LE DÉVELOPPEMENT DES SERVICES INTERNATIONAUX DE WAGONS-LITS DEPUIS LA GUERRE
Par M. Charles LOISEAU
Il faudrait avoir le goût des thèses banales, sinon même épuisées, pour revenir sur la contribulion que, depuis trois quarts de siècle, les chemins de fer ont apportée au progrès.
Mais sans doute s'est-on moins appesanti sur la contribution particulière des transports qualifiés « de luxe » ; et même certains esprits ne seraient-ils pas encore réfractaires à l'idée qu'elle intervient dans un intérêt général ? pourtant ce ne sont pas les économistes, ni même les gens de simple bon sens, qui s'obstineront à ne voir dans le train de luxe qu'un nouvel attribut des privilèges de classe. S'il pouvait avoir besoin d'être réhabilité sous ce rapport, le plaidoyer ne serait pas difficile à faire.
On pourrait déjà dire de cette forme du progrès ce qu'on a dit maintes fois du théâtre, qui, après tout, est aussi un luxe : elle fournit des moyens d'existence à un nombreux personnel et elle lui procure souvent beaucoup mieux que le pain quotidien. Mais elle a sa part aussi, et dans une mesure presque illimitée, à la génération, à la fréquentation, au développement des centres de villégiature, de cure ou de tourisme. Que de métiers, des plus humbles aux occupations singulièrement lucratives, vivent à leur tour des déplacements d'autrui ! Que de déceptions et que de pertes, pour l'industrie hôtelière et pour tout ce qui gravite autour d'elle, si, brusquement, la marge du confort en voyage venait à être, je ne dis pas supprimée, mais seulement rétrécie !
Dès qu'on prend la peine de pénétrer un peu plus avant dans les rapports du train de luxe avec l'économie générale, on entrevoit que, sans lui, mille affaires qui ont exercé leur influence sur le cours du commerce, de l'industrie, de la banque, auraient été conclues plus difficilement ou même n'auraient pas abouti. Si ce train sert à promener parfois l'oisiveté ou le dilettantisme, à combien de travailleurs intellectuels évite-t-il de pertes de temps et de fatigues ! Combien de champs d'activité a-t-il permis d'aborder, qui, sans sQn aide, fussent restés ignorés ou stériles !
Pour peu qu'on ait la inoindre notion de l'interdépendance économique, on ne saurait donc dénier au train de luxe une place dans les besoins inhérents à notre état de civilisation. Mais le politique lui-même n'en récusera pas l'utilité: plus s'étend le réseau des communications rapides et confortables, plus aussi les idées de détente et même de coopération internationales ont d'organes à leur disposition.