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Titre : Bulletin colonial : supplément à la Revue du XIXe siècle

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1839-05-07

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327173415

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327173415/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 495

Description : 07 mai 1839

Description : 1839/05/07 (A4,N19).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366510j

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3013

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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I

Paris, 6 mai.

Si la France n'occupe pas le premier rang dans le monde commercial, c'est qu'elle ne l'a pas voulu ; car rien ne lui manque de ce qui élève les nations sous ce rapport, ni l'activité, ni le génie des populations, ni la fertilité du territoire, ni la position heureuse que lui a faite la nature, en la plaçant au centre de la civilisation européenne. L'Angleterre, beaucoup moins favorisée, et inférieure en population, a tellement multiplié ses relations commerciales qu'elle est devenue le centre des richesses du monde. Les Hollandais, relégués sur un sol conquis par la mer, ne devaient faire qu'une peuplade de pêcheurs et de bergers ; et ce pays, que les populations disputent pied à pied aux tempêtes, n'a-t-il pas été le magasin et la caisse de l'Europe 1

Mais si les nations ne peuvent, et aujourd'hui surtout, être grandes et véritablement fortes que par le commerce, cette puissance ne se rattache-t-elle pas par des liens étroits et nécessaires à l'existence des colonies? Le commerce n'a cessé d'être languissant qu'à l'époque où le Nouveau-Monde est venu lui donner la vie. Il commença pour la France le jour où le génie de Colbert organisa les rapports de nos colonies avec la France. Ceux qui songent aujourd'hui à troubler ces relations n'ont assurément pas réfléchi à la perturbation énorme qu'ils causeraient & notre industrie.

Le commerce avec les colonies n'est pas obligatoire pour les négocians de la métropole. Si d'autres pays offrent à leurs pro-

duits des débouchés plus fructueux, rien ne les empêche de les y exporter. Mais les colonies ne peuvent recevoir ce qu'elles consomment que du commerce français, et c'est à lui seul aussi qu'elles peuvent rendre ce qu'elles produisent.

Ainsi, que des circonstances fâcheuses augmentent le prix des denrées en France, que la rareté des matières premières ou l'élévation de la main-d'œuvre repoussent de nos ports les négocians étrangers, ces inconvénicns sont sans influence sur nos relations avec les colonies; car, assujéties à n'acheter que de la métropole, elles subissent la loi du commerce métropolitain et ne la lui font jamais. Qu'on ajoute à cette considération la communauté d'origine, de langage et de mœurs, et qu'on la compare avec la situation dans laquelle se trouve le commerce dans un pays étranger; que l'on songe à la perpétuité des rela-

tions, qui ne pourrait être troublée que par une de ces guerres générales qui n'ont lieu qu'à d'immenses intervalles, tandis qu'une rupture subite, l'élévation des tarifs peuvent fermer toutà coup des débouchés précieux, et l'on conviendra, ce nous semble, que la prudence la plus sévère doit accompagner toutes les mesures qui tendraient à altérer, à changer ces rapports si féconds de la France avec ses colonies.

Lorsqu'après le temps où l'on proclamait cette maxime : Périssent les colonies plutôt qu'un principe ! le calme revint dans les choses et dans les esprits, un effroyable cri de détresse se fit entendre de tous les points du pays à la fois. Le commerce était anéanti, les ports étaient déserts, nos villes manufacturières étaient dans la consternation et dans l'angoisse. Les colonies nous sont rendues, et aussitôt c'est comme un trelsaille.ment de bonheur et de vie qui anime la France. Les mers se

rouvrent à nos vaisseaux, l'industrie désormais sûre d'un avenir se relève de son abaissement, une marine militaire bientôt l'égale de celle de l'Angleterre se recrute dans la marine marchande, on reconnait dans les batailles navales les fils de ces soldats qui ont campé dans toutes les capitales de l'Europe.

Que l'on écoute maintenant les nouveaux cris de détresse qui s'exhalent de toutes les villes du littoral; c'est que de nouvelles imprudences ont semé la perturbation et provoqué d'incalculables désastres, en remettant en question l'existence de ces colonies que l'Europe nous envie, et dont la ruine bientôt irréparable réagit sur notre commerce et notre industrie.

Ainsi la prospérité de la France et sa décadence commerciale ont toujours marché parallèlement avec la prospérité ou la décadence de nos colonies. On ne peut attaquer les unes sans blesser l'autre, tant leurs intérêts se touchent de près et se confondent.

Le commerce, l'industrie de la France se rattacbent-ils par des liens étroits à la fabrication du sucre de betteraves? Qui oserait jamais le soutenir sérieusement et de bonne foi? Ou a voulu subordonner l'agriculture à cette industrie; on l'a représentée officiellement comme présageant une vaste exploitation

du territoire, et lorsque l'engouement s'est apaisé, on a recon- nu que la surface d'un simple arrondissement suffirait à toute la consommation de la France ; on a reconnu que cette culture se concentrait dans quatre ou cinq déparlemcns; qu'au lieu d'enrichir et de fertiliser le sol, elle ravissait au contraire aux céréales, aux plantes oléagineuses, les terres les Pplus productives ; on avait annoncé comme prochain le temps où chaque cul1 tivateur pourrait produire lui-même le sucre nécessaire à ses

besoins, et l'on a vu que, partout où de petites fabriques avaient tenté de s'élever, elles avaient immédiatement été ruinées. C'est donc, jusqu'à présent, à l'aide de subterfuges et de mensonges que cette industrie s'est accréditée, qu'elle a échappé et qu'elle tend encore à se soustraire à l'impôt. Elle n'a rien réalisé de ce qu'elle a promis, et hormis quelques capitalistes. nous ne voyons pas qui peut avoir intérêt, en France, à ce que nos relations avec les colonies soient interrompues, qu'elles succombent sous le poids des lois arbitraires dont les écrase la métropole, que notre marine marchande succombe et entraine dans sa chute notre marine militaire, et avec elle notre influence en Europe, pour le plus grand profit de quelques banquiers de Lille ou de Dunkerque.

Souscription en faveur des victimes de la Martinique.

Les listes de souscription ouvertes à Paris et dans différentes villes. continuent de se remplir. Le montant des sommes versées s'élevait, au 30 avril, à 156,880 fr. 45 c. Un des premiers navires qui partiront de Bordeaux pour la Martinique doit y porter une nouvelle somme de 50,000 fr. par l'entremise du trésor royal.

La question du dégrèvement sera très prochainement soumise aux délibérations de la chambre, et nous espérons qu'elle y sera résolue dans l'intérêt de notre commerce, de l'honneur de notre pavillon, de la dignité nationale, c'est a dtre dans l'intérét des colonies. Nos lecteurs ont déjà pu voir que le dégrèvement était entré dans les prévisions du budget présenté par le dernier ministère, et les paroles prononcées dernièrement par

M. le duc d'Orléans ne peuvent guère laisser un doute sur la solution de cette question, dont tout le monde aujourd'hui comprend l'immense gravité. Cependant, malgré ces espérances, c'est le moment pour les défenseurs de nos colonies de faire un dernier et vigoureux effort. La Revue du XIXe siicle, malgré la situation si inconcevable danslaquellela laissent ses soutiens naturels, ne faillira point à sa tâche. Cette semaine paraîtra la

FEUILLETON.

I/ÉPICIER.

Des ingrats passent insouciammcnt devant la boutique d'un épicier.

Dieu vous en garde ! Quelque rebutant, crasseux, mal en casquette que soit le garçon, quelque frais et réjoui que soit le maître, je les regarde avec sollicitude el leur parle avec la déférence qu'a pour eux le Constitutionnel. Je laisse aller un mort sans y faire attention, mais je ne vois jamais avec indifférence un épicier. A nies yeux, l'épicier, dont l omniputence ne date que d'un siècle, est une des plus belles expressions de la société moderne. N'est-il donc pas un être aussi sublime de résignation que remarquable par son utilité, une source constante de douceurs, de lumières, dé denrées bienfaisantes? Enfin n'est-il plus le ministre de l'Afrique, le chargé d'affaires des Indes et de l'Amérique? Certes, l'épicier est tout cela : mais ce qui met le comble à ses perfections, il est tout cela sans s'en douter. L'obélisque sait-il qu'il est monument?

Ricaneurs infâmes, chez quel épicier ètes-vous entrés qui ne vous ait gracieusement souri, sa casquette à la main, tandis que vous gardiez votre chapeau sur la tète? Le boucher est rude, le boulanger est pâle etgrognon-,|mais l'épicier, toujours prêt à obliger, montre dans tous les quartiers de Paris un visage aimable. Ainsi, à quelque classe qu'appartienne le piéton dans l'embarras, ne sadresse t it ni à lascience rébarbative de l'horloge, ni au comptoir basiionné de viandes saignantes où trône la fraîche bouchère, ni à la grille déliante du boulanger; entre toutes les boutiques ouvertes, il attend, il choisit celle de l'épi-

cier, pour changer une pièce de cent sous ou pour demander son che min ; il est sur que cet homme, le plus chrétien de tous les commer- çans, est a tous, bien que le plus occupé, car le temps qu'il donne aux passans, il se le vole à lui-même. Mais quoique vous entriez pour le déranger, pour le mettre à contribution, il est certain qu'il vous saluera; il vous marquera même de l'intérêt, si l'entretien dépasse une simple interrogation et tourne à la conOdencc. Vous trouveriez Plus facilement une femme mal faite qu'un épicier sans politesse. Retenez cet axiome, répélais je pour contrebalancer d'étranges calomnies.

Du haut de leur fausse grandeur, de leur implacable intelligence ou de leurs barbes artistement taillées, quelques gens ont osé dire Racal

à l'épicier. Il ont fait de son nom un mot, une opinion, une chose, un système, une figure européenne el encyclopédique comme sa boutique. On crie : Vous êtes des épicers ! pour dire une infinité d'injures. Il est temps d'en finir avec ces Dioclétiens de l'épicerie. Que blâme-t-on chez l'épicier? Est-ce son pantalon plus ou moins brunrouge, verdatre ou chocolat? ses bas bleus dans des chaussons, sa casquette de fausse loutre garnie d'un galon d'argent verdi ou d'or noirci, son tablier à pointe triangulaire arrivant au diaphragme? Majs pouvezvous punir en lui, vile société sans aristocratie et qui travaillez comme des fourmis, l'estimable symbole du travail? Serait ce qu'un épicier est censé ne pas penser le moins du monde, ignorer les arts, la littérature et la politique? Et qui donc a engouffré les éditions de Voltaire, et de Rousseau? qui donc achète les Souvenirs et les Regrets de Duburie? qui a US la planche du Soldat labollreur, du Convoi du Pauvre, celle de l'Attaque rf * la Barrière de Clichy? qui pleure aux mélodrames? qui prend au sérieux 'la 9 nui

devient actionnaire des entreprises hlPl'ssibles! qui voyez-vous aux premières galeries de t'Opéra Comiquequand on joue. Adolphe et Clara ou les Rendez-vous bourgeois? Cjiii hésite à se moucher au ThéAtre-Français quand on chante Chatterton? qui lit Paul de Kock'?

qui court voir et admirer le Musée de Versailles? qui a fait le succès du Postillon de Lonjumeau? qui achète les pendules à Mamelucks pleurant leur coursier, qui nomme les plus dangereux députés de l'opposition, et qui appuie Ica mesures énergiques du pouvoir contre les perturbateurs ? L'épicier, toujours l'épicier! Vous le trouvez l'arme au bras sur le scuit de toutes les nécessités, même les plus contraires, comme il est sur le pas de sa porte, ne comprenant pas toujours ce qui se passe, mais appuyant tout par son silence, par son travail.

par son immobilité, par son argent! Si nous ne sommes pas devenus sauvages, espagnols, ou saint-simoniens, rendez en graces à la granIte: armée des épiciers. Elle a tout maintenu. Si elle ne maintenait pas uni ordre social quelconque, à qui vendrait-elle ? L'épicier est la chose jugée qui s'avmce ou se retire, parle ou se tait aux jours des grandes!

crises. Ne l'admirez-vous pas dans sa foi pour les niaiseries consa-I crées! Empêchez-le de se porter en toute au tableau de Jane Gray, de doter les enfans du général Foy, de souscrire pour le Champd'Asile, de se ruer sur l'asphalte, de demander la translation desccn-l dres de Napoléon, d'habiller son enfant en lanci r potonai, ou cri artilleur de la garde nationate, selon la circonstance. Tu l'essaieras Cil vaiir, fanfaron journalisme, toi qui, le premier, inclines plume et presse à son aspect, lui souris et lui tends incessamment la chuiière de ton abonnement.

Mais a-t-on bien examiné l'importance de ce viscèrcjndispensable il la vie sociale, et que les anciens eussent déifié, peut-être? Spéculateur, vous bâtissez un quartier, ou même un village; vous avez construit plus ou moins de maisons ; vous avez été assez osé pour élever une

église; vous trouvez des espèces d'habitans; vous ramassez un pédagogue ; vous espérez des enfans ; vous avez fabriqué quelque chose qui a l'air d'une civilisation, comme on fait nue tourte : il y a des champignons, des pattes de poulets, des écrevisses et des boulettes, des adjoints, un garde-champêtre et des administrés; rien ne tiendra, tout va se dissoudre, tant que vous n'aurez pas lié ce microscope par le plus fort des liens sociaux, par un épicier. Si vous tardiez à planter au coin de la rue princil)ale un épicier, comme vous avez planté une croix au dessus du clocher, tout déserterait. Le pain, la viande, les tailleurs, les souliers, le gouvernement, la solive, tout vient par la poste, par le roulage ou le coche; mais l'épicier doit être là, rester là, se lever le premier, se coucher le dernier, ouvrir sa boutique à toute heure aux chalans, aux cancans, aux marchands. Sans lui, aucun de ces excès qui distinguent la société moderne des sociétés ancien-

nes, auxquelles tcau-de vif, le tabac, Ic tilt', le sucre étaient inconnus.

De sa boutique procède une triple production pour chaque besoin ; thé, café, chocolat. la conclusion de tous les déjeuners réels; la chandelle, l'huile et la bougie, sources de toutes lumières; le sel, le poivre et la muscade, qui composent la rhétorique de la cuisine ; le riz, le haricot et le macaroni, nécessaires à toute alimentation raisonnée; le sucre, les sirops et la confiture, sans quoi la vie serait bien amère; les fromages, les pruneaux et les mendians, qui, selon Brillât Savarin, donnent au dessert sa physionomie. Mais ne serait-ce pas dépeindre

tous nos b soins que de détailleries unités à trois angles qu'embrasse l'épicerie? L'épicier lui-même forme une trilogie : il est électeur, garde national et juré. Je ne sais si les moqueurs ont une pierre sous la mamelle gauche ; mais il m'est impossible de railler cet homme quand, à l'aspect des billes d'agate contenues dans ses jattes de bois, je me rappelle le rôle qu'il jouait dans mon enfance. Ah : quelle place il occupe dans le cœur des marmots auxquels il vend le papier des cocottes, la corde des cerfs-volans, les soleils et les dragées ! Cet homme qui tient dans sa montre des cierges pour notre enterrement, et dans son (Iit une larme pour notre mémoire, côtoie incessamment notre existence ; il vend la plume et l'encre au poète, les couleurs aux peintres, la colle à tous.

Un joueur a tout perdu, veut se tuer, l'épicier tui vendra les balles, la poudre ou l'arsenic ; le vicieux personnage espère tout regagner, l'épici r lui vendra des cartes.-JJne femme vient, c'est votre femme ; vous ne lui offrirez pas à déjeuner sans l'intervention de l'épicier ; elle ne fera pas une tache à sa robe qu'il ne reparaisse avec l'empois, le savon et la potasse. Si, dans une nuit douloureuse, vous appelez la lumière à grands cris, l'épicicr vous tend le rouleau rouge du miraculeux, de l'illustre Fumate, que ne détrônent ni les briquets allemands ni les luxueuses machines a soupape. Vous n'allez point au bal sans son vernis. Erfin, il vend le cent sept ans au soldat, le masque au carnaval, l'eau de Cologne è la plus belle moitié du genre