aurait été fait par un prêtre, et cela eût été plaisant ; j'aime pourtant mieux ne pas entendre votre éloge sitôt, dût-il être fait par le frère Berthier, ou par M. de Pompignan.
Il faudrait imprimer, à la suite du Discours de notre nouveau confrère, une épître 1 que je viens de recevoir du roi de Prusse contre les fanatiques ; les dévots, les jésuites, et notre saint-père le pape, y sont bien traités.
Adieu, mon cher et grand philosophe ; vivez longtemps, et portez-vous bien, tout mort que vous êtes.
P.S. Il ne manquait plus à la philosophie que le coup de pied de l'âne. On va jouer sur le théâtre de la Comédie française une pièce intitulée les Philosophes modernes 2. Pré ville doit y marcher à quatre pattes, pour représenter Rousseau. Cette pièce est fort protégée. Versailles la trouve admirable.
4094. – A FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
15 avril.
Puisque vous êtes si grand maitre Dans l'art des vers et des combats, Et que vous aimez tant à l'être, Rimez donc, bravez le trépas ; Instruisez, ravagez la terre ; J'aime les vers, je hais la guerre, Mais je ne m'opposerai pas A votre fureur militaire. Chaque esprit a son caractère ; Je conçois qu'on a du plaisir A savoir, comme vous, saisir L'art de tuer et l'art de plaire.
Cependant ressouvenez-vous de celui 3 qui a dit autrefois :
Et quoique admirateur d'Alexandre et d'Alcide, J'eusse aimé mieux choisir les vertus d'Aristide.
Cet Aristide était un bon homme ; il n'eût point proposé de faire payer à l'archevêque 4 de Mayence les dépens et dommages de quelque pauvre ville grecque ruinée. Il est clair que Votre
1. Épître à d'Alembert ; voyez une des notes sur la lettre 4112.
2. Comédie de Palissot, jouée le 2 mai suivant.
3. Dans son Epître à mon esprit (v. 289-290), le roi de Prusse avait dit :
Mais quoique admirateur de César et d'Alcide, J'aurais suivi par goût les vertus d'Aristide.
4. Jean-Frédéric-Charles, mort en 1763 ; voyez tome XIII, page 209.