Truyère et de l'Allier, se dressent au sud du Puy de Bataillouse, dans ie Massif du Cantal : le Puy Lioran (1.363 mj, le Ramburter (j .4(0 m.), le Puy de Mayrargues (1.216 m.), le Puy du Rocher (1.800 m.), le Plomb du Cantal (1.858 m.), le Cantalon (1.805 m.), la Tombe-du-Père (1.583 m.), le Prat-de-Bouc (1.461 m.), Puis, après les plateaux de la Planèze, dans les contreforts de la Margeride : le Suc-de-Rezentières (1.152 m.) et de la Fageole (1.156 m.), le Succard-de-l'Aiguille (1.404 m.), le Suc-de-Lastic (1.140 m.), le Suc-de-la-Pèze (1.060 m.), le Suc-du-Mirial (1.039 m.).

Enfin la ligne des crêtes s'adoucit lentement entre la vallée de l'Allier et de l'Allagnon, dont les sommets passent de 805 m. à 574 m. d'altitude entre Lempdes et Arvant.

Administrativement, ce bassin comprend la plus grande partie du canton de Murat et d'Allanche, une partie du canton de Condat et de Ruines, la presque totalité du canton de Massiac, tous dans l'arrondissement de Saint-Flour-Murat.

Dans la Haute-Loire, arrondissement de Brioude, le canton de Blesle en entier, une partie du canton d'Auzon et de Brioude.

Dans le Puy-de-Dôme, arrondissement d'Issoire une grande partie du canton d'Ardes-sur-Couze, une faible partie de ceux de SaintGermain-Lembron et de Jumeaux.

Louis Farge a dit que : « Pour si considérable que soit l'étendue de son cours et la valeur de son débit, la Truyère ne forme pas une vallée, c'est une simple gorge longue, étroite et déserte. Seule, la vallée de l'Allagnon est comparable par son importance à celle de la Cère dans le Cantal. »

* * *

L'imperméabilité des terrains qui composent son bassin versant donne au régime de cette rivière un caractère nettement torrentiel.

La haute vallée de l'Allagnon, dénommée « Valagnon », jusqu'à Laveissière est de formation glaciaire et postglaciaire. Le Cirque de FontAllagnon et celui du Lioran sont très caractéristiques, la vallée jusqu'à Murat gardant une forme en berceau très prononcée.


Après Murât, on remarque des moraines frontales très nettes jusque dans le lit de la rivière, suivies de terrasses fluvio-glaciaires. Moraines latérales, ruptures de pentes, se succèdent jusqu'à l'extrémité de l'ancien glacier du Cantal qui se situe à la hauteur de Pont-du-Vernet. Au-dessus de ce village, à 800 m. d'altitude, près de Joursac, sur la rive gauche, on rencontre à flanc de coteau, les cinérites qui marquent la base de la coulée du volcan cantalien. On y retrouve les empreintes de toutes les plantes méridionales qui recouvraient autrefois cette région. C'est, suivant le géologue Pierre Marty, l'une des plus riches flores fossiles françaises connues, s'étageant du début du Miocène, à la fin du Pliocène.

Après Neussargues, c'est la fin de la vallée postglaciaire. La vallée d'érosion commence, à travers le gneiss et le micaschiste. La rivière coule jusqu'à Massiac dans des gorges encaissées où elle a entaillé profondément le terrain primitif.

A partir de là, la vallée s'élargit un moment pour former au-dessous des coulées basaltiques qui la surplombent, la plaine de la « Petite Limagne » jusqu'à Blesle.

En 1906, une heureuse trouvaille : une dent d'Hipparion Gracile Kauo, trouvée sous l'éperon basaltique de Sainte-Madeleine, à 2 kilomètres en aval de Massiac, sur la rive droite, a permis de déterminer de façon précise l'âge du « Petit groupe autonome des volcans de Massiac ». Ils ont eu au moins deux périodes d'activité.

Derniers témoins des éruptions du volcan du Cézalier, ce s'ont : le Suc-du-Loubarcet, le Suc-de-Luzer, le Suc-de-Védrines, le Mont-Journal, le Mont-Rû, le Mont-Fôa qui enserrent la vallée de la Moyenne-Allagnon.

Les différentes couches de terrains qui s'étagent sous la chapelle Sainte-Madeleine, en travers de la vallée, se décomposent comme suit :

Altitude

(Mètres.)

1. Cailloutis de quartz fumés. 702 2. Humus (couche de 0,20 à 0,30) 701,80 3. Basalte du Pliocène supérieur 671 4. Gravier sous-basaltique Pliocène. 667 5. Basalte du Miocène supérieur Pontien. 647 6. Argile à Hipparion Gracile. 642 7. Calcaire à Potamides-Oligocène (Sannoisien et Stampien) 636 8. Gneiss et Micaschistes (Allagnon) 510

Pierre Marty a pu dire que s'étendant du Miocène supérieur au Pliocène supérieur, la durée de la période éruptive du groupe des volcans des environs de Massiac a été égale à celle des grands volcans des Monts Dore et du Cézalier qu'il prolonge.

C'est à travers cet énorme appareil que sur 25 kilomètres de son cours, de Ferrières jusqu'en aval de Blesle, l'Allagnon s'est frayée un passage. Coulant sans cesse sur le primitif, les bords de sa vallée sont couronnés d'orgues basaltiques prismatiques à étages, certaines atteignant comme à Sainte-Madeleine près de 30 mètres de hauteur.


L'Allagnon au défilé du Gouffre-Noir, près de Vauclair, en aval de Ferrières-Saint-Mary


Après Blesle, où elle reçoit la Sianne, la Voireuse, la Bave, et après une série de défilés et de « voltes » dominés par le fameux « burg » féodal de Léotoing, l'Allagnon atteint Lempdes et la véritable Limagne. Brusquement, elle quitte les gorges et s'étale dans la majestueuse et riche plaine sédimentaire de Mauriat (Puy-de-Dôme), plus large que la vallée de l'Allier à cette même latitude.

Dans un dernier effort, enfin, elle franchit le « horst » de Brassacles-Mines. Elle coupe en deux le bassin houiller, laissant Charbonnier à sa gauche et bordant à droite la mine la plus importante actuellement exploitée : La Combelle.

Faisant contraste avec les hauteurs sauvages et boisées qu'elle traverse dès sa naissance, le département du Cantal n'étant peuplé que de 33 habitants au kilomètre carré, sur la fin de son cours vit une population industrieuse qui dépasse 100 habitants au km2.

En dehors de l'agglomération proprement dite de Clermont-Ferrand, c'est la plus dense d'Auvergne. Elle n'est surpassée dans le Massif Central que par celles des bassins houillers de Décazeville et de Saint-Etienne.

L'Allagnon rejoint enfin l'Allier dans l'étroit goulet schisteux du Saut-du-Loup, près d'Auzat-sur-Allier, dans le Puy-de-Dôme, à l'altitude 390 m.

La répartition géologique des terrains traversés sur son parcours est en pourcentage : 1° Terrains cristallophyliens :

— Micaschistes, Gneiss 45 2° Terrains éruptifs : — Granité 10 — Trachyte 10 ,- Basalte 30 30 Terrains sédimentaires : — Tertiaire 5

* *

Les hauts sommets qui dominent les bassins versants de la HauteAllagnon, de l'Allanche et de la Sianne sont très propices à l'élevage.

La. zone des pâturages descend jusqu'à 1.300 m. d'altitude. Au-dessous, ce sont les forêts de sapin qui dominent jusqu'à la cote 1.000 m., avec des essences de mélèze et d'épicéa, comme dans celles très renommées du LiÓran, - de Murât et d'Allanche.

Les champs se font ensuite une place de plus en plus importante parmi les bois et les prairies. Au-dessous encore, sur les plateaux à forme tabulaire, fertilisés par les cendres volcaniques, on trouve des cultures de pommes de terre, de céréales et en particulier de lentilles, spécialité de cette région, comme de celle d'ailleurs de la Planèze.

Déjà, au fond de la vallée de la Moyenne-Allagnon, les prés bien irrigués se couvrent de l'ombrage des pommiers. La vigne, apparue tout d'abord par petits" îlots, tapisse certains versants bien abrités, générale-


ment couronnés de pins élancés. En descendant du Lioran, on la rencontre entre Ferrières et Molompize, à l'altitude 650 m., à côté de la lande et du genêt. Sous la roche basaltique dans les ravins ensoleillés au-dessus de Blesle, orientée est-ouest, sur « l'adret » des coteaux, elle vient même jusqu'à 850 m.

Sous le promontoire de Sainte-Madeleine de Massiac, à 702 m. d'altitude, bien protégé des vents et jouissant d'une insolation parfaite, viennent les plantes isothermiques méditerranéennes. Par contre, sur les pentes du « revers », qui sont à l'ombre la plus grande partie de la journée, ne poussent que de maigres taillis.

Malgré son altitude de 530 m., le petit bassin de Massiac, grâce à sa fertilité, à son irrigation parfaite au confluent de trois rivières : l'Allagnon, l'Arcueil et l'Allagnonette, à son exposition et à son climat tempéré, rivalise pour les fruits et les primeurs avec celui de Maurs, à 250 m.

sur le versant occidental du Cantal.

Après Lempdes, on rentre dans la plaine de Mauriat, dont la richesse et la diversité de culture, font l'envie de tous les montagnards.

Si les hauts pâturages sont riches, le taillis, la lande, le genêt occupent encore dans le bassin une grande étendue. Le boisement, comme dans le reste du Cantal, y est médiocre et même dans les cantons de Murat et d'Allanche, les plus favorisés à cet égard, la forêt ne dépasse pas 14,4 et 8,3 fA de la totalité de leurs territoires. Sauf dans le fond des vallées, ce qui représente une surface assez faible par rapport à l'ensemble du bassin, la végétation y est moins riche que sur le versant occidental du Cantal qui reçoit les pluies bienfaisantes de l'ouest. Les plateaux de la rive droite en particulier, pauvres en humus, où le rocher de gneiss montre trop souvent son nez et où sévit parfois une très grande sécheresse sont parmi les régions les plus déshéritées du Cantal.

B) CLIMATOLOGIE - --.-- Equipement du bassin, pluviométrie, nivométrie, température L'équipement du bassin au point de vue climatologique est à l'état embryonnaire. Seules Murât, Neussargues, Allanche, Massiac, Blesle, Lempdes possèdent des postes, dirigés bénévolement par les agents des Ponts et Chaussées pour la plupart et contrôlés à longs intervalles — tous les deux ans — par les services de l'O.N.M.

Le bassin de l'Allagnon, nous en avons donné la raison, n'offre qu'un faible intérêt pour les hydrauliciens, et la valeur des observations recueillies y est inférieure à celle des autres bassins des rivières cantaliennes.

* * *

C'est le caractère pluvial qui détermine le régime des rivières du Cantal, plus ou moins tempérées par la perméabilité des terrains, la végétation et l'évaporation.

En observant les cartes pluviométriques de l'Office national Météorologique et celle établie par Gaussen, on voit que si la fréquence des jours


de pluie est plus grande au Nord et à l'Ouest du Cantal, par contre, sur ce massif montagneux la moyenne des précipitations annuelles y est plus élevée. Loin d'être comparable au château d'eau des Alpes ou des Pyrénées, celui-ci a néanmoins une certaine importance et seul un collecteur central lui manque.

Sur le versant occidental, les pluies venues de l'Atlantique dominent, alors que les contreforts de l'est sont au contraire soumis à l'influence des averses d'origine méditerranéenne. Le bassin de l'Allagnon, place dans la « Zone de Transition » qui, partant de la vallée du Lot, remonte celle de la Truyère, et par celle de l'Allagnon s'étend jusqu'à l'Allier, jouit du régime intermédiaire entre le régime pluvial océanique et le régime pluvial méditerranéen.

C'est ainsi que si la moyenne des précipitations annuelles s'élève à plus de 2 m. sur les hauts sommets du Cantal, elle n'atteint pour des altitudes comparables que 1 m. à 1 m. 20 sur les montagnes du Cézalier et de la Margeride (Bulletin météorologique du Cantal, moyenne des observations faites pendant les dernières années).

Il tombe : — 2.049 mm. de hauteur de pluie à Benech-de-Mandailles, à 1.020 m.

d'altitude; — 1.426 mm. de hauteur de pluie à Vic-sur-Cère, à 675 m. d'altitude.

Et seulement : — 852 mm. de hauteur de pluie à Murât, à 917 m. d'altitude; — 676 mm. de hauteur de pluie à Massiac, à 530 m. d'altitude.

A Sargues, commune de Saint-Poney, canton de Massiac, situé sur la rive gauche de l'Allagnonette, affluent rive droite de l'Allagnon, à la cote 890 m., l'instituteur chargé des observations pluviométriques par le Comité météorologique départemental, a relevé d'octobre 1949 à octobre 1950, une hauteur de pluie de 310 mm.

En admettant que la période qui a servi de base à ces observations, qui ne manquent pas de valeur, soit située dans l'année la plus sèche du cycle hypothétique de Bruckner (35 ans), il semble que ces résultats constituent un minimum rarement atteint dans notre région.

Malgré le caractère exceptionnel de ces dernières observations, il n'en reste pas moins vrai Que le bassin de l'Allagnon est situé dans la région la moins pluvieuse, non seulement du Cantal, mais même de la France.

Il jouit d'une température hivernale relativement douce, et reçoit au début du printemps, en février-mars et à la fin de l'automne, en novembre-décembre, d'abondantes pluies. Dans la période d'été, de grosses averses qui, tombant par rafale sur ses terrains imperméables et à grandes pentes, entraînent rapidement les eaux aux ruisseaux et les font sortir de leurs lits pendant quelques heures.

* *

Du fait de l'altitude élevée et de l'orientation sud-ouest nord-est de la vallée de la Haute-Allagnon, l'enneigement y est relativement important et long. Le Lioran, qui est la seule station de sport d'hiver du Cantal,


est renommé pour ses fameuses prairies enneigées de Font-Allagnon et de Font-de-Cère et pour ses « congères ». Il n'est pas rare de trouver en hiver, à la sortie du tunnel routier (1.161 m.), long de 1.412 m., qui fait communiquer la vallée de la Cère à celle de l'Allagnon, des tranchées de neige de 2 m. de hauteur. Et les trains ne circulent entre Murat et cette station — sur la plus forte rampe du centre de la France : 33 mm. par mètre - que grâce aux chasse-neige fonctionnant sans arrêt pendant cette dure période de l'année.

Il est difficile de déterminer d'une façon exacte l'enneigement annuel de ce bassin, les observations, comme partout ailleurs dans le Cantal, faisant défaut.

On peut affirmer, néanmoins, qu'à partir de 800 m. d'altitude seulement, il ne peut être question d'un enneigement important. A partir de 1.000 m. il dure trois ou quatre mois, de mi-décembre à mi-mars, pendant lequel le « redoux » libère momentanément le sol.

Certains villages du Cantal, du Cézalier et de la Margeride, sur les pentes Nord, peuvent être bloqués par la neige pendant cinq mois. Les hauteurs supérieures à 1.400 m. peuvent être saupoudrées en tout mois de l'année, et il arrive que le sol soit masqué pendant plus de six à sept mois.

A Massiac, centre du bassin, à l'altitude 530 m., la neige ne tombe plus que 25 jours p.r an de décembre à mars. Le soleil la fait fondre rapidement et seuls les plateaux basaltiques à 700 m. d'altitude en restent couverts quelques jours.

,* * *

Le climat du bassin de l'Allagnon est caractérisé surtout par les dépressions atmosphériques d'origine atlantique se manifestant. par la fréquence des vents d'ouest. Mais les nuages n'y arrivent qu'en partie degorgés au passage des hautes altitudes du Massif cantalien.

Le vent d'ouest ou « Montagnard », comme on l'appelle dans le pays, accompagne la pluie au lieu de la suivre, pluie violente projetée par rafale interrompue de temps en temps par un rayon de soleil.

Son orientation générale, sud-ouest nord-est fait prédominer les courants de direction plus ou moins méridiens. Dans la partie basse du bassin, le vent du Sud, dont il est mal protégé, souffle el1 bourrasques.

De grosses averses tombent alors sur une terre assoiffée, sans grand profit pour la végétation.

Le vent d'Est dans cette région souffle pourtant sur la haute vallée de l'Allagnon dont l'orientation le favorise. Il vient en droite ligne du Forez et du Livradois, sec et froid dans un ciel clair, ses caractères lui sont communs avec le vent du Nord.

Ce dernier, s'il apporte le beau temps, rafraîchit la température en été, amène aussi en hiver le grand froid et les grandes gelées. C'est la « bise » venue des Monts Dore qui coïncide avec les grandes chutes de neige.

Du petit nombre d'observations faites, on peut se livrer à un examen critique de la température.


A Murat (917 m.), la saison exempte de gelées est réduite à son minimum. Et s'il gèle en tout mois de l'année à Bénech-de-Mandailles (1.020 m.), dans la vallée de la Jordanne, qui détient le record de la pluviosité auvergnate, à Albepierre (1.054 m.), sur le Lagnon, un des villages les plus élevés du Cantal, les gelées en juin et juillet ne sont pas rares.

L'altitude baissant, le climat devient plus tempéré. A Massiac (530 m.), la moyenne annuelle est de 10", l'amplitude annuelle de 16" (janvier 2", juillet 181). Cette région est soumise à de gros écarts de température : écarts mensuels, écarts diurnes. En été, si les journées sont torrides, par contre, les nuits sont toujours fraîches.

Dans le fond des vallées, les gelées de printemps sont à redouter.

Et même en mai, la récolte de la pomme Canada, gloire du bassin, est souvent compromise par une gelée inopinée.

Mais l'air y est limpide, le ciel lumineux, l'insolation intense, l'évaporation très grande. La nébulosité est en moyenne à Massiac de 6, à Nice de 4,5. Le degré hygrométrique dont le minimum se place entre avril et août est en moyenne de 0,7. Certaines années, en 1884, il est descendu à 0,1, chiffre qui n'est guère atteint que dans les contrées les plus sèches du globe.

Il. — DEBITS

EQUIPEMENT HYDROLOGIQUE DU BASSIN REGIME ET VARIATIONS DES DEBITS. ETIAGES ET CRUES

L'équipement du bassin de l'Allagnon au point de vue hydrologique est très sommaire. Sur le cours de cette rivière, on ne rencontre que deux stations de jaugeage : au Vialard, près de Joursac, et au barrage de Lempdes et une sur l'Allanche, près de Pont-du-Vernet.

Ce sont les renseignements donnés sur les débits de l'Allagnon et de l'Allanche, aux abords de Pont-du-Vernet, par M. Serra, chef de la division « Hydrologie » du Service des Etudes et Recherches hydrauliques de l'Electricité de France qui nous ont permis, avec nos travaux personnels, de tirer les conclusions en vue de la détermination du régime de l'Allagnon.

Des observations faites par ce Service, en vue du captage de l'Allagnon en amont du village de Pont-du-Vernet, situé à 2 km en aval de Neussargues, il résulte que le module en litre-seconde par kilomètre carré du bassin versant de l'Allagnon et de l'Allanche, d'une surface respective de 168 km2 et 156 km2, est en ce point très voisin de 20 litres-seconde.

En effet, l'altitude moyenne de ces deux bassins étant de 1.100 m.

d'après les courbes pluviométriques de Gaussen, il tombe une hauteur moyenne de précipitations annuelles de 1.200 mm.

D'après l'Ingénieur Coutagne, le débit en litre-seconde au kilomètre carré, en un point d'un cours d'eau, étant relié à la précipitation moyenne sur l'ensemble du bassin versant en ce point, par la relation : Q = 16 H2 (H étant exprimé en mètre)


Pour l'Allagnon et l'Allanche au Pont-du-Vernet, cette formule donne : Q = 16 (1,2)- = 19,8 1. s., soit 20 1. 's. en moyenne De telle sorte que les surfaces des bassins versants de ces deux rivières ayant été obtenues à l'aide de la carte à grande échelle et du nlanimètre d'Amsler, l'Allagnon après sa jonction avec l'Allanche au Pont-du-Vernet (704 m.) a le débit suivant :

— Haute-Allagnon., BV : 168 km x 20 l./s. = à m-5 2bU — Allanche. BV : 156 km2 x 20 l./s. = 3 m3120 TOTAUX 324 km- 6 m3 380

L'ensemble de ces deux bassins versants représente en suDerficie les 30 1, du bassin total de l'Allagnon et environ les 40 (/( du débit global de cette rivière à son confluent avec l'Allier.

Interrogeant les courbes pluviométriques de Gaussen pour les autres affluents, nous avons établi le débit moyen en mètre cube-seconde après 50 kilomètres de son cours, à Massiac, à l'altitude 530 m.

Débit de l'Allagnon à Massiac

Km-' L.'S. M3

Haute-Allagnon BV : 168 20 3.260 R.G. Allanche. BV: 156 20 3,120 R.G. Ruisseau de Peyrusse j R.G. Ruisseau de Valjouze BV : 142 14 1,988 R.G. Ruisseau de Mazelaire

R. D. Arcueil. BV: 100 12 1,200 R.D. Allagnonette. BV : 80 10 0,800 TOTAUX. 646 16.1 10,368

Pour cette partie du bassin, on voit que le module moyen en litre/ seconde au km- reste encore égal à 16 L/s.,1. Mais si à Massiac, il tombe annuellement une hauteur de 676 mm. de pluie, sur les plateaux de la rive droite, à l'altitude 750 m. il n'en tombe plus que 650 mm. et de ce fait l'Allagnon ne reçoit qu'un faible tribut de ses autres affluents.

Seule la Sianne, affluent rive gauche, qui prend sa source sur les hauteurs du Cézalier, à l'altitude 1.400 m., coulant dans une vallée très boisée, conserve un débit d'étiage en été jamais inférieur à 300 l./s. et lui apporte un débit moyen de près de 2 m:J à la seconde.

Le débit moyen global de l'Allagnon à son confluent avec l'Allier, au Saut-du-Loup (390 m ) pour un bassin versant de 1.060 km2, s'établit donc comme suit :

Débit de l'Allagnon au Saut-du-Loup (Puy-de-Dôme)

Km L./S. M:| Allagnon à Massiac BV : 646 16,1 10,368 R.G. Sianne BV : 116 17 1,972 R.G. Voireuse. BV : 72 14 1,008 R.G. Bave. BV : 48 12 0.576


L'Allagnon à Aurouse, en amont de Massiac (Cliché Ferrari, Massiac.)


R.D. Ruisseau de Montgon j R.D. Ruisseau de Lorlange f R.G. Ruisseau d'Apchat BV 178 8 1,404 R.G. Ruisseau de Vichel

R.G. Ruisseau de Beaulieu - --

TOTAUX. 1.060 14,4 15,328

soit un module moyen de 14 L's., 4 au kilomètre carre.

Si l'on compare ce débit assez faible pour un bassin versant relativement important à celui des autres rivières cantaliennes du bassin de la Garonne on a le tableau suivant : BASSIN DE LA GARONNE

Km2 L./S. M3

Cère à Laroquebrou BV : 746 28,3 21,1 Cère à Bretenoux.,. BV : 1.300 25 32,5 Rhue à Saint-Thomas-de-Bort BV : 880 25 22,1 Maronne à Basteyroux BV : 821 27 22,1

BASSIN DE LA LOIRE

Km LiS. M3

Allagnon au Saut-du-Loup BV : 1.060 14,4 15,3

Et pour les rivières coulant en dehors du département du Cantal.

BASSIN DE LA GARONNE

K.m- JL./&. M6

Truyère à Sarrans. BV : 2.462 17,5 43 Truyère à Entraygues BV : 3.500 14 49 Dordogne à Bort.,. BV : 1.017 26,2 26,6 Dordogne à Argentat BV : 4.418 24,9 100 Lot à Cajarc .,. BV : 7.015 18,5 128,8

BASSIN DE LA LOIRE

Mil- L./ o. IVI"

Allier à Vieille-Brioude.,.. BV ; 2.262 13,5 30,5 Dore à Giroux .,. BV : 823 13,5 11,1 Sioule à Pont-du-Bouchet .,. BV : 1.198 14,4 16,2 Loire à Bas-en-Basset BV : 3.300 13,9 45,8

Nous en déduisons que les rivières du Cantal ayant un régime essentiellement conditionné par ce caractère pluvial, leur débit diffère totalement suivant qu'elles coulent vers l'est ou vers l'ouest.

Les éruptions volcaniques ont en effet apporté une modification profonde au climat de cette région. Elles ont séparé la plaine de la Limagne du vaste Bassin d'Aurillac, par une chaîne ininterrompue de volcans, auiourd'hui éteints, orientés nord-sud : Monts Dômes, Monts Dore, Cézalier, Cantal, Aubrac.

Ce gigantesque écran prive ainsi des pluies apportées par les vents venus de lOcéan Atlantique le Bassin versant de l'Allagnon et même celui de l'Allier, qui sont à compter maintenant parmi les régions les plus sèches de France.


Nulle part ailleurs, les contrastes ne sont aussi frappants qu'entre les deux versants de la chaîne du Cantal. Nous l'avons vu, à Bénech-deMandailles, à 1.020 m. d'altitude, sur la Jordanne, il tombe par an une hauteur de pluie de 2.049 mm. Murât, sur l'Allagnon, à 20 km de distance, à 917 m., mais sur le versant oriental, n'en reçoit plus que 852 mm.

Hauteur pluviométrique encore inférieure à celle d'Argentat, situé au confluent de la Dordogne et de la Maronne, à 188 m. d'altitude seulement et qui en accuse 854 mm.

L'Allagnon et la Maronne, sœurs par la naissance, puisqu'elles prennent leur source à quelques kilomètres l'une de l'autre, mais coulent dans des directions diamétralement opposées, ont des régimes nettement dissemblables. Malgré l'altitude moyenne du bassin versant de l'Allagnon (980 m.), favorisant les précipitations atmosphériques, contre 660 m. pour celui de la Maronne, le module moyen au kilomètre carré de cette rivière est de 14,4 litres et celui de la Maronne de 27 litres, presque le double. De telle sorte qu'avec un bassin versant d'une surface de 1.060 km2, l'Allagnon a un débit de 15,3 nr à la seconde au Saut-duLoup, tandis que celui de la Maronne, oour 821 km est de 22,1 m3 à la fin de son cours, à Basteyroux.

Nous avons pu constater au cours d'une étude hydrologique plus approfondie faite sur ces deux rivières que si la Maronne avait un bassin égal en altitude et en surface à celui de l'Allagnon, elle roulerait près de deux fois et demi le volume d'eau de cette rivière, c'est-à-dire beaucoup plus que la Cère à Bretenoux où celle-ci débite : 32,5 m3 pour une surface de bassin versant de 1.300 km'.

Ainsi, les rivières cantaliennes du versant occidental alimentées par des pluies fréquentes venues de l'Atlantique coulent abondantes et régulières dans un pays boisé et touj ours vert. Au contraire, l'Allagnon suj ette à des étiages extrêmement bas et des crues importantes et subites, coule dans une vallée bordée de plateaux pauvres en humus où sévit parfois une grande sécheresse.

Les variations de régime de cette rivière comportent quatre périodes : deux minima, l'un en été, au mois d'août, très accentué, l'autre en hiver, en décembre-janvier, moins marqué. Deux maxima, celui du printemps, en mars ou avril, sensiblement supérieurs à celui d'automne, en novembre ou décembre. Ces caractères mettent en évidence le rôle de la fonte des neiges qui produit les fortes crues de printemps.

* * *

Jusqu'à Ferrières (663 m.), l'Allagnon encore rivière de montagne a un régime assez régulier, son débit d'étiage ne descend jamais en ce point au mois d'août au-dessous de 2 nr à la seconde. A 15 kilomètres en aval, à Massiac (530 m.), pendant le même mois, du fait de l'évaporation intense et de l'irrigation des prairies, ce débit peut tomber pendant une semaine, dans les très grandes années de sécheresse, à 1 m3 à la seconde. Les affluents rive drcte qu'elle y reçoit, l'Arcueil et l'Allagnonette, ne lui étant d'aucun secours. Le premier ne lui apportant en cette période que 100 l./s., l'autre un débit à peu près nul.

Il faut à l'Allagnon l'appoint des 500 l./s. de ses affluents rive


gauche venus du Cézalier. la Sianne. la Voireuse et la Bave. pour apporter un tribut & peine respectable au débit également bien maigre de l'Allier en cette période de l'année.

Jusqu'à Mafsiac, elle coule, semblable à ses sœurs cantaliennes.

entre deux rives de prairies solidement établies, mais à partir de là, et du fait du régime extrêmement irrégulier de l'Arcueil et de l'Allagnonette. elle prend le caractère nettement torrentiel de l'Allier.

A la sortie de cette ville, pendant quatre mois de l'année, de juin à septembre, en dehors des crues subites et d'une durée moyenne de cinq jours, provoquées par les orages d'été, elle occupe une très faible partie de son lit majeur, formé de larges gravières qu'elle a conquises sur les prés riverains. Modifiant sans cesse son cours, elle emporte psres et digues.

Alors que oour la Cère, les observations montrent que l'écart entre les débits extrêmes est dans le rapport de 1 à 200. pour l'Allagnon. il s'élève à 400. Le record est détenu par l'Allier à la Voûte-Chilhac qui, après un étiage de 1.200 m3, a pu s'enfler jusqu'à 1.400 m3, soit dans la mesure de 1 à 1.166.

Ainsi l'Allagnon dans la partie basse de son cours, du fait de l'imperméabilité du sol, du relief de son bassin versant et des violents orages d'été, a un caractère nettement torrentiel : étiages très bas, crues importantes et subites.

III. — DONNEES PHYSIQUES, CHIMIQUES, BIOLOGIQUES

POTAHU ITE DE L'EAU, THERMALISME. RESSOURCES PISCICOLES

L'eau de l'Allagnon est claire et limpide; son analyse au laboratoire montre qu'elle a une faible alcalinité ne dépassant pas 25 mgr. de chaux /Ca.O 1 car litre. Par contre, elle a une teneur en matières organiques assez élevée. Comme toutes les eaux granitiques, elle est agressive et attaque les tuyaux de ciment et de plomb. Un volume de 1.000 litres de scn eau peut dissoudre 15 gr. de carbonate de calcium iCa Co3) (Eau de l'Arcueil : 14 gr.: eau de source à Massiac : 11 gr.).

Le sol de son bassin versant, comoosé surtout de terrains cristallophylliens et éruptifs. tels oue micaschiste, gneiss, granité, basalte, est recouvert d'une couche d'humus, assez éDaisse en montagne, susceptible de fournir du fait de la végétation 100 mgr. de gaz carbonioue (CO:) au kilo de terre.

L'eau ruisselant à la surface du sol ou y pénétrant se charge fortement de gaz carboniaue et le dissout. Ne pouvant être neutralisé, il en résulte oue l'eau des sources ou des naopes souterraines a un P.H.

(potentiel hydrogène) assez faible : 6. et contient 80 mgr. de gaz carbonique au litre.

Les nombreuses sources des trois massifs montagneux du bassin : Cantal, Cézalier et Margeride, forment des ruisseaux, aux pentes rapides, entrecoupés de cascades. L'eau y est fortement brassée et Derd là une partie du gaz carbonique Qu'elle contient. Il en résulte que le P.H. des eaux de 1 Allagnon augmente au fur et à mesure qu'on s'éloigne de sa


source et monte jusqu'à 7. (Maronne P.H. = 7,2 à 7,6.) Mais son alcalinité reste toujours faible puisqu'il n'y a pas dans le sol de calcaire susceptible de l'augmenter, les sédiments tertiaires étant seulement de l'ordre de 5 1, de l'ensemble des terrains traversés.

Cette alcalinité en mgr./litre de Ca 0 est variable du reste dans le cours de l'année, elle passe de 20 mgr. en hiver à 30 mgr. dans les étés chauds et secs. (Eau de Seine à Paris : 120 mgr.) A la suite de violents orages, l'eau de cette rivière peut prendre en quelques heures une coloration jaunâtre. Le gaz carbonique qu'elle contient lui permettant de se charger d'argile et de matières organiques à l'état colloïdal qu'aucun coagulant naturel ne fait floculer.

Dans la partie basse de son cours, elle contient également de petites quantités de sel de fer qui accentue cette coloration. Ces sels sont stables puisqu'on est en milieu acide.

Néanmoins, la majeure partie des propriétés de l'eau de l'Allagnon reste très voisine de celle de l'eau pure et il est certain qu'un simple traitement au chlore à la dose de un demi milligramme par litre suffirait à la rendre potable.

Les quelques petites villes qui la bordent, sont alimentées en eau de sources, avec adduction par gravitation naturelle, venant de l'un ou de l'autre massif montagneux : Murat et Neussargues de celui du Cantal, Massiac de celui de la Margeride. Allanche, Blesle, Lempdes, Charbonnier, la Combelle de celui du Cézalier. Quant aux populations rurales riveraines qui attendent encore une adduction toute problématique, elles boivent l'eau de l'Allagnon et de ses affluents et pourtant les épidémies y sont rares. Néanmoins, en période de sécheresse, une certaine prudence est recommandée par les Pouvoirs publics, car des accidents locaux sont toujours à craindre du fait de l'empoisonnement des ruisseaux par les braconniers pêcheurs de truites. Surtout les veilles de fêtes patronales !

* * *

Sur les bords de la Cère, à Vie, jaillit une belle source froide et sur ceux de Remontalou, — affluent de la Truyère, — à Chaudes-Aigues, une source chaude à 82". Toutes les deux ont de nombreuses applications thérapeutiques. Mais dans le bassin de l'Allagnon il n'existe aucune source minérale digne d'intérêt.

Néanmoins, manifestations posthumes du volcanisme, dans le fond des ravins, entre l'altitude 500 et 800 m., de nombreuses sources bicarbonatées et ferrugineuses sourdent à travers les anciennes failles de la Limagne. Dans leurs parcours, elles ont dissous l'acide carbonique et les sels minéraux contenus en abondance dans le sous-sol de cette région.

D'un débit général assez faible, elles sortent à la température moyenne de 7° environ. Une seule a été commercialement exploitée jusqu'en 1910 à Chantejail, dans la vallée de la Sianne. Les autres se rencontrent à Beaulieu, près de Charbonnier, et à Ouche, près de Massiac, dans celle de l'Allagnon. A Conches, dans la vallée de la Sianne, et près de Marzun, dans celle de la Bave.


Cette dernière pourtant mériterait une certaine attention. Ayant un débit qui n'est pas inférieur à 500 litres à l'heure, elle a de très grandes qualités diurétiques et laxatives. Elle a été analysee en 1920 Elle jaillit à 5 km du Signal-du-Luguet (1.555 m.), dans le massif du Cézalier, au fond d'une gorge sauvage et inaccessible.

Toutes ces émergences ferrugineuses, plus ou moins intermittentes pour la plupart, qui bordent les ruisseaux de cette région, prouvent que son sous-sol est d'une richesse en minéraux qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le Cantal. En effet, dans le Valagnon, à Laveissière, ce sont les lignites et les schistes ligniteux qui sont exploités. A Auxillac et à Neussargues, la silice à diatomées, transformées dans les usines de Murât. Sur les flancs du Cézalier, la tourbe.

A Bonnac, sur l'Arcueil, le minerai aurifère : le Mispickel, était extrait et fondu dans une usine prospère avant 1914. A cette même époque, la Blende et la Gallène, prospectées autrefois par les Romains, l'étaient aussi aux mines de la Rodde, près de la Chapelle-Laurent, sur les confins sud du bassin. (Boulangérite : 58 c/c de plomb, 22 d'antimoine, 20 (Il: de soufre.) L'antimoine, richesse de cette région, était alors tirée de centaines de galeries à Ouche, Luzer, Dahu, Auliac, La Fage, Conches, La Bessade, etc., et coulée en régule dans les usines de Massiac et du Bas-Bory, près de Blesle. Seule Ouche, près de Massiac, fonctionne encore au ralenti; c'est le plus riche filon, sa teneur est de 75

Enfin, le charbon du bassin houiller de Brassac-les-Mines est exploité en assez grande quantité de part et d'autre de l'Allagnon, à Charbonnier et à La Combelle.

* * *

L'Allagnon est très poissonneuse, elle est malheureusement trop facile à pêcher puisque route nationale et voie ferrée bordent toujours son cours. Elle est, ainsi, mal protégée contre le braconnage. Son repeuplement est insuffisant et les sociétés cantonales de pêche nouvellement constituées ne semblent pas encore en voir toute l'importance.

En mai 1763, la pêche dans les rivières d'Allagnon, d'Allagnonette et d'Arcueil, sur les terres du marquis Thomas d'Espinchal, seigneur de Massiac, était affermée à bail pour la durée de trois, six et neuf ans, « à condition de lui donner annuellement : la moitié des saumons pris, 50 livres de truites et d'ombres, autant de blancs et de barbeaux ».

Cette rivière est, en effet, la seule du Cantal à posséder dans ses eaux l'ombre et le saumon. Ce dernier venant de la Loire, remontait autrefois jusque dans les gouffres en amont de Ferrières où l'on en capturait d'assez gros. Il y a cinquante ans, entre Blesle et Lempdes, avant la construction du barrage « au fil de l'eau », en amont de cette ville, on prenait quelques saumons et quelques tacons à la ligne au printemps. Mais depuis, l'échelle à poisson de ce dernier étant défectueuse et les Pouvoirs, publics se désintéressant de la question, leur montée est bien moins importante que sur l'Allier, au barrage de la


Baj easse, près de Brioude. Quant à l'ombre, dont la chair est presque aussi savoureuse que celle de la truite, c'est un poisson extrêmement agréable à pêcher à la ligne avec plusieurs mouches artificielles, fin septembre. L'Allagnon est, avec l'Allier et la Loue, affluent rive gauche du Doubs, la seule rivière de France à le posséder dans ses eaux.

Enfin, pour en terminer avec les ressources piscicoles du bassin, signalons que de belles colonies d'écrcvisses y sont encore prospères dans les gorges sévères et difficiles à prospecter de l'Arcueil à Espezolle, de la Sianne à Conches, du ruisseau de Peyrusse aux abords de ce village, de la Voireuse à Leyvaud, de la Bave à Marzun, de l'Allanche en amont de cette ville.

IV, — UTiLISATION DES EAUX

UTILISATIONS AGRICOLES ET URBAINES UTILISATION INDUSTRIELLE. UTILISATION TOURISTIQUE Les eaux tumultueuses de cette rivière sont contenues à intervalles assez irréguliers et suivant l'importance des prairies à irriguer par des « pélières », sorte d'enrochements jetés en travers de son lit, suivant un angle déterminé pour retenir les eaux. Les blocs de pierre sans liaison entre eux étant maintenus par trois ou quatre rangées d'arbres placées horizontalement et soigneusement amarrées aux deux rives. Ces petites retenues sont de frêles obstacles pour l'Allagnon qui tous les quatre à cinq ans les enlève régulièrement si elles ne sont pas réparées après les fortes crues.

En été, en période de sécheresse, la plus grande partie de ses eaux, au moyen de ces barrages et par l'intermédiaire de « béais » et de « rases », sert à irriguer les jardins et les vergers, ce qui diminue d'autant son faible débit d'étiage.

* * *

Pendant tout le cours du moyen âge, c'est grâce à l'énergie fournie par ces dérivations que, dans les villages riverains, fonctionnait le moulin à chanvre et à farine, loué à bail par le seigneur du lieu. Grâce à elles, vers 1890, c'est-à-dire bien avant l'existence de la Société HydroElectrique d'Auvergne, les petites villes de la vallée ont pu, souvent avec des installations de fortune, s'éclairer à l'électricité. Abandonnées depuis bien des années, celles-ci ont rendu néanmoins les plus grands services.

En 1912, a été construit à la sortie des gorges, à 2 kilomètres en amont de Lempdes, un barrage « au fil de l'eau » pour fournir l'éclairage et la force à cette ville et à celles de la proche Limagne. La puissance installée dans l'usine était de l'ordre de 1.000 kilowatts.

Ce barrage en maçonnerie, de 6 m. de hauteur, est le seul obstacle sérieux que l'Allagnon rencontre tout le long de son cours. Par des apports de sable et de graviers extrêmement importants, et qui ne sont pas inférieurs annuellement à 30 m3 au kilomètre carré de bassin versant,


elle en a depuis longtemps complètement remblayé le réservoir amont, dont le volume de retenue à l'origine était de l'ordre de 500.000 ml.

Un barrage de l'Allagnon sur un point de son cours, peut-il être envisagé avec intérêt ?

A la sortie des contreforts du Cantal, après son confluent avec l'Allanche, aux abords de Pont-du-Vernet, cette rivière a un débit moyen et à peu près constant de 6 m3 à la seconde.

C'est en ce point, pensons-nous, que l'Electricité de France pourra, peut-être un jour que nous croyons encore lointain, capter l'Allagnon.

A notre avis, il n'en existe pas d'autre.

A douze kilomètres en aval, à la sortie du défilé de Vauclair, près de Molompize, une étude intéressante pourrait être faite. Le débit est sensiblement le même, mais la retenue pourrait être plus importante.

Mais si la route nationale n° 588 est assez élevée en ce point par rapport au lit de la rivière, par contre, la voie ferrée, d'Arvant au Lot, la suit de trop près pour que cet inconvénient ne soit pas à considérer..

Plus en aval encore, dans la plaine de Massiac et jusqu'à son confluent avec l'Allier, la vallée ne semble pas propice à l'établissement d'un ouvrage important.

Ne retenant donc ni le Lagnon, ni le ruisseau de Peyrusse à forte dénivellation mais à trop faible débit, nous ne voyons que l'Arcueil qui, au Moulin-d'Anval, à 650 m. d'altitude, offrirait avec l'utilisation- de la chute naturelle de Noubieu, un point intéressant de barrage. Mais l'unique mètre cube à la seconde que débite ce cours d'eau est-il suffisant pour envisager une pareille dépense ?

Peut-on renforcer ce maigre débit par l'apport judicieux des 6 m3 de l'Allagnon et de l'Allanche réunies au Pont-du-Vernet et les rejeter par un long tunnel de 10 kilomètres dans l'Arcueil pour profiter de cette chute ? Seul l'avenir nous dira si ce vaste projet est réalisable.

* * *

Dès les temps les plus reculés, la vallée de l'Allagnon a été la voie de tous les envahisseurs pour pénétrer jusqu'au sein des Monts du Cantal. Elle est devenue aujourd'hui le trait d'union entre la Haute et la Basse-Auvergne.

Sans avoir la beauté majestueuse de la vallée de la Cère, elle offre en revanche des paysages plus variés et plus gracieux, s'étranglant tour à tour en goulets sauvages puis s'épanouissant en petites 'limagnes fertiles, elle abrite de nombreux châteaux forts en ruine, de robustes églises romanes et de fines chapelles, dans un ciel touj ours pur dont la limpidité égale certains jours l'azur méditerranéen. Equipée du point de vue touristique d'une façon remarquable, voies ferrées et routes nationales longent constamment le cours de cette rivière qui cascade sans cesse parmi toute une escorte de bourgs accueillants, aux hôtels confortables.

A 1.150 m. d'altitude, voici d'abord la station hivernale du Lioran, plus bas celle de Laveissière et peu après le fameux château d'Anterro-


ches, Murat dans un cirque admirable au pied des superbes rochers de Bredons et de Bonnevie. Neussargues, que dominent les ruines imposantes de Mardogne, véritable plaque tournante du Cantal, porte du Midi par Saint-Flour et le viaduc de Garabit. Ferrières-Saint-Mary, centre de villégiature renommé pour la pêche à la truite et à l'écrevisse, au fond d'une gorge profonde mais toujours ensoleillée. Molompize, coquette cité bâtie autour d'un vieux prieuré du xr, voué à sainte Foy de Conques, non loin de la jolie chapelle romane du xii' siècle de Vauclair.

Passées les vieilles Tours d'Aurouse, voilà Massiac, ancienne terre relevant des Dauphins d'Auvergne, dans un riant vallon au confluent de l'Allagnon, de l'Arcueil et de l'Allagnonette, encadré par les jolis rochers basaltiques de Saint-Victor, où l'on voit les ruines d'une église du x siècle et de Sainte-Madeleine, sur lequel a été édifiée un siècle plus tard une chapelle encore bien conservée dédiée à cette sainte.

Peu après, c'est Blesie, l'attrayante cité médiévale, avec les restes du IX" siècle d'une des plus anciennes abbayes de Bénédictines de France, et sa splendide église romane, Saint-Pierre de Blesie, le joyau de cette vallée. Puis Léotoing, véritable « burg » féodal, gardien des gorges de l'Allagnon, perché sur son rocher abrupt, dominant Lanau et le château de Torsiac, dans un cirque unique en Auvergne.

Enfin, sur le Pic de Vichel, dernier éperon rocheux, non loin du confluent de l'Allier et de l'Allagnon, c'est la vieille Tour de Moncelet, à l'ombre de laquelle s'allongent dans la grasse Limagne, les si vivantes et si pittoresques cités de Lempdes, Mauriat, Beaulieu, la Combelle.

Ainsi, le long de l'Allagnon, le touriste verra s'égrener tous ces nids d'aigles et leurs ruines moyenâgeuses. Mais indépendamment de ces jolis paysages, cette vallée pourra parler aux curieux et aux chercheurs : préhistoire, géologie, mythologie, histoire, les tenir sous le charme du présent et les initier aux grandeurs du passé en méditant sous les voûtes de ses chapelles romanes où reposent depuis des siècles les vierges noires auvergnates.

La vallée de l'Allagnon, si mal connue et pourtant tellement digne de l'être, a un indéniable intérêt touristique.

Jean RIEUF.


Simples remarques sur les Fougères du Cantal

Je ne suis pas botaniste. J'ai un peu pratiqué autrefois — il y a près de 60 ans — puis j'ai à peu près abandonné pour l'étude des Vertéorés sur les conseils de notre regretté ami Pierre Marty. Je ne suis donc pas compétent pour en parler. Toutefois, j'ai toujours conservé les yeux ouverts sur toutes les richesses de la nature, et, par suite de circonstances spéciales, j'ai été amené récemment à revoir et préciser mes connaissances sur la flore. Les fougères ont spécialement attiré mon attention. J'ai ainsi pu faire quelques observations dont je consigne ici l'essentiel, espérant qu'elles pourront intéresser les spécialistes. Personne ne sait tout !

Si on s'en rapporte au monumental « Inventaire de la flore d'Auvergne » du D' Chassagne, on peut observer dans le Cantal plus de 80 espèces, sous-espèces, variétés ou hybrides. Cela me parait beaucoup. Cependant, il faut remarquer que pas mal de ces variétés n'ont pas une grande valeur systématique. Quelques-unes de ces espèces sont banales et ne méritent guère une mention spéciale. Citons, pour ne pas y revenir : Pteris aquilina L. la grande Fougère-Aigle si commune jusqu'à 1.200 m., peut-être même au-dessus, où elle gèle fréquemment au printemps et reste presque toujours stérile.

Ceterach officinarum Willd., assez abondant sur les vieux murs et les rochers schisteux des altitudes basses et moyennes.

Poly podium vulgare L., partout jusqu'au Pas-de-Roland.

Polystichmn filix-mas Roth. ou Fougère mâle, également à toutes les altitudes, qui prend un développement énorme dans les bois et les ravins humides jusqu'à 1.700 m. au moins, ainsi d'ailleurs que la Fougère femelle.

Cystopteris fragilis Bernh. et ses nombreuses variétés (var. anthriscifolia Koch notamment) qu'on trouve abondamment partout jusqu'à 1.600 m. (alors assez souvent sous une forme naine).

Asplenium trichomanes L. ou Capillaire des murs, une des plus communes fougères, qui se mélange dans les hautes stations à Asplenium viride.

Blechnum spicant Withg., dont on trouve encore de belles touffes fertiles près d'Eylac, à la base du Puy-Mary.


Pour les autres espèces (du moins celles que je connais), elles présentent quelques particularités de dispersion dignes d'être relevées.

Osmunda regalis L. Cette magnifique fougère, qui serait peu rare dans tout le Sud-Ouest, ne m'est connue que de quelques stations, à Teissières-les-Bouliès, notamment une très forte colonie, dans les bois de Falguières, sur un sol argileux et schisteux très humide.

Dryopteris Linnaeana Christ. Bien que cette espèce soit signalée dans les régions méridionales du Cantal, je ne l'ai pour ma part observée qu'entre 900 m. (Le Monteil) et 1.500 m. (flanc E. du Puy-Mary). Très abondante dans la vallée du Claux, spécialement dans le Bois-Mary, sous le Col de Serres.

Athyrium alpestre Ryl. Bien moins commune que A. filix-femina.

On la trouve déjà vers 950 m. (Bilières, commune du Monteil). Cependant, c'est sur le flanc N. du Puy-Mary, puis vers le Pas-de-Roland que je la rencontre le plus fréquemment. Encore qu'elle ressemble beaucoup comme port à la Fougère femelle, l'étude de Vindusium et des spores ne justifie guère le groupement en un même genre de ces deux espèces.

Mais ce n'est pas à moi d'en décider.

Aspidium lonchitis Swartz. Belle espèce, très abondante, depuis le refuge d'Eylac et ses environs, le pied des Roches-Taillades (1), jusqu'au Pas-de-Roland, soit entre 1.400 et 1.600 m.

Aspidium aculeatum Doell, s. xesp. Angulare Kit. Un peu partout, dans les bois et les ravins, depuis Teissières-les-Bouliès, 500 m., jusque vers 1.400 m. (rarement). Quelques touffes très robustes dans le Bois-Mary.

A. aculeatum, s./esp. lobatum Sw. Cette forme me parait remplacer la précédente au fur et à mesure qu'on s'élève en altitude. Commune depuis Le Claux jusqu'à Eylac. Je ne l'ai jamais rencontrée dans les régions basses, sauf sous la variété suivante, de peu de valeur, il me semble.

Aspidum lobatum Sw, var. Plukeneti D.C.-Coindes. au pied d'un rocher exposition N.-E., vers 580 m.; Le Claux, vieille muraille, exp. S.-E., 1.150 m.; Eylac, rochers, exp. N., 1.460 m. Partout fertile.

Polystichum eu-spinulosum Mill. Assez commun dans les bois et ravins humides du secteur méridional (Teissières-les-Bouliès, Vitrac, etc.). Je ne l'ai jamais rencontré dans ma région (secteur N.).

Polystichum dilatatum D.C. C'est uniquement cette forme que je constate en montagne, notamment sur le flanc N. du Puy-Mary, par pieds isolés. Du reste, très caractérisée et, pour son port au moins, assez différente du type pour constituer une bonne sous-espèce.

Polystichum thelipteris Roth. Depuis longtemps signalé aux bords

(1) Les Roches-Taillades dont je parle ne sont pas sur le versant du Falgoux, mais à la tête de la vallée du Claux. C'est un escarpement vertical, dû à un front bien connu de Basalte porphyroïde, à la base du Puy-Mary (appellation locale).


du Lac de Madic. Il y est en effet fort abondant par places sur sa rive N.

et fructifie normalement.

Asplenium septentrionale Huds. Espèce très commune dans les murs et sur les rochers des régions basses et moyennes. Aux environs du PuyMary, sa dispersion est assez curieuse. On la trouve abondante sur les rochers basaltiques à la base du château d'Apchon, puis sur un roc isolé entre Le Claux et Giraldès. Ensuite, plus rien jusqu'à Eylac où elle réapparaît dans le mur de soutènement, au bord de la route, et les éboulis environnants. Je l'ai vainement cherchée dans la vallée de l'Impradine, entre Lavigerie et Eylac. Rien pour le moment ne me paraît expliquer cette lacune entre 1.150 m. et 1.460 m. Mais je ne prétends pas avoir tout vu.

Asplenium viride Huds. Pose également un problème de distribution.

C'est une fougère rare qu'on peut récolter à la tête des cirques de l'Impradine et de la Rhue, de Peyre-Arse aux Roches-Taillades, notamment à la base du Pas-de-Roland, entre 1.450 et 1.600 m., mélangée à une forme parfois naine de A. trichomanes. Or, le Dl' Chassagne la signale sur « les rochers N. de la route de Saint--Amandin à Condat, sous Laquairie ». Je ne connais pas cette station; mais j'en ai retrouvé une autre non loin de là, à l'exposition N. et car touffes très vigoureuses, dans les rochers qui terminent l'éperon surplombant le confluent de la Veronne et de la Petite-Rhue, près de Jointy. Cette espèce prospère donc sur un espace d'au moins 5 km à vol d'oiseau. Que fait-elle là et depuis combien de temps y est-elle venue ?. Les flores la disent calcicole. La nature exacte de la roche ne m'est pas connue, mais me paraît être un gneiss très chargé en quartz et pauvre en calcaire. Il est plus probable que c'est une relicte glaciaire, attendu que les plateaux environnants portent de nombreuses traces de glaciation (Wurm ou Riss?). Peut-être notre fougère s'est-elle installée à cette époque au front des glaciers et y persiste depuis. Simple hypothèse.

Asplenium adianthum-nigrllm L. s./esp. A. nigrum D.C. On pourrait répéter à propos de cette espèce, la remarque faite au sujet de A. septentrionale. Dans la vallée de la Mars je ne l'ai pas vue au-dessus de Saint-Vincent, 750 m. Ailleurs, elle est commune dans les vieux murs ou sur les rochers du N. ou S. du Cantal, mais atteint péniblement 1.000 m.

à Bonnevie (Murât). Toutefois, j'en ai retrouvé quelques touffes dans le mur de la route, au-dessus du refuge d'Eylac, à l'exp. E., vers 1.470 m.

Il semble donc bien aussi y avoir là une lacune de près de 500 m. que rien, à ma connaissance, n'est venu combler.

Aspleniuvi ruta-muraria L. Espèce plus commune, il me semble qu'on l'a dit parfois. Il est rare qu'on n'en trouve quelque pied installé dans les murs maçonnés - sans doute à cause de la chaux. Seulement elle ne s'élève guère en montagne, et 1.000 m. me paraît être son extrême limite supérieure. Nombreuses formes parmi lesquelles je n'ai nettement reconnu que la suivante : A. rlta-mlraria, var elatum Lang. Non encore signalée dans le CCaannttaal l, je crois; elle s'y retrouve pourtant, malgré sa rareté relative,


dans un certain nombre de stations : Molompize, Champs, Madic, et sans doute ailleurs.

Asplenium foresiense Legr. Je n'en connais qu'une station, à Teissières-les-Bouliès, sur micaschiste, à la base d'un vieux mur, exp. S., vers 700 m.

Asplenium lanceolatum Huds, var L. genuinum. Même remarque et même commune, dans les bois de Falguières; micaschiste, exp. S., 550 m.

Asplenium Breynii Retz. Espèce autonome ou hybride fertile de septentrionale Trichomanes Loret ? Je ne sais. Pas tellement rare, et j'ai pu l'observer à Teissières-les-Bouliès, Le Monteil, Sauvat, Moissac, près Neussargues. En tout cas, si A. trichomanes est abondant partout et peut s'hybrider très facilement avec les espèces voisines (1), A. septentrionale est bien plus localisé, ce qui me semble rendre douteuse l'hybridation admise par Loret.

Allosurus crispus Bernp. Cette fougère ne paraît pas très rare en montagne, mais assez localisée. Bien en dehors de son aire normale de dispersion, une belle colonie existait, et existe sans doute encore, dans les éboulis du rocher des Blattes, près Le Monteil, vers 900 m. à l'exposition N.-W.

LES SPORES

Ce sont de fort jolis obj ets, d'un brun chocolat plus ou moins foncé, et dont les croquis ci-joints ne donnent qu'une bien pauvre idée.

Leurs dimensions sont assez variables, pas tellement selon les espèces, mais à l'intérieur même de l'espèce et prélevées sur la même fronde.

Ces dimensions vont de 20 à 50 [L (2), la taille la plus courante étant de 30 à 40' [i, sans rapport du reste avec le développement de l'espèce.

Ainsi par exemple, la Fougère-Aigle, dont les frondes peuvent avoir 2 m., a des spores atteignant à peine 40 [t, tandis que A. viride de 15 cm et souvent beaucoup moins en produit de 50 [L dans leur plus grande dimension.

Les formes sont également assez diverses. Rarement sont-elles à peu près sphériques, mais ovoïdes, en demi-lune, réniformes, etc. Ce polymorphisme affecte surtout certaines espèces : Polypodium vulgare, Athyrum filix-femina, Aspidium lonchitis et Aculeatum, pour n'en citer que quelques-unes. Je n'ai retenu pour les croquis que les formes les plus banales.

L'ornementation diffère moins : pour la plupart, il y a tout autour une sorte de frange plus ou moins découpée, de largeur 5 à 8 [L, mais

(1) Je me suis souvent demandé pourquoi on n'a jamais décrit d'hybride entre Asplenium viride et A. trichomanes, alors que ces espèces sont si proches parentes, semble-t-il, et si intimement mélangées partout où croît la première.

(2) Rappelons que le n (micron) vaut i/1.000e de millimètre et qu'il faudrait, au mieux, aligner 20 spores pour couvrir 1 mm. La loupe est impuissante. L'emploi du microscope, et même avec un assez fort grossissement, est nécessaire. C'est sans doute pourquoi les Flores n'en font pas état dans leurs diagnoses.


qui peut manquer ou être très réduite : Pteris aquilina, Polypodium vulgare, Athyriuvi filix-femina. Quelques-unes portent de fortes épines : Aspidium lonchitis et surtout Cystopteris fragilis; mais c'est l'exception, du moins parmi les espèces que j'ai étudiées.

Je crois que l'étude attentive des spores pourrait donner de précieux caractères de détermination dans les cas désespérés.

P. CANTUEL.

OUVRAGES UTILES

On consultera avec plaisir et profit les ouvrages suivants : BONNIER (G.), Flore illustrée de la France, Suisse et Belgique (Paris, Librairie générale de l'Enseignement).

BOREAU, Flore du Centre de la France, 2 vol. (Paris, Librairie encyclopédique Roret).

Dr CHASSAGNE, Inventaire analytique de la Flore d'Auvergne (Paris, Lechevalier, 1956).

HÉRIBAUD Joseph (Frère), Flore d'Auvergne (éditions diverses).


Çuefques spores * Tolères

1. Athyrium alpestre; 2. Athyrium filix-femina; 3. Aspidium lonchitis; 4. Aspidium aculeatum, s./esp. Angulare; 5. Aspidium lobatum, var.

Plukeneti; 6. Polystichum eu-spinulosum; 7. Polystichum dilatatum; 8. Polystichum thelipteris; 9. Cystopteris fragilis; 10. Asplenium viride; 11. Asplenium ruta-muraria (type); 12. Asplenium ruta-muraria, var.

elatum; 13. Asplenium Breynii (hybride); 14. Blechnum spicant.


La FIEVRE STATISTIQUE Il et les premières enquêtes économiques dans le Cantal (fin)

NOTES SUPPLEMENTAIRES AU TABLEAU STATISTIQUE DU CANTAL

NOTES SUPPLEMENTAIRES

au tableau topographique, statistique, historique du département du Cantal par J.-B. Durat-Lassalle, docteur en chirurgie et en chef de l'hospice général d'Aurillac, émérite, et correspondant de la cy devant académie royalle de chirurgie, pensionaire du gouvernement, membre de la société d'agriculture et des arts du département du Cantal.

Depuis l'époque que j'ai envoyé mon statistique à son excellence le ministre de l'intérieur, d'autres particuliers ont aussi écrits sur la statistique de ce département; ils ont commis quelques fautes contres les principes de l'économie rurale du païs; ils ont avancés des faits qui ne sont pas exacts : ne pouvant entrer dans un long détail, je me bornerai à en relever quelques unes : dégagé de tout esprit de critique je n'aurai jamais d'autre but que celui du bien public. Je dirai aussi que si ces ouvrages contiennent quelques fautes, ils contiennent aussi de grandes instructions et fournissent des grandes lumières propres au païs.

NOTE PREMIERE

Forêts. IX La distribution que l'on fait des bois et des forêts, ainsi que sur la qualité et la nature des différents arbres, n'est pas exacte, voyés l'esquisse que j'ai faite dans mon tableau, elle est précise et très exacte.

La forêt de Combros, près d'Aurillac, est presqu'entièrement détruite; à peine on y trouverait aujourd'hui un arbre de la grosseur de la cuisse; la forêt d'embioudes, commune de Teissières les Bouliès, n'est guère en meilleur état; il en est de même de tous les bois et les forêts des environs


d'Aurillac; excepté quelques beaux arbres dans le bois de M. Desbans et de Larmandie d'Ytrac et au Bourlès; il y a encore d'autres particuliers qui possèdent quelques beaux arbres en bois de chêne, mais le nombre diminue chaque jour et ils deviennent très rares; les grandes constructions que l'on a faites et que l'on continue a Aurillac, contribuent le plus à cette peneurie; plusieurs de ces arbres se vendent sur place jusqu'à 250 F; il faut en outre payer les frais de coupe et de transport, et les branchages restent encore au profit du vendeur. C'est dans les communes de Teissières et de Leucamp où l'on fait la plus grande quantité de charbon; les particuliers qui le travaillent coupent le bois çà et là et n'employent pas les coupes réglées; ce jeune bois devient également rare, car depuis deux ans le charbon que l'on porte à Aurillac a triplé de prix; l'on fait aussi une grande consommation de ce bois pour faire des cercles de barriques, ainsi que dans le dépouillement de son écorce pour en faire le tan; à la vérité ce dernier est employé à faire du charbon; l'on porte aussi, du même païs, le bois qui sert à faire les chevrons.

L'arrondissement d'Aurillac contenait autres fois une grande quantité de genets; ce petit arbuste devient également très rare, le petit fagot qui se vendait il y a quelques années deux liards, se vend aujourd'hui trois sols et son volume est encore plus petit.

Il n'y a pas d'exactitude en disant que les plus beaux hêtres ne croissent que dans la partie méridionale du département; cet espèce d'arbre vient plus naturellement dans les païs qui avoisinent les grandes hauteurs; cette vérité est fondée sur le bois de hêtre de la Cavade, celui de Senille près le mont du Cantal, celui du pui de Griou.

Une grande partie du bois du Falgoux, dont les beaux hêtres sont entremêlés avec des sapins; il en est de même dans le canton de Condat et de Riom, et de plusieurs bois de hêtres qui sont situés près les montagnes du Mont Dor; il est certain que le sol élevé et l'exposition au nord favorise plus particulièrement la culture de ce bois.

On ne trouve pas de mélèse dans le département du Cantal; le bois de pin et de sapin sont les plus communs dans le haut païs : l'orme est au contraire aujourd'hui plus commun que le thillieul.

Le gouvernement ne peut guère espérer tirer de ce département des bois pour la construction et la mâture des vaisseaux; les forêts de pin et de sapin de la Margeride, du Lieurent, celles du Bois Noir, de Chamalières, et autres dans le voisinage de Condat, sont celles qui pourraient en procurer le plus pour la mâture, mais le transport est impraticable; il n'y a ni routes ni rivières propres au transport et les plus beaux arbres sont encore situés dans des précipices où l'on n'y pénètre qu'avec de grandes difficultés.

Les anciens habitants avaient grand soin d'entretenir de grands arbres isolés sur des points élevés; ces arbres étaient des thillieuls, ormeaux ou chênes; ils servaient de signeaux pour la reconnaissance des lieux; ils pouvaient également servir aux géographes pour points de mire ou d'alignements; dans plusieurs communes et villages on entretenait aussi de ces gros arbres, plus particulièrement dans les places publiques près des églises; ces gros arbres procuraient un ombrage frais dans le tems des grandes chaleurs; ils servaient aussi de lieu d'assemblée


aux habitants pour y traiter de leurs affaires sans aller aux cabarets; j'ignore pourquoi l'on a détruit ces beaux arbres et pourquoi l'on n'en a pas substitués d'autres lorsque les anciens sont tombés en vétusté : il paraîtrait nécessaire que le gouvernement ordonnât une nouvelle plantation et qu'il pourvut à leur conservation

NOTE 2*

Agriculture.

C'est une erreur bien grande de vouloir persuader que le département du Cantal ne doit comporter que des forêts et des pacages, que l'on ne doit rien faire en faveur de l'agriculture, que les habitants de ce païs ne doivent faire qu'un peuple de pasteurs; d'après un pareil sistème l'on établirait une colonie de sauvages au milieu de l'empire français.

Il est certain que les principales resources des habitans du Cantal consistent dans ses prairies, dans ses pacages, dans la vente de ses bestiaux et de ses fromages, mais il est prouvé qu'en augmentant et en améliorant son agriculture, c'est leur procurer une plus grande somme de bonheur.

Avant la Révolution on ne récoltait pas la moitié des grains nécessaires à la subsistance des habitans; il falait année commune employer des sommes immenses pour acheter des grains chés l'étranger; depuis quelques années l'agriculture s'est bonifiée, et si elle n'était pas quelquefois détruite par les gélées du printemps et par l'effet d'autres météores, elle serait assez suffisante et même au dela pour la nourriture des habitans.

Quoique l'agriculture se soit améliorée et fort étendue, les pacages n'ont pas diminués pour cela; l'on elève et l'on nourrit également la même quantité de bestiaux; il est vrai que depuis deux années l'on n'a pu faire la même quantité de fromage, ni pouvoir nourrir autant de bestiaux, mais cet inconvénient ne provient pas de l'extension de l'agriculture. mais à l'effet d'une sécheresse trop constante qui a lieu depuis trois années, qui a tarie la plupart des sources, brûlé et rotie la pelouse; les bestiaux ont souffert de la faim, les vaches n'ont pas donné le lait ordinaire, plusieurs sont restées stériles, d'autres se sont avortées, et plusieurs ont péri par la maladie, quoique la sécheresse de cette année ne soit pas aussi grande elle fait craindre néanmoins qu'il n'arrive d'autres accidents, cette crainte pourrait être augmentée par l'effet d'une grande quantité de sauterelles qui se sont répandues dans plusieurs pacages des païs élevés.

Je répéterai qu'on ne saurait trop améliorer et encourager l'agriculture dans ce département; la qualité du terrain ne produit pas assez de bled froment, mais la quantité des autres compensera amplement celle du froment, et il est encore facile d'augmenter celle de ce dernier.

Une longue sécheresse nuit considérablement au terrain de ce département dont une grande partie est composée de terre alumine ou argileuse; après quelque temps de sécheresse ce terrain se fend et se crevasse a plus de six pieds de profondeur.


La nature change de face, la végétation souffre et dépérit en peu de tems; les pluies qui ont eu lieu l'hiver dernier n'ont pas pu rétablir la moitié des sources qui s'étaient taries par l'effet de la sécheresse de l'été dernier, l'on doit espérer qu'elle ne sera pas aussi constante cette année car le genre d'agriculture de ce païs et la qualité de son terrain nécessite la pluie par intervalles.

NOTE 3e

Irrigation.

L'habitant du Cantal n'a pas besoin d'instruction pour l'irrigation de ses eaux; il sait les dispenser à propos et les mettre à profit pour l'arrosement de ses prairies: il se gardera bien d'employer d'autre méthode que la sienne.

Cet une absurdité de proposer qu'il faut arrêter les sources dans leur principe et établir de grands bassins; ce projet est d'abord impraticable dans ce païs: le fut-il, toutes les resources du département n'y sufiraient pas et, dans tous les cas, il serait plus nuisible qu'utile et emmenerait des accidents au-dessus de fausses idées que l'on a conçues à ce sujet; car enfin il ne faut avoir aucune idée d'hydraulique, ni sur la topographie de ce païs.

Il ne faut pas croire non plus que la qualité des fourrages de prés élevés surpasse ceux des prairies oui sont situées dans les valons et qui sont arrosées par les eaux des rivières; il est vrai que les fourrages des prés élevés convienent mieux pour la nourriture des moutons, des brebis et des jeunes bestiaux, à raison des plantes aromates et vulnéraires qu'ils contiennent; ce fourrage est aussi plus court et plus menu; les fourrages des prairies situées dans les valons, ou il n'y a pas de jong ni de plantes malfaisantes convienent beaucoup mieux pour la nourriture des chevaux, des bœufs et autres gros animaux.

L'on sait bien aue les eaux ne doivent pas croupir sur le sol des prairies et qu'elles doivent avoir un écoulement graduel et perpétuel et que les eaux douces et limpides des fontaines qui arrosent des prairies en pentes sont les plus propices à la végétation d'un bon herbage, et que les eaux croupissantes, surtout celles qui entrainent des parties ochreuses, ferrugineuses et calcaires, sont les plus nuisibles à la végétation des plantes graminées, et ne produisent ordinairement que des plantes parasites.

Autre erreur de vouloir persuader quen détruisant la gentiane Ion augmenterait un produit de plusieurs millions dans le département du Cantal; d'après un tel sistème ce département serait le plus riche de l'empire français, tandis qu'il en est un des plus pauvres; je suis convaincu que deux montagnes égales en herbage et en contenu, dans l'une desquelles il y aurait de la gentiane et dans l'autre point du tout, le produit serait à l'avantage de celle de la gentiane; dans la montagne ou cette plante n'existe pas, les vaches, en mauvaises ménagères, prodiguent en peu de tems tous les herbages; dans la montagne qui contient


beaucoup de gentiane les vaches ne mangent en premier lieu que les herbages qui sont dans les interstices de cette plante; après cette première consomation, elles ont la ressource de celle qui est restée recouverte et tenue fraîche sous la feuille large et épaisse de la gentiane, et à l'arrière saison les vaches finissent par manger la gentiane elle même, l'on prétend que cette plante leur fait du bien et bonifie leur lait et elle sert en outre à d'autres emplois et ne croit ordinairement que dans le meilleur terrain.

NOTE 4'

Elevage,

Il est certain que le département du Cantal élève et nourrit un grand nombre de bestiaux mais cette quantité n'est pas aussi prodigieuse comme on veut le faire entendre et n'est pas non plus disproportioné à l'étendue et à la nature de son sol; je dirai cependant que la cupidité de plusieurs particuliers les portent d'entretenir un plus grand nombre de vaches qu'ils ne peuvent nourrir.

Cette spéculation est mauvaise et impolitique car au lieu d'avoir quarante vaches il vaudrait mieux en avoir que trente bien nourries, qui produiraient beaucoup plus que les quarante mal nourries; elles ne seraient pas exposées la plus part du tems à mourir de faim et si exposées aux maladies causées par la famine; il est certain que les vaches qui ont une abondante nourriture pendant l'hiver restent toujours dans un bon état et fournissent au double de lait, au lieu que celles qui souffrent la faim, si elles ne sucombent pas, elles restent dans un état de langueur et de rabougrissement, et l'espèce, au lieu de s'améliorer devient plus chétive.

Ces particuliers trop avides de gain et souvent d'orgueil pour faire parade d'une grande vacherie, ne doivent pas calculer d'après une année abondante en fourrages; ils ne doivent tout au plus ne considérer que le terme moyen d'abondance afin de ne tenir que le nombre de bestiaux auxquels ils peuvent procurer une sufisante nourriture, soit pour les herbages de la montagne ou pour les fourrages qu'ils peuvent engranger; il vaut beaucoup mieux en avoir de reste que d'en manquer la plus part du tems.

C'est encore une grande erreur de vouloir persuader qu'une vache produit 190 F de revenu net; une vache de la bonne espèce, et qui est bien nourrie, produit au plus deux quintaux de fromage, dix livres de beurre, un petit veau, et participe à une partie de la nourriture d'un cochon. La vente du fromage et du beurre est souvent précaire; elle varie chaque année, mais s'il y a quelques vaches qui donnent jusques à deux quintaux de fromage, le plus grand nombre nen donnent pas 140 livres, et je crois que tout bien calculé le produit d'une vache ne passe pas cent francs; il faut aussi calculer ce que coute une vache de nourriture; il faut quatre chars de foin, deux de paille et un de mélange pour son hIvernage: ajoutés à cela les herbages qu'elle mange au prin-


tems en déprimant les plus belles prairies, les herbages qu'elle mange sur la montagne pendant près de cinq mois de l'année et les dernières herbes des prairies qu'elle mange en automne; il faut payer le salaire d'un vacher et de deux domestiques attachés au service d'une vacherie de trente vaches; il faut en outre chaque année renouveler les vaches trop vieilles ainsi que celles qui périssent par maladie et quelquefois par accidens et autres cas fortuits. L'on peut répondre, qui pourrait consommer tous les fourrages d'Auvergne s'il n'y avait pas de vacheries ?

il me semble qu'il vaudrait mieux nourrir une plus grande quantité de bœufs gras, des chevaux et des mules, et élever une plus grande quantité de moutons, que d'obtenir autant de fromage dont la vente est souvent précaire; il vaudrait encore mieux pour les particuliers, qui ont des grandes prairies près des villes, vendre leur fourrage dont le produit est bien plus réel que celui du fromage; les prairies qui ne seraient pas déprimées au printems par les vacheries rapporteraient au double de fourrage; il est certain que les fourrages seraient plus abondants et à meilleur compte mais alors le gouvernement enverrait de la cavalerie pour les consommer; le gouvernement y gagnerait ainsi que les particuliers.

Je ne prétends pas dire qu'il ne faut plus tenir de vacheries; il en faut au contraire en garder dans tous le païs qui est situé près des grandes hauteurs et qui ne récoltent presque pas de grains et qui ne comportent que des pacages et dont les fourrages ne peuvent se consomer que sur lieux.

J'ai dit dans mon statistique la manière assez précise de bonifier et améliorer le fromage; il est inutile que je le répète ici; l'opinion des personnes qui voudraient faire adopter des nouveaux instruments et un nouveau mode dans la fabrication des fromages me parait très vicieuse et mal fondée. Il n'y a pas d'exactitude en disant que tous les domaines qui ont cinq à six paires de bœufs de labour ont aussi des vacheries; il y a au contraire plusieurs domaines dans les environs du haut païs qui ont plusieurs paires de bœufs de labour, et ils nont pas de vacheries; et j'ajouterai qu'ils ne sont pas les plus pauvres, cet exemple prouve l'avantage d'une bonne agriculture.

Le mode de vouloir atteler les vaches et les bœufs par le cou est impraticable dans le païs de montagne; il n'est pas prouvé qu'ils ayent plus de force lorsqu'on les attele par le cou; la nature indique les cornes pour les soumettre au joug et c'est dans leur tête que consiste leur principale force, leur deffense et leur adresse.

Les bestiaux qu'on élève près de Salers passent pour la plus belle espèce; plusieurs particuliers dans toutes les parties du département ont aussi de la belle qualité et souvent supérieure à celle de Salers; il suffit seulement d'y mettre le prix, en avoir soin et de les bien nourrir, ne pas les forcer à un travail excessif et ne pas imiter certaines personnes qui, par avidité de gain, leur font faire des voyages forcés, les font périr sous un fardeau au-dessus de leurs forces et manquent très souvent à les faire rafraîchir à propos.


NOTE 5*

Moutons.

Il ne faut pas avoir une grande idée de l'économie rurale et de la politique d'un état en disant que l'amélioration des bêtes à laine dans le département du Cantal est impossible, et que dans le cas où l'on y parviendrait, elle deviendrait plus nuisible qu'utile. Malgré cette opinion, plusieurs particuliers ont fait venir depuis quelques années des bellierset des brebis de race espagnole, et l'on s'aperçoit déjà d'une amélioration très sensible; le troupeau de M. de Roussilhe, à Cussac, en fournit une grande preuve; cet exemple a été imité par d'autres particuliers et nouvellement par M. Cuelhe, directeur des contributions à Aurillac; plusieurs ont fait venir aussi des belliers et des brebis des départements du Lot et de Laveiron. La propagation augmente journellement et les races s'améliorent insensiblement.

La race indigène n'est pas aussi chétive qu'on la présente; depuis plusieurs années, elle s'améliore par le métis; les bêtes à laine noire forment elles à peine aujourd'hui le vintième de celles à laine blanche; quelques habitans recherchent cette laine pour en faire des bas, ce qui leur épargne la teinture; ils l'employent rarement pour en faire des habits excepté qu'ils en fassent un mélenge avec les blanches; il est bien prouvé que le département du Cantal retirerait le plus grand avantage par l'amélioration de ses bêtes à laine et pourrait obtenir à l'avenir un aussi beau lainage que dans les autres païs, cela faciliterait l'établissement de quelques fabriques pour le travail des laines et des étoffes; pour ce qui concerne la teinture et le dégraissement des étoffes aucun pays n'ofre autant davantages que celui du Cantal.

Tout le monde convient que pour obtenir un beau lainage il faut faire parquer les bêtes à laine; depuis quelques années les hivers sont devenus plus doux et plus favorables pour tenir dehors ces animaux; dans la plus rigoureuse saison on pourrait pratiquer avec peu de fraix aes grands angards; ces angards seraient bâtis à pierres sèches seulement, ayant le couvert un peu élevé et soutenu par des pilliers simplement, afin que l'air y peut pénétrer de tous les côtés : il est certain que ces animaux se portent mieux avec le tems froid que dans celui des grandes chaleurs, car rien ne contribue plus à leur procurer des maladies qu'en les encombrant dans écuries basses et privées d'air atmosphérique, et puis les sortir de cette fournaise pour les faire boire froid et manger quelque peu d'herbe glacée.

Les loups ne sont plus aussi communs qu'ils l'étaient autrefois, soit par la destruction des grandes forêts, ou par la chasse que l'on leur fait souvent et qui est encouragée par les récompenses du gouvernement; il faut d'ailleurs se procurer des bons chiens, un bon berger muni d'un fusil, et que ce berger soit un fidelle gardien et n'ait d'autre azile que sa cabane ambulante.

L'on assure qu'avant l'établissement des grandes vacheries en Auvergne, l'on élevait sur les montagnes de Salers des grands troupeaux


de moutons dont le lainage était fort beau et que des marchands espagnols venaient acheter ces laines pour les faire ouvrer dans leur païs.

Je ne sais pas s'il ne serait pas plus avantageux de diminuer le grand nombre des vacheries et augmenter celui des bêtes à laine; tout bien calculé je crois que l'avantage resterait pour ces dernières; au surplus le département du Cantal, qui est un païs de pacages assez étendus, peut avoir un peu de l'un et de l'autre; la grande cherté des draps et des laines actuellement fait désirer l'augmentation des bêtes à laine.

J'ai deja dit dans mon statistique que le département du Cantal engraissait un grand nombre de moutons que l'on achetait des département du Lot et Laveiron, et qu'après en avoir fait la tonte et les avoir engraissés, on les vendait ensuite dans les départements de l'Hérault, du Gard, du Rhone et du Var : ce commerce se fait plus particulièrement a Aurillac pendant la saison du printems et de l'été; des hommes du païs conduisent ces moutons par troupes séparées dans les marchés et les boucheries de Montpellier, de Nimes, d'Avignon, d'Aix, de Marseille, de Toulon et jusques à Nice; ce commerce a lieu depuis le commencement de mai jusques à la mi 8bre, ou de tloréal jusques vers fin de vendémiaire.

Ces moutons se sont vendus cette année dans le païs jusques à vingt francs la pièce, sans y comprendre la laine; le pris ordinaire est depuis 14 F jusques à 16 F ce qui équivaut depuis 8 sols jusques à 10 sols la livre de la chair, poids de marc. Le lainage de ces moutons est ordinairement le plus beau du païs; les marchands étrangers viennent en acheter une partie pour la faire ouvrer dans leur païs, le surplus se travaille dans ce païs pour en faire des ctofes de ménage tels que rases, camelotes et étamines.

On envoye aussi de nos moutons gras en Espagne et quelquefois des bestiaux; je connais des marchands qui font ce commerce.

Mulets.

Plusieurs marchands de ce païs ont été cette année en Espagne pour y vendre de nos mules; autrefois c'était des marchands espagnols qui venaient eux mêmes dans notre païs pour les acheter, on prétend qu'ils ne vienent pas si fréquament parce qu'ils ont éprouvé des vols considérables à l'intérieur de la France.

NOTE 6". MÉTÉOROLOGIE

Météorologie.

L'état atmosphérique du département du Cantal offre des variations que l'on n'observe pas dans les autres parties de la France; il n'est pas surprenant de passer assés promptement du 25 degré de chaleur à celui de la glace; plusieurs exemples ofrent ce contraste frapant; un exemple très récent en ofre encore la preuve: le 7' messidor dernier le thermomètre était à midi de 25 degrés de chaleur ou au dessus de 0, le 10 messidor au matin il y a eu de la glace; mais il y a d'autres exemples qui s'offrent du jour au lendemain, il n'est pas non plus étonant de voir souffler simultanément jusques à cinq vents différents et de


distinguer jusques à quatre couches de nuages dirigées en sens contraires par autant de vents différents; il y a des années qui gèle et tombe de la neige à chaque mois de l'année.

Les froids qui règnent ordinairement au printems détruisent quelquefois les fruits et la récolte; quand je dis quelquefois ce que malgré le froid la récolte ne prend aucun mal; les orages, la grele et les torrents d'eau contribuent souvent à la perte de quelques parties de la récolte; il ne se passe guères d'années sans que le feu du ciel incendie quelques granges, des maisons, ne tue quelques hommes et quelques animaux.

Les torens d'eau qui survienent simultanément par l'effet de quelque grand orage ou forte pluie détruisent des propriétés précieuses et les métamorphosent en des amas de sable, de pierres, cailloutages et encombrements de différens matériaux; il parait que depuis plusieurs années les hivers ne sont plus aussi rigoureux; quelques uns attribuent ce changement à la destruction des grandes forêts; je pense que c'est plutôt l'effet des vents méridionaux qui soufflent plus constamment dans le mois de frimaire, de nivose et une partie de pluviôse.

Depuis quelques années le plus grand froid se déclare vers le milieu de pluviôse; à cette époque les vents du n. du N.N. e surtout le n.e.

s'établissent avec violence, et si le soleil qui avance alors dans notre latitude, ne ralentissait pas un peu le degré du froid, il deviendrait excessif, car il y a des années ou à cette époque il dessend jusques à 13 au dessous de 0.

Les vents qui règnent le plus, année commune, dans ce département sont le no, le n, le né, l'é, le s. et l'o.

C'est dans la saison de l'automne et une grande partie de l'hiver que les vents du s. et de l'o. sont les plus constans; c'est vers le printems que les vents boreaux s'établissent; c'est dans l'été que l'éné et l'é dominent principalement.

La plus grande élévation du baromètre dans ce païs est de 752 millimètres = 27 pouces, 6 lignes, 4 dixièmes.

Le plus grand abaissement est de 718 millimètres = 26 pouces, 6 lignes, 3 dixièmes.

Le therme moyen varie de 735 millimètres à 740, savoir depuis 27 pouces, 1 ligne, 8 dixièmes jusques à 27 pouces, 4 lignes, 0.

Le plus grand degré de chaleur est de 26 degrés.

Le therme moyen est depuis dix jusques à 15.

Le plus grand degré de froid est de 13 en dessous de 0; il est de 24 degrés sur le Plomb du Cantal et sur le Pui Mary.

Le therme moyen du froid est depuis 0 jusques à 6.

Le therme moyen de température est depuis 5 degrés au dessus de 0 jusques à 11.

On compte, année commune, dans le département du Cantal,


148 jours de pluie, 50 jours de neige, 90 jours de froid ou glace, 30 jours d'orage de tonerre ou grele, 60 jours de brouillards ou brumes épaisses, 250 jours de nuages ou tems couvert, 70 jours sereins, 20 jours de tems calme et sans aucun vent connu.

Il y a des années que l'on observe des aurores zodiacales; il se détache souvent du ciel des globes de feu; ce globe représente en premier lieu une très grosse étoile et tombe sur la terre en forme de colone ou queue très allongée; ce météore arrive principalement dans les grandes chaleurs; il laisse une odeur de sulfure usé; ce feu doit être considéré dans le genre du feu piramydal et non pas comme une étoile tombante. Le fluide éléctrique parait très abondant dans notre atmosphère; il ne se passe guères de tems sans que l'aiguille aimantée ne soit en oscillation ou en mouvemens, plus particulièrement au soleil levant et à midi; j'ai observé que depuis deux ans elle déclinait jusques à 18 degrés vers l'é. Tandis que il y a vingt quelle déclinait plus particulièrement vers l'o; je n'oserais pas avancé si le pole du nord n'a pas également incliné vers l'é; il est certain que dans ce pays le plus grand froid a lieu par le vent du né; et il gele souvent par le vent d'é.; c'est encore ces deux vents les plus constans dans le courant de l'année; j'ai soupçonné quelquefois un dérangement dans notre globe et que notre latitude s'était rapprochée du tropique; je me permets cette assertion parce que au solstice d'été de cette année le soleil a paru dépasser la ligne méridienne; mes lumières sont si faibles en astronomie que je ne donne ceci que comme une conjecture très faible de ma part.

NOTE 7". FAIT HISTORIQUE

Histoire.

J'ai dit dans mon statistique que les Romains avaient habités et gouvernés ce païs, que plusieurs anciennes monnaies attestaient leur séjour et leur puissance.

Dans le commencement du mois de nivose de l'an II" il survint un débordement dans les eaux de la rivière de Jordanne qui passe à Aurillac; l'effet de ce débordement ayant occasionné des dégradations et des enlèvements de terrain qui ont fait découvrir près de cette ville, et au bord du lit de cette rivière, une loge ou réduit souterrain à moitié démoli; cette loge avait six pieds et demi de diamètre sur autant d'élévation; elle était de forme ronde ou cilindrique; elle était bâtie de briques très épaisses d'un double décimètre en quarré; cette loge était entourée d'un double mur bati en pierres sèches composé de galets de rivière; on prétend que cette petite loge avait une petite porte d'entrée dans sa base, mais cette cellule ayant été démolie tant par l'effet des eaux que par l'avidité d'un particulier de cette ville, qui charroya toute la nuit les briques et autres objets pour les emporter ches lui, n'a pu faire juger si cette loge avait des communications ou des ouvertures.

On a trouvé dans l'intérieur de cette loge plusieurs pièces et monnoyes en cuivre dont plusieurs étaient parfaitement dorées, plus deux petites urnes en terre glaise grisatre bien cuite ou il y avait sur l'extérieur la gravure de deux animaux représentant la forme d'un chien,


plus un petit buste fait aussi de terre glaise du païs, représentant la poitrine et la tête d'une femme coiffée à la grecque.

L'on m'a representé plusieurs de ces pièces ou médailles en cuivre dont je joins ici la description.

Primo, une d'Adrien; au revers un soldat tenant d'une main une corne d'abondance, de l'autre face une s.c. et pour légende virtus; le reste est effacé; 2" Une de César Auguste, au revers un soldat armé de son bouclier tenant un javelot, S.c; 3" Une de Titus Claudius, César Auguste, au revers un soldat tenant d'une main le bout de son manteau, pour légende libertas, auguste s.c; 4" Une dont on ne lit de la légende que cul..eus III; au revers un Neptune tenant d'une main un trident, et de l'autre un poisson; 5" Une d'Antoine le Pieux, en cuivre jaune; au revers une femme qui présente d'une main un anneau et un serpent qui entoure un petit autel, et de l'autre une rame et un aviron s.c; 6" Une d'Adrien; au revers une femme assise qui semble tenir une écrevisse; à l'exergue s.c; 7" Une d'Auguste; au revers un autel au molieu d'un s.c; 8" Une de Domitien; au revers une femme tenant une corne d'abondance, la légende est efacée; 9" Une de Vitellius, au revers un soldat tenant un home au milieu d'une s.c, pour légende libertas, le reste est efacé; 10" Une d'Antonin et une de Domitien; au revers un soldat armé de son bouclié tenant un javelot au milieu d'une s.c pour légende t. r. p.

eus VIII des vIII P.P.; 11" Une de nerva, une de César Auguste, autre de Nerva, et une autre de Trajan, plus un grand anneau de cuivre rouge.

Cette loge, réduit, ou cellule, était elle un tombeau contenent les cendres de quelque romain ? était ce un lieu d'offrandes ? était ce enfin un monumens préparé exprès pour constater à la postérité le souvenir de la puissance romaine dans les gaules ?

Plusieurs de ces médailles sont dorées; rien ne fait présumer que ce fusse un réduit pour recéler des faux monoyeurs, comme certaines personnes l'ont cru.

Cette loge, ou tombeau, était construit près le lit actuel de la rivière; il pouvait en être plus éloigné à l'époque de sa construction.

On a trouvé au dessous de cette loge des corps en bois de chêne, qui devaient servir à conduire une grande source, car l'ouverture était de 8 centimètres; le propriétaire de cette posession n'a pas voulu permettre que l'on suivit la file de ces corps, ce qui aurait pu faire découvrir d'ou venait cette source; l'altération de ce bois en partie carbonisé fait présumer que ces corps de bois ont été placés dans cet endroit depuis un grand nombre de sciècles.


NOTE 8". HISTOIRE NATURELLE

Histoire naturelle.

Il y a peu de pais en France qui fournissent autant de preuves que celui du Cantal, pour constater que jadis les eaux de la mer ont couvert ce pais; il faut visiter ce département avec les yeux d'un bon observateur et d'un naturaliste éclairé pour se convaincre de cette vérité.

L'on voit que la plus part des montagnes se terminent par des angles saillants et rentrans (travail ordinaire des grandes alluvions) que les angles saillants sont plus particulièrement tournés vers le s. et l'o.

(retraite des eaux vers le midi et le couchant).

Ces montagnes et la plus part des angles sont composés de matières calcaires et fossiles; leurs bases sont des couches immenses et profondes de pierre calcaire, dont la plus grande masse ne doit sa pétrification que des amoncellements de coquillages marins et a des madrépores. la pierre à chaux de ce païs dont la plus grande substance n'est que du coquillage en fournit une preuve constante; plusieurs de ces pierres sont encore empreintes de plantes marines.

A coté des montagnes calcaires il y a des élévations de moyenne grandeur et ayant une forme souvent aplatie; ces sortes d'élévations ne doivent leur formation qu'a des grands amas de cailloutages et de sables ou l'on aperçoit parfois des dépots calcaires qui sont entremelés avec le sable et le cailloutage; c'est dans le voisinage d'Aurillac que la pierre à chaux et la craie y sont très communes; c'est encore tout près de cette ville ou l'on peut observer le perfectionnement des couches paralèles et différentielles de craie, de chaux, de marne, de glaise ou terre à foulon; l'on peut observer encore que toutes les bases calcaires sont assises sur l'argile le plus pur et le plus compact; c'est sur ce lit de la nature que la mer a établi tous ses déDOtS: l'on trouve rarement des vestiges calcaires sur les grandes hauteurs; il serait possible quelles dominassent au dessus des eaux et que leurs somets offrissent des ilôts.

Il parait aussi que c'est sur ces grandes élévations qu'étaient situés les principaux volcans qui vomissaient au loin des laves, des colonnes basaltiques et autres productions volcaniques que l'on trouve si communément dans tout le haut païs d'Auvergne; les montagnes qui ont une forme conique ou en pain de sucre, qui sont encore tout entourées de laves, de basaltes, de scories, tels que le pui de griou, prouvent assés que c'était là les vrais foyers et les principaux cratères d'ou partaient les grandes éruptions volcaniques; les volcans du haut païs d'Auvergne pouvaient être en vigueur dans le même tems du séjour des eaux; cette opinion parait un peu fondée en ce que l'on trouve quelquefois des matières volcaniques confondues et entremêlées parmi des couches calcaires régulières de matières; l'on peut remarquer aussi des matières calcaires assises et dominantes sur des matières volcaniques; je répéterai ici qu'il faut avoir un esprit bien observateur pour établir ces distinctions.

Si véritablement les volcans du haut païs d'Auvergne ont subsisté dans le même tems du séjour des eaux, il n'est pas étonant qu'aucun


historien ne fasse mention de leur principe, de leur époque et de leur fin; ou bien avaient-ils lieu du tems que cette terre n'était pas habitée, ou enfin habitée par des hommes qui vivaient dans une parfaite ignorance, car depuis un grand nombre de siècle l'on a parlé des éruptions des autres volcans de l'Asie et de l'Europe.

Il est certain que l'époque des volcans du haut païs d'Auvergne est inconnue, qu'elle tient à la plus haute antiquité, qu'ils n'avaient pas lieu du tems de César car il n'en dit pas un mot dans ses comentaires.

J'ai fait mention dans mon tableau topographique, à l'article d'Aurillac, que cette ville était dominée à son levant par une montagne ditte le bois de Lafage, j'ai mesuré avec la plus grande exactitude son élévation; le résultat donne quatre vingt six sept toises au dessus de la promenade L'année dernière des ouvriers, en ouvrant une grande tranchée dans la base de cette montagne pour porter du terrain sur la grande route, ils ont trouvé un arbre de bois de chêne couché horizontalement entre des couches de terrain calcaire; cet arbre qui était assez long et voluminaux n'était pas entièrement carbonisé; quelques unes de ses branches étaient couvertes et portaient sur de la chaux naturelle parfaitement éteinte; la substance de ce bois était en partie ramollie, j'en ai tiré plusieurs morceaux; après quelques jours qu'il a resté à l'air libre, la substance mollasse est devenue dure comme du fer, principalement son aubier : cet arbre a donné lieu à plusieurs conj ectures; comment était il emmené parmi les couches régulières de terrain calcaire ? cela ne peut être atribué que par l'effet du boulversement des eaux, car si c'était l'effet d'un éboulement considérable de terrain qui se fusse détaché de la montagne, il y aurait confusion dans le terrain, au lieu des couches très régulières; il est toujours certain que l'enfouissement de cet arbre remonte à plusieurs siècles; je joins ici un petit échantillon de cet arbre qui pourra servir de type aux amateurs.

NOTE 9'. SUR LE PRIX DE QUELQUES DENRÉES

Prix.

Le païs d'Auvergne, principalement à Aurillac, qui était autrefois un pays de cocagne où l'on fesait bonne chère à très bon marché, il est un de ceux aujourd'hui où il fait le plus cher vivre de la France; je vais en donner un petit échantillon pour servir de comparaison :

le chariot de bois que l'on vendait avant la révolution 3F se vend aujourd'hui jusques 15 F le charbon que l'on vendait 4F se vend aujourd'hui jusques 18 F la livre de bœuf que l'on vendait 4 s, aujourd'hui 9s la livre de veau 2 s, aujourd'hui 7s la livre de mouton 4 s, aujourd'hui 10 s la livre de beurre 8 s, aujourd'hui 1F5 la livre de fromage 5 s, aujourd'hui 15 à 18 s une paire de poulet io s, aujourd'hui 2 F 10


une poule 8 s, aujourd'hui 2F une paire de pigeons 6 s, aujourd'hui 2F 10 une bouteille de vin 5 s, aujourd'hui 15 s une livre de pain 3 s, aujourd'hui 5 s les œufs cinq pour 1 s, aujourd'hui 1 s la pièce la livre du poisson 4 s, aujourd'hui 2F

La même proportion est gardée pour les légumes et toutes les autres denrées; le propriétaire et le paisan mange ses poules et ses poulets; il ne vend que le superflus de ses denrées.

La politique me défend d'ajouter ici bien des choses.

FIN DES NOTES

Les notes ci dessus contienent quelques fautes contre la pureté du style, elles sont mal écrites ou inéligibles (sic); ma santé ne me permet pas de copier l'ouvrage et le rendre plus net; je compte sur l'indulgence de mes lecteurs.

Durât LASSALLE.


NOTES ET DOCUMENTS

LA NOMINATION DE RIGAUD D'AUREILLE AU BAILLIAGE DES MONTAGNES

La chronologie des baillis des Montagnes d'Auvergne a été dressée par Marcellin Boudet (1), reprise et complétée par G. Dupont-Ferrier (2). L'objet de la présente note est d'en préciser une date.

Jean de Brilhac avait été nommé bailli par lettres royaux du 2 septembre 1503 (3). On savait que ses fonctions avaient pris fin par son décès.

Mais la date en restait inconnue. L'acte publié ci-après la fixe précisément : Jean mourut le 13 juin 1508.

Le bailliage resta ensuite quelque temps sans titulaire. C'est seulement par des lettres royaux du 10 janvier 1510 (n. st.) que Rigaud d'Aureille fut nommé bailli (4). A cette nomination le roi ajouta l'octroi des gages de l'office à partir du jour du décès de son prédécesseur, par acte du 13 janvier 1510. Rigaud donna quittance du montant de ces gages le 28 juin 1510.

Il fut ensuite reçu devant le parlement de Paris le 26 novembre 1510 (5).

P.-F. FOURNIER.

DOCUMENTS o 1

1510 janvier 13, Blois. —

Mandat des gages de bailli des Montagnes (6).

Loys - - -. A noz amez et feaulx les trésoriers de France salut.

- - - Pour ce que nous, voullans et entendans que nostre amé et feal conseiller et maistre d'ostel ordinaire Rigault d'Oreille, chevalier, baron de Ville Neufve, seigneur de Cher et bailly des Montaignes d'Auvergne, soit payé - - - des gaiges - - - dud. bailliage a compter du jour et date du trespas de feu Johannet de Brillac, derrenier possesseur d'icelluy bailliage, nous - - - vous mandons que, par le receveur ordinaire oud. bailliage ou autre qu'il appartiendra - - -, vous faictes iceulx gaiges - - - escheuz - - - depuis led. trespas jusques au jour de l'institution oud. office dud. Rigault d'Oreille

(1) Les Baillis royaux et ducaux de la Haute-Auvergne, Riom, 1906 (l'Auvergne historique, littéraire et artistique), p. 137-138.

(2) Gallia regia, 1942, t. I.

(3) Gallia regia, t. I, p. 188, no 2412.

(4) Arch. nat., X-1A 4852, fol. 25 (cité par Gallia regia, no 2413).

(5) Ibid.

(6) A. Orig., parchemin, bibl. de Clermont-Ferrand, collection Paul Le Blanc, ms. 1341, fol. 126-127. Le sceau manque. — B. Copie, XIXe s., même ms, fol. 129.


payer --- aud. d'Oreille. Et lesquelz gaiges, a quelque somme qu'ilz se puissent monter pour led. temps, nous luy avons — donnez - - -.

Donné à Bloys le XIIIe jour de janvier l'an de grace mil cinq cens et neuf et de nostre régne le douziesme.

(Signé :) LOYS.

? 2

1510 juin 28. — Quittance des ditb gages (7).

Je Rigault d'Ourelle, chevalier, baron de Ville Neufve et seigneur du Chier, conseiller et maistre d'ostel ordinaire du roy nostre sire et son bailly des Montagnes d'Auvergne, confesse avoir eu et receu de Hugues de Series, receveur ordinaire aud. bailliage pour le dit seigneur, la somme de 200 livres tournois, tant a cause de ce qu'il estoit redevable envers le roy, a cause des gaiges apartenans Il l'office de bailly dud. bailliage despuis le trespas de feu Jehan de Brilhac, en son vivant bailly en icelluy, que fust le 13. jour de juing l'an 1508, lesquelz gaiges le roy m'a donnez pour led. temps, tout ainsy qu'il appert par les léttres patentes ensemble l'atache de messieurs les trésoriers de France, que aussi pour le temps depuis le jour et darle des lettres de don de mond. office jusques au jour et feste sainct Jehan Batyste en l'an 1510, en ce compris 44 livres 6 solz tournois receues par mon lieutenant maistre George de Sainct Mamet dud. receveur. De laquelle somme de 200 livres tournois en quicte led. de Seriees, receveur susd. Tesmoing mon saing manuel, cy mis le 28. jour de jung l'an 1510, et seel a mes armes.

(Signé :) Rigault d'OURELLE.

QUELQUES NOTES SUR LA FAMILLE DE MADAME JULES MICHELET La famille paternelle d'Athénaïs Mialaret, épouse du grand écrivain Michelet, est originaire du canton de Pléaux (Cantal), exactement de Brieu (village de la commune de Tourniac), dont « la roche » et les bois profonds dominent les gorges de la Dordogne, en aval du barrage de l'Aigle (Athénaïs fait elle-même allusion à certaines qualités de volonté, de sérieux, de raison, d'équilibre qu'elle attribuait à cette ascendance auvergnate).

Du mariage (1730) de Guillaume Mialaret, né au Brieu, avec Catherine Sénaud, naquit en 1730, également au Brieu de Tourniac, le grand-père d'Athénaïs, Dominique. Il fut avocat, procureur du roi en 1787, juge à Montauban, délégué aux Etats Généraux, réfugié chez le juge de Pléaux pendant la tourmente, arrêté, puis sauvé en Thermidor, mort en lÜG. Parmi ses fils, issus de son mariage avec Catherine de Ceyssac (1763), deux émigrèrent à Saint-Domingue, au moment de la fameuse révolte ; l'aîné y fut tué, et Hippolyte, père de Madame Michelet, qui a raconté dans ses mémoires sa vie magnifiquement aventureuse, devint secrétaire de Toussaint Louver-

(7) Orig., parchemin, Bibl. nat., P.O. 144 ou ms. fr. 26 628, dossier 2S50, pièce 5. Le sceau est sur cire couverte de papier.

Le même dossier contient encore une autre quittance par nigaud d'Aureille de ses gages de bailli des Montagnes, échus à la saint Jean-Baptiste, donnée le 27 juin 1511 (pièce 6).


ture, professeur des enfants de ce dernier, puis professeur à l'Ile d'Elbe, lecteur apprécié de Napoléon 1er qui voulut le nommer préfet de Marseille ; instruit par expérience des versatilités du pouvoir, il refusa et, après Waterloo, regagna l'Amérique; il épousa Emma Becknell, « adorable orpheline », belle créole de la Louisiane , c'est de cette union que naquit Athénaïs, deuxième épouse de Jules Michelet.

On connait les préludes assez romanesques de cette alliance qui déclencha chez l'historien parvenu à l'âge critique « un véritable renouveau, une floraison et même une explosion de jeunesse ». Après la mort de son père, âgé de 41 ans seulement, la ruine et la dispersion d'une belle famille, Athénaïs Mialaret qui avait reçu une très solide instruction, était partie en 1846 pour Vienne où elle faisait l'éducation d'une famille princière autrichienne; elle admirait beaucoup Michelet et lui écrivait dès 1847 (notamment à propos de son livre « Du prêtre n), se permettant parfois de critiquer.

La correspondance devint assidue. Michelet la console, la conseille : « Voilà des conseils bien virils et plus fermes, peut-être, qu'il ne faudrait à un jeune cœur endolori. Les plus fermes sont les plus tendres, Mademoiselle, et c'est le cœur bien ému de votre confiance innocente, de votre isolement et de vos tristesses que je termine, avec peine, cette lettre en vous recommandant à Dieu ». Puis elle se rend à Paris, séjourne dans un couvent ; quand l'historien la voit « i] est immédiatement troublé, puis subjugué et enthousiasmé par cette petite femme énergique, dont la sécheresse un peu trop anglo-saxonne et le visage maigre et mat s'éclairait de magnifiques yeux noirs (1) ».

Les fiançailles ne tardent pas et le mariage a lieu le 12 mars 1849, en dépit d'une vive opposition, tant de la famille Mialaret que des enfants Michelet. Il avait 51 ans, Athénaïs : 23. L'écrivain était veuf depuis une dizaine d'années.

Célèbres sont certains cris d'enthousiasme ! « Mon esprit te devra la plus grande joie de ce monde, celle qui assimile l'homme à Dieu. Je t'ai prise, à peine éveillée des mains de la nature. J'ai été ton Prométhée !. » On s'ac- corde à déclarer que ce fut « une union intellectuelle d'une rare perfection ».

Michelet disait se retrouver dans le miroir de cette âme, « tel Qu'il voudrait être et plus que lui-même n. Calme, v étonnamment raisonnable, d'une grande bonté dont nous connaissons des preuves, vaillante, instruite, apte à comprendre un éminent esprit n, intimement associée à tous ses travaux, à ses luttes, mérite-t-elle les foudres de tel « Hobereau dessalé » pour avoir orienté l'homme de génie, terrassé par la mort de son fils (né le 2 juillet 1850, mort le 24 août) vers l'apaisante histoire naturelle, pour avoir publié une partie de ses œuvres qui n'auraient jamais vu le jour, pour s'être, avec abnégation de son propre talent, abîmée dans l'existence littéraire et la gloire de Michelet ? Je suis persuadé que cette « matrone mondaine de la République », cette « Philaminte de la laïcité » (de Monzie dixit) a droit à une honnête réhabilitation.

Raymond MIL.

(1) Dr BENASSIS : Revue Thérapeutique, juillet 1935.

Note : j'ai entendu parler de Madame Michelet par son parent J. Mialaret, retraité de la préfecture de la Seine à Pléaux, grand ami et collaborateur de Pierre Labrousse à qui elle l'avait présenté


ESSAI D'INTERPRETATION SUR L'ORIGINE DU REMBLAIEMENT des vallées affluentes de la Dordogne en amont de Bort (Corrèze) et sur l'évolution du réseau hydrographique du bassin de Saignes (Cantal)

Des sondages effectués pour l'établissement de barrages hydro-électriques, aux environs de Bort, ont révélé que les vallées de la Tialle et de la Sianne, en amont de Bort, avaient une forme en U et étaient comblées d'alluvions dépourvues de roches volcaniques (3-4). A l'amont de la Tialle et de ses affluents, les rivières coulent uniquement sur le gneiss de l'Artense. On ne trouve sur les sommets voisins que des projections andésitiques du Pliocène moyen ou supérieur ou du basalte des plateaux, aux environs de Larrode, Bagnols, Trémouille-Saint-Loup.

La vallée de la Tarentaise est établie, pour plus des trois quarts, sur les migmatites de l'Artense; ce ne sont que les parties supérieures des ruisseaux qui atteignent les basaltes des plateaux, au nord de Saint-Donat.

Si, comme je le suppose, et comme Ph. Glangeaud l'a supposé avant moi, le volcan de Bort a barré la vallée de la Dordogne au Miocène supérieur (je rappelle à ce propos que les phonolites se prolongent sur la rive gauche de la Dordogne, où je les ai observés près de Moussoulès), il ne faut pas s'étonner que le remblaiement qui en a résulté dans la vallée de la Tialle ne renferme pas de roches volcaniques, puisqu'à cette époque, il n'existait pas encore de volcan à la périphérie du Mont-Dore, à l'W dans la région où cette rivière prend sa source. Les éruptions en remontent au Pliocène supérieur seulement, époque à laquelle l'érosion avait repris son cours à l'aval, dans le bassin de BortSaignes, et par conséquent abaissait progressivement le dépôt des allumions observées par Ph. Glangeaud sur les pentes du Puy-de-Bort.

Les fonds des vallées de la Tialle et de la Sianne atteignaient, à peu de chose près, au début du remblaiement, l'altitude qu'elles avaient avant la construction du barrage à leur confluent avec la Dordogne. La période pendant laquelle le remblaiement s'est effectué peut s'étaler du Miocène supérieur au Pliocène inférieur. Les vallées, au début du remblaiement, étaient aussi profondes qu'elles le sont actuellement.

Le remblaiement paraît être un fait local, car il n'a pas été observé sur les autres affluents importants de la rive gauche de la Dordogne, descendus de l'Artense : Tarentaise, ou du Cantal; ou, si ce remblaiement a existé, il a été supprimé par l'érosion postérieure.

Essayons, par l'analyse des phénomènes géographiques et géologiques, de restituer ce qui s'est passé dans cette région depuis le Miocène supérieur.

Sous la répercussion des mouvements alpins, la portion du Cantal comprise entre le chenal houiller, aux environs de Bort, et la Grande-Bhue, accident croisé, un peu en aval de cette ville, par l'extrémité ouest de la faille de la Margeride, s'est fracturée et affaissée par suite de l'éruption de nombreux volcans et des laves qu'ils ont émises, perturbant profondément le réseau hydrographique antérieur à ces éruptions.

Le compartiment au S de la Grande-Bhue et à l'E du chenal houiller s'étant effondré, et les exutoires des rivières vers l'W ayant été barrés par les coulées des volcans du chenal houiller, dont les principaux sont le volcan phonolithique de Bort et ceux de Largnac, de Chalus, du Mas, etc., il s'est formé à l'aval de Bort, sur le compartiment triangulaire du bassin de Saignes, un vaste lac dont il ne reste actuellement que le résidu minuscule du lac de Madic.

Les rivières, à l'amont, ayant leur niveau de base local relevé, se remblayèrent; la Dordogne fut rejetée vers le Sud, le long du chenal houiller, par une vallée actuellement délaissée qu'emprunte la route nationale n° 122, de Bort aux environs de Trancis et d'Estagueilles.

Ce vaste lac du bassin de Bort-Saignes se vida lentement après les éruptions


volcaniques, laissant des niveaux alluviaux étagés à diverses altitudes sous les Orgues de Bort, le plus élevé étant à + 350 m. (1) sans que l'on puisse préciser à quels niveaux du Pliocène ou du Quaternaire ils doivent être rattachés.

Après les éruptions de ces volcans miocènes, les points faibles du terrain, constitués par la jonction du chenal houiller et par la faille de la Margeride, furent attaqués par l'érosion; peu à peu, les barrages constitués par les laves furent traversés; un nouveau réseau hydrographique se dessina et rejoignit le niveau de base de la Dordogne, au coude actuel de cette rivière à Madic.

La Sumène, diminuée de l'apport important que constituait la Dordogne grossie de la Grande-Rhue, continua à couler vers le sud pour aller rejoindre la Dordogne à 15 km environ, à l'aval du coude de la Dordogne à Madic. Il fallut toute la période comprise entre le Miocène supérieur et le Quaternaire pour effectuer le déblaiement du bassin de Bort-Saignes, dont le stade d'érosion actuel paraît correspondre, à peu de chose près, au stade atteint par l'érosion avant les premières éruptions du Cantal occidental.

Le remblaiement des affluents de la Dordogne en amont de Bort est dû aux éruptions volcaniques qui ont eu lieu au-dessus ou à l'aval de cette ville et n'est donc qu'un phénomène local qu'il n'est pas possible d'invoquer pour restituer l'histoire du réseau hydrographique des régions avoisinantes.

Y. BOISSE DE BLACK DU CHOUCHET.

BIBLIOGRAPHIE

1° GLANGEAUD Ph. (1917) : Les collines enregistreus,es du Massif Central : la colline archéenne. houillère, oligocène, phonolithique et glaciaire de Bort (Corrèze). C.R. Ac. Se., CLXV, pp. 1005-1009.

2° GLANGEAUD Ph. : Sur la reconstitution d'une longue dépression lacustre qui a occupé durant l'Oligocène l'emplacement du grand chenal houiller.

3° GLANGEAUD L. (1945) : Quaternaire et Glaciaire des versants sud des Monts pore et de l'Artense. C.R. Ac. Se., t. 221, pp. 473-475, 22 octobre.

4° JUNG J. et JACOB Ch. (1945) Note sur les formations glaciaires de la région de Bort-lcs-Orgucs. Revue Sc. Nat. d'Auvergne, Nouvelle série, vol. II, pp. 23-27.

SUR UNE INVERSION DU RELIEF AU NORD DU CANTAL J'ai déjà signalé la présence d'un volcan basaltique important sur le bord ouest de la Véronne, dans un article paru en 1954, que j'ai désigné sous le nom de « Volcan du point 1005 » (Plateau de Pons, au nord de Riom-ès-Montagnes).

Des courses récentes me permettent d'ajouter des précisions sur l'extension des coulées issues de ce volcan.

Elles occupent de vastes surfaces aux environs de Mont-de-Bélier et de son lac, donnant, indépendamment du plateau basaltique de 3 km2 interposé entre Journiac et le lac de Mont-de-Bélier, les tables de la cote 914, celle à l'est du lac et celle d'Arbrifol. Ces trois dernières ne sont pas figurées sur la première édition de la carte géologique de Mauriac au 1/80.000e. Les basaltes ont recouvert sur 2 km de longueur le plateau de Clavières. Ils n'y subsistent qu'à l'état de mince pellicule qui couronnent les migmatites qui affleurent dans ie chemin reliant Clavières à Bélier, au col entre ces deux localités. Ils sont plus épais entre Clavières et Ridoux et donnent encore de petits sommets à l'W de cette dernière localité, qui n'ont pas été figurés sur la carte géologique.

Le dernier de ces sommets forme un mince promontoire qui domine la localité de Bellot.

Entre Clavières et Ridoux la base de la coulée recouvre des sables et cailloutis pliocènes, prouvant que ces entablements de basalte, séparés aujourd'hui par 1 érosion, ont coulé dans une vallée ou dans un lac sur près de 8 km de long.

A l'origine, près de leur point d'émission, la base des basaltes est un peu


en dessous de 1.000 m., tandis qu'à leur dernier témoin à l'W, elle n'est plus qu'à 820 m., ce qui donne une pente de 2,2 au cours mis sous scellés.

Il s'agit d'un volcan du Pliocène supérieur, qui n'a donné que peu de projections. Celles-ci n'existent qu'à l'est, au-dessus de Journiac, ou sur les flancs du sommet de la cote 906. La présence de ces basaltes dans cette région culminante a été la cause d'une inversion de relief; ils nous renseignent ainsi sur la puissance de l'érosion depuis le Pliocène supérieur au nord du Cantal. Nous avons, d'une part, sur le bord nord de la coulée, la vallée de la Grande-Rhue, dont le fond s'étale entre Coinde et Embort, entre 588 et 503 m. d'altitude; d'autre part, sur le bord sud, la vallée du Soulou, qui se trouve à Saint-EtienneChomeil vers 680 m.

La différence d'altitude entre la surface de la coulée et les rivières actuelles est donc de 300 m. environ au nord et de 200 m. au sud. On peut comparer les tables de basalte issues du volcan du point 1005 aux tables de basalte des plateaux des environs de Carlat, dans le S du massif du Cantal, où la différence de niveau entre les sables fluviatiles pliocènes et les cours actuels est aussi proche de 300 m.

Toutefois, dans la région nord qui nous occupe, l'inversion du relief est moins spectaculaire qu'aux environs de Carlat, par suite d'une pente moins rapide des cours actuels et aussi parce que le modelé a été uniquement fluviatile au S du Cantal dans cette régi'on, tandis qu'au nord, le modelé des vallées a été encore glaciaire postérieurement au Pliocène supérieur, dans les vallées de la Grande-Rhue et du Soulou.

Y. BOISSE DE BLACK DU CHOUCHET.

SUR LA PRESENCE ET LA DISTRIBUTION DES TRITONS DANS LE CANTAL

I. — Le triton palmé Tous les auteurs le signalent très commun dans le Cantal, mais ne dépassant pas une altitude de 800 à 900 m. En fait, il est très commun sur tous les plateaux dominant Murat à plus de 1.000 m. d'altitude et on le trouve en très grandes quantités au printemps, dans les mares peu profondes où viennent s'accoupler les grenouilles, par exemple à La Champ ou à l'extrémité nord du lac de Sainte-Reine.

Il n'y a même, semble-t-i'l, aucune raison pour que le triton palmé s'arrête à cette altitude et, effectivement, cette année, MM. Martrou, Mouret et Joly, de Murât, l'ont découvert en deux endroits différents, de part et d'autre du col de Prat-de-Bouc, entre 1.320 et 1.400 m. d'altitude. Je n'ai pas eu le temps de vérifier moi-même le fait, mais il semble parfaitement exact, d'autant plus qu'aucune confusion n'est possible.

II. — Le triton crêté Jusqu'à présent, personne ne l'a signalé dans le Cantal et pourtant, au lac de Sainte-Reine, les pècheurs de tanches ont, de temps en temps, la désagréable surprise de capturer ce qu'ils appellent une « salamandre », sans doute à cause des taches jaunes du ventre.

Avec un simple filet à papillons, j'ai réussi à capturer, à Sainte-Reine, une femelle, le 13 mars, et un magnifique mâle avec sa crête, le 22 mars, puis dans la mare de Beynac, deux femelles, le 24 mars. En même temps, Mouret le découvrait dans les marais de Chailanes et capturait une femelle qu'il conservait pendant un mois en vivarium.

Le triton crêté existe donc dans le Cantal, et il est même assez commun dans la région de Murat et s'il n'a pas été décrit plus tôt, c'est essentiellement à çausç dç la confusion avec la salamandre dans l'esprit de la population.

Marias LHERME.


BIBLIOGRAPHIE

CHEVALLIER (Pierre). — Une affaire maçonnique sous Louis XVI. — « Revue d'Histoire moderne et contemporaine », tome II, juillet-septembre 1955,

pp. 212-218.

L'affaire ne se situe pas en Haute-Auvergne, mais intéresse assez l'évêché de Saint-Flour pour qu'il faille s'en soucier ici. Ce ne serait à vrai dire, que la disgrâce ecclésiastique la plus banale, si n'apparaissait, où il n'est plus coutume aujourd'hui de la trouver, la présence de la franc-maçonnerie.

Il faut rappeler les principales circonstances du transfert manqué (1) de Mgr'de Quimper à Saint-Flour, mie l'historien de la Haute-Auvergne connaissait mal avant la récente étude de Pierre Chevalier. Toussaint-François-Joseph Conen de Saint-Luc, évêque de Quimper (2) prononçait le 8 juin 1776 un sermon acerbe- contre la franc-maçonnerie qu'il accusait de conduire « au désordre et au libertinage ». La maçonnerie ne laissa point passer des assertions aussi dangereuses pour le recrutement, pour l'avenir même de l'ordre : Mgr de Quimper en avait souligné l'action vicieuse, répréhensible dans l'ordre moral, pernicieuse dans l'ordre civil et politique. La franc-maçonnerie entendit donc « avoir pleine justice », « obtenir une entière satisfaction de l'affront insigne » qu'elle avait reçu et elle y réussit. La lettre adressée le 16 juillet 1776 par Mangourit du Chgmp Daguet, ancien vénérable de l'Egalité de Rennes, au frère Vincent, religieux carme, en donne la preuve : « Pour l'affaire de Quimper, elle est finie par la permutation de Mgr de Quimper avec l'abbé de Bnnteville, très bon maçon dont tous les frères le sont aussi (.). Mgr de Quimper passe évêque à SaintFlour, en Auvergne, cette ville est un vray capharnaiim. »

La maçonnerie avait ainsi obtenu du pouvoir royal le transfert de son adversaire à un siège épiscopal assez secondaire au médiocre revenu et espérait lui faire succéder à Quimper un abbé membre de l'ordre. Mais c'était sans compter sur l'obstination du transféré involontaire qui, par deux fois, refusa la nomination qui lui était imposée. Le candidat de la maçonnerie, l'abbé de Bonteville, dut se satisfaire d'être nommé à Saint-Flour qui était vacant depuis le 10 juin 1776, et il y fut sacré le 6 octobre suivant (3).

Pierre Chevalier arrête là son étude qui, outre donc les précisions essentielles qu'elle apporte sur l'affaire, sur sa signification sur le plan de l'histoire socio-culturelle, a encore pour mérite d'éclairer, d'un jour assez surprenant, la figure mal connue de Mgr de Bonteville. « Il ne se passa rien de remarquable pendant son court épiscopat », affirmait Paul de "Chazelles (4) : est-ce si sùr ? Qu'on rapproche seulement les deux faits suivants : d'une part, Mgr

(1) Une seule remarque à ce propos : le mot transfert participe-t-il du langage ecclésiastinne ?

(2) Le chanoine M.-D. Chaludet ne mena, hclas, pas à son terme le projet d'écrire la vie des évêques de Saint-Flour.

A noter, par ailleurs, que la notice sur Conen de Saint-Luc, due à la plume du chanoine CHALUDET (Liste chronologique des évêques de Suinl-Flour, s.l.n.d., 9 p.) diverge sur deux points d'avec TÉPHANY (Histoire de la persécution religieuse dans les diocèses de Quimper et de Léon, Quimper, 1879, in-8°). D'après ce dernier auteur, Conen de Saint-Luc naquit à Rennes, le 17 juillet 1724, et non 1734 (op. citat., p. 1), et fut abbé de Langonnet et non de Longonnct, de 1767 à 178 (ibid.. n. 309).

(3) Voir sur Marie-Anne-Hippolyte Hay de Bonteville, vicaire général de Mgr de Boisgelin de Cuce, archevêque d'Aix, les courtes notices contenues dans la Note chronologique. (op.

citat., p. 5) et dans la Notice sigillographique sur les évêques d'Auvergne et de Saint-Flour,du chanoine CHALUDET (Aurillac, Imprimerie Moderne. 1899 in-8°. n. nti)

(4) In Dictionnaire statistique, ou Histoire, description et statistique du département du Cantal, éd. revue et augmentée, Aurillac. Imp. Picut et Bonnet, 5 vol. in-8" (tome III, 1855; art. Saint-Flour, p. 367).


de BonteviUe administra le diocèse de Saint-Flour jusqu'au 5 décembre 1779; d'autre part, la loge sanfloraine, la loge Sully, inaugurée le 2 avril 1782 comporta, dès juin 1781, deux chanoines sur les dix-sept que comptait le chapitre cathédral (5); ne faut-il pas y voir le résultat du passage dans la principale ville du haut-pays du « très bon maçon » qu'était Mgr de SaintFlour ? Le terrain social d'élection de la franc-maçonnerie, qui réunissait à la noblesse la bourgeoisie de robe en prédisposait certes ici la création, mais l'influence de l'évëque sur les cœurs et les esprits n'aida-t-elle pas à en cristalliser les virtualités ? Ce n'est là qu'une hypothèse, et pour l'affirmer ou l'infirmer, il faudrait sans doute sur ce point faire appel aux archives du Grand Séminaire de Saint-Flour.

Quel crpdit enfin accorder au jugement que porte l'ancien vénérable de la loge de Rennes sur Saint-Flour quand, en 1776, il y voit un « vrai capharnaüm » ? Les témoignages contemporains concordent pour démentir Mangourit du Champ Daguet; Saint-Flour s'ouvrait alors aux goûts du jour, se dégageait de son gothique corset; c'était, semble-t-il, l'aurore d'un âge plus heureux pour la ville qui ne voulait pas que prétendre être la capitale du haut-Auvergne.

« L'accès de nos murs, devenu, au dire du Père Dessauret, plus facile et plus agréable, invite l'étranger à y pénétrer et y appelle avec lui et l'industrie et le commerce (6). » Les grands chemins que l'on pratiquait dans les montagnes d'Auvergne tendaient à accroître encore la fonction commerciale de la ville, pourtant déjà considérable : « La ville de Saint-Flour ne peut manquer de devenir plu considérable, lorsque le chemin par le haut-Languedoc sera fait, ainsi que celui d'Aurillac, il y aura des communications et un transport facile des denrées du pays dans le Rouergue et le Quercy (7). » Même fausse, et même s'il faut nécessairement tenir compte du désir de l'ancien vénérable rennais d'abaisser, aux yeux de son correspondant, le siège épiscopal échu à l'adversaire pour lui mieux dire la grande puissance de la franc-maçonnerie, l'opinion qu'il exprime importe pour qui voudrait tracer l'image sociologique de Saint-Flour au XVIIl siècle dans la mesure où elle reflète le visage dont la ville était revêtue hors de l'Auvergne; et il faudrait peut-être même en analyser et en suivre le cheminement avec un soin d'autant plus grand que ces sortes d'idées ne sont point sans rôle dans le déclin de Saint-Flour dans les décades qui suivirent.

J. FOUILLERON.

AMADIEU (M.). — Liste des évêques de Saint-Flour de 1317 à 1952. Armoiries épiscopales et leur description. - (Saint-Flour), hors commerce, s.l.n.d., 20 p.

C'est là le gage et le portrait de la foi d'un artiste typographe sanflorain dans sa ville et ses évêques. Jusqu'aux humbles détails, à l'image des bâtisseurs de cathédrales.

Le texte reproduit les données essentielles fournies par les travaux du chanoine Chaludet. Dix armoiries épiscopales (1) dont l'auteur utilise, pour

(5) Voir Jean DELMAS. Les loges maçonniques à Saint-Flour au xvme siècle. Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne. Mai 1897, n° 5, pp. 111 -127.

(6) Oraison funèbre de Mgr l'illustrissime et révérendissime Paul de Ribeyre, eveque et seigneur de Satnt-Flour (1776) in Sermons, Panégyriques. Oraisons funèbres, Instructions chrétiennes, par le R.P. A. D'e,sscwrt,.j¡mite¡"pub'!iâs. par les soins de P. DESSAURET (.). SaintFlour, Imp. Viallefont, 182 £ ,<vtome -III, De. 5 -58

(7) Etat de l'Auvergne en 1765, présenté à M. de L'Averdy, contrôleur général des finances, par M. de Ballainvilliers, intendant d'Auvergne, publié dans Tablettes historiques de l'Auvergne, tome VII, 1846, pp. 1 -192.

Le témoignage postérieur de Chabrol confirme les espérances de l'intendant d'Auvergne : « Cette ville est riche, et fait un commerce considérable en grains, en fromages, en mulets, qui sont enlevés par le Languedoc et l'Espagne, et en toutes sortes de bestiaux (.) elle a des foires considérables. » (Coutumes locales de la Haute et Basse Auvergne, Riom, 1786, 4 vol. in-4°. tome IV. PP. 710 - 712.)

(1) Paul de Ribeyre (bois gravé), François-Marie-Edouard de Gualy, Jean-Pierre-Marie Cadaleri, Frédéric-Gabriel-Marie-François de Marguerye, Pierre-Antoine-Marie Lamouroux de Pompignac, François-Marie-Benjamin Baduel d'Oustrac, Jean-Marie-François Lamouroux, PaulAugustin Lecœur, Henri-Marie-Joseph Pinson, François Marty.


les reproduire, les clichés originaux en sa possession, le complètent très' heureusement.

L'opuscule qui, ainsi, reprend en partie et met à jour l'ouvrage ancien et rare du chanoine Chaludet (Notices héraldiques sur les Evêques deSaint-Flour) semble, comme armoriai sommaire des évêques de Saint-Flour, être appelé à rendre bien des services aux historiens de la Haute-Auvergne.

j. FOUILLERON.

VILAIN (Lucien). — Les chemins de fer de montagne français. — Paris, Vigot, 1960. IJl-o, 180 p.

Cet agréable petit livre se présente comme un guide de tourisme ferroviaire; il donne la description technique documentaire et géographique de quelques lignes du Massif Central dont plusieurs intéressent le Cantal : celles de Souillac à Aurillac, d'Aurillac à Arvant et de Bort à Neussargues; certaines de ces pages ont déjà paru dans la Vie du Rail. L'auteur semble originaire de la Xaintrie, ce plateau corrézien qui domine la rive droite de la Cère, au-dessus de Lamativie; il est un enthousiaste qui aime le chemin de fer et aussi la pêche en nos torrents de montagne. Nous avons admiré sa candeur lorsqu'il parle de la construction de la ligne Bort-Ussel. Hélas ! L'oubli de la parole donnée est devenu un moyen de gouvernement et l'E.D.F. toute puissante peut supprimer ce qu'elle veut, sans contrepartie, avec la bénédiction de nos élus locaux.

Cette publication sera continuée; elle intéresse ceux qui ne veulent pas négliger l'appoint ferroviaire dans notre pauvre économie cantalienne et de belles photos donnent un aspect inhabituel à quelques paysages de chez nous.

A. TRIN.

Monographie agricole du Cantal. — Ministère de l'Agriculture, juin 1960, ln-4°., C'est une présentation chiffrée de l'économie agricole du Cantal. Notre département y est décrit sous ses principaux aspects : climatique, géologique, humain et foncier. Toutes les activités agricoles nous sont livrées disséquées.

Chaque os, chaque muscle de ce corps départemental est pesé et mesuré. C'est une belle étude anatomique. Le style en, est sec, c'est un livre efficace. C'est sur lui que reposeront les rêves de l'économiste qui, de son bureau parisien, entendra battre le cœur du Cantal.

Si nous sommes très loin du Cantal bucolique que nous aimons, c'est que ce livre est un instrument de travail. C'est une statistique — et une statistique agricole complète. Il n'est pas fait pour être lu mais pour fournir les: précisions que l'on y cherche et que l'on trouvera certainement, car elles abondent. Il serait souhaitable que cette monographie soit périodiquement tenue à jour, car elle constitue un diagramme excellent de l'économie agricole de notre département. On y ausculterait sa maladie de croissance.

Si ce livre permet les rêves des spécialistes de la statistique, il signale cependant un petit détail qu'aimeront tous ceux qui ne comprennent rien aux chiffres. Il nous apprend que l'on trouve dans notre département des neiges presque éternelles. On n'en précise pas la surface. On sait simplement qu'elles seTtjnt fidèles au rendez-vous, cet été., sur la face nord du Puy Mary. Nous irons leur rendre visite au mois d'août.

Géraud DE BONNAFOS.

FONTAINE (Anne). — Henri Mondor. — Paris, Grasset, 1960. In-Bo.

« Saurai-je le dresser dans son unité si complexe », se demandait Henri Mondor, appelé à prononcer l'éloge de son maître Paul Lecène ?

C'est rigoureusement la même interrogation que dut se poser Anne Fontaine,


vis-à-vis d'Henri Mondor, le jour où elle décida de lui consacrer le.livre qu'elle vient de nous donner. Dresser Mondor dans son unité ! La folle tentative !

De cet homme étonnant Paul Valéry a dit un jour qu'il avait « un bistouri, une plume et un crayon, et la manière la plus élégante de se servir de ces trois outils aigus ». Chirurgie, écriture, dessin, les trois dons de sa fée marraine, Henri Mondor les a développés au-delà de ce qu"il serait raisonnable d'imaginer..S'évadant un jour de la littérature médicale, il s'est fait, tour à tour ou simultanément, avec un égal bonheur de pensée et d'expression, mémorialiste, critique, essayiste, historien, poète, philosophe, moraliste. Avec la même aisance, le grand chirurgien s'est mué en grand professeur. Mais tout cela, nous le savions.

Ce que nous révèle Anne Fontaine, ce qui nous touche peut-être plus encore que tant de talents réunis, c'est la qualité de l'homme. De même qu'il a su se garder du monstrueux automatisme professionnel, Henri Mondor a su échapper au vertige de sa propre altitude. Dans sa complexité, Henri Mondor est demeuré simple. Nous pouvons lui serrer la main sans craindre d'être foudroyés.

Et ce nous est une rassurante joie de vérifier que cette vie de travail, d'intelligence et d'art ait obtenu, selon l'éthique du cnarbonnier, ses réussites méritées, et derrière elle laissé l'exemplaire sillage d'une constante et naturelle générosité de cœur.

Il devient dès lors facile de comprendre et de partager l'enthousiaste ferveur qu'Anne Fontaine voue à son modèle. Ferveur, hâtons-nous de le dire, qui demeure, en dépit de l'émerveillement, toujours lucide et noblement mesurée.

Nous ne chercherons querelle à l'auteur que pour le souci, un peu trop vif, dont il témoigne de détacher Henri Mondor de la province de son enfance.

« Son Auvergne natale n'a résisté que par la piété à une absorption intégrale », écrit sans broncher la biographe. Chère Anne Fontaine, pour une fois, nous ne boirons pas de votre eau. Car n'est-ce pas vous-même qui citez aussi ces paroles d'Henri Mondor : « J'aurai bien vérifié, malgré l'apparent éloignement, que les racines natales ne nous abandonnent jamais ? »

Sachant de quelle pâte tout Auvergnat digne de sa naissance est pétri, nous nous obstinons à croire qu'en dépit du temps et de la distance, il arrive à Henri Mondor d'évoquer son enfance de Saint-Cernin qui s'enchantait, dans le petit bois, de la flamme vive d'un écureuil ou son adolescence rêveuse, dans l'étroite côte pavée d'Aurillac qui conduit au couvent du Buis, et, ce faisant, d'essuyer d'un doigt rapide le coin de ses yeux.

Notre desaccord sur ce petit point de broderie signifié, nous ne nous en trouverons que plus à l'aise pour louer les mérites d'un ouvrage bien écrit, jamais ennuyeux, et qui, de page en page, en nous rendant plus familière la belle figure d'Henri Mondor, l'introduit dans notre intimité et lui assigne, dans notre mémoire et dans notre cœur, une place privilégiée.

P. M.

REED (Muriel). — Muriel chez. - Paris, Juillard, 1960. In-8".

Muriel Reed, une jeune journaliste de talent, a été chargée par la revue « Réalités » d'effectuer diverses enquêtes dans les milieux les plus imprévus.

Chacune de ces enquêtes fait l'objet d'un chapitre de son dernier livre : Muriel chez. Ainsi, pouvons-nous accompagner tour à tour l'auteur chez les aristocrates, les députés, les comédiens, les carabins et. les paysans auvergnats. Mais à vrai dire, il s'agit exclusivement des paysans cheyladais.

L'ambition de Muriel est d'observer et de bien dire. Le ton général de son papier, tout plein de malice et de verve, est sympathique. Mais le métier passe avant tout. Il convient d'accrocher le lecteur et, l'ayant accroché, de le retenir.

Muriel Reed n'a plus rien à apprendre sur ce point.

« Drôle de campagne, me dis-je, où les paysans braconnent à la MarieChantal avec du caviar (entendez des œufs de saumon) et où les faneurs se font apporter leur bière fraîche par le curé, tandis que les vaches pleurent. »

On voit tout de suite l'allure journalistique de ce résumé qui, de menus évéue.;


ments d'exception, tend à faire une attrayante généralité. Ainsi des marchands de toile aux « grandes voitures américaines » et de « leurs femmes chaussées d'escarpins à hauts talons ». Ainsi des facteurs qui « en rampant à travers des congères de neige apportent le courrier ».

Votre préfacier a beau dire que vous ne transposez pas, malicieuse Muriel, je n'en veux rien croire. Qu'il le dise à d'autres qu'à un paysan auvergnat.

P. M.

Lo Cobreto.

Sous la direction de M. Alfred Prodv, reparaît Lo Cobreto, revue de l'Ecole félibréenne de la Haute-Auvergne et du Haut-Midi.

Le dernier numéro de l'année 1960 était consacré au cinquantenaire d'Arsène Vermenuuze.

Au sommaire du premier numéro de 1961, nous relevons les noms bien connus de MM. Jean Fau, Jean Fay, André Mazard, Michel Leymarie, Pierre Redon, abbé Fau, Raymond Mil, Alfred Prody, P. Moussarie. A la variété de ces noms correspond la variété des textes qui vont de l'article au poème, du conte à l'étude linguistique. Tant en langue d'oc qu'en français, chacun s'efforce de son mieux de nous convaincre.

Lo Cobreto semble avoir pris cette fois un bon départ. Nous lui souhaitons bon voyage (1).

(1) Abonnement : 5 NF. Escolo félibrenco de la Nauto-Auvernho e del Naut-Miejourn, Bibliothèque municipale, place de la Paix, Aurillac. C.C.P. : 1205.21 Clerroont-Ferrand.


Par M. André MUZAC, 10, rue Pasteur, Aurillac : N" 1 de 1933.

Par Mil'" Claire AURIOL, 16, rue Notre-Dame, Toulouse (HauteGaronne) : N" 1 de 1904.

N" 4 de 1907.

N 2et 3 de 1905.

N" 3 de 1908.

N°' 3 et 4 de 1938.

Par M. Alain CHARLES, 5, rue Le-Bua, Paris (20") : N"" 1 et 4 de 1906.

Fasc. unique de 1931.

N" 1 de 1935.

N" 1 et 3 de 1936.

Par M. Jean-Paul JARRIGE, 32, allée Curel, Livry-Gargan (S.-et-O.) : N" 1 de 1904.

N" 2 de 1907.

1 ar M. Marius LHERME. instituteur, à Murât (Cantal) : N"s 3 et 4 de 1900.

N" 2 de 1903.

N" 1 de 1908.

N" 4 de 1935.

Tous les fasc. de 1939-1944.

N" 1 de 1945.

Par M. ALHEINC, 12, rue Beaumarchais, Clermont-Ferrand : N"" 1 et 4 de 1921.

N" 1 de 1928.

N° 2 de 1906.

N" 1 de 1908.

Par M. le Prince de LA TOUR D'AUVERGNE, 4, place de Lille, Tournai (Belgique) : N" 1 de 1935.

Les membres de la Société, possesseurs des fascicules recherchés, qui accepteraient de s'en défaire, peuvent adresser leur envoi au secrétariat de la Revue. Celui-ci se chargera du paiement (prix + port) et de l'acheminement.

SOCIETE DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS « LA HAUTE-AUVERGNE »

Siège : Archives départementales, rue du 139"-R.-I., Aurillac.

Président : M. Abel BEAUFRERE, Imprimerie Gerbert, place des Docks, Aurillac. Tél. 6.57.

Secrétaire : Mil.. BOUYSSOU, archiviste en chef, rue du 139-R.-I., Aurillac. Tél. 13.97.

Trésorier : M. André MUZAC, 2, rue des Frères-Charmes, Aurillac. Tél. 19.