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Titre : La Haute-Savoie avant les Romains / par Louis Revon,...

Auteur : Revon, Louis (1833-1884). Auteur du texte

Éditeur : H. Champion (Paris)

Éditeur : A. L'Hoste (Annecy)

Éditeur : C. Burnod ()

Éditeur : Abry ()

Date d'édition : 1878

Sujet : Haute-Savoie (France)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31203417d

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (64 p.) : fig. ; gr. in-4

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k65408891

Source : Académie florimontane, 2013-155185

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 31/07/2013

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lu A

HAUTE-SAVOIE

AVANT LES ROMAINS



LA

HAUTE-SAVOIE AVANT LES ROMAINS

PAR

LOUIS REVON

BIBLIOTHÉCAIRE ET CONSERVATEUR DU MUSÉE D'ANNECY

AVEC 184 VIGNETTES GRAVÉES

———————— =s«=»3" £ S>Çeï- 11,a: ————————

PARIS

H. CHAMPION, libraire, quai Malaquais, 15.

ANNECY A. L'HOSTE - C. BURNOD- ABRY, libraires.

1878



LA

HAUTE-SAVOIE AVANT LES ROMAINS

————————— � 2

Quand les géologues modernes ont voulu étudier les révolutions de la terre, au lieu de se borner, comme la plupart de leurs devanciers, à imaginer de belles théories au coin du feu, ils se sont dit : « Si nous commencions comme les historiens ? Ceuxci ne décrivent les anciens âges qu'après avoir groupé par milliers les parchemins, les estampes, les médailles, les monuments lapidaires : faisons de même pour le globe. » Et les voilà, le marteau à la main, fouillant les montagnes, recueillant roches et fossiles, notant la superposition des couches, examinant la structure des êtres disparus. Bientôt l'on voit éclore une science qui n'avance pas un fait sans avoir mis sous vos yeux, dans vos mains, les preuves de ses déductions. Une dent, une vertèbre isolée suffit au génie d'un Georges Cuvier pour reconstruire l'animal auquel ces débris ont appartenu, pour connaître ses mœurs et dire à quelle époque géologique il a brouté les grandes herbes des marécages ou poursuivi et dévoré ses victimes.

L'archéologie préhistorique, science bien jeune encore, a passé par les mêmes phases que sa sœur la géologie. Il n'est pas éloigné le temps où les théori-

ciens en chambre s'écriaient : « A quoi bon recueillir de vieux crânes ? on sait bien que tous nos ancêtres étaient des Celtes. Pourquoi se donner la peine de fouiller les dolmens ? ignore-t-on que c'étaient des autels destinés aux sanglants sacrifices des druides?» — On s'endormait dans le dolce far niente de l'omniscience, lorsque de jeunes révolutionnaires vinrent déranger cette belle harmonie. Les uns avaient remué le sol des cavernes et découvert des instruments en pierre et des têtes osseuses offrant fort peu de rapports avec ce que l'on croyait savoir sur les habitudes et la conformation des peuplades primitives.

D'autres, explorant les dolmens, n'avaient recueilli ni serpes d'or ni gui desséché, mais s'étaient trouvés en face de simples caveaux funéraires. Depuis 1854, les stations lacustres offrirent aux chercheurs d'inépuisables trésors. L'élan était donné. Les musées publics et les collections particulières prirent en peu d'années un développement prodigieux. Munis de nombreux éléments de discussion, les observateurs purent commencer à tirer des conclusions.

Mais si beaucoup de points ont été mis en lumière, combien d'autres sont encore dans une pénombre ou


dans la nuit ! Les anthropologistes n'ont pu comparer jusqu'ici que de rares spécimens de têtes pour nous dire quelles populations ont habité nos cavernes aux époques les plus reculées ; - on se demande ce que sont devenus les corps des hommes qui ont couvert nos lacs de stations sur pilotis et n'ont laissé pour ainsi dire aucun débris de leurs os, soit sur les rives, soit dans les bas-fonds où abondent pourtant les ossements des animaux qu'ils ont tués ; — et dans ces restes d'animaux, est-on bien sûr de ce que l'on avance quand on affirme que telle espèce était sauvage et telle autre domestiquée ? — Parmi les antiquités qui ornent les musées, quel usage précis assigner aux disques en bronze composés d'anneaux concentriques, aux cylindres lacustres entourés de boucles mobiles, et à tant d'autres objets en métal ou en pierre? —

Après ces questions de détail, à combien de recherches ne faudra-t-il pas se livrer pour dresser, par exemple, une carte d'Europe donnant l'ensemble des découvertes relatives à chaque époque, de manière à nous apprendre un jour si les peuplades conduites dans nos contrées par la main de la Providence venaient du Nord, comme on l'a d'abord prétendu, ou du Sud, comme d'autres le soutiennent, ou de l'Est, comme le veut une nouvelle école ? Pour étendre sur une carte ces traînées de signes conventionnels, jalons indicateurs d'un courant commercial, d'une émigration ou d'un progrès social, il faudra multiplier les fouilles et dresser un inventaire des découvertes opérées dans chaque région.

Cet inventaire, j'ai essayé de l'établir pour la Haute-Savoie. Suivant les conseils d'un ami, M. Gabriel de Mortillet, et mettant à profit les critiques

un peu trop bienveillantes de M. de Jussieu, j'ai renoncé à la division par arrondissements et cantons adoptée dans le Répertoire manuscrit que l'Académie de Savoie* a bien voulu couronner. Il y sera suppléé par des tables où les communes et lieux-dits seront classés par ordre topographique, puis par ordre alphabétique. Nous éviterons ainsi l'aridité inhérente aux Répertoires, si précieux d'ailleurs, que le ministère de l'instruction publique fait dresser en prescrivant la distribution géographique. La division suivante sera plus méthodique et plus favorable à la discussion : Grottes et abris. — Monuments mégalithiques. —

Objets divers de l'âge de la pierre. — Stations lacustres. — Fonderies. - Objets divers de l'âge du bronze. — Sépultures. - Oppidums. — Numismatique gauloise. — Mythologie gauloise et légendes.

Voulant être exact, j'ai cherché à voir à peu près tout ce que j'étais appelé à décrire. Depuis seize ans, l'album sous le bras, j'ai parcouru la Haute-Savoie, à l'exception des vallées intérieures du Chablais, qui du reste ne paraissent pas riches en antiquités préromaines. Les collections publiques et particulières de la Savoie, de quelques autres départements et de la Suisse, ouvertes avec la plus grande obligeance par leurs conservateurs ou propriétaires, m'ont permis de composer une liste aussi complète que possible des découvertes faites jusqu'à ce jour.

Mes dessins ont été exécutés d'après nature; après avoir réduit les aquarelles au pantographe à une échelle précise, je les ai interprétées par la gravure au moyen du procédé Comte.

Louis REVON.


1

GROTTES ET ABRIS

On connaît l'ingénieuse classification proposée par M. de Mortillet pour l'âge de la pierre. Prenant comme base, non les animaux caractéristiques, mais les produits industriels, il divise cet âge en époques dont les noms sont empruntés à des gisements célèbres. Pour la Haute-Savoie, nous n'aurons pas à nous occuper des trois époques les plus anciennes, YAcheulêen, époque de Saint-Acheul, offrant comme types les grands instruments de pierre en forme d'amande ; le Moustiérien, époque du Moustier, avec ses pointes de silex retaillées d'un seul côté ; et le Solutréen, époque de Solutré, distinguée par ses silex en feuille de laurier, travaillés des deux côtés.

Après ces trois premières phases de l'industrie humaine, où les instruments sont uniquement en pierre taillée, se place le Magdalénien, époque de la Madeleine ; alors apparaissent, associés à la pierre taillée, les instruments en os : les grottes du Salève nous en offriront des exemples. Vient enfin le Robenhausien, époque de Robenhausen, avec ses haches polies en pierre, dont nos stations troglodytiques présentent plus d'un spécimen.

Après l'âge de la pierre, les âges du bronze et du fer sont largement représentés ; nous trouverons même dans les grottes de ce département des preuves que ces logements naturels ont été utilisés jusqu'à l'invasion romaine et au-delà.

STATION DE VEIRIER. — La plus ancienne trace d'habitation humaine signalée jusqu'à ce jour dans la Haute-Savoie existe au pied du mont Salève, sur

les pentes qui confinent à la frontière genevoise, entre le sentier du Pas-de-l'Echelle et Veirier. Elle appartient aux beaux temps de l'époque de la Madeleine, que l'on n'a pu encore rattacher à l'apparition de la pierre polie. Comme l'attestent les ossements conservés dans les musées de Genève, d'Annecy, de Saint-Germain et dans plusieurs collections particulières, le renne paissait alors dans nos plaines. A côté de ces animaux relégués aujourd'hui dans les régions les plus septentrionales se trouvait la faune de nos montagnes plus élevées, le bouquetin, le chamois, la marmotte, le lièvre variable, plus connu de nos chasseurs sous le nom de lièvre blanc, l'ours brun, le lynx ou loup-cervier, le tétras lagopède ou perdrix blanche. Les autres espèces rencontrées dans cette localité sont le cerf, le chevreuil, le castor, le cheval, le bœuf, le cochon, le renard, le loup, le blaireau, le lapin, la cigogne. On a signalé aussi le chat, le putois, la marte, le campagnol, la poule et la grive, mais il se pourrait que ces animaux fussent entrés là plus tard, l'un emportant l'autre pour le croquer.

Les principaux explorateurs ont été, vers 1835, MM. Mayor père, Deluc et Taillefer ; puis, dès 1863, M. Hippolyte Gosse, suivi de M. Alphonse Favre en 1867 et de M. Thioly en 1868. Il règne quelque incertitude sur l'emplacement précis de plusieurs trouvailles, et M. Troyon a même attribué à la grotte d'Etrembières quelques objets provenant de Veirier.

Quoi qu'il en soit, les découvertes ont eu lieu sur cinq ou six points assez rapprochés, groupés dans


les terrains d'éboulement et dans les carrières de pierre calcaire qui se trouvent sur le territoire de la commune française de Monnetier-Mornex, tout près du village suisse de Veirier ; c'est pour cela que ces stations ont pris le nom de stations de Veirier.

Les blocs amoncelés ont laissé entre eux des intervalles qui ont servi d'habitation permanente, ou tout au moins d'abris de chasse.

Une riche moisson a récompensé les efforts des travailleurs. Les silex ont été recueillis par centaines. La plupart, il faut le dire, ont une chétive apparence : ils sont de petite dimension, souvent mal

taillés, et n'auraient pas fait envie aux ouvriers qui fabriquaient vers le même temps les blondes lamelles des Eyzies, de la Madeleine ou de Laugerie-Basse.

La matière employée est le plus souvent un silex gris ou noir, d'aspect mat, semblable à celui que j'ai rencontré sur l'autre versant du Salève, dans les fissures du terrain sidérolitique. Quelques instruments sont exécutés avec soin. On retrouve à Veirier les nucléus (fig. 1, musée d'Annecy) ou blocs d'où ont été détachés les couteaux (fig. 2, id.), les grattoirs et lissoirs (fig. 3, 4, 5, 6, id.), les scies (fig.

7, id.), les pointes de flèches, les perçoirs (fig. 8, id.).

— Des cailloux en roches primitives, étrangères à la formation calcaire de la montagne, ont pu être utilisés comme percuteurs et pierres à broyer. — Des pierres plates, anciennes plaques de foyers, étaient mêlées aux os calcinés et aux cendres.

Les instruments en os et en bois de renne consis-

tent en aiguilles (fig. 9, Musée de Genève), en pointes et poinçons (fig. 10, 11, 12, id.), en flèches barbelées (fig. 13, id.), en cuillères ou spatules pour recueillir la moëlle (fig. 14, id. ; 15, Musée d'Annecy), en lissoirs, en armes effilées. La trace de la scie en silex est visible sur plusieurs os (fig. 16, id.).


Les pièces les plus remarquables sont les bois de renne percés d'une ouverture circulaire et désignés, faute d'une appellation plus certaine, sous le nom de bâtons de commandement (fig. 17, Musée de Genève). Le plus beau a été trouvé par M. Thioly (fig, 18,19, collection Thioly) : un artiste de l'époque a gravé, sur l'une des faces, un bouquetin facilement reconnaissable à ses longues cornes ; sur l'autre côté est une branche de feuillage élégamment burinée. Si les hommes de ces âges reculés sont les descendants d'une famille de singes, il faut convenir que les bimanes d'alors, succédant à leurs grands-pères les quadrumanes, avaient déjà singulièrement progressé pour arriver à faire de telles compositions. Sur la partie évasée de ce bâton il existe des encoches régulières : était-ce une marque de dignité, comme les galons de nos

sergents, ou des additions indiquant le nombre des grandes bêtes sauvages abattues par le chasseur ?— Un autre bâton (fig.

20, Musée de Genève) a des entailles analogues, et des creusures autour de la perforation ;

sur la seconde face est gravé un animal à museau pointu (fig. 21). Un autre bâton offre une bête à large queue, qu'on pourrait prendre pour un castor (fig. 22, id.); à côté, des traits moins nettement

tracés semblent représenter l'arrière-train d'un cheval.

Tandis que les hommes décoraient avec orgueil les poignées de leurs armes, les femmes paraissent ne pas avoir montré moins de sollicitude pour leur parure : un grain de collier en lignite, un grand disque percé ou fusaiole en molasse polie, une trentaine de coquilles marines perforées pour être suspendues, entre autres des pétoncles et des buccins, prouvent que dans ce temps-là les dames aimaient déjà, suivant la pittoresque expression de saint François de Sales, entendre le doux et amiable grillotis des colliers et des pendants d'oreilles. Il est intéressant de noter la présence de coquilles marines à cent lieues de la Méditerranée et à deux cents lieues de 1 Océan. Pourtant il ne faut pas trop s'en étonner,

car les populations adonnées à la chasse, que rien ne fixe au sol, sont éminemment nomades et parcourent de vastes étendues de pays.

GROTTES DU SALÈVE. — Après la station de Veirier, les grottes du Salève présentent une suite chronologique depuis la pierre polie jusqu'aux temps historiques. Le mélange de plusieurs époques sur un même point ne permet pas d'établir une classification régulière ; il faut se borner à la nomenclature des localités explorées.

La grotte d'Aiguebelle, commune d'Etrembières, fouillée par MM. Gosse, Thury et d'autres, recélait des ossements, quelques os taillés en instruments et des poteries très grossières.

Dans la caverm des Faux-Monnayeurs, sur le Pas-de-l'Echelle, commune de Monnetier-Mornex, de nombreux débris de vases, appartenant à l'époque du bronze, ont été recueillis par M. Thioly.

Près de là est la grotte de la Côte. En 1872 on y a trouvé une pierre à broyer et une hache polie en pierre, déposées au Musée de Genève.

M. Thioly a mis au jour, dans la grotte de Bossey,


que les paysans appellent caiern3 de l'Ours, des fragments en terre grossière, munis d'anses non évidées, et percés d'une ligne de trous sur le bord supérieur; d'autres offrent une suite de creux (fig. 23, Musée d'Annecy), ou une arête imprimée avec un poinçon triangulaire (fig. 24, id.), ou un rebord à impressions en pointe (fig. 25, id.) ; — des fusaioles

en terre cuite ; un péroné d'ours appointé, et d'autres os travaillés en pointes et en spatules ; une

canine de chien avec trou de suspension, et une bucarde également percée ; une épingle en bronze semblable à celles des stations lacustres (collection Thioly). Nous n'avons pas à nous occuper ici des objets romains, comme épingles et aiguilles en os, poteries, monnaies impériales.

En fouillant les grottes de Collonges, dans un groupe de rochers au-dessus du Coin, le même explorateur a fait les découvertes suivantes. Voûte à Pillet : poteries de l'âge du bronze. — Voûte des B urdons : amas énorme de poteries très fragmentées , semées de grains siliceux et offrant, soit une ligne de creux obtenus par l'impression des doigts (fig. 26 et 27, Musée d'Annecy), soit un cordon à torsade (fig. 28, id.), ou une lignée de trous près du bord (fig. 29, id.) ; — anses pleines (fig. 30, id.) ;

morceau de vase avec losanges en lamelles d'étain comme ceux du lac du Bourget; fusaiole. Meules plates, caillou à broyer, grain de collier en pierre, pendeloque en pierre noire, petite hache en serpentine polie. Pointes en os. Les objets en bronze sont : un ciseau, un ardillon de fibule et la moitié d'une espèce de crotale (collection Thioly). - Voûte à la Fierre-Plate : poteries épaisses. - Voûte du Serpent, au-dessus de la Tête de Sphinx: pierre à broyer et sa meule, nombreux débris de poterie, os brisés; enfin, des objets romains en bronze et en fer.

Au-dessus du Coin, commune de Collonges, trois auttes cavernes avaient été explorées dès 1861 par MM. Grasset, Revon et Thury : Caverne du Corpsde-Garde, fragments de vases. — 1re caverne du Sphinx, un os travaillé, poteries, arcade orbitaire de fœtus, crâne d'enfant sillonné par la dent des rongeurs, ossements de cochon et de ruminants (Musée d'Annecy). — 2me caverne du Sphinx, mor-

ceaux de vases. Au fond de cet emplacement est une ouverture percée de main d'homme, communiquant avec un chemin qui se terminait à la partie supérieure de la montagne. — Ces cavernes ont été habitées aussi à l'époque romaine, comme l'indique une sonde de chirurgien (specillum) en bronze, un style en os et des vases vernissés.A Chavardon, à côté de la Tête de Sphinx, un chemin facile à défendre est creusé dans le roc, avec coulisseaux taillés verticalement, comme pour l'introduction d'une porte.

LA Pirra BARMIRA. — Non loin de Reignier, dans cette plaine des Rocailles où les glaciers quaternaires ont entassé par centaines des rochers qui semblent être les restes de la défaite des Géants, il existe sur la commune de Scientrier, près du chemin entre les hameaux de Crédo et de Porte, un énorme bloc calcaire dont une partie s'avance au levant sur un roc plat, de manière à former un


abri : c'est la Pirra Barmira, en français Pierre de balme (fig. 31).

En 1871, MM. de Magny et Revon, après avoir enlevé la couche de terre et de concrétion calcaire, ont trouvé, à 50 centimètres, des os et mâchoires de sanglier, cerf, bœuf, veau, chèvre et mouton.

La plupart des os sont striés par les rongeurs. Tous les os longs sont brisés dans le sens longitudinal, sans doute pour en extraire la moëlle : ce qui porte d'autant plus facilement à le croire, c'est qu'un de ces éclats a été aminci et arrondi aux deux bouts pour en faire une spatule

(fig. 32, Musée d'Annecy). Des charbons, des cen-

dres étaient mêlés à des fragments de vases épais, en terre brune et semée de grains de sable, caractéristiques de l'âge du bronze. On remarque parmi ces débris des anses évidées, des bords de vases en terre grise ou noire (fig. 33, id.), quelques-uns ayant une ligne de dépressions faites, avec le doigt (fig. 34 et 35, id.). On voit que les pauvres gens

qui avaient installé sous cet abri leur cabane de branchages, demandaient déjà à l'art industriel une distraction dans la monotonie de leur existence : leurs ongles et des outils pointus faisaient courir des ondulations capricieuses sur le bord de leurs humbles ustensiles.

LA PIERRE D'ANGEROUX. —

C'est un rocher au sortir de la petite ville de La Roche. Il est partagé en deux par une fissure. L'intervalle, 2m,50, a servi de refuge (fig. 36). En juillet 1865 on y a

trouvé un bois decerf et trois andouillers coupés pour en faire des emmanchures (musée d'Annecy). A un mètre au-dessus, mêlés à des cendres, gisaient quatre squelettes d'adultes et plusieurs squelettes d'enfants ; l'un est un fœtus de trois mois et un autre paraît âgé de trois ans, d'après l'examen fait paM. le docteur Andrevetan. Deux monnaies 'romai- nés, l'une de Marianna, l'autre de Maximien, étaient superposées aux ossements. Des blocs en équilibre instable étant suspendus sur la couche de débris, les ouvriers n'ont pas pu continuer les fouilles.

Dans cette contrée plusieurs anfractuosités ont servi d'abris aux vivants et aux morts : telle est la Pierre du Villard, près de Saint-Sixt. J'y ai recueilli une tête d'homme adulte, un crâne d'enfant, des os longs humains, associés à des ossements de cochon et de ruminants.

Vers la Corbière, sur la pente méridionale des Voirons, près d'une ancienne carrière de grès, des abris sous roche passent pour avoir été utilisés à diverses époques.


GROTTES DU BASSIN D'ANNECY. — Les personnes peu familiarisées avec la topographie de la Savoie devront éviter de confondre Veirier, village suisse et station du Salève dans la Haute-Savoie, avec le village savoyard et la montagne de Veyrier, au bord du lac d'Annecy. Cette dernière montagne est criblée de cavernes qui ne paraissent pas devoir donner des résultats bien brillants pour les études préhistoriques, étant presque privées de sol terreux. Je les ai explorées en majeure partie, notamment la Bornale des Sarrasins (Revue savoisienne, juillet 1863), la Grotte ogivale, la grotte du Pré-Vernet, celle qui porte le nom peu idéal de Chapeau de gendarme, la grotte de l'Ermite, habitée encore en plein XIXe siècle par un pieux troglodyte qui grimpait le long d'un escalier de bois, fixé au roc vertical par des consoles.

Les poteries les plus anciennes se rapportaient à l'époque romaine. Cependant M. Adolphe Besson a recueilli en 1875, dans la Bornale des Sarrasins, quelques menus fragments de poteries à grains siliceux. Quant aux foyers et aux ossements de ruminants, il est difficile de leur assigner une date.

Sur les parois verticales de presque toutes ces cavernes j'ai remarqué des entailles rectangulaires, larges de 10 à 15 centimètres, profondes de 3 à 8, et placées les unes vis-à-vis des autres à des hauteurs symétriques, par exemple de 2 en 2 mètres. Mon imagination y avait élevé jadis un bel échafaudage de planchers et de portes à coulisse, destinés à rendre le logis plus confortable. M. de Mortillet me fit observer que ces entailles étaient peut-être les supports des poutrelles employées pour d'anciennes mines de fer, à l'époque romaine ou au temps de l'invasion sarrasine. Il signalait des' exploitations analogues, faites encore actuellement près de Ferrières, dans la montagne de Mandallaz. Effectivement, en visitant dans cette montagne la grotte du Château des fées, j'ai dessiné aux étages supérieurs plusieurs rangées horizontales qui peuvent avoir été disposées pour des planchers volants. Cependant, à la Bornale des Sarrasins, les rainures verticales de l'entrée et celles qui précèdent deux réduits achevés de main d'homme, paraissent avoir été faites pour des clôtures. Il sera bon de les comparer avec les coulisseaux de Chavardon, au Salève, dont il a été parlé plus haut.

Une monnaie de Posthume a été découverte dans

la Bornale des Sarrasins. M. Serand y a recueilli avec moi des cendres et des poteries vernissées.

Sous la Bornale et devant le Château des fées il existe des ruines du moyen-âge.

Dans le roc de Chères, le Grand-Pertuis offre aussi des entailles étagées.

A l'autre extrémité du roc, MM. Calloud, Serand et moi avons fouillé minutieusement les grottes de Menthon, au bord du lac, qu'il ne faut pas confondre non plus avec les célèbres grottes de Menton au bord de la Méditerranée. Au milieu d'ossements sans intérêt, les restes les plus anciens étaient des tuiles romaines.

Sur Perroix, le four du Gargué et le four de la Pertnise ne m'ont offert aucun débris qui soit digne d'être mentionné.

J'ai fait des recherches dans les deux grottes de Duingt et n'ai rencontré que des briques romaines et des os. L'année suivante, M. Gosse n'a pas été plus heureux.

GROTTES DIVERSES. — La grotte de Mégevette passe pour recéler dans ses profondeurs un amas de très grands ossements. M. le docteur Thonion n'y a découvert aucun vestige pouvant être attribué avec certitude aux temps préhistoriques. Il a recueilli en 1873, dans la grotte située à 700 mètres du chef-lieu, des mâchoires de cochon, des os de chèvre et des dents de divers ruminants. — Les archéologues qui jouissent de grands loisirs et qui ne craignent pas trop de revenir les mains vides, pourraient tenter des recherches dans les grottes suivantes : la Dion, sur Thorens ; la danna à Cocrin, près de Rumilly ; la caverni dé Faya, aux Voirons ; la Grande-Barme, sur Sévrier ; les deux grottes de Quintal ; la Balmede-Thuy, la grotte de Féternes, celle de la Balme, entre Cluses et Magland ; la tanna des Fées, près de Vailly ; les corridors des Fées, près du Tour, la barme des Fées, dans la montagne de Sales ; la danna dé Fayes, près de La Caille ; la grotte du Pissus, près de Seythenex, etc. En s'aventurant dans les corridors interminables de la grotte de Seythenex, M. Serand a rencontré un autre amateur de recherches, mais réduit à l'état de squelette et ayant à ses côtés une lanterne, un panier et des lambeaux de vêtements.

Je n'ai nullement la prétention d'avoir épuisé les


recherches dans les grottes que j'ai déjà visitées. Il est probable qu'en affectant une somme considérable à un déblaiement complet, ceux qui ne redoutent pas de payer 40 à 50 francs une hache ou un tesson, trouveront un très léger dédommagement à leurs peines.

BIBLIOGRAPHIE. — Parmi les monographies concernant nos stations troglodytiques, on consultera avec fruit les suivantes.

F. Troyon, Cavernes du Salève, dans Indicateur d'antiquités suisses, 1855, p. 51. Corriger l'erreur consistant à attribuer à Etrembières quelques objets de Veirier ; Troyon a répété la même confusion dans ses Habitations lacustres, p. 1 et 400. — F. Thioly, Débris de l'industrie humaine trouvés dans la caverne de Bossey, fouilles de 1864 ; Genève, 1865, brochure in-8° avec 5 pl., extraite du t. XV des Mémoires de la Société dhistoire et d'archéologie de Genève. — Thioly, Epoques antéhistoriques au mont Salève, fouilles de 1865 à 1866 ; Genève, brochure in-8°, extraite des mêmes Mémoires, t. XVI.

— Thioly, Nouvelles fouilles dans la caverne de Bossey, dans Revue savoisienne ; Annecy, avril 1866. — Thioly, Une nouvelle station de l'âge du renne dans les environs de Genève, dans Revue savoisienne, janvier 1868, et tirage in-12. — Thioly, L'époque du renne au pied du mont Salève, dans Revue savoisienne, mars 1868, et tirage in-12, 1 pl.

— Alph. Favre, Station de l'homme de l'âge de la pierre à Veirier, près de Genève, brochure in-12, 1868, tirée des Archives de la Bibliothèque universelle. — Favre, Origine du silex employé au Salève, dans Matériaux pour l'histoire primitive de l'lonune, mars 1868, p. 94. — L. Rutimeyer, Les ossements de la caverne de Veirier, dans Revue savoisienne, avril 1868. — Thioly, Documents

sur les époques du renne et de la pierre polie dans les environs de Genève, 1869, brochure in-8°, extraite du t. XV des Bulletins de l'Institut genevois, fig. et 1 pl. — H. Gosse dans Matériaux pour l'histoire primitive de l'homme, 1873, p. 352: station de Veirier, avec 1 pl. — M. Hippolyte Gosse, conservateur du Musée archéologique de Genève, prépare une importante monographie dont les planches, en partie coloriées, sont lithographiées avec la plus grande exactitude. Cet ouvrage aura pour titre : Station de l'âge du renne à Veirier, Genève, in-4°.

— M. André Perrin a résumé les découvertes faites au Salève dans les Mémoires de l'Académie de Savoie, t. XI de la 2° série, p. LXVI, et dans le t. XII, p. 6. — Dans une étude sur Les Archives et les monnaies phéhistoriques (Revue savoisienne, février 1876), M. Bernardin, conservateur du musée de Melle (Belgique), comparant les bâtons de commandement avec les bâtons généalogiques de certaines tribus modernes, pense que les entailles ont peut-être eu pour but de rappeler les généalogies des chefs, et que les animaux gravés ont pu désigner la tribu: par exemple, au Salève, les tribus du bouquetin, de la belette, du castor ou de la loutre. — Le Dictionnaire archéologique de la Gaule, publié par la Commission de la topographie des Gaules, parait en fascicules in-4°, ornés de magnifiques planches. Nos antiquités préhistoriques y sont décrites.

COLLECTIONS. — Le musée de Genève et la collection Thioly, à Genève, sont riches en produits du Salève. — Le musée d'Annecy possède une série des diverses grottes savoisiennes. — Il faut consulter également les musées de Saint-Germain-en-Laye, de Chambéry et le cabinet de M. le professeur Alphonse Favre à Genève.


II

MONUMENTS MÉGALITHIQUES

Les glaciers que nous allons admirer aujourd'hui auprès de nos derniers villages alpestres avaient pris pendant les temps quaternaires un immense développement, et recouvraient presque toutes nos vallées. Ils ont arraché des blocs par milliers aux pentes du Mont-Blanc, les ont charriés au loin, puis les ont déposés sur les collines et dans les plaines quand une température plus clémente est venue réchauffer nos contrées et fondre les glaces. Ce prodigieux semis de dépôts erratiques offrait les matériaux les plus abondants et les mieux appropriés à la construction des caveaux funéraires. Eh bien, le croirait-on ? dans toute la Haute-Savoie on n'a signalé que cinq ou six dolmens, et le département voisin est bien plus pauvre encore : si notre mémoire est fidèle, on y compte seulement un demi-dolmen, situé en Tarentaise, et encore son attribution comme construction sépulcrale est-elle douteuse. Il faut donc admettre que le peuple des dolmens, s'il a jamais existé, n'a pas daigné détacher un bien grand nombre de représentants dans nos contrées. Mais l'existence même d'un peuple unique, ayant l'habitude constante d'édifier pour ses morts des chambres formées de dalles énormes, est déjà mise en doute par les uns et absolument niée par d'autres. Parmi ces derniers figurent le fondateur et les principaux rédacteurs de la savante Revue intitulée Matériaux pour l'histoire de thomnœ ; à leurs yeux, les dolmens sont l'œuvre, non d'un peuple spécial, mais de populations diverses adoptant ce genre d'abri comme souvenir et imitation de l'ancienne grotte sépulcrale. En attendant le jour

où des observations multipliées apporteront une solution définitive, bornons-nous à décrire les rares monuments mégalithiques de la Haute-Savoie.

DOLMEN DE REIGNIER. — Dans une plaine, à deux kilomètres de Reignier, vers le hameau de SaintAnge, un dolmen élève sa masse imposante sur la lisière d'un bois de chênes. Les campagnards l'appellent Pierre des morts ou Pierre aux fées; c'est sous ce dernier nom qu'il est inscrit sur les cartes.

Les Fées, qui interviennent souvent dans les légendes savoisiennes, passent pour en avoir apporté les matériaux sur leur tête. Certains conteurs, habitués à mettre les points sur les i, précisent davantage, et croient pouvoir assurer qu'une seule fée s'est chargée de la besogne, posant sur sa tète la plus grande pierre, en plaçant deux autres sous les bras, et mettant la dernière dans son tablier, fabriqué, à ce qu'il parait, avec une étoffe très résistante.

Le monument est composé d'une table de ce granite particulier du Mont-Blanc nommé protogine, longue


de 4m,90, large de 4m,50, sur un mètre d'épaisseur, supportée par trois larges dalles, amincies à l'arête supérieure et entrant dans les rainures qui existent sous le plafond. Ces dernières sont le produit d'un travail exécuté à force de patience, à une époque où l'on ne se préoccupait guère de la formule Urne is money. Les constructeurs ont pratiqué sous la table, au moyen du martelage ou piquage, deux longues rainures parallèles, profondes de 3 à 7 centimètres, larges de 40 à 50; et une troisième, large de 30 centimètres, coupant les deux autres à angle droit sur la face orientale. Le côté opposé n'a pas de rainure, et son petit support est resté à l'état brut. Les grandes surfaces planes des supports latéraux indiquent un équarrissage; en outre, ils ont intérieurement une rainure verticale correspondant à celle de la table, et destinée à recevoir une grande dalle qui a disparu ou n'a pas été placée : peut-être devait-on tailler les deux blocs irréguliers qui gisent à pied d'œuvre. Les supports latéraux ont la partie supérieure arrondie, et le travail humain est surtout visible dans celui du nord ; mais par suite d'un mouvement survenu pendant ou après la construction, ils ont perdu leur parallélisme et ne

s'emboîtent pas exactement dans les rainures de la table. A l'angle interne le support du nord présente une profonde creusure verticale destinée à enchâsser la dalle, aujourd'hui disparue, qui le reliait au pilier postérieur. L'ouverture du côté opposé peut avoir été murée avec les deux petits blocs couchés à l'intérieur. Le caveau, hermétiquement fermé, aurait eu environ 2m,50 de côté sur lm,50 de hauteur.

A la face ouest aboutit une double rangée de pierres plates, s'élevant très peu au-dessus du sol, et paraissant être la base d'une allée d'accès. Cette allée a huit mètres en longueur et six mètres à la partie maximum de la largeur externe; elle est coupée par un sentier qui borde un champ situé en contrebas. — Les figures 37 à 40, dessinées au centième, dispensent de plus amples détails.


Les personnes qui ont une foi inébranlable dans l'emploi des dolmens pour les sacrifices druidiques ne manquent pas de signaler une rigole existant le long de la face orientale de la table, au point culminant ; cette dépression toute naturelle doit avoir rempli l'office de caniveau pour recueillir des ruisseaux de sang humain.

Nous sommes en présence d'un monument des plus importants au point de vue de l'étude des dolmens. Nous voilà réellement à même de soutenir les idées nouvelles contre les anciennes théories.

Tout d'abord on a rangé les dolmens parmi les monuments en pierres complétement brutes. Celui de Reignier nous montre que si cette appréciation est vraie dans son ensemble, il ne faut pas trop la généraliser. Nous voyons là, comme on l'a déjà constaté dans d'autres localités, un travail d'équarrissage très net, qui prouve que les constructeurs savaient approprier les matériaux aux besoins de leur construction. Mais il y a plus : le dolmen de Reignier présente la pierre taillée dans le but de joindre plus intimement les dalles entre elles. C'est là le fait le plus intéressant, le plus nouveau ; d'autant plus intéressant que la roche, la protogine, est fort dure.

C'est même grâce à cette dureté que les entailles sont parvenues à nous avec toute leur netteté et, pourrions-nous dire, toute leur fraîcheur.

Un autre grand mérite du dolmen de Reignier, c'est de nous montrer que les fameuses rigoles des tables, rigoles qui, disait-on, étaient destinées à laisser couler le sang des victimes, ne sont que les produits fortuits des actions atmosphériques. Ici on peut les comparer aux rainures d'un travail réellement humain ; il ne saurait plus y avoir de doutes.

Des explorations ont été entreprises depuis longtemps : déjà, en 1843, aucun objet n'avait apparu dans les recherches faites à l'intérieur par M. Gosse et par M. de Magny, propriétaire du monument. J'ai pratiqué dans l'allée des fouilles sans résultat, comme il fallait s'y attendre. Dans les champs voisins on a trouvé plusieurs instruments en bronze, surtout des haches ; ils seront énumérés avec les objets divers de l'âge du bronze, mais ils n'ont aucune relation apparente avec le sujet de cette étude.

DOLMEN DE PERS-JUSSY. — A trois kilomètres au sud de la Pierre aux fées existait un dolmen appelé

également Pierre aux fées. Il était adossé à la pente orientale d'un des innombrables monticules qui s'élèvent dans la plaine des Rocailles, près du mas de Chautember, entre les Vuardes et la tour du Chàtelet. L'ouverture était au N.-E. L'énorme table rectangulaire en protogine avait G mètres sur 4 et une épaisseur de 2 mètres. Au dire des vieillards, elle était soutenue par trois piliers ; le support postérieur ayant été enlevé pour être utilisé, la table subit un mouvement de bascule et prit une position inclinée. Quelques années plus tard on tailla des meules dans la partie médiane, et l'œuvre de destruction s'acheva en 1864. Le caveau avait été déblayé depuis longtemps, car les bergers allaient s'y mettre à l'abri comme dans une chambre. Je n'ai retrouvé que des débris informes.

DOLMEN DE CRANVES. — En voulant niveler le terrain d'une vigne, un cultivateur fit sauter, vers 1864, un bloc rectangulaire en protogine engagé dans la terre ; il s'aperçut, mais un peu tard, qu'il était supporté par trois dalles verticales dont j'ai vu encore les débris. Le propriétaire, M. Jean Boccard,

m'a appris que les fouilles pratiquées entre les parois, ou à côté d'elles, ont mis au jour un tas d'ossements haut de plus de trente centimètres, des vases, un couteau ou une faucille en bronze et plusieurs épingles également en bronze, longues d'environ huit centimètres, ayant la tête percée de deux ou de quatre trous ; la plupart de ces épingles ont disparu ; le musée d'Annecy en possède une avec tête forée, à facettes triangulaires (fig. 41). Les autres objets conservés sont les suivants : des fragments

de poterie (fig.

42 et 43, musée d'Annecy), en terre brun-clair, avec bandes horizontales de petits points finement imprimés, alternant avec

des zones de points tracés diagonalement ; des fragments semblables (collections Dufresne à SaintJeoire et H. de Saussure à Genève) ; deux fonds de


petits vases en terre brune (fig. 44 et 45, collection Dufresne), un os hyoïde humain et une portion de crâne calcinée (id.). Cette calcination peut provenir du feu allumé par les petits bergers.

L'emplacement est dans un vallon où coule la Nussance, sous le coteau de Cranves,

entre le cimetière et le village de la Bergue, au lieu dit les Clots ou Champ-Molliat, portant au cadastre de 1731 le nom de mas de la pierre grosse et crusuaz (creuse). Selon un récit fait à M. Dufresne, il y avait deux dolmens très rapprochés; on prétend que les ossements humains recueillis près de l'un avaient été brùlés, et que ceux qui étaient vers l'autre se trouvaient dans leur état naturel.

En 1847, M. Blavignac avait déjà signalé sur ce point un tumulus long de cent cinquante pas; il ajoutait que « de nombreuses tombes en grès, renfermant des restes humains accompagnés de bijoux en or et de débris d'armes, y ont été découvertes à diverses époques. » Ce voisinage de tombes évidemment burgondes nous fait hésiter à attribuer au dolmen les grands amas d'ossements humains cités plus haut.

DOLMEN D'ETREMBIÈRES. — Vers 1836 on a détruit, pour en faire des meules, un dolmen en protogine, semblable à celui de Reignier, mais ayant la table beaucoup plus grande. Il était dans le bois d'Etrembières, près des moulins d'Aiguebelle. Un propriétaire du voisinage m'assure en avoir bien reconnu l'authenticité.

Il serait très facile de confondre avec un dolmen, même à une petite distance, certain bloc erratique en protogine situé dans la même commune, sur l'arête occidentale du Petit-Salève : ce bloc est venu se poser sur trois saillies des assises calcaires, laissant une partie médiane évidée ; j'ai été une des victimes de cette mystification inconsciente ménagée par les glaciers quaternaires.

DOLMEN DE SAINT-CERGUES. — Dans les vignes, à côté du ruisseau de la Chandouze, à quelques pas au-dessus du pont, se montre ou plutôt ne se montre guère la cave ou maison des fées : ensevelie dans la

pente du terrain, elle ne laisse voir que la face occidentale, qui s'élève seule au-dessus du sol et donne accès à l'intérieur par une ouverture large de lm,30 et haute d'un mètre; le propriétaire a un peu taillé la dalle à la base de ce passage. La chambre, à peu près cubique, a 2m,90 à 3m,30 de largeur dans le sens nord-sud, et 2m,10 et 2m,70 dans le sens est-ouest.

Les parois sont formées de six dalles en protogine et en roches feuilletées, d'une hauteur variant entre 2m,10 et 2m,80. Un énorme bloc erratique en arkose, partagé en deux parties, compose le toit (fig 46 et 47).

La chambre a été fouillée à une époque inconnue, puis le propriétaire actuel a enlevé, il y a quelques années, 40 centimètres de terre sans découvrir aucun objet antique. J'ai fait dégager la partie inférieure des parois; celles-ci reposent sur quelques pierres plates, et les interstices sont partout comblés avec de petits cailloux. — La légende dit que les fées ont construit ce monument pour en faire leur habitation ; chacune a apporté une pierre sur sa tète.

Comme on pourra le vérifier en consultant une carte, les seuls dolmens connus jusqu'ici dans la , Haute-Savoie sont groupés dans un espace extrême-


ment restreint : sauf celui d'Etrembières, situé un peu plus à l'ouest, ils suivent tous exactement une ligne tirée du nord au sud sur une longueur de quinze kilomètres. Décidément la Savoie n'est pas riche en monuments de cette catégorie. Si le malheur d'autrui est une demi-consolation, ajoutons que la Suisse est encore plus mal partagée : il paraît qu'un seul dolmen, élevé dans le canton de Zurich, a été reconnu jusqu'à ce jour dans cette terre si féconde en autres souvenirs des anciens âges. — Quant à l'orientation, je l'ai signalée où c'était possible, sans y attribuer toutefois une grande importance : M. Cartailhac a figuré sur une carte l'orientation d'une cinquantaine de dolmens de l'Aveyron ; or ils sont dirigés indistinctement dans tous les sens ; des observations analogues ayant été faites dans d'autres contrées, il faut renoncer désormais à se préoccuper de ce caractère si variable.

MENHIRS. — C'est dans le passé, plutôt que dans le présent, qu'il faut chercher la liste de nos pierresdehout. Les entrepreneurs de bâtisses, peu respectueux envers l'archéologie; transforment peu à peu les vénérables aiguilles en pieds-droits et en bordures de trottoirs. Voyez plutôt où nous en sommes réduits : Dans la commune d'Amancy, on doit reléguer au rang des souvenirs la pierre du milieu du monde, placée par Notre-Seigneur pour marquer le milieu de la terre, entre Vozeyrier et Passeirier, à droite et au bord de la route actuelle de Bonneville. MM. Dumont, de Mortillet et Pinget m'ont dit avoir bien constaté l'existence de ce menhir en protogine, aujourd'hui disparu. M. Morel, géomètre, a l'obligeance de m'écrire pour confirmer et compléter leur description de la Pierre du milieu du monde.

Elle était sur le mas no 956 du cadastre de 1730, au bord nord de l'ancienne route de La Roche à Bonneville, à 40 mètres de la route actuelle. Les nos 900 à 907 sont cadastrés sous pierre longue.

Quand on a renversé le bloc, en 1849, pour l'utiliser dans un ponceau, M. Morel a constaté qu'il reposait sur quatre pierres cubant chacune 50 centimètres. Le menhir mesurait en longueur 3m,40; en largeur, à la base, 2 mètres; à l'extrémité supérieure lm,50; l'épaisseur, à la base, était de 0m,50, et au sommet de 0m,25 à 0m,35. Outre la tradition que j'ai signalée,

on attribuait encore le nom de cette pierre à sa position au milieu de la plus vaste plaine du Faucigny.

Elle a servi jadis de limite à la baronie : les anciens du village voisin l'appelaient la limite du baron ou du pays.

Commune de Collonges, au mas de Pierre-Grand (Pirra-Grand), un menhir désigné sous le même nom, et détruit il y a quelques années, avait, dit-on, huit mètres de hauteur ; il est permis de mettre un point d'interrogation devant un pareil chiffre, quoiqu'il ait été inscrit par des écrivains sérieux.

On ne peut guère comprendre dans les menhirs des blocs formés de plusieurs pièces, comme celui d'Abondance, ni d'énormes rochers qui n'ont pas été dressés par les hommes, comme la Pierre Margeria près d'Annecy. Nous en reparlerons à propos des légendes, et nous étudierons dans le même chapitre les pierres à écuelles et les pierres branlantes.

BIBLIOGRAPHIE. — Eusèbe Salverte, Notice sur quelques monuments anciens, situés dans les environs de Genève. Genève, 1819, br. L'auteur donne libre cours à son imagination : il transforme en aiguille de cadran solaire le bloc dressé à côté du dolmen de Reignier. — Album de la Suisse romane, 3e vol. Genève, 1845. L'article sur la pierre aux fées de Reignier est accompagné d'une lithographie dessinée avec goût par Burdallet, mais d'une prodigieuse liberté d'interprétation au point de vue de la ressemblance. — Blavignac, Description de quelques monuments celtiques situés dans les environs de Genève, brochure tirée du t. V des Mém. de la Soc.

d'hist. et d'arch. de Genève, 1847. Bonnes indications. A cette époque, les Orovèse et les Velléda oocupaient une large place dans les rêves des écrivains.

A. de Bonstetten, Essai sur les dolmens, Genève, Fick, 1865: dans l'explication de la carte, p. 57, il ne consacre que deux lignes au monument de Reignier.

— Ducis, description du dolmen de Reignier dans Revue savoisienne, juin 1866. — A. Bertrand, Carte de la Gaule, Monuments de l'âge de pierre, dolmens et tumuli-dolmens, Paris, 1867. Cette belle carte, si complète dans d'autres parties, ne note que deux de nos monuments. — F. Troyon, Monuments de l'antiquité dans l'Europe barbare, formant le t. XXV des Mém. de la Soc. d'hist. de la Suisse romande, 1868. Il décrit, p. 79-80, d'a-


près M. Blavignac, les dolmens de Reignier et de Saint-Cergues. — Un excellent dessin du dolmen de Reignier, par M. Nathanaël Lemaître, a été gravé sur bois dans la Gazette illustrée de Leipzig, septembre 1868. — Paul Vionnet, Les monuments préhistoriques de la Suisse occidentale et de la

Savoie, Lausanne, 1872, magnifique album in-folio, texte et 35 photographies ; deux planches sont consacrées au dolmen de Reignier, une à celui de Saint-Cergues, deux autres à la pierre Passe-Diable et à la pierre au Diable.


III

OBJETS DIVERS DE L'AGE DE LA PIERRE

En dehors de nos stations troglodytiques, les objets appartenant à l'époque de la pierre taillée sont en très petit nombre. Dans sa riche collection préhistorique, M. Josselin de Costa conserve une lamelle de silex, longue de 11 centimètres ; elle a été trouvée dans un champ de son domaine, à Beauregard, commune de Chens-Cusy (fig. 48). — M. le doc-

leur Dufresne a recueilli près de Grandnoëx, commune de Fillinges, quelques silex en lamelles et en éclats, une flèche ébauchée, également en silex, et a reconnu des foyers. — Des campagnards ont égaré, à La Tour, un nucléus en silex noirâtre, long de 30 centimètres ; des lamelles en avaient été détachées. — Commune de Collonges, près de Corbe, M. Thioly a découvert deux silex taillés.

Sans être nombreuses, les haches polies présentent une série intéressante par la variété des formes, des dimensions et des matières. On n'avait que l'embarras du choix pour emprunter des roches primitives aux Alpes et aux torrents qui en descendent. Voici l'énumération de ces instruments, par ordre de communes.

Annecy. — Petite hache en serpentine, appartenant à M. Tellot, de Dreux, qui l'a trouvée en juin 1870 dans un champ, entre la gare d'Annecy et Chevennes (fig. 49).

Pringy. — 1° Près du cheflieu, très grande hache, entièrement polie, en schiste argileux, longue de 20 centimètres (f. 50,

musée d'Annecy). — 2° Dans les bois de Monthoux, hache en euphotide, de 11 centimètres (fig.

51, id.).

Chavanod..- Dans le bois de Pontverre, hache en serpentine, trouvée en 1865 pendant les travaux du chemin de fer (fig. 52, id.).

Doussard. - Belle hache polie, en diorite, longue de 16 centimètres, trouvée en 1847 au pied d'un châtaignier, à 60 centimètres de profondeur, sur la colline de La Serraz (fig. 53, id.).

Seythenex. — A Tertenoz, hache en pierre blonde à mouchetures noires ; la face offre une section rectangulaire de 8 centimètres sur 4 (fig. 54, id.). Il faut peut-être la classer parmi les coins ;


c'était l'avis du montagnard qui nous l'a vendue et qui mettait son opinion en pratique : il utilisait depuis longtemps cette hache comme un coin pour fendre son bois. Malgré ce long usage, l'instrument est resté entièrement poli et sans la moindre cassure.

Les OUières. — Petite hache polie, perdue par le paysan qui l'avait découverte dans un champ.

Ayse. — Hache en serpentine, trouvée par M. Michel Rey au bord d'un sentier traversant un bois derrière le château d'Anières (fig. 55, musée de Bonneville)

gonneville. — Hache polie en néphrite, inachevée. Elle offre sur un côté la trace de la scie, et semble indiquer que pour cette forme on façonnait d'abord une double hache que l'on séparait ensuite par une section médiane (fig. 56, musée de Genève).

FaucignyHache en serpentine, trouvée en 1866 sous le château de Faucigny (fig. 57, musée d'Annecy) ; et fragment d'une autre, découverte en 1868 dans la même localité.

La Roahe. - 1° Hache en serpentine, de Om,10,

trouvée sous un noyer dans la propriété des Sœurs de charité (fig. 58, musée d'An-

necy). — 2° Petite hache en serpentine, de Om,OG, recueillie à cent mètres de là, sous un rocher, dans la propriété de M. Dufour (fig. 59, id.).

PiUinges. - 1° Grande hache en roche vert clair, d'apparence néphritique, longue de

Om,145, trouvée en 1868 à I1 illinges (fig. 60, musée de Genève). — 2°Deux petites haches en serpentine vert foncé, de Om,065, découvertes sur la pente des Voirons (fig. 61 et 62, collection Balliard à Reignier).

Saint-Jeoire. — Dans un pré voisin du bourg, on a découvert en 1869 une hache en roche serpentineuse verte, longue de 0m,15 (collection L. Dufresne)

Monnetier-Mornex. — 1° Très petite hache en serpentine, de Om,043, trouvée dans le jardin d'une auberge sur les dernières pentes du Salève, entre Crevin et les carrières de Veirier (collection Thioly).

— 2° Deux haches en serpentine ramassées tout près de là, le long du sentier, entre l'auberge et les carrières (id). — 3° Dans un champ entre le Pas-del'Echelle et Monnetier, M. Hammann a recueilli une petite hache polie (musée de Genève). — 40 Hache en serpentine, longue de 0m,13, trouvée en 1872 par M. Lemaître dans les carrières de Veirier (musée

d'Annecy)

Chens-Cusy. — Au plateau dit Surles-Plans, en fouillant à l'entrée du champ Montillet, j'ai découvert en 1869 une hache (fig. 63, musée de SaintGermain)

Meillerie. — Hache polie, conservée par M. Ruffin.

Il faut probablement retrancher des antiquités savoisiennes une très grande hache d'un vert foncé, longue de Om,285, possédée par M. Davat à Aix-lesBains, et découverte, dit-on, dans le lit du Chéran entre Cusy et Rumilly : M. de Mortillet la regarde comme une herminette de sauvage, et juge d'après la forme et la matière que ce doit être un produit de l'Océanie.

Il y aurait aussi plus d'un échantillon à passer sous silence parmi les pierres conservées dans quelques musées sous le titre de marteaux-haches. La plupart sont des cailloux naturels, ordinairement en calcaire noir alpin, d'où se sont détachés des nodules de pyrites de fer laissant une ouverture considérée comme un trou d'emmanchement. De ce nombre est

une pierre provenant de La Roche, conservée au musée de Genève (fig. 64) ; une autre, recueillie à Vougy, au musée de Bonneville ; une troisième trouvée par M. Thioly


à Corbe, commune de Collonges, et que nous avons classée au musée d'Annecy parmi les pièces très sujettes à contestation. Quoiqu'il n'y ait pas là un travail humain, ces pierres ont pu être utilisées dans l'antiquité.

Un marteau-hache poli et bien authentique, foré seulement en partie et brisé peut-être pendant l'opé-

ration, a été trouvé dans la commune de Fillinges, au hameau de Balliard, à côté du jardin de M. Balliard, propriétaire de cet instrument (fig. 65).

M. Forel, de Morges, a voulu retrouver la manière de fabriquer ces marteaux-haches. Il m'en a montré un, très réussi, obtenu en façonnant une pierre à petits coups à l'aide d'un simple caillou, et m'a donné une leçon expérimentale sur l'art de percer un trou d'emmanchement d'une régularité parfaite dans la roche la plus dure : avec un archet on imprime un mouvement rapide à une branche de sureau dont la base est accompagnée de sable mouillé ; il faut choisir un sable très mordant. Au début il est bon de guider le bàton en le retenant dans une plaque de bois percée ; il se forme peu à peu un trou à noyau central, d'autant plus régulier que l'on emploie un cylindre évidé et tendre. Les indigènes de l'Amérique méridionale usent d'un procédé analogue pour percer les pierres, même le cristal.

L'instrument représenté par la figure 66 est une espèce de marteau ou de casse-tête, en grès, dans lequel ]e travail humain est évident, surtout dans la gorge qui en fait le tour. M. Edouard Bonnet, de Genève, l'a trouvé en 1875 à

Mornex, au bord du chemin des châtaigniers, non loin de la maison Bonzanigo. La face étroite a une épaisseur maximum de 5 centimètres.

Un instrument de même forme et de même grandeur, en pierre grise, conservé par M. de Boringe, a été recueilli dans un champ à Vétraz-Monthoux.

Notons enfin un polissoir en serpentine, long de 20 centimètres, large de 9, mis au jour lorsqu'en 1874 on ouvrit un chemin à côté d'un bloc erratique, dans la campagne de M. de Montravel à Allemand, commune de Lugrin. D'un côté on observe une large rainure non polie, à section demi-circulaire. Sur l'autre face est une rainure étroite et profonde, très polie, s'évasant en deux petits talus à la partie supérieure. Des ossements et du charbon accompagnaient ce polissoir, conservé par M. de Montravel.

COLLECTIONS. — Le musée d'Annecy a les plus belles haches trouvées dans le département. — Musées de Genève, de Bonneville, de Saint-Germainen-Laye. — Collections Balliard à Reignier, Léandre Dufresne à Saint-Jeoire et docteur Dufresne à Fillinges ; Thioly à Genève, J. de Costa à Beauregard, etc.


IV

STATIONS LACUSTRES

Des émigrants dont la marche à travers l'Europe n'est pas encore bien déterminée, sont venus s'établir sur nos lacs durant une longue période, comprise entre l'apparition de la pierre polie et la fin du premier âge du fer. Il n'est pas facile de préciser la race à laquelle ils appartenaient, car il serait téméraire de porter un jugement d'après le nombre extrêmement limité des crânes découverts, d'autant plus que parmi ces rares débris quelques-uns peuvent être des anomalies, des formes exceptionnelles, comme il s'en rencontre beaucoup dans les têtes modernes. Tout ce qu'on peut dire, c'est que la faible longueur des poignées d'épées et des manches de couteaux, et l'étroite ouverture d3s bracelets indiquent, pour la fin de l'âge du bronze, une race aux formes sveltes, aux mains effilées, comme on en voit par exemple chez les Arabes de distinction et chez les Kabyles : un Européen qui veut saisir un flissa ou long couteau kabyle court grand risque de se blesser l'index.

Les objets en métal et les poteries de la même époque révèlent un art industriel avancé : un artiste grec n'aurait pas rougi de signer certains vases en pâte mince, noire et brillante, offrant le galbe le plus élégant. La forme et la décoration des bracelets, des épingles à cheveux, les gracieuses ondulations des couteaux, pourraient servir de modèles à nos bijoutiers et à nos orfèvres.

Le public lettré commence à connaitre assez les éléments de l'archéologie préhistorique pour qu'il soit à peine besoin de rappeler en quoi consistaient les établissements lacustres. Choisissant d'abord les

rives en pente douce, puis les bas-fonds, même les plus éloignés des bords, les constructeurs enfonçaient des pilotis, sur lesquels ils fixaient une plateforme en bois, à l'abri des plus hautes crues. Là se dressaient les cabanes, formées d'un clayonnage garni de terre, et dont le sol était composé d'argile.

Quelquefois une double rangée de pilotis révèle l'existence d'un pont qui reliait la bourgade à la côte.

Dans les autres cas, la communication était établie par un canot creusé dans un tronc d'arbre.

Pourquoi, dira-t-on, planter avec effort ces milliers de pieux et installer à grand'peine des plateformes exposées à tous les vents, battues par les flots, quand les rivages offraient des emplacements favorables? Demandez la réponse aux populations chinoises qui, de nos jours, établissent des fondations identiques au milieu des rivières pour se livrer plus commodément à la pêche ; interrogez les tribus océaniennes, usant du même système pour se garantir contre les invasions ennemies et surtout contre les animaux malfaisants. Les débris des stations lacustres fournissent maintes preuves à l'appui de cette dernière considération : vous y trouverez, comme restes des repas, des os d'ours et de sangliers, animaux dont le voisinage incommode nécessitait un moyen de défense ; d'autre part, vous reconnaîtrez sur les instruments en bois de cerf les sillons tracés par la dent des rongeurs qui infestaient nos contrées.

Comme les régions voisines, la Haute-Savoie offre de nombreuses stations dans ses deux principaux lacs. Enumérer les objets qu'on y rencontre, ce sera


établir, preuves en mains, la chronologie des bourgades, et faire l'histoire industrielle, artistique, on pourrait même dire l'histoire morale de ces antiques populations : on verra qu'elles étaient moins préoccupées de forger le glaive du guerrier que de fabriquer les engins de pèche, de fournir aux femmes d'élégantes paiures, aux enfants des jouets figurant des ustensiles en miniature, et de satisfaire leurs goûts esthétiques en décorant leurs demeures de charmantes poteries.

Pour éviter les doubles classifications, parcourons successivement chacun des lacs en décrivant les stations selon leur importance et leur ancienneté.

LAC LÉMAN Entre les 15 à 18 stations échelonnées sur la rive savoisienne, d'Hermance à Evian, THONON parait devoir être classé au premier rang, moins pour l'espace occupé que pour la diversité des objets découverts dans ses deux établissements, surtout dans celui de l'âge du bronze, où la variété des formes s'allie au bon goùt de la décoration.

Station de l'âge de la pier're. — Le poids des terrassements exécutés en 1862 pour la création du nouveau port souleva un bas-fond marneux, qui était alors à 20 mètres du rivage et se trouve aujourd'hui en partie comblé. Il était couvert de gros pilotis et formait un long rectangle. MM. Genoud et Revon y

recueillirent des poteries grises appartenant à de grands vases à fond arrondi et à petites anses pleines (musées d'Annecy et de Thonon). M. Jahard pècha en 1864 une hache polie en serpentine (fig. 67, musée d'Annecy), une autre en schiste noir (fig. 68, coll. Jahard), une lamelle de silex, des fusaioles en micaschiste (fig. 69, musée d'Annecy). Le musée de

Lausanne possède quelques petits vases en terre gros-

sière et très fendillée (fig. 70 et

71), recueillis antérieurement par Frédéric Troyon.

La station de l'âge du bronze, en avant de la première, a comme elle 3 à 4 mètres d'eau ; elle est traversée dans sa longueur par la jetée construite en 1862. Elle est parallèle à la rive et occupe un espace très étendu. Les fouilles opérées successivement par MM. Troyon, Forel, Revon, Monod, Revilliod de Muralt et Carrard, ont amené les découvertes suivantes.

M. Forel, de Morges, a eu l'heureuse fortune de recueillir un splendide couteau, long de 30 centimètres (fig. 72, coll. Forel); il est tout en bronze; la

lame est ornée de lignes ondulées et contient plus d'étain que le manche. M. Carrard a trouvé un couteau ayant aussi le manche en bronze (fig. 73, musée de Lausanne), avec des goupilles pour fixer deux

plaques en bois de cerf; sur la lame sont gravés des cercles concentriques. J'ai pèché un couteau à douille (fig. 74, musée d'Annecy) dont la lame est parcourue par des points disposés en lignes ondulées. On voit au musée de Lausanne deux couteaux à soie (fig. 75).

Parmi les haches, les unes sont simplement à ailerons (fig.76, musée de Lausanne) ; d'autres ont en outre un anneau latéral

(fig. 77, musée d'Annecy; collections Forel, Monod, Tliioly).

Vers la base desfaucilleson remarque un trou, probablement pour le passage d'une goupille fixant le manche à la


faucille ( fig. 78, musée de Lausanne ).

Une tète de lance en bronze a conservé dans sa douille un fragment de la hampe (fig.79, id.).

M. Carrard, auteur de cette découverte, a trouvé aussi

une épreuve de lance plus petite (fig. 80, id); cette épreuve d'essai a été analysée par M.

Bischoff, qui a reconnu un alliage de : plomb 70, étain 18, arsenic 3, traces de fer et de cuivre. Quoiqu'on n'ait pas encore trouvé de moules dans la station, ce spécimen suffit pour établir l'existence d'une fabrication locale.

Si les épingles à cheveux ne sont pas nombreuses, elles se distinguent du moins par leur longueur et par la grosseur de la tète ; celle-ci est le plus souvent percée de plusieurs trous bordés de lignes concentriques (fig. 81, id, et coll. Forel).

M. H. Carrard, de Lausanne, a conservé comme souvenir de ses heureuses trouvailles un superbe anneau (fig. 82).

Au lieu d'être circulaire ou elliptique, il est rentré d'un côté en courbe légère, comme un insigne destiné à être tenu dans le poing : c'est ce que certains archéologues désignentsous le nom d'anneau de serment. Sur 1 -

la partie en demi-cercle sont gravés des chevrons alternant avec des parallèles, et l'autre portion présente quatre groupes de triples côtes.

Les bracelets, que leurs dimensions peuvent faire classer dans les anneaux de jambes, sont ouverts; les uns lisses, les autres ornés ; il en est un surtout (f. 83, musée de Lausanne)

qui est couvert de points, de chevrons, de parallèles, de lignes concentriques et de capricieux méandres.

Citons encore un double anneau à stries, supportant deux autres anneaux (fig. 84 coll. Revilliod) ; de petites boucles, une pendeloque triangulaire (coll. Forel).

J'ai recueilli une pierre à aiguiser et des ossements de ruminants. —

Parmi les poteries, ma pince a ramené une portion de petit vase dont cha-

que extrémité avait deux renflements percés de trous pour y passer un fil de suspension (fig. 85, musée

d'Annecy); des débris d'assiettes creuseset d'écuelles aux gracieux contours, l'un portant un cordon de petites boules d'argile déprimées ; des fragments de grands vases en terre brune, avec torsades et avec chevrons tracés au poinçon (id). On voit au musée de Lausanne un charmant vase en terre noire (fig. 86), dont la partie inférieure, terminée en pointe, nécessitait l'emploi

d'un support formé d'un bourrelet en terre cuite : on a trouvé là plusieurs de ces torches-supports.

Avant de passer aux petites bourgades intermédiaires, visitons, vers la frontière suisse, un quadruple établissement dont chaque partie est désignée par un point de repère pris sur la côte, dans la commune de CHENS-CUSY : 1° Station du Moulin ou de la Vie-à-l'âne, à 130 mètres du rivage, 3 mètres de profondeur ; nombreux pilotis dont le groupe finit en une pointe aiguë tournée vers le nord ; 2° Station de la fabrique de gypse ou de la fabrique Canton ; 3° Station du creux de Tougue, à 90 ou 100 mètres du rivage et à 150 mètres de la pointe de Beauregard ; profondeur 1 mètre 50 ; 4° Station de Beauregard.

Tout cela est ordinairement confondu sous le nom de stations de Tougue, et pècheurs et archéologues ne prennent pas la peine de distinguer ce qui vient de l'un ou de l'autre endroit. Commençant un peu au-


dessus du ruisseau d'Hermance, les 4 stations, parallèles au rivage, se suivent de très près sur un espace de 3 kilomètres. Les fouilles ont été opérées par MM. Troyon, Thioly, Revilliod, Forel, Revon, etc.

Nous avons là des établissements mixtes où les objets de l'âge du bronze sont mêlés à ceux de l'époque an-

térieure. On a trouvé un certain nombre de haches en pierre polie, surtout en serpentine (fig. 87, musée d'Aix-lesBains ; musées d'Annecy, de Genève, coll. Thioly); les grandes pièces dominent. Dans les objets en pierre de l'une ou de l'autre époque, citons les pierres à broyer, galets en quartzite usés par

le frottement contre les meules dormantes (musée d'Annecy et coll. diverses); une pierre à gorge de poulie, au musée de Lausanne; des pierres grises, minces et allongées, percées vers une extrémité : selon les uns c'étaient des pendeloques, selon les autres, des instruments pour lisser ou pour aiguiser (musées d'Annecy et de Genève).

Parmi une vingtaine de soucoupes, d'écuelies à anses, de soupières au pur profil, que possède le musée de Lausanne, on distingue un joli vase, entier, soutenu par sa torche en terre (fig. 88). — M. J. Costa de Beauregard conserve une

sorte de tube ou de manchon en terre ; peut-être est-ce un col de vase ? — J'ai pêché pour le musée d'Annecy un choix varié de gros fragments appartenant en partie à des vases pour les approvisionnements ; autour de la gorge règne un cordon, formé tantôt d'une torsade en saillie, tantôt de cannelures horizontales, de dépressions carrées, ou de triangles imprimés avec un outil ; les vignettes relatives aux poteries du Salève nous dispensent de présenter ici des dessins qui seraient identiques. — On recueille aussi les fusaioles, espèces de pesons en terre cuite, avec perforation centrale, dans lesquels on a vu successivement des pesons de fuseaux, des contrepoids à filets, des boutons d'habits, des grains de colliers.

On en trouvera de différentes formes dans les vignettes consacrées au lac d'Annecy.

Dans les bronzes, on remarque l'abondance des

épingles à cheveux à têtes diversement ornées (fig.

89, musée d'Annecy) ; j'en ai vu jadis dans la collec-

tion Thioly un monceau qui pouvait en contenir une centaine. Il est probable qu'elles étaient plantées en soleil autour du chignon, comme le pratique encore le beau sexe dans le Tessin et dans l'Italie septentrionale. On trouve aussi des épingles à tête recourbée en boucle (fig. 90, id.), beaucoup d'anneaux

(fig. 91, id.), depuis la dimension de la petite boucle de rideau fermée, jusqu'à celle des bracelets ouverts. Le musée de Lausanne possède deux bracelets couverts de parallèles et d'el-

lipses concentriques bordées de points (fig.

92). — La hache est ordinairement à ailerons avec anneau latéral (fig. 93 et 94, musée de Lausanne).

— Les faucilles ont au talon une saillie perpendiculaire à la lame, pour les saisir plus facilement


(fig. 95, id.). — On a recueilli plusieurs couteaux à douille et à lame ondulée (fig.

96, id.) et des couteaux à soie (coll. Thio-

ly). Citons encore des hameçons, des ciseaux à douille, une hache à main, une tête de lance.

Maintenant que nous avons vu les principaux groupes, suivons régulière-

ment la rive depuis Hermance pour explorer les vestiges de moindre importance.

Un batelier m'a indiqué une station à la Vorge, en face du ruisseau qui porte ce nom. Je ne l'ai pas encore explorée et ne sais si elle est distincte de celle de Beauregard.

Il existe vers la pointe de MESSERY une station sous 4 mètres d'eau. Les poteries sont caractéristiques de l'âge du bronze. Troyon avait déjà remarqué, sur les pilotis, des entailles faites avec la hache de bronze.

A NERNIER, 1° une station de l'âge de la pierre est si près du bord, qu'elle pénètre dans la grève, ou plutôt ce sont les atterrissements qui l'ont peu à peu envahie : les pilotis, dont le diamètre at-

teint 30 centimètres, se montrent notamment le long d'un petit canal, et Troyon cite la découverte de pieux à 55 pas du lac, lorsqu'on creusa un puits à l'ouest de l'église. Le long de la rive on a recueilli, sous 2 mètres d'eau, un marteau foré en pierre polie (fig. 97, musée d'An-

necy); de petites haches en serpentine; des lamelles de silex; un manche pour scie en silex, formé d'une pierre allongée et à rainure ; des fusaioles en pierre ; une pendeloque en pierre longue et percée ; des os travaillés en manches et en spatules (musée d'Annecy ; coll. Thioly et surtout coll. de Westerweller).

2° La station de l'âge du bronze est à 600 mètres à l'ouest du village et à 150 mètres du bord. On a recueilli depuis 1872 une longue épingle à tète sphérique et percée de 4 trous (fig. 98, musée d'Annecy) ; une douzaine d'épingles agglutinées dans une matière char-

bonneuse (id.) ; d'autres épingles de diverses dimensions, quelques-unes à boucle ; un petit couteau à soie; un anneau de bronze avec boucle de suspension, une pointe de lance, des fusaioles en terre, un anneau en terre cuite, des torches-supports, des débris de vases (coll. Thioly et coll. de Westerweller).

Troyon dit : « Un autre établissement existait près de la pointe d'YvoiRE, à en juger par les pieux qu'on y voit encore. » Je n'ai pas su le retrouver, peutêtre pour une bonne raison : M. d'Yvoire, propriétaire du château, et tous les pêcheurs de la localité m'ont assuré qu'à part quelques piquets modernes au bord de la grève, il n'y a pas trace de pilotis dans le voisinage immédiat de la pointe. Il se peut que les renseignements fournis à Troyon se rapportent à la station suivante.

Commune d'ExcENEVEX, la station du Moidin Paquis est un peu à l'ouest du moulin de ce nom, à 150 mètres de la rive. J'ai reconnu un fond peuplé de pilotis et semé de pierres, sous 3 mètres d'eau, mais de grosses vagues n'ont pas tardé à venir s'opposer à la pêche.

M. Charles Bartholony m'a signalé récemment deux stations situées en face de sa propriété, vers la limite de Sciez, lieu dit aux Sablons : 1° Tout près de deux rochers qui émergent dans les basses eaux, une station de l'âge de la pie?*re touche le bord, et les pilotis, en partie ensablés, s'étendent jusque dans le champ voisin. M. Bartholony a recueilli lui-même deux haches en pierre.

20 Une station de l'âge du bronze s'étend à 40 mètres du bord en avant de la première. M. Bartholony possède quelques bronzes que lui ont procuré les pêcheurs : quatre couteaux de diverses dimensions, une hache à ailerons et à anneau, un ciseau à douille, une longue épingle.

Commune de SCIEZ, la station de Coudrée, en face du château, à 100 mètres de la rive, appartient

à l'âge de la pierre. En 1874, on y a trouvé 12 haches en pierre polie, la plupart en serpentine et de petite dimension (fig. 99 et 100, musée d'Annecy; musée de Genève).

""Après avoir passé devant les stations

de Thonon, que nous connais sons déjà, terminons notre promenade sur le Léman par la mention de deux établissements dont l'existence est encore problématique.


Commune de PUBLIER, on voit « plusieurs pilotis près d'Amphion, » selon le rapport fait à Troyon par un pêcheur.

Enfin, à EVIAN, le même archéologue signale « quelques traces » d'habitations lacustres.

LAO D'ANNECY

Si le lac d'Annecy est une perle des Alpes, avec ses eaux d'un bleu intense, parfois coupées de bandes d'émeraude ; avec la plantureuse végétation de ses rives aux contours imprévus ; avec ses montagnes ondulées, ou se hérissant en pointes, ou soulevées comme ùn flot gigantesque ; si ce riant bassin a séduit les peuplades hydrophiles et les a décidées à y fixer leurs demeures, en revanche c'est peut-être le plus décourageant de tous les lacs pour la pêche des antiquités. Tandis qu'au Bourget, au Léman et ailleurs un joli fond de gravier ou de sable fin retient les moindres objets à la surface et promet de douces émotions à l'explorateur, ici, au contraire, un prodigieux dépôt de limon calcaire et argileux, blanc, gluant, couvre les bas-fonds et incruste rapidement d'une couche tufeuse les pierres et les coquilles des anodontes. Ce dépôt est si étendu sur certains points, qu'à la station du Roselet, par exemple, nous avons pu enfoncer sans effort une perche qui a été ramenée couverte d'une pâte blanche sur une longueur de quatre mètres sans avoir atteint une couche plus dure. Aussi les rares instruments en métal recueillis jusqu'à ce jour, après plusieurs années de recherches, n'ont pu être sauvés que parce qu'ils étaient retenus sur de larges pierres; le reste a dû glisser peu à peu sous le limon, et il faudrait des dépenses énormes et le secours d'une drague à vapeur pour explorer à fond la couche à antiquités. Gràce à leurs formes étalées et à leur légèreté, les fragments de poteries sont restés plus facilement à la surface, et il a été possible d'en recueillir un assez grand nombre.

La station la plus connue est le Roselet, dans la partie étranglée du lac, entre Duingt et Talloires. Le bas-fond, vu des hauteurs, a la forme d'un croissant.

On n'a de l'eau que jusqu'à mi-corps à la partie médiane, près de l'îlot moderne construit fort mal à propos, de l'avis des archéologues, par un campagnard qui avait rêvé, comme Sancho, la création d'une île de Barataria: plus ou moins en terre ferme. Les pilotis

sont en chêne; dans leurs intervalles on voit quelques traverses du plancher effondeé. Les premières recherches, opérées dès 1856 par MM. Serand, Gosse et Poulet, ont fait découvrir des fragments très brisés d'une poterie grossière, semée de grains siliceux pour empêcher le fendillement de la terre sous l'action du feu.

Mes fouilles, depuis 1860, ont amené au jour les objets suivants : moitié de hache en serpentine polie; moitié de bracelet mince et ouvert, à section

circulaire, en bronze ; des meules dormantes en gneiss, usées par le frottement (fig. 101, musée d'Annecy), et plusieurs pierres à

broyer en quartzite; des fusaioles en terre noire, percées au milieu et ornées de lignes, de dépressions et de points (fig. 102, 103 et 104, id.) : nous avons

vu plus haut les usages possibles de ces objets qui se rencontrent dans la plupart des stations. Les poteries épaisses, les fragments de grandes jarres ornées de cordons ou de dépressionsfaites à la pointe ou à la main, étaient mêlés avec des poteries noires, fines, entre autres une portion de tasse avec anse évidée; puis venaient des morceaux de couronnes ou torches en terre pour supporter les vases à fond pointu; un vase brisé, épais de plus d'un centimètre, hérissé de saillies façonnées avec les doigts ; une petite boule en terre cuite, des pierres à polir. Un lacis de végétaux retenait des noyaux de merisier (Prunus- pallas), des noisettes et diverses graines. J'ai encore pu recueillir des dents et os longs d'animaux domestiques (bœuf, cochon, etc.), plusieurs morceaux de l'enduit terreux qui recouvrait les parois des habitations, avec l'empreinte du clayonnage, et l'enduit lisse du sol; ces fragments de terre portent la trace du feu : on a eu la preuve, dans mainte station, que l'incendie exerçait fréquemment des ravages dans ces bourgades où les huttes étaient construites en branches et recouvertes de chaume.


Une autre station, moins facile à retrouver, existe à 1,200 mètres en avant de Sévrier, à l'intersection d'une ligne tirée du hameau de Lacombe à Menthon, et d'une autre ligne reliant la tuilerie de SaintJorioz avec la pointe de La Puya : c'est le Châtillon, appelé le Châté mâ avza (Château mal avisé) par les habitants de la rive opposée. Ce vaste bas-fond présente une profondeur uniforme de 3m,50 à 4 mètres. Quelques grosses pierres ayant retenu plu-

sieurs objets a leur surface, j'ai pu recueillir quelques bronzes : un grand couteau à douille, dont la lame ondulée est ornée de points en creux (fig.

105, musée d'Annecy); deux bracelets ouverts ayant les extrémités terminées par des oreilles (fig. 10G et 107, id.) : leur grandeur indique plutôt des anneaux de jambe, rappelant les Khalkhals

que portent à la cheville les danseuses mauresques.

Dans les fragments de grands vases, le col est bordé d'impressions faites à la pointe et au poinçon, de cordons, de filets parallèles. Notons encore une assiette à rebord, en terre fine, des moitiés de plats, d'autres débris de poterie, une traverse et des pieux en chêne. Tel est jusqu'ici le trop modeste résultat des visites annuelles que je fais depuis 1860 à ce château mal avisé.

Sur la rive opposée, presque en face de la station que nous venons de quitter, M. le docteur Thonion en a découvert une autre en 18G8. Elle s'étend en arc de cercle sur une grande longueur, très près du bord, dont elle se rapproche même çà et là, au point qu'on découvre des pieux sous la grève. Située devant le mas désigné dans l'ancien cadastre sous le nom de Vieugy, au lieu dit Sous les Guerres, du nom d'un hameau de la commune de Veyrier, la station est recouverte d'un, deux, trois et quatre mètres d'eau.

M. Thonion a retiré, pour les offrir au musée d'Annecy, plusieurs objets intéressants : une jolie hache

à main, en bronze (fig. 108); 7 pierres à broyer, en quartzite et en granité, quelques-unes portant la trace d'un long usage; 3 meules dormantes en pierres plates (fig. 109), des ossements, des poteries qui ont les anses tantôt pleines, tantôt évidées. Un petit coquillage marin, le Turbo néritoïde, indique par sa présence de

lointaines relations. —

Ma pince a ramené des pilotis carbonisés, des percuteurs en quartzite, des pierres de foyer, et j'ai péché, comme l'avait déjà fait M. le docteur

Thonion, des poteries très grossières, épaisses, à pâte chargée de grains siliceux. La composition, la forme de ces fragments, leurs petites anses pleines offrent les caractères de l'âge de la pierre, caractères qui se retrouvent sur certains points de la station dans l'existence de pieux à très grand diamètre : le basfond a probablement servi de base à des constructions de deux époques.

Dans la baie d'Angon, du côté qui regarde le bout du lac, j'ai reconnu en 1874 quelques gros pilotis, commençant à dix mètres du rivage et paraissant occuper un espace restreint. La hauteur du dépôt limoneux ne m'a pas permis jusqu'ici de pêcher quelques objets pour préciser l'âge de la station : l'épaisseur des pieux et leur situation rapprochée du bord permettraient de supposer qu'elle appartient à l'âge de la pierre.

Il n'est pas plus facile de préciser l'ancienneté des nombreux pilotis qui s'étendent devant le port d'Annecy, le long du chenal suivi par les bateaux à vapeur : les pieux ont été recouverts d'une telle couche de limon et de dépôts modernes, que leurs têtes se montrent à peine.

BIBLIOGRAPHIE. — Les premières fouilles pratiquées en 1850 dans le lac d'Annecy sont consignées dans le Bulletin de l'Association Florimontane, t. II, 1856, p. 208. — La Revue savoisienne, succédant à ces Bulletins depuis 1860, rend compte des découvertes faites en Savoie. — Frédéric Troyon a décrit les stations des deux lacs avec la précision


qu'il mettait dans tous ses travaux ; les dessins seuls laissent quelquefois à désirer au point de vue de l'exactitude. Voyez Habitations lacustres, ouvrage composant le t. XVII des Mém. de la Soc. d'hist.

de la Suisse romande, 1860, p. 81 et 128 seqq.

Il a répété ses descriptions dans Congrès scientifique de France, session de Chambéry, 1 vol., 1864, p. 482 seqq. Il faut consulter aussi, au Musée de Lausanne, l'intéressant Catalogue manuscrit énumérant ses fouilles. — M. Laurent Rabut a parlé de nos stations dans deux Mémoires sur les habitalions lacustres de la Savoie, avec grands albums de planches fort bien exécutées. Pour le texte, voir surtout le 1er travail, dans Mém. de la Soc. savoisienne d'hist. et d'arch., t. VIII, 1864, p. 99 à 102.

— Dans son Etude préhistorique sur la Savoie, 1870, M. André Perrin donne un bel atlas in-folio de lithographies expliqué par un texte où nous trou-

vons, p. 28 à 30, quelques mots sur nos stations.

— M. Thioly a publié, en 1867, une brochure sur les Habitations lacustres du lac de Genève; voir les p. 5 et 7.

COLLECTIONS. — Le musée d'Annecy possède tout ce qui a été découvert de plus intéressant dans le lac d'Annecy, et des spécimens des autres localités.

— Le musée de Lausanne, dont le conservateur, M. Morel-Fatio, facilite l'accès aux travailleurs avec une rare obligeance, est très riche en bronzes et poteries du Léman. — Voir aussi les musées de Chambéry, Thonon et Genève. — A Genève, collections Thioly et de Westerweller. - A Chens-Cusy, collections J. Costa de Beauregard et Carrier.—A Morges, collections Forel et Monod. - Citons encore MM. H.

Carrard à Lausanne et Revilliod de Murait à SaintPrex.


v

FONDERIES

Sur plusieurs points de la France, on a tiré du sol certains amas d'objets en bronze que les archéologues appellent des cachettes de fondeurs : ce sont des armes, des parures, des instruments, les uns entiers mais défectueux ou usés, les autres brisés par accident, ou coupés et repliés pour être jetés au creuset avec les pièces mal venues ; tout cela est mêlé aux culots, aux bavures, aux coulées qui remplissaient les jets des moules.

On comprend quel intérêt offrent de telles trouvailles, soit pour nous initier aux anciens procédés de la fonte et nous faire connaître les proportions des alliages, soit pour nous permettre de fixer, à l'aide de nombreux spécimens, la période à laquelle appartenaient certains objets. Malheureusement, en Savoie comme partout, il arrive souvent que les brocanteurs disséminent ces trésors dans les collections étrangères, quand le campagnard qui les a découverts n'a pas eu la mauvaise inspiration de les faire convertir en sonnailles ou en robinets.

Dans notre département, deux cachettes de fondeurs seulement ont été sauvées du creuset et sont entrées dans les Musées d'Annecy et de Genève.

L'une provient de Meythet, près d'Annecy; l'autre, de Douvaine, arrondissement de Thonon.

En mars 1851, un cultivateur trouva dans son champ, à MEYTHET, un vase en terre au fond duquel il y avait un culot de cuivre rouge (ou de bronze?), non purifié, pesant environ 10 kilogrammes. Sur ce résidu de creuset étaient entassés les bronzes suivants :

2 haches à ailerons, sans anneau latéral, entières, et 5 fragments de haches également à ailerons

(fig, 110, 111, 112).

Toutes ont servi, sauf une portion inférieure qui n'a pas été martelée et dont les bavures sont intactes. Ces grosses haches, que nous retrouverons plus d'une fois dans l'inventaire des bronzes de la HauteSavoie , ont été prises comme type et rangées sous la lettre A par la

Commission de la topographie des Gaules dans son Projet de classification des haches en bronze; 3 faucilles entières (fig. 113 et 1'14), une autre


complète, mais brisée au milieu (fig. 115), et 4 fragments. Sur 7 faucilles, 5 sont à bouton et 2 percées pour recevoir un manche;

1 poignée incomplète d'epée ou de poignard (fig.

116), et 2 fragments de lame d'épée (fig. 117); une rainure longitudinale suit

parallèlement l'un des deux tranchants; 1 moitié de bracelet ouvert, massif, à section triangulaire (fig. 118), où sont gravées des lignes croisées en X et bordées de points, et des parallèles séparées par une suite de chevrons ; 1 bracelet ouvert et massif, complet mais brisé (fig. 119). Deux faces sont planes; les parties supérieure et interne sont bombées et portent des lignes gravées; 1 anneau avec tige plate (fig. 120), et 1 épingle à grosse tête massive, ornée de parallèles (fig. 121). Le corps de l'épingle est brisé en

deux endroits et parait avoir été recourbé exprès pour tenir moins de place dans le creuset.

Grâce à M. Eloi Serand, l'un des bienfaiteurs du musée d'Annecy, tous ces objets, qui allaient être anéantis par un fondeur, ont été sauvés et figurent aujourd'hui dans nos collections publiques. Quelques autres pièces seulement ont disparu, entre autres le vase en terre ; le culot a été fondu ; une 8me faucille a été emportée à Genève, ainsi qu'une petite lame dentelée en scie, longue d'environ 10 centimètres, et renforcée par une saillie le long de l'arête opposée aux dentelures.

L'analyse d'une hache, par M. de Fellenberg, a donné : cuivre 88,79 pour cent, étain 0,71, argent 0,15, fer 0,20, nickel 1,15.

La présence du nickel peut mettre sur la trace du lieu d'extraction des matières premières : ainsi, dans le canton du Valais, qui confine avec la HauteSavoie, le nickel, l'argent et le cuivre se rencontrent dans les mines d'Anniviers.

Passons à la découverte faite à DOUVAINE. Elle date de 1838. Les bronzes suivants, qui en constituent peut-être la totalité, sont au Musée de Ge-

nève : Longue hache à rebords, sans talon (fig.

122). Le tranchant est très martelé : on sait que le martelage augmente la dureté du bronze; Hache plus petite, à rebords droits et à talon (fig. 123); 4 fragments de fau-1. 1 -

cilles, dont 3 avec bouton ou saillie allongée ;

Lame de poignard (fig. 124), brisée aux extrémités, renforcée au milieu par une côte qui en parcourt la longueur; 3 tronçons d'épée à deux tranchants ; Extrémité d'une épingle (fig. ] 25) ?

offrant une tète épaisse et �� percée ; Iff Enfin, 4 morceaux de bronze fondu. 125

BIBLIOGRAPHIE. — F. Troyon, Habitations lacustres, p. 112, décrit très sommairement la trouvaille de Douvaine. — L. R. de Fellenberg. Analyse de.

bronzes antiques. Le n° 161, transcrit ci-dessus, se rapporte à l'une des haches de Meythet. — Remte archéologique, janvier 1866, description et dessin, lettre A, d'une hache de Meythet; on y a ajouté un anneau qui n'existe ni dans l'original, ni dans aucune des grandes haches de la Haute-Savoie : nos petites.

haches seules possèdent cet anneau latéral.


VI

OBJETS DIVERS DE L'AGE DU BRONZE

Les plus vieux témoins de l'usage des métaux dans nos contrées sont les armes, instruments et parures en bronze. Il est permis de croire qu'avant l'emploi d'un alliage de cuivre et d'étain il fut un temps où l'on s'en tenait au cuivre pur, mais on n'en voit aucune trace dans l'Europe occidentale. Après le bronze est venu le fer. Cette succession chronologique s'est retrouvée la même dans tous les pays qui nous entourent, de sorte que les classifications n'ont pas changé depuis l'année 1836, où le Danois Thomsen rangea les anciens restes de l'industrie humaine dans trois âges : pierre, bronze, fer. Mais ce vaste champ d'études a nécessité des subdivisions; on a reconnu par exemple que dans l'âge du bronze il fallait distinguer au moins deux époques : l'époque du fondeur, caractérisée par des objets de formes grêles, simplement fondus; puis l'époque du marteleur, pendant laquelle apparaissent en grand nombre les objets martelés, aux formes variées. Dans un tableau publié récemment, et qui est appelé à rendre de grands services par l'ordre et la clarté de ses subdivisions, M. de Mortillet désigne la première époque sous le nom de Morgien (de la petite station de Morges, lac Léman), et la seconde sous le nom de Larnaudien (de Larnaud dans le Jura).

C'est à cette dernière phase de l'âge du bronze qu'appartiennent la plupart des objets recueillis dans la Haute-Savoie. Passons-les en revue par ordre de communes, en réservant pour la fin une trouvaille bien caractéristique de l'âge du fer. — Sauf indication contraire, tous les instruments décrits sont en bronze.

1° Arrondissement d'Annecy.

Annecy. — La division administrative des com- munes m'oblige à commencer par une des rares localités pour lesquelles il y a des doutes sur la provenance des objets. Une des plus belles pièces du Musée d'Annecy est une épée (fig. 126), longue de 0m56, y compris une soie de Il centimètres, retenant à son extrémité rivée une plaque ronde et bombée. La lame, du même jet que la poignée, a une épaisseur médiane de 0m009 et une largeur de 0m046 ; un sillon parallèle aux deux tranchants les suit dans toute leur longueur. Le donateur de cette arme, M. Prosper Dunant, aujourd'hui octogénaire, m'a assuré qu'elle avait été remise à son père à la fin du siècle dernier comme trouvée à cette époque dans les environs d'Annecy; mais M. de Mortillet, qui m'a précédé dans la direction du musée, voit en elle une antiquité rapportée d'Italie, et il ajoute qu'en


tout cas, ce serait l'unique exemplaire de cette forme qui serait signalé dans nos régions. — Espérons qu'il ne faudra pas classer encore parmi les produits étran-

gers un gros bracelet, à section circulaire (fig. 127), offert par M. Prosper Dunant comme recueilli aussi dans les environs d'Annecy à la même époque. Ce bel ornement, massif, a la circonférence extérieure toute couverte de ciselures fi-

gurant des demi- cercles bordés de points et accolés à des parallèles qui sont espacées par des suites de chevrons. Des renflements divisent le pourtour en quatre sections égales. Au lieu de former un cercle parfait, l'anneau offre d'un côté une légère incurvation intérieure qui rappelle la forme des anneaux de serment. - Une hache à ailerons peu développés, longue de 0m22, appartenant à M. Josselin Costa de Beauregard, lui a été vendue par M. Charvet, de Paris, avec la désignation « environs d'Annecy, » mais elle paraît être étrangère à notre département par sa forme et sa patine, — Au Musée de Genève on voit une extrémité de hache et le milieu d'une hache à ailerons, passant pour provenir d'Annecy.

Pringy. — Des haches en bronze, recueillies à côté de l'église, au nord, ont été vendues à un chaudronnier. — Dans le chapitre consacré aux sépultures, nous parlerons d'autres découvertes faites à Pringy.

Sillingy. — Petite faucille, ramassée en juin 1876, à 50 mètres du grand collecteur des marais (musée d'Annecy).

Quintal. — Pierre à broyer, en quartzite, offrant deux faces creusées pour saisir l'instrument avec plus de facilité. Elle a été trouvée près d'un ruisseau à 200 mètres de Chambéroz, lieu dit Aux Clous, par M. Ras-

sat, un instituteurquial'excellente idée de mettre à profit les promenades du jeudi pour faire recueillir par ses élèves des objets de collection.

Sevrier. — Un coin en bronze (fig. 128, musée d'Annecy), a été trouvé en 1873 lorsqu'on déblaya la terre sur une nouvelle carrière pour en entreprendre l'exploitation.

Doussard. — Hache à talon (fig. 129), découverte en 1846 à l'extrémité du lac d'Annecy. Elle a été em-

portée en Piémont; nous en avons un moulage en métal.

Vallières. — Dans une vigne, lieu dit la Grande vigne, mas de Terrasse, un cultivateur a trouvé vers 1869, à 50 centimètres de profondeur, une hache à ailerons, type de Meythet ; il l'a vendue à un maréchal.

Balme-de-Thuy. — Hache à ailerons et à anneau (fig. 130, musée d'Annecy), trouvée en 1865à3 mètres de profondeur dans une exploitation de gravier, près de Charvex.

/:/vir'es. - Tou t près de la Pierre au cheval, dont nous nous occuperons plus loin à propos des légendes, M. Gosse a recueilli un bracelet ouvert, creux et mince, orné de parallèles, de chevrons, de lignes croisées en X et bordées de points (fig. 131, musée de Genève).

2° Arrondissement de Bonneville.

Bonneville. - Bracelet (fig. 132, musée d'Annecy), à ornements circulaires en relief, séparés chacun par une bande en saillie. Il provient des bords de l'Arve.

Mareellaz. — Deux grandes épingles, broches, baguettes de commandement ou armes, car on ne sait trop quelle attribution leur donner, étaient posées en croix à un mètre de profondeur dans un champ de M. Balliard, tout près de sa maison, hameau de Balliard, et font partie de sa collection (fig. 133). Ces deux objets, identiques, ont une longueur de 89 centimètres.

Pointue à l'extrémité, la tige augmente d'épaisseur jusqu'à l'autre bout, où elle a un centimètre de diamètre et offre des filets et des lignes creuses; puis vient une espèce de poignée, longue de 0m19, formée d'un axe dans lequel sont superposés des disques tan-


tôt plats, tantôt renflés au milieu, et terminés par une plaque circulaire bombée ayant un diamètre de 3 centimètres.

Peillonnex. — Hache à ailerons (fig. 134, coll. L. Dufresne à SaintJeoire), longue de 20 centimètres, trouvée en 1873 par M. Mullin à Senoche, dans un monticule de terre argileuse qu'on détruisait pour niveler un champ. Les fouilles n'ont pas amené d'autre découverte.

La Roche. — Partie médiane d'une lame d'épée, longue d'environ 45 centimètres , au Musée de Genève. —

Le même établissement possède une épingle longue d'environ 0m15, avec large tête déprimée sur laquelle sont gravés des ornements en dent de loup; d'après l'étiquette, elle aurait été recueillie à La Balme.

Arenthon. — M. le docteur Pinget a signalé un fragment d'épée.

Saint-Jean-de-Tholome. — Hache à ailerons (fig. 135, coll. du docteur i Dufresne à Fillinges), longue de 19 4 centimètres, provenant du coteau de

Châtel. On mit au jour en même temps des médailles romaines, des patères, de grands anneaux et d'autres bronzes avec lesquels un fondeur de Saint-Jeoire fa- briqua trois sonnailles de bœufs.

Saint-Jeoire. — Hache à ailerons peu développés, longue de 20 centimètres (fig. 136, même coll.), décou.

verte en 1858 lorsqu'on établit le nou.

veau pont du Risse.

On remarquera les belles dimensions et l'air de famille de ces trois haches de Peillonnex, Saint-Jean et Saint-Jeoire, localités situées sur le même plateau que Marcellaz; les deux grandes broches de M. Balliard sont peut-être contemporaines des haches.

Domancy. — Hache longue de 0m19, à ailerons peu rapprochés (fig. 137, musée de Chambéry). Elle a été trouvée avant 1857. — En 1869, en travaillant à la nouvelle route de Sallanches à Megève, les terrassiers emportèrent 3 faucilles et 2 haches à ailerons; on ne sait ce qu'elles sont devenues.

- v'

3" Arrondissement de Saint-Julien.

Annemasse. — Anneau de jambe, large, mince et ouvert, orné de cercles, de parallèles, de chevrons et de points (coll. Balliard àReignier). Il est de forme identique à ceux que j'ai dessinés sous les nos 106 et 107. — Fragments de tiges cylindriques, au musée de Genève.

Cranves-Sales. — Couteau à lame ondulée et à « douille, musée de Genève. Je n'ai pu vérifier si cet objet provient réellement de Cranves.

Allonzier. — Hache à main, longue de 12 centimètres, recueillie près des bains de La Caille. Elle était récemment entre les mains d'un brocanteur.

Monnetier-Momex.—Au Mont-Gosse, qui domine Mornex, M. Gosse a découvert sous les racines d'un chàtaignier une tête de lance, longue de 0m195, largeur maximum 4 centimètres (fig. 138, musée de

Genève). — Au pied oriental du Salève, hache à main, à très petits rebords, longue deOm126 (coll. de We'sterweller).

Reignier. — Au hameau de Cry, les minages opérés enl856 dans une partie du

jardin de MM. Schmidt, amenèrent au jour environ 5 kilogrammes d'objets en bronze, disséminés le long du terrain ; il y avait des haches, des chaînettes, etc. Plusieurs amateurs en ont fait l'acquisition : l'une des haches, à ailerons et anneau latéral, est au musée d'Annecy (fig. 139); une


autre a émigré aux Etats-Unis ayec la collection de M. de Mortillet, acquise par le Peabody-Museum de Cambridge près Boston (fig. 140). — Tout près du dolmen, hache à ailerons et à anneau, décrite par M. de Bonstetten, qui ne dit pas ce qu'elle est devenue, et poignée d'épée sur le sort de laquelle nous ne sommes pas mieux renseignés. — Dans le champ contigu au dolmen , à l'orient, plusieurs instruments , conservés par M. d'Arcines à Poligny. —

Enfin, à 300 ou 400 mètres du dolmen, au

lieu dit Au Charme, M. Deluermoz a tiré de son champ, en 1871, une hache à ailerons et anneau, semblable à celles qui sont figurées ici (coll. Thioly à Genève).

Bossey. — En explorant les vignes, M. Thioly a reconnu quelques-unes de ces levées de terre circulaires qui servaient de bases aux habitations des temps préhistoriques, et que les archéologues désignent sous le nom de margelles à cause de leur ressemblance avec les rebords des puits. La cavité intérieure contenait des poteries brunes à grains siliceux, ornées de cordons en relief ou de lignes en creux, des vases en terre noire à chevrons imprimés; des pierres à broyer, à aiguiser, à polir; des fusaioles en grès et en terre cuite ; de nombreux ossements d'animaux domestiques; et un moule cubique en terre, pour objet en métal de forme non déterminée (coll.

Thioly et musée d'Annecy).

Collonges. — Au-dessous de la caverne de Bossey, un petit mamelon est bordé par une vingtaine de blocs irréguliers en calcaire, formant une ellipse qui a intérieurement 8m50 de l'est à l'ouest, et 5 mètres du nord au sud. L'espace limité est presque plat. Ce mamelon est continué au sud-ouest par de petits tertres à la base desquels M. Thioly a recueilli beaucoup de poteries brisées, et observé des margelles de huttes. — Au pied du Salève, au Coin, poteries grossières. — Mêmes débris en allant de là vers La Combe. — Tout près de La Combe, deux épingles en bronze, fusaioles, fragments de poteries, enfin un petit vase cylindrique en terre épaisse dont la haute antiquité me paraît douteuse (coll. Thioly et musée d'Annecy). — En remontant entre La Combe et la caverne de Bossey, un minage a procuré 4 ou 5 vases;

plus haut étaient des margelles avec charbon et poteries ; plus haut encore, dans une carrière, des poteries. — Près de Corbe, M. Thioly a ramassé deux silex taillés et des poteries.

4° Arrcndissement de Thonon Chens-Cusy. — Sur la colline des Forches ou Vorges, près du ruisseau du moulin, on a trouvé en 1854 un grand vase rappelant la grosse poterie lacustre de l'âge du bronze.

Douvaine. — Entre Douvaine et Thonon, épingle longue de 0m24. La tête a 9 centimètres de longueur et se compose de 20 disques d'un seul jet, dont les diamètres varient de manière à constituer une sorte de poignée fusiforme, terminée par une tête (coll.

Balliard). J'ai quelques doutes sur la provenance.

Veigy-Foncenex. — 6 débris, entre autres une tète d'épingle et une lame cannelée, conservés au musée de Genève, sont désignés comme venant de cette commune.

T/wnon. — Dans une vigne à côté du lieu dit Chez-Pioton, entre Ripaille et la Dranse, un cultivateur a trouvé en 1867, à un mètre de pro-

tondeur, 4 haches à ailerons et à anneau latéral. Elles étaient juxtaposées en éventail, les têtes se touchant, comme si un fil avait relié les anneaux (fig. 141, mu-I sée de Chambéry et collections A. de Foras et J. de Costa). — M. Fivel a présenté à la Société d'histoire et d'archéologie de Chambéry (}démoires,t. VI, p. 8 et 10), un fragment de couteau en bronze, trouvé en 1850 près de la gorge de la Dranse, dans les travaux de la route des Vallées.

OBJETS DE L'AGE DU FER

Dans cette nouvelle évolution de la civilisation apparaissent le fer, l'étain, l'argent; les procédés industriels se perfectionnent, les formes décoratives arrivent souvent à une grande élégance. Signalons, parmi les pièces curieuses qui caractérisent cette


époque, le disque en bronze étamé (fig. 142, musée d'Annecy), qu'un berger recueillit en 1862, entre deux pierres, dans les éboulements de rochers audessus de Perroix, commune de Talloires, près

d'Annecy. Le disque était accompagné d'un objet en fer, très fragmenté, où l'on croit reconnaître une faucille, et d'une lame de poignard ou plutôt d'une tête de lance, également en fer, longue de 17 centimètres (fig. 143, id). Notre disque est semblable à ceux qu'on a découverts dans le canton de Vaud, dans le Doubs et le Jura, mais il est privé de la plaque centrale à ornements évidés. Son diamètre est de 25 centimètres. Il se compose de 7 anneaux concentriques, dont deux avaient été vendus à un collectionneur de Lyon quand j'ai pu acheter le reste. Ces anneaux aplatis, mais légère-

ment bombés, offrent une suite de triangles gravés, alternativement lisses ou garnis de parallèles, et cela sur les deux faces; il est donc impossible qu'ils aient été plaqués sur un bouclier; d'ailleurs, plusieurs de leurs congénères ont été trouvés munis d'une boucle de suspension : s'ils n'ont pas servi d'enseignes militaires, ils décoraient peut-être la poitrine d'un chef, ou plus modestement le poitrail de sa monture.

BIBLIOGRAPHIE. — Pour la classification des périodes de l'âge du bronze et de l'âge du fer, voir le

Tableau archéologique de la Gaule, par M. de Mortillet, attaché au musée de Saint-Germain en Laye. — On pourra lire aussi son Origine du bronze (Revue d'anthropologie, 1875, ne 4); le cadre de ce travail ne m'a pas permis de développer, d'après notre savant confrère, les considérations qui doivent nous porter à chercher dans l'Inde les matières qui ont fourni les premiers bronzes : l'Inde envoie encore aujourd'hui à l'Europe l'un des éléments de cet alliage, l'étain Banca. L'étude des petites poignées d'armes orientales modernes indique aussi de quel côté il faut diriger les investigations pour découvrir les origines des armes et instruments préhistoriques à poignée étroite observés en Savoie.

— Bulletins de la Société Florimontane, t. II, p.

143, énumération vague et sommaire de la trouvaille faite en 1856 à Reignier. — Indicateur d'antiquités suisses, 1860, p. 108 et pl. I, fig. 7, description et dessin d'une des broches de Marcellaz, indiquées à tort comme venant de Fillinges, commune voisine. Des objets analogues, recueillis en Suisse, sont figurés dans le Recueil d'antiquités suisses de M. de Bonstetten, pl. III, fig. 2 et 3, et second supplément, pl. V et p. 6. — Dans le même Recueil, M. de Bonstetten donne, pl. I, fig. 6, le dessin d'une hache de Reignier. — F. Troyon, dans Revue savoisienne, novembre 1862, p. 97, article reproduit par Revue archéologique, 1863, p. 75, décrit les cercles concentriques de Perroix et les compare avec les découvertes faites en Suisse. — Revue archéologique, mars 1866; dans le Projet de classification des poignards et épées, l'épée d'Annecy est dessinée sous la lettre K.- E. Chantre, Age du bronze dans le bassin du Rhône, 3 vol. avec fig. et cartes, et magnifique atlas in-fo. Quelques erreurs dans la statistique de nos bronzes.

COLLECTIONS. — Le musée d'Annecy possède un assez grand nombre des objets décrits, et les moulages en plâtre peint et en métal de ceux que nous n'avons pu acquérir. - Musée de Chambéry.— Musée de Genève. — Collections de MM. Léandre Dufresne, juge à La Tour près Saint-Jeoire; docteur Dufresne à Grandnoëx près Fillinges; César Balliard à Reignier; de Foras à Thuiset près Thonon; Thioly à Genève; de Westerweller : cette dernière collection n irûn^llA ™Wmment au musée de Genève.


VII

SÉPULTURES

En parcourant la description des grottes et des abris, le lecteur a pu noter les stations troglodytiques où des débris humains ont été découverts. L'étude de ces restes a été très négligée : plusieurs remontent certainement aux âges de la pierre et du bronze ; mais beaucoup d'autres sont peut-être les pièces à conviction, dissimulées sous le sol, qui révèlent des assassinats, des infanticides commis dans les temps modernes.

D'autres encore sont les os d'amateurs des sites sauvages, égarés dans les labyrinthes, comme celui qui vint finir ses jours dans la grotte de Seythenex ; ce sont aussi les corps de quelques malheureux obligés de chercher dans les cavernes un abri contre les révolutions et les guerres, ou une solution au problème de moins en moins soluble des logements à bon marché.

L'examen des dolmens nous a déjà édifiés sur le soin que l'on prenait, à la fin de l'âge de la pierre et au début de l'âge du bronze, pour abriter les morts dans les caveaux construits avec nos blocs erratiques.

En dehors des grottes et des dolmens, plusieurs sépultures appartiennent encore à l'âge de la pierre. Dans les vignes de Bossey, un squelette replié, découvert et conservé par M. Thioly, a été soumis à l'examen de M. Carl Vogt. Celui-ci a reconnu les caractères de l'âge de la pierre dans les signes suivants : suture très marquée du crâne entre les arcades sourcilières ; menton large et arrondi, avec de fortes saillies ; aux deux bras l'humérus est percé au coude.

Ajoutons toutefois que d'après les derniers travaux des anthropologistes, la perforation de la fossette de l'humérus n'est plus regardée comme un signe

certain de haute antiquité, et que la suture médiofrontale (suture métopique de M. Broca : Instructions craniologiques, p. 24) subsiste une fois sur sept dans les races de l'Europe actuelle.

Troyon dit, dans ses Habitations lacustres, qu'à Thonon plusieurs tombeaux furent mis au jour au levant de la ville, sur le bord du lac; ils ne contenaient que des couteaux en silex et des instruments en pierre.

L'archéologue vaudois n'indique pas la forme des tombes ; mais les deux découvertes suivantes peuvent contribuer à éclaircir la question par analogie : Quelques années plus tard, le 12 février 1869, une trouvaille avait lieu entre Rive et le château de La Fléchère, dans la vigne inclinée vers le rivage, près du port de Thonon, et appartenant à M. Colly. Le fils de ce dernier voulut bien m'adresser aussitôt quelques renseignements. Les tombeaux, au nombre de cinq, étaient espacés de 2 à 4 mètres, sur une seule rangée.

Le fond de l'un était pavé de cailloux. Les parois étaient formées de quatre dalles brutes en grès vert, recouvertes d'une pierre énorme et non taillée. Les plus grandes dimensions étaient seulement de 1 mètre de long sur 50 centimètres de large et 40 de profondeur, ce qui exigeait une attitude repliée. Dans trois loges il y avait des squelettes d'adultes, et deux têtes d'enfant étaient réunies dans un cercueil plus petit. On a recueilli une espèce de monnaie fruste et deux petits anneaux de bronze « à côté des ossements, » d'autres disent « dans l'emplacement; » cette vague désignation permet de supposer que ces objets étaient étrangers aux sépultures, et qu'ils étaient à côté des tombeaux plutôt que


dedans, à moins qu'ils n'y eussent glissé longtemps après l'inhumation avec la terre fortement tassée qui entourait les squelettes. Du reste quelques observations n'ont pas été faites avec une exactitude bien mathématique : ainsi, tandis que des narrateurs indiquent l'orientation Est-Ouest, d'autres ont vu la direction Nord-Sud.

C'est aussi sur les rives du Léman et comme à Thonon en face de stations lacustres offrant la réunion de la pierre et du bronze, que M. le docteur Mayor et moi nous avons trouvé des sépultures qu'il faut peut-être attribuer aux habitants des palafittes. Au lieu dit Surles-Plans, commune de Chens-Cusy, un plateau s'étend entre Hermance et Verette, à quelques minutes du lac et de la frontière suisse. M. Mayor a découvert, à 30 centimètres de profondeur, une tombe en dalles, longue d'un mètre seulement, mais dont le large couvercle aurait pu en couvrir trois. Un squelette de femme y était couché sur le flanc et replié ; près de l'épaule était une coquille marine, percée de deux trous de suspension. Le vénérable professeur de physiologie ayant engagé son ancien élève à continuer les fouilles, j'ai fait creuser la terre, en 1869, dans le champ de M. Montillet. Aux premiers coups de pioche, les ouvriers ont tiré du sol terreux une hache en pierre polie, figurée dans ce recueil sous le no 63. Tout près de là, à 40 centimètres de profondeur, nous rencontrâmes des tombes en dalles de schiste micacé, avec mélange de cailloux ; elles étaient trop disloquées pour permettre d'en mesurer exactement les très faibles dimensions ; elles n'ont offert que des ossements disséminés et brisés.

Il est intéressant de comparer ces sépultures avec les tombes lacustres d'Auvernier, décrites par M. Gross dans la 7me livraison des Pfahlbauten et dans l'Anzeiger de 1876. Sur les bords du lac de Neuchâtel, comme sur ceux du Léman, les petites loges recouvertes par une dalle unique et très grande exigeaient que les corps fussent repliés. Là aussi, l'analogie est frappante dans le travail grossier des dalles, dans leur combinaison avec les lits de cailloux, dans la présence de hachettes en serpentine et de pendeloques percées, et dans l'emplacement des sépultures, en face des stations lacustres où l'on trouve le passage d'un âge à l'autre. M. Gross classe les tombes d'Auvernier dans cette époque de transition qui va de la pierre au bronze.

Voici maintenant, sur le territoire de Tlwnon, une

sépulture d'un autre aspect. Il s'agit d'une quantité d'ossements gisant dans une cavité ou grotte recouverte par un bloc de protogine erratique de 60 mètres cubes, exploité par des ouvriers à Séchy, sur Thonon, à la lisière des bois de la ville. C'était au printemps de 1868. M. le docteur Lochon se transporta sur les lieux et reconnut deux squelettes humains; les os étaient disséminés dans le sable et dans les cailloux roulés. Malgré leur friabilité, M. Lochon put conserver les crânes et en donner une description : ils sont dolichocéphales, à mâchoire prognathe, les molaires usées circulairement, comme limées et creusées au milieu de la surface lisse de leur couronne. L'os frontal d'un crâne adulte est franchement divisé en deux parties par une suture suivant la ligne médiane ; M. Lochon ajoute qu'une pareille conformation ne se constate jamais dans les races européennes actuelles, sinon pendant la vie fétale : je suis désolé de le contredire, mais ceux qui voudront bien jeter un coup d'oeil sur les nombreux crânes savoyards modernes conservés au musée d'Annecy, pourront s'assurer que la suture frontale y persiste chez beaucoup d'adultes. M. Hovelacque, auteur d'une consciencieuse étude sur les têtes osseuses du musée (Le Crâne Savoyard; Paris, Leroux, 1877), m'a appris que ce signe a perdu l'importance qu'on lui attribuait.

Des ossements humains, que n'accompagnait aucun objet travaillé, ont été découverts en 1877 par M. Gosse, à 4 mètres de profondeur, dans une cavité de rocher en entonnoir, sur la pente septentrionale du Petit-Salève, commune de Monnetier-Mornex.

Une tête porte des entailles sur l'occipital.

Encore une sépulture sous un rocher : sur le territoire de Fillinges, près de la Menoge et contre la montagne, est un gros roc, la Pierre des lIJorts, autour duquel errent pendant la nuit des feux follets produits par les marécages. Comme deux tailleurs de pierres avaient l'habitude de travailler le dimanche, Dieu les punit en faisant rouler sur eux le rocher sous lequel ils sont restés. Cette légende, arrangée au goût moderne, est peut-être une tradition de sépultures d'une époque reculée.

Passons aux sépultures bien caractérisées de l'âge du bronze, du premier âge du fer et de l'époque gauloise.

Thonon revient encore sous notre plume, 'et cette fois avec des bronzes qui assignent une date précise


aux restes rencontrés sur la plage et sur la pente de la colline, depuis Rive jusqu'à Concise. Dans un cimetière de l'âge du bronze, que Frédéric Troyon me décrivait dans une lettre comme étant situé « au levant de la ville, » et où les corps étaient étendus dans le sol, sans incinération, une sépulture contenait une grande

pendeloque triangulaire en bronze, à anneau de suspension, et ornée d'une arête médiane, et de demi-cercles et points sur les bords (fig. 144, musée de Lausanne). — En janvier 1862, quand on nivela le terrain à

Rive, on trouva, à côté de nombreux cadavres étendus sans ornements, un squelette de grande taille enfermé dans un tombeau en pierres ; il était à 2 mètres sous le sol dans la moraine de sable déblayée pour l'établissement du port, et à quelques mètres en contre-bas des cinq tombes rencontrées en 1869 sur une ligne parallèle. Aux

pieds il avait deux larges anneaux de bronze ouverts, sur lesquels sont gravés des cercles concentriques, des parallèles et des chevrons (fig. 145, musée de Thonon). Des ornements

identiques figurent sur une pendeloque triangulaire à boucle (fig. 146, id.). On parle d'une agrafe ou baudrier de 30 centimètres posé en diagonale sur la poitrine. Sur le front avait

glissé une agrafe de ceinturon en bronze (fig. 147, musée d'Annecy), ayant à une extrémité un crochet précédé de trois petits anneaux servant de boucles, et à l'autre un trou et deux griffes en dessous pour retenir la ceinture de cuir; cette dernière, tombant en miettes, a été prise pour une bande de fer, mais l'agrafe ne porte aucune trace de rouille. La mémoire de quelques témoins plus ou moins

oculaires a fait d'autres confusions : ainsi, dans ce tombeau qui appartient à la fin de l'âge du bronze, on a cru voir, rangés autour du squelette, les vases en terre brune conservés au musée de Thonon ; ils sont romains et proviennent de trouvailles faites à la même époque, à quelques mètres plus bas ; on recueillit, en effet,

de grandes amphores, des gargoulettes, des jattes à lait, des tuiles, etc. La même confusion a fait placer, dans la bouche du squelette décrit plus haut, une monnaie d'Antonin-le-Pieux.

1 Dans la commune de Gruffy, au Mollard, une fouille commencée sous l'inspection obligeante de M. Charvier, agent-voyer, puis continuée par l'auteur de ces lignes, a enrichi le musée d'Annecy d'objets intéressants. Dans le champ dit Au-Cerisier, chez Collombat Antoine, il existe un murger énorme (28 mètres de grand axe), coupé en tranchée en 1867 pour la rectification de la route. L'entrepreneur avait recueilli diverses antiquités, entre autres trois monnaies ovales : les deniers d'argent gaulois affectent souvent cette forme. En mars 1878, M. Charvier fit enlever une partie du murger pour empierrer la route. Sous les débris jetés là dans les temps modernes, on trouva sur la terre végétale un lit inférieur de pierres plus grosses (30 à 50 centimètres), sur lequel était posée une autre couche également antique. Entre deux gisaient des ossements humains éparpillés, brisés par le poids des pierres et mêlés aux objets de parure qui eux-mêmes ne sont pas tous intacts. On a compté six têtes en fragments, protégées chacune par deux blocs posés comme un toit ; une mâchoire appartient à un enfant de dix à onze ans. Les ouvriers ont aussitôt

créé une légende de colporteurs assassinés. Les bronzes recueillis consistent en 4 grands bracelets en tubes creux (fig. 148), pour le haut du bras, et un plus petit ; 4 bracelets pleins, cannelés, minces, et 19 bracelets filiformes pour l'avant-bras ; deux colliers

formés d'un simple fil ; une petite boucle ; une fibule à double bouton creux (fig.

149), et une autre plus petite de même style ; les fragments d'une feuille de bronze estampée, pour ceinturon, et une

autre qui est complète, quoique brisée : elle est longue de 38 centimètres, haute de 6; les ornements estampés en relief consistent en une suite de rectangles occupés alternativement par des x et par des lignes obliques, le tout dans un encadrement de filets offrant les mêmes motifs. Il y a quelques taches


d'oxyde de fer (fig. 150).

Enfin nous avons recueilli un bracelet en bois ou en jayet, entier, et les débris de deux autres. Tout cela caractérise la fin du premier âge du fer ou l'époque gauloise.

Les environs, jusqu'à l'entrée du défilé d'Allèves, sont hérissés d'innombrables murgers accumulés par les cultivateurs ; le noyau primitif de quelques-uns ou peut-être même d'un grand nombre se composait d'anciennes sépultures, comme au Mollard : ce qui me porte à le croire, c'est qu'on m'a remis un bracelet de bronze recueilli sous un de ces tas de pierres, et qu'on parle de découvertes antérieures : ainsi, au Mas-du-Colonnet, hameau du Mollard, Métrai a défait un murger dont la base antique, en plus gros matériaux que la partie supérieure, a donné des ossements, un bracelet en

jayet et deux boucles en bronze. —

M. Curtet a offert au musée un bracelet lunulaire trouvé près de là, dans le Chéran, sous Chez Perret, au lieu dit Clubefan (fig. 151).

Pendant que nous sommes sur le chapitre des murgers, citons d'autres élévations en pierres ou en terre auxquelles se rapportent des traditions de sépultures.

A une lieue de Gruffy, à l'extrémité sud de la commune de Quintal, il existe sur la montagne un murger dans un lieu appelé le Mort. Chaque passant y jette une pierre, même ceux qui ne croient plus au danger d'être poursuivis par le revenant en cas d'infraction à l'usage établi. La légende nous apprend que le mort était un pauvre diable, se nourrissant de battue (petit-lait du beurre) ; un jour, des montagnards l'abreuvèrent avec le petit-lait acide qui sert de présure. En quittant leur chalet inhospitalier, il succomba à une demi-lieue de distance, et son corps fut pieusement recouvert de cailloux par les voisins. Il paraît que cette dévotion pour le défunt s'exerça avec beaucoup de ferveur, car, en 1875, M. Rassat, l'instituteur de Quintal, aidé de ses élèves, dut enlever une dizaine de voitures de pierres avant d'arriver au niveau du sol ; il se borna ensuite à faire un trou sans rencontrer les débris qui devaient récompenser son zèle pour l'archéologie.

Dans la Haute-Savoie, il existe encore d'autres

murgers ou moës où tous les passants jettent des pierres. Tel est le Tombeau du pauvre homme, situé sur la commune de Megève, un peu avant d'arriver au Pra Rosset quand on suit le sentier de Megève au Golet du Passon.

Tel est encore le Plan des Dames, dans la partie méridionale des Contamines, avant le col du Bonhomme. Un cône de 5 mètres de diamètre sur 3 ou 4 de hauteur abrite, dit-on, les corps de deux femmes.

Les cailloux jetés au passage par les montagnards recouvrent une base de pierres plus grosses, disposition analogue à celle du murger funéraire de Gruffy.

Ces coutumes se retrouvent dans d'autres contrées, même à Madagascar, comme nous l'apprend une lettre du P. Finaz insérée dans le journal Les Missions catholiques (2 juillet 1875, p. 328): « Quant aux tombeaux isolés, ceux surtout qui sont placés aux bords des chemins, une note d'infamie pèse sur eux. Combien de fois, passant avec mes gens près d'une de ces tombes, ne les ai-je pas vus se mettre derrière moi, par honte, saisir une pierre ou une motte de terre et la jeter, sans se retourner, afin d'empêcher le mauvais génie de les suivre ! »

Les éminences connues sous le nom de tumulus abondent dans le département ; certaines régions en sont toutes bosselées, mais la plupart sont des formations naturelles qui n'ont rien à faire avec les sépultures préhistoriques ou proto-historiques. Citons-en pour mémoire : si l'explorateur ne recueille pas des bracelets en bronze ou en jayet, il rencontrera quelquefois des rangées de tombes burgondes, ou remplira son calepin de récits légendaires.

Aux Villards, commune de Thônes, la Tomba de la marmotta est un tumulus où l'on dit que la neige ne séjourne jamais. Il recouvre les restes d'une jeune fille qu'un seigneur tua après avoir essayé en vain d'attenter à son honneur. Voilà une légende qui exhale un pur parfum de moyen âge, mais il faut la citer parce qu'on a vu plus d'une fois de tels récits se rapporter à des sépultures antiques.


A Jfegève, le Mottet, entre le hameau de Navarin et celui de la Mottaz qui lui doit son nom, est une vaste éminence arrondie, correctement circulaire, dont le premier aspect fait palpiter un amateur de fouilles.

Voyant une cavité pratiquée à la partie supérieure, j'ai demandé si l'on avait cherché et découvert des cadavres : vers le commencement du siècle, répondit-on, quelqu'un a creusé à une grande profondeur, sur deux points différents, dans l'espoir de déterrer un trésor, mais sans résultat. Les éminences de cette nature abondent le long de la vallée.

Le journal l'Allobroge du 3 janvier 1878 nous apprend qu'on a découvert des élévations de terrain près de Bonneville, à la Fontaine des Sarrasins ; un savant de Châlon les a visitées et croit que ce sont des tumulus funéraires. Le résultat des fouilles, pour lesquelles une allocation avait été votée, n'a pas été publié.

A Maxilly, le tumulus appelé Pré de Cessy est sur le plateau ; il est limité par un chemin courbe tout près du village et à l'est. Il est semé de blocs erratiques dont quelques-uns affleurent seulement et prennent un faux air de cromlech avec leur disposition circulaire accidentelle. La face abrupte regardant le lac est soutenue par de gros blocs accumulés de main d'homme. — Les terrasses ondulées en forme de tumulus ne sont point rares autour d'Evian : citons Maxilly, Neuvecelle, Amphion, etc.

Si l'on demande pourquoi je ne parle pas longuement du tumulus du Châtelard à Ballaison, je répondrai que c'est parce que les longs cercueils en dalles de molasse, orientés est-ouest, et alignés parallèlement en plusieurs rangées, découverts à la fin du siècle dernier, me paraissent offrir tous les caractères des cimetières burgondes, quoique de Saussure et Albanis Beaumont tiennent à y voir des sépulcres de guerriers Allobroges.

Revenons maintenant à des découvertes bien datées par les objets recueillis.

Au Villaret, commune de Faverges, une sépulture mise au jour en 1870 a donné 5 bracelets en bronze, ouverts, à section carrée ; épaisseur, 2 millimètres (musée d'Annecy).

A Pringy, à 5 kilomètres d'Annecy, dans les anciens bois du Barioz, lieu dit le Pré Pugin, les débris d'un squelette furent trouvés en octobre 1855, épars au

milieu des pierres, à 4 mètres de profondeur dans la terre glaise exploitée pour la tuilerie de M. Dunant.

Les os d'un avant-bras adhéraient encore à 3 bracelets filiformes en bronze et à un épais bracelet en bois ou en jayet (fig. 152, musée d'Annecy), ayant 8 centimètres de diamètre et 6 de hauteur ; à l'autre bras était un bracelet de même matière, un peu plus petit (fig. 153, id.). La tête était fracassée sous une grosse pierre ; cela fit penser que le mort avait été lapidé. Troyon croyait aussi fer-

mement à la lapidation des gens de cette époque, et il insista là-dessus dans plusieurs de ses écrits ; mais le poids de la couche de grosses pierres accumulée en bon ordre sur ces sépultures, comme nous l'avons vu plus haut, suffit pour expliquer sans autre effort d'imagination comment on trouve les têtes et les parures en partie brisées.

Dans la même commune, voici pour terminer cette longue revue, deux sépultures appartenant à l'époque romaine : leilr description est encore ici à sa place, parce qu'on y retrouve les traces bien accusées d'une civilisation antérieure. L'emplacement est le Champdu-Paradis, mamelon naturel où l'on a rencontré, il y a quelques années, 80 tombeaux burgondes et divers débris de sépultures romaines. En février 1862, les ouvriers qui puisaient le sable au sommet découvrirent sous mes yeux, à 50 centimètres de profondeur, en

plein gravier, un squelette de jeune femme dont nous avons recueilli la tète entière et bien conservée. Elle est dolichocéphale, la face d'un ovale allongé, le front élevé et arrondi, la mâchoire étroite ; elle appartient à la race gauloise. Les dents de sagesse, à moitié sorties de leur alvéole, permettent de fixer l'âge à 18 ou 20 ans. A l'avant-bras gauche étaient passés 6 bracelets en bronze et 2 en fer, minces, à ornements, caractéristiques de la première époque du fer (fig. 154, musée d'Annecy) Une tasse en bronze étamé était renversée à côté de la main


droite (fig. 155, id.); derrière la tête était une cruche à une anse, en terre rougeâtre, le col appuyé contre, le crâne. —

Trois jours auparavant, les

ouvriers avaient trouvé une sépulture de femme âgée, à côté de l'autre, orientée aussi dans le sens Est-Ouest, les pieds au levant. Derrière la tête était une cruche à une anse et à large panse, le col tourné contre le crâne (musée d'Annecy) ; sur un des flancs, un vase

plus petit, de même forme (id.) ; et vis-à-vis, un petit pot allongé, à large ouverture, avec des rinceaux en relief qui rappellent certains ornements fréquents sur les monnaies de la Gaule (fig. 156, id.) ; cette considération et l'examen des autres objets avaient porté M. Desor à attribuer la sépulture à l'époque

gauloise. Quant à M. Adolphe Morlot, en voyant au musée les 2 bracelets lunulaires en bronze à torsades qui paraient le squelette (f. 157), il s'était écrié : « C'est incontestablement du

premier âge du fer! » Et cependant M. de Mortillet, à qui le crâne avait été communiqué, a reconnu que celui-ci était métissé de romain, avec sa vaste capacité encéphalique et son front large et bas. Les poteries également, quoique de style indigène, sont de l'époque romaine.

La morale de tout cela, c'est qu'il faut être très circonspect dans l'attribution chronologique des antiquités, et se méfier de la tendance propre aux collectionneurs à donner à leurs chers trésors les dates les plus reculées. Continuons à adopter la division très commode, très claire et le plus souvent vraie des trois âges de la pierre, du bronze et du fer ; mais ne crai-

gnons pas d'avouer que beaucoup d'armes, d'instruments ou de parures classés à première vue dans l'âge du fer ou même dans l'âge du bronze, pourraient bien avoir été utilisés par nos grands pères jusqu'à l'invasion romaine.

BIBLIOGRAPHIE. — 1° Sépultures de Thonon : Troyon, Habitations lacustres, p. 81 ; — L. Revon dans Revue savoisienne 1862, p. 38; corriger les renseignements inexacts fournis par un témoin d'une découverte. — Dr Lochon, même recueil, 1869, p. 63, et dans le Léman du 20 février 1869. — Courrier du Chablais du 16 février 1869. — M. L. Rabut, Deuxième mémoire sur les habitations lacustres, dessine dans la pl. XIV deux anneaux de jambe et une pendeloque, et les décrit p. 17 et 48, en laissant penser qu'ils proviennent de la station lacustre.

2° Découvertes faites à Pringy : Bulletin de l'Association Florimontane, I, 273. - L. Revon dans Revue savoisienne 1862, p. 25. - A. Morlot, id, p. 55. — G. de Mortillet, même recueil, 1865, p. 32, description des crânes. — L. Rabut, Deuxième mémoire sur les habitations lacustres, reproduit dans la pl. XIV un des bracelets lunulaires d'après le dessin que je lui avais communiqué, et le décrit p. 48.

3° Plan des Dames et Tombeau du pauvre homme : De Saussure, Voyage dans les Alpes, II, 149. —

Albanis Beaumont, Description des Alpes. — De Loche dans Mémoires de l'Académie de Savoie. lre série, III, 448-450. — Ducis dans Congrès scientifique de Chambéry, 1863, p. 503. — Ducis dans Revue savoisienne, 1866, p. 45; 1869, p. 107, et Questions archéologiques, p. 64 et 78.

COLLECTIONS. — Le musée d'Annecy possède notamment les trouvailles de Pringy et de Gruffy. —

Musées de Saint-Germain en Laye, de Lausanne et de Thonon. — Collections Mayor et Thioly, à Genève.


VIII

REFUGES & CAMPS RETRANCHÉS

Le titre d'oppidum serait trop ambitieux pour désigner les modestes lieux fortifiés répandus dans notre département. Nommons-les refuges, enceintes ou camps retranchés, et pour les passer en revue commençons par celui qui offre les vestiges les plus incontestables de l'époque gauloise. Il nous rappellera les constructions en pierres sèches, alternant avec les poutres fixées par de longues chevilles en fer, que César a décrites en termes si clairs dans le XXIIIe chapitre de son 7e livre. Le lecteur reportera alors sa pensée vers les figures qui accompagnent les excellentes monographies composées par M. Bulliot sur le mont Beuvray, par M. Le Beuf sur La Ségourie, par M. Castagné sur les fortifications du Lot, et par la Commission de la topographie des Gaules sur Murcens et diverses localités.

Dans la montagne qui limite la Haute-Savoie et le canton de Genève, dans ce Salève que nous avons vu si riche en débris préhistoriques et criblé de grottes habitées à toutes les époques, la partie septentrionale est coupée par le col de Monnetier et prend le nom de Petit Salève. Le plateau culminant (902 mètres) appartient à la commune de Monnetier-Mornex ; il est défendu naturellement au nord, à l'ouest et au sud par des rochers à pic; il descend au contraire v.ers l'est en pente relativement douce: là était le point faible, et c'est là qu'il a fallu établir un mur. Il subsiste encore : c'est le Rempart des Allobroges. Comme l'indique

la figure 158, il décrit d'A à C une ligne courbe, traversée en D par un sentier.

La coupe no 159 montre la disposition du terrain : l'enceinte légèrement inclinée est à gauche et se termine par un fossé en A, au pied du mur en pierres sèches, composé de blocs erratiques et de

fragments calcaires. La base et les parements, éboulés, sont en moellons bruts, mais choisis, de 30 à 50 centimètres, juste la charge d'un homme; l'intérieur est rempli par des débris plus petits. La base varie de 5 à 10 mètres, et la hauteur, de lm,30 à 2 mètres et plus; vers le N.-E., en C D, où la pente de la montagne devient très rapide, il a fallu entasser les matériaux en un talus de 10 à 15 mètres, qui s'appuie sur un ressaut de rochers. On n'a pas retrouvé les


poutres, mais les intervalles carrés observés çà et là dans les pierres, et mêlés à la terre végétale, sont probablement les vides que les pièces de bois ont laissés en se décomposant.

Le périmètre du mur et des rochers abrupts forme un triangle curviligne. Les calculs de l'ancien instituteur, M. Perrin, donnent une surface de 3 hectares 76 ares. Isolé en face des Alpes savoisiennes que dominent les neiges éternelles du Mont-Blanc, ce plateau offrait un excellent observatoire, non pas précisément pour admirer un des plus splendides panoramas de l'Europe, mais avant tout pour surveiller ce qui se passait dans la plaine, sur les rives du Léman, le long des méandres du Rhône et de l'Arve, et dans l'antique oppidum de Geneva, éloigné seulement d'une lieue.

Les défenseurs du refuge ont laissé les preuves matérielles de leur installation depuis une époque reculée. Il y a quelques années, M. Wartmann avait trouvé, le long du mur, des poteries grossières, dont la composition et la forme appartiennent à l'âge du bronze, mais qui peuvent avoir été encore employées dans la montagne à l'époque gauloise. Un propriétaire voisin, M. Bonzanigo, m'apprend que vers 1841 M. Godefroy, de Hambourg, avait recueilli également des poteries. M. Hippolyte Gosse a commencé des fouilles en 1871 ; elles ont amené au jour des amas de vases communs en menus fragments, semblables à ceux de l'âge du bronze qu'on a rencontrés dans les cavernes voisines ; ils étaient mêlés à des poteries romaines et à une monnaie de Gordien. M. Gosse a recueilli aussi un petit fragment de bracelet en bois ou en jayet, une lame de couteau en fer qu'il rapporte au premier âge du fer, un grain de collier en verre, des plaques de foyer; puis, dans deux bosselures en forme de tumulus, des ossements très brisés ; enfin, des chevilles en fer éparses dans le mur. Le musée de Genève a fait l'acquisition récente d'une hache en pierre polie, ramassée dans l'enceinte, sur le bord du rocher qui regarde Monnetier.

Avant de quitter le Salève, signalons au-dessus des vignes de Bossey, sous la caverne de l'Ours, un plateau limité au sud par un mur en pierres sèches. Ce mur monte en zigzag le long de l'arête qui domine le plateau, et ce dernier est défendu naturellement au couchant et surtout au nord par la rapidité de la pente. Au-dessous, M. Thioly a trouvé en plusieurs endroits des noteries nrérnmaines.

Dans la commune de Saint-Gervais, au-dessus du Fayet, sur un plateau situé à la lisière du bois des Amer ans, lieu dit à la Grange, il existe une enceinte en pierres sèches, semblable au rempart du

Salève par la proportion et la disposition des matériaux (fig. 160). Le revêtement, qui a conservé en partie ses assises ver-

ticales, offre un mélange de blocs roulés et de plaques en roches feuilletées, d'environ 50 centimètres; l'intérieur est un amas de cailloux de toutes dimensions.

La base a de 3m,50 à 6 mètres, et la hauteur actuelle 1 m,20.

On a essayé de reproduire en filets typographiques (fig. 161) le plan que j'ai levé au millième. A B est

Fig. 161

un mur entier, épais de 6 mètres, long de 76, tourné du côté de la montagne. Le mur C D lui était parallèle et regardait la plaine de l'Arve ; il limitait le plateau au point où celui-ci se change en une descente rapide ; le propriétaire l'a détruit entre 1847 et 1850, et a comblé avec les matériaux un fossé établi en contrebas. Perpendiculairement, s'étendent les murs AC, EF et B D, larges de 3m,50, longs de 63m,50 ; ils offrent des solutions de continuité.

M. Quicherat a reconnu des mardelles d'habitations circulaires qui contribueraient bien, avec le genre de construction des murs, à faire classer l'enceinte dans l'époque gauloise. Je n'ai pas su voir les bourrelets de terre en question, ou plutôt je n'y ai pas songé, le savant directeur de l'Ecole des Chartes me les ayant io'n:}Ms longtemps après mon exploration. Il est pro-


bable que les Romains ont profité des travaux de leurs devanciers pour établir là un castrum. La position stratégique a été jugée assez avantageuse pour qu'au siècle dernier M. de Sales ait trouvé bon de s'y retrancher quand les troupes de la République envahirent la plaine.

Dans la même commune, à Bionnassey, on vient de signaler à M. Ducis un « camp celtique » vers le hameau de Champel. Une voie romaine passe dans le voisinage; il sera prudent de vérifier s'il existe un mur d'enceinte, et quel en est le caractère.

M. Ducis rappelle aussi que dans cette région, sur la commune de Megève, le Fàbor, désigné comme camp romain par Payen, offre une position favorable pour la défense. Malheureusement, les étymologies celtiques de M. Ducis et les suppositions du docteur Payen ne sont appuyées jusqu'ici par aucun fait matériel prouvant que cette éminence triangulaire, située entre deux ruisseaux, à l'extrémité méridionale du chef-lieu, ait été utilisée par les Romains ou par leurs prédécesseurs : on n'a signalé aucune trouvaille de poterie antique, et je n'ai vu ni mur ni levée de terre, quoique les exploiteurs de gravier aient creusé là de profondes tranchées.

Dans l'arrondissement de Thonon, commune de Champanges, sur la partie du plateau limitée par les chemins de Champanges à Marin, de Champanges à Publier, et par un chemin de desserte, s'étend un mur en pierres sèches dont le parcours exige près d'un quart d'heure de marche. Il décrit un trapèze ; la grande base est au nord, à la limite des pentes étagées dans la direction du Léman. Les paysans appellent ce lieu la Bossenaille et prétendent qu'une ville du même nom s'y élevait « dans l'ancien temps. »

Le .croquis n° 162 indique la coupe du terrain sur

le front qui fait face au lac ; la ligne horizontale A figure l'extrémité du plateau où se trouve le camp ; puis vient le grand mur, large de 5 à 7 mètres, haut de lm,20 à 4 mètres. Entre celui-ci et un autre mur large seulement de 3 mètres, s'abrite le chemin de desserte B. Au-delà, les terrasses naturelles s'abaissent en gradins ; leurs talus sont retenus par les petits murs

en pierres sèches C, D, E, etc., établis dans l'antiquité comme moyen de défense, et entretenus de nos jours pour soutenir les terres.

Avons-nous réellement affaire à un camp d'origine gauloise? Je n'ose l'affirmer avant qu'on ait trouvé des objets qui le datent. Le seul indice, jusqu'ici, c'est que le mur a bien le cachet de ses congénères gaulois : je l'ai fait couper par une tranchée, et il a offert exactement la même disposition qu'au Salève : base et parements en blocs irréguliers de 30 à 50 centimètres, espace médian occupé par des fragments plus petits. Mais les Romains n'auraient-ils pas usé, dans nos montagnes, des procédés de construction qu'ils voyaient employés par les vaincus ? Quoi qu'il en soit, le séjour de la gens togata sur ce plateau est incontestable : près de la route de Champanges à Marin, au clos de Courte-Pose, on voit un beau mur, épais de Im,70, en petit appareil romain cimenté. Il est long d'environ 25 mètres, et coupé à angle droit par deux autres, laissant entre eux une cour carrée de 10 mètres. Les deux côtés de l'angle sont continués par un mur curviligne en pierres sèches, épais de 6 mètres.

L'espace que circonscrit la partie romaine est plein de débris de tuiles à rebords. — Notons enfin un canal en petits blocs, d'une époque inconnue, mis au jour vers la limite inférieure du plateau.

J'omets à dessein, faute de preuves suffisantes pour établir leur origine gauloise, plusieurs emplacements offrant des traces de retranchements, et dans lesquels les Romains ont séjourné : tel est le camp du Lyaud, canton de Thonon, localité où l'on a découvert les trois beaux trépieds en bronze conservés au Louvre et à Genève.

Voilà, sauf erreur, ce que l'on sait de certain ou de probable sur les constructions préromaines dans notre département. Il est à présumer qu'il en existait un bien plus grand nombre ; le hasard ou des fouilles intelligentes les feront découvrir un jour. Les habitants de ce pays accidenté n'avaient que l'embarras du choix pour trouver des plateaux défendus par les torrents, les ravins ou les roches à pic, et pour achever l'œuvre de la nature en ramassant sur place les matériaux des murailles qui devaient garantir pendant quelque temps leur indépendance.

BIBLIOGRAPHIE. — 1° Refuge du Salève : Blavignac, Etudes sur Genève, I, 75-76, et II, 12-14, pu-


blie une lettre de M. Gosse, donnant quelques détails sur les objets découverts ; j'en ai complété l'énumération en les examinant au musée de Genève.

2° Les Amerans : Quicherat, dans Bull. de la Soc. des antiquaires de France, 1865, p. 149. —

Le même est cité par M. Ducis, Revue savois., 1866, p. 45, et Questions archèol., p. 77.

30 Le Fâbor : Le docteur Payen, dans sa carte des environs de Saint-Gervais, accompagnant la Notice sur les eaux minérales de Saint-Gervais, le désigne

comme camp romain. — Ducis, Questions archéol., p. 77, cherche des origines celtiques dans les noms du Fâbor (lal bor, place fortifiée), de Megève et de l'Arly.

4° Champanges: Le cadastre de 1730, conservé aux Archives départementales d'Annecy, et celui de 1867, marquent les murgers, les murs des terrasses, l'aire de la construction en petit appareil romain ; mais leurs indications se trouvent insuiffsantes pour le vaste périmètre du principal mur en pierres sèches.


IX

MONNAIES

Nous voici bien loin des jours où les premiers habitants de la Haute-Savoie, pauvres chasseurs nomades, poursuivaient de leurs flèches en silex les rennes qui paissaient au pied du Salève. Nous avons assisté aux progrès de nos ancêtres à l'âge de la pierre, à l'époque des dolmens, pendant les âges du bronze et du fer. Et maintenant nous entrons dans les temps historiques, en pleine civilisation gauloise. La monnaie remplace les échanges en nature ; l'écriture vient nous révéler les noms, et la gravure, les portraits et les emblèmes des chefs et des peuples établis sur notre sol ou dans les contrées voisines.

Il semble au premier abord que l'art a dù faire chez nous des progrès immenses depuis l'âge de la pierre ; et cependant, si l'on excepte quelques monnaies imitées de celles qui étaient frappées dans le Midi par les Grecs, on trouve, dans les pièces en argent, et surtout dans celles en potin, des représentations si gauches, si laides, souvent si monstrueuses, que l'on se prend parfois à regretter au point de vue artistique le temps où les dessinateurs traçaient sur un os de renne, dans les cavernes de Veirier, le profil très étudié d'un bouquetin ou l'élégante esquisse d'une branche feuillée.

Plusieurs découvertes importantes ont été faites dans le canton nord d'Annecy, sur les rives du lac. L'une, datant de 1830, eut lieu à Veyrier, vers le hameau de Lacombe. Surpris par un orage, deux jeunes bergers grattaient la terre dans le creux d'un rocher où ils avaient cherché un abri, quand ils aperçurent sous un bloc de pierre une marmite en bronze, à anse, ronde

en dessous ; elle était pleine de pièces d'argent ! Les prenant pour du plomb de chasse, ils les portèrent à leur père. Celui-ci en remplit ses poches et les utilisa comme des chevrotines ; mais le frottement ayant fait disparaître la croûte terreuse et rendu au métal tout son éclat, le braconnier se hâta de livrer son trésor à un orfèvre qui l'acheta pour une valeur intrinsèque de plusieurs centaines de francs. Les enfants avaient gardé quelques pièces pour jouer à la Mourre ; ce sont les seules qui aient échappé au creuset. Le musée d'Annecy put en acquérir 25. M. de Saulcy, membre de l'Institut, les attribue aux peuples suivants :

15 des Allobroges à l'hippocampe des bords du Léman (fig. 163). Tète d'homme imberbe regardant à droite, coif-

fée d'un casque déprimé que surmonte une large aigrette d'où pendent deux plumes ondulées. — Revers, cheval marin (hippocampe), à droite. — Dans les

spécimens les plus nombreux (fig. 164), l'homme et l'animal regardent à gauche. Une pièce a été percée pour orner un collier.

1 des Allobroges montagnards (fig. 165). Tête d'homme laurée, à g. ; imitation des types grecs. —

l., un bouquetin bondis-

sant à g.; au bas est une espèce de fleuron.

3 de la ligue des peuples des Alpes contre l'enva-


hissement des Germains d'Arioviste (fig. 166). Tête à nez aquilin, casquée. ijt., cavalier courant vers la dr., la lance en

arrêt, manteau flottant. Légende: COM[AN].

1 desVolkes Arécomiques (fig. 167).

Tète laurée. - If., cheval galopant à g. ; entre les jambes, une roue à 4 rayons. Légende : VO[L]. — Le dictionnaire de la Gaule, fig. 10 des plan-

ches de numismatique, décrit ce type et regarde la tête barbare comme la figure d'Apollon.

3 des Yoconces, probablement, anépigraphes, et 1 retrouvée récemment (fig. 168). Tête laurée i à g. — ijt., cheval à g.; il n'a plus la roue, mais au-dessus on

voit tantôt une croix à deux traverses, qui doit figurer une branche et ses fruits ; tantôt une espèce de fleur à long pédoncule, comme l'indique la figure ci-jointe.

1 des Celtes-Eduens (KAA-EAOV). Tête casquée à g. ; derrière, une croix. — IF., cheval à g., sous lequel est une roue à 4 rayons.

7 autres échantillons du même trésor avaient été présentés à l'Académie de Savoie. Sur ce nombre, 6 offraient une tête avec casque surmonté d'une aigrette, et au revers un cheval marin : c'étaient donc des Allobroges à l'hippocampe; le 7me, sur lequel on voyait un cheval ayant entre les jambes les lettres VOL, devait appartenir aux Volkes Arécomiques.

Des découvertes ont eu lieu près de là, dans la commune de Talloires, sur le Roc de Chère, montagne qui s'avance dans le lac et forme un plateau accidenté, rappelant la configuration de la falaise sur laquelle s'élevait la cité gauloise de Limes (Magasin pittoresque, 1849, p. 172). En 1786, un agriculteur, travaillant sur la pente du Roc de Chère, brisa avec sa pioche un vase rempli de nombreuses monnaies en argent.

Elles furent disséminées et les orfèvres en achetèrent pour une somme considérable, mais leur description sommaire a été consignée dans deux manuscrits de M. Despine. La plupart portaient une tête casquée, et au revers un cheval, ou un hippocampe, ou un cavalier armé de la lance, etc. Les principales légendes étaient VOL et CON (probablement COM[AN]); une pièce portait sur la face COOV, et au revers Coo OMA.

Ces indications paraissent se rapporter à des types identiques à ceux du trésor de Veyrier.

Le musée d'Annecy possède un échantillon en argent des Allobroges à l'hippocampe, trouvé sur le versant nord du Roc de Chère, et offert par M. Monnet, propriétaire voisin. — M. l'avocat Marion avait recueilli une pièce semblable dans son jardin, sur le même versant.

Des monnaies en potin proviennent également de ce plateau. Le musée d'Annecy en a 8; M. de Saulcy a bien voulu vérifier les noms des peuples :

1 des Turones (fig. 169).

Tête casquée avec cimier, à g. Légende : TVRONOS.

rJ. cheval courant à g.

Légende : CANTORIX.

1 des Senones ou des Aulerkes? (fig. 170). Vilain personnage, proche parent de Pierre l'Ebouriffé; il est tourné à droite, les cheveux

hérissés. — RJ. sanglier à g., ayant entre les pattes trois globules, 1 et 2. Une pièce semblable est figurée dans le Dictionnaire de la Gaule sous le n° 200 et classée dans les attributions indéterminées.

2 des Leuks (fig. 171).

Tête à g., à chevelure ondulée, avec torsade; profil monstrueux. - R}.

sanglier barbare à dr. ;

sous les pattes est une triple boucle.

1 des Séquanes (fig. 172). Tète fruste, paraissant offrir la forme de la précédente. — IF. bouc ou animal de la même famille, sautant à g., les jambes de devant ramenées vers le corps.

1 des Bituriges. Tète à g., cou allongé. — nJ. animal informe.

1 des Carnutes, trop fruste pour être décrite. On peut la rapprocher du n° 197 du Dictionnaire de la Gaule.

1 des Sénones. Tête barbare à g. — R). quadrupède bondissant à g. ; il rappelle celui qui est figuré ci-dessus, n° 172, avec ses pattes de devant repliées et sa longue queue relevée.


Après ces trouvailles, il ne reste à mentionner que des rencontres isolées. Classons-les selon l'ordre des communes.

Alby. 2 très petites monnaies Massaliètes, d'argent, à la roue. Légende : MA. (Musée d'Annecy).

Annecy. Dans la plaine des Fins, sur l'emplacement de la station romaine de Bautæ, M. Courrier a trouvé en 1871 une pièce en argent, offrant d'un côté une tête humaine à gauche, à très long cou ; de l'autre, un cheval courant à g. Il faudrait la rapporter aux Volkes Arécomiques. (Musée d'Annecy). — La même station a donné en 1877, dans le champ de M. Ducruet, un spécimen en argent des Allobroges à l'hippocampe (id.) : tête à g., avec casque déprimé, surmonté d'une large aigrette. — W cheval marin à g. — Du même champ, petit bronze à l'hippocampe (id.).

Sïllingy. En 1864, un cultivateur trouva dans son champ une monnaie 1 en or, d'une valeur intrinsèque de 23 fr. (fig.

173). Après me l'avoir laissé dessiner, le campagnard qui avait promis de la livrer à nos collections publiques l'a vendue à l'étranger. La face représente une tête d'oiseau à d., entourée d'une couronne de feuillage faisant bordure. — R}. 6 points disposés 1, 2 et 3, entourés d'un demi-cercle à extrémités globuleuses, ou torques. Ces monnaies appartiennent à la Rhétie ou à la Vindélicie.

Bonneville. Denier d'argent fourré, percé d'un trou. Tête humaine à d. — R]. cavalier galopant à d.

et tenant une lance baissée; au-dessous, [AV]SC ) ROCOS]. Ligue des peuplades alpines contre Arioviste. (Coll. du doctr Dufresne à Fillinges).

Marcellaz près Bonneville.

Monnaie en argent, trouvée dans les bois de Chaumont (fig. 174, coll. Léandre Dufresne à Saint-Jeoire). Buste

à d. avec casque orné d'ailes. Légende : DVRNACOS.

- W. [A] VSCRO[COS] sous un cavalier armé d'une lance, galopant à d. ; ligue contre Arioviste.

Saint-J ean-de- Tholome. Argent, anépigraphe (f. 175, coll.

du dr Dufresne à Fillinges). Tète laurée à g. — RJ. cheval courant

à g. ; au-dessus, un rameau garni de baies. Attribuée par M. de Saulcy et par le Dict. de la Gaule aux Volkes Arécomiques.

Thonon. Anépigraphe, en potin, des Allobroges.

Recueillie près de la ville (coll. Griolet à Genève).

- A Ripaille, monnaie en potin, offrant sur la face une tête coiffée d'un casque rond. — IV. cheval grossièrement tracé et entouré de 6 points. Appartient à M. Ducis.

Lugrin. Une belle monnaie d'or (fig. 176), provenant du hameau de la Tour-Ronde, a été achetée en 1860 au docteur Marin, de Genève, par

M. de Saulcy, et doit avoir été cédée à la Bibliothèque nationale de Paris avec la collection du savant numismatiste. Elle a été frappée par les Salasses. M. de Longpérier suppose que le type singulier des monnaies d'or de ce peuple représente « les instruments qui servaient au lavage de l'or, cette opération si importante pour le pays, la cause des guerres qu'il eut à soutenir. »

COLLECTIONS. — Musée d'Annecy : 25 monnaies en argent, de Veyrier; 8 en potin du roc de Chère, et 1 en argent de même provenance ; 2 d'Alby ; 3 des Fins d'Annecy. — Bibliothèque nationale de Paris: la monnaie d'or de Lugrin, acquise par l'Etat avec toute la collection de M. de Saulcy, la plus riche du monde en numismatique gauloise. Il s'y trouve peut-être d'autres sujets intéressant notre département, parce que M. de Saulcy avait acheté le médailler du célèbre Tochon d'Annecy. — Collection Griolet à Genève, très riche en monnaies gauloises de toutes provenances. M. Griolet ne m'a montré comme provenant de la Haute-Savoie que le denier d'argent de Thonon décrit ici. — Diverses pièces du département, énumérées plus haut, sont conservées par M. Ducis et MfI.¡e Marion à Annecy, M. le docteur Dufresne à Filj\I;iges et son frère à Saint-Jeoire.

> BIBLIOGRAPHIE. — 1° Trésor de Veyrier : Mém. de l'Acad. de Savoie, lre série, t. IV, p. 19. Appréciations fantaisistes sur l'attribution de 7 pièces. L. Revon, Revue savoisienne, 1866, p. 53. — Le Dictionnaire archéologique de la Gaule, rédigé par la Commission de la topographie des Gaules et par ses correspondants, offre une nombreuse suite de mon-


naies admirablement reproduites, où l'on reconnait la plupart des types recueillis dans nos contrées.

2° Trésor du roc de Chère : Despine, Essai médical, p. 295, volume mscr., appartenant à la Soc.

Florimontane. — Idem, Antiquités, p. 6, volume mscr., même bibliothèque. — Eloi Serand, notes mscr. — L. Revon, Rev. savois., 1866, p. 53.

3° Monnaie d'or de Sillingy : Voir dans la Revue numism., 1863, p. 146, et pl. IV fig. 8, une pièce analogue, décrite par M. A. de Longpérier d'après le mémoire de Streber : Ueber die sogenannten Regenbogen-Schüsselchen; Munich, 1860 et 1861, in4°, 11 pl.

4° Monnaie d'or de Lugrin : dessinée dans la Revue numism., 1861, pl. XV, n° 10. M. de Longpérier, auteur de l'article intitulé : Monnaies des Salasses, p. 333 à 347, se borne à la brève indication suivante : « No 10. Sans légende. Or. Achetée à Genève par M. de Saulcy en 1860. » Plus loin il ajoute que ces monnaies sont extrêmement rares, et qu'on n'en connaissait pas un seul exemplaire en France avant que M. de Saulcy en rapportât un de Suisse.

— J'ai appris par mon ami, M. Morel-Fatio, que le lieu de provenance est le hameau de la Tour-Ronde, commune de Lugrin, sur la rive savoisienne du Léman.


X

MYTHOLOGIE GAULOISE - PIERRES A LÉGENDES

Ce n'est pas ici le lieu de faire un cours de mythologie. Dans une étude dont le but essentiel est d'énumérer les objets découverts sur notre sol, il faut se borner à décrire les monuments matériels du culte avec les légendes qui s'y rapportent.

Les fées ou fayes jouent chez nous le principal rôle dans les traditions populaires qu'on peut faire remonter aux temps antérieurs à la conquête romaine. Fort peu versés dans la théorie des blocs erratiques et des phénomènes glaciaires, les anciens habitants de nos contrées ont vu l'intervention d'êtres supérieurs, de Dames bonnes ou malfaisantes, dans la dispersion des pierres arrachées aux flancs des Alpes et disséminées au loin, sur les pentes et dans les plaines, dans des conditions de forme ou d'équilibre bien faites pour parler à l'imagination. Les grottes sont les habitations des fées ; les ponts naturels sont leur œuvre ; elles ont creusé des bassins dans la protogine, superposé les blocs tournants et dressé les monolithes.

Dans l'ouest et le centre de la France, quelquesuns de ces grands travaux sont attribués à Gargantua, espèce d'Hercule gaulois bien antérieur au fils de Gargamelle et de Grandgousier. Les mythes relatifs à ce géant n'ont guère pénétré dans nos régions, et je n'ai entendu citer son nom qu'une ou deux fois dans la Haute-Savoie ; cependant il est venu jouer au palet avec des rochers dans le Doubs, dans le Lyonnais, dans le Jura et même dans l'Ain, tout près de nos limites, par exemple dans le pays de Gex ; il ne faut donc pas trop se hâter de rejeter les récits de nos campagnards comme une importation de l'érudition étrangère.

Un autre géant, Morand, a pris les environs de Bonne ville pour théâtre de ses exploits.

Le Neptune gaulois a laissé des souvenirs de son culte sur la rive savoisienne du Léman. De même que dans le port de Genève on voit émerger la pierre de Niton, on retrouve également le mas Niton au fond du golfe de Coudrée, à Sciez. — Devant le promontoire voisin, à Yvoire, à 60 mètres du château, la pierre d'Equarroz apparaît au-dessus des ondes ; selon la tradition, les riverains y faisaient des sacrifices à Neptune, Neith ou Niton; les offrandes devaient avoir une certaine valeur, car on dit que « la dot des filles d'Yvoire est sous la pierre. »

Le cheval, mythe solaire selon quelques savants, joue son rôle dans nos régions. Il parcourt d'immenses espaces dans les airs et laisse l'empreinte de ses sabots sur les pierres qu'il touche entre deux bonds. Le christianisme venant greffer ses récits sur l'antique légende, le cheval a souvent pour mission d'emporter des saints loin de leurs persécuteurs.

L'influence chrétienne a modifié d'autres mythes : la sainte Vierge a détrôné plus d'une bonne fée ; saint Martin est venu substituer son nom à celui des pierres Martines ; les cures opérées par l'intercession de saint Clair ont fait oublier l'ancien culte des fontaines ; et le signe de la rédemption, fixé sur les mégalithes, a dû rappeler à plus d'un montagnard trop fidèle aux vieilles croyances que la vénération pour les pierres n'est plus admise de nos jours.


PIERRES BRANLANTES Dans la commune du Petit-Bornand, près du hameau de Termine, à Saxiâ, on voit au bord de la route la pierre branlante ou tournante: un rocher calcaire, long de 15 mètres, supporte un bloc quadrangulaire, de 2m,30 de largeur sur 1m, 10 de hauteur. Celui-ci n'est nullement branlant, mais la tradition veut qu'il tourne sur lui-même, à Noël, pendant la messe de minuit.

Sur la pente méridionale des Voirons, commune de Fillinges, à Buisson-Rond, un bloc erratique en gneiss, haut de lm,50, long de 3m,70, forme une table très inclinée, maintenue en équilibre sur une étroite base de petites pierres (fig. 177). On l'appelle lapir'ra

à chantapeu, la pierre à chante-poulet ou chantecoq, c'est-à-dire le réveille-matin, l'endroit où l'on se réunit au point du jour pour aller à la montagne ; selon d'autres, cette pierre et ses homonymes que l'on rencontre en divers pays ont reçu ce nom parce qu'elles font entendre à l'aurore des sons semblables au chant du coq ; on dit aussi qu'un coq vient y annoncer le lever du soleil. A notre bloc se rattachent de vagues histoires de fées ; il passe aussi pour avoir été jeté là par Gargantua qui jouait au palet sur le mont Salève.

On pourrait classer dans les pierres branlantes, à cause de sa position en équilibre d'une stabilité peu assurée, le bloc des fées, conglomérat descendu des moraines de Chavanod et qui s'est arrêté à l'issue des gorges du Fier. Posée sur une de ses aspérités, la gigantesque pelote de graviers agglutinés est maintenue dans cette situation par de menus fragments. Les gens de la localité disent qu'une fée l'avait apportée dans son tablier, procédé déjà employé ailleurs, comme nous l'avons vu pour le dolmen de Reignier.

PIERRES A ÉCUELLES Dans notre département, je n'ai aperçu jusqu'ici que dans l'arrondissement de Thonon ces petits bas-

sins, creusés le plus souvent dans des roches erratiques, et auxquels beaucoup d'archéologues attribuent une origine très ancienne.

On m'a conduit à Champanges, tout près de la limite de Publier, vers la Benne, auprès d'un bloc en gneiss dont la moitié a été malheureusement exploitée.

La partie subsistante a encore 7 mètres de longueur ; la face supérieure est couverte d'écuelles dont le diamètre varie de 4 à 12 centimètres. La pierre ne porte pas de nom ; c'était le lieu de réunion de la chette, l'assemblée des sorcières.

M. F. Troyon visita en 1856 la pierre d'Epeneux, entre Fcternes et Vaugron. On venait de faire sauter, pour l'employer à la construction de l'église, cette roche feuilletée, dans laquelle étaient creusés de petits bassins; un fragment a été transporté au musée de Lausanne. Cette pierre était hantée par la chette; là se tenait la synagogue des francs-maçons. — En 1871, j'ai observé dans la même commune deux autres pierres à écuelles. L'une est une plaque de gneiss de Im,30 sur 1 mètre, épaisse de 15 centimètres. La moitié d'une face présente une douzaine de bassins ayant 4 à 5 centimètres de diamètre et une profondeur de 2 centimètres. Elle était primitivement couchée sur la pente d'un champ dans la direction de la Dranse, à 100 mètres sous le Château-Vieux ; aujourd'hui elle est appuyée contre un mur dans le village. — L'autre pierre est un bloc erratique en roche feuilletée, de plus de 4 mètres, posé à plat dans le vignoble dit Sous l'Evaux, sur une pente à l'est près de la Dranse. Là sont creusées à intervalles irréguliers des écuelles larges de 8 à 10 centimètres, profondes de 3 à 4, et dont les stries concentriques montrent aussi clairement que dans les deux pierres précitées le travail de l'homme, — ou de l'enfant, car il est permis de voir dans un bon nombre de ces fameuses pierres à bassins un amusement de petits bergers nés longtemps après la disparition de la dernière Velléda. En lisant la savante monographie de M. Desor sur les pierres à écuelles, on reconnait sans doute que dans bien des cas les bassins sont contemporains des mégalithes (fin de la pierre polie), mais les exceptions sont nombreuses ; il suffira d'en citer une pour inspirer de la circonspection aux chercheurs de monuments préhistoriques. Dans le département de la Savoie, à SaintSigismond sur Aime en Tarentaise, il existe devant la r.hanlle une inscription romaine isolée sur le plateau


et tracée sur la face antérieure d'un parallellipipède en marbre bleu. Je ne fus pas peu surpris de voir le plan supérieur tout creusé en écuelles identiques à celles des blocs erratiques, mais ne pouvant dater évidemment d'une époque antérieure à celle de la taille du monument épigraphique ; les intempéries avaient rendu aux bassins la couleur primitive de la pierre. D'autres écuelles, tout à fait modernes, moins soignées, à surface blanchâtre, occupaient les côtés ; M. l'abbé Tremey m'a appris que dans son enfance il contribua à leur confection en jouant à la bouna (borne) : pendant que les petits camarades vont se cacher, un enfant compte 50 ou 100 coups en tapotant au même point d'une pierre avec un caillou, puis il poursuit les autres qui courent toucher la borne pour ne pas perdre l'enjeu. L'expérience se renouvelant souvent, et les longues heures de solitude des pâtres étant aussi consacrées au même exercice, des bassins très correctement creusés finissent par peupler les pierres disséminées dans nos prairies. Pour savoir s'il a affaire à un travail d'une époque reculée, l'archéologue devra s'assurer si les creusures offrent une apparence réellement antique, si elles sont entourées parfois de cercles ou d'autres ornements, et surtout si le bloc est l'objet d'une vénération traditionnelle ou d'idées superstitieuses transmises à travers les siècles. Il va sans dire qu'il ne faut pas compter au nombre des bassins les creux résultant de la disparition naturelle d'un ou de plusieurs noyaux désagrégés par le temps.

PIERRES A LÉGENDES La protogine est souvent empâtée de nodules qui disparaissent en laissant des vides. Il n'y a qu'un pas entre la présence d'une cavité de forme un peu singulière et la naissance d'une légende. En voici quelques preuves. Les fées ont transporté sur la pente méridionale de la colline des Crêts, sur Argortnex, un bloc où l'on croit reconnaître des empreintes de pieds et de mains. — Quand elles venaient danser au clair de la lune dans le bois de chênes qui ombrageait la pierre des fées, au nord de Crevy, sur la hauteur entre l'Hermance et le ruisseau de Marnod, commune de Veigy-Foncenex, les fées ont laissé la marque de leurs pas sur la table granitique détruite il y a peu d'années. — A Boussy, à 300

mètres de la tour de Marlioz, un monticule s'élève au lieu dit Sur les Chés ; on l'appelle le crè de la réunion de la sanclgÓga (synagogue) ; là se trouvait une grosse pierre plate, enlevée en 1875 ; elle servait de table à manger à « une société de francs-maçons ou de carbonari, » et les cavalcades exécutées après les festins nocturnes y laissaient l'empreinte des chevaux. — Un coursier a marqué également son pied sur la pierre au cheval, fendue vers 1850 pour être exploitée, puis conservée par ordre de l'autorité comme limite entre les communes d'L,i,,iî-es et d'Arbusigny..

Ce bloc en protogine, long de 2 mètres, est au bord du sentier près du lieu dit les Mules. Un cheval ailé, s'élançant de la montagne du Salève, sauta d'un seul bond sur cette pierre où il imprima la marque d'un de ses sabots, et fit un autre saut pour atteindre Je mont Parmelan. Selon une variante, le cheval était enfourché par un saint qui, pour fuir la persécution, aurait suivi ce prodigieux itinéraire. Une troisième version veut que le cheval ait été monté par une fée : sur le point d'être atteinte par un personnage mal intentionné, l'amazone s'élança de la pierre en question sur le Salève. M. Gosse a trouvé tout près de la pierre au cheval un bracelet en bronze, figuré dans

un autre chapitre sous le n° 131. — Au Partouè (pertuis), sur Ayze, la pierre à Morand est un débris calcaire que le géant Morand avait porté sur ses épaules; il le jeta, puis donna un coup de poing dans ce rocher, à l'endroit où l'on voit une cavité. — En sortant de Mornex pour aller à Monnetier, on voyait la pierre large, table en protogine haute de lm,80, longue de 5 mètres ; elle portait de profondes dépressions en forme de pied de biche ; les fées venaient y exécuter des rondes per arnica silentia lunœ, et les revenants y faisaient des apparitions ; comme tant d'autres, ce poétique souvenir des dames blanches a été converti en jambages de portes et en bordures de trottoirs. — Quant aux creux qui se remarquent sur certaines pierres dans la plaine des Rocailles, c'est au démon qu'il faut demander leur origine. Telle est la pierre Passe-Diable (la pirra Passa-Dauba), au sud de Reignier. C'est un bloc de protogine fendu des deux côtés. On croit y voir des empreintes de pieds ; je ne partage pas l'opinion de M. Henri de Saussure, qui dit avoir reconnu le travail du ciseau : comme le montrent les nœuds conservés en d'autres points, les excavations proviennent de la désagréga-


tion de nodules tendres. D'autres pierres, dans cette plaine, offrent des empreintes encore plus sensibles et tout aussi naturelles. L'imagination des campagnards a vu là les traces des pas du Diable, et dans l'une des fissures une ornière creusée par son char.

La plaine des Rocailles est bien propre à faire songer à l'Esprit malin et à ses mauvais tours : sur une étendue immense, on ne découvre autour de soi que des rochers amoncelés ; tantôt ce sont des masses calcaires corrodées par les actions atmosphériques, brisées, déchiquetées, se dressant avec des formes fantastiques ; tantôt ce sont des blocs erratiques en roches cristallines, arrachés au massif du Mont-Blanc et amenés au milieu des cultures par l'extension mystérieuse des glaciers quaternaires. « Il faut que le Diable ait passé par là, » disent les paysans ; aussi attribuent-ils encore à ses pérégrinations des empreintes qui se voient sur la pierre au Diable, sur les bords du Foron, au nord de Reignier. Cette masse de protogine, haute d'un mètre, longue de sept, offre des rainures que l'on croit avoir été imprimées par les jambes de Satan, quand il lui prit la fantaisie de se mettre à cheval sur l'arête.

A Ballaison, à l'extrémité du plateau du Châtelard, est la pierre à Martin, en gneiss erratique. Il faut rapprocher ce nom des pierres Martines qu'on observe dans le Quercy et ailleurs, et se souvenir que Martine est le nom d'un démon apparaissant sous la forme d'une martre. Nous allons voir quelle transformation le christianisme a fait subir à la croyance primitive et au vocable qui la désigne. Parmi les nombreux blocs erratiques en protogine disséminés sur la pente orientale du Grand Salève, un des plus gros est la pierre de saint Martin, commune de La Muraz.

C'est une table trapézoïde, reposant sur la terre ; sa longueur est de 5m,63 ; la largeur est de 4m,50 et l'épaisseur moyenne, de lm,30. Une dépression naturelle en forme de pied et un autre creux ont donné naissance à la légende de saint Martin laissant l'empreinte de ses pas et de son bâton. Comme on l'a vu pour beaucoup d'autres blocs isolés, en France, en Suisse et dans diverses contrées, le clergé s'est hâté d'introduire dès les premiers siècles une légende chrétienne pour détourner les habitants d'une vénération moins orthodoxe : le nom du hameau de Jovis, près duquel est la table en question, fait songer au culte de Jupiter, et des traditions qui peuvent remonter à l'époque

gauloise se rattachent à cette pierre et à ses voisines : les fées viennent y danser le soir.

Dans le chapitre consacré aux monuments mégalithiques, il a été dit que nous parlerions de deux faux menhirs. Le premier est la Margeria ou pierre mal tournée, rocher formant aiguille, détaché naturellement de la montagne de Veyrier, en face d'Annecy, et servant de limite entre les communes d'Annecy-leVieux et de Veyrier. Les chartes du XIVe et du xve siècle l'appellent jpeulvanum quod dicitur Margeria.

En creusant à sa base pendant la messe de minuit, les jeunes filles ont la chance de trouver un trésor qui constituera leur dot. — Au lieu dit Sous le Saix, à 25 mètres de la limite de la commune d'Abondance avec celle de La Chapelle, en face du hameau de Miolène, s'élève une pyramide quadrangulaire, haute de lm,60, taillée et posée sur une base circulaire également travaillée, en trois pièces, laissant entre les deux parties un promenoir large d'un mètre. Ce monument a l'aspect d'un menhir, mais les menhirs sont d'un seul bloc. Depuis des siècles les gens superstitieux craignent de passer là pendant la nuit, prétendant que c'est le rendez-vous des esprits malfaisants et le lieu de réunion de la synagogue.

A des blocs de toute forme se rattachent des légendes dont le thème ne varie guère. Pour ne pas fatiguer le lecteur, j'en citerai seulement quelques-unes. — La mine a fait sauter la pirra dé faya, bloc amené entre Saint-Sylvestre et Boussy par les fées. — Elles ont transporté aussi à Magland, dans un bois sur la rive gauche de l'Arve, entre les hameaux des Meuniers et de la Vulpillière, la pirra aux fayes, rocher pyramidal qui a 25 mètres de long, 20 de large et 12 de hauteur. Les fées s'y sont abritées ; les personnes qui leur portaient du lait s'en retournaient avec leurs seaux remplis de pièces d'or. — Lorsqu'on descend dans le bois de sapins du Péray, à 400 mètres de l'église de Combloux, on se trouve en face de la plus prodigieuse accumulation de blocs de protogine qu'il soit possible d'admirer à quelque distance du MontBlanc. La plupart sont de proportions colossales : le plus grand a exactement 30 mètres de longueur, et le sommet de son échine inclinée s'élève à une vingtaine de mètres, sur une largeur moyenne de 7 à 8 mètres.

Ce chaos de rochers, appelé les pierres aux fées, devait nécessairement avoir ses légendes : un bloc de forme aplatie servait de table pour les repas des fées ;


un autre touche la masse principale, et leur réunion constitue un abri où les fées avaient élu domicile. Un jour, une femme leur porta du lait dans un baquet ; pour la remercier, elles remplirent le récipient de feuilles de tremble. La campagnarde jeta le contenu avec humeur, mais arrivée à son habitation, elle s'aperçut que la seule feuille qui restait attachée au baquet s'était transformée en une pistole. — Les cheminées des fées, bien connues des baigneurs qui fréquentent Saint-Gervais, sont des colonnes de graviers glaciaires, portant en guise de chapiteaux des blocs erratiques ; ceux-ci ont fait l'office de parapluies et ont protégé leurs supports contre les eaux qui ont creusé le terrain environnant. — Sur la commune des HOllches, lieu dit le Pràzvzin, les deux pierres aux fées ont chacune 8 mètres de long, 5 de large et 8 de haut ; les fées y faisaient leur ménage. — Sur Ogny, commune de Thairy, elles ont apporté la pierre des fées ; si l'on y passe pendant la nuit, on voit apparaître une dame ou des animaux fantastiques.

Sur la limite de Bonne et de Lucinges, à la Feuilleuse, un rocher granitique long de 8 mètres, large de 5, présente une particularité intéressante (fig. 178).

A la partie supérieure est une rigole circulaire et horizontale, large de 10 à 15 centimètres, limitant un disque ou bouton de lm,20 de diamètre, dont le bord domine la creusure de 10 à 20 centimètres. Les campagnards y voient une tentative pour tailler une meule. En vérité, on aurait pu mieux choisir les matériaux, car les tables en protogine d'un abord facile abondent sur la pente voisine, et il est difficile de comprendre comment des ouvriers auraient eu l'idée de se jucher au sommet d'un roc dont l'arête à pic est élevée de 4 mètres. Il faut voir là un travail beaucoup plus ancien, pour lequel je n'ai pas encore trouvé d'éléments de comparaison avec d'autres mégalithes.

La légende veut que les fées aient apporté ce rocher

du haut de la montagne, aussi l'appelle-t-on quelquefois la pierre aux fées.

Longtemps avant l'institution des frères pontifes, les berges de plusieurs cours d'eau avaient été reliées par des fées bienfaisantes : c'est à elles qu'on attribue l'existence du pont Navet, rocher naturel qui traverse le Fier à un kilomètre en aval de Saint-André.

Les grottes et les roches à cavités fournissent aussi leur contingent de légendes. Ce sont presque toujours les fées qui les ont construites et habitées. Tel est lé cas pour les tannes des fées, au bas de la montagne d'Anterne sur Lachy (Passy), pour la grotte du même nom à Vailly et pour la grotte de Balme près de Magland : dans les unes et les autres, les parois affectent des formes bizarres où l'imagination découvre des statues taillées par les fées ; — la danna des fayes à La Caille (Allonzier); — à Saxel, la roche des fées, dont la teinte noire a fait penser qu'elles y entretenaient du feu ; — la barme des fées, du côté de la montagne de Sales, à 12 kil. de Sixt; — la grotte des fées-ternes (actuellement Féternes), à laquelle se rapporte une histoire de trésor caché ; — la chambre des fées, dans les bois de la Balme, près de La Roche (commune d'Etaux); quatre rochers y constituent une enceinte à ciel ouvert. —

Dans une montagne à 3 kil. du Tour, commune de Chamonix, un entassement de rochers s'appelle le corridor des fées. C'était leur habitation. S'étant vu refuser l'hospitalité dans les chalets, les fées se vengèrent en faisant surgir les glaciers qui couvrent aujourd'hui les pentes. — A 200 m. de la limite d'Ayse, lieu dit Vers Sizon, commune de SaintJean-de-Tholome, les fées habitaient la grotte qui porte leur nom. Une femme de Bovère leur ayant porté du lait, elles remplirent sa seille de feuilles de hêtre, avec défense d'y jeter un regard avant d'avoir regagné son domicile ; chemin faisant, elle ne put résistera la tentation de voir quel était le contenu de la seille, et le jeta; mais arrivée chez elle, la pauvre femme s'aperçut qu'une feuille collée au fond du récipient était devenue une pièce d'or. C'est une troisième variante des légendes de Combloux et de Magland. ç¡, r ) Pour ne pas allonger ce chapitre par les récits relatifs au culte des fontaines, bornons-nous à citer une tradition conservée dans la commune de Groisy : dans le bois d'Essert, près du lieu dit Chez Charmil-


Ion, le ruisseau des Aires a creusé dans les assises de molasse un trou ovale de deux mètres de longueur sur un mètre de largeur, appelé le creux des fayes.

On dit que l'excavation a été pratiquée par les fées, et que lorsqu'on y jette des pierres, elles sont repoussées de côté. En dépit des efforts des dames blanches, les galets ont comblé en partie ce creux qui avait encore trois mètres de profondeur il y a peu d'années.

INSCRIPTIONS GALLO-ROMAINES Ayant déjà publié les inscriptions antiques de la Haute-Savoie, je dois me borner à rappeler les monuments épigraphiques sur lesquels se lisent des noms de divinités gauloises. Ils portent dans mon mémoire les nos 1 (Apoll. Virotuti.) provenant Annecy, 35 (Aug. Vin(tio).) d'Hauteville près Marcellaz, 47 (Athuboduae ou Cathuboduae.) de Ley près Mieussy, et 52 (Deo Vintio.) de Vens près Seyssel.

En outre, un certain nombre de marques de potiers offrent des noms gaulois. — La géographie de nos régions à la fin de l'indépendance ne pourrait être traitée ici qu'au point de vue des restes matériels propres à élucider la question; les inscriptions qui présentent un intérêt topographique ont été transcrites par l'auteur de ces lignes sous les nos 12 (. vicanis Bo.) de Meythet, 31, 32 ( vicanis Albinnensibus.) de Marigny-Saint-Marcel, 44 (. inter Viennenses et Ceutronas terminavit) de la Forclaz (Passy), etc.

BIBLIOGRAPHIE. — C'est en faisant causer les campagnards que j'ai recueilli la plupart des légendes consignées dans ce chapitre. Je les ai retrouvées en partie, avec quelques variantes, dans le Répertoire archéologique des instituteurs de la Haute-Savoie, précieux travail manuscrit rédigé par nos maitres d'école sur la demande de la Société Florimontane.

— D'élégants écrivains, tels que MM. Menabrea, Francis Wey, Replat, Raverat, Joseph et Antony Dessaix, ont émaillé leurs descriptions de récits légendaires avec la préoccupation bien naturelle de charmer le lecteur par des détails pittoresques plutôt qu'avec l'intention de se présenter en mytholo-

gues. D'autres auteurs se sont attachés à l'étude sérieuse de quelques pierres à légendes. Citons les suivants : Pierre à écuelles d'Épeneux. — F. Troyon, Catalogue de sa collection au musée de Lausanne.

Pierre au cheval. - Gosse, Suite à la notice sur d'anciens cimetières, p. 12, extrait du t. xi des Mém. de la Soc. d'hist. et d'arch. de Genève.

Pierre Passe-Diable.— H. de Saussure, dans l'Indicateur d'hist. et d'antiq. suisses, juin 1867, avec 3 figures. - P. Vionnet, Monuments préhist. de la Suisse occid. et de la Savoie, p. 25 et pl. XXVIII.

Pierre au Diable. — H. de Saussure, Indicateur, mars 1867, avec fig.- Vionnet, p. 25 et pl. xxix.— Album de la Suisse rOJnane, t. m, p. 26.— Salverte, Notice sur qqs monum. anciens, situés dans les environs de Genève, p. 13.— Blavignac, Descr. de qqs monum. celt. p. 18.

Bloc de la Feuilleuse. — Vionnet, p. 25.

Pierre à Martin. — Ducis, Rev. sav. janv. 1874.

Pierre Margeria. - Revon, Dunant, Ducis, Rev.

sav. 1873, p. 40. — Ducis, Congrès scientif. de France, session de Chambéry, p. 503. — Dictionnaire archéol. de la Gaule, t. i, p. 63.

Monument d'Abondance. — Ducis, Rev. sav. 1865.

p. 87. — E. Dufour, id., 1869, p. 48.

Blocs de Combloux et de Magland. — Ducis, Rev.

sav. 1867, p. 15; 1868, p. 35; Questions archéol., p. 250.

Cheminées des fées. - La Nature, 5 mai 1877, avec 1 fig.

Inscriptions gallo-romaines. — Revon, Inscr. antiq. de la Haute-Savoie, I v. in-4°, fig. — Allmer, Inscr. de Vienne, 6 v. et atlas, prend pour des lettres les traits accidentels qui terminent la première ligne de l'inscription Apoll. Virotuti, et lit à la seconde ligne Verotutz"; or il y a évidemment un 1 et nulle trace de la barre transversale médiane d'un E.

Sauf quelques petites défectuosités analogues, on reconnait dans cet ouvrage l'œuvre d'un maître dans la science épigraphique. — Ducis, Rev. sav. 1871, p. 69; 1873, p. 51.


XI

ADDITIONS

Depuis l'impression des chapitres consacrés à l'âge de la pierre et à l'âge du bronze, plusieurs découvertes intéressantes ont eu lieu et méritent d'être signalées. Classons-les par époques et par communes.

AGrE DE LA PIERRE

Dans les environs de Rumilty, on a trouvé un marteau-hache en grès dur, long de 115 millimètres (fig. 179, musée d'Annecy). Le trou d'emmanchement, lisse et très régulier, parait avoir été obtenu par le procédé du tube

en roseau tournant avec rapidité dans un sable humide. Des stries très fines font supposer que le sable a joué aussi un rôle dans l'aiguisage du tranchant.

Sur la commune voisine, à Sales, dans un champ situé entre l'Annonciade et Faramaz, un campagnard a recueilli au printemps de 1878 un marteau-hache

en protogine (fig. 180, musée de Chambéry).

A première vue on le prendrait pour une arme de sauvage, avec son large tranchant et ses bourrelets parallèles, qui ne sont point

une forme naturelle de la pierre, mais le résultat d'un travail soigné, et destinés sans doute à retenir dans la gorge la ficelle qui reliait l'instrument à son

manche. Comparez le casse-tète ou marteau-hache de Mornex, représenté par la figure 66.

Quant à l'instrument décrit précédemment à la suite de celui de Mornex, et trouvé à Vétraz-Monthoux, un dessin que m'envoie son propriétaire, M. de Boringe, le représente comme formé d'une large poignée à bourrelet probablement naturel, avec une extrémité taillée en cône arrondi et poli; ce serait peutêtre une pierre à broyer.

Une belle hache en serpentine, longue de 125 millimètres, a été mise au jour en décembre 1876 à la Bovière, entre Chosal et le Nant de la Motte, com-

mune de Mêsigny (fig. 181, coll.

Constantin à Annecy). Elle était accompagnée d'un galet plat et circulaire, en serpentine, offrant un poli remarquable qui peut avoir été complété par le travail humain ; le diamètre moyen de ce disque est de 125 millimètres (id.).

Mine inépuisable d'instruments en pierre, la commune de Monnetier-Mornex devait nécessairement être signalée comme théâtre de découvertes récentes.

Le Musée de Genève a fait l'acquisition d'un ciseau poli, long de 13 à 14 centimètres, à tranchant, arrondi, provenant de la ferme de M. Perravex, sous l'embranchement de la route de Mornex avec celle du pont de Viaison. — La même collection s'est augmentée d'une hache en serpentine et d'une autre fragmentée, recueillies dans le bois de châtaigniers près de la campagne Bonzanigo.


Le musée de Genève a ïeçu-encore 8 silex taillés, de la carrière de Collonges, et 5 éclats de silex trouvés dans la même commune, au pied des bancs de rochers du Salève.

La station lacustre de Thonon a fourni à M. J.

Costa de Beauregard une hache en serpentine.

2° AGrE DU BRONZE

La pièce la plus intéressante est une petite épée en bronze, courte et épaisse, à lame bombée et unie, avec soie d'emmanchement brisée vers l'extrémité ; longueur Om,37, largeur maximum 3 centimètres, épais-

seur 7 millimètres (fig. 182, musée d'Annecy). M. de Mor-

tillet la classe dans les premiers temps de 1 âge du bronze, c'est à dire à l'époque du fondeur qui a précédé celle du marteleur. Cette épée a été recueillie en janvier 1877 sur la berge du Chéran, rive droite, à 800 mètres en amont du confluent du Fier, dans la commune de Rumilly.

A la même époque, et à 8 kilomètres du point précédent, on découvrit dans le Fier, lin peu en aval du pont de Saint-André, une tête de lance en bronze, à douille (fig.

183, musée d'Annecy). Sa longueur est de 165 millimètres et la largeur maximum de 37 millimètres. — Le musée d'Annecy possède aussi un bracelet lunulaire en bronze, trouvé dans le val de Fier lorsqu'on établit la route nouvelle qui suit le tracé de la voie romaine. Comme les autres bracelets lunulaires que j'ai décrits, celui-ci est peut-être contemporain de l'invasion romaine, mais il conserve le style de l'époque précédente.

Un culot de bronze, conservé au musée de Genève, a été recueilli dans la vigne de M. Kraut, près d'Aiguebelle, commune d'Etrembiéres.

La même collection a fait l'acquisition récente d'une série d'antiquités lacustres de la station de Tougues, commune de Chens-Cusy. — Elle a acheté aussi, à la mort de M. Blavignac, la faucille à bouton qui faisait partie de la cachette de fondeur de Meythet.

J'avais dessiné au musée de Lausanne un singulier bronze péché par M. Carrard dans le Léman, à

Thonon (fig. 184). C'est un disque ovale, formé de minces feuilles de bronze superposées que retient une bordure coulée, à moulures, suspendue à une bélière également en bronze. L'épaisseur est de 4 millimètres; le grand diamètre a

118 millimètres. Rien de semblable n'ayant été recueilli jusqu'ici dans les emplacements lacustres, j'avais cru devoir m'abstenir de faire figurer cet objet parmi les produits de nos palafittes; le style du cadre en

particulier me paraissait offrir bien peu de rapports avec ce

qu'on connaît de cette époque. Maintenant il faut s'incliner devant l'autorité d'un nom respecté dans le clan des archéologues : le savant docteur Forel, de Morges, n'a pas hésité à décrire l'ornement en question dans l'Anzeiger (Indicateur d'antiquités suisses) d'octobre 1876, en l'attribuant à la station lacustre.

Il fait remarquer qu'il n'y avait en réalité que deux feuilles de bronze, et que les quatre minces feuillets intérieurs « ne sont que les surfaces d'oxydation, les couches de tuf chargé de sels métalliques et de chaux, qui recouvrent les deux faces internes et externes de chacune des deux feuilles primitives. » Dans le catalogue manuscrit du musée de Lausanne, le conservateur, M. Morel-Fatio, ajoute la note suivante : « Cet objet pourrait bien être une moitié de ce que Lindenschmidt appelle des Brustspangen. Cf. Lindenschmidt, tome I, heft 7, pl. 4. »

J'avais fait encore une omission volontaire, et je suis tenté de la maintenir, dans la description des objets appartenant au premier âge du fer ou à l'époque gauloise. Il s'agit de vilaines petites statuettes en bronze, d'un travail barbare, divisées entre les musées d'Annecy et de Genève. Dans cette dernière ville elles sont classées à la fin de l'âge du fer; mes prédécesseurs au musée d'Annecy ont aligné les bonshommes de cette catégorie parmi les objets romains. Il est assez difficile, en effet, de dire si ce sont des artisans gaulois ou des ouvriers romains de la décadence qui ont conçu ces figurines aux gestes désordonnés, aux membres grêles et sans modelé. Quant aux lieux de provenance,


ils fournissent des présomptions d'égale valeur pour les deux époques : par exemple, deux figurines de notre musée municipal, dont l'une est en fer et offre l'idéal de l'exécution barbare, proviennent de la plaine des Fins d'Annecy, où l'on a recueilli quelques monnaies gauloises et un autel gallo-romain, mais où les autres antiquités, très nombreuses, sont de l'époque romaine. En revanche, le musée de Genève possède 3 statuettes en bronze découvertes en 1848 sur le roc de Chère (Talloires), localité voisine des bains romains de Menthon, mais qui a essentiellement fourni des médailles gauloises, et en abondance. Dans la même collection, on voit une figurine en bronze, d'un travail non moins défectueux; elle vient de Bonneville.

PIERRES A LÉGENDES Le mythe de Gargantua s'est répandu jusque dans les environs d'Annecy. Dans les rochers polis par les glaciers, sous la croix du Cré-du-Maure, on voyait le fauteuil et les escaliers de Gargantua, produits par un travail d'érosion. En s'appuyant pour s'asseoir, le géant avait imprimé à droite et à gauche la marque profonde de ses mains. M. Serand avait examiné dans

son enfance cette pierre, détruite par la mine vers 1845.

Parmi les légendes de fées, il en est une où les récits du moyen-âge se mêlent au souvenir des palafittes. Les divinités qui avaient jeté le pont Navet sur le Fier offrirent au seigneur de Duingt de relier son château au roc de Chère, au moyen d'un pont, en échange d'une certaine quantité de sel et de beurre.

Elles se mirent à l'œuvre, mais le châtelain n'ayant pas tenu sa promesse, elles détruisirent leur ouvrage pendant la nuit. Du pont des Fées il ne reste qu'une culée (elle fait partie des escarpements naturels du roc de Chère, près de Talloires), et un groupe de pilotis, sur le bas-fond du Roselet : nous avons vu plus haut que cet îlot est l'emplacement d'une station lacustre.

ERRATUM

Les carrières de Veirier, décrites dans le Ier chapitre, appartiennent à la minuscule commune d'Etrembières, et non à celle de Monnetier-Mornex.

Page 41, après « Aux Villards, commune » rétablissez deux mots omis : « du canton de Thônes. »


TABLE IOPOGRAPHIQUE DES COMMUNES CITÉES

ARRONDISSEMENT D'ANNECY

Oanton d'Alby : Alby, Cusy, Gruffy, Saint-Sylvestre.

Canton d'Annecy-Nord : Annecy, Annecy-le-Vieux, Argonnex, Mésigny, Pringy, Sillingy, Talloires, Veyrier.

Oanton d'Annecy-Sud : Annecy, Chavanod, Duingt, Meythet, Quintal, Sévrier.

Canton de Faverges : Doussard, Faverges, Seythenex.

Canton de Rumilly : Boussy, Marcellaz, Marigny-SaiDt-Marcel, Rumilly, Saint-André, Sales, Vallières.

Canton de Thônes : Balme-de-Thuy (la), Villards-sur-Thônes (les).

Oanton de Thorens : Évires, Groisy, Ollières (les).

ARRONDISSEMENT DE BONNEVILLE

Oanton de Bonneville : Ayse, Bonneville, Faucigny, Marcellaz, Peillonnex, Petit-Bornand (le).

Oanton de Ohamonix : Chamonix, Houches (les).

Oanton de Cluses : Magland.

Oanton de La Roche : Amancy, Arenthon, Étaux, La Roche, Saint-Sixt.

Oanton de Saint-G-ervais : Contamines (les), Passy, Saint-Gervais.

Canton de Saint-Jeoire : Saint-Jean-de-Tholome, Saint-Jeoire, Tour (la).

Oanton de Sallanches : Combloux, Domancy, Megève.

Oanton de Samoëns: Sixt.

Oanton de Taninges: Mieussy.

ARRONDISSEMENT DE SAINT-JULIEN

Canton d'Annemasse : Annemasse, Bonne, Cranves-Sales, Étrembières, Saint-Cergues, Vétraz-Monthoux.

Oanton de Oruseilles: Allonzier.

Oanton de Reignier : Fillinges, Monnetier-Mornex, Maraz (la), Pers-Jussy, Reignier, Scientrier.

Oanton de Saint-Julien : Bossey, Collonges, Thairy.

Oanton de Seyssel : Seyssel.

ARRONDISSEMENT DE THONON

Canton d'Abondance : Abondance.

Canton de Boëge: Saint-André, Saxel.

Oanton de Douvaine : Ballaison, Chens-Cusy, Douvaine, Excenevex, Messery, Nernier, Veigy-Foncenex, Yvoire.

1

Oanton d'Évian : Champanges, Évian, Féternes, Lugrin, Maxilly, Meillerie, Publier.

Oanton de Thonon : Mégevette, Sciez, Thonon, Vailly.


TABLE ALPHABÉTIQUE DES COMMUNES

Pages.

A bonùance 18.55 Alby .,. 50 Allonzier .,.. 35 .56 Amancy .,. 18 Annecy 20.29.33.50.57.60 Annecy-le-Vieux. 18.55 OK Annemasse. 35 Arenthon '., ., 35 Argonnex .., ., 54 Ayse 21.54 Ballaison - - - - 42.55 Balme-de-Thuy (la) 34 Bonne. 56 Bonneville. 21.34.42.50.60 Bossey 9.36.38.45 Boussy .,. 54 Chamonix. - - - - Champanges ., 46.53 Chavanod.,.. 20.53 Chens-Cusy 20.21.25 36.39.59 Collonges 10.18.20.36.59 Comblons Contamines (les) - 41 Cranves-Sales 16. 3o Cusy 21 Domancy .,. 35 Doussard 20.3li Douvaine32 3q Dningt. 28 Étaux - - 56 Étrembières (voir l'erratum page 60) 7.9. i 7 59 Évian » Évires 34 Excenevex.,. 27 Faucigny., 21 Faverges .,., 42 Féternes ad. ou Fillinges 20.21. 22. 39.53 Groisy ^6 Gruffy.,..,. 40 Houches (les) 56 Lugrin. 22.oO Magland 55.56 Marcellaz (canton de Rumilly) 57 Marcellaz (canton de Bonneville). 34.50 Marigny-Saint-Marcel., 57 Maxilly 42 Megève. 41.42.46

Pages.

Mégevette 12 Meillerie.,. 21 Mésigny ., 58 Messery. 27 Meythet 31 57.59 Mieussy ° Monnetier-Mornex 9.21.22. 3o. 39.44.54.58 Muraz (la). 55 Nerllier.., 27 Ollières (les) 21 Passy. 56.57 Peillonnex. 35 Pers-Jussy. 16 Petit-Bornand (le). 53 Pringy.,.. 20.34.42 Publier., 28 Quintal. 34 41 Reignier .., 14 35 54 Roche (la) 11.21.35 Rumilly 58 59 Saint-André (canton de Rumilly). 56.59 Saint-André (canton de Boëge) 11 Saint-Cergues., 17 Saint-Gervais. 45.46.56 Saint-Jean-de-Tholome 35.50.56 Saint-Jeoire 21.3a Saint-Sixt. il Saint-Sylvestre. 55 Sales 58 Saxel 56 Scientrier 10 Sciez 27.52 Sèvrier 29.34 Seyssel. 57 Seythenex 12 20 Sillingy 34.50 Sixt * * 56 Talloires .12.29.37.49.60 Thairy..,. 56 Thonon 24.36.38.39.50.59 Tour (la) 20 Vailly 56 Vallières 34 Veigy-Foncenex .,.. 36.54 Vétraz-Monthoux. 22.58 Veyrier 12.29.48 Villards-sur-Thônes (les). 41 Yvoire. 27.52


TABLE DES MATIÈRES

Pages.

A.. VIANT-PROPOS. 5 CHAPITRE lep. - GROTTES ET ABRIS 7

- Il. - MONUMENTS MÉGALITHIQUES 14 — III. - OBJETS DIVERS DE L'AGE DE LA PIERRE. -0 — IV. - STATIONS LACUSTRES. :!;) — V. - FONDERIES. 31 — VI. OBJETS DIVERS DE L'AGE DU BRONZE •>>

— VII. - SÉPULTURES 38 — VIII. - REFUGES ET CAMPS RETRANCHÉS 44

— IX. — MONNAIES. 48

— X. — MYTHOLOGIE GAULOISE. — PIERRES A LÉGENDES. 52 — XI. — ADDITIONS. 58 ERRATUM 60

TABLE TOPOGRAPHIQUE DES COMMUNES CITÉES 61 TABLE ALPHABÉTIQUE DES COMMUNES. 62


(Extrait de la licrue -


PLAN

DE

BOVTAE Vicus gallo-romain

par

L. REVON et CH. MARTEAUX

1913

ou

1 ECHELLE DE 2.000' 2.000,

Dressé pour servir à l'intelligence de l'ouvrage de MM.

CHARLES MARTEAUX et MARC LE ROUX