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Titre : Le Monde illustré

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1867-08-24

Contributeur : Yriarte, Charles (1833-1898). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32818319d/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 24 août 1867

Description : 1867/08/24 (T21,A11,N541).

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6372741t

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-2943

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 05/08/2013

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COURRIER DE PARIS "I\. La Savoie sue l'histoire; chaque sommet, chaque platpau, chaque colline peut raconter une légende ou un combat.

M. Pillet, dans un compte rendu de l'Académie impériale de Savoie, a pu dire avec raison : « Dans un pays qui depuis huit siècles a conservé son autonomie et une physionomie provinciale fbrfment accusée, l'étude la plus attrayante est sans contredit celle de l'histoire. »

Prenez donc le bâton noueux, ceignez vos reins, buveurs d'eau, et entre deux douches, allez interroger les pierres ; tâchez de leur arracher leurs secrets ; sondez les murs, visitez les cachots, déchiffrez les vipilles inscriptions, et si, plus amoureux de la nature que des ruines du temps passé, vous cherchez de beaux horizons, des vallées immenses, des neiges éternelles, des pics infranchigsables, sachez que la Savoie est inépuisable et féconde et que jamais vos yeux ne se lasseront de cette nature à la fois riante et forte, qui cache sa grandeur sous l'abondance et la fertilité.

M. le procureur général Dupin, qui n'était point un sot, mais qui n'était pas voyageur de sa nature, a pu cependant dire en plein parlement : « D<~ quoi s'agit- il, messieurs? De quelques rochers nus hantés par une centaine de mille de malheureux. » Eh bien, plus on gravit ces montagnes, plus on parcourt ces p'aines. plus un voit que la Savoie est un des plus beaux fleurons de la couronne de France et que M. le procureur impérial ne connaissait bien que le Morvand.

Saint-Pierre d'Alberville.— Château des comtes de Myolans.

Mais prenons en passant à Chambéry trois personnes dignes d'ouvrir à un voyageur les portes des temps historiques, des amis capables de changer en une courte promenade les ascensions les plus ardues. Nous étions quatre : un digne ministre de Genève, professeur d histoire éminent, auquel on doit une histoire de Genève et la Conversion du chab ai par saint François de Sales, M. Gaberel, de Genève; M. Victor de Saint-Genys, dont nous avions lu une remarquable étude historique : Soixante ans de l'histoire de S ivoie, pages sévèrement écrites d'après les documents originaux et détachés d'une grande œuvre encore inédite : Histoire de la Mais n de Savoie ; M. Théodore Fivel, architecte dont le nom n'est plus limité au clocher, mais qui, par ses recherches sur l'Alesia de César et ses profondes connaissances archéologiques, est digne de faire partie de la section des Inscriptions de l'Institut.A Saint-Pierre d'Albigny, M.Jeannin, le percepteur de Saint-Pierre, voulut bien se jo;ndre à nous comme le fourrier de la caravane ; il nous fil. les honneurs de ce beau pays que nous ne voudrions plus quitter, et nous avons conservé le plus charmant souvenir de cette rencontre hâtive, sur un pic démantelé, en face de la merveilleuse vallée du Grésivaudan.

Partis d'Aix en traversant Chambéry et Montmélian, c'est à peine une excursion, car Saint-Pierre d'Albigny n'est qu'à quelques heures. On travers3, avant d'arriver à Siint-Pierre de grands étangs pleins d'énormes roseaux qui balancent au vent leurs longues tiges couronnées d'une fleur veloutée ; nous réprimâmes difficilement l'envie de mouiller nos pieds pour nous emparer de ces longues flèches qui font si bien ddns une panoplie, ce qui prouve que nous ne serons jamais un homme sérieux.

A partir de Saint-Pierre,en regardant Faverges, on voit à mi-côte, dominé par la Recluse, une haute montagne grise, le château des comtes de Myolans, qui semble collé au rocher, mais qui en est séparé par un vallonnement dans lequel se cashe la route qui y conduit.

Je ne sais point, dans sa petite dimension qui ne se compare point avec les châteaux-forts célèbres de Pierrefonds et de Coucy, une ruine mieux plantée au sommet d'un rocher pour la joio des touristes et des aquarellistes en voyage. Si on arrive par Saint-Pierre,on ne voit que le flanc du château, une de ses façades les moins attrayantes, mais la tour d'angle qui la flanque s'élève fièrempnt à pic, au niveau du rocher perpendiculaire, et pour adoucir cette ligne trop verticale qui va rejoindre Je niveau de 'a plaine à des milliers de mètres, un manteau de lierre, de mousse et de lichens qui entoure la ruine vient en déranger la rigidité et va se perdre dans l'abîme.

En trois coups de pinceau voici le tableau. La ruine est gris sombre taché de lierres, le socle qui la supporte est couvert de végétations parasites très-colorées, et cé

plan bien dessiné et aussi vigoureux de lignes que de couleurs se détache sur une plaine sans fin dans laquelle les peupliers, les métairies, les chalets, les chaumières, les cours d'eau font une mosaïque d'un ton rompu : car à cette distance énorme les couleurs s'enveloppent et s'harmonisent. La seule dominante est une ligne serpentine, l'Isère, qui va se perdre dans l'inimitable vallée à laquelle elle donne son nom. La ligne de plaine, inflexible et droite, traverse à peu près la ruine à la moitié de sa hauteur et les créneaux se dessinent sur le fond des montagnes très-vaporeuses, trèvfluides, d'une couleur inimitable. Quand un rayon de soleil venait vivifier cette nature bénie, on apercevait à l'horizon des pics sans fin couverts de neiges éternelles et nos yeux pouvaient s'enfoncer dans ces vapeurs bleuâtres qui nous cachaient, comme dans un rêve, la belle vallée de l'Isère.

Là, quoique la nature nous desarme et vienne nous convaincre de notre faiblesse, nous laissâmes passer en avant nos compagnons de route et nous fimes un croquis pour essayer de nous donner une idée de ce joli point de vue. C'est un curieux combat que celui qui s'éève entre l'imagination et la main rétive à exprimer ce qui ne s'exprime point. Le poëte tue le peintre, mais comme il est bon de donner à la plume quelques points de repère attestés par le crayon, il faut ne point se décourager et lutter avec la nature pour essayer d'en fixer les impressions fugitives.

Quand nous rejoignîmes nos compagnons, M. Fivel, cet archéologue qui ne perd point son temps, avait fait dresser une échelle contre la poterne d'arrivée et sous le manteau de mousse il avait découvert, admirablement conservée et d'une sculpture patiente et trèsétudiée, la pierre sur laquelle l'architecte du moyen âge avait gravé son nom : J hann Miege, 1500. Nous traversâmes des poternes, des chemins couverts, des casemates, des ponts-levis, tout un monde de fortifications et de moyens de défense; les barbacanes, les mangonneaux, les mâchicoulis, ouvraient à droite, à gauche, de chaque côté de l'étroit chemin leurs ouvertures inquiétantes, les murs hérissés nous enfermaient et nous parvînmes enfin à une porte ogivale, porte pleine revêtue d'une couche épaisse de fer. Nous étions dans la cour du château : cour verdoyante plantée d'arbres fruitiers, avec un bassin d'eau limpiie. Le château s'élevait à notre droite, bien complet dans son aspect, sauf le tablier du pont levis qui est allé rouler dans le fossé énorme ; nous fùmes obligés de tourner autour de ces fossés pour pénétrer dans l'intérieur qu'il ne faut point décrire minutieusement. C'est le château du moyen âge dans toute l'acception du mot, le château combiné pour la défense et pour la lutte, jamais pour la vie paisible et joyeuse.

Le moyen âge, c'est le temps des hommes bandés de fer, qui convoitent leur proie. Chaque col ine a sa tour, mais chaque tour a son assaut, et jamais l'imagination du voyageur ne songe à peupler ces rudes donjons de darnes au long corsage, de piqueurs alertes tenant les faucons au poing : on rêve combat d'estoc et de taille, assauts et incendies, rapt et meurtre, coups de dague et chocs des masses d'armes.

Myolans a servi de prison à Jacqueline de Monthel, comtesse d Entremout, veuve de l'amiral de Coligny. C'est une figure presque auguste' que celle de cette grande épouse, qui fut fiièle à l'amiral par delà la tombe. Elle était allée à lui un beau jour,énamourée par les récits de la foi, du courage et de la loyauté de Coligny, et, sans l'avoir vu, sur le simple bruit de sa renommée, elle était venue lui demander son nom et avait mis sa main dans la rude main duvijux protestant. Elle avait alors vingttrois ans; Coligny en avait cinquante-trois (1570). Q land le meurtre de Coligny eut ensanglanté le pavé du Louvre, elle sut résister et braver les fanatiques. Oti l'enferma à Myolans, puis à Nice, enfin à Turin. Prisonnière pendant vingt-quatre ans, elle eût pu recouvrer sa liberté en signant une renonciation ; elle prétendit ne pas abandonner ses droits, ses titres, ses propriétés, et signa jusqu'à la fin ses fières lettres du nom de ses aïeux et de celui de l'amiral.

Les lettres échangées à ce propos entre les ducs de Savoie Einmanuel-Pnilibert, Charles-Emmanuel l'r et les cantons suisses, surtout celui de Berne, fourniraient un drame poignant.

Nous visitâmes les cachots, qui ne présente t point ce parti pris de férocité qu'on retrouve dans les cachots du.

moyen âge; l'air y circule; on voit le ciel bleu à travers les grilles, qui s'entre-croisent les unes sur les autres, par excès de précaution; on respire à l'aise; on sent qu'il

y avait là des prisonniers d'importance dont on voulai s'assurer et qu'on ne voulait point faire souffrir.

Les murs de Myolans sont couverts d'inscriptiots, quelques-unes datées et d'un véritable intérêt historique, d'autres pleines de ces invocations à tous les saints du paraiis, familières au moyen âge. Mais étant convaincus qu'une couche de gypse ou de badigeon recouvrait J'ancien parement, nous nous armâmes chacun d'un instrument propice pour enlever la chappe, et, à la lueur d'une torche, après avoir dressé des planeies contre les grandes fenêtres, afin de laisser 1 s ombres dessiner avec pius de vigueur les caractères incrustés dans la pierre, nous parvînmes à relever plusieurs inscriptions très-curieusesGlissons, mortels; n'appuyons pas. - Citons à la pate, pour les Savoisiens qui monteront. à Mvolars, le de quelques prisonniers. Le jésuite Monod, confesseur de régente Christine, ennemi personnel de Richelieu; bris par le ministre et enfermé par lui à Myolans, 11 Y mourut.

Au dix-huitième siècle, Pietro Giannone, célèbre historien napolitain, fut saisi par fraude à Genève et en fermé dans le grand cachot du bas, le plus près de l'ahime, avec son fils, âgé de douze sns. De temps en temps la peur prenait à ces tyrans; ils voyaient en rêve eS barreaux sciés avec h lime patiente et des souterrains secrets creusés avec les org'es. Alors ils cherchaient uo cachot aux murs plus épais, au bord de précipices plus proronds encore, et l'on transféra Giannone à Fenes

trelle.

Lavini, un faussaire qui fabriquait des billets de crédit, d accord avec le ministre des finances piémon tais, a inscrit aussi son nom sur les murs des cachots aiS, a Inscnt aUSSI son nom sur les murs es de Myolans.

Nous descendons la vis qui mène aux trois degrés que les prisonniers appelaient le Paradis, le Purgatoire et l Eiifer. Rendons justice aux pierres et aux tyrans, 1 En fer de Myolans, sauf une horrible petite cellule muree dans laquelle on a trouvé un cadavre, n'offre point l'as' pect horrible des cachots du moyen âge.

Vous pensez bien que nous ne délaissâmes point les oubliettes. Le savant M. Gaberel reconnut, dans les nom breux ossements que le propriétaire y a rassemblés apre=, coup, * ne soyons pas naïfs 1 — des ci ânes d'enfants, des ossements de jeunes femmes et des squelettes d'hommes robustes et forts, et le docte historien nous faisait toucher du doigt les secrets de la vie dans ces obscurs souterrains, où nous allions en rampant.

Nous revînmes à la lumière pour redescendre encore et parcourir tout un monds de souterrains et d? chemins circulaires, de parallèles de défense et de casemates d'une invincble force. La proportion n'est pas exacte entre les énormes moyens da défense du château de Myolans et sa dimension; c'était évidemment la clef d'un passage. Ce repaire avait une fonction défensive, et SI je ne m* trompe pas, on ne le prit point d'assaut; il se rendit à discrétion.

- - - J'ai dit que la Savoie sue l'histoire. Montez à la plate-forme du château; rpgardz au nord, à l'est, à l'ouest, Chamousset, Montmélian, Montmayeur, H jnri IV, Créquy, Lesdiguières. Cent volumes curieux, pittoresques et émouvants.

Ici, à Chomousset, Philippin de Savoie, fils naturel du duc Emmanuel, frère du duc régnant, Charles,est attaqué par Créquy. Philippin, qui combat popr son droitet pour sa dame, porte autour de son feutre une écharpe couleur de feu que lui a donnée une belle châtelaine de Chambéry.

C-équy l'atteint, il traverse le fleuve à la nage et lui échappe ; mais il perd son écharpe et Créquy entre à Chambéry en portant en sautoir les couleurs de la belle, Philippin rentre confus et le duc Charles lui enjoint d'aller chercher le gage a r,oureux. Le vaincu atteint Créquy à Grenoble et le défie à outrance, il est blessé et revient encore, il panse ses blessures repart à la poursuite de Créquy, l'atteint à Lagnieu, le défie une seconde fois, ce second combat lui coûte la vie.

A Montmayeur quel drame sanglant! Un comte de Montmayeur aabusé de ses droits et les juges du district rassemblés en séance vont prononcer un arrêt ; le comte court chez le président de Fesigny, entouré de ses hommes d'armes l'enlève, lui tranche la tête la met dans un sac à procès, remonte à cheval, entre dans la salle même desséances à l'heure où les juges sont réunis, jette le sac sur l'escabeau du président en disant fièrement : « Vous avez oublié une des pièces du procès. » Et les juges terrifiés se montrent avec horreur la tête de leur président.

A chaque pas, de l'histoire, si les pierres pouvaient