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Notice complète:

Titre : Jane Eyre ou Les mémoires d'une institutrice : roman anglais. Tome 2 / Currer Bell

Auteur : Brontë, Charlotte (1816-1855). Auteur du texte

Éditeur : Hachette (Paris)

Date d'édition : 1890

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35966584j

Notice d'oeuvre : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb120860894

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 2 vol. ; in-8

Format : Nombre total de vues : 255

Description : [Jane Eyre (français)]

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k64167q

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Y2-16607 (2)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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~'n d'une s<n': (te ttocu)))t:t)t', <:t)C«u)<!Ut


JANE EYRE


OUVRAGES DU MÊME AUTEUR. e

fUBt-tËS DANS LA BtaDOTHËQUE DES ~OM~Ma ÉTttAMaëMa PAR Ï.A UBMAM!E HACttEME Er C'°

Coa!ommicr3. Typ. t*. BKOOARO et GALMHS.

Le fMtassemf. traduit par M"" Loreau. 1 vol. ShMey, traduit par M. Ch. Romoy. a vol. Mx de ehtqM votame, bMch<S. 1 ff. ?


JANE EYRE

LIBRAIRIE HACHETTE ET C'" "?9, BOM.EVABB SAtNT-6ERNA!N, ?9 i890 t)t<«t<tttdMMM«t~tN<M<Mt<MtT<t

CU~RBR BBÏ.Ï.

TOME SBCOND

PARIS


JANE EYRE.

CHANTRE XXÏ.

Les pressentiments, les sympathies et les signes sont trou choses étranges qui, ensemble, forment un mystère dont l'humanité n'a pas encore trouva la clef je n'ai jamais ri des pressentiments, parce que j'en ai en d'étranges; il y a des sympathies qui produisent des effets incompréhensibles, comme celles, par exemple, qui existent entre des parents éloignés et inconnus, sympathies qui se continuent, malgré la distance, à cause de l'origine qui est commune; et les signes pourraient bien n'être que la sympathie entre l'homme et la nature. Un jour, à l'âge de six ans, j'entendis Bessie raconter à Abbot qu'elle avait rêvé d'un petit enfant, et que c'était un signe de malheur pour soi ou pour ses parents; cette croyance populaire se serait probablement effacée de mon souvenir, sans une circonstance qui l'y fixa à jamais le jour suivant, Bessie fut demandée au lit de mo~ da sa petite seaur.

Depuis quelques jours, je pensais souvent à cet événement, parce. que, pendant unesemame entière, j'avais toutes les nuits rêvé d'un enfant tantôt je I'endorm':is~ans mes bras, tantôt je le berçais sur mes genoux, tantôt je le regardais jouer avec les ~marguerites de la prairie ou aemouiller les mains dans une eau s courante. Une nuit l'enfant pleurait; la nuit suivante, au con. traire, il riait; qnelquefoM 66 tenait~taché &_me8vet@ment6,

~.N~ RVRR. ~a ~.rI>ii'1-u.:1 ~=£'.ojt~A.:êII.>I,


d'autres Ma il courait loin do moi maia, seua a'impotto quaMe tormo, cette appwit!on ma poursuivit pondant sapt nuits aueMssives.

Jo n'aimaia pns eatta poratatauea !a même idëa, ea Mtow c<mt!nMel de h même imago; je devenais nerveux an moment o& je voyais approcher l'heure de me coucher, l'huure de la viaioM. J'hais eucora dans la cempagaie de 00 fantôme d'enfant !a nuit o& j'entende terfiMo cri, et t'apr~a-midi du lendemain on vint m'avertir que qu~qu'un m'attendait dans la chambto de Mme Fairfax je m'y rendis et j'y trouvai un hemmo qui .aa parut un dMMeat!q<to de bonno maison i il était on grand deuil, et le chapeau qu'il tenait & la main était entouF~ d'un ct~pa.

c Je pense que vous avez de la peine à tac remette, mademoiselle, dM'H en ae lovant; je m'appelle 1-eaven j'étais cocher chez Mme Reed lorsque vous babitiez Gateshead, et je demeure toujours au château.

Oh 1 Robert, comment vous pertoz-voMS? je ne vous ai pas euMië du tout; je me rappelle qM vous me faisiez quelquefois monter & cheval sur le poney de MUe Georgiana. Et comment va Bessie? car vous avez épousé Bessie.

Oui, madamoise)!e. Ma femme se porte très-bien, je vous remercie; U y a à peu près deux mois, elle m'a encore donné un enfant, nous en avons trois maintenant; la mère et les enfants prospèrent.

Et comment va-t-on au oMteau, Robert V

Je suis Mcho de ne pas pouvoir vous donner de meilleures nouvelles, mademoiseUe; cela ne va pas bien, et la famille vient d'éprouver un grand malheur.

J'espère que personne n'est mort? dis-je en jetant un coup d'CMl sur ses vêtements.

Il regarda le crêpe qui entourait son chapeau et répondit < U y a eu hier huit jours, M. Johm est mort dans son appartement de Londres.

M. John?

Oui.

Et comment sa mère a-t-elle supporte ce coup?

Dame, mademoiselle Eyre, ce n'est pas un petit malheur sa vie a été désordonnée; les trois dernières années, il s'eet conduit d'une manière singulière, et sa mort a été choquante. Bessie m'a dit qu'il ne se conduisait pas bien.

n M) pouvait pas se conduira plus m&I; 3 a perdu sa santé et gaspiM sa fortune ay§cj~ qu'il y avait de plus mauvais en


aemmps et en fentm~s H a fait des daMos, il a et6 mis on prison. RMM fois saxt~ro est veaae a aaa aida; maia, anaaMt qu'il était !!brc, il roteurnaitàsoa aMoienaes habitudes. Sat~ta n'était pxa f<trt9; tea bandits a~M hoqueta H a veau font eomptetomeM dupa. M y a envirea trois aeMNHes. il eat venu a Gateshead et a domandé qu'on lui remtt la fortune da touta la famiMe c~tfa ieamaina; Mme Re~ arefasd, car aa faftMae ~;t d~ Men réduite par les ext~vagaNcea do aon a!a; oeM-ei partit donc, et bientût on apprit qa'H ~tatt mort; comment, Diau te saM t 0) pfëtend qu'U a'eat ttn!.

Je demaura! sUettdeuse, tant eaMe aeuveMe étatt tmriNe ReboFt continua

< Madama eMe-M6me a Mea m~de; eUe ~'a pas ea ? force do supputer ea!a la perte do an fortMae et la crainte do !a pauvreté t'avaient brisaa. La NeuveMe de la mort subite de M. Jehn fut te défais coup; eûeeat restée treia ~oura aaaapaFter. Mardi dernier, elle était an peu mieux, ette semblait veu. loir dire quelque chasa et faisait des signes eontinuets & ma femme; maie ce c'est qu'hier matin que Besaie :'a entendue balbutier votre nom, car eue a ennn pu prononcer ces meta: < Amenez Jane, atbz chercher JaM Eyre, je veux lui < parler. Bessie n'eat pas sure qu'eue ait sa raison et qu'et!e désire sérieusement vous voir; mais ette a raconté ce qui s'était passé à Mite Reed et à MSe Ûeorgiana, et leur a conaeitM de vous envoyer chercher. Les jeunes attea ont d'abord refusé; mais, .comme leur mère devenait de plus en plus agitée, et qu'eue continuait a dire: <Jane, Jane t, elles ont ennn eonseatt. Jat quitté Gateshead hier, et si vous pouviez être prête, mademei. aette, je voudrais vous emmener demain matin de bonne heure. Oui, Robert, je serai prête; Urne semMequejedeisyauer. Je le crois ausst, mademoisette Bessie m'a dit qu'eue était sure que vous ne refuseriez pas. Mais je pense qu'avant de partir il vous faut demander la permission.

Oui, et je vais le faire tout de suite. s

Après l'avoir mené & la sàtte des domestiquer et l'avoir recommandé à John et & sa femme, j'auai & la recherche de M. Rochester.

N n'était ni dans les chambres d'en bas, ni dans la cour, ni dans l'écurie, ni dans les champs; je demandai & Mme Fairfax si elle ne l'avait pas va, eue me répondit qu'il jouait au Mttard avec Mlle hMT<m;. Je me dirigfMM vr" MH'' billard; 0& j'entendis terrait des MUea et le son des veut. M. Rocheater, Mue ïngram, tes deux demoiseUes jM~a~teatsadaMateurs


étaient oeoMpds à jouer; U Mo fallut un pau do courage pour los d~raMgar, mais je ao pouvais plus ratardor ma domando auaat, m'apprachaî-jo do mon Maître, qui ~tnit à côté do Mt!e ïagram. EHo au roteufaa et mo regantn ~dai~ueat.MMMtt; aes yaux spMblaiont demander sa quo pouvait vouloir cotte vite orëatMra, et htraqMe je mMFBUHFa! tout bas Monsieut RoehestM' t etto Nt un tooavemant oomme pour m'ofdonaer de me retiMr. Ja Mtt) ta rappalto à ça moment; eUe dtait ptcino de gt~co et frappante de beauté dte portât wno r«ite de chambre en CFëpe Meu da eM; une ëehaFpo do gaza dgatemont blouo était entacha dMases ohavcax; !o jjou l'avait amm<!e, ot sont orguoil !FrM B8 nuisait en rien à ï'expresston de ses gMMdes lignes

< Cotte personno a-t-elle besoin do vaus?" dNMaMda MMo ïngFam & M. Roehester, et M. Roohcstor ao MtoanM pauf voir quelle <!tMt cette personne.

Il fit une curieuse grimace, étrange et ëqMtvoque; il jct~à A terre la queue qu'il tenait et sortit do la chambre avec moi. Eh bien, Jane? dit-il on s'appuyant le dos contre la porte de la chambre d'étude qu'il venait de fe)'mct.

Je vous demanderai, moasiour, d'avoir la bonté de m'accorder une ou deux semaines de congé.

Pour quoi faire? Pour aller ou?

Pour aller voir une dame malade qui m'a envoyé chercher. Quelle dame malade ? Ou demeure-t-elle l'

A Gatashead, dans le comté de.

Mais c'est à cent milles d'ici; quelle peut être cette dame qui envoie chercher les gens pour les voir & une pareille distance ?

Elle s'appelle Mme Reed, monsieur.

Reed, de Gateshead? N y avait un M. Reed, de Gateshead; il était magistrat.

–C'est sa veuve, monsieur.

-Et qu'avez-veus & faire avec elle? comment la connaissez.vous ?

-M. Reed était mon oncle, le frère da ma more.

Vous ne m'avez jamais dit cela auparavant; vous avez tou. jours prétendu, au contraire, que vous mviez pas de parents. Je n'en ai pas, en effet, monsieur, qui veuillent bien me ~connaître; M. Reed est mort, et sa femme m'a chassée loin d'elle.

Pourquoi?

Patce qu'atant pauvre, je lui étais à charge, et qu'elle me détestait.


tMa M. Rend a MasO des e~ntw; voua devez avoir des cousins. Sir Georg'o ï.yMM ma partait hier d'un Rééd. do Cateattcad, qui, dit-il, est undeaptMagFMda coquins do la vîllo, et JtKgram ma parlait ëgatfiMëMt d'une SettrgiaoM Read qui, il y a un hiver ou deux, était ttea-admi~a, & Londres, pour aa beauté.

John Reed est mort, monsieur; M s'est ruiné ot a 11. MMttM fttind aa fatniMo; on oroit qu'H s'est t~; cette nouvel:a a tolloment aMtg<i sa more, q~'otta~oa une attaqua d'apoplexie. ~-Etqt'al bien pourrez-vous Mfoiro, JaM8? Vous M prétendez pas parcourir cent milles pour voir une vieille femme qui sera poat-6tre morte avant votre arrivée; d'ailleurs, vous dites qu'elle vous a chassée.

Ont, monsieur; mais il y a bien toagteMpit, et an position était dtiMMnte atora; serais mdcontento do moi si je M cédais pas à son désir.

C<HoMen de temps resterez-vous?

Aussi peu de temps que possible, monsieur.

–.Pfemettez-moi de ne rester qu'une semaine

n vaut mieux que je M promette pas, parce que je ne pourrai peut-être pas tenir ma parote.

Mais en tout cas vous revieadrezî rien ne pourra vous faire rester toujours aveo votre tante?

–Oht certainement, je reviendrai dès que tout ira bien. –Et qui est-ce qui vous accompagne? vous n'allez pas faire ce long voyage seulet

-Non, monsieur, elle a envoyé son cocher.

Est-ce un homme de confiance?

Oui, monsieur; il est dans la famille depuis dix ans. » M. Rochester réfléchit.

< Quand désirez-vous partir? demmda4.u.

-Demain matin de bonne heure.

Mais il vous faut de l'argent, vous ne pouvez pas partit sans rien, et je pense que vous n'avez pas grand'chose; je n< vous ai pas encore payée depuis que vous êtes ici. Jane, me demanda-t-il en souriant, combien avez-vous d'argent en tout? e Je tirai ma bourse; elle n'était pas bien lourde.

< Cinq schellings, monsieur, D répondis-je.

n prit ma bourse, la retourna, la secoua dans sa main, et parut content de la voir aussi peu garnie; il tira son portefeuille.

< Prenez, dit-il, en m'ottrant un billet. M était de emquante MTres, et il ne m'en devait que quinze.


Ja lui dis que jo n'avais pas de MomMMe.

< Je n'ai pas hésita dt atOMHtM; praaatt, ce saa~ voa gagos. Je refusa! d'accuptor plus qu'M M m'~t&it dû. M voulut d'à' bord M'y forcer; pu!a tout à Map, e<MMNM sa rapp~nt quelque chose, il me dit:

< Vous avez raison M vaut mieux qua je ne vous donno paa tout maiBteatmt. Si vous aviez c!aqutmte livres; vous pourriez Mea rester six mois; mais eu V8U& dix. Bst-ea assozt OHi, monsieur, mais voua m'en deve~ encore oinq. A!ora, revaMB les oheroher; ja suis wtpe banquier pour qmMateliwas.

–Mensiear Roeheater, je voudrais vous parler encore d'uno tutre ehosa importante, puisque je le puis tMmtenaat. Et queUe est cette chose? ja suis ourioux de l'appreadM. -Vous m'avez presque dit, monsieur, que vous aUiez bientôt vous marier.

–0m. Eh bien aprèat

Dans ce cas, monsieur, U faudra qu'Adèle aille en pension: jasais convaincue que vous en sentirez vous-même la nécessite.

Pour t'ëteigner du chemin de ma femme, qui, sans cela, pourrait marcher trop impérieusement sur elle. Sans doute, vous avez raison, U faudra mettre Adêle en pension, et vous, vous irez tout droit. au diable! 1

J'espeM que non, monsieur; mais H faudra que je cherche une autre place.

Oui, e s'ëoria-t-ii d'une voix sifflante et en contorsionnant les traita de son visage d'une manière A la fois fantastique et comique. il me regarda quelques minutes. < Et vous demanderez A la vieille Mme Reed ou à ses filles de vous chercher une place, je suppose?

Non, monsieur; mes rapports avec ma tante et mes cousines ne sont pas tels que je puisse leur demander un service. Je me ferai annoncer dans un journal.

Oui, oui; vous monterez au haut d'une pyramide; vous Vous ferez annoncer, sans vous inquiéter du danger que vous courez en agissant ainsi, murmura-t-il. Je voudrais ne vous avoir étonné qu'un louis au lien de dix livres. Rendez-moi neuf livres, Jane, j'ell ai besoin.

Et moi aussi, monsieur, répondis-je en cachant mabourae, -je na nourrais pas un instant me passer de cet argent. –Petite avare, dit-it,quirefusez demenenpr~ter~Bhaten~ rendez-moi cinq MvresMulement. Jane. r

'<#


Pas cinq sc~ellinga, monsieur, pas mCme cinq sous. Donnez-moi seulement votre bourse un instant, que je la reg<t)'do.

Non, monaieM, ja M puis pas me fier à vous.

Janet

Moasie~.

Voulez-vous me premettre ce que je vais vous dcmandert Oui, monsieur, je veux bien voua promettre tout ce que je pourrai tenir.

Eh bien, promettez-moi da no pas vous faire annoncer et de vous en rapporter à me! pour votre position; je vous en trouverai wao avec le tempa.

Je le ferai avec plaisir, monsieur, ai à votre tour vous me pratnettez qa'Adele et moi noas serons hors de la maison etoa aùretë avant que votre femme y entre.

Tres-htea, très-bien, je vous le promets; vous partez demaio, n'est-ce pas? y

Oui, monsieur, demain matin.

Viendrez-vous au salon ce soir après otnert

Non, monsieur; t'ai des preparatifa de voyage a faire. Alors il faut que je vous dise adieu pour quelque temps. Je le pense, monsieur.

Et comment se pratique cette cérémonie de m séparation t Jane, apprenez-le-moi, je ne le sais pas bien.

On se dit adieu, ou bien autre chose si l'on préfère. –Eh bien! dites-le.

Adieu, monsieur Rochester, adieu poar maintenant Et moi, que dois-je dire?

La même chose,si vous voulez, monsieur.

Adieu, mademoiselle Eyre, adieu pour maintenant. Es~oe tout?

Oui.

Cela me semble bien sec et bien peu amical; je préférerais autre chose, rien qu'une petite addition au rite ordinaire; pat exemple, si l'on se donnait une poignée de main. Mais non, cela ne me suffirait pas; ainsi donc, je me contenterai de'dire Adieu, Jane!

C'est assez, monsieur; beaucoupdebonne volonté peutétra renfermée dans un mot dit avec cœur.

C'est vrai; mais ce mot adieu est si froid! 1

< Combien de temps vs fil rester ainsi le dos app'j'yé co"tf« la porte? medemanda~e; car_le moment de~commencerjmea paquets était vem~. 0-'


ta cloche du dïaer sonna ot il sortit tout à coup sans prononeer une syllabe; jo ne lo vis pas pondant te roato de la jOMtx~. et le lendemain je partis avant qu'il fat lovd. J'arrivai & Gateahcad & peu prës à cinq heures du soir, le pr<BM@r du mois do mal.

Je m'arrêtai d'abord devant la loge elle me parut très-propro ettr~s-gentiHe;lcs fenêtres étaient ofaëos de petits rideaux Ntmca; le parquet Mea cire; la grillo, la pelle tt les pincettes reluisaient, et !e feu brillait dans la cheminée; Bessie, aasiae de.vant te foyer, nourrissait son dormer-ae; Robert et sa sosur jouaient tranquHtamont dans un coin.

< Dieu vous Mnisse, ja savais bien que vous viendriez s'écria Mme Lewen 6n me voyant entrer.

Oui, Bessie, répondis-je après ravoir embrassée. J'espère que je no suis pas arrivao trop tard. Comment va Mme Reed? elle vit encore, n'est-ce pas?

Oui, 'jUe vit, et même elle a plus qu'hier le sentiment de ce qui se passe autour d'elle; le médecin dit qu'elle pourra traîner une semaine ou deux; mais il ae pense pas qu'elle guérisse.

A-t-elle parlé de moi dernièrement t

Mle parlait de vous ce matin, et désirait vous voir arriver; mais elle dort maintenant, ou du moins elle dormait il y a dix minutes. Elle est ordinairement plongée dans une sorte de léthargie pendant toute l'après-midi et ne se réveilla que vers six ou sept heures voulez-vous voua reposer ici une heure, mademoiselle ? et alors je monterai avec vous. e

Robert entra à ce moment; Bessie posa son enfant endormi dans un berceau, ann d'aller souhaiter la bienvenue à son mari ¡ ensuite elle me pria de retirer mon chapeau et de prendre un peu de thé, car, disait-elle, j'étais pile et j'avais l'air fatiguée. Je fus heureuse d'accepter son hospitalité, et quand elle me débarrassa de mes vêtements de voyage, je restai aussi tranquNe que lorsqu'elle me déshabillait dans mon enfance.

Le souvenir du passé me revint lorsque je la vis s'agiter autour de moi, apporter son plus beau plateau et ses plus belles porcelaines, couper des tartines, griller des gâteaux pour le thé, et de temps en temps donner une petite tape à Robert ou à sa samr, comme elle le faisait autrefois pour moi; Bessie avait conservé son caractère vif, de même que son pas léger et son joli

~gard.

Quand le thé fut pris, je voulus m'approcher de latable; mais <!lam'<H'donB&de res~r tranquille avec le ton absolu que je


MMnaisaaiaMen; elle voulut ma servir au coin du feu; eneptaea devant moi un petit guéridon avae une tassa et une assiette (ta pain r&ti e'eat ainsi qu'elle m'iaataMait autrofois sur uuo chaiso Qt m'apportait quelques friandises dëroMas pour moi. Je souris et je lui oMia comme jadis.

mie me demanda si j'étais heureuse à Thornnold et quel genre de caractère avait ma maîtresse. Quand je lui dis que je n'avais qu'un maître, elle me demanda s'il était beau et si je l'aimais; je lui répondis qu'il était plutôt laid, mais que c'était un vrai geutteNMm, qu'il me traitait avec honte et que j'étais satisfaite; puis je lui décrivis la joyeuse société qui venait d'arriver au chat<Mm..B88:<ie écoutait tous eesdetaiis avec intérêt c'était justement te genre qui lui plaisait.

Une heure fut bientôt écoulée. Bessiame rendit mon chapeau, et je sortis avec elle de la toge pour me rendre au château; il y avait neuf ans, ello m'avait également accompagnée pour descendre cette aUée que maintenant je remontais.

Par une matinée sombre et pluvieuse du mois de janvier, j'avais quitté cette maison ennemie, la cœur aigri et désespéré, me sentant réprouvée et proscrite, pour me rendre dans la froide retraite de Lowood, si éloignée et si inconnue; ce memetoit ennemi reparaissait à mes yeux; mon avenir était encore douteux et mon ceaur encore souffrant; j'étais toujours une voyageuse sur la terre mais j'avais plus de confiance dans mes forces et moins peur de l'oppression; mes anciennes blessures étaient complètement guéries et mon ressentiment éteint.

a Vous irez d'abord dans la salle & manger, me dit Bessie en marchant devant moi les jeunes dames doivent y être.* s Une minute après, j'étais entrée. Depuis le jour où j'avais été introduite pour la première fois devant M. Brockelhurst, rien n'avait été changé dans cette salle à manger j'aperçus encore devant le foyer le tapis su** lequel je m'étais tenue; jetant un regard vt-rs la bibliothèque, je crus distinguer les deux volumes de Berwick à leur place ordinaire, sur le troisième rayon, et audessus le Voyage <!e GMKtMret les Contes arabes; les objets inanimés n'étaient pas changés, mais il e&t été difncUe de reconnaître les êtres vivants.

Je vis devant moi deux jeunes dames l'une, presque aussi grande que Mlle Ingram, très-mince, à la figure jaune et sévère, avait quelque chose d'ascétique qu'augmentait er.core l'extrême Muplicité de son éttuite iûbe de laine Nuire, de suu col empesé, de ses cheveux Mssés sur les tempes; ennn elle portait pour ton* ornementj~n chapelet d'éh&ne, au bout dugnel pendaitjmcm.Ct.


Nx. Jo compris que c'était Siza, quoique ce viaa~a ttMM~ <? Meoler~ ressemblât bien pou à celui quo j'avaia CMHM. L'autra ~aitbiM cwtaiaemeut GMrgiaua.mMsaoapttala petite Me de onze ans que je me rappelais svolto et mince c'était une jeune Bile très-grasse et dans tout l'éclat de sa beauté; jolie poupée de cire aux traits beaux et réguliers, aux yeux bleus et languissants, aux boucles blondes. Sa robe était noire comme celle de aasaeur, mnia elle en diffdrait singulièrement par la forme; elle 4ta4t ample et eidgante autant rune afaohait le puritanisme, autant rautra aBBem~t le caprice.

Dans ch:«mae dea sœurs il y avait un des traits de la mête. mais un seul l'ntnéo, maigre et pâte, avait les yeux de Mme Roed; la plus joune, nature riche et éblouissante, avait le contour des joues et du menton de sa mère. Chez Georgiana, ces contours étaient plus doux que chez Mme Reed; néanmoins ils donnaient une expression de duretè à toute sa personne, qui, à part cela, était si souple et si voluptueuse.

Lorsque j'entrai, les deux jeunes filles se levèrent pour me sa.tuer; elles m'appelèrent MUe Eyre. Le bonjour d'Eliza fut court tt seo; elle ne me sourit même pas elle .'e rassit, et, nxant les yeux sur le feu, sembla m'oublier. Georgiana, après m'avoir demande comment je me portais, me fit quetques questions sur mon voyage, sur le temps, et d'autres lieux communs semblables sa voix était traînante; elle me jetait de temps en temps un regard de côté pour m'examiner des pieds à la tête, passant des pHs de mon manteau noir à mon chapeau, que ne relevait aucun ornement. Les jeunes filles ont un remarquable talent pour vous montrer qu'elles vous trouvent dépourvue de charme; le dédain du regard, la froideur des manières, la nonchalance de la voix. expriment assez leurs sentiments, sans qu'il leur soit nécessaire de se compromettre par une positive impertinence. Mais un sourire de dédain, soit franc, soit caché, ne me faisait plus la même impression qu'autrefois; lorsque je me trouvai entre mes deux cousines, je fus dtornée de voir combien je supportais facilement la complète indifférence de l'une et l'attention demi-railleuse de l'autre; Eliza ne pouvait me mortifier ni Georgiana me déconcerter. Le fait est que j'avais à penser à autre chose; les sensations qu'elles pouvaient éveiller en moi n'étaient rien auprès des puissantes émotions qui, depuis quelque temps, avaient remué mon âme; j'avais éprouvé des donleara et des joies bien vives auprès de celles qu'auraient excitées les demoisellesReed. Aussi restai-je parfaitement msenNMe à leurl grands aira.


< Comment va Mme Read? demandai-je bientôt on Mgafdm.t tranquillement GeorgiaMa, qui jugea oonvonabio do relever la tête, commf at j'avais pris uao liberté & laquelle eMeaa s'attendait pas.

Mme Reedt aht voua voulez parler de maman; elle vamal; je M penso pas qua vous puissioz la voir aujourd'hui. Je voua serais bien obligée ai vous vouliez monter lui dire que je suis arrivée. t

Georgiana tressaillit, et ouvrit ses grands yeux bleus. < Je sais qu!eue désire beaucoup me voir, ajoutai-je, et je ne voudrais pas la faire attendra plus qu'il a'eat absolument nécessaire.

Maman n'aime pas à être deraBgéele soir, r répondit Bliza. Au bout de quelques minutes, je melevai, je retirai mon ehapeau et mes gants tranquiMemeat et sans y être invitée, puis je dis aux deux jeunes filles que j'allais chercher Bessie qui devait être dans la cuisine, et la prier de N'informer ai Mme Read pouvait me recevoir. Je partis, et ayant trouve Bessie, je lui dis ce que je désirais; ensuite je me mis à prendre des mesures pour mon installation. Jusque-là l'arrogance m'avait toujours rendue craintive; un an auparavant, si j'avais été reçue de cette façon, j'aurais pris la résolution de quitter Gateshead le lendemain même mais maintenant je voyais bien que c'eût eM ag!r follement; j'avais fait un voyage de cent milles pour voir ma tante, et je devais rester avec elle jusqu'à son rétablissement ou sa mort. Quant à l'orgueil et à la folie de ses nilea, je devais ne pas y penser et conserver mon indépendance. Je m'adressai & la femme de charge; je lui demandai de me préparer une chambre, et je lui dis que je resterais probablement une semaine ou deux; je me rendis dans ma chambre, après y avoir fait porter ma malle, et je rencontrai Bessie tur le palier.

« Madame est réveillée, me ditreUe; je l'ai informée de votre ttrrivëe; suivez-moi, et nous verrons si elle vous reconnaîtra. < Je n'avais pas besoin qu'on me montrât le chemin de cette chambre ou jadis j'avais été si souvent appelée, soit pour être châtiée, soit pour être réprimandée; je passai devant Bessie et j'ouvris doucement la porte. Comme la nuit approchait, on avait placé sur la table une lumière voilée par un abat-jour; je vis le grand lit quatre colonnes, les rideaux couleur d'ambre, ~omme autrefois la table de toilette, le fauteaU, le marchepied sur lequel on m'avait tant de fwia feKée s m'agsaoaiHs' pour demander pardon de fautes que je n'avais pu cemmisea. Je jetai les yeuxaaf an certain coin, comptant presque y voir


sadessinerlemineo contour d'uno verge, jadis radouba, qui pendue au mur semblait guetter le moment eu eUo pourrait s'agiter eoMMno un petitlutin et frapper mes mains tremblantes ou mon epu contracté; je tirai les rideaux du lit. et je me penchai sur les oreillers entassés.

Je me rappelais la figure de Mme Reed, et je me mis à chercher dans la lit l'image qui n'était familière. Heureusement que le temps tarit les désirs de vengeance et assoupit la colêre et la haine; lorsque j'avais quitté cette femme, mon cceuf était plein d'aversion et d'amertume, et maintenant que je revenais vers elle, je ne sentais en moi que de la pitié pour ses grandes souffrances, le désir da pardonner toutes les injures, de ma réconcilier avec elle et de presser amicalement ses mains.

Mme Reed avait toujours le même visage sombre et impitoyaMe' je revis ces yeux que rien ne pouvait adoucir, ces sourcils a arqués, impérieux et despotiques. Que de fois, en me regardant, ils avaient exprimé la menace et la haine t et, en la contemplant je me rappelai les terreurs et les tristesses de mon enfance; pourtant, me baissant vers elle, je l'embrassai; elle me regarda < Est-ce Jane Eyre? demanda t-elle.

Oui, ma tante; comment êtes-vous, chère tante ? a »

Autrefois j'avais juré de ne jamais l'appeler ma tante; mais je pensais maintenant qu'il n'y avait rien de mal à enfreindre ce serment. J'avais pris sa main qui pendait hors du lit, et si à ce moment elle eût affectueusement pressé la mienne, j'en anrais été heureuse; mais les natures froides ne sont pas si facilement adoucies, ni les antipathies naturelles si vite détruites: Mme Reed retira sa main, et, éloignant son visage de moi, elle dit que la nuit était bien chaude. Elle me regarda froidement: & ce regard, je compris aussitôt que son opinion sur moi et ses sentiments à mon égard- n'étaient pas changés et ne changeraient jamais. Je vis dans ses yeux de pierre, inaccessibles à la tendresse et aux larmes, qu'elle était décidée & me considérer toujours comme ce qu'il y avait de plus mauvais; elle n'aurait éprouvé aucun généreux plaisir à me croire bonne; elle en eut même été profondément mortinée.

Je sentis d'abord de la tristesse, puis de la colère; enfin, je résolus de la dominer en dépit de sa nature et de sa volonté Les larmes m'étaient venues aux yeux, comme d~ns mon enfance; je m'efforçai de les retenir; j'approchai une.chaise du lit; je –m'assis et je me penchai vers le traversin

< Vous m'avez envoyé cnercher, dis-je; je suis venue, et j'ai l'intention dejfes~rjeunsqu'a. ce que vpns spvez mMux.


–Oh sans doute. Veaa avez vu mes Nlles, a'eat-ee paa?

–Ou!.

Rh bien, dites-leur que je d6su'a vous voir rester jusqu'à ce que je vous aie dit quelque chose qui me pèse; aujourd'hui il est trop tard; d'ailleurs, je ne ma rappelle plus bien ce que c'est.

Elle était très-agitée; elle voulut ramener les couvertures sur elle mais elle ne le put pas, parce qua mon bras était appuyé sur un dos coins du couvre-pieds aussitôt elle se fâcha «Levez-vous t dit-elle; vous m'enmiyez à tenir ainsi les cou.vertures. Etes-vous Jane Eyre? J'ai eu avec cette enfant plus d'ennuis qu'on ne pourrait le croire. Quel fardeau! Que de trouMes eUe m'a oausés chaque jour avec son caractère incompréhensible, ses colères subites, son continuel examen de tous vos mouvements 1 Un jour elle m'a parlé comme une folle ou plutôt comme un démon; jamais enfant n'a parlé ni regardé comme elle; j'ai été bien heureuse lorsqu'elle a quitté la maison. Qu'ont-ils fait d'elle à Lewood? La Sevré y a éclaté beaucoup d'élèves sont mortes, mais pas elle, et pourtant j'ai dit qu'elle était morte; je le souhaitais tant ) 1

Etrange désir, madame Reed Pourquoi la haïssiez-vous? P J'ai toujours détesté sa mère elle était la sœur unique de mon mari qui l'aimait tendrement; il se mit en opposition avec sa famille quand celle-ci voulut renier la mère de Jane à cause de son mariage, et lorsqu'il apprit sa mort, il pleura amèrement. Il envoya chercher l'enfant, bien que je lui conseillasse de la mettre plutôt en nourrice et de payer pour son entretien; dès le premier jour où j'aperçus cette petite créature chétive et pleureuse, je la détestai elle se plaignait toute la nuit dans son berceau; au lieu de crier franchement comme les autres enfants, on ne l'entendait jamais que sangloter et gémir. M. Reed avait pitié d'elle; il la soignait et la berçait comme ses propres enfants, et même jamais il ne s'était autant occupé d'eux dans leur première enfance; il essaya de rendre mes enfants affectueux envers la petite mendiante; les pauvres petits ne purent pas la supporter. M. Reed se fâchait contre eux lorsqu'ils montraient leur peu de sympathie pour Jane dans sa dernière maladie, il voulut avoir l'enfant constamment près de lui, et, une heure avant sa mort, il me fit jurer de la garder avec moi. J'aurais autant aimé être chargée de la Me d'un oavrie? des manufactures. Mais M. Reed était faible très-faible; John ne ressemble pas à son père, et j'en suis heureuse; il me ressemble, et âmes trères aussi: c'est un vrai GibsoD Oh! je voudrais qu'il cessa


do mo tommaa~r avae aea demandes d'argaat; je ~i plu8 rien a lui donner; nous devenons pauvres. M faudra renvoyer ta moitM dos domestiques et fermer une partie de !a maison ou la quitter; ja ne m'y déciderai jamais; cependant, comment faire' Les deux tiers de mon revenu sont employés & payer des intérêts d'hypotMques; John joue beaucoup et perd toujeura, pauvre garson 1 il est enteurë d'escfoca; il est abattu, son regard est ctfrayant; quand je la vois ainsi, j'ai honte pour lui. a~

MMMÏ~eda'extdtMtdaptaaMph's.

c Je pense que nous forions mieux de la quitter, dis-je & Besaie, qui se tenait de l'autre eoM du Mt.

Je le crois, mademoiselle; 11 lui arrive souvent de parier ainsi quand la nuit approche; te matin eUe est plus ca!me. à

Je me levai.

c Attendez, s'ëoria Mhne Reed; je voulais encore vous dire autre ohose; il me menace continuellement de me tuer en de se tuer lui-même; quetqneîois, dans mes rêves, je le vois ëteada & terre, avec une large blessure au cou ou ia figure noire ou enflée; je suis dans un singulier état; je me sans bien troublée. Que faire? Comment me procurer de l'argent?

Bessie s'cubr~ de lui faire prendre un calmant; elle y parvint difneilement. Bientôt après, Mme Reed devint plus calme et tomba dans une sorte d'assoupissement; je la quittai. Plus de dix jours s'écoulèrent sans que j'eusse de nouvelles conversations avec elle; elle était toujours, soit dans le délire soit dans un sommeil léthargique, et le médecin défendait tout ce qui pouvait lui produire une impression douloureuse. Pendant ce temps, j'essayai de vivre en aussi bonne intelligence que possible avec Eliza et Georgiaua. Dans le commencement, elles furent très-froides; Eliza passait la moitié de la journée à lire, à écrire et à coudre, et c'est à peine si elle adressait une seule parole à moi ou à sa soeur. Georgiana murmurait desphra. ses sans signification à son serin pendant des heures entières, et ne faisait pas attention à moi mais j'étais résolue à m'occuper et à m'amuser j'y parvins facilement, car j'avais apporté de quoi peindre.

Munie de mes crayona et de mon papier, j'allais m'asseoir seule près de la fenêtre, et je me mettais àreproduire les scènes qui passaient sans cesse dans mon imagination w bras de 'me? entre deux rochers, le lever de la lune éclairant un bateau, des roseau et des glaïeuls d'oc sort la tête d'une natadeeo~-


Mtmee de lotus, ou, onfin un eMf suis dans le nid d'un mo~ naaa sous une aubépine en Noura.

Un jour je me mis à dessiner uno figure, quelle Bgu~e pou m'ttapOFtait; ja pris un crayon noir t~a-dotM etja coMMOH~fti mon tr&vail. J'eus bientôt tracé aur la papier un front large et proéminent, une figure carrée par le baa; je me bâtai d'y placet les traits; ce front demandait des aottfcHs bien dessinds, puts mon otayon indiqua naturellement les contours d'un nez droit et aux larges narines d'une bouche BexiMe et qui n'avait rien de bas, d'un menton forma et séparé au milieu par une ligne fortement indiquée; il manquait encore des moustaches noires et quelques tounes de cheveux flottant sur les tempes et sur le front. Maintenant aux yeux~ Je tes avais gardés pour !a fin, parce que c'étaient eux qui demandaient le plus de soin. Je les os beaux ~t bien fondus, tes paupières longues et sombres, les pruneMes grandes et lumineuses. C'est bien, me dis-je en regardant FensemNe, mais ce n'est pas encore tout a fait cela; il faut plus de force et plus de Oamme dans le regard, t Je rendis les ombres plus noires encore, ann que la lumière brillat avec plus de vivacité; un ou deux coups de crayon achevèrent mon oeuvre. J'avais sous les yeux le visage d'un ami peu m'importait si ces jeunes filles me tournaient le dos; je regardais le portrait, et je souriais devant cette frappante ressemblance. J'étais absorbée ot heureuse.

c Est-ce le portrait de quelqu'un que vous connaissez?* demanda Eliza, qui s'était approchée de moi sans que je m'en fusse aperçue.

Je répondis que c'était une tête de fantaisie, et je me hâtai de la placer avec mes autres dessins. Sans doute je mentais, car c'était le portrait frappant de M. Rochester; mais que lui importait, a elle ou à tout autre? En ce moment, Georgiana s'avança également pour regarder <nes autres dessins lui plurent beaucoup; mais, quant à la tête, elle la déclara laide. Toutes deux semblaient étonnées de ce que je savais en dessin. le leur onris de faire leurs portraits, et chacune posa à son tour pour une esquisse au crayon. Georgiana m'apporta son album, où je promis de mettre une petite aquarelle. Je la vis reprendre aussitôt sa bonne humeur; elle me proposa une promenade dans les champs. Nous étions sorties depuis deux heures à peine que déjà nous étions plongées dans une conversation confidentielle; elle m'avait fait l'honneur de me parler du brillant hiver passé aLeadrosdoax aassapsrsvaat, de l'admiration excitée par elle, des Mma dent eUe éMt l'objet eUe me laiaaa même entrevou


la grande conque qu'elle avait faite Dans l'après-midi et la soMaj'ea appris encore davantage @Mo me rapporta quelques douces convt'r~tiona, quelques ae&nes aantimeu~les; anSu cita improvisa pour Moi on eo ~our tout un t'oman de la vie eMgante. Sas eomttUMMcutiona as reaouvelaioat et roulaient toujours aur ta m~motMme elle, sos amours et ses charrias; pas une seule fois elle Ro parla de la maladie da sa m~re, de la mort do son MFe ou du triste avenir de !a famille eUa semblait tout abaopMe par le souvenir de son joyeux passe et par ses aapM'a* tions vara do nouveaux plaisirs c'est tout au plus si elle passait cinq minutes chaque jour dans la chftmbM de sa mère malade.

Eliza continuait & pou parler; évidemment elle n'avait pas ie temps de cMsep; jo n'ai jamais vu pûMonne aussi occupé qu'elle semblait l'être, et pourtant il dtait difCoHe da dire ce qa'eMe faisait, ou du moins de voir les résultats de son activité. Elle se levait toujours trës-t&t, et je ne sais à quoi elle employait son temps avant le déjeuner; mais après, ette la divisait en portions rëguMerea, et chaque heure différente amenait un travail différent. Trois fois par jour elle étudiait un petit volume en l'examinant, je reconnus que c'était un livre de prières catholiques. Un jour, je lui demandai quel attrait elle pouvait trouver dans ce livre; elle me répondit ces seuls mots La rubrique. Elle passait trois heures par jour à broder avec un 61 d'or un morceau de drap rouge presque de la grandeur d'un tapis en réponse à mes questions sur ce sujet, elle m'apprit que cet ouvrage était destiné à recouvrir l'autel d'une église nouvellement bâtie prés de Gateshead. Elle consacrait deux heures à son journal, deux autres à travailler seule dans le jardin de la cuisine, et une à régler ses comptes. Elle paraissait n'avoir besoin ni de conversation ni de société; je crois qu'elle était heureuse & sa manière; la routine lui suffisait, et elle était vivement contrariée lorsqu'un accident quelconque la forçait à rompre son invariable régularité.

Un soir, plus communicative qu'à l'ordinaire, elle me dit avoir été profondément afaigée par la conduite de John et la ruine qui menaçait sa famille; mais elle ajouta que maintenant sa résolution était prise, qu'elle avait mis sa fortune à l'abri; après la mort de sa mère (et elle remarquait en passant que la malade ne pouvait pas recouvrer la santé, ni même traîner longtemps), après la mort de sa mère donc, elle devait mettre à exécntioB un projet dès longtemps chéri elle devait chercher

un tefuge eu rien ne troublerait !a ponctualité de ses hf~t~udea


axe retraite qui servit de barrière en~ elle et te monde frivole. Jfo lui demandai ai Gaorgiaoa l'aecoMtpagMfrait. ~rtsiMMMeMt N<M<. StiOfgiana et oM~ M'avaiout jtu*MM eu t!t n'avaient encore rien do commun; pour aueumo mison, ello n aurait voulu supporter l'ennui do sa compagnie; Georgiana devait suivre sa routo et E!i!ia la sienne.

Le temps que Gaorgiaua ne passait pas à m'ouvrir son cour, eUe restait étendue sur un se<a, & déplorer la tristesse qui r~gaaH dans la maison et & désirer qM sa tante Gibson lui envoyalt une invitation pour aller à la ville. < U vaudrait bien mieux pour moi, disait-elle, passof un ou deux mois hors d'ioi jusqu'à ce quo tout fat Nni. Je ne lui demandai pas ceqa'ene voulait dire par cas mots; mais je penso qu'elle faisait allusion à la mort proohaine de sa mère et au service funèbre. Eliza ne s'inquiétait g~Mëra~meat pas plus des plaintes et de l'indolence de sa sœur que si eUe m'eût pas existe. Un jour cependant, après avoir achevé ses comptas et pria aa broderie eUe interpella sa saaur delà maniera suivante

< Georgiana, certainement jamais animal plus vain et plus absurde que voua m'a eu permission d'embarrasser la terre; vous n'aviez aucune raison pour naître, car vous ne vous servez pas de la vie. Au lieu de vivre pour vous, en vous et avec vous, comme devrait le faire toute créature raisonnable, vous ne cherchez qu'à appuyer votre faiblesse sur la force de quelque autre; si personne ne veut se charger d'une créature lourde, impuissante et inutile, vous criez que vous êtes maltraitée, négligée et misérable; l'existence pour. vous doit être sans cesse variée et remplie de plaisirs, sans cela vous trouvez que le monde est une prison; il faut que vous soyez admirée, courtisée, nattée; vous avez besoin de musique, de danse et de monde, ou bien vous devenez languissantel N'etes-vous pas capable d'adopter un système qui rendrait impuissants les efforts de la volonté des autres? Prenez une journée, divisez-la en plusieurs parties, appropriez un travail quelconque à chacune de ces parties, n'ayez pas un quart d'heure, dix minutes, cinq minutes même qui ne soient employées; que chaque chose soit faite à son tour, avec méthode et régularité, et vous arriverez à la fin de la journée sans vous en apercevoir; vous ne serez redevable à per sonne de vous avoir aidée à passer le temps, vous n'aurez demandé à personne sa compagnie, sa conversation ou sa sympathie; en un mot, vous aurez vécu comme devrait vivre tout être indépendant! Ecoutez ce conseil, le premier et le dernier que vous recevrez jamais de. mot, et, alors, quoi qu'il arrive. ï


vous n'auMB pas plus heaeta de moi qua d'auean autre. S! voua te négligez, oh bien voua continuerez à vous pMndM, à tra!ner partout votre !adeleaeo et à subir les r~ult&ta do votra attt' pMM, quelquo tristes et iaanppertaMes qu'ils puissent etra. Jfe vais vous parler tranchentaat; ce que j'ai à voua dira, je ne le répéterai plua, mais j'agirai on eoMséqueaco après la mort de ma mère, je ae m'iaqai6te plus de vous; du jour o& son cercueil aura été transporté dans les caveaux de Gateshead, vous et moi serons aussi s~paf~as que si nous ne nous ëttens jamais connues. N'aMez pas croire que, parco quo le hasard nous a fait nattre des mêmes parents, je voua taisse~m'eaobataer, m~me par le lien le plus faible t Voici ce que je vous dis si toute l'humaaM venait & dispnraltro de la awface du globe, excepta Boaa, ai nous Mstiona seules sur la terra, je vous abandonnerais dans te vieux monde, et je m'ea iMaa veM la terre noaveUe. Biza cessa de parler.

< Voua auriez pu vous épargner la peine de débiter cette tirado, répondit Georgiana; tout le monde sait que vous ô~ata créature la plus égoïste et la plus dépourvue de cœwr qui existe. Vous me haïssez, j'ea ai eu une preuve dans le tour que vous m'avez joué à propos de lord Edwim Vire; voua ne pouviez pas vous habituera l'idée que je serais au-dessus de vous, que j'aurais un titre, que je serais rogue dans des salons où vous n'oseriez pas seulement vous montrer aussi vous avez agi en espion et en traître, et vous avez détruit mes projets pour jamais. Georgiana prit son mouchoir et se moucha pendant une heure environ; Eliza demeura froide, impassible et assidue. H y a des gens qui font peu de cas d'une tendresse véritable et généreuse. J'avais sous les yeux deux natures chez lesquelles ce sentiment n'existait pas l'âne avait une intotéraMe amertume, l'autre manquait de saveur. La tendresse sans la raison constitue un caractère faible et impuissant, mais la raison sans la tendresse rend l'âme aigre et rude.

Le temps était humide et le vent sifflait. Georgiana s'était endormie sur le sofa en lisant un roman; Eliza était allée entendre un service & la nouvelle église, car elle était sévère pour ce qui concernait la religion; aucun temps ne pouvait empêcher le ponctuel accomplissement de ce qu'elle regardait comme ses devoirs religieux; par la pluie ou le soleil, elle se rendait trois fois a l'église le dimanche, et, dans la semaine, toutes les fois qu'il jf avait des prières.

J'eus alors l'idée d'aller voir l'état Je la pauvre femme, qal était à peine soignée les domestiaaea N'jmamétaiemt pau d'eMe:


garda, a'~tast pas aurvoi!!éa, a'aohappait do la chambre dès qtt'eMe le pouvait; Bessie dtait Mêle, mals eMo avait & a'oc. Qupor de a~ famine, et M HMM~it au chateau quo de temps, ea temps. Au moment oui j'entrai dans la chambre, ja a'y via personne la garde n'y était paa. La malade était ooucMa tranquillement et semblait toujoura plongée dana sa léthargie; sa Qgura livide ëtait enfoncée dans ses oreittera; le fou a'ëteigaatt, je te ranimai, t'arMageai les drapa, ja regardai un instant oeUo qui ne pouvait plus me voir, puis ~e me dirigeai vers la fenêtre. La pluie battait contre les vitres, et te vent soufflait imp<.tueusement; ja ponsai en moi-mOme < Sur 09 lit est couchd quelqu'un qui bientôt ne sera ptus an milieu de la guerre tîes ëMments oet esprit qui maintenant latto contro la matière, o& ira-t-il, îeraqu'H sera enNa dOUvrë? » s

En sondant ce grand mystère, ie souvenir d'H<Hëne Burns mo revint; je me rappetai ses dernières paroles, sa foi, sa dootrine aur l'ëgaJiM dea âmes une fois délivrées du corps; ma pensée écoutait cette voix dont je me souvenais si bien; je voyais encore cette Cgure pAle, mourante et divine, ce regard sublime, lorsque, couchée sur son lit de mort, elle aspirait à retourner dans le aein de son père céleste. Tout à coup une voix faible, partie du lit, murmura

<QuiesMaT* »

Je savais que Mme Reed m'avait pas parM depuis plusieurs jours. Allait-elle revenir & ia santé? Je m'approchai d'elle. < C'est moi, ma tante, di~je.

Qui, moi? repandit-eHe; qui êtes-vous ?e Puis elle nxa sur moi un regard surpris, atarmé, mais pas complétement égare. e Je ne vous connais pas; ou est Bessiet

Elle est à la toge, ma tante.

Ma tante, repeta-t-eHe; qui m'appela tante Vous n'êtes pas une Gibson, et pourtant je vous connais; cette figure, ces yeux, ce front me sont familiers; vous ressemblez. mais vous ressemblez & Jane Eyre! e

Je ne repondis rien; j'avais peur de lui faire mal en lui disant qui j'étais.

< Oui, dit'elle, je crains que ce ne soit une erreur; je me trompe; je désirais voir Jane Eyre, et je me figure une ressemblance H e& il n'en existe pas; d'ailleurs, en huit années, elle doit avoir changé.

Je l'assurai doucement que j'étais bien ceUe qu'elle avait cm Meonnaîtra et qu'elle désirait voir; m'apercevant qu'elle me <empreMit et qu'elle avait entiem eenmissance. je lui e~iqaai


cotHMMmt le man de Bessie était venu me eherehw & ThornHcM.

e- Oui, jo sa!~ quo ja ams tres-Mtiditdf, ruprit-elle au bout do peu da tomps. M y a quelques instants, j'ai voulu me tourner, et ~e.n'a~ pas pu remuer un seul membre; il vaut miaux quo ja délivre mon esprit avant de mourir; dans l'état au je suis on trouve lourd ce qui semble léger lorsqu'on se poïta Mea. La garde est-oMo ici? ou bien ~tes-vous seule dans la chambrât < Jo l'ussurai que j'dtais seule.

c Eh Meut dit-elle, je vous ai nui deux fois et je le regrette Maiato<Mut ta première, e& n'accomplissant pas la promesse quo j'avais faite & <aa&mwi do vous tHovorcomMM mes enfants; yaMtrf. B EMe s'arrêta, tf Aprés tout, eda n'a peMMtro pas beaucoup d'i~partance, murmura-t-cHe, et puis jo peux gNérir il est si pénible do m'humilier ainsi devant elle 1 o Elle fit un eNort pour changer de position, mais no put pas; sa figure s'aMra et sembla exprimer une douleur intérieure, peut-être quelque trouble précurseur de l'agonie.

a Allons, iUe faut bien, dit-eHe, reterniM est devant moi; je ferai mieux de le lui dire. Ouvrez ma toilette, ajeuta~t'eUe, et apportez la lettre que vous y verrez. <

Je lui obéis.

c Lisez-la maintenant, dit-elle.

Elle était courte et ainsi conçue

c Madame, voudriez-vous avoir la bonté de m'envoyer l'adresse de ma nièce Jane Eyre, et de me dire comment elle se porte. Mon intention est d'écrire brièvement et mon désir de la faire venir à Madère. La Providence a béni mes efforts, j'ai pu amasser quelque chose; je n'ai ni femme ni enfant; je veux l'adopter pendant ma vie et lui laisser à ma mort tout ce que je possède. ·

c Je suis, madame, etc.

< JOHN EYRE. Madère. »

La lettre était datée de trois ans auparavant.

< Pourquoi n ai-je jamais entendu parler de cela t demaodai-je.

Fa~ce que je vous détestais trop profondément pour prêter la main à votre élévation et & votre prospérité je ne pouvais pas oublier votre conduite à mon égard, Jane, ~a fureur avec laquelle vous vous êtes une fois tournée contre moi, le ton avec Isqael vous m'aviez déclaré que vous me détestiez plus que personne au monde, votre regard qui n'avait rien d'un enfant, votre voix lorsque veasm'ay~z aas~o~e ma pensée sea~voua

T~


rendait malade, et que ~a vous ai traiMa aveu emauM; ja ne po~wia paa euMier mes propres aansatioas, lorsque vous vous étiez levée et que vous aviez jeté sur moi la venin de vatra caprit; j'étais aussi eftrayée alors que si un animal poussé ou frappé par moi se fut mis à me regarder avec les yeux d'im homme, et m'eût maudite avec une voix humaine. Apportez-moi da l'ean, oht dépêehex-vouat 1

Chère madame Reed, lui dis-je en lui oSrant ce qa'eMo me demandait, ae pensez plus à teutpt ces choses, offacoz-ies do votre souvenir; pardonnez-moi mon langage passione~; j'dtais one enfant alors, huit, neuf années se sont ëeoaMes depuis ce jour. a

Et!e uo Bt pas MUontioM à ce quo jo disais: mais lersqa'oMa out bu et Mpris haleine, elle coBtinua ainsi

< Je vous dis que je ne pouvais pas oublier, et je me vengeai; je ne pouvais pas accepter do vous voir adoptée par votre oncle et vivant dans l'aisance. Je lui écrivis, je lui dis que j'étais désolde que ses projets ne pussent pas s'accomplir, mais que Jane Eyre était morte du typhus & Loweod! Maintenant faites ce que vous voudrez, écrivez pour contredire mon assertion, exposez mon mensonge, dites tout ce qu'il vous plaira. Je crois que vous êtes née pour être mon tourment; ma dernière heure est empoisonnée par le souvenir d'une faute que sans vous je n'aurais jamais été tentée de commettre.

Si vous pouviez ne plus y penser, ma tante, et me regarder avec tendresse et indulgence! 1

Vous avez une mauvaise nature, me dit-elle, une nature qu'il m'a eM impossible de comprendre jusqu'à ce jour. Comment, pendant neuf ans, avez-vous pu être patiente, et accepter tous les traitements, et pourquoi, la dixième année, avez-vous laisse éclater votre violence? voilà ce que je n'ai jamais compris. Je ne pense pas que ma nature soit mauvaise, repris-je; je suis peut-être violente, mais non pas vindicative; bien des fois, dans mon enfance, j'aurais été heureuse de vous aimer, si vous l'aviez voulu, et maintenant je désire vivement me réconcilier avec vous. Embrassez-moi, ma tante. »

J'approchai ma joue de ses lèvres, mais elle ne la toucha pas elle me dit que je l'oppressais en me penchant sur son lit, et me redemanda de l'eau; lorsque je la recouchai, car je l'avais soulevée avec mon bras pendant qu'elle buvait, je pris dans mes mains ses mains troides; mais ses faibles doigts essayèrent de m'échapper, ses yeux vitreux évitèrent les miens.

< Eh bien t dis.je ennn, aimes-moi ou haïassez-moi, en tout


cas vous avez mon plein et libre pardon; demandez eotat de Dlou et soyez an paix.

Pau~M ~Mtt!~ taaladet il était trop tmd désormMspo'M changar son âme vivante, elle m'avait haïe; mewante, eU« devait me hatr encore.

La garde entfft, suivio de Besaio; je Featai encore tMe demibeuro, espérant découvrir chez Mme Reed quelque marque d'affection; taais elle n'en donna aucune, elle était retombée dana san engourdissement; eUe ne MooMvra pas ses esprits, eMa mourut la nuit même, h minuit; je n'étais pas !& pour ~i fermer les yeux, et ses M!es non plus. La lendemain, on vint noua avertir quo tout était fini. EHza et moi nous aMames pour la voir. Gcorgiann, en apprenant eoMc aeuveMe, sa mit sangloter tout haut, et dit qu'eMe n'osait pas venir avec nous. Sarah Reed, jadis robuste, active, rigide et calme, était étendue sur son lit de mort; ses yeux de bronze étaient recouverts par leurs froides paupières; son front et ses traits vigoureux portaient encore l'empreinte de son âme inexorable. Ce cadavre était pour moi un objet étrange et solennel; j'y jetai un regard sombre et triste; il n'inspirait aucun doux sentiment d'espérance, de pitie ou de résignation. Je sentis une poignante angoisse, a cause de ses douleurs, non pas de ma perte, et une sombre terreur devant la mort contemplée sous cette forme effrayante.

Etiza regarda sa mère avec calme, puis elle dit, après un silence de quelques minutes

< Avec sa constitution elle aurait dû vivre longtemps; le" chagrins l'ont tuée. e

La bouche d'EHz& fut un instant contractée par un spasme léger; puis eUe quitta la chambre, et je la suivis. Personne n'avait versé une larme.

CHAPITRE XXn.

M. Rochester ne m'avait accordé qu'une semaine, et pourtant je ne quittai Gateshead qu'au bout d'un mois. Je voulais partir immédiatement après les funérailles; mais Georgiana me pria de rester jusqu'à son départ pour Londres car elle venait enmn d'être invitée par son oncle, M. Gibson, qui était venu assister à l'enterrement de MB'e Reedjet régler les aSMres Ae famille.


Georgiaaa disait qu'ello craignait do t~sto* aaa!e aveo aa sour, 1 car eMe me pouvait trouver prëa d'eHe ni sympathie pour ses tristassoa ni soutien pour ses terMura; elle ne voudrait mCme pas l'aider dans saa préparatifs. Je fus doao obligée da supporter aussi bien que possible les plaintes et les lameatatiûNs da eat esprit faible, et je fis de mon mieux pour coudre etambaUof ses toilettes. Il est vrai que, pendant que jo travaillais, elle se reposait, et je pensais en moi-même < S: nous étions deatiaëas à vivra ensemble, ma couaine, nous commencerions les choses dMMremment; je no m'aoeommoaarais pas de tout supporter ainsi; je vous laisserais votre part de travail, et si vous ne la faisiez pas, eh bien, paMOMe n'y toucherait; je vous demanderais aussi de garder pour vous quelques-unes de ces plaintes à moitié sitM&res; mais comme aos rapports doivent être trèscourts et ont commence sous de tristes auspices, je consena a être facile et patiente.

EnBa Georgiaaa partit; ce fut alors Eliza qui me pria de rester encore une semaine; ses plans, disait-elle, demandaient tout son temps et toute son attention; eUe devait se rendre dans un pays inconnu. Elle s'enfermait dans sa chambre, et y restait toute la journée à remplir des malles, à vider des tiroirs et à brûler des papiers elle n'avait de communication avec personne; elle me demanda de surveiller la maison, de recevoir les visites et de répondre aux lettres de condoléance.

Un matin, elle me dit que j'étais libre, et elle ajouta < Je vous remercie de vos services et de votre conduite discrète tiy a une grande diuérence entre vivre avec quelqu'un comme vous ou avec Georgiana; vous accomplissez votre tâche dans la vie et vous n'êtes à charge & personne. Demain, continua-t-eUe, je pars pour le continent; j'irai m'installer dans une maison religieuse, près de Lille; un couvent, comme vous diriez. Là, je serai tranquille; pendant quelque temps, j'étudierai le dogme catholique et j'examinerai soigneusement ce système religieux; si, comme je le crois, il est combiné pour que toute chose soit faite décemment et en ordre, j'accepterai les lois de Rome et je prendrai probablement le voile.

Je n'exprimai aucune surprise, lorsqu'elle m'apprit sa résolution, et je n'essayai nullement de la dissuader. a Voilà qui vous convient parfaitement, pensai-je au contraire; Dieu veuille que cela vous fasse du bien «

Qusnd nous B"us s~parSmcs, elle me dit

< Adieu, coueine Jane; je vous souhaite du bonheur; vous avez vasablement de bon sons.


Vous n'en manquez pas non plus. Eliza, lui répondis-je, mais je pense qu'avant uno ann~e votre bon sens sera enferme dans les murs d'un couvent français. Cu resta, cos choses no me regardent pas, et, si cela vous oonvient, pou m'importe. Vous avez raison, e reprit-elle; et chacune de nous prit une route différente.

Comme je n'aurai plus occasion do parler ni d'elle ni de sa sœur, j'avertirai tout do suite h lecteur que Georgiana épousa un vieux noble très-riche et qu'Eliza prit le voile; eUe est maintenant suprieure du couvent o& eut lieu son noviciat, et qu'elle dota de sa fortune.

Je ne connaissais pas encore les sensations qu'on éprouve en retournant chez soi après une absence. Je savais ce que j'avais éprouvé dans mon enfance quand je rentrais à Gateshead après une longue promenade, pour y être grondée, & cause de ma mine froide et triste; plus tard, lorsque je revenais de l'église, à Lowood, je désirais un repas nourrissant et un bon feu, et je ne pouvais avoir ni l'un ni l'autre: les retours n'avaient rien de trés~grëaMe je n'étais pas attirée vers ma demeure par un de ces aimants dont la force attractive augmente à mesure que l'objet approche je ne savais pas encore l'effet que devait me produire le retour à Thornueld.

Mon voyage me sembla très-ennuyeux tl fallait faire cinquante milles le premier jour, autant le second, et passer une nuit & l'Mtel. Pendant les douzes premières heures, je pensai aux derniers moments de Mme Reed; je voyais sa figure pâle et décomposée j'entendais sa voix altérée je me rappelais le jour des funérailles, le cercueil, le corbillard, la longue file des fermiers et des serviteurs, le petit nombre de parents, les caveaux lugubres, l'église silencieuse, le service solennel. Puis, je songeai àEliza et à Georgiana; je voyais l'une s'étalant dans un bal, l'autre enfermée dans la cellule d'un couvent, et je méditais en moi-même les particularités de leurs personnes et de leurs caractères. Le soir, j'arrivai à la ville de. Mes pensées s'évanouirent, et, pendant la nuit, mon imagination se reporta sur tout autre chose; étendue sur mon lit de voyage, j'oubliai le passf pour songer à l'avenir.

Je retournais à Thornneid, mais pour combien de temps! f j'étais persuadée que mon séjour n'y serait pas long. J'avais reçu une lettre de Mme Fairfax. Elle m'apprenait que les invités de M. Rochester venaient de quitt-er le château; 14. Rochester éhtH à Londres depuis trois semaines, mais il devait revenir dans une quinzaine de jours; Mme Fairfax ma disait qu'il éta~t a~j~re


des préparatifs pour son mariage, et qu'il avait parld d'acheter uaa voiture neuve. Elle ajoutait que ce mariage avec Mlle Ingram lui paraissait toujours bien étrange mais que, d'âpres ce qu'elle entendait dire et ce qu'elle voyait elle-même, elle ne pouvait plus douter que la cérémonie ne d&t être prochaine. < Ce serait bien de l'incrédulité que de no pas croire encore, me disais-je tout bas; non, je suis persuadée maintenant, t Et alors je me demandais ou j'irais; je rêvai à Mlle Ingram toute la nuit; dans un de mes rêves, je la vis me fermer les portes de Thernueld et me montrer la grande route; M. Rochester la regardait les bras croises, et promenait sur nous deux son sourire sardonique.

Jo n'avais pas écrit à Mme Fairfax le jour de mon arrivée, parce que je ne désirais pas qu'on envoyât une voiture pour moi à Milicote; j'avais l'intention de faire tranquillement ce petit trajet, et, après avoir laissé ma malle aux soins de l'hôtelier, je quittai l'auberge de George & six heures du soir, et je pris le chemin qui conduisait à Thornneld. La route faisait en partie %u milieu des champs et était peu fréquentée.

C'était par une soirée d'été douce et belle, mais non pas brillante et splendide. Les faucheurs travaillaient encore, et le ciel, bien que chargé de quelques nuages, promettait un beau temps; le bleu du ciel était doux et pur dans les endroits où il se laissait voir les naages étaient légers et hauts; l'occident, d'une teinte chaude, n'était traversé par aucune lueur humide; on eût dit un foyer allumé, un autel embrasé derrière ces vapeurs marbrées, et, à travers les fentes, on apercevait des rayons d'un rouge doré.

Je me sentais heureuse de voir le chemin s'abréger devant moi, si heureuse que je m'arrêtai pour me demander ce que signifiait ette joie, et pour me répéter que je ne retournais pas chez moi, ni dans un endroit ou je dusse toujours rester, ni dans un lieu où je serais attendue par d'affectueux amis. <Mme Fairfax, me disais-je, me souhaitera tranquillement la bienvenue, la petite Adèle battra des mains et sautera de joie en me voyant; mais je pense à un autre qui ne pense pas à moi. Il Cependant rier\ n'est plus entêté que la jeunesse, plus aveugle que l'inexpérience, et toutes deux affirmaient qu'avoir le privilége de regarder M. Rochester, quand même il ne ferait pas attention moi, c'était déjà un bonheur assez grand; puis elles ajoutaient <Dépeche&.vous, dépêchez-vous; tâchez d'être avec lui pendant que vous le pouvez; encore quelques jours, ou tout au plus quelques semaines, et voas~erez séparée de lui peur jamais! < Alors


j~teuiMs QM MttveMe agonie une neasea que je ne pouvais et avauor ni entretenir en moi.

On faisait aussi les foins dans les prairies de Themneld, «a plutôttes paysans retournaient chez aux, h} râteau sur t'épaule, au moment 06 j'arrivais; il ne me restait plus qu'un ou deuxchamps etla route à traverser avant d'atteindre tes portes du cMteau les buissons étaient pleins de roses, mais je n'avais pas te temps d'eu cueillir, je désirais être arrivée. Je passai devant un grand églantier qui avançait ses branches Seuries jusqu'au milieu du sentier; j'aperçus la barrière étroite et les marches de pierre. M. Roohoster était assis là, un livre et un crayon & la main; tt écrivait. Ce n'était pas un fantôme, et pourtant je me sentis faiblir un instant; pendant une minute, je ne fus pas maltresse de moi. Qu'est-ce que cela signifiait? Je ne pensais pas trembler ainsi en le voyant, et je ne croyais pas que sa présence me ferait perdre la faculté de remuer ou de parler, t Des que je pourrai marcher, me dis-je, je retournerai sur mes pas, je ne veux pas devenir complétement idiote je connais un autre chemin qui me conduira au château. s

Mais quand môme j'en aurais connu vingt, cela ne m'aurait servi à rien, car il m'avait vue.

< Holà 1 s'écria-t-il en déposant son livre et son crayon vous voilà doncl Venez ici, s'it vous plaît.

Je pense que je m'avançai vers lui, quoique je ne puisse pas dire de quelle manière j'avais à peine conscience de ce que je faisais, et tout ce que je désirais c'était paraître calme, et surtout dominer les muscles de ma figure, qui, rebelles à ma volonté, s'efforçaient d'exprimer ce que j'avais résolu de cacher. Mais heureusement j'avais un voile, je le baissai. < Maintenant même, me dis-je, j'aurai peut-être encore de la peine à faire bonne contenance. »

< Ehl c'est là Jane Eyre, reprit M. Rochester; vous êtes venue à pied de Milicote? que voilà encore un tour digne de vous Pourquoi ne pas avoir envoyé chercher une voiture au ch&tesu, et vous être fait tratner sur la route, comme tout le monde, plutôt qued'errer seule à la nuit tombante près de votre demeure, comme une ombre ou un songe? Que diable avez-vous fait pendant le mois dernier?

J'ai été avec ma tante qui est morte, monsieur.

Cette réponse est bien de vous; bons anges, venez mea -secours Etta arrive de l'autre monde, de la demeure de ceux qui sont morts, et ne craint pas de me le dire, lorsqu'elle me rencontre seul dans l'obscurité. Sijosais, je vous toucherais pour


tm'MNMM que vous êtes un corps et non pas âne ombre, petite elfe < mais autant essayer & prendre un feu follet daaa un marais. Petite paresseuse, ajeuta-Ml après s'être arrêté un instant, voua avez été loin de moi pendant tout un mois, et sans doute voua m'avez oublié. D

Je savais que j'aurais dit platStr a vetr mon maître, mais que ce plaisir serait mélangé de tristesse à la pensée que bientôt il cesserait d'Être mon maître, et que je n'étais rien pour lui; cependant il y avait chez M. Rochester, du moins je le pensais, wne teUe puissaacapourcemmoniqHerïe&OBhear, que même goûter aux miettes qu'il éparpillait aux oiseaux étrangers comme moi, c'était prendro part à un splendide festin. Ses dernières paroles avaient été un baume elles semblaient signifier qu'il ne lui était pas indiSerentdesevoir oublié parmei ;puis il avait appela Thornneld ma demeure. Hëlas je l'aurais bien désiré t Il ne semblait pas disposé à quitter l'escalier, et j'osais à peine le prier de me faire place. Au bout de quelque temps, je lui demandai ennn s'il n'avait pas été à Londres.

<[ Oui, me répondit-il; vous l'avez deviné, je suppose. Mme Fairfax me l'a écrit.

Et vous a-t-elle dit pourquolt

Oh oui, monsieur, tout le monde le savait.

–Eh bien Jane, il faudra que je vous montre la voiture, et vous me direz si elle convient bien à la femme de M. Rochester, et si, étendue sur ces coussins rouges, elle n'aura pas l'air de la reine Boadicea. Voyez-vous, Jane, je voudrais que mon extérieur s'accordât un peu mieux avec le sien; dites-moi, petite fée, ne pourriez-vous pas me donner quelque fiole merveilleuse qui me rendît be&e?

Cela dépasse le pouvoir de la magie, monsieur. < Et j'ajoutai en moi-même <Un œil aimant est le plus grand charme; ce charme-là vous l'avez, et l'expression dure de votre visage a plus de pouvoir que la beauté même.

Souvent M. Rochester avait lu mes pensées avec une justesse que je ne privais comprendre; pour le moment, il sembla ne point écouter ma réponse brève; il me sourit d'un de ces sourires que lui seul possédait et dont il n'usait que dans de rares occasions; il le trouvait sans doute trop beau pour en abuser; c'était la flamme brillante du sentiment, et, en me regardant, il jeta sur moi cet éclatant rayou.

< Passez, Jane, me dit-il en me faisant place sur l'escalier; retournez au château, et arrêtez yo~e netit pied errant et &ti~aé sur le seuil d'un ami.


Ce quo j'avais do miaux & faire, c'était do obéir en silence, oar je a'avMa plus do raison pour causer avec lui. le montai tes marches sans dira un mot et résolue & lo quitter avec ealme; mais quelque chose me retenait, une ioroe irrésistible me contraignit & me retourner; je m'écriai, ou plutôt un sentiment que je ne pouvais maîtriser s'écria, en dépit do ma forme volonté < Merci, monsieur Rocheater, merci de votre grande bonté; jo suis bien heureuse d'être revenue près do vous, et où vous êtes, ta est ma demeure, ma soute demeure) e JI

Alors je me mis à marcher si vite quo, s'il eût voûta me rattraper, il aurait eu de la peine. La petite Adèle devint presque foUo de joie quand elle me revit; Mme Fairfax me reçut avec sa bonté ordinaire, ï.eah me sourit, et Sophie elle-mênte me dit bonsoir d'un air joyeux; tout cetame parut tres~gréable. Il n'y a pas do bonheur plus grand que d'être aimé par ses semblables, et de sentir que votre présence est une joie pour eux. Ce soir-là, je fermai résolument les yeux pour ae pas voir Fa. venir; je me bouchai les oreilles pour ne pas entendre la voix qui m'annonçait une prochaine séparation et des tristesses prochaines. !.e thé achève, Mme Fairfax prit son tricot, je m'assis sur une petite chaise près d'elle, et Adèle, agenouillée sur le tapis se pressa contre moi; un sentiment de mutuelle affection semblait nous avoir entourées d'un cercle de paix; alors, dans le silence de mon âme, je priai Dieu de ne pas nous séparer trop tôt. Nous étions ainsi groupées, lorsque M. Rochester entra sans s'être fait annoncer; il sembla satisfait en nous voyant si unies. < Madame Fairfax, dit-il, doit être bien contente d'avoir retrouve sa allé d'adoption, et je vois qu'Adé!e est toute prête à croquer sa petite maman anglaise.

En l'entendant ainsi parler, j'espératpresquoque.meme apr~s son mariage, il pourrait peut-être nous laisser toutes ensemble, nous placer dans quelque abri protégé par lui et que sa présence viendrait de temps en temps réjouir. Thonmeld resta quinze jours dans un calme complet. On ne parlait plus du mariage de M. Rochester, et aucun préparatif ne se faisait. Presque tous les jours, je demandais à Mme Fairfax si eue avait entendu dire quelque chose de définitif; sa réponse ~tait toujours négative. Une fois, elle me dit avoir demandé & M. Rochester quand il amènerait sa femme au château il ne lui avait répondu que par une plaisanterie et unregard étrange, et elle ce savait qu'en conclure. H y avait encore une chose qui m'étonnait beaucoup cest CM personne de la famille ïngram ne venait au château, et Que


M. Saohestpf ne se rendait jamais à tngram-Parh. n est vrai que M!anebe na demeurait pas dans ta môme paya quo M. Ro.ehestj! et que pour y arriver il fallait traverser vingt milles. Mais qu'étaient vingt milles pour un amoaroux passionne? pour un oavalier aussi habile et aussi infatigable que M. Rochester, ce n'était qu'une promenade. Je oommensai à me bercer de l'espérance que le mariage était brisé, que la rumeur publique s'était trmnpde, que l'un des partis ou tous deux avaient changé d'opinion. Ordinairement j'étudiais la figure de mon mattre pour savoir s'il était irrité ou triste; mais jamais je ne l'avais vue aussi dégagée de nuages et de mauvais sentiments qu'alors. Si, dans los instants que mon élève et moi passions avec lui, il me voyait manquer de courage et tomber dans l'abattement, il s'efforçait d'être gai; jamais il ne m'avait fait venir ai souvent ea sa présence, jamais il n'avait été aussi bon pour moi hélaat jamais jb na l'avais tant aimé.

CHAPITRE XXIII.

Un splendide été brillait sur l'Angleterre; un ciel pur et an soleil radieux égayent rarement la Grande-Bretagne, même pendant un seul jour, et pourtant depuis longtemps déjà nous jouissions de cette faveur on eût dit que les belles journées d'Italie venaient de quitter le Midi, comme de brillants oiseaux de passage, pour s'arrêter quelque temps sur les rochers d'Albion. On avait reutré les foins; les champs verts qui entouraient Thornneld venaient d'être fauchés; la route poudreuse était durcie par la chaleur; les arbres se montraient dans tout leur éclat; les teintes foncées des haies et des bois touffus contrastaient bien avec la nuance tendre des prairies nouvellement fauchées.

Un soir, Adèle, fatiguée d'avoir ramassé des baies la moitié de la journée, s'était couchée avec le soleil; quand je la vis endormie, je la quittai pour me rendre dans le jardin. C'était alors l'heure la plus agréable de la journée; la grande chaleur avait cessé et une fraîche rosée tombait dans les plaines altérées et sur les montagnes desséchées; pendant le jour, le soleil avait brillé sans nuage; à ce moment, tout le ciel était empourpré. Les rayons du soleil couchant s'étaient concentréB sur


JAKtS EYRE.

HM sont plo et brillaient avec Métal d'une fournaise ardente «a d'une pierra précieuse; ces lueursso raC~tnientsMr la moitié du ciel, mais devenaient do plus en plus! douco*), à mesure qu'elles s'éloignaient da leur contra de Imxiera. f.'oripnt avait aussi son charme avec son beau ciel d'un bleu foncé, et son étoile solitairo qui venaitde SQ lever pour lui servir da modeste joyau; tatune, encore cachée à l'horizon, devait bientôt t'éotairer do aos doux rayons.

Je me promenai quelques instants sur le pavd; mais tout & coup une odeur légère et bien conaue, celle d'un cigare, arriva jusque moi je regardai, at je m'aperçus que !a fenêtre de la bibliothèque était entr'ouverte. Je savais que do là on pouvait suivre tous mes mouvements aussi je me dirigeai vers le verger. C'était un tieu abrité et semblable un Ëden, plein d'arbres et de fleurs; un hmr très-élevé le séparait de la cour, et une avenue de hêtres de la pelouse; à un des bouts, une barrière détruite le séparait seule des champs déserts; une allée tortueuse, bordée de lauriers et terminée par un gigantesque marronnier d'Inde entoure d'un banc, conduisait à la barrière. Emue par la douce rosée, par le silence et l'obscurité croissante, il me sembla que j'aimerais à passer ma vie en cet endroit. Je me promenai au milieu des fleurs et des arbres fruitiers dans le haut du verger, qui pour le moment était plus éclaire que le reste par les rayons de la lune naissante; je fus arrêtée tout à coup, non pas que j'eusse aperçu ou entendu quelque chose mais je venais de sentir encore une fois la même odeur. L'aubépine, les aurones, le jasmin, les oBitlets et les roses avaient cessé de répandre leur parfum: cette odeur n'était produite ni par les arbres ni par les Heurs; je savais bien qu'elle venait du cigare de M. Rochester; je regardai autour de moi en écoutant. Je vis des arbres chargés de fruits murs, j'entendis le rossignol chanter dans le bois, mais je n'aperçus aucune forme humaine et je ne distinguai aucun bruit de pas; cependant, comme l'odeur augmentait, je résolus de me retirer. Au moment où je mettais la main sur la porte, M. Rochester entra; je reculai dans la niche tapissée de lierre c n ne restera pas longtemps, pensai-je; il retournera bientôt au châteaa, et ainsi du moins il ne m'aura pas vue. »

Mais je m'étais trompée; le soir lui parut aussi agréable et le vieux jardin aussi attrayant qu'à moi. n se promenait, tantôt toulevanttes branches des groseiliMM à mxqt'eMM' po"r en contempler les fruits aussi gros que des prunes, tantôt cueillant une perise muse, tantôt ~e penchant sur des Saura, soit pour en res-


piMP le parfum, soit pour exa~ner les gouttes do roa~a rentes tH<!oa dans leurs p~tolea. tfa gros MM'aMopitsanonboardonn&nt près de moi et alla se poser aur une plante aux pieds de M. Ro' ehfster; il le vit et s'inclina pou" te regarder.

« Maintenant, pensai-je, il me tourne te dos et il est ocoupd. pout-êtfa pourrai-je sortir sans être remarquée. Jo marchai sur le gazon, ann que ma présence ne f&t pas r~vélée par le cfa~amMat du saNe; M. Rochester se tenait à un ou deur mètres do l'endroit devant lequel j'étais obligée de passer; il semblait absorbé dans la contemplation de l'insecte. <[ Je pourrai très-bien me retirer sans être vue, me dis-je. Au moment o& je passai près de son ombre, projetée sur te jardin par la lune qui n'était pas encore oompMtcmenttewdo, il me dit tranquittement et sans se retourner

« Jane, venez un pou ici voir cet insecte. s

Je n'avais fait aucun bruit; il n'avait pas d'yeux derrière le dos, son ombre m'avait donc sentie; je tressaillis d'abord, puis je m'approchai.

a Regardez ces ailes, me dit-it; cet animal me rappelle les insectes de l'hde. ït est rare de voir en Angleterre un rôdeur de nuit aussi grand et aussi gai; ah 1 le voilà envol6. L'insecte partit. J'allais l'imiter, mais M. Rochester me suivit, et, au moment où j'atteignis la porte, il me dit < Revenez; par une nuit si belle, il serait honteux ae rester enfermée, et personne ne peut désirer dormir au moment ou le soleil couchant fait place à la lune qui se lève. s

Bien que souvent ma langue soit prompte & répondre, il y a des cas où je ne puis trouver une phrase pour m'excuser, et cela arrive presque toujours dana des circonstances où un simple mot et nn prétexte plausible seraient bien nécessaires pour me tirer d'un embarras pénible. Je ne désirais pas me promener à cette heure avec M. Rochester dans le verger obscur, mais je ne pouvais trouver aucune raison pour le. quitter. Je le suivis lentement, tout en cherchant un moyen de délivrance; mais il était lui-même si calme et si grave que j'eus honte de mon trouble la pensée que ce que je faisais là n'était pas bien ne préoccupait que moi; la conscience de M. Rochester semblait parfaitement calme.

c Jane, me dit-U, lorsque, après être entrés dans l'allée bordée de lauriers, nous nous dirigeâmes du côté de la barrière et du marronnier d'iade, Thornnetd est une fésidenoe agréable en été, n'est-ce pas?

Oai, meneiem.


~Ms devez aimop cette maison, vous qui remarqaea les hfan~a do la nature et qui vous attachez aux ehoseat Ru fK<it, je me suis attacMa à ThornSeM.

-Et, bien que je aa puisse comprendra comment, je maau!a .aperçu que vous aviez une certaine affection pour cette petite toUe d'Adèle, et même pour la simple Mme FaMax. Oui, monsieur, je les aime toutes deux, d'une maniera di& Mrsa~, il est vrai.

Et vous seriez tâcMe de les quittert

Oui.

C'est malheureux dit-U; puis il soupira et a'afr~a. !t en est toujours ainsi dans la vie, ooatinua-t- à poiao 6tes-voua inataiM dans un Hau agréable qu'une voix vous ordonne de vous lever et de partir, car l'heure du repos est expMe.

–Oeis-je partir moB8MW? demaadai-ja; dois-je quiM~ï Taernaeld? 't

-Je orois que eot, Jane; j'en suis fâche, mais je crois qu'il le faudra. s

C'était un rude coup; mais je ue me laissai pas abattre. a Eh bien, monsieur, je serai prête quand viendra l'ordre de marcher.

tl est venu maintenant; je suis force de le donner ce soir. Alors, vous allez vous marier, monsieur? p

Prë-ci-së-ment, ex-ac-te-ment; avec votre pénétration or. dinaire, vous avez deviné juste.

Et sera-ce bientôt, monsieurt

Oh oui, ma. o'est-a-dire mademoiseUeEyre; vous vous rappelez bien, Jane, la première fois où, grâce soit & moi, soit à la run eur publique, vous avez compris que j'avais l'intention, moi, vieux célibataire, d'accepter des liens sacrés, d'entrer dans le saint état de mariage, en un mot, de presser Mlle Ingram sur mon ccaur (mes deux bras y suffiront à peine; mais, après tout, d'une si belle créature on ne saurait trop prendra); eh bien, comme je le disais. Mais écoutez-moi donc, Jane; ne tournez pas la tête; ne cherchez pas d'autres scarabées celui que vous avez vu était quelque enfant qui venait de déserter sa demeure. Je voulais seulement vous rappeler que vous avez été la première à me dire, avec cette discrétion que je respecte en vous, cette prévoyance, cette prudence et cette humilité qui conviennent à votre position, que, dans le cas on j'épouserais Mile In"gram, vous et la petite Adèle feriez mieux de vous retirer. Je ne parle pas du Marne implicite jeté sur ma Men-aimée par cet avis, etmêmetetâcherM de l'oublier lorsque vous ser~z~~d'ic~.


Jane; ja M me souviendrai quo de !a suges~e d'un conseil que j'ai voulu suivre il faut qu'Adèle aille en pension, et voua, ma' demoiselle Eyra, it faut changer de place.

-Oui, monsieur je vais faire insérer ma demande tout de suite dans les journaux. En attendant, je suppose. JI J'avais l'intention d'ajouter < Je suppose que je puis rester ici jusqu'à ce que j'aie trouvé un nouvel abri. z Mais je m'arrêtai, sentant qu'il serait imprudent d'entreprendre une longue phrase, car je n'étais plus maîtresse de ma voix.

< Dans un mois environ j'espère être marié, continua M. Rochester dans l'intervalle je m'occuperai de vous chercher de l'occupation et un asile.

Je vous remercie, monsieur; je suis fachëe de vous don. ner.

–Oh) pas de remercîments; lorsqu'on a rempM ses devoirs aussi bien que vous, on a te droit de demander à celui au service duquel on a ~të, de faire pour vous tout ce qui est en son pouvoir. J'ai dfja entendu parler & ma future t'eue-mère d'une place qui, je !o crois, vous conviendrait il s'agit d'entreprendre l'éducation des cinq filles de Mme Dionysius O'GaU, de BetternuttLodge, en Irlande; je crois que vous aimerez l'Irlande on dit que les habitants y sont pleins de cœur.

C'est bien loin, monsieur.

Qu'importe? une jeune nue aussi raisonnable que vous ne doit pas regarder à faire un long voyage.

Ce n'est pas le voyage qui m'inqa'iete; mais la mer et une barrière entre.

Entre quoi, Jane ? p

–Entre l'Irlande, et l'Angleterre, et Thornneld, et. Eh bien) 1

Et vous, monsieur s n

Je prononçai cette dernière phrase presque involontairement, et involontairement aussi mes larmes se mirent à couler; néanmoins, je ne pleurais pas assez haut pour être entendue; je réprimai mes sanglots. La pensée de Mme O'Gall me glaçait le cœur, mais moins encore que la pensée des vagues destinées à murmurer éternellement entre moi et le maître auprès duquel je me promenais cependant, ce qui était plus douloureux encore pour mon âme, c'était l'idée que la richesse, le rang et l'habitude étaient venus se placer entre moi et celui que j'aimais. a C'est bien loin, repris-je de nouveau.

Certainement; et lorsque vous serez en Irlande, je ne vous reverrai plus, Jane, c'est bien ~rtaia car je n'irai jamais en JtNE EYRE. Il 3


Mande; je n'aime pas boaucoup M paya. Nous avons éM mn!s, Jano, n'est'oe pas?

–Oui. monsieur.

–Eh bien, lorsque des amia sont à la veille de sa séparer, île aiment & passer l'un prés de l'autro te peu de temps qui leur reste; venez, nous allons parler de ce voyage et de cette sépara.tion, pendant que les étoiles commencent leur course brillante dans la ciel. Tenez, veiet un marronnier d'Inde entoura d'un bane; nous allons nous y asssoir tranquillement, bien que nous ne soyons plus destinés à nous plaoer ainsi l'un à côté de l'autre. »

U me Ct asseoir, et il s'approcha de moi.

< Il y a bien loin d'ici en Irlande, Jane, et je suis McM de voir ma petite amie entreprendre un voyage si fatigant; mais si je ne puis rien trouver de mieux, que faire?. Jane, m'etesvous attachée? B »

Je ne pus pas hasarder une réponse, mon cœur était trop plein. < C'est que, dit-ii, j'éprouve quelquefois pour vous un étrange sentiment, surtout lorsque vous êtes prés de moi, comme maintenant il me semble que j'ai dans le cœur une corde invisible, fortement attachée & une corde toute semblable et placée dans votre coeur; si un bras de mer et soixante lieues de terre doivent nous séparer, j'ai peur que cette corde sympathique ne se brise et que la blessure ne saigne intérieurement. Quant à vous, vous m'oublieriez.

Jamais, monsieur! vous savez.

n me fut impossible de continuer.

< Jane, entendez-vous le rossignol chanter dans les boist écoutez! »

En écoutant, je sanglotais convulsivement, car je ne pouvais plus réprimer mes sentiments; je fus obligée de céder, et j'éprouvai dans tout mon être une souffrance aiguë. Quand je pariai, ce ne fut que pour exprimer un désir impétueux de n'être jamais née ou de n'être jamais venue à ThornSeld.

<rEst-ee parce que vous êtes fâchée de le quitter? < me demanda M. Rochester.

L& souffrance et l'amour avaient excité chez moi une violente émotion, qui s'efforçait de devenir maîtresse absolue, de dominer, de régner et de parler.

a Oui, je suis triste de quitter Thornfleld, m'écriti-je; j'aime Thorfield; je l'aime, parce que, pendant quelque temps, j'y ai vécu d'une vie délicieuse je n'ai pas été foulée aux pieds et huaHMe, je n'ai pas été sasev~UtLayee des ~prit~JMéMMS,


eaaem'apas ëMgn~a de ça qui est beau, fort et élevé: j'ai~oH faao à fMe avec ee quo je rêvera et es qui me recuit j'ai causai aveu un esprit original, vigoureux et ~teadu; je voua ai connu, monsieur Rochester; et je suis frappéa de terreur et d'angeissa en pensant qtt'it faut m'étaigner de vous pour toujours; je vois la nécessite du départ, et c'est comme si je me voyais forcée de mourir.

0& voyez-v~tts la ndcesaité de partir? t demanda-t-il tout &coup.

0&tnem9 l'avez-vous pas veMs-m~memoBtr~e, menaieurt Et sous quelle forme?

-Sous la forme de Me tngfam, une jeune CMe belle et noble votre Sancëe.

MaSsa~et QuetleSaMee? Je n'ai pas de fiancée. Mais vous en aurez une.

Oo!,j'ea aurai une, dit-il en serrant les dents. Alors, H faut que je parte; vous l'avez dit vous-même. Non, N faut que voua restiez; je le jure, et je garderai mon serment! 1

Je vous dis qu'N me faut partir, rëpondia-je, excitée par quelque chose qui ressemblait & la passion. Croyez-vous que je puisse rester en n'étant rien pour vous? croyez-vous que je sois une automate, une machine qui ne sent rien? croyez-vous que je souBrirais de me voir mon morceau de pain arraché de mes lèvres et ma goutte d'eau vive jetée de ma cocpet croyez-vous que, parce que je suis pauvre, obscure, laide et petite, je n'aie ni âme ni coeur? Et si Dieu m'avait faite belle et riche, j'aurais rendu la séparation aussi rude pour vous qu'elle l'est aujourd'hui pour moi! Ce n'est plus la. convention, la coutume, ni même la chair mortelle qui vous parle; c'est mon esprit qui s'adresse à votre esprit, comme si tous deux, après avoir passé par la tombe, nous étions aux pieds de Dieu dans notre véritable égalité!

Oui, dans notre véritable égalité, w répéta M. Rochester; puis il ajouta, en me serrant dans ses bras et en pressant ses lèvres contre les miennes <Et, puisque nous sommes égaux, c'est ainsi que nous serons aux pieds de Dieu.

Oui, monsieur, répondis-je. Et pourtantnon; non, car vous êtes marié, ou du moins sur le point de l'être, et à une femme ~u* vous est inférieure, pour laquolle vous n'avez pas de aympathie, que vous n'aimez pas réellement, car je vous ai entendu rire d'elle Moi, je mépriserais une pareille union~ams~ je sms meilleure que vous. Laissez-moi partir.


M. Jane? pour l'Mander

Oui, pour l'trianda; je me suis rendue maîtMsao da mot, maintenant je puis aller n'importe ou.

Jane, restez tranquille; ne vous débattez pas comme un oiseau sauvage pris au piège et qui arracherait ses plumes dans son désespoir.

Je ne suis pas un oiseau, et aucun Met ne m'enveloppe; jo suis libre; j'ai une volonté indépendante, et je m'on sors pour voua quitter, e

Un nouvel cubrt me dégagea de ses bras, atjje me tins debout devant lui.

Vous-memo allez prendre une ddoision sur votre avenir, mo dit-il; je vous offre ma main, mon cœur et la moitM do ce que je possMo.

Vous jouez une comédie dont je ne puis que rire. Je vous demande .do passer votre vie prës de moi, d'être une partie de moi et ma meilleure compagne sur la terre. Vous avez déjà fait votre choix et vous devez vous y tenir. Jane, calmez-vous; vous êtes trop exaltée. Moi aussi, je vais rester quetques instants tranquille, t

Le vent siMa dans l'allée et vint trembler entre les branches du marronnier, puis il alla se perdre au loin. La voix du rossignol était le seul bruitqu'on antendità cette heure; en I'dooutant, je me remis a pleurer.

M. Rochester était tranquillement assis et me regardait avec une sérieuse douceur il demeura muet quelque temps enfin il me dit

< Venez à cote de moi, Jane; tâchons de nous expliquer et de ~ous comprendre.

Je ne reviendrai jamais prés de vous; j'ai pu m'échapper et je ne reviendrai pas.

Mais, Jane, je vous le demande comme à ma femme; c'est vous seule que je veux épouser, a

Je demeurai silencieuse; je croyais qu'il se moquait de moi. < Venez, Jane, venez ici.

Votre fiancée est entre nous. B

Il se leva et m'atteignit.

e Ma nancée est ici, dit-il en me pressant de nouveau contre lui; ma nancée est ici, parce qu'ici est mon égale et ma sem–htaMf. Jane, voulez-vous m'épouser? »

Je ne lui répondis pas et je m'efforçai de nouveau de lui échapper, car je n'avais pas foi en lui

Vous doutez de moi. JatMT


NntMretHeat.

Voua o'ftvex pas M en moit

-~Pas te moins du monde.

Suia-ja un moMteuf A vos yeux? demanda-t-il avec passien; petite incrédule, vous aUex être convaincue. Ai-je do l'amour pour Mlle lngramt non, et vous le savez. A-t-elle do l'amour pour moi? non; j'en ai la preuve. J'ai répandu la bruit que ma fortune n'était pas le tiers do ce qu'on la supposait, et je me suis arrangé de manière à ce que ce bruit arrivat jusqu'à elle; ensuite, je me sais présente à son château pour voir le ré- sultat de mes eSbrts eMe et sa mère m'ont reçu très- troidement; je ne veux pas, je ne puis pas épouser MUa ïngram.Voua, créature étrange, qui n'êtes presque pas de la terre, je vous aime eoiMHe ma chai! vous, pauvre, petite, obscure et laide, je vous supplie de m'accepter comme mari.

–Moi! m'ëeriai-je; oar, en voyant son sérieux et en entendant son impertinence, je commençais à croire à sa sincérité; moi qui n'ai point d'amis dans le monde, excepté vous, si toutefois vous êtes mon ami, moi qui ne possède rien que ce que vous m'avez donne?

Vous, Jane; il faut que vous soyez tout entière à moi; le voulez-vous? répondez vite.

Monsieur Rochoster, tournez-vous du coté de la lune et Mssez-moi regarder votre visage.

Pourquoi?

Parce que je veux y lire )tre pensée tournez-vous t Vous ne pourrez pas lire sur mon visage plus que sur une page souillée et déchirée; lisez; mais dépêchez-vous, car je souffre. n

Sa ftgure était gonflée et agitée; ses traits étaient contractés et ses yeux animés d'un brillant regard.

< Ohl Jane, s'écria-t-il, vous me torturez avec votre regard scrutateur, bien qu'il soit généreux et droit; vous me torturez t

Et pourquoi, si ce que vous dites est vrai, si votre offre est véritable? vous savez bien que je ne puis éprouver pour vous que des sentiments de reconnaissance et de dévouement; qu'y a-t-il de douloureux là dedans? t

De la reconnaissance! t s'écria-t-il; et il ajouta d'un ton irrité < Jane, acceptez-moi vite; appelez-moi parmonnom; dites 1 ~<!oM(tn!,jecetNc'KeHWMM~pMMer.

Parlez-vous sérieusement? m'aimez-vous véritablement et désirez-vous sincerement,que je sois votre femme?


Oui, et s! un serment eat aéoMaaire pour vous ea~afahe eh bien, jo la jurât 1

Alors, monsieur, je vous épouserai.

Appelax-moi Edouard, ma petite femme.

–Cher Edouard! 1

VenM à moi; venez tout entière à moi, e dit-il puis il ajout tout bas, Me parlant à l'oreille, pendant que sa joue touchait la mienne t Faites mon bonheur, et je forai le vôtre. Dieu me pardonne, ajouta-t-il au bout de peu de temps, et que les hommes ne viennent pas se mêler de tout ceci je l'ai et je la garderai. Les hommes n'auront pas besoin de s'en mêler, monsieur je n'ai pas de parents qui puissent s'opposer à vos projets. Et c'est ce qu'il y a de mieux, dit-ii.

Si je l'avais moins aime, j'aurais remarqué dans son regard et dans sa voix une sauvage exaltation. Mais, assise près de lui, sortie de ce douloureux rêve de la séparation, appelée à une heureuse union, je ne pouvais penser qu'au bonheur qui venait de m'être si libéralement donné bien des fois il me demanda < Etes-vous heureuse, Jane?* D et bien des fois je lui répondis < Oui e puis il murmurait tout bas

c Oui, nous nous aimerons. Je l'ai trouvée sans ami, sans joie et îe cœur glacé; je la garderai prés de moi pour la caresser et la consoler; n'y a-t-il pas de l'amour dans mon coeur et de la constance dans mes résolutions? Et cela seul pourra racheter tout le reste devant le tribunal de Dieu. Je sais que mon Créateur m'approuve; peu m'importent les jugements du monde; quant à l'opinion des hommes, je la déne 1 a

La nuit venait de tomber; la lune n'était pas encore levée, et nous étions tous deux dans l'obscurité quelque prés que je fusse de mon maître, j'avais peine à voir son visage; le vent murmu.rait dans l'allée des lauriers, sifflait entre les branches du marronnier et envoyait son souffle jusqu'à nous.

e Il faut rentrer, me dit M. Rochester, le temps va changer; e serais resté avec toi jusqu'au matin, Jane.

Moi aussi, e pensai-je; et je l'aurais peut-être dit, si un éclair ne fut venu déchirer la portion du ciel que je regardais; l'éclair fut suivi d'un craquement et d'un violent coup de tonnerre qui me sembla avoir éclaté tout prés de nous. Je ne songeais qu'à cacher mes yeux éblouis contre l'épaule de M. Rochester; la pluie tombait à Sots; nous traversâmes rapidement l'allée, les champs, et nous entrâmes dans la maison; mais, lorsque nous atteignîmes le perron, l'eau ruisselait sur nos vêtements. M. Rochester me retirait mon châle et secouait l'eaa qui cqu~it~


mes cheveux daaoa~s, !oMqueMmeFaMaxaotHtdeaachambro; ni moi ai M. Rochestor ne t'aperçûmes au premier moment; la lampe était attumëe; l'horloge marquait minuit.

< Dëp~chex-vous de changer do vêtements, me dit-il, et maintenant bonsoir; bonsoir ma Men-aiméet < »

Il m'embrassa à plusieurs reprises. Lorsqu'en le quittant je regardai autour de moi, je via la veuve pâto, grave et étonnée; je me contentai de sourire et de gagner l'escalier: < Tout s'expliquera MeoMt, » pensai-je. Cependant, lorsque je fus arrivée à ma chambre, je fus attristée de la pensée qu'un août momept même elle avait pu se méprendre sur ce qu'elle avait vu; mais, au bout de peu de temps, la joie eSa~a tout autre sentiment; malgré le vent qui soufnait avec violence, le tonnerre qui retentissait avec force tout près de moi, les éclaira qui scintillaient vifs et rapprochés, la pluie qui, pendant deux heures, tomba avec la violence d'une cataracte, je n'éprouvai aucun etT'roi, et peu de cette crainte respectueuse qu'éveillait ordinairement chez moi la vue d'un orage. Trois fois M. Roehester vint frapper r à ma porte pour voir si j'étais tranquiUe; c'était assez pour me cendre forte et calme contre tout.

Le lendemain matin, avant que je fusse levée, la petite Adèle accourut dans ma chambre pour me dire que le grand marronnier au bout du verger avait été frappé par le tonnerre et à moitié détruit.

CHAPTTRE XXIV.

Tout en m'habillant, je repassai dans ma mémoire les événements de la veille, et je me demandai si ce n'était point un rêve; je n'en fus bien convaincue que lorsque, ayant revu M. Rochester, je l'entendis me répéter ses promesses et me reparler de son amour.

En me peignant, je me regardai dans la glace, et je m'aperças que je n'étais plus laide; mon visage était plein de vie et d'espérance, mes yeux semblaient avoir contemplé une fontaine de joie et emprunté t'éctat à ses ondes transparentes. Souvent je m'étais efforcée ae ne pas regitrJct mon maître, craignant que ma Sgsre ne lui déptût aujourd'hui je pouvais lever mon regard jusqu'à lui sans av~ir peur de, refroidir ~pR amour par l'expression de


tN<m visage. Je mis une robo d'été, Mgëre et d'âne couleur claire H me sembla que jamais vêtement no m'avait mieux paréo, parce que jamais aucun n'avait été porté avec tant de joie. Quand je descendis dans la grande salle, je ae fus pas surprise de voir qu'une belle matinée de juin avait succédé à l'orage de la veille, et de sentir, & travers la porte ouverte, le souffle d'une brise fraîche et parfumée; la nature devait avoir quelque chose de joyeux; j'étais si heureuse Une pauvre femme et un petit enfant pâle et en haillons s'arrêtèrent devant la porte je courus vers eux pour leur donner tout l'argent que j'avais dans ma bourse, trois ou quatre schellings; bons ou mauvais, je voulais les voir heureux. Aussi les corneilles faisaient entendre leurs cris et les oiseaux chantaient; mais rien n'était aussi joyeux ni aussi musical que mon cœur 1

Mme Fairfhx apparut à la fenêtre avec un visage triste, et me 'dit gravement

<r Mademoiselle Eyre. voulez-vous venir déjeuner? u Pendant le repas, elle fut calme et froide; mais je ne pouvais pas la détromper. Il fallait attendre que mon maître voulût bien expliquer tout ceci. Je mangeai ce que je pus, puis je me hâtai de remonter dans ma chambre; je rencontrai Adèle qui sortait de la salle d'étude.

< Ou allez-vous? lui demandai-je, c'est l'heure du travail. M. Rochester m'a dit d'aller dans la chambre des enfants. Ou est-il? 'P

Là, me répondit-elle, en indiquant la pièce qu'elle venait de quitter.

J'entrai et je l'y trouvai en eBët.

< Venez me dire bonjour, » me cria-t-il.

J'avançai joyeusement. Cette fois ce n'était pas un simple mot ou une poignée de main qui m'attendait, mais un baiser; je le trouvai tout naturel, et il me sembla doux d'être ainsi aimée et caressée par lui.

a Jane, vous êtes fraîche, souriante et jolie, dit-il, oui, 'vraiment jolie. Est-ce là la pâle petite fée que je connaissais? T Quelle joyeuse figure. quelles joues fraîches et quelles lèvres rosés t comme ces cheveux et ces yeux sont d'un brun brillant! r J'avais des yeux verts, mais il faut excuser cette méprise il paraît qu'ils avaient changé de couleur pour lui.

< Oui, monsieur, c'est Jane Eyfe.

Qui sera bientôt Jane Rochester, ajouta-t-il dans quatre semaines, Jane, pas un jour de plus, entendez-vous Pf a Je ne pouvais pas bien comprendre encore, j'étais tout étouf-


die en entendant parler M. Rochester, je n'éprouvai pas une jom intime, jo ressentis comme un choo violent; ja fua étonnéa, presque eNrayéa.

< Vous avez rougi, et maintenant vous êtes bien pâle, Jano, pourquoi? '1

Parce que vous m'avez appelée Jane Rochester, et cela mu eumble étrange.

Oui, la jeune Mme Roohester, la Saucée de Fairfax Rochester.

-Cela ne se pourra pas, monsieur le nom de Jane R<~chester sonne étrangement; les hommes ne jouissent jamais d'un bonheur complet sur la terre; je ne suis pas destinée à avoir un sort plus heureux que les autres jeunes filles dans ma position me figurer un tel bonheur, c'est croire à un conte de fée.

Eh bien, celui-là, j'en ferai une réalité; je commencerai dès demain. Ce matin, j'ai écrit à mon banquier de Londres, pour qu'il m'envoyât certains bijoux qu'il a en sa possession; ils ont toujours appartenu aux dames de Thornfield; dans un jour ou deux, j'espère pouvoir les remettre entre vos mains car je veux vous entourer des mêmes soins et des mêmes attentions que si vous étiez la fille d'un lord,

Oh monsieur, ne pensez pas aux bijoux, je n'aime pas a en entendre parler; des bijoux pour Jane Eyre 1 Cela aussi me semble étrange et peu naturel; je préférerais n'en point avoir Je veux mettre moi-même la chaîne de diamants autour de votre cou et placer le cercle d'or sur votre front car sur ce front du moins la nature a posé son cachet de noblesse. Je veux atta cher des bracelets sur ces poignets délicats, et charger d'an*neaux ces doigts de fée.

Non, non, monsieur, pensez à autre chose; ne me pariez pas de cela, et surtout de cette manière; ne vous adressez pas à moi comme si j'étais belle; je suis une institutrice'laide et semblable à une quakeresse.

Vous êtes belle à mes yeux; vous avez la beauté que j'aime vous êtes délicate et aérienne.

< Vous voulez dire chétive et nulle. Vous rêvez, monsie ur on vous raillez; pour l'amour de Dieu, ne soyez pas ironique. Je forcerai le monde à vous déclarer belle, a ajouta-t-il. Mon embarras croissait à l'entendre pwlpr ainsi; il me semblait qu'il voulait soit se tromper, soit essayer de me tromper moi-même.

Je vêtirai ma Jane de satin et de dentelle, continua-t-il,


je mettrai des roses dans ses chevaux, et ja couvrirai sa Mte Mea-aimec d'un voile sans prix.

Et alors vous ne me reconnaîtrez pas, monsieur je ne serai plus votre Jane Eyre, mais un singe déguisé en arlequin, un geai recouvert de plumes d'emprunt. Je ne serais pas plus éton.née de vous voir habillé en acteur que mot revêtue d'une robe de cour; et pourtant je ne vous trouve pas beau, bien que je vous aime tendrement, trop tendrement pour vous natter: ainsi donc ne me flattez pas non plus. »

H continua à parler sur le même ton, malgré ma prière. < Aujourd'hui môme, reprit-il, je vous mènerai dans la voiture à MiHcote pour que vous y choisissiez quelques vêtements. Je vous ai dit que nous serions mariés dans quatre semaines le mariage aura lieu tranquillement dans la chapelle du château ensuite nous partirons pour la ville. Après un court séjour j'emmènerai mon trésor dans des régions plus rapprochées du soleil que l'Angleterre, dans les vignes françaises, et les plaines d'Italie elle verra tout ce qui est fameux dans l'histoire ancienne et dans les temps modernes; elle goûtera à l'existence des villes; eUe apprendra sa valeur par une juste comparaison avec les autres femmes.

Je voyagerai, monsieur, et avec vous? q

Vous passerez quelque temps à Paris, & Rome, a Nap!es, à Florence, à Venise, à Vienne; tous les pays que j'ai parcourus seront traversés par vous; partout où mon éperon a frappé, vous poserez votre pied de sylphide. Il y a dix ans, j'ai parcouru l'Europe & moitié fou de dégoût, de haine, de rage, et un peu semblable à ceux qui m'accompagnaient; cette fois, guéri et puriné, je la visiterai avec l'ange qui est mon soutien. » Je souris en l'entendant parler ainsi.

e Je ne suis pas un ange, dis-je, et je n'en serai pas un tant que je vivrai; je ne serai que moi-même. U ne faut pas vous attendre à trouver rien de céleste en moi; vous seriez aussi trompé que moi si je voulais trouver quelque chose de divin en vous. Que vous attendez-vous à trouver chez moi?

Pendant quelque temps peut-être, vous serez comme maintenant, mais cela durera peu; ensuite vous deviendrez froid, capricieux, sombre,. et j'aurai beaucoup de peine à vous plaire; ¡ puis, quand vous serez habitué à moi, vous m'aimerez de nouveau, je ne dis pas d'amour, mais d'affection. Je pense que votre amour s'éteindra au bout de six mois ou même de moins; j'ai vu dans les livres écrits par les hommes que c'était le temps le plus long accordé & l'ardeur d'un mari mais je pense après tout


que, comme amie et comme compagne, je no serai jamais tout & à fnit dcptaisanta aux yeux de mon cher ma<tra.

–Ne plus vous aimer, puis vous xiMer encore moi je sais que je vous aimerai toujours, et je vous forcerai à confesser qM ce n'ost pas seulement de l'affection, mais de rameur, et un amour véritable, ferveut et sûr.

Vous êtes capricieux.

<– Pour h)s femmes qui ne me plaisent que par leur visage je suis pire que tediaNe, quand je découvre qu'elles n'ont ni âme ni coaur, quand je les vois basses, triviales, peut-être imbéciles, dures et méchantes mais pour un Œil pur, une langue éloquente, une âme de feu, un caractère qui peut se plier sans se briser, à la fois souple et fort, maaiaMt et résistant, je suis toujours Cdête et aimant.

Avez-vous jamais réncoatrë une te!!e nature, monsieur? avez-vous jamais aime une telle femme?

Je l'aime maintenant.

Quant à moi, je n'atteindrai jamais à cet idéal, même sur un seul point.

Je n'ai point rencontré de femmes qui vous ressemblassent, Jane; vous me plaisez et vous me dominez; vous semblez vous soumettre, et j'aime votre manière de plier. Quand je retourne sous mes doigts un écheveau de soie, je sens dans mes bras un tressaillement qui continue jusque dans mon coeur; eh bien, de même je me sens gagné par vous, et votre influence est plus douce que je ne puis le dire; cette défaite me donne plus de joie que n'importe quel triomphel Pourquoi souriez-vous, Jane? que signifie cet air inexplicable?

Je pensais, monsieur (excusez-moi, mon idée était involontaire), je pensais à Hercule et à Samson, près de ceUea qui les avaient charmés.

–~Et vous, petite fée, vous étiez.

Silence, monsieur H n'y a pas plus de sagesse dans vos paroles que de raison dans les actes de ceux dont je vous partais tout à l'heure; mais il est probable que, s'ils avaient été mariés, la sévérité du mari aurait expié la douceur de t'amant, et c'est ce que je crains en vous; je voudrais savoir ce que vous me répondrez dans un an, si je vous demande une faveur qu'il ne vous plaira pas de m'accorder.

Demandez-moi quelque chose maintenant, Jane, la moindre chose; je désire être prié.

Je le veux bien, monsieur; ma pétition est toute prête. Bartez: mais si vous me regardez, et si vous me regardes


de cette manière, je me verrai forée do vouspremeMred'avatitca, ce qui serait une folie à moi.

Pas du tout, monsieur; voici simplement ce que je voulais vous demander n'envoyez pas chercher vos bijoux, et ce me mettez pas une couronne de roses. autant vaudrait entourer d'une dentelle d'or ce grossier mouchoir de poche que vous tenez à la main.

C'est-à-dire qu'autant vaudrait dorer l'or le plus pur, je le sais; aussi serez-vous satisfaite, pour le moment du moins; je vais écrire a mon banquier. Mais vous ne m'avez encore rien demande; priez-moi de vous donner quelque chose. Eh bien, monsieur, ayez la bonté de satisfaire ma curiosité sur un point. »

n se troubla.

< Comment, comment? dit-il vivement; la curiosité est dangereuse heureusement je n'ai pas juré de vous répondre. ït m'y a aucun danger à me repondre, monsieur. –Parlez donc, Jane; mais plutôt que cette simple question, à laquelle est peut-être lié un secret, je préférerais que vous m'eussiez demandé la moitié de ce que je possède.

Eh bien, roi Assuérus, que ferais-je de la moitié de vos richesses? me prenez-vous pour un usurier juif. désirant s'approprier des terres? J'aimerais bien mieux avoir votre connance; vous me donnerez bien votre confiance, n'est-ce pas, puisque vous me donnez votre amour ? Q

Vous êtes la bienvenue, Jane, & connaître tous ceux de mes secrets qui sont dignes de vous; mais pour l'amour de Dieu, ne demandez pas un fardeau inutile; ne tendez pas vos lèvres vers une coupe empoisonnée, et ne me soumettez pas à un examen trop dur.

Pourquoi pas, monsieur? vous venez de me dire que vous aimiez à être vaincu, et qu'il vous était doux de vous sentir pefsuadé. Ne pensez-vous pas que je ferais bien de vous arracher une confession, de prier, de supplier, de pleurer même, si c'est nécessaire, rien que pour essayer mon pouvoir? y

Je vous déne dans un tel essai cherchez à deviner, et le cessera aussitôt.

Alors, monsieur, vous renoncez facilement. Mais, comme votre regard est sombre vos paupières sont devenues aussi épaisses que mon doigt, et votre front ressemble à celui d'un Jupiter tonnant. C'est là l'air que vous aurez lorsque vous serez marié, monsieo?, je suppose?

Et vous, reprit M. Rochester ai c'est H l'air que vous au-


MB lorsque vous serez mariée, il faudra Mon vite rompre car on ma qualité de chrétien, je ne puis pas vivre avec uu lutin. Mais que vouliez-vous me demander, petite créaturaY dépëahazvous.

Voyez, vous n'êtes même plus poli. Du reste, j'aime mieux la rudesse que la Batterie; j'aime mieux être une petite créature qu'un ange. Voici ce que j'avais à vous demander pourquoi avez-vous pris tant de peine à me persuader que vous vouliez épouser Mlle ïngram?

-Est-ce tout? Dieu soit loud & Son front se dérida; il me regarda en souriant, tissa mes cheveux et sembla heureux comme a'il venait d'éviter un danger. < Je puis vous faire ma confession, Jane, dit-il, bien que je risque un peu do vous indigner, et je sais tout ce qu'il y a de flamme en vous lorsque vous êtes irritée vous étiez pleine d'ardeur, hier soir, quand vous vous révoltiez contre la destinée et que vous vous déclariez mon égale car c'est vous, Jane, qui l'avez dit 1

Sans doute; mais répondez, monsieur, je vous prie, & la question que je vous ai faite sur Mlle Ingram.

Eh bien j'ai fait la cour Mlle Ingram pour vous rendre aussi follement amoureuse de moi que je l'étais de vous; je savais que le meilleur moyen d'arriver à mon but était d'exciter votre jalousie.

Très-bien; comme cela vous rapetisse vous n'êtes pas plus grand que le bout de mon petit doigt. C'était une honte et un scandale d'agir ainsi les sentiments de Mlle Ingram n'étaient donc rien à vos yeux?

Tous ses sentiments se réduisent à un seul l'orgueil N est bon qu'elle soit humiliée. Etiez-vous jalouse, Jane? Peu importe, monsieur; il n'est point intéressant pour vous de le savoir. Répondez-moi encore une fois franchement croyez-vous que Mlle Ingram ne souffrira pas de votre galaLtorie déloyale? Ne se sentira-t-elle pas bien abandonnée? C'est impossible, puisque je vous ai dit, au contraire, que c'était elle qui m'avait abandonné; la pensée que je n'étais pas riche a refroidi ou plutôt a éteint sa Camme en un moment.

Vous formez de curieux projets, monsieur Roohester je crains que vos principes ne soient quelquefois bizarres. Jamais personne ne leur a donné une bonne direction, Jane et ils ont bien pu s'égarer souvent.

Eh bienl sérieusement, dites-moi si je puis accepter le grand bonheur que vous me proposez, sans crainte devoir une


autre aouuMr les douleurs ambres que j'endurais il y a quelque temps.

Oui, vous te pouvez, ma chère et bonne enfant; parsonnt. au monde n'a pour moi un amour pur comme le vôtre; la croyance à votre anëction, Jane, est un baume Mon doux pour tnon âme. »

Je pressai mes lèvres contre la main qu'il avait laissée aur mon épaule. Je l'aimais beaucoup, plus que je ne voulais me l'avouer, plus que ne peuvent l'exprimer des mots.

a Demandez-moi encore quelque chose, me dit-il; c'est mon bonheur d'être prie et de céder.

J'avais une autre pétition toute prête. Communique:! vos intentions à Mme Fairfax, monsieur, dis-je; elle m'a vue hier soir dans la grande salle avec vous, et elle a été étonnée; donnez-lui quelques explications avant que je la revoie cela me fait de la peine d'être mal jugée par une femme aussi excellente. Montez dans votre chambre, et mettez votre chapeau, me répondit-il je voudrais vous emmener ce matin à Milicote. Pendant que vous vous habillerez, je vais éclairer l'intelligence de la vieille dame. Vous croit-elle perdue, parce que vous m'avez donné votre amour?

Elle pense que j'ai oublié ma place, et vous la votre, monmeur.

–Votre place est dans mon coBur; et malheur à ceux qui voudraient vous insulter, maintenant ou plus tard AHaz vous habiller. »

Ce fut bientôt fait, et lorsque j'entendis M. Rochester quitter la chambre de Mme Fairfax, je me hâtai de descendre. La vieille dame était à lire sa Bible comme tous les matins; elle avait posé ses lunettes sur le livre; pour le moment, elle semblait avoir oublié l'occupation suspendue par l'entrée de M. Rochester ses yeux, nxés sur la muraille, indiquaient la surprise d'un esprit tranquille qui vient d'apprendre une nouvelle extraordinaire. En me voyant, elle se leva, fit un effort pour sourire, et murmura quelques mots de félicitation; mais le sourire expira sur ses lèvres et la phrase fut laissée inachevée; elle mit ses lunettes, ferma sa Bible, et éloigna sa chaise df la table. < Je suis si étonnée, mademoiselle Eyre, dit-elle, que je ne sais ce que je dois vous dire. Certainement je n'ai pas rêvé. -QuelqueMft, torsqaeje suis assise seule, je m'endors et je me figure des choses qui ne sont jamais arrivées; bien souvent j'ai cru voir mon mari, qui est mort il v a quinze ans, s'asseoir à' coté de moi, et je l'ai même entendu m'appeler Alice, comme il


avait coutume de la faira. Peuvez-vous me dira si et. Rochaster vous a vraiment demandé de l'épouser? Ne vous MM~Mez pas da moi; mais il me semble bien qu'il est entré ici, il y a cinq minutes. pour me dire que dans un mois vous seriez sa femme. M m'a dit la même chose, répondis-je.

Vraiment) Et croyez-vous ce qu'il vous a dit? Avez-vous accepte?

Oui. B

Elle me regarda avec étonnement

<: Je ne l'aurais ornais cru. C'est un homme orgueilleux, tous les Rochester l'étaient; son père aimait l'argent, et luimême a toujours passé pour économe. H a l'intention de vous épouser?

Il me l'a dit. »

Elle me regarda, et je lus dans ses yeux qu'elle no trouvait on moi aucun charme assez puissant pour résoudre l'énigme. < Je ne comprends pas cela, oontinua-t-elle; mais sans doute c'est vrai, puisque vous le dites. Comment tout cela s'expliquera-t-il ? je ne le sais pas. On conseille souvent l'égalité de fortune et de position; puis il y a vingt ans de différence entre vous, il pourrait presque être votre père.

Non, en vérité, madame Fairfax, m'écriai-je; il n'a pas l'air de mon père le moins du monde, et ceux qui nous verront ensemble ne pourront pas le supposer un instant; M. Rochester semble aussi jeune et est aussi jeune que certains hommes de vingKinq ans.

Et c'est vraiment par amour qu'il veut vous épouser? » me demanda-t-elle.

Je fus si blessée par sa froideur et son scepticisme, que mes yeux se remplirent de larmes.

< Je suis fâchée de vous faire de la peine, continua la veuve; mais vous êtes si jeune et vous connaissez si peu les hommes! je voudrais vous mettre sur vos gardes. Il y a un vieux dicton qui dit que tout ce qui brille n'est pas or, et je crains qu'il n'y ait là-dessous quelque chose que ni vous ni moi ne pouvons deviner.

–Comment! suis-je donc un monstre? m'écnai-je. Est-il impossible que M. Rochester ait une affection sincère pour moi?

Non, vous êtes très-bien et vous avez même gagné depuis quelque temps; je crois que M. Rochester vous aime; j'ai toujours remarqué que vous étiez sa favorite; souvent j'ai souffert pour vous de cette préférence si marquée, et j'aurais désiré pou-


voir vous mattfa sur vos gardes mais j'Msitais à placer aeas vos yeux même lut possibilité du mat. Je savais qu'une semblable pensée vous choquerait, vous offenserait peut-être; je vous savais profondément modeste et sensible je pensais qu'on pouvait vous livrer à vous-m~me. Je ne puis pas vous dire 09 que j'ai souffert la nuit dernière, lorsqu'aprës vous avoir cherchée dans toute lamaison, je n'ai pas pu vous trouver, ni M. Rochestor non plus, et quand je vous ai vus revenir ensemble à minuit.

Eh bien peu importe cela maintenant, interrompis-je avec impatience, II suffit que tout se soit bien passé.

Et j'espère que tout ira bien jusqu'à la fin, dit-elle. Mais, croyez-moi, vous ne pouvez pas prendre trop do précautions; gardez M. Rochester a distance; défiez-vous de vous-même autant que de lui; des hommes dans sa position n'ont pas l'habitude d'épouser leurs institutrices. »

L'impatience me gagnait; heureusement Adèle entra eu courant

< Laissez-moi aller à Miltcote avec vous, s'écria-t-ello; M. Rochester ne le veut pas, et pourtant il y a bien do la place dans !a voiture neuve demandez-lui de me laisser aller, mademoiselle.

Certainement, Adèle. »

Et je me hâtai de sortir, heureuse d'échapper à une si rude conseillère. La voiture était prête, on l'amenait devant la maison mon maître s'avançait vers elle, et Pilote l'accompagnait. « Adèle peut venir avec nous, n'est-ce pas, monsieur? demandai-je.

Je lui ai dit que non; je ne veux pas avoir de marmot; je désire être seul avec vous.

Laissez-la venir, monsieur Rochester, je vous en prie; cela vaudra mieux.

Non, ce serait une entrave. »

Son regard et sa voix étaient absolus les avertissements et les doutes de Mme Fairfax m'avaient glacée je n'avais plus aucune certitude dans mes espérances; jé ne cherchais plus a exercer mon pouvoir sur M. Rochester. J'allais obéir machinalement et sans dire un mot de plus mais, en m'aidant à monter dans la v&itare, il me regarda.

« Qu'y a-t-il donc? me demanda-t-il; toute la joie est disparue de votre visage. Désirez-vous vraiment que la petite vienne? et cela vous contrariera-t-il si je la laisse ici? Q Je préférerais qu'elle vînt, monsieur.


Eh Mon! alltm pherehe? votre chapeau, et ravouez aussi vite qwaMelair, » cria-t-il & Adëla.

EHe lui obéit avec promptitude.

< Apres tout, qu'importe une petite contrainte d'une matineat dit-il; bientôt je vous demanderai vos conversations, vos pensées, et votre société pour toujours. a

Lorsque Adèle fut dans la voitura, elle se mit à m'embrasser pour m'exprimer sa reconnaissance, mais elle fut immédiatement reléguée dans un ooh) à côté de M. Roohester. Elle jeta aa coup d'ceil de mon eote un voisin si sombre la gênait; elle n'osait lui faire part d'aucane do ses observations, ni lui rien demander.

< Laissez-la venir près de moi, m'ëcriai-je; elle vous gênera peut-être, monsieur; il y a bien assez de place de ce cote. H me la passa, comme il eût fait d'un petit chien. Je l'enverrai prochainement en pension, » me dit-il en souriant.

Adèle l'entendit et lui demanda si elle irait en pension sans mademoiselle.

< Oui, rëpondit-il, tout à fait sans elle, carje l'emmènerai avec moi dans la lune; là, jo chercherai une caverne dans une vallée entourée de montagnes volcaniques, et elle y demeurera avec moi, avec moi seul.

Elle n'aura rien à manger; vous la ferez mourir de faim, fit observer Adèle.

J'irai ramasser de bonnes choses pour son déjeuner et son dîner; dans la lune, les plaines et les collines en sont remplies, Adèle.

Elle aura froid; comment fera-t-elle du feu?

Dans la lune, le feu sort des montagnes; quand elle aura froid, je la porterai sur le sommet d'un volcan et je l'assoirai sur le bord du cratëre.

Oh qu'elle y sera mal et peu confortablement! Ses vêtements s'useront; comment lui en donnerez-vous de nouveaux? M. Rochester fit semblant d'être embarrassé.

< Hemt dit-il, que feriez-vous, Adèle? Creusez<vous la tête pour trouver un expédient. Que pensez-vous d'un nuage bleu ou rose pour une robe, et ne ferait-on pas une bien jolie écharpe avec un morceau d'arc-en-ciel?

E!!e est bien mieux ici, déclara Adèle après avoir réHechi; d'ailleurs, elle se fatiguerait de vivre toute seule avec vous dans la lune. A la place de mademoiselle, je ne consentirais jamais à aller avec vous.

J*NE EtM. M 4


–BMo y a eons~ti; ollomo l'a promis.

'–Mats vous ao tMWMz paa t'atameaep t&'haut, M n'y a paa do chemin pour aller dans la lune; it n'y a que l'air, et ni elle ai vous M savez voler.

Adèle, regardez ce champ.

Nousavions dépassé les portes de ThornOetd et nous roulions légèrement sur la belle route do MUloote; la poussière avait été abattue par l'orage; les haies vives et les grands arbres, rafratcMs par ta pluie, verdissaient de chaque c&të.

< Il y a à pau près quinze jours, Adèlo, dit M. Rochester, je me promenais dans ce champ, te soir du jour o& vous m'aviez aidé à faire du foin dana les prairies du verger. Comme j'étais fatigue d'avoir ramassé de, l'herbe, je m'assis sur les marches que vous voyez ta; je pris un crayon et un petit cahier, puis je me mis à écrire un malheur qui m'était arrivé ity a longtemps, et à désirer des jours meiiteurs. J'écrivais rapidement, malgré t'ebseurité croissante, quand je vis quelque chose s'avancer dans le sentier et s'arrêter & deux mètres de moi Je levai les yeux, et j'aperçus une petite créature, portant sur la tête un voile fait avec les nls de la vierge. Je lui ns signe d'approcher; elle fut bientôt tout près de moi; je ne lui parlai pas, etelle ne me parla pas, mais elle lut dans mes yeux, et moi dans les siens. Voici le résattat de notre entretien maet.

c C'était une fée venue du pays des Elfes, et son voyage avait pour but de me rendre heureux; je devais quitter le monde et me retirer avec elle dans un lieu solitaire, comme la lune, par exemple, et avec sa tête elle m'indiquait le croissant argenté qui se levait au-dessus des montagnes; elle m'apprit que là-haut il y avait des cavernes d'albâtre et des vallées d'argent où nous pourrions demeurer. Je lui dis que j'aimerais bien à y aller, mais je lui fis remarquer que je n'avais pas d'allés pour voler. < 0ht répondit la fée, peu importe; voita un talisman qui lèvera c toutes les difficultés. Et elle ma montra un bel anneau d'or. < Mettez-te, me dit-elle, sur le quatrième doigt de votre main 8 t gauche, et je serai à vous et vous serez à moi nous qu<tterons < la terre ensemble, t nous ferons notre ciel là-haut. Et elle indiqua de nouveau la lune. Adèle, l'anneau est dans ma poche, déguisé en une pièce d'or; mais bientôt je tui<raudrai sa 'véritable forme.

Mais qu'est-ce que mademoisell& a faire avec cette histoire ? Peu m'importe la fée; vous m'avez dit que vous vouliez emmener mademoiselle dans la lune.

Mademoiselle est une fée. aiouta-t-it mystérieusement.


la ah nlorl & Ade!a da ne point a'!nq'~Htor de ces pManatories. Elle, de son o&M, nt provision d'esprit et déclara avM Bon scepticisme français que M. Rochester était un vrai monteur, qu'elle ne faisait aucune attention & ses contes de fées que, du reste, U n'y avait pas de Mes, et que, quand même il y en aurait, elles ne lui apparaîtraient certainement pas pssriui donner un anneau et lui offrir d'aller vivre dans la lune. L'heure qu'on passa à Milloote fut un peu ennuyeuse pour moi. M. Rochester me força à aller dans un magasin de soieries, et voulut me faire choisir une demi-douzaine do robes i je n'en avais nullement envie, et lui demandai de remettre tout cela a plus tard mais non, il !allut bien obéir. Tout ce que purent faire mes supplications fut de réduire à deux robes seulement les six que voulait me donner M. Roohester; mais il jura que ces doux-la seraient choisies par lui. Je vis avec anxiété ses yeux se promener sur les étoffes claires enfin il se décida pour une soie d'une riche couleur d'améthyste et pour un satin rose. Je recommençai à lui parler tout bas et je lui dis qu'autant vaudrait m'acheter une robe d'or et un chapeau d'argent; que certainement je ne porterais jamais les étoffes qu'il avait choisies. Après bien des difneultes, car il était inflexible comme la pierre, il se décida à prendre une robe de satin noir et une autre de soie gris-perte a Cela ira pour maintenant, dit-il; mais il ajouta qu'un jour à venir, il voulait me voir briller comme un parterre.

Je me sentis soulagée quand nous fûmes sortis du magasin de soieries et de la boutique du bijoutier. Plus M. Rochester me donnait, plus mes joues devenaient brûlantes et plus j'étais saisie d'ennui et de dégoût. Lorsque, névreuse et fatiguée, je n'assis de nouveau dans la voiture, je me rappelai que les derniers événements tristes et joyeux m'avaient complétement fait oublier la lettre de mon oncle John Eyre à Mme Reed, ainsi que son intention de m'adopter et de me léguer ses biens. < Ce serait un soulagement pour moi d'avoir quelque chose qui m'appartint, me disais-je; je ne puis pas supporter d'être habillée comme une poupée par M. Rochester, ou, seconde Danaé, de voir tomber tous les jours autour de moi une pluie d'or. Des que je serai rentrée, j'écrirai à Madère, à mon oncle John, et je lui dirai avec qui je vais me marier; si je savais qu'on jour je pourrais augmenter la fortune de M. Rochester, je supporterais plus facilement les dépenses qu'il fait maintenant pour moi. Un peu soul&gée par ce projet, que je mis à exécution le jour même, ie me hasardai encore une fois à rencontrer


le regard de mon maître qui me cherchait toujours, bien que je <!ëtourNa9so sans casao les yeux do son visage il sourit, et il me sombla que ce sourira était celui qu'un sultan accorderait dans un jour d'amour et de bonheur à une esclave enrichie par son or et ses bijoux. Je repoussai sa main qui cherchait toujours la mienne, et je la retirai toute rouge de ses étreintes passionnées.

< Vous n'avez pas besoin de me regarder ainsi, dis-je, et si vous continuez, je ne porterai plus jusqu'au dernier moment que ma vieille robe de Lowood, et je me marierai avec cette robe de guingan lilas vous pourrez vous faire un habit de noce avec la soie gris-perle et une collection de gilets aveo le satin noir. D

Il me caressa et frotta ses'mains.

a Oh 1 quel bonheur de la voir et de l'entendre t s'ëcria-t-il comme elle est originale et piquante < je ne changerais pas cette petite Anglaise contre tout le sérail du Grand Turc, contre les yeux de gazelles et les tailles de houris.

Cette allusion orientale me déplut.

e Je ne veux pas du tout remplacer un sérail pour vous, dis-je; si ces choses-là vous plaisent, monsieur, allez sans retard dans les bazars de Stamboul et dépensez en esclaves un pe~ de cet argent que vous ne savez comment employer ici. Et que ferez-vous, Jane, pendant que j'achèterai toutes ces livres de chair et toute cette collection d'yeux noirs P Je me préparerai à partir comme missionnaire pour prêcher la liberté aux esclaves, ceux de votre harem y compris je m'y introduirai et j'exciterai la révolte et vous, pacha, en un instant vous serez enchaîné, et je ne briserai vos liens que lorsque vous aurez signé la charte la plus libérale qui ait jamais été imposée à un despote.

Je consentirai bien à être à votre merci, Jane.

Oh je serais sans miséricorde, monsieur Rochester, surtout si vos yeux avaient la même expression que maintenant en voyant votre regard, je serais certaine que vous ne signez la charte que parce que vous y êtes forcé, et que votre premier acte serait de la violer.

Eh bien, Jane, que voudriez-vous donc ? Je crains qu'outre le mariage à l'autel, vous ne me forciez à accepter toutes les eéféuMmies d'un mariage du monde. Je vois que vous ferez vos conditions quelles seront-elles ? p

Je ne vous demande qu'un esprit facile, monsieur, et qui sache se dégager des obligations du monde. Vous rappelez-vous


M que vous m'avez dit de Céline Varans, des diamants ot des cachemires que vous lui avez donnas? Je aa veux pas Mrs une autre Céline Varans je continuerai à être la gouvernante d'Adèle je gagnerai ainsi ma nourriture, mon logement et trente livres par an je subviendrai moi-même aux dépenses de ma toilette. et vous ne me donnerez tien, si ce n'est.

Si ce n'est quoi?

Votre affection; et si je vous donne la mienne en retour, nous serons quittes.

Eh bien, dit-il, vous n'avez pas votre égale en froide impudence et en orgueil sauvage Mais voilà que nous approchons de ThomMd. Vous plaira-t-il de dîner avec moi? me demanda-t-il, lorsque nous franchîmes les portes du parc.

-Non, monsieur, je vous remercie.

Et pourrai-je connaître la raison de votre refus? p

Je n'ai jamais dîne avec vous, monsieur, et je ne vois aucune raison pour le faire jusqu'à.

Jusqu'à quand? vous aimez les moitiés de phrase. Jusqu'à ce que je ne puisse pas faire autrement.

Croyez-vous que je mange en ogre ou en goule, que vous craignez de m'avoir comme compagnon de vos repas? Je n'ai jamais pensé cela, monsieur; mais je désire conti. nuer mes anciennes habitudes pendant un mois encore. Vous voulez renoncer d'un seul coup à votre esclavage. Ja vous demande pardon, monsieur je continuerai comme autrefois. Je resterai loin de vous tout le jour, comme je l'ai fait jusqu'ici; vous pourrez m'envoyer chercher le soir quand vous désirerez me voir, et alors je viendrai, mais à aucun autre moment.

Je voudrais fumer, Jane, ou avoir une pincée de tabac pour m'aider & supporter tout cela, pour me donner une contenance, comme dirait Adèle; malheureusement je n'ai ni ma boîte à cigares ni ma tabatière. Ecoutez-moi; c'est maintenant votre tour, petit tyran, mais ce sera bientôt le mien, et quand je me serai emparé de vous, je vous attacherai (aungurë) à une chaîne comme celle-ci, dit-il en montrant la chaîne de sa montre; oui, chère enfant, je vous porterai bien près de mon coeur, de peur de perdre mon plus précieux bijou. 1)

Il dit cela en m'aidant à descendre de la voiture, et, pendant qu'il prenait Adèle, j'entrai dans la maison et je me hâtai de monter l'escalier.

Il me fit venir près de lui tons les soirs. Je lui avais préparé une occupation, car j'étais déMdée à ne pas passer ce long tête-à-


tête en conversation; je me rappelais sa belle voix et je savais qm'il aimait à chanter comme presque tous les bons chanteurs. Je ne chantais pas bien, et, ainsi qu'il l'avait lui-même déclaré, je n'étais pas bonne musicienne; mais je me plaisais beaucoup à entendre une musique bien exécutée. A peine le crépuscule, cette heure des romances, eut-il assombri son bleu et déployé sa bannière d'étoiles, que j'ouvris le piano et que je le priai pour l'amour de Dieu de me chanter quelque chose. B me dit qu'il était capricieux et qu'il préférerait chanter une autre fois; mais je lui répondis que !e moment ne pouvait être plus favorable. Il me demanda si sa voix me plaisait.

a Beaucoup, e répondis-je.

Je n'aimais pas à natter sa vanité; mais cette fois je desiraia l'exciter pour arriver plus vite a mon but.

< Alors, Jane, il faut jouer l'accompagnement.

Très-bien, monsieur; je vais essayer. <

J'essayai en effet, mais bientôt je fus chassée du tabouret et appelée petite maladroite; il me poussa de côté sans cérémonie c'était justement ce que je désirais. n prit ma place et s'accompagna lui-même; car il jouait aussi bien qu'il chantait. n me relégua dans l'embrasure de la fenêtre, et, pendant que je regap. dais les arbres et les prairies, il chanta les paroles suivantes. sur un air euave et doux

< L'amour le plus véritable qui ait jamais enflammé un cour répandait par de rapides tressaillements la vie dans chacune de mes veines.

< Chaque jour, son arrivée était mon espoir, son départ ma tristesst tout ce qui pouvait retarder ses pas glaçait le sang dans mes veu a.

< Je m'étais dit qu'être aimé comme j'aimais serait pour moi un bonheur infini, et je as d'ardents efforts pour y arriver.

<c Mais l'espace qui nous séparait était aussi large, aussi dangereux & franchir et aussi difficile à frayer que les vagues écumeuses de l'Océan vert.

e II n'était pas mieux hanté q<M !M matier)' favoris des brigands dans les bois et les lieux solitaires; car le pouvoir et la justice, le malheur et la haine étaient entre nous.

Je bravai le danger je méprisai les obstacles; je dénai le<


mauvais présagea; je passai impétueusement au-dessus de tout co qui me fatiguait, m'avertissait et me menaçait. a Et mon aro-en-oiel s'étendit rapide comme la lumière, il s'étendit comme dans un rêve; cet enfant de la pluie et du soleil s'éleva glorieusement devant mon regard.

c Mais ce signe solennel de la joie brille doucement sur des nuages d'une triste teinte; cependant peu m'importe pour le moment de savoir si des malheurs pesants et douloureux sont proches.

t Je n'y pense pas dans <? doux instant, et pourtant tout ce que j'ai renversé peut arriver sur des ailes fortes et agiles pour demander vengeance.

c La haine orgueilleuse peut me frapper et me faire tomber; la justice, m'opposer d'invincibles obstacles le pouvoir oppresseur peut, d'un regard irrité, me jurer une inimitié éternelle.

c Mais avec une noble Bdëlité, celle que j'aime a placé sa petite main dans les miennes, et a juré que les liens sacrés du mariage nous uniraient tous deux.

< Mon amour m'a promis de vivre et de mourir avec moi; son serment a été scellé par un baiser; j'ai donc-ennn le bonheur innni que j'avais rêvé je suis aime comme j'aime. » n se leva et s'avança vers moi; sa figure était brûlante, ses yeux de faucon brillaient; chacun de ses traits annonçait la tendresse et la passion. Je fus embarrassée un moment, puis je me remis; je ne voulais pas de scènes sentimentales ni d'audacieuses déclarations j'en étais menacée; il fallait préparer une arme défensive. Lorsqu'il s'approcha de moi, je lui demandai avec aigreur qui il comptait épouser.

c C'est une étrange question dans la bouche de ma Jane chérie, » me dit-il

Je déclarai que je la trouvais très-naturelle et même très-nécessaire. n avait dit que sa femme mourrait avec lui qu'est-ce que cela signifiait? je n'avais nullement l'intention de mourir avec lui; il pouvait bien y compter.

H me répondit que tout ce qu'il désirait, tout ce qu'il demandait, c'était de me voir vivre près de lui, que la mort n'était pas faite pour moi.

< Si, en vérité, repris-je j'ai tout aussi bien le droit de mou.


dr que vous, lorsque mon temps sera venu; mais j'attendrai te moment et je oa ïo devancerai pas. »

M me demanda si je voulais lui paidoaner sa pensée égoïste, et sceller mon pardon d'un baiser.

Je le priai de m'excuser; car je n'avais nulle envie de l'embrasser.

Alors il s'écria que j'étais une petite créature Men'dure; et il ajouta que toute autre femme aurait fondu en larmes, en entend ant de semblables strophes à sa louange.

Je lui déclarai que j'étais naturellement dure et innexiMe, qu'il aurait de nombreuses occasions de le voir, et que, du reste, j'étais décidée à lui montrer bien des cotes bizarres de ma nature, pendant les quatre semaines qui allaient venir, afin qu'il sut à quoi il s'engageait, alors qu'il était encore temps de se rétracter.

N me demanda de rester tranquille et de parler raisonnablement.

Je lui répondis que je voulais bien rester tranquille, mais que je me flattais de parler raisonnablement.

Il s'agita sur sa chaise et laissa échapper des mouvements d'impatience. < Très-bien, pensai-je; vous pouvez vous remuer et vous mettre en colère, si cela vous platt; mais je suis persuadée que c'est là la meilleure conduite à tenir av.)C vous. Je vous aime plus que je ne puis le dire; mais je ne veux pas tomber dans une exagération de sentiment; je veux, par l'aigreur de mes réponses, vous éloigner du précipice, et maintenir entre vous et moi une distance qui sera favorable à tous deux. B Peu à peu il arriva à une grande irritation; lorsqu'il se fut retiré dans un coin obscur, tout au bout de la chambre, je me levai, et je dis de ma voix ordinaire et avec mon respect accoutumé

c Je vous souhaite une bonne nuit, monsieur! a » Puis je gagnai la porte de côté et je sortis.

Je continuai le même système pendant les quatre semaines d'épreuve, et j'eus un succès complet. Il était souvent rude et de mauvaise humeur; néanmoins je voyais bien qu'il se maintenait dans d'excellentes dispositions la soumission d'un agneau, la sensibilité d'une tourterelle auraient mieux nourri son despotisme mais cette conduite plaisait à son jugement, satisfaisait sa raison, et même était plus en harmonie avec ses go&ts. Devant les étrangers, j'étais comme autrefois calme et respectueuse une conduite différente eût été déplacée; c'était seulement dans les conveMations .d<.t soir que je l'irritais et t'aMi-


geais ainsi. Il continuait à m'envoyer chercher au moment où l'horloge sonnait sept heures; mais, quand j'apparaissais, il n'a. vait plus sur les lèvres ces doux mots < Mon amour, a et a Ma chérie; les meilleures expressions qu'il eût & mon service, étaient e Poupée provoquante, fée malicieuse, esprit mobile; < les grimaces avaient pris la place des caresses. Au lieu de me donner une poignée de main, il me pinçait le bras; au lieu do m'embrasser le cou, il me tirait l'oreille j'en étais contente je préférais ces rudes faveurs à des avances trop tendres. Je coyais que Mme Fairfax m'approuvait; son inquiétude sur mon vompte disparaissait j'étais sûre que ma conduite était bonne. M. Rochester déclarait qu'il en était fatigué, mais que, du reste, il se vengerait prochainement. Je riais tout bas de ses menaces < Je puis vous forcer à être raisonnable maintenant, pensais-je, et je le pourrai bien aussi plus tard; si un moyen perd sa vertu, nous en chercherons un autre.

Cependant ma tâche n'était pas facile; bien souvent j'aurais préféré lui plaire que de l'irriter. Il était devenu pour moi plus que tout au monde, plus que les espérances divines ellesmêmes il était venu se placer entre moi et toute pensée religieuse, comme une éclipse entre l'homme et le soleil. La créa' ture ne me ramenait pas au créateur, car de l'homme j'avais fait un Dieu.

CHAPITRE XXV.

Le mois accordé par M. Rochester était écoulé; on pouvait compter les heures qui restaient il n'y avait plus moyen de reculer le jour du mariage, tout était prêt. Moi, du moins, je n'avais plus rien à faire; mes malles étaient fermées, ficelées et rangées le long du mur de ma petite chambre; le lendemain elles devaient rouler sur la route de Londres avec moi, ou plutôt avec une Jane Roohester que je.ne connaissais pas. Il n'y avait plus qu'à clouer les adresses sur les malles.

M. Rochester lui-même avait écrit sur plusieurs morceaux de carton Mme Rochester, hôtel de. à Londres; »mais je n'avais pas pu me décider à les placer sur les caisses. Mme Rochester r elle n'existait pas et elle ne naîtrait pas d'ici au lendemain ma tin. Je voulais la voir avant de déclarer que toutes ces choses


lui appartenaient. C'était Mon assez que, danah petit cabinet de toilette, des vêtements qu'on disait être à elle eussent remplacé ma Mha de Loweod et mon chapa~u de paille car certainement cette robe gris-parlé, ce voile léger suspendus au portemanteau, n'étaient point & moi. Je fermai la porte pour no pas apercevoir ces vêtements, qui, grAce à leur couleur elaire, fo~ maient comme une lueur fantastique dans l'obscurité de ma chambre. < Restez seuls, dis-je, vous qui éveillez des songes étranges .Je suis fiévreuse j'entends le vent siffler, et je vais descendre pour me rafraîchir à son souftle, x

Je n'étais pas agitée seulement par l'activité des préparatifs et par la pensée do la vie nouvelle qui demain allait commencer pour moi. Ces deux choses concouraient sans doute à me donner cette agitation, qui me poussa à errer dans les champs à une heure aussi avancée; mais il y avait une troisième cause plus forte que les autres.

Mon coeur était tourmenté par une idée étrange et douloureuse it m'était arrivé une chose que je ne pouvais comprendre; seule, j'en avais connaissance. L'événement avait eu lieu la nuit précédente. Ce jour-là, M. Rochester s'était absenté de la maison et n'était point encore revenu des affaires l'avaient appelé dans une de ses terres, éloignée d'une trentaine de milles, et il fallait qu'il s'en occupât lui-même avant de quitter l'Angleterre. J'attendais son retour pour soulager mon esprit et chercher avec lui la solution de cette énigme qui m'inquiétait. Lecteurs, attendez avec moi, et vous aurez part à ma confidence, quand je lui révélerai mon secret.

Je me dirigeai du côté du verger, ann d'y trouver un abn contre le vent qui, pendant toute la journée, avait soufflé du sud sans pourtant amener une goutte de pluie. Au MeK de cesser, il semblait augmenter ses mugissements; les arbres pliaient tous du même côté, sans jamais se tordre en duferemts sens; ils relevaient leurs branches à peine une fois dans ans heure, tant était violent et continuel le vent qui inclinait leurs têtes vers le nord. Les nuages couraient rapides et épais d'un pôle à l'autre; et, dans cette journée de juillet, on n'avait pas vn nn coin de ciel bleu.

J'éprouvais un plaisir sauvage à courir sous le vent, et à étou~ dir mon esprit troublé, au sein de ce torrent d'air qui mugissait dans l'espace. Après avoir descendu l'allée de lauriers, je regardai le marronnier frappé par la fondre. Il était noir et nctri; lo trMto fendu bâillait comme un fantôme les deux côtés de l'arbre n'étaient pas complètement séparés l'un de l'autre, la base vi-


geurauaa et les fortes racines les unissaient encore mais la vie était détruite, la sève ne pouvait plus couler. De chaque oot~, les grandes branches retombaient flétries et mortes, et le prochain orage ne devait pas laisser l'arbre debout; mais, pour le moment, ces deux morceaux semblaient encore former un tout c'était une ruine, mais une ruine entière.

< Vous faites bien de vous tenir serres l'un contre l'autre, dis-je, comme si le fantôme eut pu m'entendre; vous êtes brisés et déchirés, et pourtant il doit y avoir encore un peu de vie en vous, à cause de l'union de vos fidèles racines. Vos feuilles ne reverdirontplus; les oiseaux ne viendront plus sur vos branches pour chanter et faire leurs nids; le temps de l'amour et du plaisu* est passe; mais vous ne tomberez pas dans le désespoir, car chacun de vous a un compagnon pour sympathiser avee lui, au jour de sa ruine. »

Ace moment, la lune éclairait la fente qui les séparait; son disque était d'un rouge sang et à moitié voilé par les nuages; elle sembla me jeter un regard a&uvage et terrible, puis sa cacha rapidement derrière les nuages. Le vent cessa un instant de mugir dansThornSeld; mais, dans les bois et les ruisseaux lointains, on entendit des gémissements mélancoliques c'était si triste que je m'éloignai en courant.

J'errai quelque temps dans le verger, ramassant les pommes dont le gazon était couvert; je m'amusai à séparer celles qui étaient mûres < et je les portai dans l'office, puis je remontai dans la bibliothèque pour m'assurer si le feu était allumé car, nien qu'on fût en été, je savais que, par cette triste soirée, M. Rechtster aimerait à trouver un foyer réjouissant. Le feu était allumé depuis quelque temps, et brûlait activement; je plaçai le fauteuil de M. Rochester au coin de la cheminée, et je roulai la table à coté; je baissai les rideaux, et je fia apporter des bougies toutes prêtes à être allumées. Lorsque j'eus achevé ces préparatifs, j'étais plus agitée que jamais; je ne pouvais ni rester assise ai demeurer à la maison. Une petite pendule dans la chambre et l'horloge de la grande salle sonnèrent dix heuret en même temps.

< Comme il est tard! me dis-je; je m'en vais aller devant les portes du parc la lune brille par moments; on voit assez loin sur la route; peuS-être arrive-t-il maintenant; en allant à sa rencontra, j'éviterai quelques moments d'attente, »

Le vent soufflait dans les grands arbres qui encadraient la porte mais, aussi loin que je pus voir sur la route, tout y était tranquille et solitaire; excepté lorsqu'un nuage venait obscurcir


la lune, le chemin m'était au regarda qu'une ligne longue, pMo et sans animation.

Une lame vint obscurcir mes yeux, larme do désappointement et d'impatience; honteuse, je l'essuyai rapidement. J'errai encore quelque temps la lune avait entièrement disparu derrière des nuages épais; la nuit devenait de plus en plus sombre, et la pluie augmentait.

« Je voudrais le voir venir < je voudrais !e voir venir m'écriai je, saisie d'un accès de mélancolie. J'espérais qu'il arriverai avant le thé; voilà la nuit. Qu'est-ce qui peut le retarder? Lui est-il arrivé quelque accident?

L'événement de la nuit précédente se présenta de nouveau à mon esprit j'y vis l'annonce d'un malheur. J'avais peur que mes espérances ne fussent trop belles pour se réaliser; j'avais été si heureuse ces derniers temps, que je craignais que mon bonheur ne tût arrivé au faite et ne dût commencer son déclin. <r Eh bien 1 pensai-je, je ne puis pas retourner à la maison; je ne pourrai pas rester assise au coin du feu, pendant que je le unis dehors par ce mauvais temps. J'aime mieux avoir les membres fatigués que le cour triste; je m'en vais aller à sa rencontre.

Je sortis; j'allai vite, mais pas loin. Je n'avais pas fait un quart de mille que j'entendis le pas d'un cheval un cavalier arriva au grand galop; un chien courait à ses côtés. Plus de tristes pressentiments; c'était lui! il arrivait monté sur Mesrour et suivi de Pilote. Il me vit, car la lune s'était dégagée des nuages et brillait dans le ciel; il prit son chapeau et le remua au-dessus de sa tête; je courus à sa rencontre.

c Ah s'écria-t-il en me tendant la main et en se baissant vers moi, vous ne pouvez pas vous passer de moi, c'est évident; mettez le pied sur mon éperon, donnez-moi vos deux mains et montez. »

J'obéis, la joie me rendit agile; je sautai devant lui; je reçus un baiser, et je supportai mon triomphe le mieux possible. Dans son exaltation, il s'écria

a Ya-t-U quelque chose, Jane, que vous venez au-devant de moi à une heure semblable? T a-t-il quelque mauvaise nouvelle 7

Non; mais je croyais que vous ne viendriez jamais, et je ne pouvais pas vous attendra tranquillement & la maison, surtout par cette pluie et ce vent.

Du vent et de la pluie, en vérité? Vous êtes mouillée comme une nymphe des eaux; enveloppez-vous dans mon manteau.


JANE BYRB.

Mais il me semble que vous avez la M~vrft, Jana, vos joues et vos mains sont brûlantes. Je vous ïe demande encore, n'y a-t-il tien? R

Non, monsieur, rien maintenant; je ne suis plus ni em'ayee ni malheureuse.

Alors vous l'avez été?

Un peu; je vous raconterai cela plus tard, monsieur; mais je suis persuadée que vous rirez de mon inquiétude.

Je rirai de bon «sur, lorsque la matinée de demain sera passée; jusque-là je n'ose pas, je ne suis pas encore bien sûr de ma proie. Depuis un mois, vous êtes devenue aussi difficile à prendre qu'une anguille, aussi épineuse qu'un buisson de roses; partout où je posais mes doigts, je sentais une pointe aiguë; et maintenant il me semble que je tiens entre mes bras un agneau plein de douceur. Vous vous êtes éloignée du troupeau pour chercher votre berger, n'este pas, Jane?

J'avais besoin de vous; mais ne vous félicitez pas trop tôt. Nous voici arrivés à Thorafield; laissez-moi descendre. a Il me déposa à terre; John vint prendre le cheval, et M. Rochester me suivit dans la grande salle pour me dire de changer de vêtements et de venir le retrouver dans la bibliothèque. Au moment où j'allais monter l'escalier, il m'arrêta et me fit promettre de ne pas être lente je ne le fus pas non plus, et au bout de cinq minutes je le rejoignis; il était à souper.

< Prenez un siège et tenez-moi compagnie, Jane. S'il plaît à Dieu, après ce repas vous m'en prendrez plus qu'un à Thornfield, d'ici à longtemps du moins, t

Je m'assis près de lui, mais je lui dis que je ne pouvais pas manger.

<t C'est à cause de votre voyage de demain, Jane; la pensée que vous allez voir Londres vous Me l'appétit.

Ce projet n'est pas bien clair pour moi, monsieur, et je ne puis pas trop dire quelles sont les idées qui me préoccupent ce soir; tout dans la vie me semble manquer de réalité.

Excepté moi; je suis bien chair et os, touchez-moi

Vous surtout, monsieur, me semblez un fantôme; vous êtes un véritable rêve. »

Il étendit sa main en riant.

< Cela est-il un rêve? » dit-il en la posant sur mes yeux. Il avait une main ronde, forte, musculeuse, et un bras long et vigoureux.

<t Oui, lorsque je la touche, c'est un rêve, dis-je en 1 éloignant de mon visage. Monsieur, avez-vous uni de souper?


On!, Jane. Il

Jo sonnai et je fis retirer !@ plateau. Lorsque nous fumes seuls de nouveau, j'attisai le feu et je m'assis sur une chaise basse aux pieds de mon maître.

< n est près de minuit, dis-je.

Oui; mais rappelez-vous, Jane, que voua m'avez promis de veiller avec moi la nuit qui précéderait mon mariage. Oui, et je tiendrai ma promesse, au moins pour une heure ou deux; je n'ai point envie d'aller me coucher.

Tous vos préparatifs sont-ils unis?

Tous, monsieur.

Les miens aussi j'ai tout arrange. Nous quitterons Thorn.Md demain matin, une demi-heure après notre retour de l'église.

Trêe-Men, monsieur.

En prononçant ce mot-là, vous avez souri étrangement, Jane; comme vos joues se sont colorées et comme vos yeux brillent! Etes-vous bien portante?

Je le crois.

Vous le croyezl Mais qu'y a-t-il donc? dites-moi ce que vous éprouvez.

Je ne le puis pas, monsieur, aucune parole ne peut exprimer ce que j'éprouve. Je voudrais que cette heure durât tou'ours; qui sait ce qu'amènera la prochaine?

–C'est de la mélancolie, Jane; vous avez été trop excitée ou trop fatiguée.

Monsieur, vous sentez-vous calme et heureux?

Calme, non, mais heureux jusqu'au fond du cœur. a Je regardai et je cherchai à lire la joie sur son visage; je remarquai sur sa figure une expression ardente.

a Confiez-vous à moi, Jane, me dit.il; soulagez votre esprit du poids qui l'opprime en le partageant avec moi que craignezvous ? Avez-vous peur de ne pas trouver en moi un bon mari P Aucune pensée n'est plus éloignée de mon esprit. Craignez-vous le monde nouveau dans lequel vous allez en trer, la vie qui va commencer pour vous?

Non.

Jane, vous m'intriguez; votre regard et votre voix annoncent une douloureuse audace qui m'étonne et m'attriste; j'ai besoin d'une explication

Alors, monsieur, écoutez-moi. La nuit dernière vous n' Hez pas à la maison.

Non, je le Mis; et il y a quelques instants vous avez parlé


d'une chose qai avait ou lieu on mon absence. Sans doute ça n'eat rien d'important, mais cnBn cola vous a trfublea racontez-le moi. Peut-être MmeFairfax vous a-t-elle dit quelque cbos«, ou peut-être avez-vous entendu une conversation des domesHques; et votre dignité trop délicate aura été Massée. Noa, monsieur. <

Minuit sonnait; j'attendis que le timbre eut cessé son bruit Mgentin et l'horloge ses sonores vibrations, puis je eontinuni < Hier, toute la journée, j'ai été très-ocoupée et très-heureuse au milieu de cette incessante activité; car je n'ai aucune crainte en entrant dans cette vie nouvelle, comme vous semblez te croire c'est au contraire une grande joie pour moi d'avoir l'osperance de vivre avec vous, parce que je vous aime. Non, monsieur, ne me faites aucune caresse maintenant, laissez-moi parler sans m'interrompre. Hier j'avais foi en la Providence et je croyais que tout travaillait à notre bonheur; la journée avait été belle, si vous vous le rappelez, l'air était si doux que je ne pouvais rien craindre pour vous. Le soir je me promenai quelques instants devant la maison en pensant à vous; je vous voyais en imagination tout près de moi, et votre présence me manquait à peine. Je pensais à l'existence qui allait commencer pour moi, je pensais à la votre aussi, plus vaste et plus agitée que la mienne, de même que la mer profonde qui reçoit dans son sein tous les petits ruisseaux est aussi plus vaste et plus agitée que l'eau basse d'un détroit resserré entre les terres. Je me demandais pourquoi les philosophes appelaient ce monde un triste désert pour moi, il me semblait rempli de fleurs. Lorsque le soleil se coucha, l'air devint froid et le ciel se couvrit de nuages je rentrai. Sophie m'appela pour regarder ma robe de mariée qu'on venait d'apporter, et au fond de la botte je trouvai votre présent, le voile, que dans votre extravagance princière vous aviez fait venir de Londres; je suppose que, comme j'avais refusé les bijoux, vous aviez voulu me forcer à accepter quelque chose d'aussi précieax. Je souris en le dépliant, et je me demandai comment je vous taquinerais sur votre godt aristocratique et vos efforts à déguiser votre nancée plébéienne sous les vêtements de la fille d'un pair; je cherchais comment )e m'y prendraispourvenirvousmontrerle voile de blonde brodée que j'avais moi-même préparé peur recouvrir mft tête. Je vous auMmt demandé si ce n'était pas suffisant pour une femme qui ne pouvait apportera son mari ni fortune, ni beauté, ni rotations je voyais d'avance votre regard, j'entendais votre impétueuse réponse républicaine je vous entendais déclarer avec dédain que vous ne


désiriez pas augmentep vos richesses ou obtenir un rang plus etdv~ on épousant soit une bourge, soit un nom.

Comme vous lisez bien en moi, petite sorciëra! a eorm M.Rochsstef. Mais qu avez.vous trouve dans te voite, sinon des broderies? Reconvrait-it une épée ou du poison, que votre regard devient si lugubre? 't

Non, non, monsieur, la délicatesse et la richesse du tissu ne recouvraient rien, sinon l'orgueil des Rochester; mais jesuis habituée à ce démon, et il ne m'effraye plus. Cependant, à mesure que l'obscurité approchait, le vent augmentait; hier soir il ne soufflait pas avec violenoe comme aujourd'hui mais il faisait entendre un gémissement triste et bien plus lugubre ) aarats voulu que vous fussiez & la maison. J'entrai ici, la vue de cette chaise vide et de ce foyer sans ftamme me glaça. Quelque temps après, j'allai me coucher, mais je ne pus pas dormir j'étais agitëe par une anxiété que je ne pouvais comprendre; le vent qui s'élevait toujours semblait chercher à voiler quelque son douloureux. D'abord je ne pus pas me rendre compte si ces sons venaient de la maison ou du dehors ils se renouvelaient sans cesse, aussi douloureux et aussi vagues; enfin je pensai que ce devait être quelque chien hurlant dans le lointain. Je fus heureuse lorsque le bruit cessa; mais cette nuit sombre et triste me poursuivit dans mes rêves; tout en dormant, je continuais à désirer votre présence, et j'éprouvais vaguement le sentiment pénible qu'une barrière nous séparait. Pendant le commencement de mon sommeil, je croyais suivre les sinuosités d'un chemin inconnu; une obscurité complète m'environnait; la pluie mouillait mes vêtements. Je portais un tout petit enfant, trop jeune et trop faible pour marcher; il frissonnait dans mes bras glacés et pleurait amèrement. Je croyais, monsieur, que vous étiez sur la route beaucoup en avant, et je m'enbrçais de vous rejoindre; je faisais efforts sur efforts pour prononcer votre nom et vous prier de vous arrêter mais mes jambes étaient enchaînées, mes patoles expiraient sur mes lèvres, et, pendant ce temps, je sentais que vous vous éloigniez de plus en plus.

Et ces rêves pèsent encore sur votre esprit, Jane, maintenant que je suis près de vous, nerveuse enfant Oubliez de? malheurs fictifs, pour ne penser qu'au bonheur véritable. Voui, dites que vous m'aimez, Jane, je ne l'oublierai pas, et vous ne pouvez plus le nier; ces mots-la n'ont pas expiré sur vos lèvres, je les ai bien entendus; ils étaient clairs et doux, peut-être trop solennels, mais doux comme une musique. Vous m'avez dit: e U est beau pour moi d'avoir l'espérance de vivre avec voas,


e Hdouard, paroe que je voua aime. » M'aimez-vous, yane? t~ p~z-lo encore.

Oh oui, monsieur, je vous aime de tout mon cœur. Eh bien, dit-il, après quelques minutes de silence, c'ea* étrange, ce que vous venez de dire m'a fait mal. Je pense que c'est parce que vous l'avez dit avec une énergie si profonde et si religieuse, parce que dans le regard que vous avez nxé sur moi il y avait une foi, une fidélité et un dévouement si sublimes, que j'ai cru voir un esprit près de moi et que j'en ai été ébloui. Jane, regardez-moi comme vous savez si bien regarder; lanCfz-moi un de vos sourires malins et provoquants; dites-moi que vous me détestez, taquinoz-moi, faites tout ce que vous voudrez, mais ne m'agitez pas; j'aime mieux être irrité qu'attristé. Je vous taquinerai tant que vous voudrez quand j'aurai achevé mon récit; mais écoutez-moi jusqu'au bout. Je croyais, Jane, que vous m'aviez tout dit, et que votre tristesse avait été causée par un rêve.

Je secouai la tête.

< Quoi s'éoria-t-il, y a-t-tl encore quelque chose ? mais je ne veux pas croire que ce soit rien d'important; je vous avertis d'a~vance de mon incrédulité. Continuez. a

Son air inquiet, l'impatience craintive que je remarquais dans ses manières, me surprirent; néanmoins, je poursuivis. < Je us un autre rêve, monsieur; Thornneld n'était plus qu'une ruine déserte, et servait de retraite aux chauves-souris et aux hiboux; de toute la belle façade, il ne restait qu'un mur trèsélevé, mais mince et qui semblait fragile; par un clair de lune, je me promenais sur l'herbe qui avait poussé à la place du château détruit; je heurtais tantôt le marbre d'une cheminée, tantôt un fragment de corniche. Enveloppée dans un châle, je portais toujours le petit enfant inconnu; je ne pouvais le déposer nulle part, malgré la fatigue que je ressentais dans les bras; bien que son poids empêchât ma marche, il fallait le garder. J'entendais sur la route le galop d'un cheval; j'étais persuadée que c'était vous, et que vous vous en alliez dans une contrée lointaine pour bien des années. Je montai sur le mur avec une rapidité fiévreuse et imprudente, désirant vous apercevoir une dernière fois les pierres roulèrent sous mes pieds les branches de lierre auxquelles je m'étais accrochée se brisèrent; l'enfant enrayé me prit par le cou et faillit m'étrangler. Enfin, j'arrivai au haut du mur; je vous aperçus comme une tache sur une ligne blanche; à chaque instant vous paraissiez plus petit le vent soufflait si fort que je ne pouvais pas me tenir. Je JAKH EvM. H 5


m'MNS sur te mur et j'apaisai l'enfant sur mon sein. Je vous vis tourner un angio de la route, je me penchai pour vous voir encore; le mur éboula un peu; je fus effrayée, l'enfant glissa de mes genoux, je perdis l'équilibre, je tomba! et je m'éveillai.

Maintenant, Jane, est-ce tout?

C'est toute la préface, monsieur; l'histoire va venir. Lorsque je m'éveiHai, un rayon passa devant mes yeux. < Oh voH&le < jour qui commence, e pensai-je; mais je m'étais trompée: c'était la lumière d'une chandelle. Je supposai que Sophie était entrée il y avait une bougie sur la table de toilette, et la porte du petit cabinet où, avant de me coucher, j'avais suspendu ma robe de mariée et mon voile, était ouverte. J'entendis du bruit; je demandai aussitôt a Sophie, que faites-vous là? e Personne ne répondit; mais quoiqu'un sortit du cabinet, prit la chandelle et examina les vêtements suspendus au portemanteau. < Sophie, < Sophie < m'écriai-je de nouveau, et tout demeura silencieux. Je m'étais tevée sur mon lit, et je me penchais en avant je fus d'abord étonnée, puis tout à fait égarée. Mon sang se glaça dans mes veines. Monsieur Rochester, ce n'était ni Sophie, ni Leah, ni Mme Fairfax; ce n'était même pas, j'en suis bien sûre, cette étrange femme que vous avez ici, Grace Poole.

–nfaBait bien que ce fût l'une d'elles, interrompit mon mattre.

Non, monsieur, je vous assure que non; jamais je m avais vu dans l'enceinte de ThornSetd celle qui était devant moi. La taille, les contours, tout était nouveau pour moi.

Faites-moi son portrait, Jane.

-Elle m'a paru grande et forte; ses cheveux noirs et épais pendaient sur son dos. Je ne sais quel vêtement elle portait il était blanc et droit; mais je ne puis vous dire si c'était une robe, un drap, ou un linceul.

–Avez-vous vu sa figure' f

–Pas dans le premier moment; mais bientôt elle décrochf mon voile, le souleva, le regarda longtemps et, le jetant sur sa tête se tourna vers une glace; alors je vis parfaitement son visage et ses traits dans le miroir.

Et comment étaient-ils? Y

Ils me parurent effrayants; oh monsieur, jamais je n'ai v& une figure semblable son viaxge était sauvage et Betn je voudrais pouvoir oublier ces yeux injectés qui roulaient dans leur orbite et ces traits noirs et gonflés.

Les fantômes sont généralement p~tes, Jane.


Celui-là, monsieur, était d'âne couleur pourpre il avait les lèvres noires et eaBëes, le front sillonné, les sourcils foncés et placés beaucoup au-dessus de ses yeux rouge sang. Voulezvous que je vous dise qui ce fantôme m'a rappelé t Oui, Jane.

Eh bien! il m'a rappelé le spectre allemand qu'on nomme vampire.

Eh bien que nt-il? f

-Monsieur, il retira mon voile de dessus sa tête, le déchira en deux, le jeta à terre et le foula aux pieds.

–Après? 1

Il souleva le rideau de la fenêtre et regarda dehors peut.être vit-il le jour poindre, car il prit la chandelle et se dirigea vers la porte; mais le fantôme s'arrêta devant mon lit, ses yeux flamboyants se fixèrent sur moi. Il approcha sa lumière tt<ut près de ma figure et l'ëteignit sous mes yeux; je sentis que son terrible visage était tout près du mien, et je perdis connaissance pour la seconde fois de ma vie seulement, je m'évanouis de pbur.

Qui était avec vous, lorsque vous recouvrâtes vos sens ? 1

Personne, monsieur, il faisait grand jour. Je me levai je me baignai la tête dans l'eau je bus je me sentais faible, mais nullement malade, et je résolus de ne raconter mon aventure qu'à vous seul. Maintenant, monsieur, dites-moi quelle était cette femme.

Une création de votre cerveau exalté, c'est certain; il faut que je prenne grand soin de vous, mon trésor des nerfs comme les vôtres demandent des ménagements.

Monsieur, soyez sûr que mes nerfs n'ont rien à faim là dedans la vision est réelle, tout ce que je vous ai raconté a eu lieu.

Et vos rêves précédents étaient-ils réels aussi? Le cMteàu de Thora&eld est-il en ruine ? Suis-je séparé de vous par d'insurmontables obstacles? Est-ce que je vous quitte sans une larme, sans un baiser, sans une parole?

Pas encore.

Suis-je sur le point de le faire ? Le jour qui doit nous lier & jamais est déjà commencé, et, quand nous serons unis, je vous assure que vous n'aurez plus de ces terreurs d'esprit. Des terreurs d'esprit, monsieur t Je voudrais pouvoir croire qu'il en est ainsi; je le souhaite plus que jamais, puisque vous-même ne pouvez pas m'expliquer ce mystère.


-Et puisque je ne le puis pas, Jane, c'est que la vision n'a pas été réelle.

Mais, monsieur, lorsque ce matin, en me levant, je me suis dit la même chose, et que, pour raffermir mon courage < j'ai regardé tous les objets qui me sont familiers et dont l'aspect était si joyeux à la lumière du jour, j'aperçus la preuve évidente de ce qui s'était passé mon voile était jeté & terre et déchiré en deux morceaux, s

Je sentis M. Rochester tressaillir; il m'entoura rapidement de ses bras.

a Dieu soit loué, s'écria-t-il, que le voile seul ait été touché, puisqu'un être malfaisant est venu près de vous la nuit dernière! Oh 1 quand je pense à ce qui aurait pu arriver 1. z H était tout haletant et il me pressait si fort contre lui que je pouvais à peine respirer. Après auelques minutes de silence, il continua gaiement

a Maintenant, Jane, je vais vous expliquer tout ceci cette vision est moitié rêve, moitié réalité; je ne doute pas qu'une femme ne soit entrée dans votre chambre, et cette femme était, devait être Grace Poole; vous-même l'appeliez autrefois une créature étrange, et, d'après tout ce que vous savez, vous avez raison de la nommer ainsi. Que m'a-t-elle fait? qu'a-t-elle fait à Mason ? Plongée dans un demi-sommeil, vous l'avez vue entrer et vous avez remarqué ce qu'elle faisait mais cévreuse et presque dans le délire, vous l'avez vue telle qu'elle n'est pas. La figure enflée, les cheveux dénoués, la taille d'une prodigieuse grandeur, tout cela n'est qu'une invention de votre imagination, une suite de vos cauchemars le voile déchiré, voilà ce qui est vrai et bien digne d'elle. Vous allez me demander pourquoi je garde cette femme dans ma maison. Lorsqu'il y aura un an et un jour que nous serons mariés, je vous le dirai, mais pas maintenant. Eh bien Jane, êtes-vous satisfaite? acceptezvous mon explication?

Je réfléchis, et elle me parut en effet la seule possible. Je n'étais pas satisfaite; mais, pour plaire à M. Rochester, je m'eSbrcai de le paraitre certainement j'étais soulagée. Je lui répondis par un joyeux sourire, et comme une heure était sonnée depuis longtemps, je me préparai à le quitter.

< Est-ce que Sophie ne couche pas avec Adèle dans la chambre des eu&uits? me demanda-t-il en allumant sa bougie. Oui, monsieur, répondis-je.

Il y a assez de place pour vous dans le petit lit d'Adèle couchez avec elle cette nuit, Jane. Il n'y aurait rien d'étonnant


a ec que l'événement que vous m'avez raconte eût excité voa nerfs. Je préfère que vous ne couchiez pas seule promettezmoi d'aller dans la chambre d'Adèle.

~en serai même très-contente, monsieur.

Formez bien votre porte en dedans. Quand voua mon. terez, dites à Sophie de vous éveiller de bonne heure car il taut que vous soyez habillée et que vous ayez déjeune avan~ huit heures. Et maintenant, plus de sombres pensées; chasse: les tristes souvenirs, Jane. Entendez-vous comme le vent est tombe? ce n'est plus qu'un petit murmure; la pluie a cessé de battre contre les fenêtres. Regardez, dit-il en soulevant le rideau, voilà une belle nuit. e

n disait vrai la moitié du ciel était entièrement pure le vent d'ouest soufflait, et les nuages fuyaient vers l'est enlongues colonnes argentées la lune brillait paisiblement.

< Eh bien ) 1 me dit M. Rochester en interrogeant mea yeux, comment se porte ma petite Jane, maintenant?

La nuit est sereine, monsieur, et je le suis également. Et cette nuit vous ne rêverez pas séparation et chagrin, mais vos songes vous montreront un amour heureux et une union bénie.

La prédiction ne fut qu'à moitié accomplie je ne ns pas de rêves douloureux, mais je n'eus pas non plus de songes joyeux; car je ne dormis pas du tout. La petite Adèle dans mes bras, je contemplai le sommeil de l'enfance, si tranquille, si innocent, si peu troublé par les passions, et j'attendis ainsi le jour tout ce que j'avais de vie s'agitait en moi. Aussitôt que le soleil se leva, je sortis de mon lit. Je me rappelle qu'Adèle se serra contre moi au moment où je la quittai; je l'embrassai et je dégageai mon cou de sa petite main; je me mis à pleurer, émue par une étrange émotion, et je quittai Adèle, de crainte de troubler par mes sanglots son repos doux et profond. Elle semblait être l'emblème de ma vie passée, et celui au-devant duquel j'allais bientôt me rendre, le type redouté, mais adoré, de ma vie future et inconnue.


CHAPITRE XXVI.

A sept heures, Sophie entra dans ma chambre pour m'ha biller; ma toilette dura longtemps, si longtemps, que M. Ro. chester, impatiente de mon retard, envoya demander pourquoi je ne descendais pas. Sophie était occupée à attacher mon voile (le simple voile de blonde) à mes cheveux; je m'échappai de ses mains aussitôt que je le pus.

< Arrêtez, me oria-t-elle en français regardez-vous dans ta glace vous n'y avez pas encore jeté un seul coup d'oeil. < Je revins vers la glace et j'aperçus une femme voilée qui me ressemblait si peu, que je crus presque voir une étrangère. <f Jane 1 » cria une voix, et je me hâtai de descendre. Je fus reçue au.bas de l'escalier par M. Rochester.

< Petite Mneuse, me dit-il, mon cerveau est tout en feu d'impatience, et vous me faites attendre si longtemps! » Il me nt entrer dans la salle à manger et m'examina attentivement il me déclara belle comme un lis, et prétendit que je n'étais pas seulement l'orgueil de sa vie, mais aussi celle que désiraient ses yeux; puis il me dit qu'il ne m'accordait que dix minutes pour manger. Il sonna. Un djmestique, nouvellement entré dans la maison comme valet de pied, répondit à l'appel. < John prépare-t-il la voiture? demanda M. Rcchester. Oui, monsieur.

Les bagages sont-ils descendus?

On s'en occupe, monsieur.

Allez à la chapelle, et voyez si M. Wood (c'était le nom du ministre) et son clerc sont arrivés vous reviendrez me le dire. »

L'église était juste au delà des portes. Le domestique fut bientôt de retour.

« M. Wood, dit-il, est arrivé; il s'habille.

Et la voiture? Y

Les chevaux sont attelés.

Nous n'en aurons pas besoin pour aller à l'église; mais il faut qu'elle soit prête à notre retour, les bagages arrangés et le cocher sur son siége.

Oui, monsieur

Jane, êtes-vous prête?


Je me levai. Il n'y avait ni garcon ni fille d'honneur, ni parents pour nous servir d'escorte, personne enfin que M. Roohester et moi. Mme Fairfax était dans la grande salle lorsque nous y passâmes je lui aurais volontiers parlé, mais ma main était tenue par une main d'airain, et je fus entraînée avec une telle rapidité que j'avais peine à suivre mon maître mais il suffisait de regarder sa figure pour comprendre qu'il ne tolérerait pas une seconde de retard. Je me demandais si jamais nance, & un tel moment, avait eu, comme M. Rochester, un visage dont l'expression indiquait la ferme ?<tlonté d'accomplir un projet à tout prix, ou si jamais Nancé avait en des yeux aussi brillants et aussi pleins d'ardeur sous un front d'acier. Je ne sais pas si la journée était radieuse ou non en descendant vers l'egMse, je M regardai ni le ciel ni la terre; mM cour était avec mes yeux, et tous deux n'étaient occupés que de M. Rochester. J'aurais voulu voir la chose invisible sur laquelle it paraissa't attacher un regard ardent, pendant que nous avancions j'aurais voulu connaître la pensée qui semblait vouloir s'emparer de lui avea force, et contre laquelle il avait l'air de lutter.

Il s'arrêta devant la porte du cimetière et s'aperçut que j'étais hors d'haleine.

o Je suis cruel dans mon amour, me dit-il reposez-vous un instant; appuyez-vous sur moi, Jane.

Je me rappelle encore la maison de Dieu, vieille et grise, et s'élevant avec calme devant nous; une corneille volait autour du clocher et se détachait sur un rude ciel du matin. Je me rappelle aussi les tombes recouvertes de verdure, et je n'ai point oublié deux étrangers qui se promenaient dans le cimetière et qui lisaient les inscriptions gravées sur les tombeaux. Je les remarquai, parce que, lorsqu'ils nous aperçurent, ils passèrent derrière l'église; je pensai qu'ils allaient entrer par la porte de coté et assister à la cérémonie. M. Roehester ne les remarqua pas. Il était trop occupé à me regarder, car le sang avait un moment quitté mon visage; je sentais mon front humide et mes lèvres froides. Au bout de peu de temps, je fus remise, et alors il s'avança doucement avec moi vers la porte de l'église. Nous entrâmes dans l'humble temple. Le prêtre était habillé et nous attendait devant l'autel; le clerc se tenait à côté de lui. fout était tranquille. Deux ombres seulement s'agitaient dans un coin éloigné. Je ne m'étais pas trompée ils étaient entrés avant nous et s'étaient placés tout près du caveau des Rochester ils nous tournaient le dos et pouvaient apercevoir à travers


la b arrière le marbra d'une tombe terni par le temps, ou un ange agenouillé gardait les restes do Damer de Rochester, tud dasa les marais de Marston, à l'époque de la guerre civile, et da a& femme Elisabeth.

Nous prîmes nos places devant la barrière de communion. Ayant entendu un pas léger derrière moi, je regardai par-dessus mon épaula un monsieur, l'un des étrangers, s'avançait vers nous. Le service commença on lut l'explication du mariage qui allait avoir lieu le ministre s'avança, et, s'inclinant légèrement devant M. Roohester, continua

<r Je vous demande et vous adjure tous deux (comme vous le ferez le jour redoutable du jugement, ou tous les secrets du cœur seront découverts), si vous connaissez aucun empêchement à être unis légitimement par le mc-nage, de le confesser ici; car soyez certains que tous ceux qui ne sont pas unis dans les conditions exigées de Dieu ne sont pas unis par lui, et leur mariage n'est pas légitime. a

Il s'arrêta, selon la coutume ce silence n'est peut-être pas interrompu une fois par siècle. Le prêtre, qui n'avait pas levé les yeux de dessus son livre et n'avait retenu son soufCe que pour un instant, allait continuer sa main était déjà étendue vers M. Rochester, et ses lèvres s'entr'ouvraient pour demander < Déclarez-vous prendre cette jeune fille pour femme légitime? quand une voix claire et distincte s'écria

< Le mariage ne peut pas avoir lieu, il y a un empêchement. a Le ministre regarda celui qui venait de parler, et se tut, ainsi que le clerc.

M. Rochester tressaillit légèrement, comme si un tremblement de terre eût agité le sol sous ses pieds mais bientôt il dit, en se raffermissant et sans tourner les yeux

e Monsieur le ministre, continuez la cérémonie.

Ces mots, prononcés d'une voix profonde, mais basse, furent suivis d'un grand silence. M. Wood reprit

e Je ne puis pas continuer avant d'avoir examiné ce qui vient d'être dit. Il faut que la vérité ou le mensonge me soit clairement démontré.

La cérémonie ne peut être poursuivie, ajouta la voix derrière nous, car je suis à même de prouver ce que j'avance; il y a un obstacle insurmontable. »

M. Rochester entendit, mais ne sembla pas rammquep ces jMtroles il se tenait debout, immobile et froid il ne fit qu'un seul mouvement, et ce fut pour s'emparer de ma main. Oht combien son étreinte me parut forte et ardente 1 Son front.


ferme, pfue et Massif, était semblable au marbre des carrières i ses yeux briHaient ineis)& et farouohes.

M. Wood semblait embarrassé.

c Et quel est cet empêchement? continua-t-il on pourra peu~ être vaincre l'obstacle expliquez-vous.

Ce sera difnoile j'ai dit qu'il était insurmontable, et je ne parle pas au hasard. »

Celui qui avait parlé s'avança et s'appnya sur la barrière il continua, en articulant d'une voix ferme, calme, distincte, mais basse

< L'empêchement consiste simplement en un premier mariage M. Rochester a une femme qui vit encore, a Ces mots, prononcés à voix basse, ébranlèrent mes nerfs comme ne l'aurait pas fait un coup de tonnerre ces douloureuses paroles agirent plus puissamment sur mon sang que le feu ou la glace; mais j'étais maîtresse de moi, et je ne craignis pas de m'évanouir. Je regardai M. Rochester et je le forçai à me regarder sa figure était aussi décolorée qu'un rocher, ses yeux seuls brillaient comme l'éclair; il ne nia rien, il sembla déner tout. Il serrait son bras autour de ma taille, et me tenait près de lui, mais sans parler, sans sourire, sans paraître même reconnaître en moi une créature humaine.

< Qui êtes-vous? demanda-t-il à l'inconnu.

Je m'appelle Briggs, et je suis un procureur de la rue. à Londres, répondit-il.

Et vous m'accusez d'avoir une femme? Q

-.Oui, monsieur; je suis venu vous rappeler l'existence de votre femme, que la loi reconnaît, si vous ne la reconnaissez pas. Parlsz-moi d'elle, s'il vous plaît; dites-moi son nom, celui de ses parents, et le lieu où elle demeure.

Certainement. »

M. Briggs tira tranquillement un papier de sa poche et lut d'un ton officiel ce qui suit

« J'affirme et je puis prouver que le vingt novembre (puis venait une date qui remontait à quinze ans), Edouard Fairfax Rochester, du château de ThomBeId, dans le comté de. et de. manoir de Ferndear, dans le comté de. en Angleterre, a épousé ma sœur Berthe -Antoinette Mason, fille de Jonas Mason, eommef~mtt, d'Aato'nette, sa femme, créole, & l'église de. ville espagnole, Jamaïque; l'acte de mariage sera trouvé dans tes registres de l'église. J'en at une copie en ma possession. < Signé Richard Masea.


< Si ce papier est authentique, il peut prouver quo j'ai été marie mais il no prouve pas quo la femme qui y est mentionnée vit encore.

–Elle vivait il y a trois mois, répondit l'homme de loi. Comment le savaz-vous ? 9

J'at un témoin, monsieur, et vous-même aurez peine à le contredire.

Amenez -le, ou allez au diable 1

Je vais d'abord l'amener, il est ici. Monsieur Mason, ayez la bonté d'avancer.

En entendant prononcer ce nom, M. Roohester serra les dents, un tremblement convulsif s'empara de lui comme j'étais tout près de lui, je sentis ses mouvements de rage ou de désespoir. Le second étranger, qui jusque-là était resté caché dans le fond, s'avança une figure pale vint se placer au-dessus de lépaule du procureur; oui, c'était bien M. Mason lui-même. M. Rochester se retourna et le regarda. J'ai dit plusieurs fois déjà que ses yeux étaient noirs; pour le moment, Us lançaient une lumière fauve et comme sanglante son visage s'anima, on eût dit que le feu qui brûlait dans son cœur s'était répandu jusque sur ses joues et sur son front décolorés. Il leva son bras vigoureux peut-être allait-il frapper Mason, le jeter sur les dalles de l'église, et d'un seul coup retirer la vie à ce faible corps mais Mason, enrayé de ce geste, se recula et cria faiblement: < Grand Dieu 1 Alors le mépris s'empara de M. Rochester sa haine vint se fondre en un froid dédain; il se contenta de demander

e Qu'avez-vous dire < s

Une réponse inintelligible sortit des lèvres pâles de Mason. < Le diable s'en mêle si vous ne pouvez pas répondre distinctement Je vous demande de nouveau Qu'avez-vous à dire? f

Monsieur, monsieur, interrompit le ministre, n'oubliez pas que vous êtes dans un lieu saint. <

Pais, s'adressant à Mason, il lui demanda doucement < Pouvez-vous nous dire, monsieur, si la femme de M. Rochester vit encore ? t

Courage continua l'homme de loi, parlez haut. Elle vit et demeure au château de Thornneld, dit Mason d'une voix uu peu plus claire; je l'y ai vue au mois d'avril der~ nier, je suis son frère.

Au château de Thornneld? s'écria le ministre; c'est impos. sible; il y a longtemps que je demeure dans le voisinage, mon-


sieur, et je n'ai jamais entendu parler d'aucune dame Roohestor au château de Thoraneld.

Un sourire amer effleura les lèvres de M. Rocbester, et il mur'mura

« Non, j'ai pris s(na que personne n'entendit parler d'elle, sous son nom du moins. » I! s'arrêta pendant une dizaine de minutes, sembla se consulter, prit enfin son parti et dit < En voilà assez la mérite va paraître au jour comme le boulet qui sort du canon. Wood, fermez votre livre et retirez vos vêtements de prêtre John Green (c'était le nom du clerc), quittez l'église, le mariage n'aura pas lieu aujourd'hui. »

Le clerc obéit.

M. Rochester continua rapidement

e Le mot bigamie sonne mat & vos oreilles, et pourtant je voulais être bigame; mais le destin ne m'a pas été favorable, ou plutôt la Providence s'est opposée à mes projets. Dans ce moment-ci, je ne vaux guère mieux que le démon, et, comme me le dirait sans doute mon pasteur, je mérite les plus sévères jugements de Dieu, je mérite d'être livré à l'immortel ver rongeur, d'être jeté dans les flammes qui ne s'éteignent jamais. Messieurs, je ne puis plus exécuter mon plan cet homme de loi et son client ont dit la vérité j'ai été marié, et ma femme vit encore. Wood, vous dites que vous n'avez jamais entendu parler de Mme Rochester au château; mais sans doute vous avez souvent prêté l'oreille à ce qu'on racontait sur cette folle mystérieuse gardée avec soin plusieurs vous auront dit que c'était une sœur bâtarde, d'autres que c'était une ancienne mattresse. Je vous déclare, maintenant, que c'est ma femme, celle que j'ai épousée il y a quinze ans; elle s'appelle Berthe Mason, et est soeur de cet homme résolu que vous voyez là, pâte et tremblant, et qui vous montre ce que peut supporter un cceur fort. Réjouissez-vous, Dick, ne me craignez jamais à l'avenir; je ne vous frapperai pas plus que je ne frapperais une femme. Berthe Mason est folle; elle est issue d'une famille dans laquelle presque tous sont fous ou idiots depuis trois générations sa mère était ivrogne et folle, je le découvris après mon mariage, car on avait gardé le silence sur les secrets de famille Berthe, en aile obéts.sante, copia sa mère en tout. Oh j'avais une compagne charmante, pure, sage at modeste; vous pouvez facilement supposer que j'étais neureux j'ai eu sons les yeux de beaux apeet~a! 1 Oh certes, je suis bien tombé. Si vous saviez tout. Mais je ne vous dois pas de plus amples explications. Briggs, Wood, Mason, je vous invite tous à venir à la maison et à visiter la ma-


Me de Mme Poole, ma femme; vous verrez quelle créature jj'at épousée, et vous jugerez si je n'ai pas le droit de briser cette union et de chercher & m'associer un être humain. Cette jeune fille, ajouta-t-il en me regardant, ne connaissait pas plus que vous l'épouvantable secret; elle croyait que tout était beau et légitime; elle n'a jamais pensé qu'elle allait être liée par une union feinte à un miséraMe déjà uni à une compagne folle et abrutie. Venez tous, suivez-moi s JI

Il quitta l'église en me tenant toujours fortement; les trois messieurs suivaient; nous trouvâmes la voiture devant la grande porte du château.

<: Ramenez-la à l'écurie, John, dit froidement M. Roohester; nous n'en aurons pas besoin aujourd'hui. e

Lorsque nous entrâmes, Mme Fairfax, Adèle, Sophie, Leah, s'avancèrent au-devant do nous pour nous saluer. c Arrière, vous tous s'écria le maître, nous n'avons pas besoin de vos félicitations; elles arrivent quinze ans trop tard. » H passa, me tenant toujours par la main et faisant signe aux messieurs de le suivre. Nous montâmes le premier escalier, nous traversâmes le corridor, enfin nous arrivâmes au troisième. Une petite porte basse fut ouverte par M. Rochester, et nous entrâmes dans ta chambre garnie de tapisserie, où je reconnus le grand lit et l'armoire que j'avais déjà vus une fois. <Vous connaissez cette chambre, Mason, dit notre guide; c'est ici qu'elle vous a frappé et mordu. e

N souleva les tentures de la seconde porte, et l'ouvrit également. Nous aperçûmes une chambre sans fenêtre; devant la cheminée se trouvait un garde-feu fort élevé, une lampe suspendue au plafond éclairait seule la chambre; Grace Poole, penchée sur le feu, semblait faire cuire quelque chose. Une forme s'agitait dans le coin le plus obscur de la pièce; au premier abord, on ne pouvait pas dire si c'était une créature humaine ou un animal elle paraissait marcher à quatre pattes et elle faisait entendre un rugissement de bête sauvage; mais elle portait des vêtements, et une masse de cheveux noirs et gris retombaient sur sa tête comme une épaisse crinière.

< Bonjour, madame Poole, dit M. Rochester; comment allez.vous aujourd'hui et comment se porte votre malade ? T Nous allons assez bien, monsieur, je vous remercie, dit Grace en soulevant soigneusement sa casserole qui bouillait; on est un peu exaltée, mais pas furieuse.* s

Un cri essayant sembla contredire ce rapport favorable; t~ hyâtte se leva et parut toute droite sur ses pieds.


)t0b< 1 monsieur, e!!a vous voit; vous foriez mieux da vous on aller, s'éoria Grace.

Quelques instants seulement, Grace; il faut que vous nous permettiez de rester quelques instants.

Eh bien alors, monsieur, prenez garde t pour l'amour ae Dieu, prenez garde! » p

La folle hurla; elle écarta les cheveux de son visage et regarda les visiteurs.

Je reconnus cette figure rouge et ces traits ennés. < Retirez-vous, dit M. Roohester en me repoussant do côte elle n'a pas de couteau aujourd'hui, je suppose, et je suis sur mes gardes.

On ne sait jamais ce qu'elle a, monsieur; elle est si rusée, et il n'est pas possible à un homme de mesurer sa force. Nous ferions mieux de la quitter, murmura Mason. Allez au diable t lui répondit son beau-frère.

Gare e cria Grace.

Les trois messieurs se rettrèrent ensemble; M. Rochester me jeta derrière lui h folle sauta sur lui, le prit à la gorge etvoulut lui mordre les joues. Ils luttèrent; c'était une forte femme, presque aussi grande que son mari et plus grosse; elle déploya une force virile; plus d'une fois elle fut au moment de l'étrangler. Il serait bien vite venu à bout d'elle par un coup vigoureux mais il ne voulait pas frapper, il voulait seulement lutter. Enfin il s'empara des bras de la folle, il les lui attacha derrière le dos avec une corde que lui donna Grâce avec une autre corde, il la lia a une chaise. Cette opération s'accomplit au milieu des cris les plus sauvages et des convulsions les plus horribles alors M. Rochester se tourna vers les spectateurs, il les regarda avec un sourire amer et triste.

< Voila ma femme! dit-il; voilà les seuls embrassements que je doive jamais connaître, voilà les caresses qui doivent adoucir mes heures de repos; et voilà ce que je désirais avoir (il posa &a main sur mon épaule), cette jeune fille qui a su rester grave et calme devant la porte de l'enfer et les gambades du démon; je l'aimais à cause de ce contraste si grand entre elle et celle que je déteste. Wood et Briggs, regardez la différence; comparez ces yeux limpides avec les boules rouges que vous voyez rouler !a bas; comparez cette figure & ce mMqw, c"tta taine à ce corps grossier, et maintenant jugez-moi, ministre de l'Evangile et homme de la loi seulement, rappelez-vous que vous serez jugés comme vous aurez jugé. A présent, hors d'ici, il faut que j'anferme ma proie. »


Tout ta monde se retira. ?. Rochester resta nn 'moment derfMfa nous pour donner quelques ordres à Craee Poole; lorsque nous descendtmes l'escalier, l'homme de loi s'adressa à moi. e Quant à vous, madame, me dit-il, vous êtes innocente, et votre oncle sera bien heureux de rapprendre, si toutefois il vit encore quand M. Mason retournera à Madère.

-Mon onclel Que savez-vous de lui? le connaissez-vous? –M. Mason le connaît; M. Eyre a été le correspondant de sa maison pendant quelques années. Quand votre oncle reçut la lettre où vous lui faisiez part de votre union avec M. Rochester, M. Mason se trouvait à Madère, où il s'était arrêté pour le rétablissement de sa santé, avant de retourner à la Jamaïque. M. Eyre lui communiqua votre lettre, parce qu'il savait que M. Mason connaissait un gentleman du nom de Rochester; M. Mason, étonné et épouvanté, comme vous pouvez le supposer, révéla la vérité. Votre oncle, je suis fâché de vous le dire, est maintenant couché sur un lit de douleur vu la nature de sa maladie (il est attaqué d'une consomption) et l'état dans lequel il se trouve, il est probable qu'il ne se relèvera jamais. Il n'a donc pas pu aller lui-même en Angleterre pour vous arracher au sort qui vous menaçait; mais il a supplié M. Mason de ne pas perdre de temps et de faire tous ses efforts pour empêcher ce mariage. Il l'a adressé à moi; j'y ai mis le plus d'empressement possible, et, Dieu merci, je ne suis pas arrivé trop tard; vous aussi, vous devez remercier le Seigneur. Si je m'étais pas bien certain que votre oncle sera mort avant que vous ayez le temps d'arriver à Madère, je vous conseillerais de partir avec M. Mason mais, dans l'état actuel des choses, je pense que vous ferez mieux de demeurer en Angleterre, jusqu'àce que vous entendiez parler de Id. Eyre. Avez-vous encore quelque chose qui vous force à rester? demanda le procureur à M. Mason. -Non, non, partons t e répondit celui-ci avec anxiété; et ils s éloignèrent sans prendre congé de M. Rochester. Le ministre resta pour adresser quelques paroles de conseil ou de reproche à son orgueilleux paroissien son devoir accompli, il partit également. Je m'étais retirée dans ma chambre et j'étais debout devant ma perte entr'ouverte, lorsque je l'entendis s'éloigner. La maison s'était vidée; je m'enfermai dans ma chambre, je Uraile a verrou pour qu personne ne pût eRtr~, et je me mis, non pas & pleurer et à me désoler, j'étais encore trop calme pour cela, mais à retirer machinalement mes vêtements de mariée et à les remplacer par la robe de stoff que je croyais avoir portée la veille pour la dernière fois; alors je m'assis. J'étais faible ~t te


cachai ma tête dans mes deux bras croises sur la table; je me mis à penser; jusque-là je n'avais qu'entendu, vu et suivi celui qui m'avait conduite ou plutôt traînée j'avais vu les ëvënementa succéder aux événements, les révélations aux révélations maintenant l'heure de la méditation était venue.

La matinée avait été assez tranquille, à l'exception delà scène avec la folle. A l'église tout s'était passé avec calme; il n'y avait eu ni explosions de passions, ni vives altercations, ni disputes, ni déCs, ni larmes, ni sanglots; on avait seulement prononcé quelques mots un homme était venu déclarer avec sang-froid qu'il existait un empêchement au mariage; M. Rochester avait fait plusieurs questions dures et brèves; les réponses avaient été claires et évidentes; mon maître s'était décide à avouer la vérité tout entière, et nous avait montré la preuve vivante de son crime; les étrangers s'étaient éloignés, et tout était nni. J'étais là, dans ma chambre, comme ordinairement; je n'avais été ni blessée ni frappée; et pourtant ou était la Jane d'autrefois ? où était sa vie? où étaient ses espérances? t

Jane Eyre, si ardente dans son espoir; Jane Eyre, qui avait été presque femme, n'était plus qu'une jeune fille triste et seule: sa vie était décolorée et ses rêves détruits H était survenu une gelée de Noël aux plus beaux jours de l'été, une tempête de décembre au milieu de juin; la glace avait saisi les pommes mûres et détruit les roses en neur; le givre avait recouvert les foins et les blés. Hier, dans les sentiers, on respirait le parfum des fleurs et aujourd'hui des monceaux de neige que n'a foulée aucun pied les ont rendus impraticables; les bois qui, il y a douze heures, se balançaient odoriférants et touffus, ainsi que des bosquets épanouis aux tropiques, s'étendent maintenant dévastés, sauvages et blancs, comme les forêts de la Norvège. Mes espérances étaient mortes, frappées par un destin amer, de même qu'en une nuit périrent tous les premiers-nés d'Egypte. Je pensais à mes rêves si beaux hier encore, et qui aujourd'hui n'étaient plus que des cadavres froids et livides, que rien ne pouvait ressusciter. Je pensais à mon amour, ce sentiment qui appartenait à mon maître, que lui seul avait créé; il tremblait dans mon ceeur comme un enfant malade dans un froid berceau; la souffrance et l'angoisse s'étaient emparées de lui, et il ne pouvait pas aller chercher les bras de M. Rochester; il ne pouvait pas se réchauffer sur la poitrine du maître de Thornfield. Oh 1 maintenant je ne pourrais plus jamais me tourner vers lui; je n'avais plus foi en lai; ma confiance était détruite. M. Rochester n'était plus à mes yeux ce qu'il avait été; car il n'était pas tel que je


l'avais cru. Je ne voulais pas le déclarer vicieux, je ne voulais pas dire qu'il m'avait trompée; cependant il n'était plus pour moi cet homme d'une irréprochable sincérité que j'avais connu jadis. Il fallait le quitter, je le voyais bien; mais quand? comment? et pour aller où? Je ne le savais pas encore; et pourtant t'étais certaine que lui-même me chasserait de Thorn&eld; il me semblait qu'il ne pouvait pas m'aimer d'une véritable anection; il n'avait eu qu'une passion passagère, et il n'avait plus besoin de moi, puisqu'il ne pouvait pas la satisfaire je craignais même de le rencontrer, car je croyain qu'il devait me détester. Oht combien j'avais été aveugle et faible dans ma conduite! Ma vue se voila; je crus qse l'obscurité se répandait autour de moi; mes pensées devenaient confuses. U me sembla qu'impuissante et abandonnée, je m'étais couchée sur le lit desséché d'une rivière j'entendais le bruit de l'eau qui se précipitait des montagnes lointaines; je sentais le torrent avancer; je n'avais pas la volonté de me lever ni la force de me sauver j'étais étendue, faible et désirant la mort. Une seule idée s'agitait encore en moi la pensée de Dieu. Elle me fit concevoir une pnêre; les mots suivants erraient dans mon esprit obscurci, mais je n'avais pas la force de les prononcer <Mon Dieut ne vous éloignez pas de moi, car le danger est proche et personne ne peut venir à mon secours. <

En eBët, le danger était proohe, et comme je n'avais rien demandé au ciel pour l'éloigner, comme je n'avais ni plié les genoux, ni joint les mains, ni remué les lèvres, il arriva. Le torrent monta sur moi en vagues lourdes et pleines. On eût dit que ma vie abandonnée, mon amour perdu, mes espérances brisées, ma foi détruite, toutes mes douleurs ennn, s'étaient réunis dans ce not puissant. Je ne puis pas décrire cette heure amère; mon âme était inondée, j'enfonçais do plus en plus dans une eau bourbeuse; je ne pouvais pas me tenir debout, le Sot m'envahissait.

CHAPITRE XXVH.

Dans le courant de l'après-midi, je relevai la tête, et, regardant autour de moi, je vis sur la muraille le reflet du soleil couchant. Je me demandai < Que dois-je faire ? » a

Une voix intérieure me répondit « U faut quitter ThornSetd. t


La réponse fut et prompte, si terrible, que je me bouchai los oreilles; je dis que je ne pouvais pas supporter ces paroles. < Ne pas être la femme d'Edouard Roohester, ajoutai-je, voilà le comble de mes maux; m'éveiller des plus doux songes pour ne trouver autour de moi que le vide et la tristesse, voilà ce qu'il m'est encore possible de supporter mais le quitter immédiatement et pour toujours, non, je ne le puis pas. B

Mais alors la voix intérieure me répondit que je le pouvais et me prédit que je le ferais. Je luttai contre ma propre résolution J'aurais voulu être faible pour éviter les nouvelles souffrances que je prévoyais; ma conscience devenait tyrannique, tenait ma passion à la gorge et lui disait avec hauteur qu'elle avait à peine trempé son pied délicat dans la fange, mais que bientôt un bras d'airain la précipiterait dans des gouffres d'agonie. < Eh bien! alors, m'écriai-je, que je sois mise en pièces, mais que quelqu'un vienne à mon secours 1

Non, ce sera toi-même qui te déchireras, et personne ne viendra à ton aide; tu arracheras toi-même ton œil droit; tu arracheras toi-même ta main droite; ton cœur sera la victime, et toi le sacrificateur. Il

Je me levai, frappée d'effroi devant cette solitude hantée par un juge si inexorable, devant ce silence où se faisait entendre une voix si terrible; mais je m'aperçus que j'étais tout étourdie. Je me sentais sur le point de m'évanouir d'inanition et de faiblesse je n'avais ni mangé ni bu de toute la journée; je n'avais même pas déjeuné le matin. Je réûéchis avec une douloureuse angoisse que, depuis le moment où je m'étais enfermée dans ma chambre, personne n'était venu me demander comment je me portais ou m'inviter à descendre; Mme Fairfax ne m'avait pas cherchée; la petite Adèle elle-même n'avait pas frappé à ma porte. t Les amis vous oublient toujours dans la mauvaise fortune, s murmurai-je en tirant le verrou et en sortant de ma chambre. J'allai me frapper contre un obstacle; ma tête était encore étourdie, ma vue troublée et mes membres faibles je fus quelque temps avant de me remettre; je ne tombai pas à terre; un bras me reçut je regardai, et je vis M. Rochester assis sur une chaise devant la porte de ma chambre.

c Vous vous êtes donc enfin décidée à sortir me dit-il; j'ai écouté et j'ai attendu M«n longtemps; mais je n'ai pas entendu un seul mouvement, pas même un sanglot. Si ce silence de mort avait duré encore cinq minutes, j'aurais enfoncé la porte comme un voleur de nuit. Ainsi, vous m'évitez; vous vous enfermez et vous pleurez seule j'aurais préféré vous voir venir à moi dans JASK Ë~RE. K 6


un accès de violence; vous atcs passionnae; je m'attendais A une scène; je m'étais préparé à voir vos larmes, mais j'avais besoin qu'elles fussent versées dans mon sein. Un sol insensible les a reçues, ou vous les avez bien vite essuyées. Non, je me trompe; vous n'avez pas ploMé du tout; vos joues sont pales, vos yeux fatigués, mais je ne vois aucune trace de larmes. Alors votre coeur a répandu des larmes de sang.

< Eh Ment Jane, pas un mot de reproche? Rien d'amer, rien de poignant? Rien qui attriste le cceur ou excite la passion? Vous restez tranquillement assise où je vous ai placée, et vous me regardez de vos yeux fatigues et calmes. Jane, jo n'ai point eu l'intention de vous blesser ainsi; si l'homme possédant une seule petite brebis qui lui est chère comme sa fille, qui mange son pain, boit dans sa coupe et dort sur son sein, la conduit par mégarde à la boucherie et la tue, il ne se repentira pas plus devant la blessure sanglante que moi devant ce que j'ai fait. Me pardonnerez-vous jamais?

Je lui pardonnai à l'instant mémo. Ses yeux exprimaient un remords si profond, sa voix une pitié si sincère, ses manières une énergie si mâle, il y avait encore tant d'amour en moi et en lui, que je lui pardonnai tout, nom pas de vive voix, mais au fond de mon cœur.

< Vous me trouvez bien misérable, Jane? reprit-il en me regardant attentivement.

Il s'étonnait, sans doute, de mon silence et de ma douceur, tésultant plutôt de ma faiblesse que de ma volonté. e Oui. monsieur, répondis-je.

Alors dites-le-moi sans craindre d'êtretrop amère, reprit-il; ne m'épargnez pas.

Je ne puis pas; je suis fatiguée et malade; je voudrais un peu d'eau. »

Il frémit et poussa un profond soupir; puis, me prenant dans ses bras, il me descendit. Je ne me rendis pas compte d'abord dans quelle pièce il m'avait portée; tout était obscur devant mes yeux; bientôt je sentis* la chaleur vivifiante du feu car, bien qu'on fût en été, j'étais froide comme la glace. M. Rochester approcha du vin de mes lèvres j'y goûtai et je me sentis ranimée puis je mangeai quelque chose qu'il m'oNnt, et bientôt je redevins moi-même. J'étais dans la bibliothèque, assise dans le fauteuil de mon maître M. Rochester se tenait tout près de moi. « Si je pouvais mourir maintenant sans avoir des souffrances trop aiguës à supporter, pensai-je, j'en serais bien heureuse; alors je ne serais pas obligée de faire le douloureux etfort qui hriseramea


ezurtorsqu'M faudra me séparer da M. aocheater. H paraît qu'il faut le quitter, et pourtant je n'en sens pas te boao!n, je ne b ~uiapas.

Comment êtes-vous maintenant, Janer me demanda M. B<~ chester.

Beaucoup mieux, monsieur; je serai bientôt tout à fait remise.

Boutez encore au vin, Jane. »

J'obéis; puis N posa le verre aur la table, se plaça devant moi et me regarda attentivement; tout à coup it se retourna et jeta un cri plein d'une émotion passionnée. 11 marcha rapidement dans la chambre et revint; il s'arrêta près de moi comme pour m'embrasser; mais je me rappelai que ses caresses étaient interdites je détournai mon visage et je repoussai le sien. < Comment: qu'est-ce que cela? s'écria-t-il rapidsment; oh 1 je comprends; vous ne voulez pas embrasser le mari de Berthe Mason; vous trouvez que mes bras ne sont plus vides et que je ne dispose plus de mes baisers.

En tout cas, monsieur, il n'y a pas de place pour moi près de vous, et je a'ai aucun droit à vos embrassements. -Pourquoi, Jane? Je veux vous épargner la peine de parler, et je vais répondre pour vous < Parce que j'ai déjà une < femme, me direz-vous. Ai-je deviné juste? t

Oui. a

Si vous pensez ainsi, it faut que vous ayez de moi une étrange opinion; il faut que vous me considériez comme un indigne libertin, comme un vil scélérat qui a cherché & exciter votre amour désintéressé pour vous conduire dans un piège hardiment prépare, pour vous dépouiller de votre dignité et de votre honneur. Qu'avez-vous à répondre à cela? Je vois que vous ne pouvez rien dire d'abord, vous êtes encore faibta et vous avez déjà assez de peine à respirer; puis, vous ne pouvez pas vous habituer à l'idée de m'accuser et de m'avilir; enSn, les portes sont ouvertes à vos larmes, et ai vous parliez trop, elles coûteraient abondamment, et vous ne voulez pas vous irriter ni faire de scène. Vous vous demandez comment vous allez agir, maïs vous trouvez inutile de parler; je vous connais, et je suis sur mes gardes.

Monsieur, dis-je, je ne désire pas vous faire de mal. » Ma ~oix tremblante m'avertit qu'il fallait interrompre ici ma phrase.

< Vous cherchez à me détruire, non pas dans le sens que vous donnez à ce mot. mais dans celui que je lui donne. Vous venu


presque de me dira que j'étais un homme marie, et, comme tel, vaus m'évitera!), vous vous éloigneras de moi; tout à l'heure vous avex refusé do m'embrasser. Voua avez résolu de daveatp nno étrangère pour moi, de vivre sous ça toit simplement comma l'institutrice d'Adèle; ai jamais ja voua adresse une parole aNeotueuse, ai jamais un doux sentiment vous porte vers moi, voua vous direz « Cet homme a dtd au moment da faire de moi sa < mattresse; il faut que je sois de la glace et du roo pour lui; et on effet vous aérez de la glace et du Mo. s

Après avoir ectairci et raffermi ma voix, je répondis < Tout est change pour moi, monsieur, et moi aussi il faut qaoje change. Jo n'en doute pas: il n'y a qu'un moyen d'éviter la lutte centre tes sentiments, ïe combat contre les souvonifs; il faut qu'Adèle ait une autre gouvernante, monsieur. Oh Adèle iraon pension, c'est décide depuis longtemps. Je ne veux pas vous voir tourmentée par les hideux souvenirs que vous rappellerait ThornMd, cette place maudite, cette tente d'Achan, ce sépulcre insolent qui montre à la lumière du ciel le fantôme d'une morte vivante, cet enfer de pierre, habité par un seul démon, plus redoutable à lui seul que toutes les légions sataniques. Jane, vous ne resterez pas là, je ne le veux pas; j'ai eu tort de vous amener à Thornneld, car je savais comment il était hanté. Avant même de vous voir, j'avais ordonné de vous cacher tout ce qu'on racontait sur ce lieu maudit, parce que je craignais qu'aucune gouvernante ne voulût rester avec Adèle, si elle avait su par qui le château était habité, et mes plans ne me permettaient pas d'emmener ailleurs ma folle, bien que je possède une vieille maison, le manoir de Ferndear, plus retirée et plus cachée que celle-ci, et où j'aurais pu l'enfermer en sûreté; mais je craignais l'humidité de ce château, placé au milieu des hois, et ma conscience scrupuleuse s'est refusée a cet arrangement. Il est probable que les froides murailles m'auraient bientôt débarrassé d'elle; mais à chacun son vice, et moi je n'ai pas celui d'assassiner, indirectement même, ceux que je hais le plus. < Cependant, vous cacher la présence de lafoile, c'était comme reeouvriï un enfant d'un manteau et le placer près d'un arbre élevé; le voisinage de ce démon est empoisonné et le fut toujours. Mais je fermerai le château de Thornfield; je mettrai des pointes aiguës au-dessus de la grande porte, des barres de fer devant les fenêtres du rez-de-chaussée. Je donnerai à Mme Poole deux cents livres sterling par an pour qu'elle demeure ici avec ma femme, ainsi que vous appelez cette terrible furie; Grâce fait beaucoup pour de l'argent. Je ferai venir aussi son fils le gar-


dteadaCrimaby-RotrMt, pour lui tenir compagnie et l'aider lorsque ma fommo aéra excisa pat ses esprits faMitiera & brute!' les gons dans leur lit. & tas frappor, à leur arracher tu chair do desswa les aa, et ainsi do anito.

Menteur, interrompis-je, vous etos iaexot~le pour cette malheureuse ~mme; vous parlez d'elle avaomne antipathie vin. dicativeet une haine faneuse c'est cruel à vous; elle n'est pas responsable de sa folie.

Ma chère petite Jane (laissez-moi vous appeler ainsi, car vous 6tes ma Mea.a!m<!e), vous ne savez pas do qui vous parlez, et voilà quo vous mo jugez encore mal. Ce n'est pas parce qu'eUe est folle que je la hais; st vous étiez M!e, erayez-vous quo je vous haYrais V

Ja le crois, en vérité, monsieur.

Alors, vous vous trompez; vous ae me connaissez pas, et vous ignorez de quel amour je sais capable; chaque partie de votre chair m'est aussi précieuse que la mienne; dans la souffrance et la maladie, je l'aimerais encore; votre esprit est mon trésor, et même brisé, il serait toujours mon trésor. Si vous étiez foUe, vous trouveriez pour vous retenir mes bras, au lieu d'une camisole de force; quand même vos étreintes seraient furieuses, elles auraient encore du charme pour moi; si vous vous jetiez sur moi, comme cette femme l'a fait hier, tout en cherchant à vous dominer, je vous recevrais dans nn embrassement plein de tendresse. Lorsque vous seriez calme, vous n'auriez pas d'au. tre garde que moi je saurais vous veiller avec une infatigable tendresse, bien que vous ne pussiez me récompenser par aucun sourire; je ne me lasserais pas de regarder vos yeux, quand même ils ne me reconnattraient plus. Mais pourquoi songer à cela? Je parlais de quitter Thernneid; vous le savez, tout est prêt pour le départ; demain vous partirez. Je ne vous demande que de passer encore une nuit sous ce toit, Jane, et alors, adieu pou. toujours à ses misères et à ses terreurs; j'ai un endroit qui ser nn sanctuaire sur contre les douloureux souvenirs, les indiscrets malencontreux, et même le mensonge et la calomnie. Prenez Adèle avec vous, monsieur, interrompis-je; elle vous tiendra compagnie.

–Quevotdet-vous dire, Jane? Ne vous ai-je pas déclare qu'Adèle irait en pension? et qu'ai-je besoin d'un enfant pour me tenir compagnie, d'un enfant qui n'est pas le mien, mais bien le bâtard d'une danseuse française? Pourquoi m'importuner d'elle? geBrqaei, je vous le demandât vode~vous me donner Adda poBtcemnagaer


Voua parlez d'ant ?a<taite, manatear; la retraite et la se.' Mtade sont trop tristes poMf vous.

La solitude. ta sotitadat r~peta-t-it avec irritation. Je vois qu'U tant e~ venir au fait; je se puis pas deviaer l'expression pF<tbMH)<)t!<{Ha d« votra ~aaga. Vous partagëfea Ma seMtMÏe:

comptcnez-vaHST t

Je secouai la Mt6; H me fallut un certain courago pour ftsqae! môme eeMo nëgatMo nmoMa, lorsquo je voyais M. Rechestors! exoM. M se promenait capidementdana la chambre, et, ao m'om' tondant, U a'wf6ta, comme a'H eût tout à coup pris taeime, il me regarda !eMgtcmpa et durement. Je ddtournai mes yeux do son visage je les fixai sur le feu, et je m'efforçai de teindre le calme.

< Vu la nature remuante de Jaae, dit-il enfin, avec plus de tranquillité que je N'avais tiou d'eu attendra d'après soa regard, i'echeveau de soie s'est assez bien dévide jusqu'ici mais je savais bien qu'il arriverait ua noeud et que la soie se brouillerait; le voilà veau; maintenant il faudra passer par toutes sortes de vexations, d'impatiences et d'ennuis. Par le ciel j'ai basein d'exercer un peu ma force de Samson, et ma main brisera l'obstacle aussi facilement qu'un ni délié. »

M recommença & se promener; mais MonMt it s'arrêta de nouveau devant moi.

< Jane, me dit-il, voulez-vous entendre raison? » Puis, ap. prochant ses lèvres de mon oreiile, it ajouta < Parce que, si vous ne le voulez pas, j'emploierai la violence. t

Sa voix était dure, son regard celui d'un homme qui se prépare à une tentative imprudente, et va se lancer tête baissée dans une licence enrénée. Je vis bien qu'il suffisait d'un moment, d'un nouvel accès de rage pour que je ne fusse plus mattresse de lui; je n'avais pour le dominer que l'instant présent; an mouvement de répulsion, la fuite ou la peur, auraient déctdé de mon sort et du sien; mais je n'étais pas enrayée le moins du monde; je sentais une force intérieure; je comprenais que j'aurais de t'inBuence sur lui, et cette pensée me soutenait. La crise était dangereuse, mais elle avait son charme; j'éprouvais une sensation semblable à cette qui doit remplir le cœur de l'Indien au moment ou il lance son canot sur le rapide d'un fleuve. Je m'emparai des mains crispées de M. Rochester; je desserrai ses doigts, et je lui dis doucement

< Asseyez-vous; je parlerai aussi longtemps que vous vou drez, et j'écouterai tout ce que vous aurez à me dire. que ce soit raisonnable ounon. e


M a'asait, mais ~at& muet. Dapuia quetqMa totaps ia luttais cwtfa les larmea. j'&vaia fait de grands CMwta peuples ro~nif, parao quo ja savais que M. Reahaater n'aimamit pas & ma voir p!eMMr: mais je paaattia quo maintenant ja pouvaia tes laisser ewtor aussi !<M)gteMpa et aussi librement quo je ta <Msitais; st cota l'ennuyait. eh bim, tant Mieux. Jo dMmait dono un Mbro coM8 & tnaa tarmea, et je me mis à ptearef du fond du emaf. BicaMt il me aMppMa atdemMent de me eahaor; te lui ~nondis que je no to po<~a!a pas, tant quo je le voyais iMiM. < Maia je na aHia paa MoM, Jane, me ah-U; MutemeM je v<Hm a!ma trop, et taut & i~aMre votM potito agare avait une exprès* s!en 8t frotdo et ai t~sotue, quo jo n'a4 pas pn la aappMter.Taisez-vaua maiatcaaat, et esauyez vos yeux. f

Sa ve!x Mdeado mo prouva q~'il ëtait on!m6, et moi, & mon toar, je redcvias plus tfaaqatUe. N at un eNbrt pour appuyer sa Mte sar mon ~pa~e, maiajeM te veatws pas. M essaya de m'attiFer & loi; je m'y MfusM également.

e Jane, Jane, me dit-il avec un aaceat de Matasse si prétende quo tous mes nerfs tMsaaiUiMnt, vous ne m'aimez deme pas? VoMS n'dtiez tentée que par ma position; tout ce que weus désiriez, c'était d'être appeMe ma femme; et maintenant quo vous me croyez ineapaMede devenir votre mari, vous me fuyez comme si j'étais un reptHe immonde ou un monstre matfaisant. Ces mots me arent mat; mais que dire, que faire? J'aurais probablement du ne rien dire et ne rien faire; mais j'étais tellement repentante de l'avoir ainsi attristé, que je ne pus pas m'empêcher de désirer répandre quelques gouttes de baume sur la blessure que je venais de faire.

< Je vous aime, m'écriai-je, et plus que jamais; mais je ne dois ni montrer ni nourrir ce sentiment, et je t'exprime ici pour la dernière fois.

–La dernière fois, Janet Comment! croyez-vous que vous pourrez vivre &veomoi, me voir tous les jours, et, tout en continuant à m'aimer, rester sans cesse froide à mon égard? Non, monsieur; je suis sare que je ne le pourrai pas; aussi, je ne vois qu'une chose possible; mais vous allez vou& irriter si je vous dis ce que c'est.

Oht dites toujours; si je me mets en colère, vous avez la ressource des larmes.

ESûBsiear Roeheater, il faut que je vous quitte.

Pour combien de temps? Jane, pour quelques minutes? ann de lissar ves cheveux qui sont un peu en désordre et de baigne? w~ss ~isa~e qa' est Sévreex?


Il faut quo ja quitte AdNe et ThornMd, que je me adpaM de voua pour toujours, que je eommenee nno existence nouvollu au milieu de visages étrangers et de scènes ineonnuea. CertaiMMuent, etjo vous l'ai déjà dit. Je pxase saua sMenee votre fatte M~a de voua séparer de BMi; awM, vous sM~, au C9Mtraire, devenir une partie do moi-ta<m8. Quant à la nouvelle existence dont vous parlez, vous avez raison; oui, vausaerea ma femme, je ne suis pas mafic; vous serez Mme Rochester, de fait et do nom. Je vous serai adNo tant quo je vivrai; je vous emmènerai dans MM de mes propriétés, au sud de la France; MM villa aux blanches muraitles, Mtieaar les bords de la RMditerranee; là, votre vie sora heureuse, abriMe et ittaeconto. No craignez pas que je vous trompe jamais et que je fasse de vous ma maîtresse. Pourquoi sccouez-veua la tête, Jana? Soyez raisoMMabta, vous allez encore me rendre foa. »

Sa voix et sos mains tremblèrent; ses larges narines sa ditatêreat, ses yeux devinrent ardents, et pourtant j'osai parler. <[ Monsieur, dis-je, votre femme existe; vous-même t'avez dédarë ce matin; si je vivais avec vous comme vous le désirez, je serais votre maîtresse le nier serait un sophisme, un mensonge. Jane, vous oubliez que je ne suis pas un homme doux; je ne suis ni patient, ni froid, ni à t'abri de la passion; par pitié pour moi et pour vous, mettez votre doigt sur mon poaht, eceu. tez-en les battements et prenez garde.

N dégagea son poignet et me le tendit; ses joues et ses lèvres, quelesangavait abandonnées, devinrent livides. J'étais dans une grande agitation; je trouvais cruel de le torturer ainsi par une résistance qui lui était insupportable. Céder était impossible. Je Bs ce que font instinctivement toutes les créatures humaines lorsqu'elles se trouvent dans un grand danger; je demandai du secours à un être plus grand que l'homme, et les mots < Mon Dieu, aidez-moi s'échappèrent involontairementdemesièvres. < Je suis un fou, s'écria tout à coup M. Rochester, de lui dire ainsi que je ne suis pas marié, sans lui expliquer pourquoi; j'oublie qu'elle ne connaît rien du caractère de cette femme et des circonstances qui ont décidé notre union infernale; ont je suis sûr que Jane sera de mon opinion lorsqu'elle saura tout ce que je sais. Mettez votre main dans la mienne, Jane, afin que je sois certain, par la vue et le toucher, que vous êtes près de moi; je veux vous exposer ma situation en quelques mots; pouvezvous m'écouter?

Oui, monsieur; pendant des heures, si vous voulez. Je ne vous demande que quelques minutes Jane, avaz-


vous jamais entendu diro que ja n'étais pas t'a!né de ma faille, quo j'avais un fr~ra plus que tMOir t

Oui, MOM8ieup; Mme Fairfax me t'a dit.

Avez-vous entendu dire quo <aon MM était avare? t)Mi, itaansietH*.

-Eh Ment Jano, mon p~reae voMMtpaapMtttgarseabiona; il ne pouvait pas se faira & l'idée de diviser ses propriétés et de m'en donner Mac portion. Il avait d~cM<! qM'oHes appartiendraiont on Mtmr&t)Mn Mre; et cependant il Ro pouvait pas SHpporteF la pansda que son fMs serait pauvre; il voulut m'an. rieMp par un mwMtga, et H so mit à me chercher uau oompa~e. M. Mas<m,ptMtear et commerçât dans taa ÏMdes, était aao de ses anoiennes ceMnaissaneos. Mon père savait que la fortune da M. Mason dtait véritablement grande; il prit des in.tarttxttioMa ot apprit que soa anoion ami avait un fils et MM B!!e, et qu'il donnorait à cette dernière une dot da trente mille livres sterling; eétait suffisant. Lorsque je sortis du co!!ege, on m'envoya à la Jamaïque épouser cette fiancée qu'on avait retonue pour moi. Mon père no me parla pas de la fortune; mais il me dit que MHe Mason était l'orgueil de la ville espagnole, à cause de sa beauté c'était vrai. Elle était belle comme Blanche Ingram; grande, brune et majestueuse. Elle et sa famille me désiraient à cause de ma naissance; on me montra ma fiancée au bat et splendidement vêtue; je la vis rarement seule, et j'eus très-peu de conversations intimes. Elle me flattait et déployait pour moi ses charmes et ses talents. Tous les hommes semblaient l'admirer et m'envier; je fus ébloui; mes sens furent excités; comme j'étais ignorant et inexpérimenté, je crus que je l'aimais. Les stupides rivalités de la société, les Bévreux désirs et l'aveuglement des jeunes gens, entraînent un homme dans les plus grandes folies; les parents de Berthe m'encourageaient; ses poursuivants piquaient mon amour-propre; elle-même m'attirait, et ainsi le mariage fut conclu avant que j'eusse encore eu le temps de me reconnaître. Ohl je ne peux plus me respecter quand je pense à cet acte; un mépris qui me torture s'empare de moi. Je ne l'ai jamais ni aimée, ni estimée, ni connue; je n'étais pas sûr qu'elle eût UM seule vertu; je n'avais remarqué ni modestie, ni bienveillance, ni candeur, ni délicatesse dans son esprit et ses manières et je l'ai épousée, tant j'étais imbécile, aveugle, vil et grossier; j'aurais été moins coupable si. mais rappelons-nous à qui nous parlons.

< Je n'avais jamais vu la mère de ma fiancée, je la croyais morte. La lune de miel passée, j'appris mon erreur; elle n'était


que folle et en~rméa dans MM mataoa de santd, B y avait aussi un jeune Mrs. un idiot. ït'aîaé, que vous avez vu (et que je no puis pas haïr, bien que je détesta toute sa famille, parae que cet esprit faible a montré, par son continuel intérêt pour s~ malhau*reuse steur, qu'il y avait an lui quelque peu d'aMeatioa, et parce qu'autrefois il a eu pour moi un attachement do cMen), aura probablement, un'jour à venir, le même sort que les aMtMS; moa père et mon Mm s&vaMat hmt cata; mMS ils no pensèrant qu'aux trente mille livres, et se joignirent au complot tramé contre moi.

< C'étaient d'odieuses deceuveUM j'étais mdooDtent de voir qu'em m'avait tfaÏtreMsemmt oaoM ce secret; mais, sans la part que ma femme y avait prise, je n'aurais jamais sopge à lui faire un reproche du malheur de sa famille, même lorsque je m'apt~us que sa nature était différente de la mienne et que ses goûts ae pouvaient me convenir. Son esprit était commun, bas, étroit, et iaoap&Me de comprendre rien de noble et d'élevé. Quand je vis que je ne pouvais pas passer agréablement avoa elle une seule soirée, ni même une seule heure, que toute conversation était impossible, parce que, quel que fût le sujet que je choisissais, je recevais immédiatement une réponse dure, grossière, perverse ou stupide; lorsque je m'aperçus que je ne pouvais même pas avoir une maison tranquille et bien installée, parce qu'aucun domestique ne pouvait supporter ses accès de violence, son mauvais caractère, ses ordres absurdes, tyranni*ques et contradictoires; eh bien, même alors, je me contins; j'évitai les reproches; j'essayai de dévorer en secret mon dépit et mon dégoût je réprimai ma profonde antipathie. < Jane, je ne veux pas vous troubler par d'horribles détails, quelques mots sufnront pour ce que j'ai a dire. J'ai vécu quatre ans avec cette femme que vous avez vue là-haut, et je voua assure qu'elle m'a bien éprouvé, bes instincts se développaient avec une rapidité effrayante, ses vices grandissaient à chaque instant; ils étaient si forts, que la cruauté seule pouvait les dominer, et je ne voulais pas être cruel. Quelle intelligence de pygmée, quelles gigantesques tendances au mal, et combien ces tendances me furent funestes! Berthe Mason, digne fille d'une mère infâme, me traîna à travers toutes les agonies dégradantes et hideuses qui attendent un homme lié à une femme sans tempérance ni chasteté.

<[ Mon frère mourut, et mon père le suivit bientôt. n y avait quatre ans que nous étions mariés; j'étais riche, et pourtant fêtais bien misérable. La nattMe la plus impure et la plus dt*


pMwae que j'aie jamais connue était unie & moi; la loi et la ao'été la déclaraient une portion de moi-même, et je ao pouvais me débarrasser d'elle par aucun moyen Mgal car les médeaina ddeauvrirent alora que ma femme était folio ses exeëa avaient développé prématurément les germes de la maladie. Jane, mon récit vous déplatt, vous avea l'air sauffMate; voulez-vous que je remette la Ba à un autre jour?

–NM, monsieur, Bmisaaz-te; je vous plaina, je vous plains sincèrement.

Jane, chez quelques-uns la pitié est une chose si dtmgeMuse et ai insultante, qu'on fait bien do prier ceux qui voua l'offrent de la garder pour eux; mais c'est la pitM qui sort des Otaufs durs et personnels. C'eat un sentiment à double faue, & Ja fois souffrance egeïate d'entendre raconter les douleurs des autres, et mépris ignorant pour ceux qui les ont endurées; mais telle n'est pas votre pitië à voua, Jane, ce n'est pas t& !e sentiment que je lis dans ce moment sur votre visage, qui anime vos yeux, soulève votre cœur et fait trembler votre main dans la mienne votre pitié, ma bien-aimée, est la mère souuraate de l'amour, ses angoisses sont les douleurs naturelles de la divine passion; je l'aocepte, Jane. Que la ntte s'avance librement; mes bras sont ouverts pour la recevoir.

Maintenant, monsieur, continuez. Que fttes-voua ioBaque vous vous aperçûtes que votre femme et&it Mie?

Jane, je fus bien près du désespoir; entre moi et l'abîme il n'y avait plus qu'un petit reste de dignité humaine. Aux yeux du monde, j'étais honteusement déshonoré; mais je résolus d'être pur à mes yeux. Jusqu'au dernier moment je m'éloignai d'elle pour ne pas sentir la souillure de ses crimes; je repoussai toute union avec cet esprit vicieux, et pourtant la société continuait à unir nos noms et nos personnes; je la voyais et je l'entendais tous les jours; un peu de son baleine était mêlé à l'air que je respirais.

< Et, d'ailleurs, je me rappelais que j'avais été son mari; alors, comme maintenant, ce souvenir était odieux pour moi; je savais que, tant qu'elle vivrait, je ne pourrais paa épouser une autre femme meilleure qu'eUe. Bien qu'elle fût plus âgée que moi de cinq ans (sa famille et mon père m'avaient trompé, même sur son âge), il était probable qu'elle vivrait autant que moi, car son corps était ausai robuste que son esprit était infirme. Ainsi, & l'âge de vingt-six ans, toutes mes espérances étaient hsicsss.

< ~!ne nuit, je <M réveillé par lea cris de Berthe Masoa de-


puis que les Médecins t'avaient ddolaréo folle, elle était enferméo. C'était par une da ces brMantos nuits des Indes qui souvent pr~cMent un owragaa; no pouvant m'endormir, je me levai et j'OKvria la fen~tra l'air était transforma en un torrent do aaafrit, je ne pus trouver de ft~cheur nulle part. Les moustiques entraient par les fenêtras et bourdonnaient dans la chambra. J'entendais la mer, et le tumulte des Bots était semblable au bruit qu'aurait occasionne un tremblement de terre; de sombras nuages envahissaient le ciel; la lune brillait au-dessus dea vagues, large et rouge comme la gueule d'un canon; elle jetait une dernière Nammc sur ce sol tremblant à l'approche d'un jrage. Physiquement, j'étais ému par cette lourde atmosphère et cette scène terrible; les cris de la folle continuaient à reten~r& mes orei!les;eUe mêlait mon nom à toutes ses malédictions, avec un accent de haine digne d'un démon; jamais créature humaine n'a eu un vocabulaire plus vil que le sien. Bien que je fusse séparé d'elle par deux chambres, j'entendais chaque mot; dans l'Inde, toutes les maisons ont des murs très-minces, de sorte que ses hurlements, comparables à ceux du loup, arrivaient jusqu'à moi.

< Cette vie, m'écriai-je enan, est semblable à l'enfer; dans < l'abîme sans fond réservé aux damnés, on doit respirer le même < air et entendre les mêmes bruits. J'ai le droit de jeter loin de c moi ce fardeau si je le puis; j'échapperai aux souffrances de < cette vie mortelle en délivrant mon âme de la chaîne pesante < qui l'étouue. Oh 1 éternité douloureuse, inventée par les fanati< ques, je ne te crains pas; rien ne peut être plus horrible que les c souffrances qui m'accablent; brisons cette existence et retourc nons vers Dieu~ dans notre patrie t

< En disant ces mots, je m'agenouillai pour ouvrir une boîte qui contenait une paire de pistolets chargés. Je voulais me tuer; mais ce désir ne dura qu'un instant, car je n'étais pas fou, et cette crise de désespoir infini, qui excita en moi le désir et le projet de la destruction, ne dura qu'un instant.

< Un vent frais venu d'Europe souffla sur l'Océan et entra par la fenêtre ouverte; l'orage éclata, et, après la pluie, le tonnerre et les éclairs, le ciel redevint pur. Alors je pris une résolution, tout en me promenant dans mon jardin humide, sous les orangers, les grenadiers et les ananas mouillés par l'orage; et, pendant que la fraîche rosée des tropiques tombait autour de moi, je raisonnai ainsi. Ecoutez-moi, Jane; car c'était une véritable sagesse qui m'avait montré le chemin que je devais suivre. < Le doux vent d'Europe continuait à murmurer dans lea


feuilles rafratehiea, et l'Atlantique roulait ses vagues glorieuses de leur liberté. Mon omur, longtemps brisé et «ëtf!, se ranima on entendant les accords de l'Océan; il me sembla qu'un sang vIviNant eoulaitonmoi; mon être tout entier demandait une vio nouvelle; mon 8ma aspirait à une goutte d'eau pure. Je sentis l'espérance renaître, je compris que la régénération était possiMe; d'un des berceaux fleuris de mon jardin, j'aperçus la mer plus bleue quête ciel; l'ancien monde était au delà. e Va, me disait l'espérance, retourne en Europe t Là, on ne sait < pas que tu portos un nom souillé et que tu traînes après toi un < impur fardeau; tu pourras emmener la folle en Angleterre, reaa former à ThornMd avec les précautions et les soins neceaaai< res puis tu iras voyager où tu voudras et tu formeras les liens <qui te plairont. Cette femme qui t'a si longtemps fait souffrir, a qui a souillé ton nom, outrage ton honneur, flétri ta jeunesse, < elle n'est pas ta femme et tu n'es pas son mari. Veille à ce qu'on < prenne soin d'aHe, ainsi que cela doit être, et tu auras fait tout ce qu'exigent Dieu et l'humanité. Garde le silence sur ce qu'eHe < est, tu ne dois le dire à personne place-la dans un lieu sur et < commode; cache bien sa honte, et quitte-la. s

< J'agis ainsi; mon père et mon frère n'avaient pas parlé de mon mariage à leurs connaissances, parce que, dans la première lettre où je leur appris mon union, je commençais déjà à en être dégoûté; d'après tout ce que j'avais su de la famille do Berthe Mason, je voyais un affreux avenir devant moi, et je suppliai mon père et mon frère de garder le secret. Bientôt la conduite de celle que mon père m'avait choisie pour femme devint telle, que lui-même eût rougi de la reconnaître pour sa bellefille; loin de désirer de puM~er ce mariage, il mit autant de soin que moi à le cacher.

< Je la conduisis donc en Angleterre. Il fut bien terrible.pour moi d'avoir un monstre semblable dans un vaisseau; ce fut un grand soulagement lorsque je la vis installée dans la chambre du troisième, dont le cabinet secret est devenu, depuis dix ans, le repaire d'une véritable bête sauvage. J'eus de la peine & lui 1 trouver une garde il fallait une personne en qui l'on p&t avoir pleine confiance; sans cela les extravagances de la folle révéleraient inévitablement mon secret; puis elle avait des jours et même dés semaines de lucidité dont ellese servait pour me tromper. Enfin j'ai trouvé Grace Poo!e, à Grimsby-Retreat. Elle et Carter, qui a pansé Mason le jour où la folle s'est jetée sur lui, sont les sealcs personnes qui aient jamais ~n connaissance de mon secret; Mme Fairiax a peut-être soupçonné quelque chose,


mais ette n'a jamais pn savoir rien de pr~cia. Aprëa tout, Grâce oéM discrète; mais, malheureusement, plusieurs fois sa vigi< lance a fait dé~ut, à cause d'un vice dont rien no peut la corriger et qui résulte probabtoment de son rude métier. La folle est à la fois malfaisante etrusëa; eUe c'a jamais manqué de pra* nter dea fautes de sa gardienne, une fois pour se saisir du couteau avec lequel elle a frappé aon frère, deux fois pour prendre la clef de sa ohambre la première, ette a essayé de tce brMer dans mon lit; la seconde, eUe est venue vous visiter. Je femep'cie Dieu d'avoir veillé sur vous et d'avoir permis que la rage de Berthe s'assouvit sur votre voile, qui probablement lui rappelait vaguement le souvenir de sou mariage. Je frémis en pensant à ce qui aurait pu arriver; mon sang se glace dans mes veines quand je songe que cette créature, qui s'est jetée sur moi ce matin, aurait pu se cramponner au cou de ma bienaimée.

-Et qu'avez-vous fait, monsieur, demandai-je en le voyant s'interrompre, qu'avez-vous fait, après avoir installé votre femme ioi? 0& êtes-vous attët

Ce que j'ai fait, Jane? je me suis transferme en un feu follet. Ou je suis attePj'ai entrepris des voyages semblables à ceux dn Juif-Errant. Je visitai tout le continent; mon désir et mon but étaient de trouver une femme bonne, intelligente, digne d'être aimée, et qui fûtopposée à celle que jelaissais à ThornBctd. -Mais vous ne pouviez pas vous marier, monsieur. J'étais décidé à le faire; j'étais convaincu que je le pouvais tt que je le devais. Mon intention n'était pas de tromper comme je l'ai fait; je voulais raconter mon passé et faire mes propositions ouvertement, Il me semblait évident que tout le monde me considérerait comme libre d'aimer et d'être aimé, et je n'ai pas douté un seul instant que je trouverais une femme capable de me comprendre et de m'accepter, malgré la malédiction qui pesait sur moi.

–Eh bien, monsieur t

–Quand vous questionnez, Jane, vous me faites toujours sourire; vous ouvrez vos yeux comme un oiseau inquiet, et, de temps en temps, vous vous agitez brusquement; on dirait que les réponses n'arrivent pas assez promptement pour vous et que vous voudriez lire dans le coeur même. Mais, avant que je continue, apprenez-moi ce que voua voulez dire par votre < Eh Mon, monsieur?* Vous répétez souvent cette petite phrase, et, je ne eass trop paurqaoi, eMa m'eatratae dans des discaux aaasan.


–Je veux dire Qu'y a-t-il après? Qu'avez-vous fait? qu'est. N féauM de celât

–Précisément; et que désirez-vous savoir maintenant? Si voua ave!! trouvé une personne qui vous plût, si voM toi avez demandé de vous épouser, et ce qu'elle a répondu. Je puis vous dire ai j'ai trouvé une personne qui me plût et si je lui ai demandé de m'épouser; mais ce qu'elle m'a répondu est encore à inscrire dans le livre de la destinée. Pendant dix longues années, j'errai partout, demeurant tantôt dans une ou pitale, tantôt dans une autre, quelquefois a Saint-Pétersbourg, le plus souvent à Paris; de temps en temps à Rome, Naples ou Florence. La Providence m'avait donné beaucoup d'argent et le passe-port d'un vieux nom, je pouvais choisir ma société; aucun cercle ne m'était fermé; je cherchai ma femme idéale parmi les ladies anglaises, les comtesses françaises, les signeras italiennes et les graannen allemandes je ne pus pas la trouver. B y a des moments où j'ai cru voir une forme et entendre une voix qui devaient réaliser mon rêve, mais j'étais bientôt déçu. Ne supposez pas pour cela que je demandais la perfection du corps ou de l'esprit; je demandais quelqu'un qui me plût, qui fût le contraire de la créole je cherchai en vain. Je ne trouvai pas dans le monde une seule fille que j'eusse voulue pour femme, car je connaissais les dangers et les souurances d'un mauvais mariage. Le désappointement me rendit nonchalant; j'essayai de la dissipation, jamais de la débauche, je la détestais et Je la déteste: c'était là le vice de ma Messaline indienne. Le dégoût que me faisait éprouver la débauche restreignait souvent mes plaisirs. Je m'éloignai de toutes les jouissances qui pouvaient y ressembler, parce que je croyais ainsi me rapprocher de Berthe et de ses vices.

< Pourtant je ne pouvais pas vivre seul; j'eus des mattresses. La première fut Céline Varens, encore une de ces fautes qui font qu'un homme se méprise quand il se les rappelle; vous savez déjà quelle était cette femme, et comment notre liaison se termina. Deux autres lui succédèrent une Italienne, nommée Giacinta, et une Allemande, appelée Clara. Toutes deux passaient pour très-belles; mais que m'importa leur beauté, lorsque j'y fus habitué ? Giacinta était violente et immorale; au bout de trois meisje fus fatigué d'elle. Clara était honnête et douce, mais hMcde, froide et sans intelligence; elle n'était pas le moins du monde de mon goût je fus bien aise de lui donner une somme arasante psar lui assurar un état honnête et ainsi me débaf~rasser convenablement d'elle. Mais, Jane, je !ia dtUMMNM-


ment-ci, sur votre visage, que vous n'avez pas bonne opinion de moi vous voyez en moi un misérable, dépourvu de prinoipes et de sentiments, n'eat'co pas? g

En effet, monsieur, je ne vous aime pas autant que certains jours. jo trouve très-mal da vivra ainsi, tantôt avec une mattresse, tantôt avec une autre, et vous en parlez comme d'une chose toute simple. 1

–Je me suis laissé aller à ea genre Je vie, et pourtant je n'aimais pas cette existence vagabonde; jamais je ne désirerai y revenir. Louer une maîtresse est ce qu'il y a de pire après acheter un esclave; tous deux sont inférieurs à vous, souvent par la nature, toujours par la position, et il est dégradant do vivre intimement avec des inférieurs. Maintenant je ne puis supporter le souvenir des moments que j'ai passés avec Céline, Gia!eintaetCtara.e »

Je sentis la vérité des paroles de M. Rochester, et j'en conclus que si jamais je m'étais oubliée, si jamais j'avais négligé les principes appris dans mon enfance, si, poussée par la tentation, sous un prétexte quelconque et même avec toutes les excuses possibles, je m'étais décidée à succéder à ces malheureuses tëmmes, un jour ma mémoire exciterait chez M. Rochester le même sentiment que le souvenir de ses maitresses. Je ne dis rien de ma conviction, il suffisait de l'avoir; je l'enfermai dans mon cteur, afin qu'elle pût me servir au jour de l'épreuve.

< Jane, pourquoi ne dites-vous pas Eh bien, moasMMrP car je n'ai pas fini. Vous paraissez grave, je vois bien que vous me désapprouvez encore; mais revenons à notre sujet. Au mois de janvier dernier, débarrassé de toutes mes maitresses, l'esprit aigri et endurci par une vie errante, inutile et solitaire, désillusionné, mal disposé à l'égard des hommes et surtout des femmes (car je commençais à croire que les femmes fidèles, intelligentes et aimantes, n'existaient que dans les rêves), je revins en Angleterre, où m'appelaient des affaires.

9 Je me dirigeais vers Thornneld par une fMide soirée d'hiver, ThomMd, château détesté. Je ne m'attendais à y trouver ni calme ni bonheur; tout à coup j'aperçus une petite ombre tranquillement assise sur des marches dans le sentier de Hay; je passai devant elle avec autant d'indifférence que devant l'arbre qui lui faisait face je n'avais aucun pressentiment de ce qu'elle serait pour moi; rien en moi ne m'avait averti que l'arbitre de mon existence, le génie de ma bonne ou de ma mauvaise conduite, attendait là sous un humble déguisement; je ne m'en doatsi m6me pas lorsque, après l'accident emvé à Mesroùr. l'ombre


vint vers moi et m'offrit gravement ses services. C'était une petite oréaturq élancée et enfantine; on e&t dit âne linotte qui, voletant à mes pieds, m'eût proposé de me porter sur ses ailes délicates. Jo fus maussade, mais elle ne voulut pas s'éloigner elle resta près de moi avec une étrange persévérance, me regarda et mo parla avec une sorte d'autorité; je devais être aidé par sa main, et je lu fus en e~et.

< Lorsque j'eus pressé cette épaule délicate, une sève nouvelle sembla se répandre dans mon corps. Il était heureux pour moi de savoir que cette petite elfe reviendrait, qu'elle appartenait à ma maison sans cela je n'aurais pas pu, sans regret, la voir s'échapper et disparaître derrière les buissons. Ce soir-là, je vous écoutai revenir, Jane; vous ne vous doutiez probablement pas que je pensais à vous et que j'étudiais vos actions. Le jour suivant, je vous observai environ une demi-heure, pendant que vous amusiez Adèle. Je me rappelle que c'était un jour où la neige tombait, et que vous ne pouviez pas sortir; j'étais dans ma chambre, dont j'avais laissé la porte entr'ouverte je pouvais voir et entendre. Adèle s'emparait de toute votre attention, mais je voyais bien que vos pensées étaient ailleurs; cependant vous étiez patiente avec elle, ma petite Jane; pendant longtemps vous lui avez parlé et vous l'avez amusée. Quand elle vous eut ennn quittée, vous êtes tombée dans une profonde rêverie, vous vaus êtes mise à vous promener lentement le long du corridor; de temps en temps, en passant devant une fenêtre, vous regardiez la neige épaisse qui tombait, vous écoutiez les sanglots du vent, puis vous repreniez .doucement votre marche et votre rêve. Je pense que vos visions n'étaient pas sombres; la douce lumière de vos yeux annonçait que vos pensées n'étaient m tristes ni amères votre regard révélait plutôt les beaux songes de la jeunesse, lorsque celle-ci suit, sur des ailes complaisantes, le vol de l'espérance jusqu'au ciel idéal. La voix de Mme Fairfai vous ayant réveillée, vous avez souri de vous-même d'une singulière manière il y avait beaucoup de bon sens et de finesse dans votre sourire, Jane; il semblait dire <Mes visions sont belles, < mais il ne faut pas oublier que ce ne sont que des visions; mon e cerveau a inventé un ciel rose, un Eden vert et fleuri, mais je sais bien qu'il faut me frayer ma route dans un rude sentier et lutter contre la tempête. » Alors vous êtes descendue et vous avez demandé à Mme Fàirfax de vous donner quelque chose à faire, les comptes de la semaine à régler, je crois, ou quelque autre occupation de ce genre; j'étais fâché de vous perdre ds vue. < J'attendis le soir avec impatiec~ce, qu'alors am moins je

-JA.. EYM. a -.<~ -–?

Is~


pouvais VMS appeler prés de moi; ja soupçonnais en vous aa aaraeteM tout & Mt neuf pour moi, je désiraia le sonder plus nrofondement et te connattro mieux. Voua entrAtes dans la chambreaveo ou air à la Ma timide et indépendant; vous dtiex simplemont habHMe, dana la même gcBre qu'aujout~'hui. Je vous a parler; au bout de pou do tempa, je vous trouvai remplie do contrastes ranges vos vêteMeats, vos mamëres, se Msam"taient d'une discipline sévère; votte aspect était dKMrent et annonçait nue nature )fafBn~a, maisqui ne connaissait pas du tout le monde et qui avait paur de donner une opinion défavorable d'elle on faisant quelque soMoisme ou en disant une sottise. Mais, lorsqu'on s'adressait directement à vous, vous leviez sur votre interloouteur un esH perçant, hardi et plein d'ardeur. M y avait dus votre regard do la puissance et de la pënëtratioa. Quand je vous faisais quelque question positive, vous trouviez toujours une réponse facile et prompte. Bientôt vous fûtes habitude a moi; je crois, Jane, que vous sentiez une sympathie entre vous et votre maître triste et maussade, car je fus étonné devoir avec quelle rapidM un certain bien-être charmant s'empara de vous. Quelque maussade que je fusse, vous ne témoigniez ni surprise, ni crainte, ni ennui, ni déplaisir de ma morosité; vous vous contentiez de m'examiner, et de temps en temps je vous voyais sourire avec une grâce si simple et si sage que je ne puis la décrire. Ce que j'apercevais me rendait heureux et excitait ma curiosité; j'aimais ceque je voyais, et je désirais voirdavantage. Pourtant, je vous tins longtemps distance et je ne cherchai que rarement votre compagnie. J'étais intelligent dans mon épicurisme, et je désirais prolonger le plaisir des découvertes; puis je craignais, en maniant trop librement la fleur, de voir son éclat se faner, de voir disparaître le doux charme de sa fraîcheur je ne savais pas alors que ce n'était point une floraison passagère et qu'elle devait toujours garder son brillant éclat, comme si elle e&t été taillée dans un diamant indestructible. Je désirais aussi savoir si, le jour où je vous éviterais, vous me rechercheriez mais vous ne l'avez pas fait, vous êtes restée dans la salle d'étude aussi tranquille que votre pupitre et votre chevalet si par hasard je vous rencontrais, vous passiez devant moi, me faisant simplement un léger salut comme marque de respect. Pendant tout ce temps-la, votre expression ordinaire était pensive; vous n'étiez pas triste, car vous ne souffriez pas, mais votre cour n'était pas léger, parce que le présent ne vous -eShtit nulle joie, et l'avenir bien peu d'espérances. Je me de-

ce que vous pensiez de moi ou ai même vone pansiez


à moi; je voua examinai pour le savoir. Quand nous causions ensemble, il y avait quelque chose d'heuraux dans votre regard et de satisfait ~ana vos manieras je vis que voua aviez un e<aur soeiabio te silonee de la chambre d'étude et la monotonie do votro vie vous avai«at rendue triste. Je ma laissai aller au plaisir d'être ban à votre ëgard; la bonté éveilla bientôt votre émotion, votra figure dovint douce et votM voix caressante. J'aimais à entendre prononcer mon nom par vos lèvres et Kvee votre aeeeatheateuxetreMaaai8aant;t'4taia content lorsque, par une circonstance queMenqae, nous nous rencoatriona. Il y avait dans vos manières une OMieaae incertitude lorsque vous me regardiea vos yeux exprimaient un pau de doute et un trouble Mger, vous ne saviez pas o& me porterait mon caprice, et vous vous demandiez si j'allais jouer le rote d'un maître sëvare ou d'un ami doux et bienveillant. Je vous aimais trop, Jane, pour me poser en maître; quand je vous tendais cordialement la main, votre jeune visage exprimait tant de lumière et de bonheur, que j'avais bien de la peine à ne pas vous presser contre mon cour. Ne me parlez plus de ces jours-là, monsieur, interrompisje en essuyant furtivement une larme.

Ses paroles me torturaient, car je savais ce qu'il me restait & faire, et prochainement. Tous ces souvenirs et toutes ces révélations de ce qu'éprouvait M. Rochester rendaient ma tâche plus difficile.

a Vous avez raison, Jane, repnul; pourquoi s'arrêter sur le passé, quand le présent est plus sûr et l'avenir plus beau? » Je frissonnai en entendant cette orgueilleuse assertion. c Vous comprenez bien la situation, n'est-ce pas? continuat-il. Après une jeunesse et une virilité passées soit dans une inexprimable souffrance, soit dans une douloureuse solitude, j'ai ennn trouvé ce que je puis aimer sincèrement je voua ai trouvée. Vous sympathisez avec moi, vous êtes la meilleure partie de moi-même, mon bon ange. Je suis lié à vous par un fort attachement je vous crois bonne, généreuse et aimante; j'ai cancu dans mon cour une passion fervente et solennelle; elle me conduit à vous, vous attire à moi, enlace votre existence a ) a mienne flamme pure et puissante, elle fait un seul être de nous deux.

< C'est parce que je sentais et que je savais cela que j'ai résolu de vous épouser me dire que j'ai déjà une femme, c'est une raillerie inutile; vous savez maintenant que je n'ai qu'un eSreux démon. J'ai eu tort de chercher à vous trompa; fMMjp craignais votre entêtement et les préjugés qu'on vous avait don-


nés dans votre onfunoe. Je voulais vous Mon posaOdec avant <ta MM' hasarder a MM ooMndcneo c'était l&ehe à Moi j'aurais da h'Ht d'abord en appeler A votre noblesse, A wtM ~HorfsiM, cammo je te faisBtaintenant; vous raconter ma vie d'agonie, vous dire que j'avais faim et soif d'une existence plus noble et plus élevée, vous montrer non pas ma résolution (cernât est trop faiMe), mais mon penchant irrésistible fi aimer bien et fidèlement, puisque j'étais aime Mètement et bien. Alors ja voua aurais demandé d'accepter ma promesaa do Metitë et do ma donnor la vûtfa Jane, faites-to maintenant. s

ït y eut un moment de silence.

e Pourquoi vous taisez-vous, Jaas?' medetBanda-t-H. Je subissais une rude éprouve; une main de fer posait sur moi. Moment terrible, plein de luttes, d'horreur et do souffrance 1 Aucun être humain no pouvait désirer d'être aime plus que je ne l'étais; celui qui m'aimait ainsi, je l'adorais, et il fallait renoncer à cette idole; mon douloureux devoir était enfermé tout entier dans ce seul mot se sëpe''ert 1

< Jane, reprit M. Rochester, vous comprenez ce que ja vous demande; dites-moi seulement Je serai à vous t Monsieur Rochester, je ne serai pas à vous. s

n y eut encore un long silence.

< Jane, reprit-il avec une douceur qui me brisa et me rendit froide comme la pierre, car sous cette voix tranquille je sentais les palpitations du lion Jane, avez-vous l'intention de me laisser prendre une route et de choisir l'autre? ï'

Oui, monsieur.

Jane, reprit-il en se penchant vers moi et en m'embrassant, le voulez-vous encore?

Oui, monsieur.

Et maintenant? continua-t-il en baisant doucement mon front et mes joues.

Oui, monsieur 1 m'écriai-je en me dégageant rapidement de son étreinte.

Oh 1 Jane, c'est cruel t c'est malt Ce ne serait pas mal de m'aimer.

Ce serait mal, monsieur, de vous obéir.

Un regard sauvage souleva ses sourcils et sillonna son visage il se te va, mais se retint encore. J'appuyai ma main sur la dossier d'une chaise, pour me soutenir; j'avais peur, maismarése' lution était prise.

< Un instant, Jane. Quand vous serez j~rtie, jetez un regard sur ma triste vie; tout le bonheur s'en ira avec vous. Que me


Natera-t-Mr J« M'ai qu'une Mia pour fewmo: nutant vaudrait ma pr~sentw Ma des cadavres du cimoti&re. Que fxirc, .t~~? oa athrpOMP trouver une eaMp~aa?charchorl'pspM'iUteaY Mtca CMMRC moi; ayM oannonee cm Dieu tit eu vous CMy<M! aw e!c!, et «apurez quo nous nous y F<itreu<fefoas. A!)MH vous ao voulez pas cMcrT

Non.

Alors vous me condamnez à vivra m!a6faMe, & mourir maudith a~

Sa wbt s'dleva.

< ? WMa consaitto do vlvro pur, ot jo désire vous voir mouriF tranquille.

Vous m'arrachez yamouF et rinaacenco & la place do r:tmour, vous m'offrez l~dëbauchc; et, pour toute occupation, vous me proposai! le vice.

Née, monsieur, ne vous condamne pas plus à ctitto d<-st!nee que je ao m'y condamne moi-même. Nous sontnMS ht!s pour scuNrir et lutter, vous aussi bien quo moi; rësignox-vous; vous m'ouMiere: avant que je vous aie oublid.

Vous me considérez comme un imposteur, vous ne croyez pas a ma loyauté. Je vous ai dit que je ne pourrais jamais changw, et vous me dites en face que je changerai bientôt votre conduite prouve combien vous jugez mal, et combien vos idées sont fausses. Est-il mieux de jeter dans le désespoir un de ses semblables que de violer une lui humaine, lorsque personne ne doit en souffrir? car vous n'avez ni parents ni amis que vous craigniez d'offenser en demeurant avec moi. <

C'était vrai; et, pendant qu'il parlait, ma ra:son et ma con.science se tournaient trattreusement contre mui; elles criaient presque aussi haut que momeaeur, et t<<us ensemble me disaient: <t Oh t cède, cède 1 pense à sa souffrance, pense au danger où tu le laisses; regarde dans quel abattement il tombe losqu'il se voit abandonné. Souviens-toi que sa nature est impétueuse; songe aux suites du désespoir; ;oonsote-!e, sauve-le, aime-le dis-lui que tu l'aimes et que tu seras à lui. Qui est-ce qui s'inquiète de toi dans le monde? qui est-ce qui sera offensé ou attristé par ce que tu feras? p

Et, malgré tout, je continuais à me dire Je me dois à moimême plus je suis isolée, moins j'ai d'amis et de soutiens, plus ~e dois me respecter. Je garderai les lois données par Dieu et sanctionnées par l'homme; je serai fidèle aux principes que j'ai acceptés lorsque j'étais raisonnable et non pas folle comme maintenant. t~es lois et les principes ae nous ont pas été donnes pour


!oa jours sans eprauves; !!s ont 4W faits pour dos moments coN)HMoalMi-oi, alors quo !o e(aw et Mme so révoltent oontre lear sévérité. Ils sont durs, mais ils seront pas vio16s si je pouvais les briser à ma vetontO, de quel prix sot aient-ils? ils ont MM grande valeur, je t'a! toujours cru et si je ne puis plus le croire maintenant, c'est parcs que ja suis insensée, que du feu coule dans mes veines, et que mon cœur bat trop pour qua ja puisse en compter les patpitatioas. A cette heure je dois m'en tenir aux opinions prOconsMes, et c'est sur ce terrain solide que je poserai mes doux pieds 1

le le fis t,n euet; M. Roohester me regarda, et devina aussitôt mon intention. Sa rago fut excMe au plus haut point, et, sans s'inquiéter des suites de sa colère, il y céda un instant. M traversa la chambre, me prit le bras et me saisit par la taille; il semblait me devorer de son reg&rd passionne physiquement, je me sentais exposée à l'ardeur d'une fournaise enflammée, moi aussi impuissante que le chaume mais je possédais encore mon âme, et j'éprouvais un sentiment de grande sécurité. Heureusement, l'âme a un interprète, interprète qui souvent n'a pas conscience de ce qu'il fait, mais qui est toujours Mole je veux parler des yeux. Les miens se dirigèrent vers la figure ardente de M. Rochester, et je poussai un soupir involontaire son étreinte était douloureuse, et mes forces presque épuisées.

< Jamais, dit-il en serrant les dents, jamais je n'ai vu une gréature aussi frêle et aussi indomptaMs. Elle est entre mes mains comme un fragile roseau, eontinua-t-il en me secouant de toute la force de son poignet je pourrais la plier avec un de mes doigts et quel bien cela ferait-il, si je la pliais, si je la domptais, si je la jetais à terre ? Regardez ces yeux, regardez cette enfant résolue, sauvage et indépendante, qui semble me déneravec plus que le courage, avec la certitude du triomphe 1 Quand même je me rendrais mattre de la cage, je ne pourrais pas m'emparer du bel oiseau sauvage si je brise la fragile prison, mon outrage ne fera que donner la liberté au captif. Je pourrais conquérir la mai' son; mais celle qui l'occupe s'envolerait vers le ciel, avant que je pusse me déclarer possesseur de sa demeure d'argile < et c'est cette âme d'énergie, de vertu et de purent que je veux, ce n'est pas seulement votre frêle enveloppe. Si vous le vouliez, vous pourriez voler librement vers moi, et venir vous abriter près de mon cc*ur; mais, saisie malgré vous, semblable à un pur esprit, –vous échapperiez à mes embrassements vous disparattrim: avant que j'aie pu respirer votre parfum. On! venez, Jane, venez 1 a


Bn disant cas me<a, M ma Mcha et se eonteata de me regarder. n était plus diMcite de résister à ea regard qu'& son étreinte passionna: mais je ne montais pas suceojmbor j'avais d~M sa colère, il MMttaaiMtenaet supporter aa douleur. Je mu dirigeai vers la porta.

c Voua partez, Janot me dit-it.

Oui, monsieur.

Vous allel me quitter, t

–Oai.

Vous ma MviendMB pas t vous ne voutez pas être mon soutien, mon saavewrtMon amouf profond, ma grande dou.leur, mes supplications, tout cela n'est rien pour vous ? a JI Quelle inexprimable douleur dans sa voix t combien il ma Mt dur du irét~tep aveo fenaetd

< Je pars.

Jane t reprit-il.

Monsieur Rochesteft

Eh bien, partez, j'y consens; mais rappelez-vous que vous me laissez ici dans l'angoisse. Montez dans votre chambre; rappelez-vous tout ce que je vous ai dit, Jane; jetez un regard sur mes souffrances, et pensez & moi. <

JI se retourna et alla se cacher le visage contre le sofa. c Oh 1 Jane s'ëona-t'davec un ton de douloureuse angoisse, oh Jane, mon espérance, mon amour, ma vie! t b

Et alors j'entendis sortir de sa poitrine un profond sanglot. J'avais déjà gagné la porte, mais je revins sur mes pas, aussi résolue que lorsque je m'étais retirée. Je m'agenouillai près de lui; je soulevai son visage et le dirigeai de mon-côté, j'embras. sai sa joue et je lissai ses cheveux avec ma main. <. Dieu vous bénisse, mon cher maître ) m'ccriai-je Dieu vous garde de la souffrance et du malt puisse-tril vous diriger, vous consoler, et vous récompenser de vos bontés passées pour moi 1 L'amour de ma petite Jane aurait été ma meilleure récompense, répondit-il si je ne l'obtiens pas, mon ccaur est jamais brisé mais Jane me donnera son amour elle me le donner? noblement, généreuseMent. »

Le sang lui monta au visage, ses yeux brillèrent; il se leva et étendit les bras mais j'échappai à son étreinte et je quittai subitement la chambre.

c Adieu cria mon caaur, lorsque je m'éloignai. 'Adieu, pour toujours t ajouta le désespoir.

Cette nuit-là, je ne pensais pas dormir; cependant, à peme


tas-je étendue, q<!t'an lourd sommeil s'appesantît sur moi. le &<8t.'aH8porMe en songe aux scènes de mon enfance; jo ravat quo jetais dans la chambre rougo do <Bat<:shc~d, que la nuit était sombre et mon esprit en proie à una étrange terreur t) me sembla que la petite lumière qui, il y avait bien dos années, m'avait fait évanouir de peur, après avoir glissé le long de la muraille, venait trembloter au milieu du sombre plafond. Je levai la tête pour regarder; le plafond se changea on des nuages noirs et élevés, la petite lumière en une de ces vapeurs rougeatresqwi entourent la lune. J'attendis le lever de la lune aveo une singulière impatience, comme si ma destinée eût ~M écrite sur son disque rouge elle se précipita hors des nuages comme elle ne Fa jamais fait. J'aperçus d'abord une main qui sortait des noirs plis du ciel et qui écartait les nuées; puis je vis, au lieu de la tune, uno ombre blanche se dessinant sur un fond d'azur, et inclinant son noble front vers la terre. L'ombre ne pouvait sa lasser de me regarder enfin elle parla à mon esprit; malgré la distance immense, les sons m'arrivaient clairs et distincts, et j'entendis t'ombre murmurer à mon cosur s < Ma fille, fuis la tentation.

Oui, ma mère, e répondis-je.

Je me as la même réponse lorsque je m'éveillai. Il faisait encore sombre; mais en juillet les nuits sont courtes, l'aurore commence à poindre presque aussitôt après minuit. a Il ne peut pas être trop tôt pour entreprendre la tâche que j'ai & accomplir, pensai-je. Je me levai; j'étais habillée, car, pour me coucher, je n'avais retiré que mes souliers je pris dans mes tiroirs un peu de linge, un bracelet et un anneau. En cherchant ces objets, mes doigts rencontrèrent les perles d'un collier que M. Rochester m'avait forcée d'accepter quelques jours auparavant; je le laissai il ne m'appartenait pas; il appartenait à la fiancée imaginaire qui s'était envolée. Je Ss un paquet des autres choses, je mis dans ma poche ma bourse, qui contenait vingt schettings (c'était tout ce que je possédais), j'attachai mon châle et mon chapeau; je pris mon paquet et mes souliers, que je ne voulais pas mettre encore, puis je sortis de ma chambre.

c Adieu, ma bonne madame Fairfax, murmurai-je en glissant près de sa porte. Adieu, ma chère petite Adèle, dis-je en jetant un regard vers la chambre de l'enfant; je ne pouvais pas entrer pour l'embrasser, car il fallait tromper la surveillance d'une –TorcilHc bien Sne qui veillait peut-être.

J'aurais voulu passer devant la chambre de M. Rochester sans m'arrêter mais, lorsque je me trouvai devant sa porte, je sen-


Na que les battements do mon emur venaient do s'arrêter, et je fus obligée d'attendre un instant; ln non plus on ne dormnit pas. M. Roeheater marchait avec agitation d'un bout de la pièce a l'autre, et il soupirait sans cesse. Si je le voulais, il y avait dans cette chambre tout un paradis pour moi, du moins un paradis d'un moment; je n'avais qu'à entrer et & diro < Monsieur Roohoster, je vous aimerai; je demeurerai avec vous jusqu'à la mort; n et alors mes lèvres se seraient rafraîchies & une source de délices. J'y pensai un instant.

< Ce maître plein de bonté, et qui ne peut pas dormir, attend le jour avec impatience, Bto dis-je demain matin il m'enverra demander, et je serai partie it me fera chercher, et en vain it se sentira abandonné, it verra que je repousse son amour, it souffrira et tombera peut-être dans le désespoir. A

Je pensai à tout cela, ma main se dirigea vers le loquet; mais je la retirai vivement et je m'enfuis.

Je descendis tristement l'escalier je savais ce que j'avais à faire et je le faisais machinalement. Je cherchai dans la cuisine la clef de la porte de côté, un peu d'huile et une plume afin de graisser la clef et la serrure; je pris du pain et de t'eau, car j'allais peut-être avoir une longue course à faire, et je ne voulais pas voir mes forces, déjà si épuisées, me manquer tout à coup; je us tout cela dans le plus grand silence. J'ouvris la porto, je passai et je la refermai doucement. Le mâtin commençait à poindre dans la cour les grandes portes étaient fermées à clef; heureusement, le guichet de l'une d'elles n'était fermé qu'au loquet j'en profitai pour sortir, puis je la poussai derrière moi: J'étais maintenant hors de ThornSeld.

A une distance d'un mille, au delà des champs, s'étendait une route qui allait dans la direction contraire à MHtcote; je n'avais jamais parcouru cette route, mais souvent je l'avais remarquée et je m'étais demandé où elle conduisait ce fut de ce côté-la que le dirigeai mes pas. Je ne devais plus me permettre aucune réCexion; je ne devais plus jeter de regards ni en arriére ni en avant. Je ne devais plus enfin accorder une seule pensée, soit au présent, soit à l'avenir le premier était à la fois si doux et si profondément triste, que d'y songer seulement me retirerait tout courage et toute énergie; le dernier était confus et terrible comme le monde après le déluge.

Je longeai les champs, les haies et les sentiers jusqu'au lever du soleil; je crois que c'était par une bette matinée d'été. Mes souliers, que j'avais mis en quittant la maison, furent bientôt mouillés par !a rosée; mais je ne regardais ni le soleil levant, ni


les cieux qui souriaient, ai la nature qui s'éveillait. Celui qui traverse une belle aeene pour arriver à l'ëehafaHd ne panse pas aux Cours qui s'épanouissent sur la toute, mais bien plutôt au billot, à la hache, à la séparation de ses os et de ses veines, et au grand déoMrement qui devra tout terminer; et moi je poneais à ma triste fuite, à mes courses errantes. Je ne pouvais m'empêcher de songer avec agonie à ce que j'avais laissé, à celui qui épiait dans sa chambre le lever du soleil. espérant me voir bientôt arriver pour lui dire que je voulais bien lui appartenir et rester près de lui. J'aspirais à être à lui, j'étais avide de retour; H n'était point trop tard, je pouvais encore lui épargner une angoisse bien douloureuse j'étais sure quo ma iuite n'était ~pas desouverte je pouvais revenir, être sa consolation et son orgueil, l'arracher à la soMurance, peut-être empêcher sa perte Oh 1 combien j'étais aiguiUennée par la crainte de le voir s'abandonner lui-même! ce qui m'était bien plus douloureux que s'il m'eût abandonnée. C'était comme un dard recourbé dans mon sein si je voulais l'arracher, il me déchirait si je l'enfonçais plus avant, il me torturait. Les oiseaux commencèrent à chanter dans les buissons et les taillis; ils étaient fidèles à leurs compagnons, eux emblèmes de l'amour. Et moi, quêtais-je? Au milieu des souffrances de mon cœur, de mes efforts désespérés pour accomplir mon devoir, je me détestais. Je n'avais pas la consolation de me sentir approuvée par moi-même je n'éprouvais aucune joie d'avoir su me respecter j'avais injurié, blessé, abandonné mon maître. J'étais haïssable à mes yeux. Pourtant je ne pouvais pas revenir vers lui. Dieu me conduisait saas doute, car la douleur avait foulé aux pieds ma volonté et étouné ma conscience je pleurais amèrement en continuant ma route solitaire; je marchais rapidement comme quelqu'un dans le déEre. Tout à coup je fus prise d'une faiblesse qui, commençant dans l'intérieur du corps, s'étendit aux membres; je tombai à terre. Je restai quelque temps ainsi, pressant ma figure contre le gazon humide. Je craignais, ou plutôt j'espérais mourir là; mais bientôt je pus me remuer; je rampai d'abord sur mes genoux et sur mes mains, ennn je me relevai, aussi résolue que jamais à gagner la route.

Quand je l'eus atteinte, je fus obligée de m'asseoir sous un buisson pour me reposer; j'entendis un bruit de Mues et je vis une voiture arriver. Je me levai et Ba un signe de la main elle ––s'arrêts. Je demandai an eeadEctea? où il allAit; il me nomma un enduit éloigné, et o& j'étais sure que M. Roehester n'avait aucune connaissance. Je lui demandai quel prix il prenait pour y


conduire; N me répondit trente scheMings. Je lui dis que ja n'on avais quo vingt; il reprit qu'il tacherait de s'en contenter. Comme la voiture 4tftit vide, il me pormit d'entrer dans t'int~rieur; la porti&ra tat formée ft nous nous mÎHMit en route. Vous tous qui tiras ce livre, puissiez-vous ne jamais éprouver ca que j'ai éprouve 1 Puissent vos yeux ne jamais verser un top' rent de larmes aussi amères et aussi déchirantes que les miennes t Puissent vos prières ne jamais s'ëtever aussi douloureuses et aussi désespérées vers le ciel Puissiez-vous ne jamais craindre de devenir l'instrument du mal entre les mains de celui que vous aimez plus que tout 1

CHAPITRE XXVm.

Deux jours sont passés. C'est un soir d'été le cocher m'a descendue dans un endroit appelé WMteross; il ne pouvait pas me conduire plus loin pour la somme que je lui avais donnée, et je ne possédais plus un sohelling dans le monde; je suis seule, la voiture est déjà éloignée d'un mille. A ce moment, je m'aperçois que j'ai oublie mon petit paquet dans la poche de la voiture ou je l'avais place pour plus de sûreté il faut maintenant qu'il y reste, et moi je n'ai plus aucune ressource.

Whitcross n'est pas une ville ni même un hameau; c'est un pilier de pierre placé à la réunion de quatre routes il est peint en blanc, probablement pour qu'on puisse le voir de loin dans l'obscurité. Au sommet de ce pilier on aperçoit quatre bras qui indiquent à quelle distance on est des diNérentes villes; d'après les indications, la ville lapins proche était distante de dix milles, et la plus éloignée, de vingt. Les noms bien connus de ces villes m'apprirent dans quel pays j'étais c'était un des comtés du centre, couvert de marécages et entouré de montagnes; à droite et à gauche on apercevait de grands marais; une série de montagnes s'étendaient bien loin au delà de la vallée que j'avais à mes pieds. La population ne devait pas être nombreuse. Je n'apercevais personne sur les routes qui se déroulaient aux quatre points cardinaux, larges. blanches et solitaires; elles avaient toutes été tmcées tta mttie" même <!<Mt marais, et la bruyère poussait épaisse et sauvage jusque sur le bord. Cependant le hasard pouvait amener <m voyageur par là, et je désirais ne point


Otre vue des étrangers se demanderaient naturellement oa que je faisais là, et pourquoi j'étais devant ce poteau, errant ~ana but ot comme si je m'étais égarée. On me questionnerait paut<etra, et je ne pourrais faire que des réponses peu vraisemblables, qui exciteraient la soupe«n.

Aucun lien na m'attachait alors à la société aucun charme, aucune espérance ne m'attiraient vers les hommes; pas un de ceux qui me verraient ne se sentirait pris de sympathie pour moi. Je n'avais pour tout parent que la nature, notre mère à tous aussi ce fut sur son soin que j'aUai chercher te repos. J'entrai dans la bruyère, je me dirigeai vers un creux que j'avais aperçu sut te bord du marais; j'enfonçais dans les épaisses bruyères jusqu'aux genoux. Enfin, dans un coin reculé, je trouvai un rocher de granit recouvert de mousse; je m'assis dans l'enfoncement; ma tête était protégée par les larges pierres du rocher; an-dessus il n'y avait que le ciel.

Même dans cette retraite, il me fallut quelque temps avant d'être délivrée de toute inquiétude j'avais une crainte vague que quelque chat sauvage ne s'élançât sur moi ou qu'un chasseur ne vint à me découvrir. Si le vent mugissait an peu fort, je regardais autour de moi et j'avais peur d'apercevoir tout & coup un taureau sauvage; si un pluvier sifflait, je le prenais pour un homme mais voyant que mes appréhensions n'étaient pas fondées, et calmée d'ailleurs par le profond silence du soir, je pris confiance. Jusque-là je n'avais pas encore pensé; je n'avais qu'écouté, regardé et craint mais maintenant je pou.vais réfléchir de nouveau.

Que devais-je faire? Où devais-je aller? Oh questions into. lérables pour moi, qui ne pouvais rien faire ni aller nulle part. Il fallait que mes membres fatigués et tremblants parcourussent un long chemin avant d'atteindre & une habitation humaine; il me fallait implorer la froide charité pour obtenir un abri et forcer la sympathie mécontente des indifférents. n me fallait subir un refus presque certain, sans que mon histoire fût même écoutée, sans que mes besoins fussen' satisfaits.

Je touchai la bruyère; elle était humide, bien que réchauuëe par un soleil d'été. Je regardai le ciel; u était pur; une étoile se levait juste au-dessus de l'endroit où j'étais couchée la rosée tombait doucement; on n'entendait même pas le murmure de la brise; la nature semblait douce et bonne pour moi. Je me dis –qa'eltem'aimait, !"< panvradélaissée; et,nepouvantespérerdes hommes que les insultes et la méfiance, je me cramponnai à elle avec une tendresse filiale. < Cette nuit-1~, du m9ins, me dis-je,


je serai son Mte comme je suis son enfant; ma more me loger sans me demander le prix de son bienfait. z Il me restait encore un morceau de pain quo j'avais acheté avec mon dernier argent, dans une ville où nous passions à la nuit tombante; je vis et là des mûres noires et brillantes comme des perles de jais; j'en cueillis une poignée que je mangeai avec mon pain. Ma faim fut sinon satisfaite, du moins apaisée par ce repas d'ermite; je dis ma prière du soir et je choisis un lieu pour m'étendre. A côté du rocher, la bruyère était très-épaisse; lorsque je fus étendue, mes pieds étaient tout à fait couverts, et elle s'élevait à droite et à gauche, assez haut pour ne laisser qu'un étroit passage à l'air de la nuit. Je pliai mon châle double et je rétendis sur moi en place de couverture; une petite éminence recouverte de mousse me servit d'oreiller; ainsi installée je n'eus pas le moiadre froid, du moins au commencement de la nuit.

Mon repos aurait été doux sans la tristesse qui m'accablait; mais mon cœur s'aNaissait sous sa blessure déchirante; je le sentais saigner intérieurement: toutes ses fibres étaient brisées. Je tremblais pour M. Rochester, et une amère pitié s'était emparée de moi, mes incessantes aspirations criaient vers lui. Mutilée comme un oiseau dont les ailes sont brisées, je continuais à faire de vains efforts pour voler vers mon maître. Torturée par ces pensées, je me levai et je m'agenouillai; la nuit était venue avec ses brillantes étoiles; c'était une nuit tranquille et sûre, trop sereine pour que la peur pût s'emparer de moi. Nojs savons que Dieu est partout, mais certainement nous sentons encore mieux sa présence quand ses oeuvres s'étendent devant nous sur une plus grande échelle. Lorsque, dans un ciel sans nuages, nous voyons chaque monde continuer sa course silencieuse, nous comprenons plus que jamais sa grandeur infinie, sa toute-puissance et sa présence en tous lieux. Je m'étais agenouillée afin de prier pour M. Rochester levant vers le ciel mes yeux obscurcis de larmes, j'aperçus la voie lactée en songeant à ces mondes innombrables qui s'agitent dans le firmament et ne nous laissent apercevoir qu'une douce tratnée de lumière, je sentis la puissance et la force de Dieu. J'étais sûre qu'il pourrait sauver ce qu'il avait créé; j'étais convaincue qu'il ne laisserait périr ni le monde ni les âmes que la terre garde comme un précieux trésor; ma prière fut donc une action de grâces. La source de la vie est aussi la sauveur des esprits, t pensai-je. Je me dis que M. Rochester était en sûreté; il appartenait à Dieu, et Dieu le garderait. Je me blottis de nouveau atSf


io sein de la montagne, et au bout do quelque temps le sommeil me <!t oublier ma douleur.

MMa le jour suivant, le besoin m'apparut paie et nu; députa longtemps les petits oiseaux avaient quitté leurs nids; depuis longtemps les abeilles, profitant des belles heures du matin, recueillaient le suc des fleura avant que la roséa fût séchée. Lorsque les longues ombres de l'aurore eurent disparu, lorsque le soleil brilla dans le ciel et sur la terre, je me levai et je regardai autour de moi.

Combien la journée était calme, belle et chaude les marats attendaient devant moi comme un désert doré; partout le soleil brillait j'aurais voulu pouvoir vivre là. Je vis un lézard courir le long du rocher, et une abeille occupée à sucer les baies à ce moment, j'aurais voulu devenir abeille ou lézard, afin de trouver dans ces forêts une nourriture suffisante et un abri constant; mais j'étais un être humain, et il me fallait la vie des hommes; je ne pouvais pas rester dans un lieu où elle n'était pas possible. Je me levai; je regardai le lit que je venais de quitter; je n'avais aucune espérance dans l'avenir, et je me mis à regretter que pendant mon sommeil mon créateur n'eût pas emporté mon âme vers lui, afin que mon corps fatigué, délivré par la mort de toute lutte nouvelle contre la destinée, n'eût plus qu'a reposer en paix sur ce sol désert. Mais ma vie m'appartenait encore avec toutes ses souffrances, ses besoins, ses responsabilités. Il fallait supporter le fardeau, satisfaire les besoins, endurer les souffrances, accepter la responsabilité. Je me mis donc en marche. Lorsque j'eus regagné Whitcrcss, je suivis une route à l'abri du soleil, qui alors était dans toute son ardeur; mon choix ne fut déterminé que par cette seule circonstance. Je marchai longtemps; enfin, je pensais que j'avais assez fait et que je pouvais, sans remords de conscience, céder à la fatigue qui m'accablait, cesser un moment cette marche forcée, m'asseoir sur une pierre voisine et me laisser aller à l'apathie qui s'était emparée de mon cœur et de mes membres, lorsque j'entendis tout à coup le son d'une cloche ce devait être la cloche d'une église.

Je me dirigeai du côté du son, et au milieu de ces montagnes romanesques, dont je ne remarquais plus l'aspect depuis quelque temps, j'aperçus un village et un clocher. A ma droite, la vallée était remplie de pâturages, de bois et de champs de grains; un ruisseau tortueux coulait au milieu dt feuillage aux teintes va~ïiées, des champs mûrs, de sombres forêts et des praMfts éclairées par le soleil. Je fus tirée de ma rêverie par un bruit de roues, et je vis une charrette très-chargée qui montait. pénible-


meut le long de la colline; ua peu plus loin, j'aperçus deux vaches et leur gardien. J'étais près du travail et de la via il Miait lutter encore, m'efforcer da vivre et me pli~r à la fatigue comme tant d'autres.

J'arrivai dans le village vers deux heures. Au bout de la seule rue du hameau, j'aperçus des pains à travers la fenêtre d'une petite boutique; j'en aurais voulu un. "Ce léger soutien me rendra un peu d'énergie, me dis-je; sans cela il me sera bien difficile de continuer. B Le désir de retrouver la force me revint des que je me vis au milieu de mes semblables; je sentais que je serais bien humiliée s'il me fallait m'évanouir de faim dans la rue d'un hameau. N'avais-je rien sur moi que je pusse offrir en échange de ce pain? Je cherchai. J'avais un petit fichu de soie autour de mon cou; j'avais mes gants. Je ne savais pas comment on devait s'y prendre quand on était réduit à la dernière extrémité; je ne savais pas si l'une de ces deux choses serait acceptée il était probable que non; en tous cas, il fallait essayer. J'entrai dans la boutique elle était tenue par une femme. Voyant une personne qui lui semblait habillée comme une dame, elle s'avança vers moi avec politesse et me demanda ce qu'il y avait pour mon service. Je fus prise de honte ma langue se refusa à prononcer la phrase que j'avais préparée; je n'osai pas lui offrir les gants à demi usés ni le Schu chiSbnné; d'ailleurs je sentais que ce serait absurde. Je la priai seulement de me laisser m'asseoir un instant, parce que j'étais fatiguée. Trompée dans son attente, elle m'accorda froidement ce que je lui demandais elle m'indiqua un siége, j'y tombai aussitôt. J'avais envie de pleurer; mais, comprenant combien le moment était peu favorable peur me laisser aller à mon émotion, je me contins. Je lui demandai bientôt s'il y avait dans le village des tailleuses ou des couturières en linge.

Oui, me répondit-elle, trois ou quatre; bien assez pour ce qu'il y a d'ouvrage. r

Je rénéchis. J'étais arrivée au moment terrible; je me trouvais face à face avec la nécessité; j'étais dans la position de toute personne sans ressource, sans amis, sans argent. Il fallait faire quelque chose; mais quoi PN fallait m'adresser quelqua part; mais ou? 't

Je demandai à la boulangère si elle connaissait, dans le voisi' nage, quelqu'un qui eût besoin d'une domestique. Nie me répondit qu'elle n'en savait rien.

< Quelle est la principale occupation dans ce pays? repris-je, que fait-on en général T


–QMelques-unssont fermiers; beauooMptravaillentatafondoria et & la manufacture d'aiguilles de M. Oliver, me répondit-olle. M. Oliver emploie-t-it des femmes?

Mais non c'est, un travail fait pour les hommes.

Et que font les femme&r 'i'

Je ne sais pas; les unes font une chose et les autres une autre; il faut bien que les pauvres gens se tirent d'affaire comme ils peuvent. »

Elle semblait fatiguée de mes questions, et, en effet, quel droit avais-je de l'importuner ainsi? Un ou deux voisins arrivèrent on avait évidemment besoin demaehaisa je pris congé et je me retirai.

Je continuai à longer la rue, regaraant toutes les maisons à droite et à gauche; mais je ne pus trouver aucune raison ni même aucun prétexte pour entrer dans l'une d'elles. Pendant une heure j'errai autour du village, m'éloignant quelquefois un peu, puis revenant sur mes pas. Très-fatiguée et souffrant beaucoup du manque de nourriture, j'entrai dans un petit sentier et je m'assis sous une haie; mais je me remis bientôt en route, espérant trouver quelque ressource ou du moins obtenir quelque renseignement. Au bout du sentier, j'aperçus une jolie petite maison devant laquelle était un petit jardin bien soigné et tout brillant de ueura; je m'arrêtai. Pourquoi m'approcher de la porte blanche et toucher au bouton luisant ? pourquoi les habitants de cette demeure auraient-ils désiré m'être utiles? Néanmoins je m'approchai et je frappai. Une jeune femme au regard doux et proprement habillée vint m'ouvrir la porte; je demandai d'une voix basse et tremblante, car mon coeur était sans espoir et mon corps épuisé, si l'on avait besoin d'une servante. < Non, me répondit-elle, nous ne prenons pas de domestique. Pouvez-vous me dire, continuai-je, où je trouverais un travail quelconque ? Je suis étrangère et ne connais personne ici je voudrais travailler à n'importe quoi. e

Mais ce n'était pas l'affaire de cette jeune femme de penser à moi ou de me chercher une place; d'ailleurs, que de doutes devaient éveiller à ses yeux ma position et mon histoire Elle secoua la tête et me dit qu'elle était fâchée de ne pouvoir me donner aucun renseignement, et la porte blanche se referma doucement et poliment, mais elle se referma en me laissant dehors; si elle l'eût laissée ouverte un peu plus de temps, je crois que –je lui aurais mendié un mofcea" de pain, car j'étais tombée bien bas.

Je ne pouvais pM me décider à retQurner au village, où d'ail-


feurs ja n'entrovoyais auoune enaaea de secours. Je me sentais plutôt disposée & me diriger vers un bois pou distant, et dont l'épais ombragu semblait inviter au Mpos; mais j'étfus si mal.tdo. si faible, si tourmonMa par la faim, quo l'instinct me nt error autour des demoures humaines, parce que là il y avait plus de chance de trouver de la nourriture; la solitude ne serait plus ce qu'elle était autrefois pour moi, et le repos ne me soulagerait pas, car la faim me poursuivait et mo rongeait comme un vautour.

Je m'approchai des maisons; je les quittai; je revins, puis je m'éloignai de nouveau, repoussée sans cesse par la pensée que je n'y trouverais rien, que je n'avais pas le droit de réclamer de la sympathie pour mes sounranees. Le jour s'avançait pendant que j'errais ainsi comme un chien affamé et perdu. En traversant un champ, j'aperçus le clocher do l'église devant moi; je marchai dans cette direction. Près du cimetière, au milieu d'un jardin, je vis une petite maison bien bâtie, que je pensai être le presbytère. Je me rappelai que les étrangers qui arrivent dans un lieu où ils ne connaissent personne et qui cherchent un emptoi s'adressent quelquefois au ministre; c'est la tâche des ministres d'aider, du moins de leurs avis, ceux qui veulent s'aider eux-mêmes. Il me semblait que j'avais quelque droit d'aller là chercher un conseil. Reprenant courage et rassemblant le peu de forces qui me restaient, j'atteignis la maison; je frappai à la porte de la cuisine; une vieille femme vint m'ouvrir. Je lui demandai si c'était bien !à le presbytère.

a Oui, me répondit-elle.

Le ministre y est-il?

Non.

Reviendra-t-il bientôt?

Non, il n'est pas dans te pays.

Est-il allé loin?

Pas très-loin, à peu près à trois milles; il a été appelé par la mort subite de son père. n est à Marsh-End, et ne reviendra probablement que dans une quinzaine de jours.

Y a-t-il des dames dans la maison? <

Elle me répondit qu'elle était seule et qu'elle était femme de charge. Je ne pouvais pas lui demander du secours à elle; je ne pouvais pas encore mendier je partis donc.

Je repris mon fichu de soie et je me remis à penser au pain de la petite boutique. Oh 1 si j'avais seulement eu une croûte, sue bouchJe de pain pour apaiser mes angoisses! Icsticctivament je retournai vers le village; je revis la boutique et j'en* J*ttZ &tM. –)t &


trai. Bien que la femme «a f&t pas seule, je me hasardai à M demander si elle voulait me donner un petit pain en échange du Sohu de soie.

Elle me regarda d'un air de soupçon et ma répondit qu'o!le ~'avait jamaia fait de marcth aemMabte.

Presque d~eapetée, je lui demandai la moitié du petit paia; elle me refuse de nouveau en me disant qu'eue ne pouvait pas aavoir d'où me venatt ce fichu.

Je lui demandai si elle voulait prendre mes gants. Elle me repondit qu'elle ne pourrait rien en faire. Mais il n'est point agréable de tx'tner sur ces détails. H y a des. gens qui trouvent de la joie à songer à leurs douleurs passées quant à moi, il m'est douloureux de panser à ces jours d'éprouve; je n'aime point à me rappeler ces moments d'abattement moral et de souffrance physique. Je no blâmais aucun de de ceux qui me repoussaient; je sentais que c'était t& ce à quoi je devais m'attendre et que je ne pouvais pas l'empêcher. Un mendiant ordinaire est souvent soupçonne; un mendiant bien vêtu l'est toujours. Il est vrai que je demandais du travail; mais qui était chargé de m'en procurer? Ce n'étaient certainement pas les personnes qui me voyaient pour la première fois et ne savaient pas à qui elles avaient affaire. Quant & la femme qui ne voulait pas prendre mon fichu en échange de son pain, elle avait raison, si l'offre lui semblait étrange ou l'échange peu profitable. Mais arrêtons-nous maintenant je suis fatiguée de parler de cela.

Un peu avant la nuit, je passai près d'une ferme. Le fermier était assis sur le seuil de la porte et mangeait du pain et du fromage pour son souper; je m'arrêtai et je lui dis < Voulez-vous me donner un morceau de pain? j'ai bien faim.* N me regarda avec surprise; mais, sans rien répondre, il coupa une grosse tartine et me la donna. H ne m'avait pas prise pour une mendiante, mais pour une dame très-originale que son .pain noir aurait tentée; dès que j'eus perdu sa maison de vue, je m'assis et je me mis à manger.

N'espérant trouver aucun abri dans les maisons, j'allai chercher un refuge dans te bois dont j'ai déjà parte; mais ma nuit fut mauvaise et mon repos sans cesse interrompu. La terre était humide, et l'air froid; plusieurs fois je fus dérangée par des bruits de pas et obligée de changer de place; je ne me sentais ni tranquille ni en sûreté. M plut vers le matin, et tout le jour suivant fut humide. Ne me demandez pas, lecteurs, de vous doMer un compte Madcmactde cette journée; comme la veiUe,


demandât do l'ouvrage et je tua Mpouas~e; comme la veitto, ''eus faim. Jo no mangeai qu'une sauta Ma dans tout. te jour; passant devant la porte d'nna fbrme, je vis une petite ntto qui allait jeter un resta do soupo dans t'augo cochon; ja la priai de me te donner. Elle ma regarda d'un air étonné. < Maman, cria-t-elle, voilà une femme qui me demande la soupe.

Eh bien donne-ta-tui, si c'est une mendiante, répondit une voix dans la maison; le cochon n'en a pas besoin. o L'onfant versa dans mes mains la soupe qui, en refroidissaKt, ëtait devenue presque forme, je la dévorai avidement. Voyant la nuit venir, je m'arrêtai dans un sentier solitaire, oi~ ~a ma promenais depuis plus d'une heure.

< Mes forces m'abandonnant, mo dis-je; je sans bien quo je ne pourrai pas aller beaucoup plus loin vitits-je cnoote passer cette nuit comme une vagabonde? faudra-t-il, maintenant que !aptmo commence à tomber, poser ma tête sur le sol froid et'humide? Je crains de ne pas pouvoir faire autrement; car qui voudra me recevoir? Mais ce sera horrible avec cette faim, ce froid, cette faiblesse, cette tristesse et ce complet desespoir! Il est probable que je moutrai avant demain matin. Et pourquoi ne puis-je pas accepter la pensée de la mort? Pourquoi chercher à conserver une vie sans saveur? Parce que je sais que M. Rochester vit encore, c.t du moins je le crois; puis, te nature se révolte à ridée de mourir de faim et de froid. Oh Providence, soutiens-moi en.core un peu,, aide-moi, dirige moi »

Mes yeux voiles errèrent sur te paysage obscurci et brumeux: Je vis que je m'étais éloignée du vil!age. H était tout à fait nom de vue; les champs qui t'entouraient avaient même disparu; par des chemins de traverse j'étais revenue du côté des rochers de granit; et, entre moi et les montagnes, il n'y avait plus que quelques champs presque aussi sauvages et aussi incultes que les bruyères.

a Eh bien me dis-je, j'aime mieux mourir ici que dans une rue ou sur une route fréquentée, et, s'il y a des corbeaux dans ce pays, j'aime mieux que les corbeaux et les corneilles rongent ma chair sur mes os que de voir mon corps emprisonné dans un atelier on ~té dans une fosse commune.

Je me dirigeai du ''été de la montagne et je l'atteignis. Il ne s'agissait plus que de trouver un enfoncement où je me sentirais, sinon en sûreté, du moins cachée; mais je n'aperçus qu'une sur~aMt )mia, sans variations de terrain, verte dans les endroits où eroissaieat la mousse et le jonc, noire dans les lïeux o& te soi ne


portait que des bruyères. La nuit venait et ja ne pouvais déjà pluN aistinguer ces teintes ditf~rpntes quo grâce aux taches sombres ou lumiuausaa qu'elles fumaient. M m'eut été impMS)Mo do MMat~uot* la diNtSrenoo des couleurs depuis la chute do jour.

Mes yeux continuaient & errer sur les montagnes et sur les rochers dont l'extrémité disparaissait au milieu de cotriste paysage, quand tout à coup, sur le sommet d'une montagne éloignée,' )'aperçus une lumière. Je pensai d'abord que ce devait êtro un feu follet qui allait bientôt s'éteindra; mais la lumièro continuait à briller sans reouter ni avancer, a C'est un feu de joie qu'on allume, pensai-je, m'attendant a te voir bientôt s'agrandir; mais ae te voyant ni grandir ni diminuer, j'en conclus que ce devait Ctro la lumièro d'uno maison, a Mais ette est trop éloignée, me dis-je, pour l'atteindre; et quand même elle serait tout près, à quoi celui me servirait-il? Je n'irais pas frapper à une porte pour me la voir fermer à la ngure. e

Je me couchai dans le lieu où je me trouvais, et je cachai mon visage contre terre. Je restai tranquille un instant; le vent de nuit soufuaitsurtu montagne et sur moi, et allait mourir au loin en mugissant; la pluie tombait épaisse etme mouillait jusqu'aux os. Si mes membres s'étaient engourdis, si de cet état j'avais passé au doux froid de la mort, la gelée aurait pu tomber sur moi, je ne l'aurais pas sentie; mais ma chair, vivante encore, tressaillait sous cette atmosphère humide. Au bout de peu de temps je me levai.

La lumière était encore là; on la voyait mal à travers la pluie, mats on la voyait toujours. Je m'efforçai de marcher de nouveau je traînai lentement mes membres épuisés dans cette direction. J'arrivai au delà de la montagne en traversant un marécage qui aurait été impraticable en hiver, et qui même alors, au milieu des plus grandes chaleurs, était mou et vacillant. Je tombai deux fois, mais je me relevai et je pris courage; cette lumière était tout mon espoir, il fallait l'atteindre.

Après avoir dépassé la montagne, j'aperçus une ligne blanohe au milieu des rochers de granit, je m'approchai. C'était une route conduisant dans la direction de la lumière, qui brillait alors sur une petite colline entourée d'arbres; ceux-ci me parurent être des sapins, autant que l'obscurité me permit de distinguer leur forme et leur feuillage. Au moment où j'allais l'at'teindre, mon étoile conductrice disparut; quelque obstacle se "trouvait etitm elle et moi. J'étende la main pour sentir ce que c'était je distinguai les pierres d un petit mur; au-dessus it y


avait quelque chose comme une palissade, et endedanauno h~ie haute et épineuse. Je continuai marcher en t&tttnt: tout & coup un objet MancMtra frappa mes yeux; c'était une porte avec un loquet au moment où je la touchai, elle glissa sur ses gonds de chaque côté ae trouvait un buisson noir. Ce devait être un houx ou un if.

Je franchis le seuil et j'aperçus la silhouette d'une maison noire, basse et longue; mais je ne vis plus la lumière, tout était sombre. Les habitants de la maison s'étaient-ils retirés pour !e repos du soir je le craignais. En cherchant la porte, je rencontrât un angle; je tournai, et alors le doux rayon m'apparat de nouveau à travers les vitres en losanges d'une petite fenêtre grillée. CeMe-ot ëtait placée & un demi-pied au-dessus du sol, et rendue plus petite encore par un lierre ou une autre plaute grimpante, dont les feuilles touffues recouvraient toute cette partie de la maison. L'ouverture était si étroite qu'on avait regardé comme inutile d'avoir des volets ou des rideaux. Je m'arrêtai. Ecartant un peu le feuillage, je pus voir tout ce qui se passait à l'intérieur. J'aperçus une pièce propre et sablée, un dressoir de noyer sur lequel étaient rangées des assiettes d'étain qui reflétaient l'éclat d'un brillant feu de tourbe, une horloge, une grande table blanche et quelques chaises. La lumière qui m'avait guidée brillait sur la table, et, à sa lueur, une vieille femme, au visage un peu rude, mais d'une propreté scrupuleuse, comme tout ce qui l'entourait, tricotait un bas.

Je remarquai tous ces détails &Ia hite, car ils n'avaient rien d'extraordinaire. Près du foyer, j'aperçus un groupe plus intéressant, assis dans une douce union au sein de la chaleur qui l'entretient. Deux gracieuses jeunes femmes, de véritables ladies, étaient assises, l'une sur une chaise, l'autre sur un siège plus bas; toutes deux étaient en grand deuil, et leurs sombres vête ments faisaient ressortir la blancheur de leur cou et de leur visage. Un vieux chien couchant reposait sa lourde tête sur lep genoux d'une des jeunes nUes l'autre berçait sur son sein un chat noir.

H me sembla étrange de voir de telles jeunes filles dans une aussi humble cuisine: je me demandai qui elles étaient. Elles ne pouvaient pas être les enfants de la femme qui travaillait devant la table, car celle-ci avait l'air d'une paysanne, et les jeunes nUes, aubontraire, me parurent délicates et distinguées. Jamais ";e n'avais vu de Egares semHaMea M~ ~ra, et pourtant, lorsque je les regardais, leurs traits me semblaient familiers. Je ne peux pas dire qu'elles fussent jolies elles étaient trop pâles et


trop sérieuses pour que ce mot pût leur eonvenif. t.oraqu'dtcs étaient penchas sur leur tivfa, leur expression peasiva allait presquo jusqu'à la s<!v<!ritd. Sur un guetidoa plaoé eah~ eues daux, j'aperçus une chandtiUo et deux grands volumes qu'elles ooxauttatent souvent; olles les comparaient au petit livre qu'elles tenaient à la main, comme quelqu'un qui s'aide d'an dictionnaire pour une traduction. La scène était aussi silencieuse que si tous les purscaMages eussent été des ombres, et cette pièce, éclairëo par le feu, ressemblait à un tableau. Le silence était si grand que j'entendais les cadres tomber sous la grille et rhorloge tinter dans son petit coin obscur; il me sembla môme que je distinguais le bruit des aiguilles à tricoter de la vieille femme. Aussi, lorsqu'une voix rompit enfin cet étrange silenco, les paroles arrivôreat clairement jusqu'à moi.

c Ëcoutex, Diana, s'écria tout & coup une des studieuses ëcotiêres; Franz et le vieux Daniel sont ensemble pendant la nuit, et Franz raconte un rêve qui Fa eMrayë. Ëceutez!~ s Et, d'une voix basse, elle se mit à lire quelque chose da tout a fait inintelligible pour moi; c'était une langue étrangère, mais ni le français ni le latin. Je ne savais pas si c'était du grec ou de l'allemand.

< C'est fort, dit-eUe, lorsqu'elle eut Cni; j'aime cela. L'autre jeune fille, qui avait ievëia Mte pour écouter sa sœur, répéta, en regardant le feu, la ligne qu'on venait de lui tire. Plus tard, j'appris la langue et j'eus le livre entre les mains aussi vais-je citer la ligne tout de suite, quoiqu'elle n'eut aucune signification pour moi te jour ou je l'entendis pour la première fois. La voici < Da trat herfor einer. anzusehen wie die sterc nen naoht. (L'un d'eux s'avança pour voir lea étoiles pendant la nuit.)

e Boa, bon s'ecriat'une des sœurs; et je vis briller son œil noir et profond. Voyez ici, maintenant vous avez sous les yeux an archange dur et puissant; voici ce qu'il dit. Ces lignes vatent cent pages de style ampoulé < ïch wage die gedanken < in der schate meines zornes und die werke mit dem gevichte c meines grimms. t (Je pèse les pensées dans la balance de ma colère et les euvfea avec les poids de mon courroux.) J'aime aussi cela. s ·

Toutes deux se tnmnt de nouveau.

c Y a-t-it un pays ou l'on parle ainsi ? demanda la vieille femme en levant tes yeux de dettaussom tricot.

Oui, Anna; il y a un pays beaucoup plus grand que l'Atf gteterFeo&t'OBMpatflepMau~etaent.


–Ceqat est sûr, c'est qua jeae sais pas comment Hs aa een<pranHoat; at si l'une do vous y atlait, je parie qu'elle devinerait tout ea qu'ils disent.

Il est prohab~ti, en eM:, que nous comprendrions quelque chose, mais pas tout car nous ne sommes pas aussi savantes que vous le croyez, Anna; aous na parlons pas l'allemand, et nous ne le comprenons qu'à l'aide d'un dictionnaire. Et quel bien cela vous fera-t-il quand vous le oompren* dre!! tout à fait? 't

Nous avons l'intention de renseigner plus tard, ou du moins los éldments, et alors nous gagnerons plus d'argent que maintenant.

–C'est probaMo. Mais & présent, cessez d'étudier, en voilà assez pour ce soir.

Je le crois en effet, car je suis fatiguée et vous, Mariet Horriblement. Après tout, o'est un rude travail que d'étudier une langue sans autre maître qu'un dictionnaire.

Oh 1 oui surtout une langue aussi difficile que l'allemand. Mais quand Saint-John arrivera-t-il donc?

Il ne tardera certainement pas beaucoup maintenant. Il est juste dix heures, dit-elle en retirant une petite montre d'or de sa ceinture; it pleut très-fort. Anna, voulez-vous avoir la bonté d'atter voir si le feu du parloir ne s'éteint pas? t La femme se leva, ouvrit une porte à travers laquelle j'aperçus vaguement un passage, et je l'entendis remuer le feu dans une chambre. Elle revint bientôt.

< Ah 1 enfants, s'écria-t-elle, cela me fait mal d'aller dans cette chambre; elle est si triste maintenant, avec ce grand fauteuil vide, repoussé dans un coin t

Elle essuya ses yeux avec son tablier, et l'expression des jeunes filles, de grave qu'elle était, devint triste.

< Mais il est maintenant dans une place meilleure, continua Anna, nous ne devrions pas désirer qu'il fût ici; et puis on ne peut pas avoir une mort plus tranquille que ne t'a été la sienne. Vous dites qu'il n'a pas une seule fois parlé de nous demanda une des jeunes filles.

H n'on a pas eu le temps; il est parti en une minute, votre pauvre père. Il avait été un peu souffrant le jour précèdent, mais ce n'était presque rien et lorsque M. John lui demanda s'ilvou. lait qu'on ~"voyât chercher l'une de vous, il se mit à rire. Le jour suivant, il y a de cela une quinzaine, il avait encore la tête an pou loarde; il alla se coucher, mais il ne s'est pas réveillé il était presque tout & fait mal lorsque votre frère entra dans


la chambre. Oh 1 enfants, c'était le dernier de la vieille race; <?? vous et M. John, vous êtes d'une espèce toute diMërontu; vous avez beaucoup de rapport avec votre mère; «He était Presque aussi savante que vous. Comme ngu~e, elle ressemblait à Marie; Diana rappelle plutôt son para. t

Je trouvais que les deux sœurs se ressemblaient tellement, que je ne pouvais pas comprendre la diNeronoe faite entre elles deux par la servante, car je vis alors que c'était une servante. Toutes deux étaient blondes et sveltes; toutes deux avaient des figures intelligentes et distinguées. Il est vrai que los cheveux do l'une étaient un peu plus fonces que ceux da l'autre, et qu'elles no se 'Miuaient pas toutes deux de !a même manière tes cheveux blonds cendrés de Mario étaient séparés sur le milieu de la tête et retombaient en boucles bien lissées sur les tempes les bouetes plus brunes de Diana recouvraient tout son cou. L'horloge Mnna dix heures.

< Je suis sûre que vous voudriez votre souper, observa Anna; et M. John aussi le désirera lorsqu'il reviendra, c

Et elle se mit à préparer le repas. Les deux jeunes n!!es se levèrent et semblèrent vouloir se diriger vers le parloir. Jusqueta j'avais été si occupée à les regarder, leur tenue et leur conversation avaient si vivement excité mon intérêt, que j'avais presque oublié ma triste position; mais maintenant, je me la rappelais, et, par le contraste, elle me parut encore plus douloureuse et plus désespérée et combien it me semblait difficile d'attendrir sur mon sort les habitants de cette maison, de leur persuader même que mes besoins et mes souffrances n'étaient pas un mensonge, d'obtenir d'eUes un abri Lorsque je m'avançai vers la porte, et que je frappai en tremblant, je compris que cette dernière idée était une véritable chimère. Anna vint m'ouvrir.

< Que voûtez-vous? me demanda-t-elle avec étonnement, m m'examinant à la lueur de sa chandelle.

Puis-je parler à vos maîtresses? demandai-je.

–Vous feriez mieux de me dire ce que vous leur voulez. D'où venez-vous?

Je suis étrangère.

Que venez-vous faire ici à cette heure?

Je voudrais un abri pour cette nuit dans un hangar, ou ~Nieurs, et un morceau de pain pour apaise? ma faiirn. )* Ce que je craignais arriva la figure d'Anna exprima la déOance.

xt Je vous donnorai ma morceau do pain, dit-elle après une


pause; mais il n'est pas probable que nous puissions loger une vagabonda.

Laissez-moi parler & vos maîtresses.

Non. Que pourraient-elles faire pour vous? Vous ne dovriez pas errer par les chemins à cette heure; ce n'est pas bien.

Mais où irai-je, si vous me chassez? Que ferai-je? Oh je suis bien sûre que vous savez où aller et quoi faire. Tout ce que je vous conseille, c'est de ne rien faire de mal. Voil& deux sous; maintenant, partez.

De l'argent ne pourra pas me nourrir, et je n'ai pas la force d'aller plus loin. Ne ma fermez pas la porte, je vous en supplie, pour l'amour de Dieu) 1

Ute faut, la pluie entre dans la maison.

Dites seulement aux jeunes dame& que je voudrais leur parler; laissez-moi les voir.

Non certainement; vous n'êtes pas ce que vous devriez être, ou vous ne feriez pas un tel bruit. Partez.

Mais je mourrai, si vous me chassez 1

Je suis tien sure que non. Je crains que quelque mauvaise pensée ne vous pousse à errer à cette heure autour des maisons. Si vous êtes suivie par des voleurs ou des gens de cette espèce, vous n'avez qu'à leur dire que nous ne sommes pas seules & la maison; que nous avons un homme, des chiens et des fusils. «

Et alors la servante, honnête mais inflexible, ferma la porte, et la verrouilla en dedans.

C'était le comble de mes maux. Une douleur infinie brisa mon cœur; un sanglot de profond désespoir le souleva. J'étais épuisée je ne pouvais plus faire un pas; je tombai en gémissant sur les marches mouillées. Je joignis mes mains, et je me mis & pleurer amèrement. Oh le spectre de la mort 1 Oh mon heure dernière qui approche au milieu de tant d'horreurs 1 Hélas! quelle solitude! quel bannissement loin de mes semblables Ce n'était pas seulement l'espérance qui s'était envolée, mais aussi le courage qui m'avait abandonnée, pour un moment du moins; mais bientôt je m'efforçai de redevenir ferme. <Je ne puis que mourir, me dis-je; mais je crois en Dieu, et j'essayerai d'attendre en silence l'accomplissement de sa volonté. »

Ces mots, je M les avais pas ssahssent pensés, mais je les avais murmurés à demi-voix; refoulant ma souffrance au fond de mon cœur, je la forçai à y rester tranquille et silencieuse


c Tous les hommes doivent mourir, dit une voix tout près de moi; mais tous M sont pas condamnes & une mort prématuré et douloureuse comme serait la vôtre, s'il vous fallait périr de besoin devant cette porta.

Qui est-ce qui a parlé?' demandai-je épouvantée par cette voix inattendue, et incapable d'espérer aucun secours. J'aperçus quelque chose près de moi, mais quoi? L'obscurité de la nuit et la faiblesse de mes yeux m'empêchaient de rien distinguer. Le nouveau venu frappa un coup long et vigoureux & la porte.

e Est-ce vous, monsieur John? cria Anna.

Oui, oui, ouvrez vite.

Comme vous devez être mouilM et avoir ffoid par une semblable nuit Entrez, vos sœurs sont inquiètes de vous. Je crois qu'il y a des gens suspects dans les environs il y avait tout à l'heure ici une mendiante, et elle est encore couchée là; voyez. Allons, levez-vous donc, vous dis-je, et partez. Silence, Annal il faut que je parle à cette femme; vous avez fait votre devoir en la chassant, laissez-moi accomplir le mien en la faisant entrer. J'étais tout près. J'ai entendu votre conversation avec elle; je crois que c'est un cas tout particulier et qui demande au moins à être examiné. Jeune femme, levezvous et marchez devant moi.

J'obéis avec peine. Je fus bientôt devant le foyer de la cuisine brillante et propre que j'avais déjà vue. J'étais faible, tremblante, et j'avais conscience de mon aspect effrayant et désordonné; j'étais inondée. Les deux jeunes filles, M. SaintJohn, leur frère, et la vieille servante avaient les yeux Cxés sur moi..

J'entendis quelqu'un demander

< Saint-John, qui est-ce?

Je ne puis pas vous le dire; je l'ai trouvée à la porte, répondit~n.

Elle est pâle, dit Anna.

Aussi pâle que la mort ou que l'argile, répondit quelqu'un; tMtes-là asseoir ou elle tombera. »

En effet, j'avais le vertige; je me sentais défaillir; mais une chaise me reçut. J'avais encore conscience de ce qui se passait autour de moi; seulement je ne pouvais pas parler.

< Peut-être qu'un peu d'eau lui ferait du bien; Anna, allez en "c~et~her. vbyaz, son corps ut Téduit à rien; comme eUe es' pâle et maigre! 1 -t-UnvtatspeetMt '°,


«- Est-elle malade, eu a-t-eUe seulement faimt

Elle a faim, je crois. Anna, est-ce du lait qua~e vois ?1 IP Donnez-le-moi avec un morceau de pain. &

Diana (je la reconnaissais à causa de ses longues boucles que je vis Cotter entre moi et te feu au moment où elle se pencha de mon cote), Diana rompit un peu de pain, le trempa dans la lait et l'approoha de mes lèvres; sa figure était près de la mienne; ses traits exprimaient de la pitié et sa respiration haletante annonçait de la sympathie. Lorsqu'elle me dit < Essayez de mangern, je sentis dans ces simples paroles une émotion qui fut pour moi comme un baume salutaire.

< Oui, essayez, a répéta doucement Marie.

Et, après m'avoir retiré mon chapeau, elle me souleva la tête. Je mangeai ce qu'elles m'oCraient, faiblement d'abord, puis avec ardeur.

< Pas trop à la fois; contenez-la, dit le frère. Elle en aassez. z Et M retira le lait et le pain.

< Encore un peu, Saint John; regardez con.me ses yeux expriment l'avidité.

Pas à présent, ma sceur; voyez si eHe peut parler maintenant demandez-lui son nom.

Je sentis que je pouvais parler et je répondis

Il Je m'appelle Jane Elliot.

Craignant, comme toujours, d'être découverte, j'avais résolu de prendre ce nom.

a Et où demeurez-vous? où sont vos amis?

Je restai silencieuse.

Il Pouvons-nous envoyer chercher quelqu'un que voua eoznaissiez?* 11

Je secouai la tête.

< Quels détails avez-vous à donner sur votre position? » s Maintenant que j'avais franchi le seuil de cette maison, que je me trouvais face à face avec ses habitants, je ne me sentais plus repoussée, errante et désavouée par le monde entier; aussi osé-je me dépouiller de mon apparence de mendiante et reprendre à la fois mon caractère et les manières qui m'étaient naturelles. Je commençais à me reconnattre, et lorsque M. Saint-John me demanda des détails, que j'étais trop faible pour lui donner, je répondis, âpres une courte pause

<t Monsieur, je ne puis pas vous donner de détails ce aoir. -Maisalors, reprit-il, qu'espérez-vous donc que je ferai pour

~pas? <

Rien.~ répoadis-je.

'Rien:. répondis-jo.


Mes forces ne me permettaient de faire que de oourtes réponses.

Diana prit la parole.

<[ Voulez-vous dire, demanda-t-elle que nous vous ayons donné tout ce dont vous avez besoin et que nous puissions voua renvoyer par cette nuit pluvieuse?*

Je la regardai; son expression était remarquable et indiquait à la fois la force et la bonté. Je pris courage; répondant par un sourire à son regard plein de compassion, je lui dis < Je me confierai à vous quand même je serais un chien errant et sans maître, je sais que vous ne me chasseriez pas loin de votre foyer cette nuit; et, les choses étant ce qu'elles sont, je n'ai aucune crainte. Faites de moi ce qua vous voudrez; mais excusez-moi si je ne vous parle pas longuement aujourd'hui; mon haleine est courte, et chaque fois que je parle je sens un spasme. s

Toea les trois me regardèrent et demeureront silencieux. <Anna, dit enfin M. Saint-John, laissez-la assise ici et ne lui faites aucune question pour le moment. Dans une dizaine de minutes donnez-lui le resSe du lait et du pain. Marie et Diana, suivez-moi dans le parloir, et nous causerons de tout ceci. ils se retirèrent bientôt une des dames rentra, je ne puis pas dire laquelle; pendant que j'étais assise devant la flamme vivifiante du foyer, un engourdissement agréable s'était emparé de moi. La jeune fille donna tout bas quelques ordres à Anna, et, peu de temps après, je m'enbrcai, avec l'aide de la servante, de monter l'escalier. On me retira mes vêtements mouillés, et bientôt un lit chaud et sec reçut mes membres engourdis..Je remerciai Dieu et, au milieu d'un inexprimable épuisement, j'éprouvai une joyeuse gratitude.

Je m'endormis bien vite.

CHAPITRE

Je ne me rappelle que três-confûsément les trois jours et les trois nuits qui suivirent mon arrivée dans cette maison; je pentt&M peu je ne faisais rien. jfe sais que j'étais dans une petite chambre et dans un lit étroit. n me semblait que j'étais attachée a ce lit, car j'y restais aussi immobile jja'une pierre, et m'en


arracher eût presque été me tuer. Je ne faisais point attention au temps; je ne m'apercevais pas de l'arrivda du soir ou du matin. Je voyais quand quelqu'un entrait dans la ch'~nbrc ou la quittait; je pouvais même dira qui c'était; je comprenais ce qui se disait, lorsque celui qui parlait était prêa de moi mais je ne pouvais pas répondre il m'était aussi impossible d'ouvrir mes lèvres que de remuer mes membres. Anna était celle qui me visitait le plus souvent je n'aimais pas à la voir, parce que je sentais qu'elle m'aurait voulue loin de là, qu'elto ne comprenait pas ma position et qu'elle était mal disposée à mon égard. Diana et Marie entraient dans la chambre une ou deux fois par jour, et je les entendais murmurer à cote de moi des phrases semblables à celles-ci

< C'est bien heureux que nous l'ayons fait entrer. Oh oui 1 car on l'aurait certainement trouvée morte le lendemain, si elle fdt restée dehors toute la nuit. Je me demande ce qui a pu lui arriver.

Eue a supporté de grandes souCranoes, je crois, la pauvre voyageuse pâle et amaigrie t

A en juger d'après sa manière de parler, ce n'est pas une personne sans éducation son accent est très-pur, et les vêtements qu'on lui a retirés, bien que souiUés et mouillés, étaient beaux et presque neufs.

Elle a une ngure singulière, maigre et hagarde, et qui me plaft pourtant; quand elle est animée et en bonne santé, je parie que sa physionomie doit être agréable.~ a

Pas une seule fois je ne les entendis regretter l'hospitalité qu'ils m'avaient accordée, pas une seulefois je neles vis témoigner, à mon égard, de déSance ou d'aversion. Je me sentais bien. M. Saint-John ne vint me voir qu'une seule fois; il me regarda, et dit que mon état léthargique était la réaction inévitable qui devait suivre toute fatigue excessive. Il déclara inutile d'envoyer chercher un médecin; il était sur, disait-il, que, livrée à elle-même, la nature n'en agirait que mieux, n ajouta que chacun de mes nerfs avait été violemment excité et qu'il fallait un profond sommeil à tout le système que je n'avais pas de maladie et que ma convalescence, une fois commencée, serait rapide. n dit toutes ces choses en peu de mots et à voix basse. Après une pause, il ajouta, du ton d'un homme peu accoutumé a l'expansion

« Une physionomie extraordinaire, et qui certainement n'indique ni la vulgarité ni la dégradation.

–)~oin delà, répondit Diana; à dire vrai, Saint-John, je


m'attache & cette paawe petite créature; je voudrais pouvoir la garder toujours.

Il est probable que ce sera impossible, répondit M. SaintJohn; vous verrez qu'elle se trouvera être quelque jeune lady qui, ayant eu un malentendu avec ses amis, les aura quittés dans un moment d'irrëtlexion. Nous réussirons peut-être à la leur rendre, si elle n'est pas trop entêtée mais je vois sur son visage des lignes qui indiquent une telle force de volonté que je doute un peu du succès. 1 Il me regarda quelques minutes, puis ajouta t Sa figure exprime la sensibilité, mais elle m'est pas jolie. Elle est si malade, Saint-John t

Malade ou non, elle ne peut être jolie; ta grâce et l'harmonie manquent dans ses traits.*

Le troisième jour, je fus mieux; le quatrième, je pus parler, remuer, me lever sur mon lit et me tourner. Anna m'apporta un peu de gruau et une rôtie sans beurre je pense que ce devait être vers l'heure du dlner. Je mangeai avec plaisir; cette nourriture me sembla bonne, et je ne lui trouvai pas cette saveur fiévreuse qui, jusque-I&, avait empoisonné tout ce que j'avais mangé. Quand Anna me quitta, je me sentais forte et animée, comparativement du moins à ce que j'étais auparavant. Au bout de quelque temps, je fus rassasiée de repos et tourmentée par le beaoi"i de faction. Je désirais me lever; mais quels vêtements mettre? je n'avais que mes habits mouillés et tachés de boue, avec lesquels j'étais tombée dans la mare et je m'états couchée à terre. J'eus honte de paraître ainsi vêtue devant mes bienfaiteurs mais cette humiliation me fut épargnée. Sur une chaise, au pied du lit, j'aperçus tous mes habits propres et sèchés. Ma robe de soie-noire était pendue au mur; toutes les traces de boue avaient été enlevées; les plis formés par la pluie avaient disparu en un mot, elle était propre et en état d'être portée. Mes bas et mes souliers, bien nettoyés, étaient redevenus présentables. n y avait dans la chambre de quoi me laver et une brosse et un peigne pour arranger mes cheveux. Après bien des efforts qui m'obligèrent à me reposer toutes les cinq minutes, je parvins enfin à m'habiller. Mes vêtements pendaient le long de mon corps, car j'avais beaucoup maigri; mais je m'enveloppai dans un châle pour cacher l'état où j'étais. Enfin, j'étais propre; je n'avais plus sur moi ni taches de boue ni traces de désordre, deux choses que je détestais tant et qui m'avilissaient à mes propres yeux. Je descendis l'escalier de pierre en m'aidant de la baJastrade j'arrivai & un passage bas et étroit qui me cen"duistt bientôt la cuisine.


En y entrant, je sentis Fodaur du pain nouvellement cuit, et la chaleur d'un feu généreux arriva jusque moi. On sait combien il est difncite d'arracher les préjugés d'un cœur qui M'a pas subi la bonne influence de t'oï~atioa, car i)a y sont aussi fortement enracinés que les mauvaises herbes dans les pierres. Aussi Anna avait-elle été d'abord froide et roide à mon égard; dernièrement elle s'était un peu radoucie, et lorsqu'elle me vit propre et bien habillée, eUe atta même jusqu'à sourire. c Comment vous vous êtes levée) 1 dit-elle; alors vous êtes mieux; vous pouvez vous asseoir dans ma chaise, sur la pierre du foyer, si vous te désirez.

Elle m'indiqua le siège; je le pris. EUe continua son ouvrage, me regardant de temps en temps du coin do t'(eit; puisse tournant de mon côté après avoir retiré quelques pains du four, elle me dit tout à coup

< Avez-vous jamais mendié avant de venir ici ? e a Un instant je fus indignée; mais, me rappelant que la colère serait hors de propos, et qu'en eCet elle avait me prendre pour une mendiante, je lui répondis tranquillement, mais avec une certaine fermeté

< Vous vous trompez lorsque vous supposez que je suis une mendiante; je ne suis pas plus une mendiante que vous ou que vos jeunes maîtresses.

Après une pause, elle reprit

c Je ne comprends pas cela; et pourtant vous n'avez pas de maison ni de magot, je parie.

On peut n'avoir ni maison ni argent ( car je suppose que c'est là ce que vous voulez dire), sans être pour cela une mendiante dans le sens ou vous l'entendez.

–Etes-vous savante? me demanda-t-elle au bout de quelque temps.

Oui.

Mais vous n'avez jamais été en pension 't

-Si, pendant huit ans. e

Ella ouvrit ses yeux tout grands.

c Alors pourquoi ne pouvez-vous pas vous suffire ? repn~eite. -Jusqu'ici je me suis suM à moi-même, et j'espère que je me suffirai plus tard encore. Qu'allez-vous faire de ces groseilles? demandai-je en la voyant apporter une corbeille de fruits. Des tartes.

~–Donnez-tes-moi, je vais les éplucher.

Je ne vous demande pas d« m'aider.

Mais il faut que je fasse ttuetque chose; donnez-les-moi.


Vous n'avez pas eM habitude aux gros ouvrages je le vois à vos mains, dit-elle; vous avezpOMt.6tre ëte oouturi~ro? Non, vous vous trompas; mais peu importa ce que j'ai ~M; no vous en tourmenta pas plus; mais dites-moi le nom de la maison où vous demaures!.

Il y en a qui l'appellent Marsh-End, d'autres Moor-House. Et le maître de la maison s'appelle M. Saint-John. –N ne demeure pas ici il n'y est que depuis peu de temps; ss maison est dans sa paroisse, à Morton.

Le village qui est à quetques milles d'ioi

Oui.

–Etqu'est.itt

H est pasteur. <

Je me rap 'etai la réponse que m'avait faite la vieille têmmo de charge du presbytère quand je lui avais demandé a voir le pasteur.

< Alors, repris-je, c'était ici la maison de son père? -Oui, le vieux M. Rivers demeurait ici; et son père, son grand-père et son arrière-grand-pere y avaient demeuré avant lui. -Alors, le monsieur que j'ai vu s'appelle M. Saint-John Rivers

-Oui, Saint-John est comme son nom de baptême. -Et ses soeurs s'appellent Diana et Marie Rivera?

Oui.

-Leur père est mort?

–H y a trois semaines. Il est mortsubitemen~

–Us n'ont pas de mère? t

-Elle est morte il y a plusieurs années.

–Demeurez-vous depuis longtemps dans la famille' -Depuis trente ans. Je les ai élevés tous les trois. -Cela prouve que vous avez été une servante honnête et fidèle. Je le déclarerai hautement, bien que vous ayez eu l'impolitesse de m'appeler une mendiante. e

EUe me regarda de nouveau avec surprise.

c Je crois, dit-elle, que je me suis tout à fait trompée sur votre compte; mais il y a tant de fripons dans le pays qu'il ne faut pas m'en vouloir.

Et bien que vous ayez voulu me chasser, continuai-je un peu sévèrement, à un moment où l'on n'aurait pas mis un chien Ma porte.

–Ooi, c'était dur. Mais que faire? Je pensais plus aux enfants qu'à moi elles n'ont que moi pour prendre soin d'elles et je suis quelquefois obligée d'être un pou vive.*


Je gardai le silence pendant quelques minutes.

e M no fautpasmejugMf tropsaverament, reprit-eue danou' veau.

Je vous juge aévërament, repris-je, et ja vais vous dire pourquoi. Ce a'eat pas tant parce que voua m'avez refusé un abri, et que vous m'avez traMa de menteuse, que parce que voua venez de me reprocher de n'avoir ni maison ni argent. On a vu les gêna tes plus vertueux du monde réduits à un dënûtnent ausai grand que ïe mien; et si vous étiez chrétienne, vous ne regarderiez pas la pauvreté comme un crime.

C'est vrai, rependit-eMe; M. Saint-John me le dit aussi. Je vois que je m'étais trompée, mais maintenant j'ai une tout autre opinion de vous, car vous avez l'air d'une jeune Me propre et convenable.

Cela suffit, je vous pardonne à présent; donnez-moi une poignée de main. »

Eue mit sa main rude et enfarinée dans la mienne; un sourire

bienveillant illumina son visage, et, à partir de ce moment, nous fûmes amies.

Anna aimait évidemment & parler. Pendant que j'épluchais les fruits et qu'eUe-meme faisait la pâte de la tourte, elle se mit à me donner une infinité de détails sur son ancien maître, sa maîtresse et les enfants; e'est ainsi qu'elle appelait les jeunes gens.

< Le vieux M. Rivera, me dit-elle, était un homme simple, et pourtant aucune famille ne remonte plus haut que la sienne; Marsh-End a toujours appartenu aux Rivers (et eUe affirmait qu'il y avait au moins deux cents ans que la maison était bâtie). Elle doit paraître bien humble et bien triste, continua la servante, comparée au grand château de M. Olivier, dans la vallée de Morton. Mais je me rappelle le père de M. Olivier, ouvrier et travaillant dans la fabrique d'aiguilles, tandis que la famille de M. Rivers est de vieille noblesse. EUe remonte jusqu'au temps des Henri, comme on peut bien le voir dans les registres de l'égHxe; et pourtant, mon maître était comme les autres, rien ne le distinguait des paysans il était chaussé de gros souliers, s'occupait de ses fermes, et ainsi de suite. Quanta ma maîtresse, c'était différent elle aimait à lire et à étudier, et ses enfants ont suivi son exemple. Il n'y a jamais eu, et il n'y a encore personne comme eux dans ce pays. Tous trois ont aimé l'étude presque du mntnent on ita ont ft' pa~er, et i!a ont tnnjonrs été d'une pâta à part. Quand M. John fut grand, on l'envoya au collége pour en faire un ministre. Les jeunes allés, aussitôt qu'elles eurent jAKE~mt.–u u 1


quitté la pension, cherchèrent à se pl&CMf comme geuveMantea, oar on leur avait dit que leur pore avait perdu beaucoup d'ar'geat par soito d'une banquerouto, qu'il n'était pas assez riche pour leur donner da la fortune, qu'il leur faudrait sa tirer d'affaire dies-memes. Pendant longtemps elles ne sont restées que tt~s-pea & la maison. Ces temps~t, elles sont venues y passer quetques sema!nes à cause de la mort de tewpot'e. Elles aiment baaaeeupMatah-End, Morton, les rochers de granit etles mon' tagnes envu'emaaRtes. Bien qu'elles a!aat habite Londres, et plusieurs autres grandes villes eMes disent toujours qu'il n'y a rien de tel que la pays où l'on est ne. Et puis, elles sont si bien enaemNe! eMes ne se disputent jamais; c'~t la famille la plus unie que je connaisse, a

Ayant achevé d'ëptucher mes groseilles, je demandai o& étaient les doux jeunes nHes et leur frère.

< Us ont été faire une promenade à Morton, me rëpendit-eUe: mais ils seront de retour dana une demi-heure pour prendre te thë. <

Ils revinrent, en etfet, à l'heure indiquée par Anna; ils entrèrent par la cuisine. Lorsque M. Saint-John me vit, il me salua simplement, et continua son chemin. Les deux jeunes nUes s'arrêt&rent Marie m'exprima, en quelques mots pleins de honte et de calme, le plaisir qu'elle avait à me voir en état de descendre Diana me prit la main et pencha sa tête vers moi. < Avant de vous lever, vous auries da me demander permission, me di~elle; vous êtes encore bien pâte et Mon faible. Pauvre enfant pauvre jeune fille »

La voix de Diana me rappela le roucoulement de la tourtereRe; sm regard me charmait, et j'aimais Me rencontrer. Tout son visage était rempli d'attrait pour moi. La figure de Marie était aussi intelligente, ses traits aussi jolis; mais son expression était plus réservée; ses manières, quoique douces, étaient moins familières. n y avait une certaine autorité dans le regard et dans la parole de Diana; évidemment, elle avait une. volonté. Il était dans ma nature de me soumettre avec plaisir à une autorité semblable à la sienne; lorsque ma conscience et ma dignité me le permettaient, j'aimais à plier sous une volonté active.

w Et que faites-vous ici? continua-t-elle; ce n'est pas votre place. Marie et moi nous nous tenons quelquefois dans la cuisine, parce que chez aoUN nuus tdtiMttta à être libres jusqu'à la licence; mais vous, vous êtes notre bête. Entrez dans le salon.

–tasmat~-Henici,


–Paa du tout; Aaaa fait du bruit autour de voua, et voua couvre do farine.

–Rt puis la feu est trop chaud pour voua, ajouta Marie. –Certainement, reprit Diana; venez, il faut obéir. Et, me tenant toujours la main, elle me 6t lever et me conduisit dans une chambre intérieure.

< Asseyez-vous là, me dit-elle, en me plaçant sur le sof&. pendant que nous nous déshabillerons et que nous préparerons le tM; car c'est encore un de nos privilèges dans notre petite maison des montagnes, nous préparons nous-mêmes nés repas quand nous y sommes disposées, et qa'Aama est occupée à pétrir, à cuire, à laver ou à repasser. t

Elle ferma la porte et me laissa seule avec M. Saint'Jebn, qui était assis en face de moi, un ttvre ou nn journal à la main. J'examinai d'abord le salon, ensuite celui qui l'occupait. Le salon était une petite pièce simplement meublée, mais propre et confortable. Les chaises, de forme antique, étaient brillantes à force d'avoir été frottées, et la table de noyer eût pu servir de miroir. Quelques vieux portraits d'hommes et de femmes ddcoraient le papier fané du mur; un buSiat vitré renfermait des livres et un ancien service de porcelaine. Il n'y avait aucun ornement inutile dans la chambre; pas un meuble moderne, excepté pourtant deux boîtes à ouvrage et un pupitre en bois de rose, placés sur une table de coté. Tout en8n, y compris le tapis et les rideaux, était à la fois vieux et bien conservé.

M. Saint-John, aussi immobile que les tableaux suspendus au mur, les yeux axés sur son livre et les lèvres compldtement fermées, était facile a examiner, et même l'examen n'aurait pas été plus aisé si, au lieu d'être un homme, il eût été une statue. 11 pouvait avoir de vingt-huit à trente ans; il était grand et élancé; son visage attirait le regard. B avait une figure grecque, des lignes très-pures, un nez droit et classique, une bouche et un menton athéniens. M est rare qu'une tête anglaise s'approche autant des modèles antiques. n avait bien pu être un peu choqué de l'irrégularité de mes traits, les siens étaient si harmonieux! Ses grands yeux bleus étaient voilés par des cils noirs; quelques mèches de cheveux blonds tombaient négli.gemment sur son front élevé et pâle comme l'ivoire. Quels traits charmants! direz-vous. Et pourtant, en regardant M. Saint-John, il ne me vint pas une seule fois & l'ij&t qu'il dut avoir une nature charmante, souple, sensitive, ni même douce. Bien qu'il fut immobile en «e moment, il y avait


dans sa bouche, son nez et son front, quelque chose qui semblait indiquer l'inquiétude, la dureté ou la passion. H ne me dit pas un mot, ce me regarda pas une seule fats, jusqu'à <M que ses aoaurs fassent de retour. Diana, qui allaît et venait pour préparer le thé, m'apporta un petit gâteau cuit dans le four.

a Mangez cela maintenant, me dit-elle; vous devez avoir faim; Anna m'a dit que depuis le déjeuner vous m'aviez mange qa'un peu de gruau. a

J'acceptai, car mon appétit était aiguisé. M. Rivera ferma alors son livre, s'approcha de la table, et, au moment ou il s'assit, fixa sur moi ses yeux bleus, semblables à ceux d'un tableau. Son regard était si direct, si scrutateur, et indiquait tant de résolution, qu'il fut bien évident pour moi que, si M. Rivers ne m'avait pas encore examinée, c'était avec intention et non pas par timidité.

« Vous avez très-faim? me dit-il.

Oui, monsieur, e répondis-je.

n était dans ma nature de répondre brièvement à une question brève, et simplement à une question directe. < Il est heureux, reprit-il, que la nèvre vous ait forcée à vous abstenir ces trois derniers jours il y aurait eu du.danger à céder dès le commencement à votre appétit vorace. Maintenant vous pouvez manger, mais il faut pourtant de la modération. a

Ma réponse fut à la fois ùnpoMe et maladroite.

< J'espère, monsieur, dis-je, que je ne me nourrirai pas longtemps à vos dépens.

Non, répondit-il froidement; quand vous nous aurez in- diqué la demeure de vos amis, nous leur écrirons et vous leur serez rendue.

Je vous dirai franchement qu'il n'est pas en mon pouvoir de le faire, car je n'ai ni demeure ni amis. B

Tous trois me regardèrent, mais sans dénance; leurs regards n'exprimaient pas le soupçon, mais plutôt la curiosité. Je parle surtout des deux jeunes nues car, bien que les yeux de SaintJohn fussent limpides dans le sens propre du mot, au nguré il était presque impossible d'en mesurer la profondeur; c'étaient plutôt des instruments destinés à sonder les pensées des autres -jque des agents propres à révéler les siennes. Sa réserve et sa perspicacité étaient plutôt faites pour embarrasser que pour encourager.

=w Voulez-vous dire, reprit-il, que vous n'avez aucun parentï


On!, monsieur; aucun lien ne m'attache à um être vivant. Je n'ai ta droit de réolamer d'abri sous aucun toit d'Angleterre.

C'est une position bien singulière à votre âge. Je via son regard se diriger vers mes mains, qui étaient croisées sur la table. Je me demandais ce qu'il cherchait; je le compris bientôt par la question qu'il me lit.

< Vous n'avez jamais été mariée? c me demanda-t-il. Diana se mit à rire.

< Comment, Saint-John s'écria-t-elle; eUe a tout au plus dix-sept ou dix-huit ans.

–J'ai près de dix-neuf ans, dis-je, mais je ne suis pas mariée.

Je sentis le rouge me monter au visage, car ce mot de mariage avait réveillé chez moi des souvenirs amers et cuisants. Tous virent mon embarras et mon émotion; mais le frère, plus sombre *et plus froid, continua à me regarder jusqu'à ce que le trouble m'eût amené des larmes dans les yeux.

< avez-vous demeure en dernier lieu? demanda-t-il de nouveau.

Vous êtes trop curieux, Saint-John, murmura Marie à voix basse.

Mais, appuyé sur la table, M. Rivers demandait une réponse par son regard ferme et perçant.

< Le nom du lieu où j'ai demeuré et de la personne avec laquelle j'ai vécu est mon secret, répondis-je.

Et, dans mon opinion, vous avez le droit de le garder et de ne répondre ni à Saint-John ni aux autres questionneurs indiscrets, remarqua Diana.

Et pourtant, si je ne sais rien sur vous ni sur votre histoire, je ne puis pas venir à votre aide, dit-il et vous avez besoin de secours, n'est-ce pas? t

J'en ai besoin et j'en cherche; je désire que quelque vé' ritable philanthrope me procure un travail dont le salaire suffis. pour faire face aux premières nécessités de la vie. Je ne sais si je suis un véritable philanthrope, mais je désire vous aider autant qu'il est en mon pouvoir pour atteindre un but aussi honnête. Mais dites-moi d'abord ce que vous avez été accoutumée à faire, puis ce que vous pouvez faire. J'avais avalé mon thé; ce breuvage m'avait restaurée comme du vin aurait re~&uié un géant; il avait donné du ton à mes nerfs sans force, et je pus m'adresser avec fermeté à ce juge jeune et pénétraab


<t Monsieur Rivera, dis-je en me tournant vers lui, et on la regardant comme il me regardait, c'eat-a-dire ouvertement et sans timidité, vous et vos sœurs m'avez rendu un grand service, le plus grand qu'un homme puisse rendre A son semblable voua m'avez arrachée à la mort par votre noble hospitaMté ce bienfait vous donne un droit illimité a ma reconnaissance, et un sertain droit à ma confiance. Je vous dirai sur la voyageuse que vous avez reoaeiHie tout ce que je puis dire sans compromettre <a paix de mon esprit, ma propre sécurité morale et physique, et surtout celle des autres. Je suis orpheline, atte d'un ministre; mes parents sont morts avant que j'aie pu les connaître. Je me trouvai dans une position dépendante. Je fus élevée à une école de charité; je vous dirai même le nom de l'établissement où j'ai passé six années comme élève et deux comme maîtresse c'était à Lowood, Institution des Orphelins, comté de. Vous aurez entendu parler de cela, monsieur Rivera; le révérend Robert Brockelhurst était trésorier. · J'ai entendu parler de M. Brockelhurst, et j'ai vn l'école. J'ai quitté Lowood il y a à peu près un an pour devenir institutrice dans une maison. J'avais une bonne place et j'étais heureuse; cette place, j'ai été obligée de la quitter quatre jours avant le moment où je suis arrivée ici je ne puis pas, je ne dois pas dire la raison de mon départ ce serait inutue, dangereux, et paraîtrait incroy!tMe. Je ne suis pas à Marner; je suis aussi pure qu'cucun de vous; je suis malheureuse et je le serai pendant quelque temps, car la cause qui m'a fait fuir cette maison où j'avais trouvé un paradis est à la fois étrange et vile. Lorsque je partis, deux choses seulement me paraissaient importantes, la promptitude et le secret aussi, pour atteindre mon but, ai-je laissé derrière moi tout ce que je possédais, excepté un petit paquet; mais, dans ma hâte et mon trouble, je l'ai oublié dans la voiture qui m'a amenée à Whitecross. Je suis donc arrivée ici sans rien; j'ai dormi deux nuits en plein air.; j'ai marché deux jours sans franchir le seuil d'une porte; pendant ce temps, je n'ai mangé que deux fois; et alors, épuisée par la faim, la fatigue et le désespoir, j'allais voir commencer mon agonie mais vous, monsieur Rivers, vous n'avez pas voulu me laisser mourir de faim devant votre porte, et vous m'avez recueillie sous votre toit. Je sais tout ce que vos sœurs ont fait pour moi depuis; car, pendant ma torpeur apparente, je voyais ce qui se passait autour de moi, et j'ai vu que je devais à leur compassion naturelle, spontanée et généreuse, autant qu'a votre charité évangélique.


Ne la faites plus parler maintenant, Saint-John, dit Diana en me voyant m'arrêter; elle n'~at pas on état d'être excitée; venez vous asseoir sur le sofa, mademoiselle EUiot. < Je tressaillis involontairstnent; j'avais oublié tnoM nouveau nom. M. Rivera, à qui rien ne semblait échapper, l'eut bientôt remarqué.

<Vous dites que votre nom est Jane Elliot? me demanda-t-il. Je l'ai dit, et c'est en effet le nom par lequel je désire être appelée pour le moment; mais ce n'est pas mon véritable nom, et, quand je l'entends, il som.e étrangement à mes oreilles. Voua ne voulez pas dire votre véritable nom?

Non; je crains par-dessus tout qu'on ne découvre qui je suis, et j'évite tout ce qui pourrait trahir mon secret. Et vousavez bien raison, dit Diana. Maintenant, mon frère, laissez-la tranquille un moment t a

Mais Saint-John, après avoir reMchi quelque temps, reprit avec son ton imperturbable et sa pénétration ordinaire < Vous ne voudriez pas accepter longtemps notre hospitalité vous voudriez vous débarrasser, aussitôt que possible, de la compassion de mes sœurs, et surtout de ma charittl (car j'ai bien remarqué la distinction que vous faisiez entre nous je ne vous en blâme pas, elle est juste); vous désirez être indépendante. Oui, je vous l'ai déjà dit; montrez-moi ce que je dois faire ou comment je dois me procurer de l'ouvrage c'est tout ce que je vous demande. Envoyez-moi, s'il le faut, dans la plus humble ferme; mais, jusque-la, permettez-moi de rester ici; car j'aurais bien peur s'il fallait recommencer à lutter contre les souffrances d'une vie vagabonde.

Certainement vous resterez ici, me dit Diana en posant s? main blanche sur ma tête.

Oh 1 oui; répéta Marie avec la sincérité peu expansive qui lui était naturelle.

Vous levoyez, me dit Saint-John; mes soeurs ont du plaisir à vous garder, comme elles auraient du plaisir à garder et à soigner un oiseau à demi ~elé, qu'un vent d'hiver aurait poussé vers leur demeure. Quant à moi, je me sens plutôt disposé à vous mettre en état de vous suffire à vous-même. Je ferai mes efforts pour atteindre ce but; mais ma sphère est étroite je ne suis qu'un pauvre pasteur de campagne mon secours sera des plus humbles, et si vous dédaignez les petites choses, cherchez un protecteur plus puissant que moi.

Elle vous a déjà dit qu'elle voulait bien faire tout ce qui était honnête et en son pouvoir, répondit Diana; et vous savez.


SahU-Jeïm, qu'elle ne peut pas choisir son protecteur elle est bien forera de vous accepter, malgré votre esprit pointiMeux. Je serai carrière, lingère, domestique, bonne d'enfants m<!me, si je ne puis rien trouver de mieux, répondis-je. C'est Mon, dit Saint-John. Si telles sont vos dispositions, je vous promets de vous aider dans mon temps et à ma manière, t 11 reprit alors le Mvre qu'il lisait avant le thë; je me retirai bientôt, car j'étais restée debout, et j'avais parlé autant que mes forces me le permettaient.

CHAPÏTM XXX.

Plus je comas les habitants de Moor-House, plus je les aimai. Au bout de peu de temps, je fus assez bien pour rester levée toute la journée et me promener quelquefois; je pouvais prendre part aux occupations de Diana et de Marie, causer avec elles autant qu'elles le désiraient, et les aider quand elles me le permettaient. n y avait pour moi dans ce genre de relations une grande jouissance que je goûtais pour la première fois, jouissance provenant d'une parfaite similitude dans les goûts, les sentiments et les principes.

J'aimais à lire les mêmes choses qu'elles ce dont elles jouissaient m'enchantait; j'admirais ce qu'elles approuvaient. Elles aimaient leur maison isolée, et moi aussi je trouvais un charme puissant et continuel dans cette petite demeure si triste et si vieille, dans ce toit bas, ces fenêtres grillées, ces murs couverts de mousse, cette avenue de vieux sapins, courbés par la violence du vent des montagnes, ce jardin assombri par les houx et les ifs, et où ne voulaient croître que les fleurs les plus rudes. Elles aimaient les rochers de granit qui entouraient leur demeure, la vallée à laquelle conduisait un petit sentier pierreux partant de la porte de leur jardin. Elles aimaient aussi ce petit sentier tracé d'abord entre des fougères, et, plus loin, au milieu des pâturages les plus arides qui aient jamais bordé un champ de bruyères; ces pâturages servaient & nourrir un troupeau de brebis grises, suivies de leurs petits agneaux dont la tête retenait toujours quelques brins de mousse. Cette scène excitait chez elles un grand enthousiasme et une profonde admiration. Je comprenais ce sentiment, ie l'éprouvais avec la même force


et la mCrne sincérité qu'elles. Je voyais tout ce qu'il y avait de fascinant dans ces lieux je sentais toute la sainteté de cet isolement. Mes yeux se plaisaient à contempler les collines et les vallées, les teintes sauvages communiquées au sommet et à la base des montagnes par la mousse, la bruyère, te gazon Neuri, la paitte brillante et les crevasses des rochers de granit; ces choses étaient pour moi ce qu'elles étaient pour Diana et Marie: la source d'une jouissance douce et pure. Le vent impétueux et la brise légère, le ciel sombre et les jours radieux, le lever et le coucher du soleil, le clair de lune et les nuits nuageuses, avaient pour moi le même attrait que pour elles, et moi aussi je sentais l'influence de ce charme qui les dominait-

A l'intérieur, l'union était aussi grande toutes deux étaient plus accomplies et plus instruites que moi, mais je suivis leurs traces avec ardeur je dévorai les livres qu'elles me prêtèr3nt, et c'était une grande jouissance pour moi de discuter avec elles, le soir, ce que j'avais lu pendant le jour; nos pensées et nos opinions se rencontraient en un mot, l'accord était parfait. Si l'une de nous<,rois dominait les autres, c'était certainement Diana; physiquement, elle m'était de beaucoup supérieure; elle était belle et avait une nature forte. Il y avait en elle une affluence de vie et une sécurité dans sa conduite qui excitaient toujours mon étonnement et que je ne pouvais comprendre. Je pouvais parler un instant au commencement de la soirée; mais une fois le premier élan de vivacité épuisé, je me voyais forcée de m'asseoir aux pieds de Diana, de reposer ma tête sur ses genoux et de t'écouter, elle ou sa sceur; et alors elles sondaient ensemble ce que j'avais à peine osé toucher.

Diana m'ount de m'enseigner l'allemand. J'aimais à apprendre d'elle; je vis que la tâche de maîtresse lui plaisait, celle d'élève ne me convenait pas moins il en résulta une grande affection mutuelle. Elles découvrirent que je savais dessiner; aussitôt leurs crayons et leurs boites à couleurs furent à mon service; ma science, qui, sur ce point, était plus grande que la leur, les surprit et les charma. Marie s'asseyait à côté de moi et me regardait pendant des heures; ensuite elle prit des leçons: c'était une élève docile, intelligente et assidue. Ainsi occupées et nous amusant mutuellement, les jours passaient comme des heures, et les semaines comme des jours.

L'intimité qui s'était si rapidement établie entre moi et Mlles Rivers ne s'était pas étendue jusqu'à M. Saint-John une des causes de la distance qui nous séparait encore, c'est qu'il était rarement à la maison; une grandetartie de son temps sem.


blaiteonsaorde à visiter les pauvres et les malades disséminés au loin dans sa paroisse.

Aucun temps ne l'arrêtait dans sea excursions. Après avoir consacré quelques heures de la matinée & l'étude, il prenait son chapeau et partait par la pluie ou le soleil, suivi de Carlo, vieux chien couchant qui avait appartenu à son père, et allait accomplir sa mission d'amour ou de devoir, car je ne sais pas au juste comment il la considérait. Quand le temps était très-mauvais, ses soeurs cherchaient à le retenir; il répondait alors avec un sourire tout particulier, plutôt solennel que joyeux « Si un rayon de soleil ou une goutte de pluie me détourne d'une tâche aussi facile, comment serai-je propre à entreprendre l'œuvre que j'ai connue? e

Diana et Marie répondaient, en général, par un soupir, et pendant quelques minutes restaient plongées dans une triste méditation.

Mais, outre ces absences fréquentes, il y avait encore une autre barrière entre nous il me semblait être d'une nature réservee, impénétrable et renfermant tout en eMa-même.Zélé dans l'accomplissement de ses devoirs, irréprochable dans sa vie, il ne paraissait pourtant pas jouir de cette sérénité d'esprit et de cette satisfaction intérieure qui devraient être la récompense de tout chrétien sincère et de tout philanthrope pratiquant le bien. Souvent, le soir, lorsqu'il était assis à la fenêtre, son pupitre et ses papiers devant lui, il cessait de lire ou d'écrire, posait son menton sur ses mains et se laissait aller à je ne sais queUes pensées; mais il était facile de voir, à la flamme et à la dilatation fréquente de ses yeux, que ces pensées le troublaient. Je crois aussi que la nature n'avait pas pour lui les mêmes trésors de délices que pour ses sœurs; une fois, une seule fois, il parla en ma présence du charme rude des montagnes, et de son affection innée pour le sombre toit et les murs mousseux qu'il appelait sa maison; mais dans son ton et dans ses paroles U y avait plus de tristesse que de plaisir. Jamais il ne vantait les rochers de granit, à cause du doux silence qui les environnait jamais il ne s'étendait sur les délices de paix qu'on pouvait y go&ter.

Il était si peu communicatif que je fus quelque temps avant de mouvoir juger de son intelligence. Je commençai comprendre ce qu'elle devait être dans un sermon que je l'entendis faire à ~a propre paroisse de Morton il n'est pM M mom pnnv~f de raconter ce sermon; je ne puis même pas rendre l'effet q~ilme produisit. D fut commencé avec calme, et, malgré la facilité et


l'éloquence de l'orateur, il fut achevé avec calme. Un zèle vivement senti, mais sévèrement réprimé, se remarquait dans les accents du prêtre et excitait sa parole nerveuse, dont il comprimait et surveillait sans cesse la force. Le cœur était percé comme par un dard; l'esprit était étonné de la puissance de prédicateur mais ni l'un ni l'autre n'était adouci. Il y avait dans toutes les paroles du prêtre une étrange amertume; jamais de douceur consolante; sans cesse de sombres allusions aux doctrines calvinistes, aux élections, aux prédestinations, aux réprobations, et, chaque fois qu'il parlait de ces choses, on croyait entendre une sentence prononcée par le destin. Quand il eut nni, au lieu de me sentir mieux, plus calme, plus éclairée, j'éprouvai une inexprimable tristesse; car il me semblait (je ne sais s'il en tut de même pour tous) que cette éloquence sortait d'une source empoisonnée par d'amères désillusions, et où s'agitaient des désirs non satisfaits et des aspirations pleines de trouble. J'étais sûre que Saint-John Rivers, malgré sa vie pure, son zèle consciencieux, n'avait pas encore trouvé cette paix de Dieu ~MtjMsse tout entendement; il ne l'avait pas plus trouvée que moi avec mes regrets cachés pour mon idole brisée et mon temple perdu, regrets dont j'ai évité de parler dernièrement, mais qui me tyrannisaient avec force.

Pendant ce temps, un mois s'était écoulé. Diana et Marie devaient bientôt quitter Moor-House pour retourner dans des contrées éloignées et recommencer la vie qui les attendait comme gouvernantes dans une grande ville à la mode du midi de l'Angleterre chacune d'elles était placée dans une famille dont les membres, riches et orgueilleux, les regardaient comme d'humbles dépendantes, s'inquiétant assez pau de leurs qualités intimes, et n'appréciant que leurs talents acquis, comme ils appréciaient l'habileté de leur cuisinière ou le bon goût de leur femme de chambre. M. Saint-John ne m'avait pas encore parlé de la place qu'il m'avait promis d'obtenir pour moi; pourtant, il devenait important que j'eusse une occupation quelconque. Un matin que j'étais restée seule avec lui quelques minutes dans le parloir, je me hasardai à m'approcher de la fenêtre qui, grAce à sa table et à sa chaise, était devenue une sorte de cabinet d'étude; je me préparai à lui parler, bien que je fusse très-embarrassée sur la manière de lui adresser ma question, car il est toujours difficile de briser la réserve glaciale de ces sortes de natures; mais tl me tira d'embarras en commençant lui même la conversation. En me voyant approcher, il leva les yeux < Vous avez une demande à me faire? me dit-il.


Oui, monsieur, je voudrais savoir ai vous avez entendu parler d'une place pour moi.

J'ai pensé à quelque chose pour vous, il y a trois semaines environ; mais comme vous sembliez à la fois utile et heureuse ici, comme mas sœurs s'étaient évidemment attachées à vous, que votre présence leur procurait un plaisir inaccoutumé, je trouvai inutile de briser votre bonheur mutuel jusqu'à ce que leur départ de Marsh-End rendît le votre nécessaire. <– Elles partent dans trois jours, dis-je.

Oui, et quand elles s'en iront je retournerai au presbytère de Morton; Anna m'accompagnera et on fermera cette vieille maison. »

J'attendis un instant, pensant qu'il allait continuer à me parter sur le sejet qu'il avait déjà entamé; mais ses pensées semblaient avoir pris un autre cours; je vis par son regard qu'il me pensait plus à moi. Je fus obligée de lui rappeler le but de notre conversation, car il s'agissait d'une chose indispensable pour moi, et j'attendais avec un intérêt anxieux.

a Quelle occupation aviez-vous en vue, monsieur Rivers? demandai-je j'espère que ce retard n'aura pas rendu plus difficile de l'obtenir.

Oh 1 non, car il suffit que je veuille vous la procurer et que vous vouliez l'accepter. e

11 s'arrêta de nouveau et sembla peu disposé à continuer; je commençais à m'impatienter. Quelques mouvements inquiets, un regard avide et questionneur Sxé sur aon visage lui firent comprendre ce que j'éprouvais aussi clairement que l'auraient fait des paroles, et même mon trouble en fut moins grand. < Oh allez, me dit-il, n'ayez pas si grande hâte de savoir ce dont il s'agit. Laissez-moi vous dire franchement que je n'ai rien trouvé d'agréable ou d'avantageux pour vous. Mais avant que je m'explique, rappelez-vous, je vous prie, ce que je vous ai déjà dit clairement. Si je vous aide, ce sera comme l'aveugle aide le boiteux. Je suis pauvre; car. lorsque j'aurai payé toutes les dettes de mon père, il ne me restera plus que cette ferme ex ruine, cette allée de sapins et ce petit morceau de terre pierreuse avec ses ifs et son houx. Je suis obscur. Rivers est un vieux nom; mais des trois seuls descendants de la race, deux mangent le pain des serviteurs chez les autres, et le troisième se considère comme étranger dans son pays natal, non-seulement pour la vie, mais poar la mort aussi, et il accepta son sort comme un honneur, et il aspire au jour où l'on posera sur son épaule la croix qui le séparera de tous les liens charnels, au_


jour oa le chef de cette église militante, dont il est le plus hum.Ma membre, lui dira < Debout, et suis-moi 1 n

Saint-John avait dit ces mots comme il prononçait ses sermons, d'une voix calme et profonde. Sa joua ne s'était pas animée, mais dans son regard brillait une vive lumière. H continua < Et étant moi-même pauvre et obscur, je ne puis vous procurer que le travail du pauvre et de l'obscur. Peut-être même le trouverez-vous dégradant car, je le vois maintenant, vos habitudes ont été ce que le monde appelle raffinées; vos goûts tondent à l'idéal, ou du moins vous avez toujours vëou parmi des gens bien élevés. Quant à moi, je considère qu'un travail n'est jamais dégradant lorsqu'il peut améliorer les hommes. Je crois que plus le sol où le chrétien doit labourer est aride, moins son travail lui rapporte de fruit, plus l'honneur est grand. Sa destinée est celle de pionnier, et les premiers pionniers de l'Evangile furent les apôtres, et leur chef, Jésus, le Sauveur luimême.

Eh Ment dis-je en le voyant s'arrêter de nouveau, continuez. B

N me regarda avant de continuer; il semblait lire sur mon visage aussi facilement que si chacun de mes traits eût été l'un des mots d'une phrase. Je compris ce qu'il en avait conclu, d'après ce qui suit

< Vous accepterez la place que je vais vous offrir, dit-il, je le crois; vous y resterez quelque temps, mais pas toujours, de même que moi je ne pourrai pas toujours me contenter des devoirs étroits, obscurs et tranquilles, d'un ministre de campagne car votre nature est aussi ennemie du repos que la mienne, mais nos activités ne sont pas du même genre.

Expliquez-vous, demandai-je avec insistance, en le voyant N'arrêter de nouveau.

–Oui, vous allez voir combien l'offre est misérable, ordi. naire et petite. Je ne resterai pas longtemps à Morton, maintenant que mon père est mort et que je suis maître de mes actions. Je quitterai ce lieu probablement dans le courant de l'année; mais tant que j'y resterai, je ferai tous mes efforts pour l'améliorer. Quand je suis venu ici, il y a deux ans, Morton n'avait pas d'école; les enfants des pauvres ne pouvaient avoir aucune espérance de progrés. J'en ai établi une pour les garçons; je voudrais en ouvrir une seconde pour les filles. J'ai loué un bâti* ment & cette intention, avec une petite ferme composée de d~M chambres pour la maîtresse celle-ci sera payée trente livres sterling par an. La maison est déjà meublée simplement. <Mis


aufNsamment, par MBe Oliver, propriétaire de la fonderie et de la manufacture d'aiguilles de la vallée. La même jeune alla payera pour l'éducation et l'habHlement d'une orpheline de la manufacture, à condition que colle-ci aidera dans le service de la maison et de récote la maîtresse, dont une grande partie du temps sera pris par l'enseignement. Voulez-vous être cette mat tresse? s n

n me lit cette question rapidement, et semblait s'attendre à me voir rejeter son cure avec indignation ou du moins avec dédain. Bien qu'il devinât quelquefois mes pensées et mes sentiments, il ne les connaissait pas tous; il ne pouvait pas savoir de quel œil je verrais cette place. Elle était humble, à la vérité, mais eUe était cachée, et, avant tout, il me fallait un asile sûr. C'était une position fatigante, mais qui était indépendante, comparée à celle d'une institutrice dans une famille riche, et mon cœur se serrait à la pensée d'une servitude chez des étrangers. La place qu'on m'ourait n'était ni vile, ni indigne, ni dégradante. Je fus bientôt décidée.

<t Je vous remercie de votre offre, monsieur Rivers, dis-je, et je l'accepte de tout mon coeur.

Mais vous me comprenez bien, reprit-il c'est une école de village; vos écolleres seront des petites nUes pauvres, des enfants de paysans, tout au plus des filles de fermiers; vous n'aurez à leur apprendre qu'à tricoter, à coudre, à lire et à compter. Que ferez-vous de vos talents? Que ferez-vous de ce qu'il y a de plus développé en vous, les sentiments, les goûts? Je les renfermerai en moi jusqu'à ce qu'ils me soient nécessaires ils se garderont bien.

Alors vous savez à quoi vous vous engagez?

Oui. J

n sourit; son sourire n'était ni triste ni amep, mais plutôt heureux et profondément satisfait.

< Et quand voudrez-vous entrer en fonctions?

J'irai voir la maison demain, et, si vous le permettez, j'ouvrirai l'école la semaine prochaine.

Très-bien, je ne demande pas mieux, a

Il se leva et se promena dans la chambre; puis, s'arrêtant, il me regarda et secoua la tête.

< Que désapprouvez-vous, monsieur? demandai-je. Vous ne resterez pas longtemps à Morton non, non! 1 Pourquoi? Quelle raison avez-vous de le pensert Je le lis dans vos yeux; ils annoncent une nature qui ne pourra pas accepter longtemps la même vie monotone.


Je ne suis pas ambitieuse. t

M tressaillit.

c Ambitieuse, r~p<ta-t-i!, non. Qui vous a fait penser à l'aM'Mtion? Qui est ambitieux? Je sais que ja le suis; mais commea t'avez-vous deviné? f

Je parlais de moi.

Eh bient ai voua n'êtes pas ambitieuse, vous êtes. s M s'arrêta.

w Quoi?

J'allais dire passionnée; mais peut-être que, ne comprenant pas bien M mot, vous ne l'aimerez pas. Je veux dire que les aifeotions et les sympathies humaines ont un grand pouvoir sur vous Je auis sûr que bientôt vous ne voudrez plus passer vos jours dans la solitude et vous dévouer & un travail monotone, sans avoir jamais aucun stimulant. De môme que moi, ajoutat-il avec emphase, je ne voudrais pas m'ensevelir dans ces marais, m'enterrer dans ces montagnes; ma nature, qui m'a été donnée par Dieu, s'y oppose. Ici mes facultés, qui me viennent du ciel, sont paralysées et rendues inutiles. Vous voyez comme je suis en contradiction avec moi-même. Je prêche la contentement dans les positions les plus humbles; je proclame belle la vocation de ceux qui, dans le service de Dieu, coupent le bois ou puisent l'eau. Moi, ministre de l'Ëvangile, mon esprit inquiet me mène presque à la folie; eh bien! il faudra trouver un moyen de réconcilier les principes et les tendances. e H quitta la chambre. En une heure, je venais d'en apprendre plus sur lui que dans tout le mois précédent, et pourtant j'étais toujours intriguée.

Marie et Diana devenaient plus tristes et plus silencieuses à mesure qu'approchait le jour où elles devaient quitter leur maison et leur frère. Toutes deux s'efforçaient de paraître comme toujours; mais la tristesse contre laquelle elles avaient à lutter est une de celles qu'on ne peut pas vaincre ou cacher entièrement. Diana disait que ce serait un départ bien différent des précédents; elles allaient se séparer de Saint-John pour des années, peut-être pour la vie.

c Il sacrifiera tout au projet qu'il a conçu depuis longtemps, disait-elle, même les affections et les sentiments naturels les plus puissants. Saint-John a l'air calme, Jane, mais il est consumé par une nèvre ardente. Vous le croyez doux, et dans certaines choses il est inexorable comme la mort; et ce qu'il y a de plus dur, e'est que ma conscience ne me permet pas de le détourner de cette sévère résolution. Je ne puis pas l''m blâmer.


c'est beau, noble et ehrétioa mais cela me brise le cœurt Les larmes coulèrent do sos yeux.

Mario pencha sa t6to sur son ouvrngo.

< Nous n'avons plus de père, et bientôt noua n'aurons plus ni maison ni frère, murmura't-eHe. JI

A ce moment il arriva un petit accident qui semblait fait exprès pour prouver la vérité de ce dicton qu'un malheur n'arrive jamais seul, et pour ajouter leur tristesse la contrariété que causerait une branche placée entre la coupe et les Mvres. Saint-John passait devant la fenêtre en lisant une lettre; il entra.

< Notre onole John est mort, e dit-il.

Les deux sœurs semblèrent frappées, mais ni étonnées ni attristées elles paraissaient regarder cette nouvelle plutôt comme importante que comme affligeante.

< Mort? répéta Diana.

Oui. t

Ele fixa un œil inquisiteur sur son trere.

c Eh bien 1 murmura-t-elle à voix basse.

Eh bien Diana, reprit-il en conservant la même immobilité de marbre, eh bien! rien. Lisez. »

Il lui jeta une lettre qu'eUe tendit à Marie après l'avoir parcourue. Marie la lut et la rendit à son frère; tous les trois se regardèrent et sourirent d'un sourire triste et pensif. a Amen dit Diana; nous pourrons encore vivre néanmoins. En tout cas, notre situation n'est pas pire qu'avant, remarqua Marie.

-Seulement, dit M. Rivera, la peinture de ce qui aurait pu être contraste bien vivement avec ce qui est. e

Il plia la lettre, la mit dans son pupitre et sortit.

Pendant quelques minutes personne ne parla; enfin, Diana se tourna vers moi.

< Jane, dit-elle, vous devez vous étonner de nos mystères et nous trouver bien durs en nous voyant si peu attristés par la mort d'un parent aussi proche qu'un oncle; mais nous ne le connaissions pas, nous ne l'avions jamais vu. C'était le frère de ma mère; mon père et lui s'étaient fâchés il y a longtemps. C'est d'après son avis que mon père a lancé presque tout ce qu'il possédait dans la spéculation qui l'a ruiné. H en était résulté des reproches mutuels tous deux s'étaient séparés irrités l'un contre l'autre et ne s'étaient jamais rdconciHcs. Plus tard, mon onde fit des affaires heureuses. Il parait qu'il a réalisé une fore de vingt nultejiyres sterling; il ne s'est jamais marié et


R avait de parents que nous et uno autre personne qui lui était alliée au même degré. Mon père avait toujours espërë que mon oncle réparerait sa faute en nous laissant co qu'il possédait. Cette lettre nous informe qu'il a tout Mguë soa autro parente, M'exceptioa de trente gainées, qui doivent être partagées entra Saint-John, Diana et Marie Rivera, pour l'achat de trois anneaux de deuil. Il avait certainement le droit d'agir à sa volonté, et cependant cette nouveMe nous a donné une tristesse momentanée. Marie et moi nous nous serions estimées riches aveo miUa livres sterling chacune, et Saint-John aurait aimé à posséder une semblable somE.j, à cause de tout le bien qu'il eût alors pu faire.

Une fois cette explication donnée, on laissa le sujet de côté, t et ni M. Rivers ni ses sœurs n'y firent d'allusions. Le lendemain, je quittai Marsh-End pour aller à Morton. Le jour d'après, Diana et Marie se rendirent dans la ville éloignée où elles étaient placées. La semaine suivante, M. Rivera et Anna retournèrent au presbytère, et la vieille ferme fut abandonnée.

CHAPITRE XXXI.

Ennn, j'avais trouvé une demeure, et cette demeure était une ferme; eHe se composait d'une petite chambre dont les murs étaient blanchis à la chaux et le sol recouvert de sable; l'ameublement se composait de quatre chaises en bois peint, d'une table, d'une horloge, d'un buffet où étaient rangés deux ou trois assiettes, quelques plats et un thé en faïence. Au-dessus se trouvait une autre pièce de la même grandeur que la cuisine, et où se voyaient un lit de sapin et une commode bien petite, et cependant trop grande encore pour maohétive garde-robe, quoique la bonté de mes généreuses amies eut grossi mon modeste trousseau des choses les plus nécessaires.

Nous sommes au soir j'ai renvoyé la petite orpheline qui nM tient lieu de servante, après l'avoiE régalée d'une orange. Je suis assise toute seule sur le foyer. Ce matin, j'ai ouvert l'écok du. village; j'ai eu vingt élèves trois d'entre elles savent lire, aucune ne sait ni écrire, ni compter, plusieurs tricotent et quelques-unes cousent un peu. Elles ont l'accent le plus dur de tout le comté. Jusqu'ici, nous avons eu de la peine à nous comprenJttat EMB. M 10


are mutuellement. Qaelqaes.unea ont de mwvaiaea manières, sont rudes* et intraitables autant qu'ignorantes; d'autres, M' con. traira, sont dociles, ont le désir d'apprendre et annoncent dea dispositions qui me plaisent. Je ne dois pas oublier que ces petites paysannes, grossièrement vêtues, sont de chair et de sang aussi Mon que les descendants des familles tes plus nobles, et que les pannes de la perfection, de la pureté, de l'intelligence, des bons 8 sentiments, existent dana leurs c<eurs comme dans le cœur des autres. Mon devoir est de développer ces germes; certainement t ie trouverai un peu de bonheur dans cette tâche. Je n'espérais pas beaucoup de jouissance dans l'existence qui allait commencer pour moi, et pourtant je me disais qu'en y accoutumant mon esprit, en exerçant mes forces comme je le devais, cette vie deviendrait acceptable.

Avais-je été bien gaie, bien joyeuse, bien calme pendant la matinée et l'après-midi passées dans cette école humble et nue? Pour ne pas me tromper mci-mêma sms obligée de répondre non. Je me sentais désespérée; folle que j'étais. je me trouvais humiliée; je me demandais si, en acceptant cette position, je ne m'étais pas abaissée dans la balance de l'existence sociale, au lieu de m'élever. J'étais lâchement dégoûtée par l'ignorance, la pauvreté et la rudesse de tout ce que je voyais et de tout ce qui m'entourait. Mais je ne dois pas non plus me haïr et me mépriser trop pour avoir éprouvé ce sentiment. Je sais que j'ai eu tort c'est déjà un grand pas de fait; je ferai des efforts pour me vaincre moi-mêma; j'espère y parvenir en partie demain. Dans quelques semaines, j'aurai peut-être atteint complètement mon but, et, dans quelques mois, il est possible que lo bonheur de voir mes élèves progresser vers le bien change mes dégoûts en joie.

« Du reste, me dis-je, serait-il donc mieux d'avoir succombé à la tentation, écouté la passion, de m'être laissé prendre dans un 61et de soie, au lieu de lutter douloureusement, de m'être étendue sur les fleurs qui recouvraient le piège pour me réveiller dans un pays du Sud, au milieu du luxe et des plaisirs d'une villa; de vivre maintenant en France, maîtresse de M. Rochester, enivrée de son amour, car il m'aurait bien aimée pendant quelque temps? Oh! 1 oui, il m'aimait! Personne ne m'aimera plus jamais comme lui; je ne connaltrai plus jamais les doux hommages rendus à la beauté, & la jeunesse et a la grâce car jamais aux yeux de personne je ne semblerai posséder ces charmes. 11 m'aimait, et il était orgueilleux de moi; et jamais aucun autre homme ne pourra l'être. Mais que dis-je? Pourquoi laisser mon


esprit s'égarer ainsi' Pourquoi m'abandonner à ces aanthnecta? a Je me demandai s'H valait mieux être esclave dans un paradis impur, emportée un instant dans un tourbillon de plaisirs trom.peurs et étouffée l'instant d'après par les larmes amères du repentir et de la honte, ou être la mattresse libre et honorée d'une école de vtllage, sur une fraîche montagne, au milieu de la sainte Angleterre.

Oui, je sentais maintenant que j'avais eu raison de me rattacher aux principes et aux lois, et de mépriser les conseils malsains d'une exaltation momentanée. Dieu m'avait dirigée dans mon choix, et je remerciai sa providence conductrice. Après être arrivée à cette conclusion, je me levai, je me dirigeai vers la porte et je regardai le coucher du soleil et les champs étendus devant ma ferme, qui, ainsi que l'école, était éloignée du village d'un demi-mille. Les oiseaux faisaient entendre leurs derniers accords.

L'air était doux et la rosée embaumée.

Pendant que je regardais ce paysage, je me croyais presque heureuse aussi, au bout de peu de temps, je fus tout étonnée de m'apercevoir que je pleurais. Et pourquoi? A cause du sort qui m'avait arrachée à mon mattre; parce qu'il ne devait plus jamais me voir et que je craignais un trop grand désespoir et un emportement funeste par suite de mon départ; parce que je craignais qu'il ne s'écartât trop du droit chemin pour y revenir jamais. A cette pensée, je détournai mon visage du beau ciel que je contemplais et de la vallée solitaire de Morton. Je dis solitaire; car, dans la partie que je pouvais apercevoir, il n'y avait aucune maison, si ce n'est l'église et le presbytère, qui étaient & moitié masqués par les arbres, et tout au loin, le toit de Vale-Hall, où demeuraient M. Oliver et sanlle. Je cachai mes yeux dans mes mains et j'appuyai ma tête contre la pierre de ma porte; mais bientôt un léger bruit près de la grille qui séparait mon petit jardin des prairies me fit lever la tête. Un chien, que je reconnus pour le vieux Carlo de M. Rivers, poussait la grille avec son museau, et j'aperçus bientôt Saint-John lui-même, appuyé sur la porte, les deux bras croisés. Son front était ridé, et il fixait sur moi son regard sérieux et presque mécontent. Je le priai d'entrer.

< Non, je ne puis pas rester, me dit-il. Je venais seulement tous apporter un petit paquet que mes sœurs ont laissé pour vous. Je crois qu'il contient une boîte & couleurs, des crayons et dn papier, a


Je m'approchât pour le prendre ce présent m'était doux. ï! me sembla qu'au moment où j'avançai, Saint-John examina mon visage avec austérité probablement que les traces de mes larmes y étaient encore visibles.

< Avez-vous trouvé votre tâche plus rude que vous ne pensiez me demanda-t-il.

Oh 1 non, au contraire. Je crois qu'avec le temps mes écolières et moi nous nous entendrons très-bien.

Mais peut-être avez-vous été désappointée par l'installation de votre ferme et par son ameublement; il est vrai que tout y est simple, mais.

Je l'interrompis.

< Ma forme, dis-je, est propre et à l'abri de la tempête; mes meubles sont suffisants et commodes; tout ce que je vois me rend reconnaissante et non pas triste. Je ne suis pas assez sotte ni assez sensualiste pour regretter un tapis, un sofa ou un plat d'argent. D'ailleurs, il y a cinq semaines, je n'avais rien j'étais une mendiante, une vagabonde repoussée de tous maintenant je connais quelqu'an, j'ai une maison et une occupation; je m'étonne de la bonté de Dieu, de la générosité de mes amis, du bonheur de ma position, et je ne me plains pas.

Mais vous vous sentez seule et oppressée; cette petite maison est bien sombre et bien vide.

Jusqu'ici, j'ai à peine eu le temps de jouir de ma tranquillité, encore moins d'être fatiguée par mon isolement. –Tras-bien; j'espère que vous éprouvez véritablement la satisfaction que vous témoignez; en tous cas, votre bon sens vous apprendra qu'il est trop tôt pour vous abandonner aux mêmes craintes que la femme de Loth. Je ne sais pas ce que vous avez laissé derrière vous, mais je vous conseille de résister fermement à la tentation et de ne pas regarder en arrière; poursuivez votre tâche avec courage, pendant quelques mois du moins. C'est ce que j'ai l'intention de faire, e répondis-je. Saint-John continua.

< II est dur d'agir contre son inclination et de lutter contre les penchants naturels; mais c'est possible, je le sais par expérience. Dieu nous a donné, dans de certaines mesures, le pouvoir de faire notre propre destinée; et quand notre vertu demande un soutien qu'elle ne peut pas obtenir, quand notre volonté aspire à une route que nous ne pouvons pas suivre. nous n'avons pas besoin de mourir de faim ni de nous laisser aller à notre désespoir; nous n'avons qu'à chercher pour notra esprit une aatre nourriture, aussi forte que le trait défendu w"


quel il voulait goûter, et peut-être plus pure; nous n'avons qu'& oreuser pour notre pied aventureux une route qui, si elle est plus rudo, n'est ni moins directe ni moins large que le chemin fermé par la fortune.

< B y a un an, moi aussi états bien malheureux, parce que je croyais m'être trompé en entrant dans les ordres; l'uniforme du prêtre et ses devoirs me pesaient; j'aurais voulu une vie plus active, les travaux excitants d'une carrière littéraire, la destin ée de l'artiste, de l'écrivain ou de l'orateur; tout, excepta le méti er de prêtre. Oui, sous mes vêtements do ministre bat un coeur de guerrier ou d'homme d'Ëtat; je suis amoureux d9 la gloire, du renom, du pouvoir; je trouvais mon existence si malheureuse que je voulais en changer ou mourir. Après quelque temps d ob'acurité et de lutte, la lumière brilla, et avec elle vint le soûla gement; ma carrière rampante prit tout à coup l'aspect d'um tâche sans'bornes. Tout à coup une voix venue du ciel m'ordonna de rassembler mes forces, d'étendre mes ailes et de voler au delà des champs qu'embrassait mon regard. Dieu avait une mission à me donner, et, pour la bien accomplir, il fallait de l'adresse et de la force, du courage et de l'éloquence, toutes les qualités de l'homme d'Ëtat, du soldat et de l'orateur, car tout cela est nécessaire à un bon missionnaire.

a Je résolus donc de me faire missionnaire; à partir de ce moment, mon esprit changea toutes mes facultés furent délivrées de leurs chaines, et les liens ne laissèrent après eux que l'innammation qui suit toute blessure; le temps seul pourra la guérir. Mon père s'opposa à cette résolution; mais depuis sa mort, il n'y a plus aucun obstacle légitime; lorsque mes affaires seront arrangées, que j'aurai trouvé un successeur, que j'aurai subi encore quelques luttes contre des sentiments violemment brisés et contre la faiblesse humaine, luttes dans lesquelles je suis sûr d'être victorieux, parce que je l'ai juré, alors je quitterai l'Europe pour aller en Orient. e

Il dit ces mots de sa voix étrange, calme et cependant emphatique lorsqu'il eut achevé, il regarda non pas moi, mais le soleil couchant, sur lequel mes yeux étaient également fixés; lui et moi, nous tournions le dos au sentier qui conduisait des champs A la porte du jardin; nous n'avions entendu aucun bruit de pas sur le gazon du chemin; le murmure de l'eau dans la vallée était .e seul bruit qu'on pût distinguer à cette heure aussi nous ~ressailUmcs, lorsqu'une voix gaie etdouce comme une clochette d'argent s'écria

Bonsoir, monsieur Rivem bonsoir, vieux Carlo 1 Votre chien


connaît ses amis plus vite que vous, monsieur. B a dressé les areillea et remué la queue quand je n'étais qu'au bout des ch'anpa, et vous, voua me tournez le dos maintenant encore. C'était vrai. Bien que M. Rivers eat tressailli dès les premières notes de ces accents harmonieux, comme si Ha coup de tonnerro eût déchiré un nuage au-dessus de sa tête, la nouve!le arrivée avait fini de parler sans qu'il eût songé à changer d'attitude; il était toujours debout, le bras appuyé sur la porte et le visage dirigé vers l'occident. EaSm il se tourna lentement; Q me sembla qu'une vision venait d'apparaître à ses cotes. A trois pieds de lui était une forme vêtue de blano c'était une création jeune et gracieuse, aux contours arrondis, mais fins, et quand, après s'être penchée pour caresser Carlo, elle releva la tête et jeta en arrière un long voile, j'aperçus une figure d'une beauté parfaite Un beauté parfaite, voilà une expression bien forte; mais je ne la rétracte pas, car elle était justMiée par les traits les plus doux qu'ait jamais enfantés le climat d'Albion, par les couleurs les plus pures qu'aient jamais créées ses vents humides et son ciel vaporeux; cette beauté n'avait aucun défaut, et aucun charme ne lui manquait. La jeune ftlle avait des traits réguliers et délicats, de grands yeux foncés et voilés comme dans les plus belles peintures; ses longues paupières, terminées par des cils épais, encadraient son bel œil et lui donnaient une douce fascination; ses sourcils, bien dessinés, augmentaient la sérénité de son visage; son front blanc et uni respirait le calme et faisait ressortir l'éclat de ses couleurs. Ses joues étaient fraîches, ovales et pures; ses lèvres délicates et pleines de santé, ses dents bellet et brillantes, son menton petit et bien arrondi, ses cheveux tressés en nattes épaisses, tout enfin semblait combiné pour réaliser une beauté idéale. J'étais émerveillée en regardant cette belle créature, je l'admirais de tout mon cœur; la nature n'avait pas voulu la former comme les autres; et, oubliant son rôle de marâtre, elle avait doué son enfant chéri avec la libéralité d'une mère.

Et que pensait M. Saint-John de cet ange terrestre? Je me as Laturellement cette question lorsque je le vis se tourner vers elle et la regarder, et je cherchai la réponse dans sa contenance; mais ses yeux s'étaient déjà détournés de la péri, et il regardait une humble touffe de marguerites qui croissait près de la porte < Une belle soirée! mais il est un peu tard pour être seule dehors, dit-il en écrasant sous ses pieds la tête neigeuse des marguerites fermées.

Oh dit-elle, je suis arrivée de S* (et elle nomma une


grande ville éloignée de vingt milles environ) cette après-midi. Mon père m'a dit que vous aviez ouvert votre école, et que la nouvelle maîtresse était arrivée. Alors, après le thé, je me suis habtIMe et je suis descendue dans la vallée pour la voir. voita? deœanda4-elle en m'indiquant.

Oui, répondit Saint-loba.

Pensez-voas vous habituer à Moftonf me demanda-t-eBe d'un ton simple, MM et direct, qui, bien qu'enfantin, me plaisait.

J'espère qaeeni, rëpendis-je; j'ai plusieurs raisoMpear le OMtre.

Avez-voua trouvé vos ecoUères aussi attemttvae que VOM !'esperiez?

Oui.

Votre maison vous ptaît-eHe?

Beaucoup.

L'ai-je gentiment meubMet

Très-gentiment.

Ai-je fait un bon choix en prenant Alice Wood pour vous aider?

Oui, certainement; elle est adroite et apprend bien. a Je pensais que cette jeune fille devait être Mlle Oliver, l'héritière favorisée également par la fortune et par la nature. Je me demandais quelle heureuse combinaison de planètes avait préside à sa naissance.

< Je viendrai de temps en temps vous aider, ajouta-t-eUe ce sera une distraction pour moi de vous visiter quelquefois; j'aime les distractions. Monsieur Rivers, si vous saviez comme j'ai été gaie pendant mon séjour à S* Hier, j'ai dansé jusqu'à deux heures du matin. Le régiment de. est stationné à S* depuis les émeutes; les officiers sont les hommes les plus agréables du monde; comme ils font honte a nos aiguiseurs de couteaux et à nos marchands de ciseaux a o

Il me sembla voir M. Hivers avancer saMvre inférieure et relever sa lèvre supérieure. n est certain que sa bouche se comprima et que le bas de son visage prit une expression plus sombre et plus triste que jamais, lorsque la joyeuse jeune BUe lui parla du bal. Il cessa de regarder les marguerites et leva sur elle un regard sévère, scrutateur et significatif. Elle y répondit par un second sourire qui allait bien à sa jeunesse, à sa frat.cheur et à ses yeux brillants.

La jeune n!!e, voyaat Saint-John redevenu amat_et_&oH. se remit à caresser Carlo. m_-


< Ue pauvre Carlo m'aime, dit-elle; il ne s'éloigne pas de ses Mais,'lui; il n'est pas sombre, près d'eux, et s'il pouvait parler, il ne garderait pas le silence. »

Pendant qu'elle caressait la tête du chien, en se penchant avec une grâce naturelle devant le maitre jeune et austère de l'animal, je vis la figure de M. Rivers s'enflammer, je vis ses yeux sévères s'adoucir tout à coup, et briller comme dominés par une force irrésistible. Ainsi taimé, il était presque aussi beau qu'elle; sa poitrine se souleva une fois; son grand cœur, fatigué d'une contrainte despotique, sembla vouloir s'épandre en dépit de toute volonté, et fit un vigoureux enbrt pour obtenir sa liberté mais Saint-John le dompta, comme un cavalier résolu dompte un cheval fougueux; il ne répondit ni par une parole ni par un mouvement Ma gentille avance faite par la jeune fille. < Mon père se plaint de ce que vous ne venez plus jamais nous voir, dit Mlle Oliver en levant les yeux; vous êtes comme étranger à Vale-Hall. Le soir, mon père est seul; il ne se porte pas très-bien; voulez-vous venir avec moi pour le voir?

-L'heure n'est pas favorable pour déranger M. Oliver, répondit SainUohn.

Pas favorable mais si, au contraire; c'est l'heure où papa a le plus besoin de compagnie; les travaux sont terminés et il n'a plus rien qui l'occupe. Venez, monsieur Rivers; pourquoi êtesvous si sauvage et si triste? Et, voyant que Saint-John persistait dans son silence, elle reprit < Oh! j'avais oublié, dit-elle en secouant sa belle tête bouclée et en paraissant fâchée contre elle je suis si folle et si légère! Excusez-moi. J'avais tout à fait oublié que vous avez une bien bonne raison pour ne pas désirer répondre à mon bavardage; Diana et Marie vous ont quitté aujourd'hui, Moor-House est fermé et vous êtes seul. Je vous assure que je vous plains venez voir papa.

î.~s ce soir, mademoiselle Rosamonde, pas ce soir. M. Saint-John parlait comme un automate; lui seul savait combien ce refus lui coûtait d'efforts.

a Eh bien, puisque vous êtes si entêté, je vais vous quitter car je n'ose pas rester plus longtemps; la rosée commence à tomber. Bonsoir.

Elle lui tendit la main; il la toucha à peine.

< Bonsoir, e répéta-t-il d'une voix basse et sourde comme an écho.

–EHo partit, mais raviat su boet d'an M8tttB&. < Etea-vous bien portant? B demanda-t-elle.


EMe pouvait bien faire cette question; car la 6gu)M de Sainttohn était aussi blanche que la robe de la jeune fille. < Très-bien, e répondit-il, et, après s'être incliné, il s'etoigna. Elle prit un chemin, lui un autre; deux fois elle se retourna pour le regarder, et, légère comme une fée, continua sa route à travers les champs. Quant à lui, il marchait avec fermeté et ne se retourna pas.

Ce spectacle de la souffrance et du sacrifice d'un autre éloigna mes pensées de mes douleurs personnelles. Diana Hivers avait déclaré que son frère étut inexorable comme la mort; elle m'avait pas exagéré.

CHAPITRE

Je continuai à m'occuper de mon école avec autant d'activité et de zèle que possible. Dans le commencement, ce fut une tâche rude; maigre tous mes efforts, il me fallut quelque temps avant de pouvoir comprendre la nature de mes éoolièros. En les voyant si incultes et si engourdies, je croyais qu'il n'y avait plus rien à espérer, pas plus chez les unes que chez les autres mais bientôt je vis que je m'étais trompée il y avait des diuérenoes entre elles, comme entre les enfants bien élevés, et, quand nous nous connûmes réciproquement, la différence se développa avec rapidité. Lorsque Fétonnement que leur causaient mon langage et mes manières eut cessé, je m'aperçus que quelques-unes étaient lourdes, endormies, grossières et agressives. Beaucoup, au contraire, se montraient obligeantes et aimables, et je découvris parmi elles d'assez nombreux exemples de politesse naturelle, de dignité et d'excellentes dispositions, qui me remplirent de bonne volonté et d'admiration. Bientôt elles prirent plaisir à bien faire leurs devoirs, à se tenir propres, à apprendre régutièrement leurs leçons, à acquérir des manières calmes et convenables. La rapidité de leurs progrès fut en quelque sorte surprenante, et j'en ressentis un orgueil légitime et heureux d'ailleurs je m'étais déjà attachée aux meilleures de mes élèves, et elles aussi m'aimaient. Parmi mes écolières, j'avais quelques filles de ferme, qui étaient déjà presque des jeunes filles. Elles savaient tire, écrire et coudre. Je leur apprenais les éléments de la grammaire, de la géographie, de l'histoire.. et les travaux de couture


tANB BYRB.


visiteuse perçait profondément le coaur du pasteur. Une sorte d'instinct semblait l'avertir lorsquelle entrait, même quand il ne !a voyait pas, même quand il regardait dans une direction tout opposée Ma porte. Dès qu'elle apparaissait, ses joues ae coteraient, ses traits de marbre changeaient presque insensiblement, malgré leurs efforts peur rester immobiles; leur calme même exprimait une ardeur contenue plus fortement que n'auraient pu le faire des muscles agites ou un regard passionné. Certainement elle connaissait son pouvoir, et M. Rivers ne le lui cachait pas, parce qu'il ne le pouvait pas. En dépit de son stoïcisme chrétien, quand elle s'adressait a lui, il lui envoyait un sourire gai, encourageant et même tendre sa main tremblait et ses yeux brûlaient: si ses lèvres restaient muettes, il semblait dire par aon regard triste et résolu < Je vous aime et je sais que vous avez une préférence pour moi; si je me tais, ce n'est pas parce que je doute du succès; si je vous offrais mon cœur, je crois que vous l'accepteriez. Mais ce coaur a déj& été déposé sur un autel sacré; les flammes du sacrifice l'entourent, et bientôt ce ne sera plus qu'une victime consumée. » Alors elle boudait comme un enfant désappointé un nuage pensif venait adoucir sa vivacité radieuse elle retirait promptement sa main de celle de M. Rivers, et s'éloignait de lui avec une rapidité héroïque, qui ressemblait un peu à celle d'un martyr. Saint-John aurait sans doute donné le monde entier pour la suivre, la rappeler, la retenir quand elle s'enfuyait ainsi, mais il ne voulait pas perdre une seule chance d'obtenir le ciel, ni abandonner pour son amour l'espérance d'un paradis vrai et éternel et d'ailleurs une seule passion ne pouvait pas suffire à sa nature de pirate, de poëte et de prêtre. N ne pouvait, il ne voulait pas renoncer au rude combat du missionnaire pour les salons et la paix de Vale-Hall. J'appris tout ceci dans une conversation où, en dépit de sa réserve, j'eus l'audace de lui arracher cette confidence.

Souvent déjà Mlle Oliver m'avait fait l'honneur de venir me visiter dans ma ferme. Bientôt je la connus tout entière, car il n'y avait en elle ni déguisement ni mystère elle était coquette, mais bonne; exigeante, mais pas égoïste; on l'avait toujours traitée avec beaucoup trop d'indulgence, et pourtant on n'avait pas réussi la gâter entièrement. Elle était vive, mais avait un bon naturel; pouvait-elle ne pas être vaine? chaque regard qu'elle dirigeait du coté de sa glace lui montrait un easemM~ si charmant t mais elle n'était pas affectée. Elle n'avait aucun orgueil de ses richesses; elle était généreuse, naïve, suffisam.


ment intelligente, gaie, vive, mais légère elle était charmante enfin, même aux yeux d'une froide observatrice comme moi; mais elle n'était pas profondément intéressante, et ne vous laissait pas une vive impression. Elle était bien loin de ressembler aux soeurs de Saint-John, par exemple. Cependant je l'aimais presque autant qu'Adèle, si ce n'est pourtant qu'on accorde à l'entant surveillé et instruit par soi une affection plus intime qu'à la jeune fille étrangère douée des mêmes charmes. Elle s'était prise pour moi d'un aimable caprice elle prétendait que je ressemblais à M. Rivera c Seulement, disait-elle, vous n'êtes pas si jolie, bien que vous soyez une gentille et mignonne petite créature; mais lui, c'est un ange. Cependant vous êtes bonne, savante, calme et ferme comme lui; faire de vous une maîtresse d'école dans un village, c'est un lusus o<t<Mrœ; je suis sûre que, si l'on connaissait votre histoire, on en ferait un délicieux roman. »

Un soir qu'avec son activité enfantine et sa curiosité irrénéchie, mais nullement offensante elle fouillait dans le buffet et dans la table de ma petite cuisine, elle aperçut d'abord deux livres français, un volume de Schiller, une grammaire allemande et un dictionnaire, puis ensuite tout ce qui m'était nécessaire pour dessiner, quelques esquisses, entre autres, un petit portrait au crayon d'une de mes élèves qui avait une véritable tête d'ange, quelques vues d'après nature, prises dans la vallée de Morton et dans les environs elle fut d'abord étonnée, puis ravie.

< Est-ce vous qui avez fait ces dessins? me demandât-elle, savez-vous le français et l'allemand? Quel amour vous faites! 1 quelle petite merveille t Vous dessinez mieux que mon maitre de la première pension de S* Voulez-vous esquisser mon portrait, oour que je le montre à papa? '1

Certainement 1 répondis-je.

Je sentais un plaisir d'artiste & l'idée de copier un modèle st parfait et si éblouissant. Elle avait une robe de soie bleu foncé; .on cou et ses bras étaient nus; elle n'avait pour tout ornement que ses beaux cheveux châtains, qui flottaient sur son cou avec toute la grâce des boucles naturelles. Je pris une feuille de beau carton, et je dessinai soigneusement les contours de son charmant visage. Je me promis de colorier ce dessin; mais, comme < était déjà tard, je lui demandai de revenir poser un autre

tour.

Elle parla de moi à son père avec tant d'éloges, que celui-ci raccompagna le soi. suivant. C'était un homme grand, aux


traita massifs, d'Age mur, et dont les cheveux grisonnaient. Sa nUe, debout à ses cotés, avait l'air d'une brillante fleur près d'une tourelle moussue. Il paraissait taciturne, peut-être orgueilleux; mais il fut très-bon pour moi. L'esquisse du portrait de Rosamonde lui plut beaucoup il me demanda d'en faire une peinture aussi perfectionnée que possible; il me pria aussi de venir le lendemain passer la soirée à Vale-Uall.

J'y allai. Je vis une maison grande, belle, et qui prouvait la richesse de son propriétaire. Rosamonde fut joyeuse et animée tout le temps que je restai là; son père fut très-aHaMe; et lorsqu'après le thé il se mit à causer avec moi, il m'exprima trèschaleureusement aon approbation pour ce que j'avais fait dans l'école de Morton.

< Mais, ajouta-t-il, d'après tout ca que je vois et tout ce que j'entends, j'ai peur que vous ne soyez trop supérieure pour une semblable place et que vous ne la quittiez bientôt pour une qui vous plaira mieux.

Oh 1 oui, certainement, papa, s'écria Rosamonde, elle est bien assez instruite pour être gouvernante dans une grande famille.

J'aime bien mieux être ici que dans une grande famille, » pensai-je.

M. Oliver me parla de M. Rivers et de toute sa famille avec beaucoup de respect il dit que c'était un vieux nom, que ses ancêtres avaient été riches, que jadis tout Morton leur avait appartenu, et que maintenant même le dernier descendant de cette famille pouvait, s'il le voulait, s'ailler aux plus grandes maisons. n trouvait triste qu'un jeune homme si beau et si rempli de talents eût formé le projet de partir comme missionnaire; c'était perdre une vie bien précieuse. Ainsi, il était évident que M. Oliver ne voyait aucun obstacle à une union entre Saint-John et Rosamonde. Il regardait la naissance du jeune ministre, sa profession sacrée, son ancien nom, comme des compensations bien suffisantes au manque de fortune.

On était au & de novembre, jour de congé; ma petite servante était partie après m'avoir aidée à nettoyer ma maison, et bien contente de deux sous que je lui avais donnés pour récompenser son zèle. Tout était propre et briUamt autour de moi; le sol bien sablé, la grille bien luisante elles chaises frottées avec soin. Je f'étaia habillée proprement, et j'étais libre de passer mon après-midi comme bon me semblerait.

Pendant une heure, je m'occupai à traduire quelques pages d'allemand; ensuite je pria ma palette et mes crayons, et je me


mis & M travail plus agréable et plus tacite. J'entrepris d'aeaa. ver la miniature de Rosamonde Oliver. La tète était presque finie il n'y avait plus qu'a peindre le fond, & nuancer les drapefiea, à ajouter une couche de carmin aux lèvres, un mouvement plus gracieux à certaines boucles, une teinte plus sombre à l'ombre projetée par les cils au-dessous des paupières azurées. J'étais occupée à ces charmants détails, quand quelqu'un frappa rapidement & ma porte, qui s'ouvrit aussitôt. Saint-John entra. e Je viens voir comment vous passez votre jour de congé, dit.il pas à penser, j'espère. Mais je vois que non; voilà qui est bien; pendant que vous dessinez, vous vous sentez moins seule. Vous voyez que je me défie encore de vous, bien que vous vous soyez parfaitement soutenue jusqu'ici. Je vous ai apporté un livre pour vous distraire ce soir. Et il posa sur la table un poëme nouvellement paru, une de ces productions du génie dont le public de ces temps-là était si souvent favorisé. C'était l'âge d'or de la littérature moderne. Hélas 1 les lecteurs de nos jours sont moins heureux. Mais, courage 1 je ne veux ni accuser ni désespérer. Je sais que la poésie n'est pas morte ni le génie perdu. La richesse n'a pas le pouvoir de les enchaîner on de les tuer; un jour tous deux prouveront qu'ils existent, qu'ils sont là libres et forts. Anges puissants réfugiés dans le ciel, ils sourient quand les &mes sordides se réjouissent de leur mort et que les âmes faibles pleurent leur destruction. La poésie détruite, le génie banni 1 Non médiocrité, non, que l'envie ne vous suggère pas cette pensée. Non-seulement ils vivent, mais ils règnent et rachètent; et, sans leur influence divine qui s'étend partout, vous seriez dans l'enfer de votre propre pauvreté. Pendant que je regardais avidement les pages de Marmion (car c'était un volume de Marmion), Saint-John s'arrêta pour examiner mon dessin; mais il se redressa en tressaillant et ne dit rien. Je levai les yeux sur lui, il évita mon regard; je connaissais ses pensées et je pouvais lire clairement dans son coanr. J'étais alors plus calme et plus froide que lui; j'avais un avantage momentané; je conçus le projet de lui faire un peu de bien, si je le pouvais.

< Avec toute sa fermeté et toute sa domination sur lui-même, pensai-je, il s'impose une tâche trop rude. 11 enferme en lui tous ses sentiments et toutes ses angoisses; il ne confesse rien; M ne s'épanche jamais. Je suis sûre que cela lui ferait du bien de parler un peu de cette belle Rosamonde qu'il ne pense pas devoir épouser je vais tâcher de le faire causer. Je lui dis d'abord de prendre une chaise; mais il me répondit,


comme toujours, qu'il n'avait pas le temps de rester. <r Très-Mac, me dis-je tout bas. restez debout ai vous voulez; mais vous no partirez pas maintenant, j'y suis bien résolue. La solitude voua est au moins aussi funeste qu'à moi; je vais essayer d'obtenir votre connanoe, et de trouver dans cette poitrine de marbre une ouverture par laquelle je pourrai vous verser quelques gouttes du baume de la sympathie. Ce portrait est-il ressemblant? demandai-je tout à coup.

Ressemblant à qui? Je ne l'ai pas regardé attentivement. Pardon, monsieur Rivera, vous l'avez regarde. Il tressaillit de ma franchise soudaine et étrange il me regarda avec étonnement. a Ohl ce n'est encore rien, pensai-je; je ne me laisserai pas intimider par un peu de roideur de votre part; je suis décidée à pousser très-loin. <

Je continuai

c Vous l'avez regarde de près et attentivement; mais je ne ~'oppose pas & ce que vous le regardiez encore. » Je me levai et je plaçai le dessin dans sa main.

a C'est une peinture bien exécutée, dit-it les couleurs sont douces et claires, le dessin correct et gracieux.

Oui, oui, je le sais; mais que dites-vous de la ressemblance ? à qui ce portrait ressembte-t-il?

Dominant son hésitation, il répondit

< A Mlle Oliver, je pense.

Certainement. Et maintenant, monsieur, pour vous récompenser d'avoir si bien deviné, je vous ferai une seconde copie aussi fidèle et aussi soignée que celle-ci, pourvu que vous me promettiez de l'accepter. Je ne voudrais pas passer mon temps à un travail que vous regarderiez comme indigne de vous. e Il continuait à regarder le portrait; plus il le contemplait, plus il le tenait fortement, plus il semblait le couver des yeux. < C'est ressemblant, murmura-t-il les yeux sont bien la couleur, la lumière, l'expression, tout est parfait; ce portrait sourit.

Aimeriez-vous & en avoir un semblable, ou bien cela vous blesserait-il? Dites-le-moi. Quand vous serez à Madagascar, au Cap ou aux Indes, serait-ce une consolation pour vous de posséder ce souvenir ou bien cette vue vous rappellerait-elle des pensées tristes et énervantes?

Il leva furtivement les yeux, me regarda d'nn air irFésolu et troublé, puis contempla de nouveau le portrait.

c U est certaip que j'aimerais à l'avoir, dit-il; mais serait-e< sage C'est une autre auestion. »


Depuis que j'étais paraaadéeqae Rosamonde avait une préférence pour lui et que M. Oliver ne s'opposerait pas au mariage, ootaa<e j'étais moins exaltée dans mes opinions que Saint-John, j'avais résolu de faire tous mes efforts pour que cette union s'accomplît. JI me semblait que si M. Rivers devenait possesseur de la belle fortune de M. Oliver, il ferait autant de bien qu'en allant nétrir son génie et perdre sa force sous le soleil des tropiques. Dans la persuasion où j'étais, je répondis e Autant que je puis en juger, je trouve qu'il serait plus sage & vous de prendre l'original que le portrait. II

Pendant ce temps, il s'était assis il avait posé le portrait devant lui sur la table, et, le front appuyé dans ses deux mains, le regardait tendrement. Je vis qu'il n'était ni fâché ni choqué de mon audace je vis même qu'en lui parlant ainsi franchement d'un sujet qu'il regardait comme inabordable, en s'adressant librement à lui, on lui faisait éprouver un plaisir nouveau, un soulagement inattendu. Les gens réservés ont souvent plus besoin que les gens expansifs d'entendre parler ouvertement de leurs sentiments et de leurs douleurs. Le plus stoïque est homme, après tout; et se précipiter avec hardiesse et bonne volonté dans son âme solitaire, c'est souvent lui rendre le plus grand des services.

a Elle vous aime, j'en suis sûre, dis-je en me plaçant derrière sa chaise; et son père vous respecte. Puis c'est une charmante enfant; un peu irréfléchie, il est vrai, mais vous avez assez de raison pour tous deux. Vous devriez l'épouser.

M'aime-t-elle? demanda-t-il.

Certainement, plus qu'aucun autre; elle parle toujours de vous; nul sujet ne la réjouit tant, et c'est à cela qu'elle revient le plus souvent.

–J'aime & vous entendre, dit-il; parlez encore un quart d'heure. »

II retira sa montre et la posa sur la table pour mesurer le temps. < Mais pourquoi continuer, demandai-je, si pendant ce temps vous préparez quelque raisonnement puissant pour me contredire, ou si vous forgez un lien nouveau pour enchaîner votre cœur? y

Ne vous imaginez pas cela; croyez plutôt que je cède et que mon cœur s'amollit. L'amour humain s'élève en moi comme une fraîche fontaine qu'on vient d'ouvrir, et inonde de ses flots si doux le champ que j'avais préparé avec tant de soins et tant de labeurs, que j'avais assidûment ensemencé de bonnes im~ tentions et de renoncement à moi-même; et maintenant il eat


englouti sous une onde délicieuse, les germes nouveaux sont rongés par un poison enivrant. Je me vois étendu sur une ottomane du salon de Vale-Hall, aux pieds de ma Cancée Rosamonde Oliver; elle me parle avec sa douce voix me regarde avec ses yeux que votre main habile a si bien su reproduire, me sourit avec ses lèvres si vermeilles. Elle est à moi, je suis à elle cette vie présente, ce monde d'un jour me suffit. Taisezvous ne dites rien; mon cœur est rempli d'extase, mes sens de délices. Laissez passer en paix le temps que j'ai marqué 1 » La montre continuait à marcher; il respirait vite et bas je restais muette. Le quart d'heure s'écoula au milieu de ce silence. M. Saint-John reprit sa montre, reposa le portrait, se leva et se tint debout devant le foyer.

« Maintenant, dit-il, j'ai voulu accorder ce court instant au délire et à l'illusion; j'ai reposé mes tempes sur le sein de la tentation; j'ai volontairement placé mon cou sous son joug de Beurs; j'ai goûté à sa coupe. L'oreiller est brûlant; un serpent est caché dans la guirlande; le vin est amer; ses promesses sont vides et ses offres fausses je le vois et je le sais. Je le regardai avec étonnement.

< n est étrange, poursuivit-il, qu'au moment où j'aime si ar* demment Rosamonde Oliver, où je l'aime avec toute la violence d'une première passion dont l'objet est parfaitement beau, gracieux et fascinant, j'éprouve aussi une certitude complète qu'elle ne serait pas une bonne femme pour moi, qu'elle n'est pas la compagne qui me convient, et qu'après un an de mariage je m'en apercevrais bien, et qu'à douze mois d'enivrement suc. céderait une vie de regret, je le sais. »

Je ne pus m'empêcher de m'écrier

< C'est étrange, en effet 1 Il

Il continua

< Si je suis sensible à ses charmes, je suis aussi vivement frappé par ses défauts; ils sont de telle nature qu'elle ne pourrait sympathiser en rien avec moi; elle ne comprendrait pas mes aspirations; elle ne pourrait pas m'aider dans mes entreprises. Rosamonde souffrir, travailler, être apôtre Rosamonde devenir la femme d'un missionnaire; non, c'est impossible 1 Mais vous n'avez pas besoin d'être un missionnaire; vous pouvez renoncer à ce projet.

Y renoncer? Ne savez-vous donc pas que c'est ma vocation, ma grande œuvre, les fondements que je pose sur la terre pour ma demeure céleste, mon espérance d'être compté parmi ceux qui ont étouffé toute ambition Mur le désir glorieux d'à' .)At)t! EYM M tl


méUorer leurs frères, de remplacer la guerre par la paix, t es< olavage par la liberté, la superstition par la religion, la crainte do l'enfer par l'eapdranea du ciol~ Renoncer à ce projet qui m'est plus cher que le sang de mes veines) C'est de ce côté-H à que je dois diriger mes regards, c'est dans ce but que je dois vivre.

Après une longue pause, je repris:

< Et MUe Oliver, vous est-il indifférent de lavoir ma!heureuseï f Mue Oliver est entourée de courtisans et de flatteurs. Dans moins d'un mois mon image sera effacée de son cœur elle m'oubliera et se mariera probablement à quelqu'un qui la rendra plus heureuse que je n'aurais pu le faire.

Vous parlez froidement; mais cette lutte vous fait souffrir; vous changez.

Non; si je change un peu, c'est l'inquiétude que me causent mes projets dont l'exécution est encore mal assurée; ce matin même j'ai appris que mon successeur, dont j'attends depuis si longtemps l'arrivée, ne sera pas prêt à me remplacer avant trois mois, peut-être six.

Vous tremblez et vous rougissez quand Mlle Oliver entre dans l'école, »

Sa figure prit de nouveau une expression de surprise il ne pensait pas qu'une femme oserait parler ainsi à un homme. Quant à moi, je me sentais sur mon terrain je ne pouvais pas entrer en communication avec les esprits forts, discrets et raïnnés, soit d'hommes, soit de femmes, avant devoir dépasse les limites d'une réserve conventionnelle, avant d'avoir franchi le seuil de leurs confidences et pris ma place près du foyer de leurs

cœurs.

« Vous êtes originale, me dit-il, et nullement timide. Votre esprit est brave autant que votre œil est pénétrant mais laissezmoi vous assurer que vous interprétez mal mes émotions vous les croyez plus fortes et plus puissantes quelles ne le sont, vous m'accordez plus de sympathie que je n'ai le droit d'en .réclamer. Quand mes joues se colorent et quand je tremble devant MUe Oliver, je ne me plains pas; je méprise ma faiblesse; ji sais qu'elle est vile c'est une fièvre de la chair; mais, je vous le dis en vérité, ce n'est pas une convulsion de l'âme; non mon âme est aussi ferme que le rocher nxé sous les profondeurs de la mer agitée. Connaissez-moi pour ce que je suis, c est.à.. dire pour un homme &uid et dur. i'

Je sonris d'un air incrédule.

<Vou< vous êtes emparée de ma connance. par force, conti-


nua-t-U; maintenant elle est toute à votre service; si Fon pouvait me dépouiller de ce vêtement de chair dont le chrétien recouvre les difformités humaines vous verriez que je suis simplement un homme dur, froid et ambitieux. De tous les sens timents, l'affection naturelle a seule conservé un pouvoir constant sur moi; la raison est mon guide, et non pas le sentiment; mon ambition est illimitée, mon désir de m'élever plus haut, de faire plus que les autres, est insatiable. J'honore la patience, la persévérance, l'industrie et le talent, parce que ce sont des moyens pour l'homme d'accomplir de grandes choses et de s'élever. Je vous examine avec intérêt, parce que je vois en vous une femme active, sage et énergique, et non pas parce que je vous plains profondément de ce que vous avez déjà souffert, et de co que vous souffrez encore.

Mais alors, dis-je, vous ne seriez qu'un philosophe païen*! 1 Non; il y a une différence entre moi et les déistes je crois, et je crois al'Ëvangile. Vous vous êtes trompée de nom; je ne suis pas un philosophe païen, mais un philosophe chrétien de la secte de Jésus; comme son disciple, j'accepte ses doctrines généreuses, pures et miséricordieuses; je suis décidé à les prêcher. Ëlové jeune dans la religion, écoutez ce qu'elle a su faire de mes qualités innées. Avec ce petit germe d'affection naturelle que j'avais en moi, elle a su développer l'arbre puissant de la philanthropie; je possédais les racines sauvages et incultes de la droiture humaine, elle m'a fait comprendre la justice de Dieu; j'étais ambitieux d'acquérir du pouvoir et du renom pour moimême, elle m'a inspiré la noble ambition de prêcher le royaume de mon maître, de remporter des victoires sous l'étendard de la croix: Voilà ce qu'a fait la religion, voilà comment elle a su purifier ce qu'elle a trouvé en moi, tailler et dresser ma nature; mais elle n'a pas pu la détruire, rien ne la détruira jusqu'au jour où ce corps mortel passera dans l'éternité. » Après avoir dit ces mots, il prit son chapeau, qui était posé sur la table à coté de ma palette il regarda encore une fois le portrait.

< Elle est belle, murmura-t-il; c'est bien en vérité la rose au monde.

Vous ne voulez pas que je vous fasse son portrait? A quoi bon? non. »

Il recouvrit le portrait de la feuille de papier fin sur laquelle j'avais l'habitude da m'appuyer le bras quand je peignais, afin de ne pas tacher mon caf~n. Je ne sais ce qu'il aperçut tout à coup sur cette fouille; mais quelque chose attira ses yeux; il la


prit brusquement, contempla le bord, me jeta un regard singa.lier et incompréhensible, un regard qui semblait vouloir m'examiner moi et ma toilette, car il le promena sur toute ma personne avec la rapidité de l'éclair ses lèvres s'ouvrirent comme s'il allait parler, mais il s'arrêta.

«Qu'y a-t-il? demandai-je.

Ri~n, me répondit-il; etremettantle papier à sa place, je le vis déchirer rapidement nn petit morceau du bord de la feuille. Ce papier disparut dans son gant; puis il me salua rapidement, me dit adieu et disparut.

A mon tour j'examinai le papier, mais je n'y vis rien, sinon quelques traits que j'avais faits pour essayer mon crayon. Je pensai à cet événement pendant une minute ou deux; mais ne pouvant pas découvrir ce mystère, et persuadée d'ailleurs qu'il ne devait pas avoir une grande importance, je n'y pensai bientôt plus.

CHAPITRE XXXIII.

Quand M. Saint-John partit, la neige commençait à tomber, la tempête continua toute la nuit. Le jour suivant, un vent aigu amena des tourbillons de neige froids et épais; vers le soir, la vallée était presque impraticable. J'avais fermé mes persiennes et mis une natte devant la porte pour empêcher la neige d'entrer par-dessous. J'avais arrangé mon feu, et, après être restée une heure assise sur le foyer pour écouter la tempête, j'allumai âne chandelle, je pris Marmion, et je me mis à hre la strophe suivante < Le soleil se couchait derrière les montagnes de Norham, couvertes de châteaux, derrière les belles rives de la Tweed large et profonde, et les Cheviots solitaires. Les tours massives, le donjon qui les garde et les murailles qui les entourent, brillent d'une lueur jaunâtre, a

L'harmonie des vers me fit bientôt oublier l'orage.

J'entendis du bruit je pensai que c'était le vent qui frappait contre la porte. Mais non; c'était Saint-John Rivers qui to~r.nait le loquet. Il était venu travers ce froid ouragan et cette obscurité bruyante. Il se tenait debout devant moi; le manteau qui le recouvrait était aussi blanc qu'un glacier. Je demeurai stupéfaite, car je ne m'attardais pas 4 aveu- un hûte ce ~OM-J~


Va-t-il quelque mauvaise nouvelle? demandai-je, est-U tHrive quelque chose?

Non. Comme vous vous inquiétez facilement 1 e me rêpon"dit-il en suspendant son mantau à la porte, vers laquelle il repoussa froidement la natte que son entrée avait dérangée. Il secoua la neige de ses souliers. < Je vais salir votre chambre, dit-it; mais il faut m'exouser pour une fois. a Alors il s'approcha du feu. < Je vous assure que j'ai eu bien de la peine à arriver ici, dit-il en réchauaant ses mains à la flamme du foyer. Un moment j'ai enfoncé jusqu'à la ceinture; heureusement la neige est encore molle. s

Je ne pus pas m'empêcher de dire

< Mais pourquoi êtes-vous venu? t

C'est une question peu hospitalière à faire & un visiteur; mais, puisque vous me le demandez, je vous répondrai que c'est simplement pour causer avec vous. J'étais fatigué de mes livres muets et de ma chambre vide. D'ailleurs, depuis hier, je suis dans l'état d'une personne à qui l'on a dit la moitié d'une histoire et qui est impatiente d'en connattre la fin. »

Il s'assit. Je me rappelai sa conduite singulière de la veille, et je commençai à craindre pour sa tête en tout cas, s'il était fou sa folie était bien froide et bien recueillie. Je n'avais jamais vu ses beaux traits aussi semblables à du marbre, qu'au moment où, jetant de coté ses cheveux mouillés par la neige, il laissa la lumière du foyer briller librement sur son front et ses joues si pâles. Je fus attristée en remarquant les traces évidentes du souci et du chagrin. J'attendais, espérant qu'il allait dire quelque chose que je pourrais au moins comprendre. Mais sa main était posée sur son menton, ses doigts sur ses lèvres il pensait. Je fus frappée en voyant que sa main était aussi dévastée que sa figure. Une pitié involontaire s'empara de moi et je m'écnai

< Je voudrais que Diana et Marie pussent demeurer avec vous il est mauvais pour vous de vivre seul, et vous êtes trop indifférent sur votre santé.

Pas du tout, dit-il, je prends soin de moi quand c'est nécessaire; je me porte très-bien. Que me manque-t-il donc ? a

Il dit ces mots avec indifférence et d'un air absorbé, ce qui me prouva qu'à ses yeux ma sollicitude était au moins superSue. Je me tus.

Il continuait à remuer lentement son doigt sur sa lèvre supérieure. et son c~U se promenait sur la grille ardente. Trouvant


indispensable de dire quelque chose, je M demandai M la porte qu'il avait derrière lui ne lui donnait pas trop de froid. < Non, non, me répondit-il brièvement et presque brusque-

ment.

Eh bien pensai-je, taisez-vous si vous le désirez. Je vais vous laisser a vos recelons et reprendre mon livre. a Je mouchai la chandelle, et je me remis à lire Marmion. Bientôt il se redressa; ce mouvement me lit lever les yeux. 11 tira simplement de sa poche un portefeuille en maroquin, y prit une lettre qu'il lut en silence, la replia, la remit à sa place, et tomba dans une profonde méditation. Je ne pouvais pas lire en ayant sous les yeux un visage aussi impossible à sonder dans mon impatience je ne pouvais pas me tatre;peut~ être aUait-il me mal recevoir, mais tant pis, il me fallait

parle~

a Avez-vous reçu dernièrement des nouvelles de Marie et de Diana? demandai-je.

Non, pas depuis la lettre que je vous at montrée il y a huit

leurs.

~11 n'y a rien de changé pour vous? Vous ne quitterez pas l'Angleterre avant l'époque que vous m'avez indiquée Y Je le crains; ce serait un trop grand bonheur pour que je

puisse y compter. D

~rrivee~?changeai le sujet de maoonversation. Je me mis à parler de mon école et de mes élèves.

"La mère de Marie Garrett est mieux, dis-je. Marie est revenue à l'école ce matin, et la semaine prochaine j'aurai quatre élèves nouvelles de Foundry-Close sans la neige, elles seraient venues aujourd'hui.

-En vérité ? t

M. Oliver paye la pension de deux d'entre elles.

–Ah! 1

D régalera toute l'école à Noël.

-Je le sais.

Est-ce vous qui le lui avez oonsetUëT

-Non.

Qui est-ce donc? t

–SanUe, je crois.

C'est bien d'elle; elle est si bonne 1

()ni. »

~no nouvelle pause. L'horloge sonna huit heures; ce bruit le tira de sa méditation. N décroisa ses jambes, se redressa et se tourna de ~on o&té


<r Laissez vetM Hwe un instant, diM!, et api~roohez-veus un peudufeu.* Il

J'étais de plus en plus étonnée.

< 11 y a une demi-heure, dit-il, je vous ai parlé de mon impatience de connaître la suite d'sne histoire; j'airéCéohi depuis qu'il valait mieux que je fusse le narrateur et vous l'auditeur. Avant de commencer, ii est bon de vous avertir que l'histoire vous semblera un peu ancienne; mais de vieux détails reprennent quelquefois de la fraîcheur en passant par des lèvres neavelles. Du reste, usée ou non, elle est courte.

a H y a vingt ans, un pauvre ministre (peu importe son nom maintenant) tomba amoureux d'une jeune Nie riche la jeune fille aussi l'aimait, et elle l'épousa, malgré les conseils de ses amis, qui la renièrent aussitôt après son mariage au bout de deux ans, ce couple téméraire avait cesse d'exister, et tous deux étaient tranquillement couchés sous une même pierre. J'ai vu leur tombeau dans le grand cimetière qui entoure la sombre et triste église d'une immense ville manufacturière, dan~ le comté de* Ils laissèrent une fille qui, dès sa naissance, fut reçue par une charité froide comme les amas de neige dans lesquels j'ai enfoncé ce soir. L'enfant abandonnée fut portée dans la demeure d'un riche parent de sa mère; elle fut élevée par une tante appelée (maintenant j'arrive aux noms) Mme Reed, de Gateshead. Vous tressaillez avez-vous entendu du bruit? C'est probablement un rat qui gratte le mur de l'école avant que je la fisse réparer, c'était une grange, et les granges sont généralement hantées par les rats. Mais continuons notre récit. Mme Reed garda l'orpheline pendant dix années je ne sais si elle fut heureuse ou non personne ne me l'a dit. Au bout de ce temps, l'enfant fut envoyée dans un endroit que vous connaissez, à l'école de Lowood, où vous-même avez demeuré. Il paraît que sa conduite fut honorable; d'élève, elle devint maîtresse comme vous. Je suis frappé du rapport qu'il y a entre son histoire et la vôtre. Elle quitta Lowood pour se faire gouvernante; voyez, ici encore vos deux destinées sont semblables; elle entreprit l'éducation de la pupille d'un certain M. Rochester. Monsieur Riverst m'écriai-je.

Je devine vos sentiments, dit-il, mais réprimez-les un instant j'ai presque 6ni, écoutez-moi jusqu'au bout. Je ne sais rien sur M. Rochester, si ce n'est qu'il offrit un mariage honorable à cette jeaM«He, et que, devant l'autel, on découvrit qu'il avait une femme vivante, mais folle; je ne connais ni ses desseins ni sa conduite après <wtte découverte. Il arriva un évene-


ment qui rendit nécessaire de rocheroher la gouvernante on apprit qu'elle était partie personne ne put savoir quand, comment, ni pour aller oo; elle avait quitté le château de Thornneld pendant la nuit. Toutes les recherches sont restées infructueuses on a parcouru tout le pays sans avoir pu rien apprendre sur elle et pourtant il est indispensable qu'on la trouve; on a écrit dans tous les journaux moi-même j'ai reçu une lettre d'un M. Briggs, procureur où l'on me communiquait les détails que je viens de vous rapporter; n'est-ce pas une histoire étrange? 9

-Répondez-moi seulement à ce que je vais vous demander, dis-je; vous le pourrez certainement. Qu'avez-vous appris sur M. Rochester? Où est-il? que fait-il? se porte-t-il bien? '1 Je ne sais rien sur M. Rochester; la lettre n'en parle que pour mentionner son dessein illégal. Vous devriez plutôt me demander le nom de la gouvernante et l'événement qui rend sa présence indispensable.

Personne n'est donc allé au château de Thornneld? personna n'a donc vu M. Rochester ? F

Je ne pense pas.

Lui a-t-on écrit? Y

Certainement.

Et qu'a-t-il répondu? Qui a sa lettre? Y

–M. Briggs me dit que la réponse à sa demande n'a pas été faite par M. Rochester, mais par une dame qui signe Alice Fairfax.'

Je me sentis froide et consternée. Ainsi mes craintes étaient fondées il avait probablement quitté l'Angleterre et, dans son désespoir, était retourné ve"sun de ses anciens repaires du continent et quels adoucissements avait-il cherchés à ses cruelles souffrances, quels objets pour satisfaire ses fortes passions ? Je n'osais pas répondre à cette question. Oh mon pauvre maître 1 lui qui avait presque été mon mari lui que j'avais si souvent appelé mon cher Edouard 1

< Cet homme devait être mauvais, observa M. Rivers. Vous ne le connaissez pas, ne le jugez pas ainsi! m'écriaije avec chaleur.

Très-bien, me dit-il tranquillement; du reste je suis occupé d'autre chose que de lui, j'ai mon histoire à finir. Puisque vous ne voulez pas me demander le nom de la gouvernante, je vais voua le dire moi-'féme; attendez, je l'ai ici il vaut tou° jours mieux avoir les choses importantes soigneusement écrites sur le papier. »


il prit de nouveau son portefeuille, l'ouvrit, et y chercha quelque chose; de l'un des compartiments il tira un vieux morceau de papier qui semblait avoir été ddchirë brusquement. Je reconnus la forme et les traits de pinceau de ditférenttiS couleurs du morceau enlevé au papier qui recouvrait le portrait de Mlle Oliver. Saint-John se leva, le tint devant mes yeux, et je lus, traces en encre de Chine et par ma propre main, les mots 7<me Eyre. J'avais probablement écrit cela dans un moment d'oubli.

a Briggs, continua-t-il, me parlait d'une Jane Eyre, et c'était également ce nom qui se trouvait dans les journaux je connaissais une Jane Elliot; je confesse que j'avais des soupçons, mais je ne fus certain qu'hier dans l'après-midi. Avou~-vaus votre nom et renoncez-vous &u pseudonyme? y

Oui, oui; mais où est M. Briggs? Il en sait peut-être plut long que vous sur M. Rochester.

Briggs est a Londres; je doute qu'il sache rien sur M. Rochester ce n'est pas M. Rochester qui l'intéresse. Vous oubliez le point essentiel pour vous occuper de détails insignifiants; ~ous no me demandez pas pourquoi M. Briggs vous cherche, et pourquoi il & besoin de vous.

En Lient pourquoi?

Simplement pour vous dire que votre oncle, M. Eyre, de Madère, est mort; qu'il vous a laissé toute sa fortune, et que maintenant vous êtes riche; simplement pour cela, rien de plus. Moi, riche?

Oui, vous, une riche héritière, e

Il y eut un moment de silence.

<: U faudra prouver votre identité, continua Saint-John, mais cela n'offrira aucune difnculté, et alors vous pourrez entrer tout de arite en possession. Votre fortune est placée dans les fonds anglais. Briggs a le testament et tous les papiers nécessaires. s

C'était une phase nouvelle dans ma vie. Il est beau de sortir de l'indigence pour devenir riche subitement, c'est même très~eau; mais ce n'est pas une chose que l'on comprenne tout d'un coup et dont on puisse se réjouir entièrement dans le moment même. Il y a des joies bien plus enivrantes. Une fortune est un bonheur solide, tout terrestre, mais il n'a rien d'idéal; tout ce qui s'y r&ttache est calme, et la joie qu'on ressent ne peut pas se manifester avec enthousiasme; on ne saute pas, on ne chante pas. En apprenant qu'on est riche, on commence par songer aux responsabilités, par penser aux affaires dans le fond. on


est satisfait, mais H y a de graves souois; on se contient, oa reçoit la nouvdto de son bonheur avec un visage sérieux. D'aiUeurs, les mots testament, legs, marchent côte à côte avco les mots mort et funérailles. Mon oncle était mort c'était mon seul parent. Depuis que je savais qu'il existait, j'avais nourri l'espérance de le voir un jour; maintenant je ne le pourrai plus. Puis cet argent ne venait qu'à moi seule, et non pas à moi et a une famille qui s'en serait réjouie; à moi toute seule. Certainement c'était un bonheur je serai si heureuse d'être indépendantel Cela, du moins, je le sentais bien, et cette pensée gonnait mon cœur.

<r Ennn, vous levez la tête, me dit M. Rivers; je croyais que Méduse vous avait !ancé un de ses regards et que vous étiez changée en statue de pierre. Probablement vous allez me demander maintenant & combien monte votre fortune. -Eh bien, oui; à combien monte-t-elle? 'l

Oh cela ne vaut même pas la peine d'en parler; on dit vingt mille livres sterling, je crois; mais qu'est-ce que cela?

Vingt mille livres sterling!

Mon étonnement fut grand j'avais compté sur quatre ou cinq mille; cette nouvelle me coupa la respiration pour un instant. M. Saint-John, que je n'avais jamais entendu rire auparavant, semitalors à rire.

< Eh bien dit-il, si vous aviez commis un meurtre et si je venais vous apprendre que votre crime est découvert, vous auriez l'air moins épouvantée.

C'est une forte somme; ne pensez-vous pas qu'il y a erreur ?

Pas le moins du monde. Peut-être avez-vous mal lu les chiffres, et n'y a-t-il que 2000 ? p

C'est écrit en lettres et non pas en chiffres vingt mille. » Je me faisais l'effet d'un individu dont les facultés gastronomiques qui sont très-grandes, et tout à coup se trouve assis seul levant une table préparée pour cent. M. Rivers se leva et mit son manteau.

< Si la nuit n'était pas si mauvaise, dit-il, j'enverrais Anna vous tenir compagnie vous avez l'air si malheureuse qu'il n'eut pas très-prudent de vous laisser seule; mais la pauvre Anna ne pourrait passe tirer de la neige aussi bieM que tMui sea J<tmbeS ne sont pas aussi longues; ainsi donc je me vois obligé de vous taiaser & votKtrMtesse. Bonsoir. »


B toucha le loquet de !a porte, une pensée subite me vint. < Arrêtez une minute m'écriai je.

Eh bien?

Je voudrais savoir pourquoi M. Briggs voua a écrit pour apprendre des détails sur moi comment il vous connait, et ce qui a pu lui faire penser que, dans un pays écarte comme celuici, vous pourriez l'aider âme découvrir.

Oh me dit-il, c'est que je suis ministre, et les ministres sont souvent consultés dans les cas embarrassants. Il tourna de nouveau le loquet.

< Non, cela ne me satisfait pas 1 m'ëcriai-je.

En effet, sa réponse était à la fois si vague et si prompte, que ma curiosité, au lieu d'être satisfaite, n'en fut que piquée davantage. < Il y a quelque chose d'étrange là dedans, ajoutai-je, et je veux tout savoir.

Une autre fois.

Non, ce soir, ce soir m~me! a

Et comme il s'éloigna un peu de la porte, je me plaçai entre elle et lui. Il semblait embarrassé.

<[ Certainement, repris-je, vuus ne partirez pas avant de m'avoir tout dit.

Je préférerais que ce fût une autre fois.

Non, il le faut 1

J'aimerais mieux que vous apprissiez tout cela par Diana on par MarM.

Ces objections ne faisaient qu'accroître mon ardeur; je voulais être satisfaite, et tout de suite je le !ai dis.

e Mais, reprit-il, je vous ai dit que je suis un homme dur et difttcile à persuader.

Et moi, je suis une femme dure, dont il est impossible de se débarrasser.

Je suis froid, continua-t-il, la fièvre ne saurait me gagner. Je suis ardente, et le feu fond la glace. La flamme du foyer a fa& sortir toute la neige de votre manteau; l'eau en a profité pour couler sur b sol, qui maintenant ressemble à une rue inondée. Monsieur Rivera, si vous voulez que je vous pardonne jamais le crime d'avoir souille le sable de ma cuisine, dites~moi ce que je désire savoir.

Eh bien dit-il, je cède, non pas à cause de votre ardeur, mais à cause de votre persévérance, de même que la pierre cède sous le poids de la goutte d'eau qui tombe sans cesse d'ailleurs il faudra toujours que vous le sachiez autant maintenant que plus tard. Voua vous appelez Jane Eyre?


Uertainementt nous l'avons déjà dit.

Peut-être ne savez-vous pas que je porto la mémo nom que vous? J'ai été baptisé John Eyre Rivera.

Non, en vérité, je ne la savais pas; je me rappelle avoir vu la lettre E dans les initiales gravées sur les livres que vous m'avez prêtés; je ne me suis jamais demandé quel pouvait être votre nom; mais alors certainement. s

Je m'arrêtai; je ne voulais pas entretenir, encore moins exprimer la pensée qui m'était venue; mais bientôt elle se changea pour moi en une grande probabilité; toutes les circonstances s'accordaient si bien 1 la chaîne, qui jusque-là n'avait été qu'une série d'anneaux séparés et sans forme, commençait à s'étendre droite devant moi; chaque anneau était parfait et l'union complète. Avant que Saint-John eût parlé, un instinct m'avait avertie de tout. Mais comme je ne dois pas m'attendre à trouver le m<'mo instinct chez le lecteur, je répéterai l'explica.tion donnée par M. Rivers.

<t Ma mère s'appelait Eyre, me d't-H; elle avait deux frères: l'un, ministre, avait épousé Mlle Jane Reed, de Gateshead; l'autre. John Eyre, était commerçant à Madère. M. Briggs, procureur de M. Eyre, nous écrivit, au mois d'août dernier, pour nous apprendre la mort de notre oncle et pour nous dire qu'il avait laissé sa fortune à la aile de son frère le ministre, nous rajetant à cause d'une querelle qui avait eu lieu entre lui et mon père et qu'il n'avait jamais voulu pardonner. 11 y a quelques semaines, il nous écrivit de nouveau pour nous apprendre qu'on ne pouvait pas retrouver l'héritière, et pour nous demander si nous savions quelque chose sur elle; un nom écrit par hasard sur un morceau de papier me l'a fait découvrir. Vous savez le reste.

Il voulut de nouveau partir; mais je m'appuyai le dos contre la porte.

< Laissez-moi parler, dis-je; donnez-moile temps de respirer. Je m'arrêtai il se tenait debout devant moi, le chapeau à la main, et paraissait assez calme. Je continuai

c Votre mère était la seeur de mon père?

Oui.

Par conséquent elle était ma tante? » s

Il fit un signe afnrmatif.

a Mon oncle John était votre onde? Tous, Diana et Mainte, vous Mes les enfants de sa soeur, et moi je suis la fille de seo frère?

Saas doute.


Alors voua êtes mes cousins la moitié de notre sang coule de la mémo source!

Oui, nous sommes cousins.

Je !e regardai; il me sembla que j'avais trouvé un frâre, un frère dont je pouvais être orgueilleuse et que je pouvais aimer; deux smurs dont les qualités étaient telles, qu'elles m'avaient inspiré une profonde amitié et une grande admiration, même lorsque je ne voyais en elles que des étrangères. Ces deux jeunes filles, que j'avais contemplées avec un mélange amer d'intérêt et de désespoir, lorsque, agenouillée sur la terre humide, j'avais regardé à travers l'étroite fenêtre de Moor-House, ces deux jeunes filles étaient mes parentes; cet homme jeune et grand, qui m'avait ramassée mourante sur le seuil de sa maison, m'était allié parle sang bienheureuse découverte pour une pauvre abandonnée 1 C'était là une véritable richesse, une richesse du cœur! une mine d'affections pures et naturelles C'était un bonheur vif, immense at enivrant, qui ne ressemblait pas à celui que j'avais éprouvé en apprenant que j'étais riche; car, quoique cette nouvelle eût été la bienvenue, je n'en avais ressenti qu'une joie modérée. Dans l'exaltation de ce bonheur soudain, je joignis les mains; mon pouls bondissait, mes veines battaient avec force.

< Oh 1 je suis heureuse je suis heureuse 1 Il m'écriai-je. Saint-John sourit.

< N'avais-je pas raison de vous dire que vous négligiez les points essentiels pour vous occuper de niaiseries? reprit-il. Vous êtes restée sérieuse quand je vous ai appris que vous étiez riche; et maintenant, voyez votre exaltation pour une chose sans importance.

Que voulez-vous dire? Peut-être est-ce de peu d'importance pour vous. Vous avez des sœura, vous n'avez pas besoin d'une cousine; mais moi, je n'avais personne. Trois parents, ou deux, si vous ne voulez pas que je vous compte, viennent de naître pour moi. Oui, je le répète, je suis heureuse t Je me promenai rapidement dans ma chambre; puis je m'arrêtai, suffoquée par les pensées qui s'élevaient en moi, trop rapides pour que je pusse les recevoir, les comprendre et les mettre en ordre. Je songeais à tout ce qui pourrait avoir lieu et aurait lieu avant longtemps; je regardais les murailles blanches, et je crus voir un ciel couvert d'étoiles, dont chacune me conduisait vers un but délicieux. Enfin,je pouvais faire quelque chose pour ceux qui m'avaient sauvé la vie, et que jusque-là j'avais aimés d'un amour inutile. Ils étaient sous un ioug, et je pouvais


leur rendra !a!iberM; ils étaient éloignas les uns des autres, et je pouvais les réunir; l'indépendance et la richesse qui m'appar.tenaient pouvaient leur appartenir aussi. N'étions-nous pas quatre? Vingt mille livres, partagées en quatre, donnaient cinq mille livres à chacun; c'était bien assez. Justice serait faite et notre bonheur mutuel assuré. La richesse ne m'accablait plus, ce n'était plus un legs de pièces d'or, mais un héritage de vie, d'espérances et de joies.

Je ne sais quel air j'avais pendant que je songeais à toutes ces choses; mais je m'aperçus bientôt que M. Rivers avait placé une chaise derrière moi, et s'efforçait doucement de me faire asseoir. Il me conseillait d'être calme; je lui déclarai que mon esprit n'était nullement troublé; je repoussai sa main, et je me mis de nouveau à me promener dans la chambre.

c Vous écrirez demain à Marie et à Diana, dis-je, et vous les prierez de venir tout de suite ici. Diana m'a dit qu'elle et sa sœur se trouveraient riches avec mille livres sterling chacune; aussi je pense qu'avec cinq mille elles seront tout à fait satisfaites. Dites-moi où je pourrai trouver un verre d'eau, me répondit Saint-John; en vérité, vous devriez faire un effort pour vous calmer.

C'est inutile. Répondez-moi quel effet produira sur vous cette fortune? Resterez-vous en Angleterre, épouserez-vous Mlle Oliver et vous déciderez-vous à vivre comme tous les hommes?

Vous vous égarez; votre tête se trouble. Je vous ai appris cette nouvelle trop brusquement; votre exaltation dépasse vos forces.

Monsieur Rivera vous me ferez perdre patience; je suis calme; c'est vous qui ne me comprenez pas, ou plutôt qui affectez de ne pas me comprendre.

Peut-être que, si vous vous expliquiez plus clairement, je vous comprendais mieux.

M'expliquer! mais il n'y a pas d'explication à donner, n est bien facile de comprendre qu'en partageant vingt mille livres sterling entre le neveu et les trois nièces de notre oncle, il revient cinq miUe livres à chacun; tout ce que je vous demande, c'est d'écrire à vos sœurs pour leur apprendre l'héritage qu'elles viennent de faire.

C'est-à-dire que vous venez de faire.

Je vous ai déjà dit comment je considérais cela, et je ne puis pas changer ma manière de voir. Je ne suis pas grossièrement égoïste, aveuglément injuste et lâchement ingrate. D'ail


leurs je vewx avoir une demeure et des parents j'aime Mo')]~House et j'y resterai j'aime Diana et Marie, et je m'attacherai & elles pour toute la vie. Je serai heureuse d'avoir cinq mille livres mais vingt mille ne feraient que me tourmenter et puis, si cet argent m'appartient aux yeux de la loi, il ne m'appartient pas aux yeux de la justice. Je ne vous abandonne que ce qui me se. rait tout à fait inutile; je ne veux ni discussion ni opposition; entendons-nous entre nous et décidons cela tout de suite. Vous agissez d'après votre premier mouvement; il faut que vous y réfléchissiez pendant plusieurs jours, avant qu'on puisse regarder vos paroles comme valables.

Oh 1 si vous ne doutez que de ma sincérité, je ne crains rien. Vous reconnaissez la justice de ce que je dis? J'y vois en effet une certaine justice; mais elle est contraire aux coutumes. La fortune entière vous appartient; mon oncle l'a gagnée par son propre travail, il était libre de la laisser à qui il voulait; il vous l'a donnée. Après tout, la justice vous permet de la garder, et vous pouvez sans remords de conscience la considérer comme votre propriété.

Pour moi, répondis-je, c'est autant une affaire de sentiment que de conscience; je puis bien une fois me laisser aller à mes sentiments j'en ai si rarement l'ocoasion Quand même pendant une année vous ne cesseriez de discuter et de me tourmenter, je ne pourrais pas renoncer au plaisir infini que j'ai rêvé, au plaisir d'acquitter en partie une dette immense et de m'attacher des amis pour toute ma vie.

Vous parlez ainsi maintenant, reprit Saint-John, parce que vous ne savez pas ce que c'est de posséder de la fortune et d'en jouir; vous ne savez pas l'importance que vous donneront vingt mille livres sterling, la place que vous pourrez occuper dans la société, l'avenir qui sera ouvert devant vous; vous ne le savez pas.

Et vous, m'écriai-je, vous ne pouvez pas vous imaginer avec quelle ardeur j'aspire vers un amour fraternel. Je n'ai jamais eu de demeure; je n'ai jamais eu ni frères ni soeurs; je veux en avoir maintenant. Vous ne vous refusez pas à me reconnaître et à m'admettre parmi vous, n'est-ce pas?

-Jane, je serai votre frère, et mes sœurs seront vos soeurs, sans que nous vous demandions ce sacrifice de vos justes droits. –Mon frère éloigne de mille Menés, mes sœurs asservies chez des étrangers, et moi riche, gorgée d'or, sans l'avoir jamais ni gagné ni mérité! 1 Est-ce là une égalité fraternelle, une union intime, un profond attachement?


Mais, Jane, vos aspirations & une famille et à un bonheur domestique peuvent être satisfaites par d'autres moyens que ceux dont vous parlez; vous pouvez vous marier.

Non, je ne veux pas me marier. Je ne me marierai jamais. C'est trop dire; des paroles aussi irréuëohies sont une preuve de l'exaltation où vous êtes.

Non, ce n'est pas trop dire; je sais ce que j'éprouve, et combien tout mon être repousse la simple pensée du mariage. Personne ne m'épouserait par amour, et je ne veux pas qu'en me prenant on cherche simplement a faire une bonne spéculation. Je ne veux pas d'un étranger qui serait différent de moi, et avec lequel je ne pourrais pas sympathiser. J'ai besoin de mes parents, o'est-a-dire de ceux qui sentent comme moi. Dites encore que vous serez mon frère quand vous avez prononcé ces mots, j'ai été heureuse. Si vous le pouvez, rëpëtez-les avec sincérité.

Je crois que je le puis; je sats que j'ai toujours aimé mes sœurs; mon affection pour elles est basée sur le respect que j'ai pour leur valeur et sur mon admiration pour leur capacité. Vous aussi vous avez une intelligence et des principes. Vous ressemblez à mes sœurs par vos habitudes et vos goûts; votre présence m'est toujours agréable, j'ai déjà trouvé dans votre conversation un soulagement salutaire; je sens que je pourrai facilement vous faire une place dans mon cœur et vous considérer comme ma plus jeune sœur.

Merci, je me contente de cela pour ce soir. Maintenant vous feriez mieux de partir; car si vous restiez plus longtemps, vous pourriez bien m'irriter encore par vos scrupules injurieux. -Et l'école, mademoiselle Eyre? il faudra la fermer à présent, je pense? 'l

Non, je resterai à mon poste jusqu'à ce que vous ayez trouvé une autre maîtresse. s

Il sourit d'un air approbateur, me donna une poignée de main et prit congé de moi.

Je n'ai pas besoin de raconter en détail les luttes que j'eus à soutenir et les arguments que je dus employer pour que le partage du legs eut lieu comme je le désirais. Ma tâche était rude; mais comme j'étais bien résolue, et que mon cousin et mes cousines virent enfin que j'étais irrévocablement décidée à partager également, comme au fond Je leurs cœurs ils sentaient toute la justice de mon intention, et savaient bien qu'à ma place ils auraient fait ce que je désirais faire, ils se décidèrent enfin à s'en rapporter à des arbitres. Les juges furent M. Oliver et


un homme de M capable; tous deux se mirent de mon cote, et )e fus victorieuse. Les affaires furent réglées. Saint-John, Marie, Mana et moi, nous entrâmes en possession de notra fortune.

CHAPITRE XXXIV.

Quand tout fut achevé, on approchait de Noël; c'était le moment des vacances je formai l'école do Morton, après avoir pris mes mesures pour que la séparation ne fat pas stérile, du moin. de mon côté. La bonne fortune ouvre la main aussi bien que le cour; donner un pou quand on a beaucoup reçu, c'est simplementouvrirunpassageàl'ébuHitioninaccoutuméedes sensations. Depuis longtemps je m'étais aperçue avec joie que beaucoup de mes ëcoHères m'aimaient, et, quand nous nous séparâmes, je le vis plus clairement encore; elles me manifestèrent leur affection avec force et simplicité. Ma reconnaissance fut grande en voyant que j'avais vraiment une place dans ces coeurs d'enfants; je leur promis que chaque semaine j'irais les visiter et leur donner une heure de leçon.

M. Rivers arriva au moment où, après avoir examiné l'école, compté les élèves dont le nombre se montait à soixante, les avoir fait dénier devant moi et avoir fermé la porte, j'étais debout, la clef à la main, occupée à faire des adieux particuliers à une demi-douzaine de mes meilleures élèves. Il aurait été impossible de trouver chez aucun fermier anglais des jeunes filles plu~ décentes, plus respectables, plus modestes et mieux élevées; et c'est beaucoup dire car, après tout, les paysans anglais sont les mieux élevés, les plus polis et les plus dignes de toute l'Europe. J'ai vu depuis des paysannes françaises et allemandes; les meilleures m'ont paru ignorantes, grossières et stupides, comparées à mes enfants de Morton.

< Trouvez-vous que votre récompense soit assez grande pour toute une saison de travail? me demanda M. Rivers quand les enfants furent partis; n'êtes-vous pas heureuse de vous dire que vous avez fait un bien véritable à vos frères?

Sans doute.

Et vous n'avez travaillé que quelques mois. Ne trouvezvous pas qu'une vie dévouée à la régénération des hommes serait bien employée?

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Oui, répondis-je mais quant à moi, je ne pourrais pas cem' tinuer toujours cette existence j'ai besoin de jouir de mes propres facultés aussi bien que de cultiver celles des autres, etil faut que j'en jouisse maintenant. Ne rappelez ni mon corps ni mon esprit vers l'école; j'en suis sortie, et je suis disposée à proSter pleinement des vaoances. e

Le visage de Saint-John devint sérieux.

< Eh bien dit-il; quelle ardeur soudaine! que voulez-vous donc faire?

–Je veux être aussi active que possible; d'abord je vous prierai de donner la liberté à Anna et de chercher quelque autre personne pour vous servir.

Avez-vous besoin d'elle?

Oui; je voudrais qu'elle vînt avec moi à Moor-House. Diana et Marie arriveront dans une semaine, et je veux qu'elles trouvent tout en ordre.

Je comprends. Je croyais que vous vouliez partir pour faire quelque excursion j'aime mieux qu'il en soit ainsi. Anna ira avec vous.

Alors dites-lui de se tenir prête pour demain; voilà la clef de l'école, je vous remettrai bientôt celle de ma ferme, » M la prit.

< Vous avez l'air bien joyeuse, me dit-il je ne comprends pas complètement votre gaieté, parce que je ne sais pas quelle tâche va remplacer pour vous celle que vous quittez. Quelles intentions, quelles ambitions avez-vous? Enfin, quel est le but de votre vie?

Ma première intention eat de nettoyer (comprenez-vous toute la force de ce mot ? ) de nettoyer Moor-House du haut en bas; ma seconde est de frotter tout avec de la cire, de l'huile et un nombre infini de torchons, jusqu'à ce que chaque objet redevienne bien brillant; ma troisième, d'arranger les chaises et les tables, les lits et les tapis, avec une précision mathématique; ensuite, je vous ruinerai en tourbe et en charbon pour faire de bon feu dans toutes les chambres; enfin, les deux jours qui précéderont l'arrivée de vos sœurs seront employés par Anna et moi à battre des œufs, à mélanger des raisins, à râper des épices, & pétrir des gâteaux de Noël, à hacher des rissoles et & célébrer tous les rites culinaires qu'on ne peut expliquer qu'imparfaitement à ceux qui, comme vous, ne sont pas parmi les initiés. En un mot, mon intention est de tenir toute chose prête et en parfait état pour l'arrivée de Marie et de Diana; mon ambition est de leur montrer le beau idéal d'une réception attëctueusa. z


Saint-Jena sourit Mgèfemmt; cependant il paraissait mécontent.

< Tout cela est très-bien pour le moment, dit-H; mais sérieusement, j'espère que quand le premier flot de vivacité sera passé, vous regarderez un peu plus haut que les charmes domestiques et les joies de la famiHe.

C'est ce qu'il y a de meilleur dans le monde, m'écriai-je. Non, Jane, non. Ce monde n'est pas un lieu de jouissance ne cherchez pas à en faire un paradis; ce n'est pas un lieu de repos ne devenez pas indolente.

Au contraire, je veux être active.

Jane, je vous pardonne pour le moment; je vous accorde deux mois pour jouir pleinement de votre nouvelle position et du bonheur d'avoir trouvé des parents; mais alors j'espère que vous regarderez au delà de Moor-House, de Morton, des achetions fraternelles, du calme égoïste et du bien-être sensuel que procure la civilisation; j'espère qu'alors vous serez de nouveau troublée par la force de votre énergie. s

Je le regardai avec surprise.

< Saint-John, dis-je, je trouve mat à vous de parler ainsi; je suis disposée à être heureuse et vc-~ voulez me pousser à l'agitation. Dans quel but?

Dans le but de vous exciter à mettre à profit les talents qu Dieu vous a conSés et dont un jour il vous demandera certainement un compte rigoureux. Jane, je vous examinerai de près et avec anxiété. Je vous en avertis, j'essayerai de dominer cette nèvre ardente qui vous précipite vers les joies du foyer. Ne vous attachez pas avec tant de force à des liens charnels; gardez votre fermeté et votre enthousiasme pour une cause qui en oit digne; ne les perdez pas pour des objets vulgaires et passagers. Me comprenez-vous, Jane?

Oui, comme si vous parliez grec. Je sens que j'ai de bonnes raisons pour être heureuse, et je veux l'être. Adieu 1 En effet, je fus heureuse à Moor-House. Anna et moi, nous nous donnâmes beaucoup de peine; elle était charmse de voir qu'au milieu de tout l'embarras d'un arrangement, j~ savais être gaie, brosser, épousseter, nettoyer et faire la cuisine. Du reste, après un ou deux jours de confusion, nous eûmes le plaisir de voir l'ordre se rétablir petit à petit au milieu de ce chaos que nous-mêmes avions cause. J'avais été passer une journée a S pour acheter quelques meubles neufs. Mes cousines m'avaient assigné une somme pour cela et m'avaient donné carte blanche pour toutes ~modifications que je désirerais faire. J'en fis peu


dans la chambre à coucher et dans la pièce on en se tenait ordinairement, parce que je savais que Diana et Marie trouveraient plus de plaisir à revoir les tables, les chaises et les lits de leur vieille maison, qu'à regarder un ameublement neuf, quelque élégant qu'il fat; cependant quelques changements étaient nécessaires pour donner un peu de piquant à leur retour, ainsi que je le désirais. J'achetai donc de jolis tapis et des rideaux de couleur foncée, quelques -Tnements antiques en porcelaine on en oronze, soigneusement choisis, des miroirs et des nécessaires de toilette: tout cela, sans être très-beau, était très-frais. Il restait encore le parloir et une chambre de réserve; j'y mis des meubles de vieil acajou, recouverts en velours rouge des toiles furent tendues dans les corridors et des tapis dans les escaliers. Quand tout fut fini, il me sembla qu'à l'intérieur Moor-House était un véritable modèle de confort modeste, tandis qu'à l'extérieur, surtout à cette époque de l'année, on eût dit un grand bâtiment vaste, froid et désert.

Le jour tant désiré vint enfin; elles devaient arriver le soir, et longtemps d'avance les feux furent allumés en haut et en bas, la cuisine se faisait. Anna et moi nous étions habillées; tout était prêt.

Saint-John arriva le premier. Je l'avais prié de ne pas venir tant que tout ne serait pas en ordre; du reste, la seule idée du travail mesquin et trivial qui se faisait à Moor-House l'aurait éloigné. Il me trouva dans la cuisine, surveillant des gâteaux que j'avais fait cuire pour le thé. S'approchant du foyer, il me demanda si j'étais enfin fatiguée de mon métier de servante; je lui répondis en l'invitant à m'accompagner pour visiter le résultat de mes travaux. Après quelques difficultés, je le décidai à faire le tour de la maison. Il se contenta de jeter un coup d'œit sur les chambres que je lui montrais et n'y entra même pas; puis il me dit que j'avais d& avoir beaucoup de peine et de fatigue pour effectuer un si grand changement en si peu de temps. mais pas une seule fois il n'exprima de satisfaction de voir sa maison bien arrangée.

Ce silence me glaça; je pensai que mes changements avaient peut-être détruit quelque vieil arrangement auquel il tenait; je le lui demandai, et probablement d'un ton un peu découragé. c Pas le moins du monde, me répondit-il; au contraire, j'ai romarqné <pM vous avez scrupuleusement respecté l'ancienne organisation; mais je crains que vous ne vous soyez occupée de ces choses puis qu'il ne l'aurait fallu. Par exemple, comMen de temps avez-vous consacré à cette chambre?


Puis il me demanda où se trouvait un livre qu'il me nomma. Je le lui montrai dans la bibliothèque; il le prit, et, se retirant dans sa retraite ordinaire près de la fenêtre, il se mit à lire.

Cela ne me plut pas. Saint-John était bon, mais je comment çais à sentir qu'il avait dit vrai en sa déclarant dur et froid. La douceur et la tendresse n'avaient pas d'attrait pour lui; il ne sentait pas le charme des joies paisibles. Il vivait uniquement pour aspirer aux choses grandes et belles, il est vrai; mais il ne voulait jamais se reposer, et il n'approuvait pas le repos chez ceux qui l'entouraient.

En contemplant son front élevé, calme et pâle comme la pierre, sa belle figure absorbée par l'étude, je compris qu'il ne pourrait pas faire un bon mari, qu'être sa femme serait une grande épreuve. Je devinai la nature de son amour pour Mlle Oliver, et, comme lui, je pensai que ce n'était qu'un amour des sens; je compris qu'il méprisât l'influence névreuse que cet amour exerçait sur lui, qu'il souhaitât l'étouifer et le détruire en(:tt je vis qu'il avait raison en pensant que ce mariage ne pourrait assurer un bonheur constant ni à l'un ni à l'autre. C'est dans des hommes semblables que la nature taille ses héros, chrétiens ou païens, ses législateurs, ses hommes d'Etat, ses conquérants; rempart vigoureux et où peuvent s'appuyer les plus grands intérêts, mais pilier froid, triste et gênant, près du foyer domestique.

< Ce salon n'est pas sa place, me dis-je les montagnes de l'Himalaya, les forêts de la Cafrerie ou les côtes humides et empestées de la Guinée, lui conviendraient mieux. Il fait bien de fuir le calme de la vie de famille; ce n'est pas là ce qu'il lui faut; ses facultés s'endorment et ne peuvent pas se développer pour briller avec éclat. C'est dans une vie de lutte et de danger, où le courage, l'énergie et la force d'âme sont nécessaires, qu'il parlera et agira, qu'il sera le chef et le supérieur, tandis que devant ce foyer un joyeux enfant l'emporterait sur lui; je le vois maintenant, il a raison de vouloir être missionnaire. -Les voilà qui arrivent, e s'écria Anna en ouvrant la porte duaalon.

Au même moment, le vieux Carlo se mit à aboyer joyeusement. Je sortis; il faisait nuit; mais j'entendis un bruit de ~miMt. Anna eut bientôt allumé sa lanterne. La voiture s'était arrêtée devant la grille; le cocher ouvrit la portière, et deux formes bien connues sortirent l'une après l'autre. Avant une minute, ma figure était entrée sous leurs chapeaux, et avait ca-


r«as~ d'abord les ;Mea de Mario, puia ïea bouetea flottaatoa de Diana cttes riaient et m'embrasaient; puia ce fat au tour d'Anna; ennn Carlo qui était presque fou de joie, eut aussi sa part. Ettes me demandant si tout allait bien, et, quand je teuc eus rdpundu afHMnativctMënt, cites se barrent d'entrer. EMoa étaient engourdies par les cahots de la voiture et gtacëes part'air froid do la nuit, mais ellea s'épanouirent devant la lumière du fou. Pendant que le cocher et Anna apportaient les paquets, elles dcmtmdaieat où était Saiat-JehR. A ce moment celui-ci sortait du salon. Toutes doux lui jetèrent les bras autour du cou. Quaut à lui, H leur donna à chacune un baiser calme, murmura à voix basse quelques mots pour leur souhaiter la bienvenue, resta quelque temps à écouter ce qu'on lui disait; puis, prétextant que ses smurs allaient bientôt le rejoindre au salon, i! retM'rM dans sa retraite.

Je teur avais prépare des lumières pour monter dans leurs chambres; mais Diana voulut d'abord donner quetques ordres hospitaliers à l'égard du cocher; après cela toutes deux me suivirent. Elles furent enchantées des changements que j'avais faits; elles ne cessaient d'admirer les nouvelles tentures, les tapis tout frais, les vases de belle porcelaine; elles m'exprimèrent leur reconnaissance chaleureusement. J'eus le plaisir de sentir que tout ce que j'avais fait répondait parfaitement à leurs désirs et ajoutait un grand ebarme à leur joyeux retour.

Cette soirée fut bien douce. Mes heureuses cousines furent si éloquentes et eurent tant de choses à raconter, que je ne m'aperçus pas beaucoup du silence de Saint-John. Celui-ci était sincèrement content de voir ses sœurs; mais il ne pouvait pas prendre part à leur enthousiasme et à leurs flots de joie le retour de Diana et de Marie lui faisait plaisir; mais le tumulte joyeux et la réception brillante l'irritaient; je vis qu'il désirait être au lendemain, espérant plus de calme. Vers le milieu de la soirée, à peu près une heure après le thé, on entendit un coup à la porte; Anna entra nous dire qu'un pauvre garçon venait chercher M. Rivera pour sa mère mourante.

« Où demeure-t-il, Anna? demanda Saint-John.

To tt au haut de Whitecross-Brow; c'est presque & quatre milles d'ici, et tout le long du chemin il y a des marécages et de la mousse.

Dites-lui que je vais y aller.

–Vous feriez mieux de ne pas y aller, monsieur; il n'y a pas de route plus mauvaise la nuit; & travers les marais, le chemin n'est pas tracé du tout. Et puis la nuit est ai SroMe! voua


n'avee jMMta vu un vent plus vif. Vous Mes rnlaax, <MOM!ear de lui dira que vaaa irez demain matin.

Mais Saint-John était déjà dans te corridor, occupa mettre son oaaMttSM: tt partit saus uno objection, SMannNwrmure. Il étUtt neuf heUt'CS; il no fOVittt q<t'A minuit, fat)gM< Ht aUMMé. mais aveu uno NguM plus heureuse que quand il <St<ttt parti it avait accompli un devoir, fait Ma e<!brt; it se aeatait assez fort pour agir et M vaincre; il était plus satisfait do tai-!B<me. Jo crois bien que poadaat toute la aNB~ao suivanto 8& patience fut souvent à Mpmuve. C'ëtait la semaine do NoM; eH6 ne fut emptoyda à aucun travail rëgaUcr et se passa dans une joyeuso dissipation domestique. L'air des Matais, la MberMdont M jouit chez soi, et l'heureux ëv~aemoat qui venait d'arriver, tout enfin agissait sur Diana et Mada comme aa élixir onivrant; ellos dtaicRt gaies du p~tin au soiF, aHes parlaient toute la jouraëe, at ce qu'êtes disaient dtait spirituel, original, et avait tant do charme pour moi, que rien ao me faisait plus de plaisir que de les écouter et de prendre part à leur conversation. Saint' John M cherchait pas à réprimer notre vivacité; mais il noua évitait il était rarement à la maison; sa paroisse était grande et les habitants éloignés les uns des autres; toute la journée il visitait les pauvres et les malades.

Un matin à déjeuner, Diana, après être demeurée pensive pendant quelque temps, lui demanda s'il n'avait pas rcaoacë à ses projets.

Non, repondit-U, et rien ne m'y fera renoncer. M nous apprit alors quo son départ était déBnitivement Cxé pour l'année suivante.

c Et Rosamonde Oliver? dit Marie.

Ces mots semblaient lui être échappés involontairement; car, à peine les eut-elle prononcés, qu'elle 8t un geste comme si ette eût voulu les rétracter.

Saint-John tenait un livre à la main il avait l'habitude peu aimable de lire à table; il le ferma et nous regarda. c Rosamonde Oliver. dit-il, va se marier à M. Granby, un des plus estimables habitants de S* C'est le petit-tUs et l'héritier de sir Frédéric Granby; M. Oliver m'a appris cette nouvelle hier. Ses sœurs se regardèrent; puis leurs yeux se nxèrent sur moi; alors, toutes les trois, nous nocs mimes à contempler Saint-John il était aussi serein et aussi froid que le cristal. c Ce mariage a été arrangé bien vite, dit Diana ils ne peavent pas se connaître depuis longtemps.

Dapms deux mois scsIsBMSt; ils se 808% Mme~mh~a ea ee-


tobre au bal do S* Mtua quand il n'y a aucun eba(ae!o à nno union, quand elle est désirable sous tous les rapports, lea retarda sont tnntites: ils sa marieront lorsque le château. da" que air t'f~Herie leur donne, sera en état du los roenvoir. » Ms que ja me trouvai sauta avec Saint-John, jo fus tentëa d< lui demander s'il no souffrait pas de cotte union; mais il sem.blait avoir si pou besoin do sympathie, qu'au lieu do me ha'aarder à !e consolor, jo fus ua peu honteuse en me rappelant <t<! que je lut avais déjà dit. D'aillours j'avais perdu l'habitude de lui parler; il avait repris sa réserve, et je sentais que tout epaRchcment se glaçait on moi. !t n'avait pas tenu sa promesse il ne me traitait pas comme ses soeurs il mettait toujours entra elles et moi une di<Mrence qui empêchait la cordia!it< En un mot, maintenant que j'étais sa parente et que je vivais sous le même toit que lui, la distance entre nous me semblait bien plus grande que lorsque j'étais simplement la maîtresse décote d'un village; en me rappelant tout ce qu'il m'avait dit un jour, j'avais peine à comprendre sa froideur actuelle.

Les choses étant dans cet état, je Me fus pas peu étonnée do le voir relever tout à coup la tête, qu'K tenait penchée sur son pupitre, pour me dire

Vous le voyez, Jane, j'ai combattu e& j'ai remporte la victoire. s

Je tressaillis en l'entendant s'adresser ainsi & moi, et je ne ré.pendis pas tout de suite. Enfin, après un moment d'hésitation, je lui dis

a Mais êtes-vous sûr que vous n'êtes pas parmi ces conquérants auxquels leur triomphe a coûté trop cher? une autre victoire semblable ne vous abattrait-elle pas entièrement? Je ne te pense pas; mais quand même, qu'importe? Je n'aurai plus jamais à combattre pour cette môme cause la victoire est définitive. Maintenant ma route est facile & suivre j'en remercie Dieu. n

En disant ces mots, il se remit à son travail et retomba dana tesilence.

Bientôt notre bonheur, à Diana, à Marie et à moi, devint plus calme; nous reprîmes nos habitudes ordinaires et nous recommençâmes des études régulières. Alors Saint-John s'éloigna moins de la maison. Quelquefois il restait des heures entières dans la même chambre que nous. Pendant que Marie dessinait, que Diana continuait sa lecture de l'Encyclopédie, qu'elle avait entreprise à mon grand émerveillement, et que moi j'étudiais t atleatand, Saint-John potutsaivait sueacieMsemeBt l'étude d'âne


langue oriontalo, étude qu'il crayoit nécessaire à l'accomplisse. ment do son projet.

Ainsi eecMpp, il restait dana son eoin, tranquille et absorM: mais ses yeux Maua quiMMMt souvant la grammairo ehans~O q~! était dwaut eux, et erfant tout autour do la ehombru, so fixaient do temps on tompa sur acs H(tmpttgM«Hs d'ëtmtu avee MMe curionsa !ntenstM d'ebservatui'n. Si on k remarqMait, il dëtOMrnfnt immedt~nMttt son fagard, et pourtant ses yeux seratate)n'a ravenaient sans cessa so diriger vers notre table. Jo ma demandais toujours ce quo cela signiftatt. Ja m'etomnaia <!gato<Mûnt du la satisfaction tu'tt témoignait régulièrement dans une circonstance qui me semblait de pou d'importance, o'oat-&diro lorsque, cb*ue semaine, je me rendais & mon doolo do Morton. Et ce qui m'étonnait encore plus, c'est quo, lorsqu'il faisait do la neige, de la pluie ou du vent, si ses aœars m'engageaient a no point allor a Morton, lui, au contraire, méprisant lour sollicitude, m'encourageait à accomplir ce devoir en dépit des éléments.

< Jane n'est pas aussi faible que vous le prétendez, disait-il; elle peut supporter le vent de la montagne, la pluie ou ta neige ausst bien que nous; sa constitution saine et élastique luttera mieux contre les variations du climat que d'autres plus fortes. a Quand je revenais fatiguée et trempée par la pluie, je n'osais pas me plaindre, parce que je voyais que mes plaintes le contrariaient la faHnp'e lui plaisait toujours, le contraire l'ennuyait.

Un jour pourtant j'obtins la permission de demeurer à la maison, parce que j'étais vraiment enrhumée; ses sœurs allèrent à Morton à ma place. Je restai à lire Schiller; quant à lui, il déchinrait des caractères orientaux. Ayant achevé ma traduction, je voulus me mettre à un théine; pendant que je changeais mes cahiers, je regardai de son côté, et je m'aperçus que je subissais l'examen de son œil bleu et perçant. Je ne sais pas depuis combien de temps il me scrutait ainsi. Son regard était troid et inquisiteur. Je sentis la superstition s'emparer de moi, comme si j'avais eu à mes cotés quelque divinité fantastique. < Jane, me dit-il, que faites-vous?

J'apprends l'allemand.

Je voudrais que vous quittassiez l'allemand pour étudier l'hind~ustani.

Parlez-vous sérieusement?

Si sérieusement que je le veux, et je vais vous dire pourquoi. z


Alors it m'Mptiqua que !ui-m0ma <~M<!jMtl'h!adeMa<)M!; qu'à meaura qu'il avançait, il oubliait ta cammeneement: quo co aérait d'un grand secoura pour lui d'avoir une étewo avec laquelle il pourrait Mpassar sans cossu lus p~tuiers ëMmeats et, par eo mfyoa, los bien Sser dans son esprit. JI ajouta qu'U avait ioM~temps hésité catre moi et ses) seaaFS, et qu'enR~ il m'avait cho!8i6, parce qu'il avait vu que c'était moi qui étais capable du rester te plus longtemps app!iqn~a. M me demanda de lui Madré oa aervMO, en ajoutant que du reste ta ancr!t!oa na serait pas long, puisqu'il comptait partir avant trois mois.

Ma'<!ta!t pas faoite do refuser uno chose & Saiat-John; on sentait que chez luitoates les impressions, soit tristes, soit heureuses, restaient profondément gravées et dHf aient taujoara..fe consentis. Quand mos cousines Montent, Diana trouva san frère qui s'était empare do son OMve; e!!a se mit à rire, et toutes deux déclarèrent que Saint-John n'aurait jamais pu lee décider à une semblable eheae. N ~pMdit tfanquiMement < Jo le savais. B

Jo trouvai en lui un mattre patient, indulgent, mais exigeant; il me donnait beaucoup à faire, et, quand j'avais rempli son attente, il me témoignait son approbation à sa manière. Petit à petit, il acquit sur moi une certaine innuence qui me retira toute libertd d'esprit. Ses louanges et ses observations étaient plus entravantes pour moi que son indinerence quand il était là, je ne pouvais ni parler ni rire librement; un instinct importun m'avertissait sans cesse que la vivacité lui déplaisait profondément, chez moi du moins. Je sentais bien qu'il n'aimait que les occupations sérieuses, et, malgré mes efforts, je ne pouvais pas me livrer à des travaux d'un autre genre en sa présence. J'étais dominée par un charme puissant. Quand il me disait < Allez, e j'allais e Venez, s je venais < Faites cela, e je le faisais; mais je a'aimais pas ma servitude, et j'aurais préféré son indiSérence d'autrefois.

Un soir, à l'heure de se coucher, ses saurs l'entouraient pour lui dire adieu; selon son habitude, il les embrassa toutes deux et me donna une poignée de main. Diana était, ce soir-la, d'une humeur joyeuse (elle n'était jamais douloureusement opprimée comme moi pcr la volonté de son frère; car la sienne était aussi forte dans un sens opposé); aussi elle s'écria

< Saint-John, vous dites que Jane est votre troisième sosur, et vous ne la traitez pas comme nous; vous devriez l'embrasser –aussi, Il

En disant ces mots, eUe mepousM vem lui. Je trouvât Dtaaa


un pou hordio, et JJ8 me sentais oenfaae. Cependant S~at-tehn pencha <m Mte, et sa belle Sgura grecque sa trouva à la hauteur do la mioMna; ses yeux per~aata iMtet'fogMiont les miens. !) m'txabrasaa. H a'yapaa do baiaer da p~rbM au do glaea, sans cala j'auwia MagA dans uao de ces fasses la froid embrasaetuen" do mon cousin le ministre mma peut-être y a-t-il des baisers des. tiR~s à ëpf cuver cctH: qu'on embfMse !e sien dtait de ce nombre. Après !)~ave!r donné co Maor, il me regarda, comma pour apprendra i'eMat qu'il avait produit sur moi; mais c'était diMcite & voir je ne rougis pas; je palis pout-être u~ peu, parce qu'il me sombla que son baiser était un sceau posé sur mes chutnes. Depuis ce jour, il a'eabMa jamais de m'embraasar; mon calme et ma gravité, dans cette eircoastaeco, semblaient avoir an oortain charme pour lui.

Quant à moi, je désirais chaque jour davaatage~uip~aiM; mais chaque jour je sentais que, pour y arriver, il faMait rMem'eer de plus en plus à ma nature, Mchatoer mes facultés, donner une pente nouvelle & mes goûts, me forcer à poursuive un but vers lequel je n'étais pas naturellement attirée. Il me poussait vers des hauteurs que je ne pouvais pas atteindre; il voulait me voir soumise à l'étendard qu'il déployait mais c'était aussi impossible que de mouler mes traits inëgutiers sur sa Ngure pure et classique, que de donner à mes yem verts et changeants la teinte azurée et le brillant éolat des siens.

Ce n'était pas lui seul qui empêchait l'épanchement de ma joie. Depuis quetque temps il m'dtait facile de parattre triste; une grande souffrance me rongeait le co:ur et tarissait toute source de bonheur. Cette douleur était l'attente.

Vous croyez peut-être que j'avais oublié M. Rochester dans tous ces changements de lieux et de fortune. Oh 1 non, pas un instant. Sa pensée tae poursuivait toujours; ce n'était pas une de ces vapeurs légères que peut dissiper un rayon de soleil, un de ces souvenirs tracés sur le sable, qu'enace le premier orage: c'était un nom profondément gravé et qui devait durer aussi longtemps que le marbre sur lequel il était inscrit. J'étais sans cesse poursuivie par le désir de connaître sa destinée; chaque soir, quand j'étais à Morton, je m'enfermais dans ma petite ferme pour y songer, et maintenant, à Moor-House, chaque nuit j'allais me réfugier dans ma chambre pour rêver à lui. Dans le cours de ma correspondance avec M. Briggs, à l'occasion du testament, je lui avais demandé s'il connaissait la résidence actuelle de M. Rochester et !'état de sa santé. Mais, ainsi que le pensait Saint-John, il ne savait rien. Alors j'écrivis à


?N0 FaMNt, pour lui demander des dotaita; j'~aia aura d'ob tenir des Mnaeignemonta par co moyen; j'étais aonvaineua qua la épousa a&t'ait prompte. Ja fus ctonnoo do voir quinze jours aapMss~rsMtS qu'ollt) arrivât; MaialoraqMC, apf~a deux oaeia d'a.Mento, la poste ne m'eut eaeofe rien apporté, ja sentis uae douloureuse anxiëta a'empareF dd moi.

J'~efivM do aouveam je pensais que ma première lettM avaM peut-êtro été perdue. Ce nouvel essai ranima mes espdrances; !et ospoir dura queiques somaines, comme le prëo~deat, puis, comtM lui, fat détruit; je ne reçus pas une ligne, pas un mot. Aprâs avoir vainement attendu six mois, mon espérance atteignit tout à fait, etjo devins vraiment triste.

Le printemps était beau, mais je n'en jouissais pas. L'été appr<M!hait. Diana essayait dem'ëgaycf; elle mo dit qao j'avais l'air malade et voulut m'accompagner aux bains de mer. Saint-John s'y opposa: il dëo!ara que je n'avais pas besoin de distraction, mais plutôt de travail que ma vie n'avait pas de but et qu'U m'en fallait un et, probablement pour snppMer à ce qui me manquait, il prolongea encore mes leçons d'hindoustani et devint de plus en plus exigeant. Je ne cherchai pas à lui résister, je ne le pouvais pas.

Un jour, je commençât mes etuaes plus triste encore qu'à l'ordinaire. Voici ce qui avait occasionné ce surcroît de souffrance. Dans la matinée, Anna m'avait dit qu'il y avait une lettre pour moi, et, lorsque je descendis pour la prendre, presque certaine de trouver les nouvelles que je désirais tant, je vis tout simplement une lettre d'affaires de M. Briggs. Cet amer désappointement m'arracha quelques larmes, et, au moment oa je me mis à étudier les caractères embrouillés et le style fleuri des écrivains indiens, mes yeux se remplirent do nouveau.

Saint-John m'appela pour me faire lire; mais la voix me man. qua, les paroles furent étouBées par les sanglots. Lui et moi étions seuls dans le parloir Diana étudiait son piano dans le salon, et Marie jardinait. C'était un beau jour de mai, la brise était fraîche et le soleil brillant; Saint-John ne sembla nulle.nent étonné de mon émotion. Il ne m'en demanda pas la cause et se contenta de me dire

Jane, nous attendrons quelques minutes, jusqu'à ce que vous soyez plus calme. »

Et, penoant quejem'eSbTcais de réprimer rapidement ma don leur, !1 demeura tranquille et patient, appuyé sur son pupitr eef me regardant commssa StiSdscin qui examine avec !esycUjL de ia scMnce uc~ crise attendue et facile à comorendts pour lui. Aprèa


avoir ëtaufM mea sang!ats, essuyé mes larmes et munnut~ tout bas quelque ohoaa am'ma aanM, j'achovai de prondro ma le~on. Saint-Jtthn sorra se!' livMS et les miens, f~raM son pupitra et me dit < Maintenant, Jane, voua aUeR venir promener aveo moi. Je vais appeler DiaBR et Mario.

–Non, aujourd'hui je neveux qu'une seule compagne, et cette oompagno sora vous. HaMMez-vons; sortez par la porte de la cuisine; prenez la routo qui conduit dans le haut do MarshG!en;jevoMs rejoindrai dans un instant. <

Jo no voyais aucun expédient toutes les foia quo j'a! ou affaire & des oMaetûres durs, positifs et contraires au mien, je n'ai jamais su rester entre robaissanoo absolue ou la révolte coïapMte; jusqu'au moment d'éclater je suis demour<!ocntieromont soumise, maia alors je me suis insurgée avec toute la véhémence d'un volcan. Dans les circonstances présentes j'étais pou disposée à la révoMe; j'obéis donc aux ordres de Saint-John, et, au bout de dix minutes, nous nous promenions ensemble sur la route de la vallée.

Le vent soufflait de l'ouest; il nous arrivait chargé du doux parfum de la bruyère et du jonc. Le ciel était d'un bleu irréprochable le torrent qui descendait le long du ravin avait été grossi par les pluies et se précipitait abondant et clair, reflétant les rayons dorés du soleil et les teintes azurées du firmament. Lorsque nous avançâmes, nous quittâmes les sentiers pour marcher sur un gazon doux et fin, d'un vert émeraude, parsemé de délicates fleurs blanches et de petites étoiles d'un jaune d'or. Nous étions entourés de montagnes, car la vallée était placée au centre de la chaîne.

< Asseyons-nous ici, dit Saint-John au moment où nous atteignions les premiers rochers qui gardent l'entrée d'une gorge où le torrent se précipite en cascade.

Un peu au delà, la montagne n'avait plus ni fleurs ni gazon; ta mousse lui servait de tapis, le roc de pierre précieuse. Ls pays, d'abord inculte, devenait sauvage; la fraîcheur se chan* geait en froid. Ce lien semblait destiné à servir de dernier refuge.

Je m'assis; Saint-John se tint près de moi; il regarda la gorge et le gouffre; ses yeux suivirent le torrent, puis se dirigèrent vers le ciel sans nuage qui le colorait. Il retira son chapeau et laissa la brise soulever ses cheveux et caresser son front. Il sem' blait être entré en communion avec le génie de ce précipice et ses yeux paraissaient dire adieu à quelque chose. Otu, je te reverrai, dit-il tout haut, je te reverrai dans mes


fèves quand je dormirai sur les tords du Canga, et plus tard encore, quand un autra sommeil N'appesaf~ra sur moi, prea des bords d'un Sauve plus sombre. <

Rtranga manitostation d'un étrange mnowrt Passion austère d'an patriote pour son pays H s'assit. Pondant une demi-heura noua demeurâmes sitenoieom tous tes doux au bout da ce temps, <I mo dit

< Jane, je para dans six semaines; j'ai arr6te ma ptaM sur un bateau qui mettra à ta voile le 20 du mois do juin. -Diou vous protégera, répondis-je, car c'est pour lui que voua travaillez.

Oui, reprit-il c'est !a ma gioiro et ma joie. Je suis le sorvitour d'un maître Infaillible. Je ne marche pas sous une direction humaine; je ne serai pas soumis aux lois défectueuses, à l'examen incertain de mes faibles frères mon roi, mon légiste, mon chef, est la perfection même. Il mo semMe étrange que tous ceux qui m'entourent ne brutent pas de se ranger sous la même bannière. de prendre part a!a même œuvre.

-Tous a'oat pas votre énergie, et ce serait folie aux faibles que de désirer marcher avec les forts.

le ne parle pas des faibles, je n'y pense même pas; je parle de ceux qui sont dignes de cette tâche et capables de t'accomplir. -Ceux-là sont peu nombreux et difnciles à trouver. Vous dites vrai; mais, quand on les a trouvés, on doit les exciter, les exhorter à faire un effort, leur montrer les dons qu'ils ont reçus et leur dire pourquoi, leur parler au nom du ciel, leur offrir, de la part de Dieu, une place parmi les élus. -S'ils sont nés pour cette ouvre, leur oceur le leur dirabien. < II me semblait qu'un charme terrible s'opérait autour de moi, et je craignais d'entendre prononcer le mot fatal qui achèverait l'enchantement.

c Et que vous dit votre cour? demanda Saint-John. -Mon comr est muet, mon coeur est muet, répondis-je en tremblant.

Alors, je parlerai pour lui, reprit la même voix profonde et infatigable. Jane, venez avec moi au~ Indes, venez comme ma femme, comme la compagne de mes travaux, a

H me sembla que la vallée et le ciel s'amMssaient; les mon~ tagnes s'élevaient. C'était comme si je venais d'entendre un or". dre du ciel, comme si un messager invisible, semblable à celui de la Macédoine, m'edt crié a Venez, aidez-nnMs. s Mms je n'étais pas un apôtre; je ne pouvais pas voir le héraut, je ne pouvais pas recevoir son ordre.


< Oh 1 Saint-John, m'ëoriai-je, ayez pitb de moi t J'implorais quelqu'un qui M connaissait ni pitié ni remords, quand il s'agissait d'accomplir co qu'il regardait commo son do..voir. Il continua

< Dieu et la naturo vous ont créée pour être la femme d'un missionnaire; vous avez reçu les dons de l'esprit et non pas loa charmes du corps vous êtes faita pour le travail et non pas pour l'amour. Il faut que voua aoyas la femme d'un missionnaire, et vous le serez; vous serez à moi; je vous réclame, non paa pour mon plaisir, mais pour le survice de mtN maître.

Je n'en sais paa digne; oo n'est pas !& ma vocation, < rdpondis-je.

Il avait compte sur ces premières objections et il n'on fut point irritd. Il était appuyé centre la montagne, avait les bras oroisës sur la poitrine et paraissait parfaitement calme. Je vis qu'il était préparé à une longue et douloureuse opposition, et qu'il s'était armé de patience pour continuer jusqu'au bout, mais qu'il était décidé & sortir victorieux de la lutte.

Jane, reprit.-il, l'humilité est la base de toutes les vertus chrétiennes. Voua avez raison de dire que vous n'êtes pas digne de cette œuvre; mais qui en est digne? Et ceux qui ont été véritablement appelés par Dieu se sont-ils jamais crus dignes de cette vocation? Moi, par exemple, je ne suis que poussière et cendre, et, avec saint Paul, je reconnais en moi le plus grand des pécheurs; mais je ne veux pas être entravé par ce sentiment de mon indignité. Je connais mon chef; il est aussi juste que puissant, et, puisqu'il a choisi un faible instrument pour accomplir une grande œuvre, il suppléera & mon insufnsance par les richesses infinies de sa providence. Pensez comme moi, Jane, et, comme moi, ayez confiance. Je vous donne le rocher des siècles pour appui; ne doutez pas qu'il pourra supporter le poids de votre faiblesse humaine.

-Je ne comprends pas la vie des missionnaires, repris-je, je n'ai jamais étudié leurs travaux.

-Eh bien, moi, quelque humble que je sois, je puis vous donner le secours dont vous avez besoin. Je puis vous tracer votre tâche heure par heure, être toujours près de vous, voua aider à chaque instant. Je ferai tout cela dans le commencement; mais je sais que vous pouvez, et bientôt vous serez aussi forte et aussi capable que moi, et vous n'aurez plus besoin de mon secours. Mais où trouverai-ja la force nécessaire pour acmm)p!!r cette tâche? je ne la sens pas en moi. Je ne suis ni émue ni excitée pendant que vous me parlez; aucune ftamme ne s'allume en moi.


aucune voix ne me cenaaHte et ne m'eaeautage; je lie me sens point animée par une vie nouvelle. Je voudrais pouvoir vous montrer qu'en oa moment mou esprit est un cachot que n'édaire auoun rcyon; dans ce cachot est QMMnéa urne dme craintive, qui a peur d'être entraînée par voua à tenter ce qu'elle ne pourra pas accomplir.

J'ai une réponse à vous MM; écoutez-moi. Depuis que je vous connais, je vous ai toujours examinée. Pendant dix mois, vous avez été te sujet de mes études; je vous ai soumise à d'étranges épreuves qu'ai-je vu, qu'ai-je conclu? Quand vous étiez mattresse d'école dans un village, vous avez su accomplir avec exactitude et droiture une tache qui ne convenait ni & vos habitudes ni à vos goûts; j'ai vu que vous l'accomplissiez avec tact et capacité vous avez su vous vaincre. En voyant le calme avec lequel vous avez reçu la nouvelle de votre fortune subite, j'ai reconnu que vous n'étiez pas avide de richesse, que l'argent n'avait aucune puissance sur vous. Quand, avec un élan résolu, vous avez partagé votre fortune en quatre parts, n'en gardant qu'une pour vous et abandonnant les trois autres pour satisfaire une justice douteuse, j'ai vu que votre âme aimait le sacrifice. Quand, pour contenter mon désir, vous avez abandonné une étude qui vous intéressait et que vous en avez entrepris une qui m'intéressait, quand j'ai vu l'assiduité infatigable avec laquelle vous avez persévéré, votre énergie inébranlable contre les difficultés, j'ai compris que vous aviez toutes les qualités que je cherchais. Jane, vous êtes docile, active, désintéressée, fidèle, constante et courageuse, très-douce et très-héroïque: cessez de vous déner de vous-même; moi, j'ai en vous une confiance illimitée; votre secours me sera d'un prix inappréciable; vous me servirez de directrice des écoles de l'Inde, et vous serez ma compagne et mon aide parmi les femmes indiennes. Je me sentais comme pressée dans un vêtement de fer; la persuasion avançait vers moi à pas lents, mais assurés. J'avais beau fermer les yeux, les derniers mots prononcés par SaintJohn venaient d'éclaircir pour moi le sentier qui m'avait d'abord paru impraticable; l'œuvre qui m'avait semblé si vague et si confuse devenait moins impossible à mesure qu'il parlait, et prenait une forme positive sous sa main créatrice. Il attendait ma réponse; je lui demandai un quart d'heure pour rëaéchir < Très-volontiers, e me répondit-il.

Et se levant, il s'éloigna un peu, se jeta sur une touffe de bruyère et attendit en sHence.

< Je puis faire ce qu'il me demande, me dis-je, je suis bien &M~


<~a do le voir et de le reeonaa~ca. le le puis, 6~ to~teMa ma vie est épargna; mais je sens bien que mon existence ne pourra pas être lengao sous ce soleil de l'Inde. Eh bien &pr~s? t pou lui importo & lui; quand l'heura de mourir sera venue, il me rendra avec un visage serein au Dieu qui m'aura donnée à lui. Je vois tout Mia bien clairement. En quittant l'Angleterre, j'abandonnerai un pays aime, mais vide pour moi. M. Roobester n'y demeure pas; et quaud même il y serait, qu'est-ce que cela pour moi Je dois vivre sans lui; rien n'est plus absurde et plus faible que d'attendre chaque jour an changement impossible qui nous réunisse; comme Saint-John me l'a dit un jour, je dois chercher un autre intérêt dans la vie pour remplacer celui que j'ai perdu. La tâche qa'H me propose a'est-elle pas la plus glorieuse que Dieu puisse assigner et l'homme accepter? q Ces nobles labeurs, ces sublimes résultats, ne sont-ils pas bien faits pour remplir le vide des affections détruites, des espérances perdues? Je crois qu'il faut dire oui; et cependant je frémis. Hélas ai je sais Saint-John, je renonce à la moitié de moimême si je pars pour l'Inde, je vais au-devant d'une mort prématurée et l'intervalle eu je quitterai l'Angleterre pour l'Inde et celui oa je quitterai l'Inde pour la tombe, comment sera-t-il rempli par moi? Cela aussi, je le vois bien clairement; je lutterai tour satisfaire Saint-John jusqu'à ce que chacun de mes nerfs en souffre, et je le satisferai; j'accomplirai tout ce qu'il a pu concevoir. Si je vais avec lui, si je fais le sacrifice qu'il me demande, je le ferai entièrement. Je déposerai tout sar l'autel, mon coeur, ma vie, la victime entière enfin. Il ne m'aimera jamais, mais il m'approuvera. Je lui montrerai une énergie qu'il n'a pas encore vue, des ressources qu'il ne soupçonne pas. Oui, je peux travailler à une tâche aussi rude que lui, et sans me plaindre davantage.

< Oui, il m'est possible oeconsenttr à ce qu'il me demande; il n'y a qu'une chose que je ne peux pas accepter, qui m'époavante trop il m'a priée d'être sa femme, et il n'a pas plus le coeur d'un mari pour moi que ce rocher gigantesque et sauvage, au bas duquel bouillonne le torrent. Il tient à moi, comme un soldat à âne bonne arme, et voilà tout. Si je ne suis pas mariée à lui, je ne m'en affligerai pas; mais puis-je accepter cela? puis-je le voir exécuter froidement son plan, supporter la cérémonie du mariage, recevoir de lui l'anneau d'alliance, souffrir toutes les formes de l'amour (car, je n'en doute pas, il les observera scrupuleusement), et savoir que son esprit estloin de moi t Pourrai-je endurer ta pensée que chaque jouissance qu'il m'aejAttE ETBE. N 13


cordera sera un aacdnse fait à ses principes Non, un tel martyre serait horrible; ja ne veux pas avoir à le supporter; je vais lui dira que je l'aoeompagnerai comme sa soeur, et non pas comme sa femme.

Je regardai de son coté il était toujours là tranquillement étendu, son visage tourné vers moi; ses yeux perçants m'examinaient attentivement il se leva promptem ~t et s'approcha de moi.

c Je suis prête a aller aux Indes, dis-je, si je suis libre. Votre réponse demande une explication elle n'est pas claire. –Jusqu'ici, repris-je, vous avez été mon trëre d'adoption, moi votre sœur d'adoption; continuons à vivre ainsi, car nous ferons mieux de ne pas nous marier. B

D secoua la tête.

a Une fraternité d'adoption ne sufnt pas dans ce cas. Si vous étiez ma véritable sœur, ce serait différent; je vous emmènerais et je ne chercherais pas de femme. Mais les choses étant ce qu'elles sont, il faut que notre union soit consacrée par le mariage, sans cela elle est impossible des obstacles matériels s'y opposent. Ne les voyez-vous pas, Jane" Réfléchissez un instant, et votre bon sens vous guidera.

Je réfléchis quelque temps; mais j'en revenais toujours là c'est que nous ne nous aimions pas comme doivent s'aimer un mari et une femme, et j'en concluais que nous ne devions pas nous marier.

< Saint-John, dis-je, je vous regarde comme un frère; vous, VOM me regardez comme une soeur continuons à vivre ainsi. Nous ne le pouvons paa nous ne le pouvons pas, me répondit-il d'un ton bref et résolu e'est impossible. Vous avez dit que vous iriez avec moi aux Indes; rappelez-vous que vous l'avez dit.

A une condition.

Oui, oui. Mais le point important c'est de quitter l'Angleterre, de m'aider dans mes travaux futurs, et vous l'acceptez. Vous avez déjà presque mis la main à l'oeuvre; vous êtes trop constante pour la retirer. Vous ne devez vous inquiéter que d'une chose da connaître le meilleur moyen pour accomplir l'oauvre que vous entreprenez. Simplifiez vos intérêts, vos sentiments, vos pensées, vos désirs et vos aspirations si compliqués. Réunissez toutes ces considérations en un seul but celui de &ien remplir la mission que vous a assignée votre paissant maître; et pour cela il faut que vous ayez un aide; non pas un trëre, c'est un lien trop faible, mais un époux. Moi non plus je


n'ai paa besoin d'une sœur, car elle pourrait m'être entov~e un jour. Il me faut une femme; c'est la seuto compagne que )o puisse sûrement inOueneer pendant la vie et conserver jusqu'à la mort.

Sas paroles me faisaient frémir; mes membres, et jusqu'à la moelle de mes os, suLlssaient sa domination.

a Eh bien, Saint-John, cherchez MM autre que moi, dis-je, une autre qui vous conviendra mieux.

Qui conviendra mieux à mon projet, & ma vocation, voulez-vous dire? Je vous le répète encore, ce n'est pas au corps inaigninant, M'être lui-même, aux sens égoïstes de l'hïmmeennn que je désira m'unir, c'est au missionnaire.

Eh bien je donnerai mon énergie au missionnaire, c'est tout ce dont il a besoin. Mais je ne me donnerai pas moi-même; ce ne serait qu'ajouter le bois et la peau & l'amande. D n'en a pas besoin, je les garde.

Vous ne le pouvez pas, vous ne le devez pas. Pensez-vous que Dieu sera satisfait de cette demi-oblation? qu'il acceptera ce sacrifice mutilé ? C'est la cause de Dieu que je plaide; oest sous son étendard que je vous enrôle et en son nom je ne puis pas accepter une fidélité partagée: il faut qu'elle soit entière. Oh dis-je, je donnerai mon eeur à Dieu; mais vous, vous n'en avez pas besoin. <

Je crois qu'il y avait un peu de sarcasme réprimé dans le ton avec lequel je prononçai ces mots, et dans le sentiment qui les accompagnait. Jusque-là j'avais craint Saint-John silencieusement, parce que je ne l'avais pas compris. Il m'avait tenue en respect, parce que je doutais. Jusque-là je ne savais pas ce qu'il y avait en lui du saint et ce qu'il y avait de l'homme mortel. Mais bien des choses venaient de m'être révélées par cette conversation je commençais à pouvoir analyser sa nature. Je voyais ses faiblesses, je tes comprenais. Cette belle forme assise à mes côtés sur un banc de bruyère, c'était un homme faible comme Inoi. Le voile qui couvrait aa dureté et son despotisme venait de tomber; je vis son imperfection, et je pris courage. Jdtais auprès d'un égal avec lequel je pouvais discuter, et auquel je pouvais résister si bon me semblait.

Il était demeuré silencieux après m'avoir entendue parler; je me hasardai à le regarder ses yeux penchés sur moi exprimaient à la fois une grande surprise et un profond examen. H semblait se demander si je le raillais et ee que signifiait ma conduite.

a N'oublions pas, me dit-il jaa bout de eaa de temps, qu'il


s'agit d'âne chose sainte, d'âne chose dent nous M pouvons pas parler Mgarewent sans commottro une faute. J'espère, Jane, qaa vous Mes sérieuae quand vous avez dit quo vous donneriez vûtre eaaur Dieu. C'est tout co quo jo vous demande; détachez votre eceur des hommes pour le donner à votre Créateur, étalera la venue du royaume de Dieu sur la terresera le butde vos efforts les plus sérieux, l'objet de vos délices. Vous serez prête à faire tout ce qui sera nécessaire pour cela. Vous verrez combien vos efforts et les miens deviendraient plus vigoureux, si nous étions uni& de corps et d'esprit par le mariage c'est ta la seule union qui puisse donner la paraeverance et la continuité aux desseins et aux destinées des hommes, etalors, passant sur tous les caprices insignifiants, les difficultés triviales, les délicatesses de sentiment, oubliant les scrupules sur le degré, l'espèce, la force ou la tendresse des inclinations personnelles, vous vous Mterea d'accepter cette union.

Croyee-voMS? a dis-je brièvement.

Et alors je regardai ses traits beaux dans leur harmonie, mais étrangement terribles dans leur tranquille sëvëritë; son front, eu on lisait le commandement, mais qui manquait d'ouverture; ses yeux brillants, profonds, scrutateurs, mais jamais doux; sa taille grande et imposante. J'essayai de me figurer que j'étais sa femme; mais en voyant ce tableau, cette union me semblait de plus en plus impossible. Je pouvais être son vicaire, son camarade. A ce titre je pourrais traverser l'Océan avec lui, travailler sous le soleil de l'Orient, dans les déserts de l'Asie admirer et exciter son courage, sa piété et sa force accepter tranquillement sa domination; sourire avec calme devant son invincible ambition séparer le chrétien de l'homme admirer profondément l'un et pardonner librement à l'autre. n est certain qu'attachée à lui par ce seul lien, je seuurirais souvent, mon corps aurait à supporter un joug bien pesant; mais mon cceur et mon esprit seraient libres il me resterait toujours une âme indépendante; et, dans mes moments d'isolement, je pourrais m'entreteniraveo mes sentiments naturels, que rien n'aurait enchaînés. Mon esprit recélerait des recoins qui ne seraient qu'a moi, etque Saint-John n'aurait jamais le droit de sonder; des sentiments qui s'y développeraient, frais et abrités, sans que son austérité pût les flétrir, ni ses pas de guerrier les anéantir. Mais je ne pouvais pas _accepter le rôle de femme; je ne pouvais pas être sans cesse retenue, domptée je ne pouvais pas étouSër le feu de manatuH), le forcer à brûler intérieurement, ne jamais jeter un en, atMsMB la Bamme captive consumer ma vie.


« SalaMohnt m'oeriai-je âpres Avoir pense a toutes ces choses. Eh bien? me répondit-il froidement.

Je vous le rëp~te, ja consens à partir avec vous commo votre eompagHOM, non pna eonwM voira teo~M. Jo no puis pas vous épouser at devenir una portion de vons.

Il faut que vous deveniez une portion de moi, répondit-il fermement; sans cela le reste est impossible. Comment moi, qui n'ai pas encore trente ans, pourrais-je emmener aux Indes une jeune fille de dix-neuf ans, si elle n'est pas ma femme ? Si nous ne sommes pas unis par te mariage, comment pourrons.nous vivre toujours ensemble, quelquefois dans la solitude, quelquefois au milieu des tribus sauvages?

--C'est très-possible, répondis-je brièvement; e'est aussi faoile que si j'étais votre véritable saaur, ou un homme, un prêtre comme vous.

On sait que vous n'êtes pas ma soeur, et je ne puis pas vous faire passer pour telle; le tenter serait attirer sur tous deux des soupçons injurieux. Du reste, quoique vous ayez le cerveau vigoureux de l'homme, vous avez aussi le ceeur de la femme, et ce serait impossible.

Ce serait possible, affirmai-je avec quelque dédain, parfaitement possible. J'ai un cœur de femme, c'est vrai, mais non pas par rapport à vous. Je n'ai pour vous que la constance du camarade, la franchise, la fidélité et l'affection d'un compagnon de lutte, le respect et la soumission d'un néophyte; rien de plus, n'ayez pas peu".

C'est ce dont j'ai besoin, dit-il, comme se parlant à lui.même; c'est bien là ce dont j'ai besoin. Il y a des obstacles, it faudra les franchir. Jane, dit-il tout haut, vous ne vous repentirez pas de m'avoir épouse, soyez-en certaine. Il faut nous marier; je vous le répète, c'est le seul moyen, et notre mariag* sera sûrement suivi d'assez d'amour pour rendre cette union juste, même a vos yeux.

Je ne pus pas m'empêcher de m'ëcrier en me levant et en m'appuyant contre le rocher

c Je méprise ce faux sentiment que vous m'offrez; oui, SaintJohn, et quand vous me l'offrez, je vous méprise vous-même. II me regarda fixement en comprimant sa lèvrebien dessinée; il serait difficile de dire s'il fut surpris ou irrité, car il sut sa~ dominer entièrement.

c Je ne m'attendais pas à entendre ces mots sortir de votre bouche, me dit-il jc crois s'avoir rien fait ni rien dit qui E<tMUem<M-ia.< s


le tue touohdo par sa douceur et gegaee pM son mMnthm no. ble et calme.

<PMd<mM~-m~i, Saiat'Joha, M'éoriai-je; mats c'est votra faute a! j'ai 6t<! oxciMo pador ainsi wons avox entrons un sujet sur lequel noua dKMrona d'opinion et que nous ne dovrions jamais discuter. Le seul nom do l'amour est ana pommade discorda entre nous; quo serait donc l'amour même? QM ferionsaouaP qw'~praaverions.BOus? Mon cher cousin, abandoaaoz votre projet de mariage, oubliez-le.

Non, dit-il; c'est aa projet longtemps chéri, le sowt qui puisse me faira atteindra mon grand but; mais je ne vaux plus vous prier maintenant. Demain je pars pour Cambridge. J'ai là plusiours amis auxquels je voudrais dira adieu. Je serai absent uno quinxaiM de jours. Pendant ce temps, vous aongeraK&meR offre, etn'enMiez pas que, ai vous la rejetez, ee n'est pas moi, mais Dieu, que vous refusez. Il se sert de moi pour vous ouvrir une noble carrière; si vous voulez être ma femme, vous pour. rez y entrer; sinon vous condamnez votre vie à être une cestence de Mea-etre égoïste et de complète obsenrite. Prenez garde d'être comptée an nombre de ceux qui ont refusé la foi et qui sont pires que les inCdëtes.

n s'arrêta et, se retournant une fois encore, il regarda rM~ms et les MOM~nes. Mais il refoula ses sentiments au fond de son cœur, parce que je n'étais pas digne de les lui entendre exprimer. Quand nous retournants à la maison, son silence me fit comprendre tout ce qu'il éprouvait pour moi. Je lus sur son visage le désappointement d'une nature austère et despotique qui avait été en butte à la résistance là ou elle comptait sur la soumission la désapprobation d'un juge froid et innexibte qui 'vait trouvé chez nn autre des sentiments et des manières de voir qu'il ne pouvait point admettre. En un mot, l'homme aurait voulu me forcer à l'obéissance, et ce n'était que le chrétien sin~ cère qui supportait ma perversité avec tant de patience et laissait un temps si long à ma réuexion et à mon repentir. Ce soir-là, après avoir embrassé ses sœurs, il jugea convenable de ne pas même me donner une poignée de main, et il quitta la chambre en silence. Comme, sans avoir d'amour, j'avais beaucoup d'affection pour lui, je fus attristée par cet oubli volontaire, si attristée que mes yeux se remplirent de larmes.

< Je vois, me dit Diana, que pendant votre promenade vous et Saint-John vous vous êtes disputés; mais suivez-le il vous attend et ae premèae daas le corddc?; il se réconeilicis tacilement.


Bana eaa ohoae!t-!&, jfa!pM d'orgueil; j'aime mieux Mrehea.rausc que digae. Je courus ap~shu; il était au bas do l'oscalier. < Ba~aoir, Sa!Mt-tehn, dis-je.

NaHsaif, J~ne, mo f~poMOtt-it tranq~~cment.

RaaMR-taot Mna pengnde do main. t ajcut~! je. QMetta pression Mg&Fe et froide il fit Sfntir à mes doigts Ce qwt ~tatt arrivé dans tajjeufnëetm avait prufond~taont déplu. La cordialité B8 pouvait pas Metmu~'r, ni les larmes l'émouvoir. Ainai, avec lui, il n'y aurait jamais d'heureMM réconciliation, do joyeux sourires, deg~MMMS parotea; cependant ïo chrétien était patient et doux.

Quand je lui demandai s'il m'avait pardonné, il me répondit qu'il n'avait pasrhaMtudo do ae souvenir des injures, qu'il n'avait rion à pardonner puisqu'il n'avait pas 6t(i otîensë. Après m'avoir fait cette )~pM80, il me quitta; j'aurais préféré qu'il m'e&tjeMe à terre.

CHAHTRE XXXV.

n ne partit pM pour Cambridge le jour suivant, ainsi qu'il t'avait dit; il resta une semaine entière, et, pendant ce temps, il me St sentir quelle dure punition pouvait inCiger un homme bon mais sévère, consciencieux mais implacable quand on l'avait offensé. Sans un seul acte d'hostilité ouverte, sans un seul mot de reproche, ils'efTorcademe montrer qu'il me blâmait. Non pas que Saint-John nourrît dans son esprit une haine antichrétienne non pas qu'il eût voulu nuire à un seul cheveu de ma tête, s'il l'avait pu; par nature et par principe, il dédaignait une basse vengeance. M m'avait pardonné de lui avoir dit que je le méprisais et que je méprisais son amour, mais il n'avait point oublié, et je savais qu'il n'oublierait jamais. Je voyais par la manière dont il me regardait que ces paroles étaient toujours écrites dans l'air entre lui et moi toutes les fois que je lui parlais, elles résonnaient à son oreille, et ie le voyais par ses réponses.

U n'évitait pas de causer avec moi; chaque matin, au contraire, il m'appelait prés de lui. Je crois que l'homme corrompu prenait an plaisir que ne partageait pas le pur «hrétian & mon. trer avec quelle habileté il pouvait, tout en parlant et en agis-


aant «Marna ordinairement, retirer & chaque phrase et & cita~a aete ce charme et cet intérêt qui jadis donnaient un aMraitaas" Mra A son langage et A sas mnnMres. Pour moi, il n'était plus un homme de chair, mais un homme da marbre. Ses yeux MS« semMaient à une piarra bleue, brillante et froide; sa langue,a un instrument, rien de plus.

Tout oola était pour moi une torture douloureuse et rafnnée; elle entretenait en moi une indignation brMante et secrète, une douleur intérieure qui m'accablait et m'ôtait la force. Je sentais que, si je devenais sa femme, cet homme bon et pur comme ia source souterraine m'aurait bientôt tuëo sans retirer une saute goutte de sang a mes veines et sans souiller sa conscience sans tache; je sentais surtout cola lorsquo je ohorchais & me rapprocher de lui je le trouvais sans pitié. M ne souHrait pas de notre ëtoignemeat, il ne désirait pas la réconciliation, et, quoique bien des fois mes larmes abondantes eussent mouilld la page sur laquelle nous étions penchés tous deux, elles ne l'impressionnaient pas plus que si son c<aur eût été de pierre ou de métal. Quelquefois aussi, il était plus auectueux que jadis à l'égard de ses sœurs; on eût dit qu'il craignait que sa simple froideur ne fût pas assez forte pour me convaincre qu'il m'avait bannie, et qu'il voulait encore y ajouter la force du contraste; et je suis persuadée qu'il le faisait non car méchanceté, mais par principe.

Le soir qui précéda son départ pour Cambridge, je le vis se promener seul dans le jardin; en le regardant, je me rappelai que cet homme, quelque éloigné de moi qu'il fût maintenant, m'avait autrefois sauvé la vie, que nous étions parents, et je voulus faire un dernier effort pour regagner son affection. Je sertis et je m'approchai de lui au moment où il était appuyé sur la petite grille du jardin. J'en vins tout de suite au sujet qui m'intéressait.

< Saint-John, dis-je, je suis malheureuse parce que vous êtes encore fâché contre moi; soyons amis.

J'espère que nous sommes amis, dit-il tranquUlement, en continuant à regarder le lever de la lune qu'il contemplait déjà lorsque je m'étais approchée.

-Non, Saint-John, repris-je nous ne sommes pas amis comme autrefois, vous le savez.

Le croyez-vous? alors c'est un tort. Quant à moi, je ne voua souhaite aucun mal et je vous veux du bien.

Je vous crois. Saint-Jouu, parce que je vous sais incapable te souhaiter du mal & qui que ce soit mais, comme je suis votre


parante, je tMaifa une autre aNëation que aatte philanthropie générale que vous étendez mûma jusqu'aux étrnMgefs. Certainement, dit-il, votre désir est raisoMuaNo, ot je suis loin do voua regarder comme une êtrang&fa.

Ces mots, dits d'un ton tranquille et froid, étaient mortiNauta et irritants. Si j'avais écouté ma colère et mon orgueil, je l'au. rais immédiatement quitté mais il y avait en moi q'tetqae chose do plus fort quo ces sentiments. Je vénérais les talents et les principes de mon cousin; j'appréciais son affection, et la perdre était une doutomause épreuve pour moi; je M voulais pas re* nonoer st vite à la reconquérir.

e Faut-M nous séparer ainsi, Saint-John, et, quand vous partirez pour l'Inde, me quittefM-vous sans m'avoir dit une seule parole douée? a

H cessa de contempler la lune et me regarda en face. < Quand j'irai aux Indes, Jane, je vous quitterai Commeatt ne venez-vous pas avec moi? 'l

Vous m'avez dit que je ne le pouvais pas, à moins de voua épouser.

Et vous ne le voulez pas, vous persistez dans votre reaotutiom?

On ne se figure pas combien les gens froids peuvent effrayer par la glace de leurs questions. Leur colère ressemble à la chute d'une avalanche, leur mécontentement à une mer glacée qui vient de se briser.

a Non, Saint-John, dis-je pourtant, je ne vous épouserai pas; je persiste dans ma résolution.

L'avalanche pe remua et avança un peu, mais elle ne tomba pas encore.

t Je vous demanderai de nouveau pourquoi ce refus, poursuivit Saint-John.

Autrefois, dis-je, c'était parce que vous ne m'aimiez pas; maintenant, c'est parce que vous me détestez presque. Si je vous épousais, vous me tueriez, et vous me tuez déjà. » Ses joues et ses lèvres se décolorèrent entièrement. < le vous <<MMM, je vous dus <M)d Vos paroles sont de celles qu'on ne devrait pas prononcer. Elles sont violentes, indignes d'une femme et fausses. Elles trahissent le malheureux état de votre esprit; elles mériteraient des reproches sévères; elles semblent inexcusables mais c'est le devoir d'un chrétien de pardonner & son frère jusqu'à ttOM~nte-dix-sept fois. s Le mat n'était que commencé; je venais de l'achever. Je dési. <Sts eËacer de son esprit la trace de ma première offense, et je


vanaia de l'imprimer d'âne maniera plus profonde etpluafhaeata dans ça oaaur qui sa souvenait do tout.

< Maintanant, dia-jo, vous aHoz mo ht~r tout à fa!t; il est inutile de tenter une r~noiliatioM jo vois que j'ai fait do vous mon éternel ennemi.

Ces mota furent d'autant plus funestes qu'ils touchaient juste. Sa lèvre pMe se contracta un moment; je vis quelle colère inNexible je venais d'exciter en lui, et j'en eus le ceeup serfe. < Vous interprétez mal mes paroles, m'écriai-je en saisissant ea main. Je vous assure que je n'ai ou l'intention ni de vous tuBiger ni de vous blesser. s

Il sourit amèrement et retira vivement sa mai'a de la mienne. < Maintenant, dit4t après une pause, il est prohaNe que vous allez rétracter votre parole et que vous refuaefts d'aller aux Indes?

Pardon, rependts-je, je veux bien y aller comme votre compagnon. B

n y eut un long silence; je ne sais quelle lutte se passa en lui entre la nature et la grâce; mais ses yeux brillaient d'un éclat singulier, et des ombres étranges passaient sur sa figure. Il dit emm

< Je vous ai déjà prouvé qu'il était impossible à une femme de votre âge de suivre un homme du mien, sans que tous deux soient unis par le mariage. Je vous l'ai prouvé d'une teUe manière, que je ne pensais pas vous entendre jamais faire de nouveau allusion à ce projet, et je regrette de vous voir parler ainsi. Je l'interrompis tout ce qui ressemblait à un reproche me donnait courage.

Saint-John, dis-je, soyez raisonnable; car dans ce momentci vous déraisonnez. Vous prétendez être choqué par ce que je vous ai dit; mais vous ne l'êtes pas réellement car, avec votre esprit supérieur, vous ne pouvez pas vous méprendre sur mon intention. Je le répète, je serai votre vicaire, si vous le désirez, jamais votre femme.

n devint de nouveau mortellement pâle; mais il réprima encore sa colère et me répondit emphatiquement, mais aveooahne < Je ne puis pas accepter qu'une femme qui n'est pas à moi m'aide dans ma mission. Il paraît que vous ne pouvez pas vous accorder avec moi mais si vous êtes sincère dans votre offre, pendant que je serai à la ville, je parlerai à un missionnaire matié, dont la femme a besoin de quelqu'un pour l'aider. Votre tartane personnelle vous rendra inutiles les secoufs de la société. et ainsi vous n'aurez pas la honte de manquer & votre


parole et da déserter l'armde dans laquelle vous veaa étiez es* gag~e à voua enrelw. w

Je n'avais jamais fait aucune promesse tonnelle ja n'avais jamais pris aucun engagement; aussi ca langage M~ parât-il trop dur et trop despotique. Je répondis

« Il n'y a M ai honte, ni promesse brisée, ni dëserMon; je ae suis nullement forcée d'aller aux Indes, surtout avea des étrangers. Avec vous j'aurais beaucoup tenté, parce que je vous admira, que j'ai coBaaaceem vous et que je vous aime comme une seew maisja sais convaincue que n'importe aveo qui j'aille dans ça pays, ja ne pourrai pas y vivre longtemps.

Ah< 1 vous avez peur pour vous, dit-il en retevamt sa lèvre. C'est vrai. Dieu ne m'a pas donne la vie pour que je la pordo; jo commcnce à croiro quo ce quo vous me demandez équivaut à un saieide; d'ailleurs, avant de quitter l'Angleterre pour toujours, ja veux m'assurer que je ne serai pas plus utile en y restant qu'en partant.

Que voakz-voas diret

U n'est pas adcessaire que je m'explique; mais il y a une chose sur taqueUe j'ai depuis longtemps des doutes douloureux, et je ne puis aller nulle part avant d'avoir dclairoi ces doutes. Je sais vers quel objet se tournent vos yeux et à quoi s'attache votre cœur. La chose qui vous préoccupe est illégale et impie; il y a longtemps que vous auriez d6 réprimer ce sentiment, et maintenant vous devriez rougir d'y faire allusion. Vous pensez à M. Rochester.

C'était vrai, et je le confessai par mon silence.

< Eh Ment continua Saint-John, allez-vous donc voa? mettre à la recherche de M. Rochester?

H faut que je sache ce qu'il est devenu.

Alors, reprit-il, il ne me reste qu'à me souvenir de vous dans mes prières et à supplier Dieu du fond de mon ccsur qu'il ne fasse pas de vous une réprouvée. J'avais cru reconnattre en vous une élue; mais Dieu ne voit pas ~c-~ne les hommes que sa volonté soit faite.

Il ouvrit la porte, sortit et descendit dans la vaL~e Je ne le vis bientôt plus.

En rentrant dans le salon, je trouvai Diana debout devant la fenêtre; elle semblait pensive. Diana, qui était bien plus grande que moi, posa sa main sur mon épaule et examina mon visage. < Jane, me dit-elle, vous êtes toujours pâte et agitée mainteMat je suis 80M quo voua a~ez quelque choaa. DIteN-itMoi ce qui se passe entre vons et Saint-John; je viens de vous Mgar


d~ par la fenêtre pendant une dem~-heara environ. Paraonaezmoi ce rMe d'espion, mais depuis longtemps déjà jo no sais eo que je me suis imngin~; Saint-Jchn ostsi mtraefdinaira) f EHo a'awAta; je ne dis rien; elle reprit bientôt e Je sais aura que Mon frère a quelque intention par rapport à vous pendant longtemps il vous a Mmoignë un intérêt dont il n'avait jamais favorisé personne. Dans quel but? Je voudrais qu'il vous aimAt. Vous ahne-t-H, Jaae? dites-le-moi. »

Elle posa sa main ft oido sur ma Mte brû!ante.

w Non, Diana, ropondis-je, pas la moins du monde.

Alors pourquoi vous suit-il toujours des yeux? Pourquoi Mate-t-H si souvent soul avec vous? Pourquoi vous garde-t-il aana cesse près de lui? Marie et moi noua pansions qu'il désirait vous ëpoMar.

N le désire, en euet il m'a demande d'être sa femme. Diana frappa des mains.

w C'est justement ce que no' uensiona et ce que nous espérions a'ëoria-t-eDe. Vous rëpOt.fez, Jane, n'est-ce pas? et il restera en Angleterre.

Bien loin de là, Diana; son seul désir, en m'ëponsant, est d'avoir une compagne qui puisse l'aider à accomplir sa mission dans l'Inde.

Comment il désire que vous alliez aux Indes t

Oui.

Quelle folie s'ecria-t-eUe; je suis bien sure que vous ne pourriez pas y vivre trois mois. Vous n'irez pas; vous n'avez pas consenti, n'est-ce pas, Jane?

J'ai refusé de l'épouser.

Et, par conséquent, vous lui avez dëp! i, ajouta-t.elle. Profundément; je crains qu'il ne me pardonne jamais, et pourtant je lui ai ouert de l'accompagner à titre de soeur. C'était de la folie à vous, Jane. Pensez quelle tache vous acceptiez; quels incessants labeurs dans un pays où la fatigue tue les plus forts, et vous êtes faible Vous connaissez SaintJohn il vous demanderait l'impossible avec lui, il ne faudrait même pas se reposer pendant les heures les plus chaudes; et j'ai remarqué que malheureusement vous vous efforciez de faire tout co qu'il vous demandait. Je suis étonnée que vous ayez eule courage de refuser samain. Vous ne l'aimez donc pas, Jane? Non, pas comme mari.

Cependant il est beau.

Et moi, Diana~je suis si laMe, nous ne pouvions pas nous convenir. i


Laide veust pas le moins du monde. Vous êtes bien trop Jolie et Mon trop bonne pour être bruMa vlvante aCalo~Ma! 1 Il ut de nouveau elle me supplia vivement de renoncer à mon projat d'accompagner son trëre.

e Il faut bien que j'y renonce, répondis.je; car tout M'haura, lorsqua je lui ai répatë que j'étais prête à lui servir d'aide, il a été chaque de mon manque de modestie. 11 semblait considérer comme tres-étrango ma proposition de l'accompagner sans être marMe & lui, comme si je n'avais pas toujours été habituée & voir M lui un frère.

Jaao, pourquoi dites-vous qu'il ne vous aime pas? Je voudrais que vous l'entendre vous-même sur ce sujet. Il m'a répète Mon des fois quo ce n'était pas pour lui qu'il se mariait, mais pour l'accomplissement de sa tâche; que j'étais faite pour le travail, non pour l'amour. C'est probablement vrai; mais, dans mon opinion, puisque je ne suis pas faite pour l'amour, il s'ensuit que je ne suis pas faite pour le mariage. Diana, ne serait-il pas cruel d'être enchaînée pour toute la vie & un homme qui ne verrait en vous qu'un instrument utile? Y

Oh oui ce ne serait ni naturel ni supportable. Qu'il n'en soit plus question.

Et puis, continuai-je, quoique je n'aie pour lui qu'une affection de soeur, si j'étais forcée de devenir sa femme, peut-être ses talents me feraient-ils concevoir pour lui un amour étrange, inévitable et torturant; car il y a quelquefois una grandeur héroïque dans son regard, ses manières, sa conversation. Oh 1 alors je serais bien malheureuse! Il ne désire pas mon amour, et, si je le lui témoignais, il me ferait sentir que cet amour est un sentiment superuu qu'il ne m'a jamais demandé et qui ne me convient pas; je sais qu'il en serait ainsi.

Et pourtant Saint-John est bon, reprit Diana.

Oui, il est bon et grand; mais en poursuivant ses desseins magnifiques, il oublie avec trop de dédain les besoins et les sentiments de ceux qui aspirent moins haut que lui aussi ceux-là feront mieux de ne pas suivre la même route que lui, de peur que, dans sa course rapide, il ne les foule aux pieds. Le voilà qui vient; je vais vous quitter, Diana.

Le voyant ouvrir la porte du jardin, je montai rapidement dans ma chambre.

Mais je fus forcée de me trouver avec lui à l'heure du souper. Pendant le repas, il fut aussi calme qu'a l'ordinaire. Je croyais qu'il me parlerait à peine, et j'étais persuadée qu'il avait M-


aoneé & aaa projets de mariage; je vis bientôt que je m'étais trompée dans mea deux suppositions. M me parla comme ordinairement, ou du moins comme il mo parlait depuis quelque temps, e'ea~&~ira avec une potitessa softtpuleuse. Sana doute il avait invoqué l'aide da l'Esprit saint pour dompter sa colère, et il croyait m'avoir pardonné encore une fois.

Quand l'heure de la lecture du soir fat venue, il choisit le vingt et unième chapitre de l'Apocalypse. De tout temps, j'avais aimé à lui entendre prononcer les paroles de la Bible; mais jamais sa belle voix ne me paraissait si douce et ai sonore, ni aes manières si imposantes dans leur noble simplicité, que lorsqu'il nous lisait les prophéties de Dieu. Ce soir-là, sa voix prit un timbre encore plus solennel et ses manières une intention plus pénétrante. !1 était assis, au milieu de nous la lune de mai brillait à travers les fenêtres dépouillées de leurs rideaux, et rendait presque inutile la lumière posée sur la table. SaintJohn était penche sur sa vieille Bible, et lisait les pages ou saint Jean raconte qu'il a vu un nouveau ciel et une nouvelle terre, < que Dieu viendra habiter parmi les hommes, qu'il essuiera toute larme de leurs yeux, qu'il n'y aura plu? ni mort, ni deuil, ni cri, ni travail, car ce qui était auparavant sera passe. » Au moment oà il lut le verset suivant, je fus douloureusement frappée; car je sentis, par une légère altération dans sa voix, que ses yeux s'étaient tournés de mon ctté. Voici ce qu'il contenait

c Celui qui vaincra héritera toutes choses je serai son Dieu et il sera mon nls. z Puis Saint-John continua d'une voix lente et claire c Les timides, les incrédules, etc., leur part sera dans Fêtant ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort. Plus tar&, je aus laquelle de ces deux destinées Saint-John craignait pour moi.

n lut ces derniers mots avec un accent de triomphe meM d'une ardente inspiration. 11 croyait voir déjà son nom écrit dans le livre de vie, et il aspirait vers l'heure qui lui ouvrirait cette cité c où les rois de la terre apportent ce qu'ils ont de plus magnifique et de plus précieux, et qui n'a besoin ni de soleil ni de lune pour l'éclairer car la gloire de Dieu l'éclairé, et l'agneau est son flambeau.

Il déploya toute son énergie dans la prière qui suivit la lecture de la Bible son zèle s'éveilla. H méditait profondément, s'entretenait avec Dieu et semblait se préparer a une victoire. n demanda la force pour les coeurn faibles, la lumière pour eeax qai N'écartent du troupeau, le retour maaMJthMMiiatM


heure du jour pour ceux que les tentations dm monde ou ~e la chair ont entrahtéa loin du droit chemin il supplia l'Rterad d'arfaoher un tison à la tournaisa ardente. Il y a toujours quelque chose d'imposant dans une semblable véMmecce. Je fus d'abord étonnée de sa prière; mais, lorsque je le vis continuer et s'animer, je fus touchée et enfin saisie de respect. H sentait si bien ce qu'il y avait de grand et de bon dans son dessein, que ceux qui l'entendaient ne pouvaient pas-sentir autrement que lui.

La prière achevée, nous prîmes congé de lui. H devait partir lelendemain de très-honne heure. Après l'avoir embrassé, Diana et Marie quittèrent la chambre il me sembla qu'il le leur avait demandé tout bas. Je lui tondis la main et je lui souhaitai un bon voyage.

< Merci, Jane, me dit-il je reviendrai dans une quinzaine de jours; je vous laisse encore ce temps-là pour réfléchir. Si j'écoutais l'orgueil humain, je ne vous p&rlerats plus de mariage; mais je n'écoute que mon devoir, et je n'ai en vue que la gloire de Dieu. Mon maître a été patient, je le serai aussi. Je ne veux pas vous laisser à votre perdition comme un vase de colère i repentez-vous pendant qu'il en est encore temps. Rappelez-vcas qu'il nous est commandé de travailler tant que le jour dure car la nuit approche, où aucun homme ne pourra plus travailler. Souvenez-vous du sort de ceux qui veulent avoir toutes leurs joies sur la terre. Dieu vous donne la force de choisir cette richesse que personne ne pourra vous enlever 1 s

U posa sa main sur ma tête en prononçant ces derniers mots. il avait parlé avec véhémence et douceur. Son regard n'était certainement pas celui d'un amant qui contemple sa mattresse, mais celui d'un pasteur qui rappelle sa brebis errante, ou plutôt celui d'un ange gardien surveillant l'âme qui lui a été con&ée. Tous les hommes de talent, que ce soient des hommes de sentiment ou non, des prêtres zélés ou des despotes, pourvu toutefois qu'ils soient sincères, ont leurs moments sublimes lorsqu'ils règnent et soumettent. Je sentis pour SaintJohn une vénération si forte que je me trouvai tout à coup arrivée au point que j'évitais depuis si longtemps. Je fus tentée de cesser toute lutte, de me laisser entratner par le torrent de sa volonté, de m'engloutir dans le gouffre de son existence et d'y sacrifier ma vie. n me dominait presque autant que m'avait autrefois dominée M. Roehcster, pour une cause différente; dans les deux cas, j'étais folle. Céder autrefois eût été manquer aux grands principes; céder maintenant eut été une erreur de


jugement. do vois toat cela clairement, & présent que la crise douloureuse est passée. Alors je n'avais pas conscience de me folie.

Je me sentais impuissante sous le contact de ce prêtre; j'oubliai mes refus. Mes craintes se dissipèrent mes efforts tarent para!ysës. Cette union que t'avais jadis repoussée devenait possible à mes yeux tout changeait subitement. La religion m'appelait, les anges me faisaient signe de venir, Dieu commandait la vie se déroutait rapidement devant moi; tes portes de la mort s'ouvraient, et au delà me laissaient voir l'éternité. n me semblait que, pour y être heureuse, je pourrais tout sacrifier en ce monde; cette sombre chambre me paraissait pleine de visions.

< Pourriez-vous vous décider maintenant » me demanda le missionnaire.

Son accent était doux, et il m'attira amicalement vers lui. Oh combien cette douceur était plus puissante que la force 1 Je pouvais résister à la colère de Saint-John; sa bonté me faisait plier comme un roseau et pourtant, j'eus toujours conscience que, si je cédais, je m'en repentirais un jour. Une heure de prière solennelle n'avait pas pu changer sa nature; elle n'avait pu que l'élever.

<[ Je pourrais me décider si j'étais certaine, répondis-je; je pourrais jurer de devenir votre femme si j'étais convaincue quo telle est la volonté de Dieu; et plus tard advienne que pourra 1 Mes prières sont exaucées! 1 s'écria Saint-John. n pressa plus fortement sa main sur ma tête, comme s'il se fût emparé de moi; il m'entoura de ses bras presque comme s'il m'eût aimée je dis presque; je pouvais apprécier la dine* renée, car je savais ce que c'est que d'être aimé; mais comme lui j'avais mis l'amour hors de question, et je ne pensais qu'au devoir. Des nuages Sottaient encore devant mes yeux, et je luttais pour les écarter. Je désirais sincèrement et avec ardeur faire ce qui était bien, et je ne demandais au ciel que de me montrer le sentier à suivre. Jamais je n'avais été si excitée. Le lecteur jugera si ce qui se passa alors fut le résultat de mon exaltation.

La maison était tranquille car je crois que, sauf Saint-John et moi, tout le monde reposait. La seule lumière qui nous éclairât s'éteignait la lune brillait dans la chambre. Mon ccaur battait rapidement; j'entendais ses pulsations. Tout &coup,ae8 battements furent arrêtés par une sensation inexprimable, qui bientôt se communiaua à ma tête~et.à mes ~embces, Cette


sensation ne ressemblait pas a un ob~o électrique; mais elle était aussi aiguë, aussi étrange, aussi émouvante. On o&t dit que, jusque-là, ma plus. grande activité n'avait été qu'une torpeur d'où l'on me commandait de sortir. Mes sens s'éveillaient haletants mes yeux et mes oreilles attendaient ma chair frémissait sur mes os.

< Qu'avez-vous entendu? qu'avez-vous vu? me demanda Saint-John.

Je n'avais rien vu mais j'avais entendu une voix me crier a Jane 1 Jane Jane 1 et rien de plus.

Oh Dieu 1 qui pouvait-ce être? J'aspirai l'air avec force. J'aurais pu dire « Où est-ce? car cette voix ne sortait ni de la chambre, ni de la maison, ni du jardin, ni de l'air, ni des abimes de la terre, ni du ciel. Je l'avais entendue; mais où, et comment? il m'eût été impossible de le dire. C'était la voix d'un être humain, une voix bien connue et bien aimée, celle d'Edouard Rochester. Elle était triste, douloureuse, sauvage, aérienne, et semblait prier.

< Je viens, m'écriai-je; attendez-moi. Oh 1 je, vais venir. B Je courus ouvrir la porte, et je regardai dans le corridor i! était sombre. Je courus dans le jardin il était vide. <t Où êtes-vous? e m'écriai-je.

Les montagnes derrière Marsh-Glen répétèrent faiblement <[ Où êtes-vous? J'écoutai. Le vent soupirait doucement dans les sapins; tout autour de moi je ne vis que la solitude des marais et la solitude de la nuit.

<t Va-t'en, superstition m'écriai-je en voyant un spectre noirse dessiner près des ifs déjà si obscurs. Ce n'est pas là une de tes déceptions; ce n'est pas là un effet de ta puissance; c'est l'oeuvre de la nature. Elle s'est éveillée et a fait tous ses efforts. » Je m'éloignai violemment de Saint-John, qui m'avait suivie et voulait me retenir. Mon tour était venu; ma puissance était en jeu, et je me sentais pleine de force. Je lui demandai de ne me faire ni questions ni remarques. Je le priai de me quitter: il me fallait être seule, je le voulais. n céda aussitôt. Quand on aune énergie assez forte pour bien commander, il est facile de se faire obéir. Je montai dans ma chambre; je m'enfermai; je tombai à genoux, et je priai à ma manière manière bien différente de celle de Saint-John, mais efficace aussi. H me semblait que j'étais tout près d'un puissant esprit, et, pleine de gratitude, mon âme se précipitait à ses pieds; Je me relevai après cette action de grâces, je pris une résolution, et je me couchai éclairée et décidée. J'attendis le jour avec impatience. JA!)E B il 14


CHAPITRE XXXVI.

Le jour arriva enfin. Je me levai à l'aurore. Pendant une heure ou deux je m'occupai à ranger mes tiroirs, ma garde-robe et tout ce que contenait ma chambra, afin de tes laisser dans l'état qu'exigeait une courte absence. Pendant ce temps, j'entendis Saint-John quitter sa chambre. H s'arrêta devant la mienne. Je craignais qu'il ne frappât; mais non il se contenta de glisser une feuille de papier sous ma porte. Je la pria et je lus ces mots

< Vous m'avez quitté trop subitement hier au soir. Si seulement vous étiez restée un peu plus de temps, vous auriez posé votre main sur la croix du chrétien, sur la couronne des anges. Je reviendrai dans quinze jours, et alors je m'attends à vous trouver tout à fait décidée. Pendant ce temps, priez <*t veillez, afin de n'être pas tentée; je crois que l'esprit a bonne volonté, mais la chair est faiMe. Je prierai pour vous à toute heure. c Tout à vous, SAM)T-JOBtt. < Mon esprit, me dis-je, veut faire ce qui est bien, et j'espère que ma chair est assez forte pour accomplir la volonté du ciel, lorsque cette volonté me sera clairement démontrée. En tous cas, elle sera assez forte pour chercher, sertirdesnuagesetdu doute, et trouver la lumière et la certitude. »

Bien qu'on fût au 1" du mois de juin, la matinée était froide et sombre, la pluie fouettait les vitres. J'entendis Saint-John ouvrir la porte de devant, et, regardant à travers la fenêtre, je le vis traverser le jardin; il prit un chemin au-dessus des marais brumeux, et qui allait dans la direction de Whiteoross. C'était qu'il devait rencontrer la voiture.

e Dans quelques heures je suivrai la même route que vous, pensai-je; moi aussi j'irai chercher une voiture à Whitecross; moi aussi j'ai en Angleterre quelqu'un dont je voudrais savoir des nouvelles avant de partir pour toujours. D

n me restait encore deux heures avant le déjeuner; je me mis à me promener doucement dans.ma chambre, et à songer à l'événement qui m'avait fait prendre cette résolution subite. Je me rappelais la sensation que j'avats éprouvée, car elle me Menait toujours aussi étrange. Je me rappelais la voix que


~twaia entendae. De nouveau je me demandai d'au eBe pouvait venir, mais aussi vainement qu'auparavant; il me semblait que ce n'était pas du monde extérieur. Je me disais que c'était peutêtre une simple impression nerveuse, une Ulusion, et pourtant je ne pouvais pas le croire; cela ressemblait plutôt à une inspiration. Ce choc était venu comme le tremblement de terre qui remua les fondements de ]a prison de saint Paul et de Silas; il avait ouvert la porte de mon âme, l'avait délivrée de ses chaînes, sortie de son sommeil, et elle s'était éveillée tremblante, atten<< tive et étonnée. Alors trois fois un cri résonna à mes oreille épouvantées, dans mon c<aur haletant et dans mon esprit inquiet et ce cri n'avait rien de surprenant ni de terrible, mais il sem.blait bien plutôt joyeux de cet effort qu'il avait pu faire sans la secours du corps.

< Dans peu de jours, mo dis-je en achevant ma rêverie, je saurai quelque chose sur celui dont la voix m'a appelée la nuit dernière. Les lettres ont été inutiles; je tenterai des recherches personnelles.

Au déjeuner, j'annonçai à Marie et à Diana que j'allais partir pour un voyage et que je serais absente au moins quatre jours. a Vous allez partir seule? me dirent-elles.

Oui, répondis-je; je pars pour savoir des nouvelles d'un ami dont je suis inquiète depuis quelque temps. t Elles auraient pu m'objecter qu'elles étaient mes seules amies, car je le leur avais souvent Ait, et je suis même persuadée qu'elles y pensèrent dans le moment; mais avec leur délicatesse naturelle, elles s'abstinrent de toute observation. Diana seule me demanda si j'étais sure d'être assez bien portante pour voyager; elle me dit que j'étais très-paie. Je répondis que l'inquiétude seule me faisait souffrir, et que j'espérais en être bientôt délivrée.

N me fut facile de faire mes préparatits, car je ne fus troublée ni parles questions ni par les soupçons. Lorsque je leur eus dit que je ne pouvais pas m'expliquer, elles acceptèrent gracieusement mon silence, et moi je ne fus pas tentée de le rompre; elles.me laissèrent agir librement, comme moi-même je l'aurais fait à leur égard dans de semblables circonstances. Je quittai Moor-House vers trois heures, et, un peu après quatre heures, j'étais devant le poteau de Whitecross, attendant la voiture qui devait me mener, & ThornneM. Je l'entendis de loin, grâce au silence de ces montagnes solitaires et de ces toutes désertes. Il y avait un an, j'étais descendue de cette même voiture, d~asee même endroit, desoMe, sNaseanoirat


sans but. Je fia signe et la voiture s'affûta; j'entrai, aana Ctfa foM<!a cette fois do mo d~MM) do tout ce que je possédais pour obtenir uno p!ao~. J'étais do nouveau sur la toute du Thorandd, et je reaaonblaia a un pigeon voyageur qui Mtwrne chea lui. Le voyage était de trente-six heures; j'étais partie de WhMcross un mardi dans l'après-midi, et le jeudi, de bonne heure, le cocher s'arrêta pour donner à boire aux ohevaux, dans une auberge située au milieu d'un pays dont les buissons verts, les grands champs et les montagnes basses et pastorales me frapp&ront comme les traits d'un visage connu. Combien ces aspects me sembleront gracieux < combien cette verdure me parut avoir de douces teintes, quand je songeai aux sombres marais de Mouton Oui, je connaissais ce paysage et je savais que j'approchais de mon but.

e A quelle distance est le château de Thomneld? demandai-je au garçon d'écurie.

A deux milles à travers champs, madame.

Voilà mon voyage fini, e pensai-je.

Ja descendis de voiture; je chargeai le garçon de garder ma malle jusqu'à ce que je la nsse demander. Je payai ma place, je donnai un pourboire au cocher, et je partis. Le soleil brillait sur l'enseigne de l'auberge, et je lus ces mots en lettres d'or Aux ~fmes des Rochester. Mon cœur se soulevait; j'étais déjà sur les terres de mon maître; je me mis à penser, et je me dis tout à coup <r M. Rochester a peut-être quitte la terre anglaise, et quand même il serait au château de Thomneld, qui y trouveras-tu avec lui ? sa femme folle. Tu ne peux rien faire ici; tu n'oseras pas lui parler, ni même rechercher sa présence; tu te donnes une peine inutile, tu ferais mieux de ne pas aller plus loin. Demande des détails aux gens de l'auberge ils te diront tout ce que tu désires savoir, ils éclairc iront tes doutes. Va demander à cet homme si M. Rochester est chez lui. »

Cette pensée était raisonnable; et pourtant je ne pus pas l'accepte!; je craignais une réponse désespérante. Prolonger !a doute, c'était prolonger l'espoir. Je pouvais encore voir le ch& teau sous un bel aspect; devant moi étaient la barrière et les

champs que j'avais franchis le matin où j'avais quitté ThornCeld, sourde, aveugle, incertaine, poursuivie par une furie vengeresse qui me châtiait sans cesse. Avant d'être encore dé~sidcCt je mo trouvai déjà au mi!icu des champs. Comme jo marchais vite! je courais même quelquefois. Comme je regardais en ava~t pour~percevoir }es bois bien connus! comme je .?' .-i <


achMds les Mrbtea, les prairies ot les eoUinea qua j'avais parcuuruesl

EnMn, j'aperçus les sombres bois où niehaient les eorMillea; un ereaascHMnt vint rompre la tranquillité du matin. Une joie étrange me remplissait, j'avançais rapidement. Jo travorsui encora un champ, je longeai encore un sentier; on apercevait les mura do la cour et les dépandanoas do derrière la maison était encore eacMe par le bois des corneilles.

< Je veux la voir d'abord on face, me dis-je au moins j'apercevrai sas créneaux hardis qui frappent le regard, et je distinguerai la fenêtre do mon maître peut-être y sera-t-il. H se lève tôt, peut-être qu'il se promène maintenant dans te verger ou sur le devant de la maison. Si seulement je pouvais le voir, rien qu'un moment! Je no surais certainement pas assez Mto pour courir vers lui; et pourtant je ne puis pas Marmer, je n'en suis pas sure. Et alors qu'arriverait-il? Dieu veille sur lui Si je goûtais encore une fois au bonheur que son regard sait me donner, qui en souffrirait? Mais je suis dans le délire; peut-être, en ce moment, contemple-t-il un lever de soleil sur les Pyrénées ou sur les mers agitées du Sud. e

J'avais longe le petit mur au verger et le venais de tourner l'angle. Entre deux piliers de pierre surmontés de boules également en pierre, se trouvait une porte qui conduisait aux prairies. Piacée derrière l'un de ces piliers, je pouvais contempler toute la façade de la maison j'avançai ma tête avec précaution pour voir si aucun des volets des chambres à coucher n'était ouvert créneaux, fenêtres, façade, je devais tout apercevoir de là.

Les corneilles qui volaient au-dessus de ma tête m'examinaient peut-être pendant ce temps. Je ne sais ce qu'elles pensaient elles durent me trouver d'abord três-attentive et trèstimide puis, petit à petit, très-hardie et très-inquiète. Je jetai d'abord un coup d'œil, puis un long regard; ensuite je sortis de ma retraite et j'avançai dans la prairie. Je m'arrêtai tout à coup devant la façade, et je la regardai d'un air à la fois hardi et abattu elles purent se demander ce que signifiait cette timidité auëctée du commencement et ces yeux stupides et sans regard de la fin.

Lecteurs. écoutez une comparaison

Un amant trouve sa maîtresse endormie sur un banc de mousse; i] voudrait contempler son beau visage sans l'éveiller. Il marche doucement sur le gazon pour ne pas faire de bruit ü s'arrête, eteyam6 qtt'ette a Mmué; il recule; pour rien au monde il ne


voudrait êtfe ~a. Toat est traaquitte M avance do noavaaa; il 86 penche aw eHe; un voile léger Moeavre ses traits; M le soulève et ao baisso vers ette son <eit va apercevoir une beauM Meriaaaate, adorable daaa son sommeil. Comme son premier regard est ardent, comme il la contemple Mata tout & coup H tressaille; il presse violemment entre ses bsas ce corps que tout à l'heure il n'osait pas toucher avec ses doigts. D crio un nom, dépose son fardeau à terre et la regarde avec égarement; et il continue a la presser, à t'appâter, à la regarder, carit ne craint plus de t'eveiiter par aucun cri ai par aucun mouvement! B croyait trouver cette qu'il aimait doucement endormie, et il a trouvé an cadavre.

Et moi, je dirigeais mes regards joyeux vers une heUe maison, et je n'aperçus qu'une ruine noircie par la fumdo. n n'y avait pas besoin de me cacher derrière un poteau, de regarder les vetets des chambres, dans la crainte de réveiller ceux qui y dormaient; it n'y avait pas besoin d'écouter tes portes s'ouvrir ou de croire entendre des pas sur le pavé ou le long de la promenade. La pelouse, tes champs, étaient foulés aux pieds et dévastés le portail était dépouillé de ses portes; la façade était telle que je l'avais vue dans un de mes rêves un mur haut et fragile, percé de fenêtres sans châssis, ni toit, ni cr6neaux, ni cheminées tout avait été détruit.

Alentour régnaient le silence de la mort et la solitude du désert. Je ne m'étonnai plus que mes lettres fussent restées sans réponse; autant tes envoyer dans le caveau d'une église. En regardant tes pierres noircies, il était facile de comprendre que le château avait été détruit par le feu mais qui l'avait allumé? Comment ce malheur était-il arrivé? La perte du marbre, du plâtre et du bois, avait-elle été le seul malheur? Ou bien des existences avaient-elles été détruites comme la maison? Lesquettes? Enrayante question, à laquelle personne ne pouvait me répondre! n ne m'était même pas possible d'avoir recours à des signes on à des preuves muettes.

Bn me promenant autour des murs en ruine et en parcourant le château dévasté, je reconnus que l'incendie devait être déjà un peu ancien. La neige s'était frayé un chemin sous cette arche vide, et les pluies d'hiver étaient entrées dans ces trous qui jadis servaient de fenêtres le printemps avait jeté ses semences dans ces amas de décombres le gazon recouvrait les pierres et tes solives; mais, pendant ce temps, ou était le malhetMWMt pM~HtaiM de ces caiaes? Dans quel pays dcmca~ MtHtt qui veillait sur lait ~es yeux se dirigèrent mvotontai-


ttNMBt du cotd de la tour de la vieille église et je me dis t e ~t-H aBé ohepaher un abri dans l'édite maison de marbra des Roeneaterï* s

B me fallait dea renseignements, et je M pouvais les ohtomr qu'& l'auberge j'y retournai promptement. L'hôte m'apporta lui-même mon déjeuner dana le parloir. Je ta priai da former la porte et de s'asseoir, parce que j'avais qwe!ques questions à lui faire; mais je ne savais par où commencer, tant je oratgaais sa réponse 1 et pourtant le spactaete que je venais d'avoir sous les yeux m'avait <m pou préparée à un récit douloureux. L'hôte était un homme d'~ mar et d'apparence respectable.

c Vous connaissez sams doute le cMteau de ThefnCetdt haaardai-je enfin.

Oui, madame, j'y ai demeara autrefois.

–Voua! Paa de mon temps, panaoi-je; or votre visage m'est étranger.

J'ai été le sommelier du défunt M. Rochester, ajoata-t-M Défunt me sembla que je venais de recevoir en pleine poitrine le coup que je cherchais & éviter.

< Défunt t murmurai-je; est-il donc mort?

Je parle du père de M. Edouard, le maître actuel, s dit-il.

Je respirai de nouveau et mon sang coula librement; ces mots m'avertissaient que M. Edouard, mon M. Rochester à moi (Dieu veille sur lui < ) était vivant. Le maître actuel t mots doux à entendre 1 il me semblait que maintenant je pouvais tout apprendre, avec un calme relatif du moins; puisqu'il n'était pas dans le tombeau, je croyais pouvoir apprendre avec tranquillité qu'il se fat réfugié même aux antipodes.

c M. Rochester est-il an château de 'NMnmeldr a demandai-je.

Je savais bien quelle réponse je recevrais, mais je désirais éloigner le plus possible toute question positive sur le lien de sa résidence.

c Oh! non, madame, me répondit-il personne n'y demeura. Vous n'êtes pas du pays; sans cela vous sauriez ce qui est arrivé l'automne dernier. Le château n'est plus qu'une raine; il a été brûlé vers l'époque des moissons. C'est un horrible malheur des valeurs énormes ont été détruites c'est à peine si l'on a pu sauver quelques meubles. Le feu s'est déclaré dans la nuit, et, avant que la nouvelle Sut connue à Milicote, le château était déjà un amas deSammes; c'é~jtun~ aa)reux~spectade; j'en ai ëté témoin.


-Au milieu de la nuit, murmmrat-je; oui, c'était IM'heum fatale à Thornneld. Connaît-on la cause da l'incendiât demandai-jo.

On l'a devint, madame, ou plutôt jo devrais dire qu'on en était sur. Vous ne savez peut-être pas, continua-t-il en approchant sa chaise de la table et en parlant plus bas, qu'il y avait une folle enfermée dans la maison.

J'en ai entendu parler.

Eh bien 1 madame, elle était bien gardée pendant plusieurs années, personne n'était sûr qu'elle existât, car on no la voyait jamais; la rumeur publique disait seulement que quelqu'un était caché au château mais il était difuoite de savoir qui. On disait que M. Edouard avait amené cette femme avec lui, et quelques-uns prétendaient que c'était une ancienne maîtresse; mais une chose étrange arriva l'année dernière, »

Je craignis de l'entendre raconter ma propre histoire, et je m'eubrcai de le ramener au fait.

w Et cette foue? dis-je.

Cette folle, madame, se trouva etrett. femme de M. Roohester cette découverte se fit de la plus étrange manière. n y avait au château une jeune institutrice dont M. Rochester. -Mais l'histoire de l'incendie, interrompis-je.

J'y arrive, madame dont M. Rochester tomba amoureux. Les domestiques disent qu'ils n'ont jamais vu personne aussi éperdument amoureux que lui; il la suivait partout; les domestiques l'épiaient, car vous savez, madame, que c'est leur habitude. M. Rochester l'admirait au delà de tout ce qu'on peut imaginer, et pourtant personne autre ne la trouvait très-jolie. Elle était, dit-on, petite, mince, et semblable à une enfant. Je ne l'ai jamais vue, mais j'ai entendu Léah, la bonne, parler d'elle; Léah l'aimait assez. M. Rochester avait quarante ans et l'institutrice n'en avait pas vingt vous savez que quand les hommes de cet âge tombent amoureux de jeunes filles, ils sont comme ensorcelés. Eh bien M. Rochester voulait l'épouser. Vous me raconterez cela plus tard, dis-je; j'ai des raisons pour désirer connaître le récit de l'incendie. A-t-on soupçonné la folle d'y avoir pris part?

-Vous l'avez dit, madame; il est certain que c'est elle et aucun autre qui a mis le feu. n y avait une personne chargée de la garder; elle s'appelait Mme Poole. C'était une femme capable pour ce qu'elle avait à faire, et vraiment digne de connance ~Ilc s'avait qu'un défaut, dc&mt commun chez ces gens-là elle gardait toujours près d'eMe nmebouteuledegemevM, et de


temps en temps elle buvait une goutta de trop. Citant pardonnaMe; elle avait ~me vie si rudet mais c'était dangereux oar, lorsqu'apr~a avoir bu, Mme Poêla s'endormait profondément, la folle, qui était aussi «Mligno qu'une sorcière pronait ies clefs dans sa pocha, sortait da la chambra et allait rôder dans la maison pour y faire tout le mal qui lui venait sa tête. On dit qu'une fois elle a tenté de bra!er M. Rochester dans son lit mais j ne connais pas bien cette histoire. La nuit de l'incendie, elle a d'abord mis le feu aux rideaux de la chambre qui touche à la sienne; puis elle est descendue et est arrivée dans la chambre où avait demeuré l'institutrice (on eût dit qu'alla savait quelque chose de tout ce qui s'était passé et qu'elle avait de la rancune contre elle); elle mit le feu au lit mais heureusement personne n'y était couché. L'institutrice s'était enfuie deux mois auparavant, et, bien qce M. Rochester l'ait fait chercher comme si elle eût été tout ce qu'il avait de plus précieux au monde, il n'en entendit jamais parler. Sa souffrance le jeta dans une sorte d'égarement il n'était pas fou, mais néanmoins il était devenu dangereux. Il voulait être seul; il renvoya Mme Fairfax, la femme de charge, chez ses amis, qui demeuraient loin de la; mais il eut des égards, car il lui fit une rente viagère; elle le méritait bien, c'était une très-bonne femme. Mile Adèle, sa pupille, fut mise en pension il rompit avec toutes ses connaissances et s'enferma au th&teau comme un ermite.

Comment t est-c<t qu'il ne quitta pas l'Angleterre? q Quitter l'Angleterre, lui? oh non! H n'aurait seulement pas franchi le seuil de sa maison, excepté la nuit, ou il se promenait comme un fantôme dans les champs et le verger. On aurait dit qu'il avait perdu la raison; et je crois qu'il l'a perdue en effet, car avant cela c'était l'homme le plus vif, le plus hardi et le plus fin qu'on ait jamais vu. Ce n'était pas un homme adonné &u vin, aux cartes et aux chevaux, comme beaucoup; d'ailleurs il n'était pas très-beau, mais il était courageux et avait une voMnté ferme. Je l'ai connu tout enfant et, quant à moi, j'ai Muhaité bien des fois que Mlle Eyre se fut noyée avant d'arriver à ThornSeld.

Alors M. Rochester était au château quand le feu éclata? 'l -Oui certainement, et il est monté dans les mansardes pendant que tout était en feu il a réveillé les domestiques et les a lui-même aidés à descendre, puis il est retourné pour sauver la folle. Alors on vint l'avertir qu'elle était sur le toit, qu'elle agitait ses bras as-dessus des créneaux et qu'elle jetait de tels cris qu'on e&t pu l'entendre à un mille de distance. Je l'ai vue


et entendue c'était une for:e femme avec de longs cheveu noira qui Bottaient dans la direction opposa aux flammes. rai vu, ainai que plusieurs autres, j'ai vu M. Roohester monter sur le toit à la lumière des étoiles. Je l'ai entendu appeler «Berthe 1 Puis il s'approcha d'ette; aussitôt ta folle jeta un CR, sauta et tomba morte sur te pave.

–Morte t

Oui, aussi iBatum~a que les ptamea qui reçurent sa chair et son sang.

Grand Dieu 1

Vous avez raison, madame, c'était enrayant. n frissonna.

< Et après? dis-je.

–Eh bien après, la maison fut bruMe jusqu'aux fondements; il ne resta debout que quelques pans de muraille. –Y eut-il d'autres personnes de tuées?

Non, et pourtant cela aurait mieux valu peut-être. Que voulez-vous dire P

Pauvre M. Edouard s'ecria-t-U. Je ne croyais pas voir jamais cela. Quelques-uns disent que c'est une juste punition pour avoir caohe son premier mariage et avoir voulu prendre une autre femme pendant que la sienne vivait encore; mais, quant à moi, je le plains.

Vous dites qu'il est vivant 1 m'écriai-je.

Oui, oui; mais beaucoup pensent qu'il vaudrait mieux qu'il fût mort.

Pourquoi P comment ? e D

Et mon sang se glaça de nouveau.

« Où est-H? demandai-je est-il en Angleterre ?

Oui, il est en Angleterre; il ne peut pas en sortr maintenant, il y est pour toujours. »

Combien mon agonie était douloureuse 1 et cet homme semblait vouloir la prolonger.

c U est aveugle comme les pierres, dit-il enfin, pauvre M. Edouard c D

Je craignais pis; je craignais qu'il ne fut fou. Je rassemblai mes forces pour demander ce qui avait causé ce malheur. « Son courage et sa honte, madame. It n'a pas voulu quitter la maison avant que tout le monde en fût sorti. Lorsque Mme Rochester se fut jetée du toit, il descendit le grand escalier de pierre; mais, à ce moment, il y eut un éboulement. n fut retiré de dessous les ruines vivant, maisgriévemont blessé; une poutre était tombée de manière à le protéger enparUe,maMjundeses


yaex était sorti de sa tête, et une de ses mains <!tait tellement abtmde, que M. Carter, le chirurgien, a été eMige de la couper {tNat~iatement; son autre œH a <M hrû! de sorte qu'il a eompMtement perdu la vue, et qu'il eatmamtenaat sans secours, aveugle et estropié.

0& est-il? ot demeure-t-il maiatenaat ?

Au manoir de Fermdean, uaa propriété qu'il possMa & trente milles d'ioi à peu près; e'est un endroit tout & fait désert.

Qui est avec lui?

Le vieux John et sa femme; N n'a voulu personne autre on dit qu'il est tout à fait bas.

Avez-vous une voiture quelconque ici?

Nous avons uu oabriolet, madame, un très-joli cabriolet. Faites-le préparer toutde suite, et dites à votre garçon que, a'il peut me mener à Ferndoan avant !a nuit, je le payerai, lui et vous, le double de ce qu'on donne ordinairement. a

CHAPITRE XXXVH.

Le manoir de Ferndean était une vieille construction de taille moyenne, sans prétentions architecturales, et située au milieu des bois. J'en avais déjà entendu parler. M. Rochester le nommait souvent, et il y allait quelquefois. Son père avait acheté cette propriété à cause de ses belles chasses; il l'aurait louée s'il avait pu trouver des fermiers; mais personne n'en voulait, parce qu'elle était dans un lieu malsain. Ferndean n'était donc ni habité ni meublé, à l'exception de deux ou trois chambres qu'on avait préparées pour l'époque des chasses, époque à laquelle le propriétaire venait toujours passer quelque temps au château.

J'arrivai un peu avant la nuit le ciel était triste, le vent froid, et j'étais mouillée par une pluie continuelle et pénétrante; je ns le dernier mille à pied, après avoir renvoyé le cabriolet et payé au cocher la double rétribution que je lui avais promise. On n'apercevait pas le château, bien qu'on en fut déjà tout prés, tam le bois qui l'entourait était sombre et épais; des portes de fer, placées entre des piliers de granit, indiquaient rentrée. Après les avoir franchies, 'e me trouvai dans une demi-obscu-


jriM proveaaat de deux rangées d'arbres. Entre des troncs noueax et blancs, et sous des arches de branches, se trouvait un chemin couvert de gazon et qui longeait la forêt. Je la suivis, espérant atteindre bientôt le château mais il continuait toujours et semblait s'enfoncer 'de plus en plus. On ne voyait ai champs ni habitations.

Je pensai que je m'étais trompée de direction et que je m'étais perdue. L'obscurité du soir et l'obscurité des bois m'environnaient. Je regardai tout autour de moi pour chercher une autre route; il n'y on avait pas les troncs énormes et les feuillages épais de l'été s'entrelaçaient étroitement; nulle part il n'y avait d'ouverture.

J'avançai; ;enna le chemin s'éclaircit; les arbres devinrent moins touffus. Bientôt j'aperçus une barrière, puis une maison l'obscurité rendait difficile de la distinguer des arbres, tant ses murs, à moitié détruits, étaient humides et verdâtres. Après avoir franchi une porte fermée simplement par nn verrou, je me trouvai au milieu de champs clos et tout entourés d'arbres; il n'y avait ni fleurs ni plates-bandes, mais simplement une grande allée sablée qui bordait une pelouse et conduisait au centre de la forêt. La maison, vue de face, offrait deux pignons pointus; les fenêtres étaient étroites et grillées. La porte de devant était également étroite, et on y arrivait par une marche. C'était bien, comme me l'avait dit mon hôte, un lieu désolé, aussi tranquille qu'une église pendant la semaine. La pluie tombant sur les feuilles de la forêt était le seul bruit qu'on entendit. < Peut-il y avoir de la vie ici? e me demandai-je.

Oni, il y avait une sorte de vie, car j'entendis un mouvement, f étroite porte s'ouvrit, et une ombre fut sur le point de sortir de la grange.

La porte s'était ouverte lentement; quelqu'un s'avança a la lueur du crépuscule et s'arrêta sur la marche c'était un homme; il avait la tête nue. Il étendit la main. comme pour sentir s'il pleuvait. Malgré l'obscurité, je le reconnus c'était mon maître, Edouard Rochester.

Je m'arrêtai, je retins mon baleine, et je me mis à l'examiner sans être vue, hélas! sans pouvoir l'être. Soudaine rencontre -an l'enivrement était bien comprimé par l'amère sonnrance Je n'eus pas de peine à retenir ma voix et à ne point avancer rapidement.

Ses contours étaient toujours aussi vigoureux que jadis, suu port aussi droit, ses cheveux aussi noirs; ses traits n'étaient ni altérés ni abattus; une année de douleur n'ayai}. pas pu épuiser


sa force atMétique ou flétrir sa vigoureuse jeunesse; mais quel changement dans son expression t Son visage désespère et inquiet me ut penser à ces bêtes ssmvage~ ou à ces oiseaux da proie qui, blessés et enchaînes, sont dangereux à approcher dans leura souffrances. L'aigle emprisonné, qu'une main cruelle priva de ses yeux entourés d'or, devait ressemMer a ce Samson aveugle. Croyez-vous que je craignais sa férocité? Si vous Je pensez, vous me connaissez peu. Je berçais ma douleur de la douce espérance que je pourrais bientôt déposer un baiser sur ce rude front et sur ces paupières fermées mais le moment n'était pas venu, je ne voulais pas encore m'approcher de lui.

H descendit la marche, et avança lentement et en hésitant du côté do la pelouse. Qu'était devenue sa démarche hardie? H s'arrêta, comme s'il n'eût pas su de quel côté tourner, Il étendit la main, ouvrit ses paupières, regarda autour de lui, et, faisant un grand effort, dirigea ses yeux vers le ciel et les arbres je vis bien que tout pour lui était obscurité. Il leva sa main droite, car il tenait toujours caché dans sa poitrine bras qui avait été mutilé; il semblait vouloir, par le toucher, comprendre ce qui l'entourait; mais il ne trouva que le vide les arbres étaient éloignés de quelques mètres. Il renonça à ses efforts, croisa ses bras, et resta tranquille et muet sous la pluie qui tombait avec violence sur sa tête nue. A ce moment, John s'approcha de lui. a Voulez-vous prendre mon bras, monsieur? dit-il. Voilà une forte ondée qui commence ne feriez-vous pas mieux de rentrer? Laissez-moi, » répondit-il.

John se retira sans m'avoir remarquée. M. Rochester essaya de se promener, mais en vain tout était trop incertain pour lui. Il se dirigea vers la maison, et. après être entré, referma la porte.

Alors je m'approchai et je frappai. La femme de John m'ouvrit.

< Bonjour, Marie, dis-je; comment vous portez-vous? » Elle tressaillit comme si elle eût vu un fantôme; je la tran~ quillisai, lorsqu'elle me demanda rapidement « Est-ce bien vous, mademoiselle, qui venez à cette heure dans ce lieu solitaire ? Je lui répondis en lui prenant la main; puis je la suivis dans la cuisine, ou John était assis près d'un bon feu. Je leut expliquai en peu de mots que j'avais appris tout ce qui était arrivé à ThornSeId, et que je venais voir M. Rochester. Je priai John de descendre à l'octroi, où j'avais quitté mon cabriolât, et jd'y prendre ma malle que j'y avais laissée. Lorsque j'eus retiré moBLchale et mon chapeau, je demandai a Mttnesije ne pour"


Nia pas coucher une nuit au manoir. Voyant que c'était pM~ble, bien que diMcile, je lui dis que je resterais. A ce moment, une sonnette se fit entendre dans !e salon.

c Quand vous entrerez au salon, dites à votre maître que quelqu'un désire lui parler; mais ne me nommez pas, dis-je à Marie.

Je ne pense pas qu'il veuille vous recevoir, dit-eile; il ferme sa porte à tout le monde. 8

Quand elle revint, je lui demandai ce qu'avait répondu M. Rochester.

« n désire savoir quoi est votre nom, et ce que vous voulez, répondit-elle; puis elle remplit un verre d'eau et le posa sur un plateau avec deux lumières.

Est-ce pour cela qu'il a sonnet demandai-je.

Oui; bien qu'il soit aveugle, il veut toujours avoir des lumières le soir.

Donnez-moi le plateau, je le porterai moi-même. Je le lui pris des mains; elle m'indiqua la porte du salon. Le plateau tremblait dans mes bras, une partie de l'eau tomba du verre; mon caeur battait avec force. Marie m'ouvrit la porte et la referma.

Le salon était triste; un feu négligé brûlait dans la grille, et l'aveugle, qui occupait cette chambre, se penchait vers le foyer en appuyant sa tête contre la cheminée antique. Son vieux chien Pilote était couché en face de lui. L'animal s'était éloigné du chemin de l'aveugle, comme s'il eût craint d'être involontairement foulé aux pieds. Au moment où j'entrai, Pilote dressa les oreilles, se leva en aboyant et bondit autour de moi. Il me fit presque jeter le plateau. Je le posai sur la table, puis je m'approchai du chien, je le caressai et je lui dis doucement A bas, Pilote a M. Rochester se détourna m'achinalement pour savoir ce qui avait occasionné ce bruit; mais, ne pouvant rien voir, il se retourna en soupirant.

c Donnez-moi l'eau, Marie, dit-il.

Je m'approchai avec le verre a moitié plein; Pilote me suivait, toujours aussi excité.

< Qu'y art-H donc? demanda M. Rochester.

A bas. Pilote e dis-je do nouveau.

M. Rochester s'arrêta au moment oa il allait porter le verre &ses lèvres, et sembla éconteF. Cependant il but et posa son verre sur la table.

< C'est bien vous, Marie, dit-il, n'est-ce pasr

Marie est dans la cuisine, » répondia-je.


n avaeca rapidement la main; mais, ne me voyant pas, il ne put pas MO toucher.

e Qui est-ce? qui~st-ce?* demanda-t-il en a'ecorcant de voir. Effort vain et douloureux < Répondez-moi, parlez-moi encore! s'doria-t-il d'un ton haut et impérieux.

Voulez-vous encore un peu d'eau, monsieur dis-je; car j'en ai répandu la moitié.

Qui est-ce? qui est-ce qui parle?

Pilote m'a reconnue, répondis-je. John et Marie savent que je suis ici. Je suis arrivée ce soir.

–Grand Dieut quel prestige, quelle douce folie s'empare de mai! Il n'y a ni prestige ni folie. Votre esprit, monsieur, est trop fort pour se laisser aller au prestige, votre santé trop vigoureuse pour craindre la folie.

Où est celle qui parle? Mais non, ce n'est qu'une voix 1 Oh 1 je ne puis pas la voir mais il faut que je la sente, ou mon coeur cessera de battre, et ma tête se brisera. Qui que vous soyez, laissez-moi vous toucher, ou je mourrait e D

D se mit à tâtonner. J'arrêtai sa main errante et je l'emprisom<Mi dans tes deux miennes.

<Ce sont bien ses doigts t s'ëoria-t-il; ses petits doigts dëtieatst Alors elle est ici tout entière. »

Sa main vigoureuse s'échappa des miennes; il saisit mon bras, mon épaule, mon cou, ma taille; bientôt je me sentis enlacée par lui.

< Est-ce Jane? est-ce bien elle? Voilà ses formes, sa taille. Et c'est sa voix, ajoutai-je. C'est elle tout entière, c'est toujours son même cœur pour vous. Dieu vous bénisse, monsieur! je suis heureuse d'être près de vous.

Jane Eyre 1 Jane Eyre < fut tout ce qu'il put dire. Oui, mon cher maître, répondis-je; je suis Jane Eyre. Je vous ai retrouvé et je reviens vers vous.

–Est-ce bien vous en chair et en os? Etes-vous bien ma Jane vivante?

Vous me touchez, -monsieur, et vous me tenez assez ferme. Je ne suis pas froide comme un cadavre, et je ne m'échappe pas comme un esprit.

Ma bien-aimée vivante! Ce sont certainement ses membres, ses traits; mais je ne puis pas être si heureux après toutes mes seuCranoea. C'est un c&vo. S&uveat la nuit j'ai jp9vé que je la tenais pressée contre mon cœur, comme maintenant, et je t'embrassais, et je sentais qu'elle m'aimait et qu'elle na meqaitterait pas.


Non, monsieur, je ne vous quitterai plus jamais. C'était ce que me disait mon rêve; mais ja m'évcutaia toujours, et jo me voyais ofuaMsmont trompé. Jo me retrouvais seul et abandonne; ma vie continuait à être sombre, isoMe et sans espoir. L'eau était interdite à mon âme altérée, le pain A mon cceur affamé. Douce vision que je presse dans mes bras, toi aussi tu t'envoleras; comme tes sœurs tu disparaîtras. Maa embrassez-moi avant de partir, Jane, embrassez-moi encotN une fois.

Oh t oui, monsieur, »

Je pressai mes lèvres sur ses yeux brillants jadis, et éteints maintenant. Je soulevai ses cheveux et je baisai son front. Il sembla se réveiller tout à coup et se convaincre qu'il n'était pas le jouet d'un songe.

< C'est vous, Jane, n'est-ce pas ? dit-il; et vous êtes revenue vers moi

Oui monsieur.

Alors vous n'êtes pas étendue sans vie dans quelque fossé ou dans quelque torrent? Vous n'êtes pas méprisée chez des étrangers? Y

Non, monsieur; je suis indépendante maintenant. Indépendante t que voulez-vous dire, Jane? t

Mon oncle de Madère est mort et m'a laissé cinq mille livres sterling. < .<

Ah 1 s'ëcria-t-M, voilà qui est vrai. Je n'aurais jamais rêvé cela. Et puis, c'est bien sa voix si animée, si piquante et pourtant si douce; elle réjouit mon âme Sétrie et y ramène la vie. Comment, Jane, vous êtes indépendante, vous êtes riche? Oui monsieur; et, si vous ne voulez pas me laisser demeurer avec vous, je pourrai faire bâtir une maison tout près de la vôtre. Le soir, quand vous aurez besoin de compagnie; vous viendrez vous asseoir dans mon salon.

Mais maintenant que vous êtes riche, Jane, vous avez sans doute des amis qui veilleront sur vous, et ne vous laisseront pas dévouer votre vie à un pauvre aveugle?

je vous ai dit, monsieur, que j'étais aussi indépendante que riche.. Je suis ma maîtresse.

Et voulez-vous rester avec moi ?

Certainement, à moins que vous ne le vouliez pas je serai votre voisine, votre garde-malade, votre femme de charge. Je ~rous ai trouvé seul, je serai votre cntnp!'gne;je lirai pour vous; i je me promènerai avec vous; je m'assiérai près de vous; je vous servirai; je serai vos mains et vos yeux. Cessez da Fa-


Mître triste, mon cher ma!tre; tant que je vivrai, vous ne serM pas seul. »

Il no répondit pas; il semblait sérieux et absorbé; il soupira M entr'ouvrit ses lèvres pour parler et les referma de nouveau. Je me sentis embarrassée j'avais peut-être mis trop d'empres.sement dans mes offres; peut-être j'avais trop brusquement sauté pardessus les convenances; et lui, comme Saint-John, avait été choqué de mon étourderie. C'est qu'en faisant ma pro.position, j'avais la pensée qu'il désirait et voulait faire de moi sa femme. Bien qu'il ne l'eàt pas dit, j'étais persuadée qu'il me réclamerait comme sa propriété; mais, voyant qu'il ne disait rien sur ce sujet et que sa contenance devenait de plus en plus sombre, je réfléchis que je m'étais peut-être trompée et que j'avais agi trop légèrement. Alors j'essayai de me retirer doucement de ses bras mais il me pressa avec force contre lui. «Nom, non, Jane, s'écria-t-il; ne partez pas. Je vous ai touchée, entendue; j'ai senti tout le bonheur de vous avoir près de moi, toute la douceur d'être consolé par vous je ne puis pas renoncer a ces joies. J'ai peu de chose à moi; il faut du moins que je vous possède. Le monde pourra rire; il pourra m'appeler absurde et égoiste, n'importe. Mon âme a besoin de vous elle veut être satisfaite, ou bien elle se vengera cruellement sur le corps qui l'enchaîne.

–Eh bien, monsieur, je resterai avec vous; je vous l'ai promis.

Oui; mais en disant que vous resterez avec moi, vous comprenez une chose et moi une autre. Vous pourriez peutêtre vous décider à être toujours prés de moi, à me servir comme une complaisante petite garde-malade; car vous avez un coeur affectueux, un esprit généreux, et vous êtes prête à faire de grands sacrifices pour ceux que vous plaignez. Cela devrait me suffire, sans doute. Je ne devrais avoir pour vous que des sentiments paternels; est-ce là votre pensée, dites-moi? Je penserai ce que vous voudrez, monsieur. Je me contenterai d'être votre garde-malade, si vous croyez que cela vaut mieux.

Mais vous ne pourrez pas toujours être ma garde-malade, Jane; vous êtes jeune et vous vous marierez un jour. Je ne désire pas me marier.

Il faut le désirer, Jane. Si j'étais comme j-dis, je m'eubrcerais de vous le faire désirer mais un malheureux aveugle t. < Après avoir dit ces mots, il retomba dans son accablement 'moi, au contraire, je devins plus gaie et je repris courage ces

JtNE ErME. M


oernieres pafo!ea me montraient o& était l'obsède, et comme ce n'était pas un obstacle à mes yeux, je me sentis de nouveau a i'aise je repris la conversation avec plus de vivacité. < Il est temps que quelqu'un voustumaaise, dis-je en séparant ses cheveux longs et épais; car je vois quo vous av~ 6M shangë en lion ou en quelque autre animal de cette espèce. Vous avez un faux air de Nabuchodonosor vos cheveux me rappel lent les plumes de l'aigle; mais je n'ai pas eacore remarqué si vous avez laissé pousser vos ongles comme des griffos

d'oiseau.

Au bout de ce bras, H n'y a ni main ni ongles, dit-il en tirant de sa poitrine ce membre mutilé et en me le montrant; spectacle horrible 1 n'est-ce pas, Jane? T

Oui, il est douloureux de le voir it est douloureux do voir vos yeux 6~:nts et la cicatrice de votre front; et ce qu'il y a do pis, c'est qu'on court le danger de vous aimer trop à cause de tout cela et de vous mettre au-dessus de ce que vous valez. Je croyais, Jane, qu'envoyant mon bras et les cicatrices de mon visage, vous seriez révoltée.

Comment, vous pensiez cela 1 Ne me le dites pas du moins car alors j'aurais mauvaise opinion de votre jugement. Mais maintenant laissez-moi vous quitter un instant pour faire un bon feu et nettoyer le foyer. Pouvez-vous distinguer un feu brillant? T

Oui; de l'ceil droit j'aperçois une lueur.

Et vous voyez aussi les bougies t

Chacune d'eMes est pour moi un nuage lumineux. –Poavez-vous m'entrevoir? T

Non, ma bien-aimée mais je suis infiniment reconnaissant de vous entendre et de vous sentir.

Quand soupez-vous? T

Je ne soupe jamais.

Mais vous souperez ce soir. J'ai faim et vous aussi, j'en suis sûre; seulement vous n'y pensez pas. »

J'appelai Marie, et la chambre eut bientôt un aspect plus eai et plus ordonné. Je préparai un repas confortable. J'etaMexcitée, et ce fut avec aisance et plaisir que je lui parlai pendant le souper et longtemps après encore. Là, du moins, il n'y avait pas de dure contrainte; on n'était pas obligé de faire taire toute vivacité; je me sentais parfaitement à mon aise, parce que je savais que je lui plaisais. Tout ce que je disais semblait le conMiar ou le ranimer. Délicieuse certitude qui donnait la vie et la lamieM à tout mon être < Je vivais en lui et lui ea moi. Bien


qu'il RM, aveugle, le sourire anit«a:t son visage, la joie brillait aur son front, et ses traits prenaiont une expression plus chaude etplusdouce.

Après le soupar, il me Nt beaucoup (te questions pour savoir ou j'avais été, ce que j'avais fait et comment ja l'avais trouve; mais je M lui répondis qu'à moitM M était trop tard pour entrer dans ceadëtaHs. D'aMtearaj'aarais voulu ne toucher aucune corde trop vibrante, n'ouvrir auoune nouvoUa source d'ëmotton dans son cœur. Mon seul désir pour le moment était de l'égayer j'avais rëuasi en partie; mais néanmoins sa gaieté ne venait que par instants. Si la conversation se ralentissait un peu, il devenait inquiet, me touchait et me disait:

« Jane, Jane, vous êtes pourtant bien une Qreatura humaine; vous un êtes sure, n'est-ce pas?

Je le crois, sans doute, monsieur.

Mais comment se fait-il que, dans cette soirée triste et som.bre, vous vous êtes tout à coup trouvée près de mon foyer soHtMro? J'ai étendu la main pour prendre un verre d'eau, et c'est vous qui me l'avez donne j'ai fait une question, pensant que la femme de John allait me répondre, et c'est votre voix qui a retenti à mes oreilles.

Parce que c'était moi qui avais apporté le plateau, et non pas Marie.

Les heures que je passe avec vous sont comme enchantées. Personne ne peut savoir quelle vie triste, sombre et sans espoir, j'ai menée pendant de longs mois. Je ne faisais rien, je n'espérais rien. Je confondais le jour et la nuit. Je ne sentais que le froid quand je laissais le feu s'éteindre, la faim quand j'oubliais de manger, et une tristesse incessante, quelquefois même un véritable délire en ne voyant plus ma Jane chérie; oui, je désirais bien plus ardemment la sentir près de moi que de recouvrer ma vue perdue. Comment se peut-il que Jane soit avec moi et me dise qu'elle m'aime? Ne partira-t-elle pas aussi subitement qu'elle est venue? J'ai peur de ne plus la retrouver demain. e

une réponse ordinaire et pratique, sortant des préoccupations Ge son esprit troublé, était le meilleur moyen de le rassurer dans l'état où il se trouvait. Je passai mes doigts sur ses sourcils; je lui 6s remarquer qu'ils étaient brutes, et je lui dis que je me chargeais de les lui faire repousser aussi épais et aussi noirs qu'auparavant.

< Pourquoi me faire du bien, esprit bienfaisant, puisqu'il arrivera un moment fatal où vous me quitterez encore? Vous


disparattrez comme une ombre, et je ne saurai pas ou vous h@a, et je ne pourrai plus vous retrouver.

Avez-vous un petit peigne sur voua, monsieur? demaa'dai-je.

Pourquoi, Jane?

Pour peigner un peu votre oriniëre neira. Je vous trouve effrayant quand je vous examine de près. Vous dites que je suis une fée; mais vous, vous ressemblez encore plus & un lutin. Suis-je bien laid, Jane?

Oui, monsieur, voua l'avez toujours été.

Hein?. Ceux aveo lesquels vous avez demeure ne vous ont pas corrige de votre malice.

Et pourtant ils étaient bons, cent fois meilleurs que vous; ils se nourrissaient d'idées dont vous ne vous êtes jamais inquiète. Leurs pensées étaient bien plus rafNnëes et bien plus élevées que les vôtres.

Avec qui diable avez-vous ëtë? t

Si vous remuez ainsi, je vous arracherai tous les cheveux, et alors au moins vous cesserez de douter de mon existence. Avec qui avez-vous demeure, Jane P

Je ne vous le dirai pas ce soir, monsieur; il faudra que vous attendiez jusqu'à demain. Laisser mon histoire inachevée sera pour moi une garantie que je serai appelée à votre table pour la finir. Ah il faut me souvenir que je ne dois point apparaître à votre foyer simplement avec un verre d'eau; il faudra apporter au moins un ceuf, sans parler du jambon frit. Petite railleuse Enfant des fées et des gnomes, j'éprouve près de vous ce que je n'ai pas éprouvé depuis un an. Si Saül vous avait eue en place de David, l'esprit malin aurait été exorcisé sans l'aide de la harpe.

Maintenant, monsieur, vous voilà bien peigné, et je vais vous quitter; car j'ai voyagé trois jours, et je suis fatiguée. Bonsoir.

Encore un mot, Jane. N'y avait-il que des dames dans la maison où vous avez demeuré? e

Je m'enfuis en riant, et je riais encore en montant l'escalier.

c Une bonne idée, pensai-je; j'ai là un moyen pour le tirer de sa tristesse, pendant quelque temps du moins, e

Le lendemain de très-bonne heure je l'entendis se remuer et se promener d'une chambra dans l'autre. Aussitôt que Marie descendit, il lui dit c Mlle Eyre est-elle ici? a Pais il ajouta < Quelle chambre lui avez-vous donnée? N'est-elle point hu-


mMet Mie Eyre eat~Me ïevée? Allez lui demander si oMo a besoin da quelque eheae, et quand elle descendra. Ja descendis loraquojo pansai qu'il était l'haura do dcJM!ncr. J'ontrai tros-doueemeot dans la chambra où se trouvait M. Ro.'ihester, et je pus le regarder avant qu'il me sût là. Je fus attristée en voyant cet esprit vigoureux subjugué par un corps infirme. n était assis sur sa chaise bien qu'il fût tranquille, il ne dormait pas. Evidemment, il attendait. Ses traits accentués étaient empreints de cette douleur qui leur était devenue habituelle. On eût dit une lampe éteinte qui attend qu'on la rallume. Mais, hélas 1 ce n'était plus lui qui pouvait rallumer la flamme de son expression; il avait besoin d'un autre pour cela. Je vouMa être gaie et joyeuse; mais l'impuissance de cet homme jadis si fort me toucha jusqu'au foud du ccaur. Cependant je m'approchai de lui avec autant de vivacité que possible.

t Voilà une belle journde, monsieur, dis-je; la pluie a cessé et a été remplacée par un brillant soleil. Vous aUex bientôt venir vous promener. <

J'avais réveiUé la flamme de son visage; ses traits rayon.nèrent.

<Ah) vous voilà, ma joyeuse alouette, s'écria-t-il. Venez à moi; vous n'êtes pas partie vous n'avez pas disparu. 11 y a une heure, j'ai entendu une de vos sours chanter dans les bois. Mais pour moi, son chant n'avait pas d'harmonie, de même que le soleil levant n'a pas de rayon pour moi; mon oreille est insensible à toutes les mélodies de la terre, et n'aime que la voix de ma Jane. Heureusement qu'elle se fait souvent entendre. Sa présence est le seul rayon qui puisse me réchauffer. » Les larmes me vinrent aux yeux en entendant cet aveu de son impuissance on eût dit un aigle royal enchaîné et qui se voit forcé de demander à un moineau de lui apporter sa nourriture. Mais je ne voulais pas pleurer. Je m'essuyai rapidement les yeux, et je me mis à préparer le déjeuner.

La plus grande partie de la matinée fut passée en plein air. Je conduisis M. Rochester hors du bois triste et humide, dans des champs gais à voir. Je lui décrivis le feuillage d'un beau vert brillant, losneurs et les haies rafraîchies, le ciel bleu et éblouissant. Je cherchai une place dans un joli endroit bien ombragé; il se mit sur un tronc d'arbre, et je ne refusai pas de m'asseoir sur ses genoux. Pourquoi l'aurais-je refusé, puisque tous deux n<w<; étions plus heureux près l'ua de l'autre que sépares? 1 Pilote se coucha à coté de nous. Tout était tranquille. M'entouMnf de ses bras, il rompit subitement le silence.


e Déserteur cruel a'~er!a-t-il. Oh< Jane, vous ne pouvez pas vous Mgarar ce quo j'ai éprouvé lorsque je me suis aperçu que vous aviez fui Thornneld, et que je ne pouvais vous trouver nulle part; et lorsque après avoir examiné votre chambre, je vis que vous n'aviez pris ni argent ni objets qui pussent vous en tenir lieu. Vous aviez laissé le collier de perles que je vous avais donné, et votre malle était encore là, telle que vous l'aviez préparée pour votre voyage. Que fera ma bien-aimée, me demandais-je, maintenant qu'elle est pauvre et abandonnée? Qu'a. vez-vous fait, Jane? dites-moi, z

Je commençai alors le récit de tout ce qui s'était passé pendant cette année, adoucissant beaucoup ce qui avait rapport aux trois jours où j'avais erré mourante de faim c'eut été lui imposer une souaranoe inutile. Le peu que je racontai lui fit une peine plus grande que je n'aurais voulu.

Il me dit que je n'aurais pas le quitter ainsi, sans m'assurer quelques ressources pour mon voyage. J'aurais dû lui faire part de mon intention, me confier à lui; il ne m'aurait jamais forcée à être sa maîtresse. Quelque violent qu'il parût dans son désespoir, il m'aimait trop bien et trop tendrement pour agir en tyran. 11 m'aurait donné la moitié de sa fortune sans me demander un baiser en retour, plutôt que de me voir lancée sans amis dans le monde. Il était persuadé, ajoutait-il, que j'avais souffert plus que je ne voulais le dire. a Eh bien répondis-je, quelles qu'aient été mes souffrances, elles n'ont pas duré longtemps, e

Alors je me mis à lui raconter comment j'avais été reçue à Moor-House, et comment j'avais obtenu une place de maîtresse d'école; puis je lui parlai de mon héritage, et de la manière dont j'avais découvert mes parents. Le nom de Saint-John revint fréquemment dans mon récit. Aussi, quand j'eus achevé, ce nom devint immédiatement le sujet de la conversation de M. Rochester.

c Alors ce Saint-John est votre cousin? me dit-il.

Oui.

Vous en avez parlé souvent l'aimiez-vous ? t

H était très-bon, monsieur; je ne pouvais pas ne pas l'aimer.

Bon, cela signine-t-u un homme de cinquante ans, respectable et se conduisant bien ? Que voulez-vous dire ? expliquez-vous.

Saint-John n'a que vingt-neuf ans, monsieur.

H est jeune encore, comme diraient les Français. Est-ce


an homme potit. froid et laid? Est-ce un de ces hommes dont la bonté consiste plutôt à ne pas avoir de v!cea qu'à posséder des vertus?

n est d'une imatigaMo activité; la but do 8a vie est d'accomplir des actes grands et nobles.

Mais sa tête est probablement faible. Il veut la bien, mais on M peut s'empêcher de hausser les épaules en l'entendant parler. H parle peu, monsieur, mais ce qu'il dit en vaut toujours la peine. Sa tête est très-forte; son esprit innexiMe, mais vigoureux.

Alors c'est un homme remarquable?

Oui, vraiment remarquable.

Instruit?

Saint-John est accompli et profondément instruit. Ne m'avez-vous pas dit que ses manières ne voua pM*saient pas? M est probablement sermonneur et suffisant? Je n'ai jamais parlé de ses manières; mais si elles ne me plaisent pas, c'est que j'ai très-mauvais goût car eUes sont polies, calmes et douces.

J'ai oublié ce que vous m'avez dit de son extérieur. C'est probablement quelque rude ministre à moitié étranglé dans sa cravate blanche et perché sur les épaisses semelles de aes souliers n'est-ce pas?

Saint-John s'habille bien; il est grand et beau ses yeux sont bleus et son profil grec.

Le diable l'emporte dit-il à part. Puis, s'adressant&moi, il ajouta < L'aimiez-vous, Janet

Oui, monsieur Rochester, je l'aimais mais vous me l'avez déjà demandé.

Je vis bien ce qu'éprouvait M. Rochester; la jalousie Jetait emparée de lui et le mordait cruellement; mais la morsure était salutaire elle l'arrachait à sa douloureuse mélancolie. Aussi, je ne voulus pas éloigner immédiatement le serpent. Peut-être ne désirez-vous pas rester plus longtemps sur mes genoux, mademoiselle Eyre? me dit M. Rochester. Je ne m'attendais pas à cette observation.

c Pourquoi pas, monsieur Rochester? répondis-je.

Après le tableau que vous venez de me faire, vous trouvez probablement le contraste bien grand. Vous m'avez dépeint un gracieux Apollon. Il est présent à votre imagination, grand, basa, avec ses yeux Nt-cs et son profil grec. Votre regard repose sur un Vulcain, un véritable forgeron, brun, aux larges épaules, aveugle et estropié par-dessus le marché.


Je n'y avais jamais panse, monsieur; mais il est oM~aiB que vous rassemblez à an Vulcain.

Eh Mon! vous pouvei! me quitter; mais avant do partir (et il me retint par une étreinte plus forte que jamais) vous mo forez le plaisir de répondre à une ou deux questions. 11 M s'arrêta.

c Quelles questions, monsieur? p

Et alors commença un rude examen.

< Saint-Jchn, dit-il, vous avait fait obtenir cette pta<~ de tnaitMsse d'école avant de voir une cousine en vous ? –Oui.

Vous le voyiez souvent? Il visitait l'école de temps en temps?

Tous les jours.

~t il approuvait vos plans? car vous êtes savante et ha. bile, Jane.

Oui, il les approuvait.

–H découvrit en vot's bien des choses qu'il n'avait pas espëre y trouver; vous avez des talents peu ordinaires.

Je ne puis pas vous répondre là-dessus.

Vous dites que vous aviez une petite forme pr~s de l'école; .y venait-~ jamais vous voir?

De temps en temps.

Le soir?

Une ou deux fois. a

M. Rochester s'arrêta un instant.

<t Combien de temps êtes-vous restée avec lui et ses sœurs, lorsque vous eûtes découvert votre parenté?

Cinq mois.

Rivers passait-il beaucoup de temps auprès de vous et de ses sœurs?

Oui. Le parloir nous servait de salle d'étude à tous il s'asseyait près de la fenêtre, et nous près de la table.

Etudiait-il beaucoup?

Oui, beaucoup.

Et quoi?

L'hindoustani.

Et que faisiez-vous pendant ce temps? Au commencement, j'apprenais l'allemand. Etait-ce lui qui vous l'enseignait? Nm), U ne comprenait pas cette langue. Ne vous enseignait-il rien t

Un peu d'hindoustani.


R~rs vous enseignait l'aindoMstaMt

Oui, monsieur.

Nt à ses sœurs aussi y

–Non.

Seulement à vous?

–Seulement & moi. Le lui aviez-vous demandât

Non.

C'était lui qui le désirait t

–Oui.t JI

M. Rochester s'arrêta de nouveau.

< Pourquoi le désirait-il? A quoi pouvait vous servir l'hindoustaai? '1

Il voulait m'emmener avec lui aux Indes.

Ah je devine, maintenant; il voulait vous épouser. n m'a demandé, en effet, de devenir sa femme.

Ce n'est pas vrai; c'est un conte impudent que vousinventez pour me contrarier.

Je vous demande pardon, c'est la vérité il me l'a demandé plus d'une fois, et vous-même vous n'auriez jamais pu y mettre plus de persévérance que lui.

Mademoiselle Eyre, je vous ai dit que vous pouviez m~ quitter. Combien de fois faudra-t-il répéter la même chose? Pourquoi cet entêtement à rester perchée sur mes genoux, quand je vous dis de vous en aller ? q

Parce que j'y suis bien.

Non, Jane, vous n'êtes pas bien ici, car votre coeur n'est pas avec moi. H est près de votre cousin Saint-John. Oh t jusqu'à ce moment je croyais que ma petite Jane était toute à moi. Même lorsqu'elle m'abandonna, je croyais qu'elle m'aimait en. core. C'était ma seule joie au milieu de mes grandes douleurs. Quoique nous ayons été longtemps loin l'un de l'autre, quoique j'aie versé d'abondantes larmes sur notre séparation, en pleurant ma Jane, je n'ai jamais eu la pensée qu'elle pût en aimer un autre. Mais il est inutile de s'afniger. Jane, laissez-moi; épousez Rivers.

Alors, monsieur, repoussez-moi loin de vous, car je ne vous quitterai pas librement.

Jane, j'aime toujours votre voix; elle ranime mon espoir, car elle semble annoncer la Sdélité. Quand je l'entends, elle me reporte au passé, et j'oublie que vuua av<M fonné des liens nou~ veaux; mais je ne suis pas un fou. Partez, Jane.

–Pour aller où, monsieur?

i&


Pour aller retrouver M mari que vous avez choisi Quel est-il?

Vous le savez Mon, Saint-John Rivers.

n n'est pas mon mari et il na le sera jamais. Je ne l'aima pasetilnem'atme pas. Il aime (comme il peut aimer, et ce n'est pas ainsi que vous) une belle jeune fille, appelée Rosamoad~; il veut m'épouser parce qu'il pense trouver en moi une bonne femme de missionnaire, ce qu'il n'aurait pas trouvé en eUe. M est grand et bon, mais sévère et froid comme de la glace à mon égard. Il ne vous ressemble pas, monsieur. Je ne suis pas heureuse près de lui; il n'a pour moi ni indulgence ni tendresse il ne voit en moi rien d'attrayant, pas même la jeunesse il me considère seulement comme utile. Eh bien monsieur, dois-je vous quitter pour aller avec lui P e

Je frissonnai involontairement, et par un instinct secret je me rapprochai de mon maître aveugle, mais aimé. Il sourit. < Comment, Janet est-ce vrai? me dit-il; les choses en sontelles réellement là entre vous etRivers? t

Oui, monsieur. Oh vous n'avez pas besoin d'être jaloux. Je voulais vous irriter un peu pour vous rendre moins triste. Je pensais que la colère vaudrait mieux que la douleur. Vous désirez mon amour; eh bien 1 si vous pouviez voir combien je vous aime, vous seriez fier et heureux. Tout mon cœur vous appartient, monsieur, et il continuerait à vous appartenir, quand même le destin devrait nous éloigner pour toujours. a II m'embrassa de nouveau et semblait accablé par de tristes pensées.

<0ht ma vue éteinte, mes forces perdues! B murmura-t-il d'un accent douloureux.

Je le caressai pour le sortir de sa rêverie. Je savais à quoi il pensait; j'aurais voulu parler pour lui, mais je n'osais pas. Il se détourna un instant; je vis une larme glisser sous ses paupières closes et le long de ses joues mâles. Mon cœur se gonNa. a Je ne vaux pas mieux que le vieux marronnier frappé par l'orage dans le verger de Thornfield dit-il au bout de peu de temps. Cette ruine aurait-elle le droit de demander à un chèvrefeuille en boutons de la recouvrir de ses fraiches Heurs? R Vous n'êtes pas une ruine, monsieur; vous n'êtes pas un arbre frappé par l'orage vous êtes jeune et vigoureux. Des plantes pousseront autour de vos racines, sans même que vous le demandiez, car elles se réjouiront de votre riche ombrage; elles s'appuieront sur vous et vous enlaceront, parce que votre force leur sera un soutien sûr. »


N sourit de nouveau je venais de le consoler un peu. < Partez-vous des amis, Jane? me demanda-t-il.

-Oui, » répondis-je en hésitant.

Je pensais à quelque chose de p!us, mais je ne savais quet autre mot employer. Il vint à mon secours.

< Mais, Jane, me dit-il, j'ai besoin d'une femme.

Vous, monsieur?

Oui. Est-ce dono nouveau pour vous? t

Vous n'en aviez pas encore parle.

Et cette nouvelle n'est pas la bienvenue, n'est-ce pas? Cela dépend des circonstances, monsieur; cela dépend de votre choix.

Vous le ferez pour moi, Jane j'accepterai votre choix. Eh bien monsieur, choisissez ceHe qui vous aime teptus. Je choisirai du moins celle que ~'atme ~p~MS. Jane, voulezvous m'épouser?

Oui, monsieur.

Un homme estropie, de vingt ans plus vieux que vous, et qu'il faudra soigner?

-Oui, monsieur.

Est-ce bien vrai, Janet

Très-vrai, monsieur.

Oht ma bien-aimée, Dieu vous bénisse et voua récompense t

Monsieur Rochester, si jamais j'ai fait une bonne action dans ma vie, si jamais j'ai eu une bonne pensée, si jamais j'ai prononcé une prière sincère et pure, si jamais j'ai eu un désir noble, je suis récompensée maintenant. Devenir votre femme, c'est pour moi être aussi heureuse que possible sur la terre. Parce que vous aimez à vous sacrifier.

A me sacrifier? Qu'est-ce que je sacrifie? la faim pour la nourriture, l'attente pour la joie. Avoir le droit d'entourer de mes bras celui que j'estime, de presser mes lèvres sur celui que j'aime, de me reposer sur celui en qui j'ai confiance, est-ce luifaire unsacrifice? S'il en est aiïtsi, certainement j'aime à me sacrifier.

Mais, Jane, il faudra supporter mes infirmités, voir sans ce"se ce qui me manque.

Tout cela n'est rien pour moi, monsieur. Je vous aime, et plus encore maintenant que je puis vous être utile qu'aux jours -de votre orgueil, vans ne vouliez que donner et protéger. Jusqu'ici je n'ai voulu être ni secouru ni conduit; maintenant je n'en souffrirai plus. Je n'aimais pas à mettre ma main


dans celle d'une servante, mais il me sera doux de la sentir pressée par les petits doigts de Jane. Je prêterais l'entière solitude à la constante surveillance des domestiques; mais le doux ministère de Jane sera une joie perpétuelle. Jane me plait; est-ce que je lui plais?

Oh 1 oui, monsieur, entièrement.

Eh bien alors, rien au monde ne nous force à attendre; il faudra nous marier immédiatement. e

Son regard et sa parole étaient ardents; il retrouvait son ancienne impétuosité.

e Il faut que nous devenions une seule chair, et sans tarder. Une fois la permission obtenue, nous nous marierons. Monsieur Roohester, je viens de m'apercevoir que le soleil se couchait. Pilote est déjà parti dîner; laissez-moi regarder l'heure à votre montre.

Attachez-la à votre ceinture, Jane, et gardez-la. Je n'en ai plus besoin.

-Il est près de quatre heures, monsieur; n'avez-vous pas faim? q

Dans trois jours, Jane, il faudra nous marier. Peu importent les bijoux et les beaux vêtements tout cela ne vaut pas une chiquenaude.

Le soleil a séché toutes les gouttes de pluie, monsieur. La bise ne souffle plus, et il fait bien chaud.

Savez-vous, Jane, que votre petit collier de perles est dans ce moment-ci attaché sous ma cravate, autour de mon cou bronze? Depuis le jour où je perdis mon seul trésor, je le porte comme un souvenir.

Nous retournerons à travers le bois, repris-je, nous y serons plus à l'ombre. D

Mais il ne m'écoutait pas et poursuivait toujours sa pensée. <Jane, oontinua-t-il, vous me prenez pour un chien de païen, et pourtant mon cœur est gonfté de reconnaissance enversle Dieu bienfaisant. Lui voit plus clairement que les hommes, il juge plus sagement qu'eux. Grâce à lui, je ne vous ai pas fait de mal Je voulais flétrir une fleur innocente et souiller sa pureté; le Tout-Puissant me l'a arrachée des mains; je l'ai presque maudit dans ma révolte orgueilleuse. Au lieu de plier le front sous sa volonté, je l'ai déné. La justice divine a poursuivi son cours tas malheurs m'ont accablé; j'ai passé bien près de la mort. Les châtunents du Tout-Puissant sont grands; il m'envoya une épreuve qui me rendit humble pour toujours. Vous savez que j'étais orgueilleux de ma force: mais que suis-je maintenant


qu'il faut me laisser guider par un autre, comme un enfant dans sa faiMesse? Il y a peu de temps, Jane, que j'ai reconnu la main do Di9u dans mon destin. Alors je commençai à sentir du records et du repentir, à désirer de me réconcilier avec mon Créateur je me mis à prier quelquefois; mes prières étaient courtes, mais sincères.

ell y a quelque temps, quatre jours, du reste, car c'étaitlundi soir, je me trouvais dans une singulière disposition l'égarement avait fait place à la douleur, l'obstination à la tristesse; depuis longtemps je me disais que, puisque je ne pouvais pas vous trouver, vous deviez être morte. Ce soir-là, entre onze heures et minuit, avant de me laisser aller à mon triste sommeil, je suppliai Dieu de me retirer de ce monde et de m'ad"mettre dans cette éternité où j'avais encore espoir de rejoindre Jane.

< J'étais dans ma chambre, assis près de la fenêtre ouverte j'aimais à sentir l'air embaumé de la nuit, bien que je ne pusse voir aucune étoile, et que la présence de la lune ne se révélât pour moi que par une vague lueur. J'aspirais vers toi, Jane; j'aspirais par mon corps et par mon âme. Je demandais à Dieu, avec un cœur humilié et angoissé, si je n'avais pas été assez longtemps désolé, afnigé et tourmenté, et si je ne pourrais pas une fois encore goûter au bonheur et à la paix. J'avouais que tout ce que j'endurais était bien mérité, mais je disais aussi que j'aurais peine à supporter plus longtemps cette torture. Malgré moi, mes lèvres exprimèrent les désirs de mon cœur, et je m'écriai <: Jane 1 Jane Jane' »

Avez-vous prononcé ces paroles tout haut?

Oui, Jane et si quelqu'un m'avait entendu, il m'aurait cru fou, car je les prononçai avec une énergie égarée. Vous dites que c'était lundi dernier, vers minuit? Oui mais peu importe le jour. Ecoutez, voilà le plus étrange vous allez me croire superstitieux. Il est certain que j'ai toujours eu un peu de superstition dans le sang. N'importe, que je vais vous dire est vrai; du moins il est vrai que j'ai :ru entendre ce que je vais vous raconter. Au moment où je m'écriai < Janet Jane Jane ) B une voix, je ne puis dire d'où 3lle venait, mais je sais bien à qui elle appartenait, me réponiit a Je viens; attendez-moi. Et, un moment après, j'entenlis murmurer dans l'air Où êtes-vous ? » z

< Je vais vous dire, si je le puis, l'effet que me produisirent ces mots; mais c'est difficile à exprimer. Vous voyez que Ferndean est ensevelidans un bois éoais où viennent s'éteindre tous


les bruits sans qu'aucun résonne jamais. < Où Mes-vous? semblait avoir été prononcé sur une montagne, car ces mots furent tvpetAi. par un écho. A co moment, une brise plus fraîche vint pMeut'er mon front. J'aurais pu croire que Jane et moi nous venions de nous rencontrer dans quelque lieu sauvage; et je crois vraiment que nous avons dû nous rencontrer en esprit. Sans doute, Jane, qu'à cette heure vous étiex plongée dans un sommeil dont vous n'aviez pas conscience; peut-être votre ame quittait son enveloppe terrestre pour venir consoler la mienne car c'était votre voix; je suis bien certain que c'était elle. a C'était aussi le lundi, vers minuit, que moi j'avais reçu ut avertissement mystérieux; c'était bien là ce que j'avais répondu. J'écoutai le récit de M. Rochester, mais sans lui parler de ce qui m'était arrivé. Cette coïncidence me sembla trop inexplicable et trop solennelle pour la communiquer ou la discuter. Si j'en avais parlé à M. Rochester, je l'aurais profondément impressionné, et son esprit, déjà si assombri par ses souffrances passées, n'avait pas besoin d'être encore obscurci par un récit sur. naturel. Je gardai donc ces choses ensevelies dans mon cœur et je les méditai.

a Vous ne vous étonnerez plus, continua mon maître, qu'hier soir, lorsque je vous ai vue apparattre si subitement, j'aie eu peine à croire que vous n'étiez pas une vision, une voix qui s'éteindrait comme quelques jours auparavant le murmure de la nuit et i'écho de la.montagne maintenant, je vois que vous n'êtes pas une vision, et je remercie Dieu du fond de mon cosur. B

Après m'avoir fait retirer de ses genoux, il se leva, découvrit respectueusement son front, inclina vers la terre ses yeux sans regard et demeura dans une muette adoration/Je n'entendis que les derniers mots de sa prière

< Je remercie mon Créateur, dit-il, de s'être souvenu de sa miséricorde à l'heure du châtiment, et je supplie humblement mon Sauveur de me donner les forces nécessaires pour mener à l'avenir une vie plus pure que par le passé. 9

Il étendit la main pour me demander de le conduire je pris cette main chérie et je la tins un moment pressée contre mes lèvres; puis je la passai autour de mon épaule étant beaucoup plus petite que lui, je pouvais lui servir d'appui et de guide. Nous entrâmes dans le bois et nous retournâmes à la maison.


CHAPITRE XXXVIII.

CONCLUSION.

J'ai enfin épousé M. Rochester. Notre mariage se nt sans brait; lui, moi, le ministre et le clerc, étions seuls présents. Quand nous revînmes de l'église, j'entrai dans la ouisine, où Marie préparait le dîner, tandis que John nettoyait les couteaux. <[ Marie, dis-je, j'ai été mariée ce matin à M. Rochester. La femme de charge et son mari appartenaient à cette classe de gens discrets et réserves auxquels on peut toujours communiquer une nouvelle importante sans crainte d'avoir tes oreilles percées par des exclamations aiguës, ni d'avoir à supporter un torrent de surprises. Marie leva tes yeux et me regarda. Pendant quelques minutes elle tint suspendue en l'air la cuiller dont elle se servait pour arroser deux poulets qui cuisaient devant le feu, et John cessa de polir ses couteaux. Ennn Marie, se penchant vers son rôti, me dit simplement

< En vérité, mademoiselle? Eh bien, tant mieux, certainement. Au bout de quelque temps elle ajouta < Je vous ai bien vue sortir avec mon maître mais je ne savais pas que vous alliez à l'église poar vous marier. s

Et elle continua d'arroser son rôti.

Quand je me tournai vers John, je vis qu'il ouvrait la bouche si grande qu'elle menaçait d'aller rejoindre ses oreilles. < J'avais bien averti Marie que cela arriverait, dit-il. Je savais que M. Edouard (John était un vieux serviteur et avait connu son maître alors qu'il était encore cadet de famille; c'est pourquoi il l'appelait souvent par son nom de baptême), je savais que M. Édouard le ferait, et j'étais persuadé qu'il n'attendrait pas longtemps je suis sûr qu'il a bien fait. »

En disant ces mots, John tira poliment ses cheveux de devant.

< Merci, John, répondis-je. Tenez, M. Rochester m'a dit de vous donner ceci, à vous et à Marie. D Et je lui remis un billet de cinq livres.

Sans plus attendre je quittai 1s cuisine. Quelque temp~ après, en repassant devant la porte, j'entendis les mots suivants c Elle lui conviendra mieux qu'une grande dame. Puis < tl


y en a de plus jolies, mais elle est bonne et n'a pas de défaute. Du reste, il est facile de voir qu'elle lui semble bien Mie. 8 J'écrivis itumédiatem&Bt à Moop-House, pour annoncer ce que j'avais fait. Je donnai toutes les explications nécessaires dans ma lettre. Diana et Marie m'approuvèrent entièrement. Diana m'annonça qu'elle viendrait me voir après la lune de miel. <! Elle ferait mieux de ne pas attendre jusque-là, Jane, me dit M. Rochester, lorsque je lui lus la lettre car la lune de miel brillera sur toute notre vie, et ses rayons ne s'éteindront que sur votre tombe ou sur la mienne.

Je ne sais pas comment Saint-John reçut cette nouvelle; il ne répondit jamais à la lettre que je lui écrivis à cette occasion. Six mois après il m'écrivit, mais sans nommer M. Rochester et sans faire allusion à mon mariage. Sa lettre était calme et même amicale, bien que très-sérieuse. Depuis ce temps notre correspondance, sans être très-fréquente, fut régulière. Il espère que je suis heureuse, me dit-il, et que le Seigneur ne pourra pas me compter au nombre de ceux qui vivent sans Dieu dans le monde et ne s'inquiètent que des choses de la terre.

Sans doute vous n'avez pas complètement oublié la petite Adële; quant à moi, je me souviens toujours d'elle. J'obtins bientôt de M. Rochester la permission d'aller la voir à sa pension. Je fus émue par la joie qu'elle témoigna en me revoyant. Elle me parut pâle et maigre, et elle me dit qu'elle n'était point heureuse. Je trouvai le règlement de la maison trop dur et les études trop sévères pour un enfant de son âge. Je l'emmenai avec moi. Je voulais redevenir son institutrice; mais je vis bientôt que c'était impossible un autre demandait mon temps et mes soins; mon mari en avait absolument besoin. Je cherchai une pension plus douce, et assez voisine pour que je pusse aller la voir souvent et la ramener quelquefois à la maison. Je pris soin qu'elle ne manquât jamais de ce qui pouvait contribuer à son bien-être. Elle s'habitua bientôt à sa nouvelle demeure, redevint heureuse et fit de rapides progrès dans ses études. En grandissant, l'éducation anglaise corrigea en grande partie les défauts de sa nature trop française. Quand elle quitta sa pension, je trouvai en elle une compagne agréable et complaisante; elle était docile, d'un bon naturel, et avait d'excellents principes. Par ses soins reconnaissants pour moi et les miens, elle m'a bien récompensée des petites bontés que j'ai jamais pu avoir pour elle. Mon récit approche de sa Su. Encore quelques mots sur ma vie de femme et sur le sort de ceux dont les noms ont été si souvent mentionnés ici, et alors j'aurai M.


Ni y a maintenant dix ans que je suis mariéa, et je sais oaqua t~est que de vivre entièrement avec et pour l'êtra que j'aime le ~MB au monde. Jo me trouve bien heureuse, plus heureuse q~c na pauvent l'exprimer des mots, parce que je suis la vie de mon mari autant qu'il est la mienne; jamais aucune femme n'a étd nlus liée à son mari que moi; jamais aucune n'a été plus la chair ne sa chair, le sang de son sang. Nous ne sommes pas plus fatigues de la présence l'un de l'autre que nous na sommes las des battements de nos cœurs; nous sommes toujours ensemble, et ti*estpour nous le moyen d'être aussi libres que dans la solitude et aussi gais qu'en société. Nous causons tout le jour, et c'est comme si nous méditions d'une manière plus claire et plus animée. Il a toute ma confiance et j'ai toute la sienne. Nos caractères se conviennent; il en résulte un accord parfait. M. Rochester resta aveugle pendant les deux premières années de notre mariage c'est peut-être là ce qui nous a tant rapprochés, ce qui a rendu notre union si intime; car j'étais sa vue comme je suis encore sa main droite. J'étais littératement, ainsi qu'il me le disait souvent, la prunelle de ses yeux; c'était par mo' qu'il lisait la nature et les livres. Je n'étais jamais fatiguée de regarder pour lui et de dépeindre les champs, les rivières, les villes, les arbres, les nuages et les rayons de soleil des paysages qui nous environnaient, et de remplacer par mes paroles ce que lui refusaient ses yeux. Je n'éthis jamais fatiguée de lire pour lui, de le conduire où il désirait aller, de faire ce qu'il désirait faire; et j'éprouvais une joie infinie à lui rendre ces tristes services parce qu'il me les demandait sans éprouver ni honte douloureuse ni poignante humiliation. H m'aimait si sincèrement qu'il n'hésitait pas à avoir recours à moi. Je l'aimais si tendrement qu'en le servant je satisfaisais mon désir le plus doux.

N y avait deux ans que nous étions mariés; un matin que j'écrivais une lettre sous sa dictée: il s'approcha, se pencha ver. moi et me dit:

< Jane, avez-vous quelque chose de brillant autour de votre cou?

J'avais une chaîne d'or; je lui répondis que oui.

c Et avez-vous une robe d'un bleu pâle? z

J'en avais une. H m'apprit alors que depuis quelque temps il lui avait semblé voir s'édaircir les ténèbres qui recouvraient l'un de ses yeux, et que maintenant il en était sûr. Nous nous rendunas à Londres. n consulta un oculiste émi" aent et recouvra enfin la vue d'un de ses yeux. n ne voit pas traa-Mm: il ne peut ni lire ni écrire longtemps; mais il peut se


conduire. La terre n'est plus un caaos peur lui; et quand son premier-né fut placé entre sas bras, 0 put voir que son fils avait Mr!M do ses youx, de ses yeux d'autraMa, si grands, si brillants et si noirs. A cette occasion, il reconaut de nouveau, la coEur rempli d'émotion, que Dieu avait été miséricordieux jusque dans le châtiment

Mon Edouard et moi nous sommes heureux, et d'autant plus que ceux que nous aimons le sont aussi. Diana et Marie Rivers sont toutes deux mariées; chaque année eUes viennent nous voir ou noua allons les voir. Le mari de Diana est un capitaine de marine; c'est un galant ofnoier et un excellent homme. Marie a épousé un ministre, ami de collège de son frère et digne de cette union par ses vertus et ses talents. Le capitaine Fritzjames et M. Warthon aiment sincèrement leurs femmes et en sont aimes. Quant à Saint-John, il quitta l'Angleterre pour aller au Indes. H entreprit la tâche qu'il s'était imposée et il la poursuit encore: jamais pionnier plus infatigable et plus résolu ne se lança au mi. lieu des rochers et des périls il demeure terme, fidèle et dévoué H travaille pour ses frères avec énergie, zèle et foi; il leur trace le chemin douloureux du perfectionnement. Comme un géant, il abat les préjugés religieux et sociaux qui encombrent la route du Seigneur. Il est paut-etre austère, exigeant, ambitieux même; mais son austérité est celle du guerrier. Ame noble, pèlerin généreux qui se tient en garde contre les tentations des impies, ton exigence est celle de l'apôtre qui ne parle qu'au nom du Christ quand il dit: <Que celui qui vent êtres à moi renonce à luimême, prenne sa croix et me suive. B Son ambition est l'aspiration d'une âme qui veut une place dans les premiers rangs de ceux qui se sont rachetés de leurs fautes, qui se tiennent purs de toute souillure devant le trône de Dieu, partagent la dernière victoire avec l'Agneau sans tache, et sont appelés les élus et les Mèlps.

Saint-John ne s'est pas marié; il ne se mariera jamais. Jusqu'ici il a pu accomplir sa tâche à lui seul, et elle approche de sa fin. Son glorieux soleil est près du déclin. La derrière lettre que j'ai reçue de lui m'a arraché des larmes humaines, maiaa a rempli mon cœur d'une joie divine il pressentait sa récompense et apercevait déjà sa couronne incorruptible. Je sais que la pré" ohaine fois ce sera une main étrangère qui m'écrira pour m'apprendre que le bon et fidèle serviteur a ennn éte~ appelé dans la {aie: d& Seigneur. Et pourquoi pIsorerT

La dernière heure de Saint-John ae sera pas obscurcie par la crainte de la mort. Aucun nuage ne a'appesantir&sujfaon esprit;


son cœnr sera intrépide, son espérance s&re, aa toi ferme; sas propres pare!eaea sont un témoignage.

< Mon maître, <m-H, m'a averti; chaque jour il ta'aNnoMce ptua cMretaent ma délivrance. J'avance rapidement, et à chaque heure qui s'écoute, je réponds avec plus d'ardeur Ame~ ~e-

c n~, Seigneur Jésus t

c ne~1 S8isneur ~éaus 1

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