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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-11-26

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 26 novembre 1845

Description : 1845/11/26 (A2,N91).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366491n

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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Paris. 25 Novembre.

Des difficultés relatives à notre cautionnement nous mettent dans la nécessité de suspendre notre publication.

il a été décidé, dans la réunion générale des actionnaires qui a eu lieu le 20 de ce mois, que cette interruption momentanée sera mise à profit pour réorganiser sur des bases nouvelles et plus fécondes la société formée pour la publication du journal Yy4frique.

Le projet de réorganisation que nous avons conçu a déjà obtenu l'assentiment prononcé de la majorité de nos actionnaires, et nous avons lieu, d'espérer qu'avec leur concours, et celui de toutes les personnes qui portent un intérêt réel à la grande cause de la colonisation de l'Algérie, nous arriverons avant peu à sa réa-

lisallon.

On connait la ligne que nous suivons, on sait que rien au monde n'est capable de nous en faire devier, que nous n'avonscberchédessecoursnulle partailleurs que dans l'inébranlable fermeté de nos principes, et que notre seul butaconstammentétél'inlél'èl général du pays, uuellesquesoientlesdéceptionsainères que nous avons rencontrées, et les obstacles de toute nature que nous avons vu amonceler sur notre route. On nous saura donc gré, nous le pensons du moins, des nouveaux efforts que nous allons faire pour soutenir et asseoir sur des fondemeus indestructibles unorgatio devenu indispen-

sable à l'Algérie.

C'est la cause de la liberle, de l'émancipation, de la justice et des lois dont nous avons pris en main la défense; l'avenir est à nous.

Nous prions en même temps nos abonnés de vouloir bien prendre un peu de patience; nous ne croyons pas que ce soit seulement pour avoir des nouvelles qu'ils se sont adressés à nous, mais plutôt pour nous aider ù émettre des idées utiles et. a répandre dans les masses des principes essentiellement liés au développement et à la prospérité de la colonisation fran-

çaise en Algérie. Bientôt ils auront communication du plan que nous avons mûri ; ils sauront sur quelles bases sérieuses il repose, et ils seront appelés à nous prêter leur appui. il est temps, en effet, que cette grande question d'Afrique, la plus grande de celles donls'occupe notre politique, prenne dans l'opinion et dans le gouvernement le rang qu'elle aurait toujours dù garder.

Dans tous les cas, nos mesures sont prises pour que tous les droits soient maintenus et tous les intérêts sauvegardés.

Il résulte detoules les informations qui nous parviennent, que la direction générale des affaires civiles instituée à Alger, par l'ordonnance du 15 avril, a complétement échoué des son début, et qu'elle en est réduite à faire purement et simplement l'ollice de bureau d'enregistrement et de transmission de la correspondance échangée entre le gouvernement général et les direclcurs-chefs de service. Cette misérable condition qu'elle subit, nous l'avions prévue el pronostiquée; elle était inévitable :– inévitable pour deux, raisons, procédant l'une du vice de l'institution, huître du choix de l'homme chargé de la faire fonctionner.

Du vire de l'institution:: El, en effet, si le directeur général se trouve aujourd'hui n'avoir rien à diriger, s'il est sans influence et sans action, si le gouverneur OU ses suppleans militaires, si les chefs des services civils eux-mêmes ne tiennent pas plus de compte de lui qucle l'ancien secrétaire géiiéral'du gouvernement, à qui la faute? n'est-ce pas à l'ordonnance du 15 avril,

qui s'œWtoRlée-à le décorer d'un titre pompeux, à le pourvoir de gros appointemens, sans lui donner aucune initiative, aucune attribution propre, aucun droit de proposition directe, aucune autorité réelle sur ses subordonnés, et qui n'a pas même pris- la peine de bien définir et déterminer les pouvoirs qu'elle lui confère intérimairement en cas d'absence des chefs de la colonie?

Du choix de l'homme préposé à la fonction : Et en effet, si habile que l'on suppose M. Blondel, ne devait- on pas s'attendre, en le choisissant pour titulaire de la nouvelle direction, à le voir exposé, plus que personne, aux obstacles qu'il a rencontres sur son chemin? Par cela seul qu'il était rauteurdel'ordonnance du 15avril, I par çelajseu!qu'il avait humilié ses anciens collègues en leur marchant sur le corps pour s'élever au-dessus d'eux, et blessé l'autorité militaire, en voulant entrer

avec elle en partage du gouvernement d'Afrique, il était visible pour les moins clairvoyans qu'au-dessous comme au-dessus de lui il ne trouverait que des élénicns d'opposition, et que mille causes d'échec lui seraient suscitées. Pour notre part, nous n'avons jamais douté de ce résultat, et quand nous faisions, sous forme de fable, le récit de ses tribulations et de ses déconvenues, c'était bien de l'histoire que nous écrivions.

Est-il vrai, comme on l'a assuré, que l'ancien directeur des affaires de l'Algérie, M. Vauchelle, a fini par ouvrir les yeux sur la faute qu'il a commise en contribuant à faire créer cette malencontreuse et stérile direction générale au profit de M. Blondel? Est-il vrai

qu'il en a fait son acte de contrition, et que sa démission a été en partie déterminée par le mauvais succès de l'œuvre à laquelle il a pris part? Nous ne savons ; mais, tout en lui tenant compte de son repentir, si tant est qu'il en ait eu, nous ne pouvons lui pardonner d'avoir donné les mains à tout ce qui s'est fait si prématurément, si légèrement, pour l'installation d'un service dont l'utilité était au moins fort problématique. On sait qu'à peine mise au monde, la direction générale d'Alger s'est immédiatement montée sur le

pied d'un véritable ministère, et qu avant même que la besogne lui lût taillée, avant qu'elle se lïïtessayéeà marcher, on s'est liàté de la pourvoir de nombreux bureaux, avec toute une hiérarchie d'employés plus ou moins grassement appointés. Cette précipitation est véritablement inexcusable. Car il était bien facile de prévoir, avec un peu de rétlexion, que tous ces acolytes d'un directeur général qui n'avait mission de rien diriger ne serviraient qu'à augmenter le nombre déjà si grand, en Algérie, des fonctionnaires sinécuristes.

En vérité, il semble qu'on ait prisa tâche, en cette

occurence comme en tant d'autres, de fournir à M. Bu- geaud un juste prétexte de se récrier contre l'abusive et dispendieuse extension de l'administration civile.

Quoi qu'il en soit, M. Blondel est puni par où il a péché. Le voilà bien dans l'embarras, aujourd'hui, avec toute sa population d'employés sans emploi. Mais qu'il ne s'en plaigne pas, car il ne peut s'en prendre qu'à lui.

Simple rapprochement.

Il y a un an à peu près que le congrès américain a Jégislativement ouvert le territoire de POrégonà l'émigration, en appelant cette émigration à la jouissance de tous les droits réservés aux citoyens américains, et déjà la population qui s'y est portée a atteint le chiffre nécessaire pour se faire représenter au congrès et pour que le nouvel état prenne rang dans les étals de l'Union. Il y a quinze ans que nous sommes en Afrique.

Nous avons dépensé plus de 100,000 hommes et près

d'un milliard, et la moindre commotion européenne nous ferait perdre sans retour le fruit de tous nos sacrifices.

Avis aux amis du régime militaire et aux partisans du gouvernement exceptionnel.

De la nécessité d'étalbllr un Impôt sur les grains importés de l'étraaner en Algérie.

Sous ce titre, M. Sabatault, colon propriétaire à Alger, vient de publier une brochure qui réunit le double mérite de la brièveté et de l'intérêt.

Ce travail touche à une question de premier ordre.

Nous ne pouvons donc nous dispenser d'en dire quelques mots, et, quoiqu'une étude approfondie n'ait pas encore mûri notre opinion à cet égard, il nous est difficile de ne pas être frappé des raisons données par M.

Sabatault, et de la pensée qui le guide.

Nous ne sommes partisan, on le sait, ni des tarifs, ni des lois fiscales, qui gênent la production en la privant de ses ressources, et en faisant peser sur elles des en-

traves qui paralysent le travail; mais nous ne voulons pas faire du libéralisme pour le seul plaisir d'en faire, et quand il s'agit d'une production essentielle, d'une production de laquelle dépend l'existence du pays, il nous est impossible de ne pas sortir de la rigueur des principes pour obéir à l'exigence impérieuse des faits.

Si tous les peuples étaient frères, si nous vivions à l'âge d'or, si la société humaine n'était pas à chaque instant agitée par les passions, les intérêts, les riva-

lités, les haines, les jalousies, etc., etc., on pourrait admettre la liberté illimitée des échanges; mais qu'un ébranlement se manifeste, qu'un cri de guerre se fasse entendre, nous le démandons, que deviendrait un pays obligé de tirer de l'étranger les matières premières indispensables à son existence; il y a, dans cette éventualité, un danger bien fait, ce nous semble, pour intimider les plus fermes esprits. Telle est, cependant, la situation de l'Algérie, par rapport à la culture des céréales.

On a parlé de la production arabe; mais, outre que celle production nous manquerait infailliblement en temps de guerre, elle est loin de pouvoir sullire a la population européenne qOi viL aujourdlhui en Algérie.

Cette population consomme annuellement environ 600,000 hectolitres de blés; or, pendant l'année 1843, année de paix et de tranquillité, les Arabes ont apporté sur les marchés de l'Algérie une quantité de 126,000 hectolitres seulement, ou un peu plus du cinquième de la quantité de blé nécessaire à l'alimentation de la po-

pulation européenne, et encore une partie de ces 126,000 hectolitres a, sans nul doute, servi à l'approvisionnement des nomades qui sont venus la chercher sur les marchés du Tell. Ce n'est donc pas là une ressource surlaquelleon doive raisonnablement compter.

Pour échapper au péril ; quelques esprits ont proposé un système déprimés qui, convenablement distribuées, pourrait encourager les producteurs. Ce système ne nous satisfait pas, parce qu'il ne donne aucune certitude à celui qui voudrait en tenter les effets; le petit propriétaire surtout n'osera jamais se livrer à une

culture au bout de laquelle il verra une perte à peu près certaine, et cependant pour que la subsistance de l'Algérie soit assurée, il faut que la culture des céréales entre dans le tempérament de l'agriculteur algérien, et devienne la base des exploitations rurales du pays.

Le système des primes,qui peut avoir de bons effets pour enrichir l'agriculture d'un produit nouveau, pour favoriser l'introduction d'une méthode nouvelle, ne nous semble pas assez efficace, pas assez général, pas assez sûr dans ses effets pour donner à une culture telle que celle des céréales l'impulsion qu'elle doit re-

cevoir si l'on veut fonder quelque chose de stable en Algérie.

Il est donc de la plus haute importance, de la plus indispensable nécessité de triompher des diflicultés qui s opposent aujourd'hui à l'extension de cette culture; il y là une question de vie ou de mort pour l'Algérie.

Voici comment s'exprime à cet égard, l'auteur de la brochure qui fait le sujet de cet article..

Après avoir dit que le sol algérien est très-propre à cette branche de produits, il ajoute : Quel est donc l'obstacle? Vient-il de la concurrence des indigènes? Non : les Arabes réunis en tribus sèment et récoltent presque sans frais, il est vrai ; ils peuvent, dès-lors, vendre leurs grains à un prix où nous ne pouvons sans perte faire descendre les nôtres; mais, refoulés incessamment par nos armes et notre immigration, les indigènes ne sauraient nous opposer longtemps une concurrence sérieuse. L'espace cultivable va s'amoindrissant pour eux de

tout ce qu'il s'augmente pour nous. L immense commerce de grains qu'ils faisaient avant la conquête n'est déjà plus qu'un souvenir. L'avilaillemont des peuplades sahariennes, les propres besoins des habitans du Tell, mais surtout les effets d'une guerre qui n'est jamais complètement éteinte, font qu'aujourd'hui les Arabes n'apportent sur nos marchés que des quantités insignifiantes, relativement à la consommation de l'armée et de la population européenne..

- La dimculté première pour les colons ne git donc pas dans la rivalité de l'industrie indigène. A supposer môme que la tranquillité fût toujours parfaite pour les Arabes comme pour nous, ceux-ci seratent.impuissans désormais à produire la somme de nos besoins journellement croissans. En tous cas, et dès à présent, une très-large part reste assurée à l'industrie coloniale dans la culture des grains.

L'obstacle réel qui nous arrête, celui qu'il importe avant tout de renverser, c'est rentrée en franchise des grains étrangers. ,

Tant que les circonstances ont empèctio la grande culturc, l'introdution libre des blés exotiques était une chose éminemment utile; mais aujourd'hui que les voies sont toutes préparées, aujourd'hui que les colons, le soc à la main, n'attendent qu'un signe d'encouragement, qu'un acte protecteur, pour sillonner le sol qui doit les nourrir, le moment est venu de prendre une mesure énergique, salutaire, décisive.

Il faut qu'on établisse un impôt sur les grains étrangers.

Quelques csprlts IL courtes vues vont sans doute se récrier et dire que le remède ne vaudrait pas mieux que le

mal.

Mais les hommes prévoyans, qui scrutent l'avenir, et qui savent que la France attend la réalisation d'un espoir trop longtemps déçu, en échange de sacrifices généreusement prodigues, ceux-là comprendront tout d'abord notre idée et viendront l'appuyer de toute la force de leur conviction.

M. Sabatault justifie cette proposition par l'exemple de ce qui se pratique en France. Il fait ressortir à l'aide de chiffres, l'impossibilité pour les colons de lutter contre la concurrence des blés étrangers, attendu le

haut prix de la main d œuvre et la l'arclè uu numéraire dans la colonie. Il demande, en conséquence, l'application à l'Algérie delà loi sur les céréales, en s'étayant des bons résultats que cette loi produit chaque jour dans la métropole.

Sans nous prononcer absolument sur cette opinion, il nous paraît urgent que tous les hommes qui s'intéressent au développement de l'Algérie, et surtout le gouvernement, examinent sérieusement la mesure

proposée par M. Sabatault, et cherchent si, comme le pense l'autcur, elle est de nature à exercer une influence favorable sur l'avenir de l'Algérie, par le peuplement agricole et par le défrichement du sol, dans une proportion large et rapide.L'auteur, se préoccupant, avec raison, des éventualités d'une guerre maritime, démontre que la solution du problème est inséparablement liée à la culture des

FBULUTOÏ DU JOURNAL l'AFUlQUE,- 26 MEMBRE. !

f

Bllcliel Cervantes.

Vers là fin de septembre 1575, sur ces rians côteaux de Mustapha tout parsemés de gracieuses villas à demi cachées dans la verdure un homme, vêtu comme les forçats algériens du XVIe siècle, était assis sur le seuil d'une maison mauresque qui semblait nichée dans une touffe d'orangers et de jasmin, Il jetait, par intervalle, un regard furtif sur la maison et sur la mer, et un observateur attentif eût pu lire dans ce regard le regret amer de la patrie absente. Cet homme, cet esclave était un des plus grands génies de l'Espagne ; c'était l'auteur de Don-Quichotte, Michel Cervantes.

A la bataille de Lépante, âgé de 25 ans, il se trouvait sur la Marquesa, qui aborda la capitane d'Alexandrie et s'empara de l'étendart royal d'Egypte. Quoique malade- de la fièvre, Michel Cervantes combattit huit heures et reçut trois coups d'arquebuse, deux à la poitrine et l'utre au bras, qui fut fracassé Plus tard, le médiocre contmuateur de Don-Quichotte, Avellaneda, eut l'infamie de lui reprocher cette noble inlirmité. « J'ai perdu une main à la : » bataille-de Lépante, répondit Cervantes, et je ne crois ? » point avoir trop payé de ce prix l'honneur de m'être [ , » trouvé à cette célébré journée. Ma blessure m'est chère m et - m'honore; j'aime bien plus.le souvenir qu'elle me

» laisse que je ne regrette lajnain qu'elle me coûte. » !?\ Après quelques mois passés à l'hôpilal de Médine, Cer; vantes se rendit à Naples et y servit trois ans avec le même Ç honneur. En 1575, il revenait en Espagne sur la galère r,; (el Sol) avec son frère ainé Rodrigue, lorsqu'il fut attaqué jjr l par l'escadre du corsaire Dali-Mami, et, après une vigou¥ reuse résistance, obligé de se rendre.

; r On trouva sur lui des lettres de Don Juan d'Autriche, :.,: qui avait voulu recommander à son frère Philippe il le | 1 soldat de Lé punie. Une si haute prot relion lit penser au ':.:' corsaire !qu'Ii louait dans ses mains un des plus grands - - personnages de l'Espagne; Cervantes fut conduit triom'::: :: jphalemciii à Alger.

L.< '-'. A teur arrivee à Alger, les esclaves furent trainés au o,. t '0 Batisian, sur la place de la Pêcherie, où ils furent vendus par le Bcït-el tnaidj ! On a dit que les esclaves chrétiens - n'élat ni pas vendus; c'est une erl'eur,- Vous n'avez qu'à ., lire celle lettre dé sainl Vincent-de-Paule, qui fut lui-même prisonnier à Tunis. « Leur procédure à 11911e vente fut qu'aF • » près nous avoir dépoui 1 lés, ils nous douuèrenI à chacun t ; 11 line pâiredéCàleçons, un hoqueton de lin avec un bon* : » net et nous promenèrent par la ville tlTulJi,. où ils.

[c » étaient venuâ expressément pour nous vendre! Nous r ayattttait faire cinq ou six tours par la ville, la : chaîne*

» au col, ils nous amenèrent au bateau, afin que les mar- ) » chands vinssent voir qui pouvait bien manger el qui non, » et pour montrer que nos plaies n'étaient point mortelles. 1 » Cela fait, ils nous ramenèrent à la place, où les mar» chands nous vinrent visiter, tout de même que l'on fait » à l'achat d'un cheval ou d'un bœuf, nous faisant ouvrir Il la bouche pour voir nos dents, palpant nos côtes et son» dant nos plaies, et nous faisant cheminer le pas, trotter et Il courir, puis lever des fardeaux, et puis lutter pour voir Il la force d'un chacun, et mille autres sortes de brutalités.

n Je fus vendu à un pêcheur qui fut contraint de se défaire « bientôt de moi, pour n'avoir rien de si contraire que la » mer, et depuis parle pêcheur à un vieillard, médecin » spagérique, souverain tyran de quintessences, homme » fort humain et traitable, lequel, à ce qu'il me disait, » avait travaillé l'espace de cinquante ans a la recherche Il de la pierre philosophale. » (Lettre à M. Commets

Toute cette lettre, dont nous regrettons de ne pouvoir citer qu'une partie, est écrite avec cette adorable naïveté, cette charmante bonhomie, cette candeur évangélique qui caractérisent toutes les actions, toutes les paroles de cet homme vraiment grand, vraiment saint, dont la figure jette un si doux reflet sur les annales de l'humanité!

Le corsaire Dali-Mami ne mena point Cervantes au Batistan, parce qu'il espérait en tirer une forte rançon ; il l'enferma dans sa maison de Mustapha, et l'y traita si mal que Cervantes eut bientôt formé le projet de s'évader. Malheureusement, le Maure qui leur servait de guide abandonna les fugitifs reusement, dès la première journée, force leur fut de revenir chez leur maitre, qui les traita d'une façon encore plus rude. - - -

Le vieux pere de Cervantes avait vendu tous ses biens et en avait envoyé le montant et la dot do sa fille au corsaire Dali-Mami, qui ne voulut les accepter que pour la rançon de Rodrigue. Rendu à la liberlé, Rodrigue pria le roi de Valence d'envoyer sur les côtes d'Alger une galère pour délivrer son frère. Mais la galère n'arrivait pas, et Cervantes jetait chaque soir un regard plus désespéré sur la mer. Enlin, il aperçut une voile qui cinglait le cap Malifou. C'était la galère espagnole.

Une chaloupe s'approche de la côte; Cervantes réveille ses compagnons: une heure encore, ils sont libres! Mais

tout à coup des Janissaires accourent sur la route d'Alger et envahissent la maison et le jardin du corsaire. Un renégat, a qui Cervantes avait eu l'imprudence de se confier, venait de le dénoncer à Hassan Pacha. La chaloupe regagna le cap Matifou, et Cervantes, resté sur la plage, se livra sans résistance aux Turcs, qui ramenèrent, la chaîne au cou, à la njeninah, Généreux et intrépide jusqu'au bout, Cervantes refusa de déclarer ses complices. On le jeta au bagne, oit il resta 2 ans. "Quoique la faim et la nudité nous fissent, éprouver » des souffrances atroces, notre malheur per.-.oiincis effaçai l Il parla çumpcraLop de celui qui atteignait nos amis. Noire

» courage s'épuisait à la vue des cruautés inouïes qu'Has- 1» san exerçait dans son bagne. Tous les jours un supplice l nouveau accueilli avec des cris de malédiction et de ven» geance ; tous les jours un captif était suspendu au croc » fatal, un autre empalé, un troisième avait les yeux cre» vés, et cela sans motif, pour satisfaire cette soif de sang » humain naturelle à ce monstre, et qui inspirait même de l'horreur à ses bourreaux ! »

Cervantes ajoute quelque part qu'Hassan-Pacha ne se montra clément que pour un soldat nommé Saavedra : c'était le nom de Michel Cervantes.

Enfermé dans le bagne, soumis aux plus durs travaux, aux plus atroces tortures, Cervantes forma le gigantesque projet de délivrer vingt-cinq mille esclaves qui gémissaient dans les cachots d'Alger et de s'emparer de la vnts.-H fut de nouveau trahi, traîné au palais du dey, les mains chargées de chaînes et la corde au cou. Il traversa avec un

calme si dedaigneux la populace ameutée sur son passage, il répondit au dey Hassan avec tant d'assurance et de fierté, qu'on se contenta de le renvoyer au bagne sans lui faire aucun mal. A peine eut-il passe le seuil de la Djéninah qu'Hassan se retourna vers les membres de son divan et leur dit : » Quand je tiens sous bonne garde l'EspaIl gnol estropié, il me semble que je tiens en sûreté ma » ville, mes esclaves et mes galères ! Il Enfin, après cinq ans de celte affreuse vie, Michel Cervantes fut réclamé par les pères de la merci. Hassan, disgrâcié, venait de s'embarquer pour Constàntinople, et il emmenait avec lui son captif. Cervantes était déjà sur le vaisseau. Heureusement les pères de la merci arrivèrent à

temps pour paver sa rançon, et Cervantes jouit entin, comme il le dit lui-même, « de l'une des plus grandes joies » qu'on puisse goûter dans ce monde, qui est de revenir, » après un long esclavage, sain et suuf dans sa patrie,. Ici devrait finir notre lâche, niais nous voulons rendre jusqu'au bout la carrière de Michel Cervantcs, Fatigué du métier de soldat, il se livra tout entier aux lettres, qui avaient été la première occupation de sa jeuncsse. il avail plus de cinquante ans quand il commença Don Quiclwllc, ce livre immortel qui a fait dire à saint Evreniond: « De » tous les livresque j'ai lus, Don Quichotte est celui que » j'aimerais le mieux avoir fait. »

Cervantes a eu un but avoué dès la première page, c'est de tuer les chevaliers errans et les livres de chevalerie.

Nous ne regrettons pas les livres de chevalerie, qui sont, pour la plupart très-ennuyeux; mais nous regrettons profondément les chevaliers errans, Nous ne détestons pas la fière race des Palmérin, des Amadis de Gaule, des Don Galaor, des Morgan le, des Renaud de Montauban, pourfendeurs de géans et de montagnes, qui coupaient un chêne pour s'en faire une massue ou un cure-dent, toujours droits sur leur épée., toujours les premiers au tournoi, colportant i de pays en pays, de ville en ville, le portrait de leur maitrestc, et s" battant à outrance avec quiconque n'avouait

pas que leur maîtresse était la plus belle et la plus vertueuse des femmes.

Don Quichotte est le portrait ridiculisé, la caricature, ou, si l'on veut, la charge des chevaliers errans. Malheureusement je trouve que Cervantes a ridiculisé une chose trèsrespectable, c'est-it-dire l'illusion, la poésie, le cœur.

Quand nous étions enfant et que nous lisions Don Quichotte, nous nous sommes souvent figuré dans quelques gorges de la Sierra-Morena, perché sur une longue et maigre barKlelle, un homme aux jambes démesurées, portant sur son chef un plat à barbe, des bottes rouges, des bas verts troués, des'hauts-dc-chausse décousus et un pourpoint chamois usé jusqu'à la corde. Nous riions alors du chevalier de la Triste-Figure. Aujourd'hui, nous n'en rions plus, et sachant ce qu'il y a de bon, de naïf, de chevaleresque sous ces oripeaux ridicules, nous nous demandons comment Cervantes a pu arranger tout cela pour en faire l'amusement des petits ciifaiis, litdibriuiiiprierulis, au profit de ce gros et bouffi Sancho-Panca. - -

Sancho-Pança, avec sa large bedaine, monté sur un une, indigne écuyer d'un si grand maitre, raisonneur, querelleur, gourmand, poltron, fanfaron, menteur, grimpant suiles arbres ou se cachant derrière les marmites quand Don Quichotte frappe d'estoc et de taille des ennemis qui ne sont pas toujours imaginaires; Sancho-Pança, disons-nous, représente le bon sens, la froide raison, ennemie de tout on* thousiasme, de toute noble illusion. Derrière SanchoPança se cache notre époque bourgeoise, notre costume étiqueté, nos habitudes peureuses, notre scepticisme railleur, nos adorations devant le veau-d'or, l'arrèt-Dupin sur le due!, tout le bagage positif de notre pauvre siècle d'argent, quipourrait" bien être pire que le siècle de fer! Du reste. Don Quichotte peut laisser les en fans rire de ses

hauls-de-chausse; il peut laisser les boutiquiers rire de ses coups de rapière sur des moulins à vent., et se contenter de l'hommage de M. de Chàteaubriaud, ce dernier chevalior: cc Je tiens l'illustre chevalier de la Manche pour le Il plus noble, le plus brave, le plus aimable et le moins ion » des mortels ! »

Quand il eut achevé ce livre qui ne l'avait pas plus enrichi que ses grands coups d'épée de Lépante, Michel Cervantes s'éteignit dans la misère et dans l'ohscurité. Au lit de

mort, il écrivait au comte de Lémos: « Nous avons une » vieille romance espagnole qui 11e me va que trop bien, Il celle qui commence par ces mots : La mort me presse do partir, Il je veux pourtant vous écrire !

« Voilà précisément l'état ou je suis. Ils m'ont donné hier » rcxtrcmc-oncLion. Je me meurs, el je suis bien fâché de ne pouvoir vous dire combien votre arrivée en Espagne » me cause de plaisir. La joie que j'en ai aurait dû me sau» ver la vie; mais la volonté de Dieu soit faite !. »

Il mourut le 2'.» avril Ifilfl, âgé de soixante-huit ans, le même jour que Williams Shakspeurc ! DÉsinû L.