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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-11-22

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 22 novembre 1845

Description : 1845/11/22 (A2,N90)-1845/11/26.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k63664907

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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Paris. 21 novembre.

- De la marine en - Algérie* (Fin du 88 et dernier article.) Ct) PORTS, PHARES ET PANAUX.

MOSTAGANEM, MERS-EL-KEBIR ET OR AN.

(Ports de l'Ouest.) On mouille devant Mostananem en pleine côto par 10 et 15 brasses, fond de sable et vase; le fond est parsemé d'ancres perdues, ce qui rend souvent les appareillages lents et difficiles. Les navires de commerce séjournent peu sur cette rade et se tiennent généralement à Arzew, où s'opèrent leurs mouvemens de chargement et de déchargement; le cabotage exécute les transports entre ces deux points. La côte de Mostaganem est battue par les vents d'ouest, qui amènent une mer très-grosso; les bateaux sont alors hâlés à terre, MM neine d'une démolition immédiate; le débarca-

- r ---dère est rentré, et très-souvent les marchandises déposées sur la plage sont balayées par les lames avant qu'on ait pu les soustraire ù leur rapide atteinte. L'on devra donc rechercher les moyens de créer devant cette ville un abri pour les caboteurs, et construire un bassin où pourront avoir lieu, en toutes circonstances, les chargemens et les déchargemens des bateaux.

De tous les nombreux projets élaborés dans ce but, un seul nous a paru praticable à peu de frais et offrir touteslescondilionsrequises. Ceprojetconcerne la création d'un bassin dans le ravin que l'on découvre sur babord de la ville quand on fait face à la Marine. On y rencontre une terre molle qu'il serait facile de creuser- les conditions de niveau sont favorables a l'intro- - .-- -,

duction des eaux de la mer, et il ne resterait plus qu à construire deux quais et un débarcadère. La véritable et seule rade de Mostaganem ne peut être qu'a Arzew ; mais, nous le répétons, la construction d'un petit port ou bassin pour le cabotage assurera seule des communications actives et nombreuses entre ces deux villes.

L'on a établi à Mostaganem un feu de port qui s'aperçoit à huit milles environ, et qui suffit à la surcte actuelle de la navigation. Si l'on construisait un bassin dans les conditions que nous avons indiquées, l'on devrait en éclairer l'entrée par un fanal ou feu de couleur. Il est essentiel, selon nous, qu'un phare ou feu fixe soit élevé sur la pointe duchéliffarin que le golfe d'Arzew soit bien nettement indiqué aux navires venant de la partie de l'est.

Nous pensons qu'on a peut-être un peu trop vante les avantages que présente la rade d'Arzew, sous le rapport du mouillage, de son étendue et de la sécurité qu'elle présente. Il est donc utile de rectifier, a ce suict. des idées trop généralement répandues, et don-

ner sur cette rade des notions plus exactes. Telle que la nature l'a disposée, la rade d'Arzew n'offre pas un abri certain contre tous les vents - les vents de l'est et du nord-est y pénètrent et l'agitent violemment; la mer y brise par 6 et 7 mètres de profondeur. Les vents du nord mémo, dont la rade semble si bien défendue, produisent un ressac violent, et rendent les commune cations presque impossibles. Il n'y a donc sécurité réelle que lorsque les vents souillent du nord-ouest au sud; de plus, le peu de profondeur des eaux ne permet pas aux grands navires de mouiller convenable- ment et assez près de terre. Mais, après avoir énumére ces divers inconvéniens, nous devons reconnaître que la disposition de la rade offre des ressources précieuses pour des travaux d'amélioration. En effet, la pointe du fort, qui termine la baie dans l'est-nord-est, est peu éloignée d'une ligne de roches s'avançant sous l'eau, et bornée par un îlot. La mer, qui pénètre par cette ouverture, contribue à l'agitation de la rade, et rend impraticable le mouillage des navires en dedans de

(i) Voir l'Afrique des 16 janvier; 6 et 26 février; 26 mars; 16 avril; 16 juin, 22 août et 16 novembre. -

rllot, et à petite distance. La construction d'un môle suivant cetteli 9ne de roches et s'appuyant sur elle changerait complètement les conditions de ce mouillage, qui deviendrait excellent pour de grands navires, surtout si le môle était prolongé dans le sud-est, de manière à comprendre à son extrémité un fond de 12 brasses. Alors seulement la rade d'Arzew sera praticable pour un assez grand nombre de navires du commerce de toutes dimensions, qui mouilleraient généralement par 10 mètres, sans être tourmentés par la grosse mer. Plus loin, et par 12, 15 et 20 mètres, il y aurait un bon mouillage pour quelques corvettes, frégates et vaisseaux, dont le nombre ne pourrait jamais être considérable, vu le peu d'étendue des parties profondes de la rade. La seule rade de guerre, celle qui pourrait recevoir une escadre nombreuse, se trouve à Mers-el-Kebir. La rade d'Arzew sera à peu de frais un excellent mouillage pour de nombreux navires de commerce, et c'est déjà une ressource inappréciable, un motif puissant de créer sur ce point intéressant un établissement maritime.

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Il existe maintenant sur la pointe du fort un fanal visible à 6 milles, et qui permet aux navires de prendre le mouillage pendant la nuit. Cependant, si l'on n'est pas pratique de la côte, et qu'on vienne de l'ouest, l'on devra donner beaucoup de tour à l'îlot d'Arzew, pour éviter des brisans qui 1 environnent. Il eût peut-être été plus convenable d'établir un feu sur cet tlot, tout en conservant un fanal sur la pointe du fort.

Il serait également prudent de baliser dès à présent mot qui se trouve à l'entrée de la rade, qui n'est visible que pour un œil très-exercé et à petite distance.

La rade de Mers-el-Kebir est fermée à l'est par une pointe dite du fanal, qui semble l'extrémité d'une longue jetée naturelle, en dedans de laquelle s'amarrent de nombreux navires, et qui les abrite des vents de

nord et de nord-est. Maigre ce rempart solide et élevé, les vents de nord-est et d'est-nord-est ne laissent pasque de produire une mer très-grosse; mais les navires bien amarrés n'ont rien à redouter des coups de vent les plus violens. Le fond est considérable, même à petite distance de terre; il offre une bonne tenue pour des vaisseaux et frégates. Nous estimons que trente vaisseaux pourraient être contenus aisément dans cette rade. Une partie seraient amarrés à quatre, faisant

tête au nord; les autres étant affourcliés de manière à fermer sa pointe Abuja par celle du fanal. Tous seraient mouillés par 18, 20 et 25 brasses de fond de sable et vase. Le fond est riche en ancres et cables perdus, car il arrive fréquemment que l'on y chasse en désafourchant, par suite des violentes rafales d'ouestsud-ouest qui descendent des montagnes, et de la grande déclivité de ce même fond; mais il ne peut y avoir aucun danger pour les navires, vu l'étendue de la rade et la direction des vents, qui ne peuvent agiter la mer. Cette rade, assise à l'entrée de la Méditer-

ranée, voisine de Gibraltar, séparée de l'Espagne par un chenal étroit, constitue, selon nous, une position militaire de la plus grande importance. En cas d'une guerre maritime, elle sera l'objet d'une sérieuse attaque; c'est aussi de ce point que partiraient de nombreux corsaires, et c'est là que se prépareraient d'importantes expéditions maritimes.

La rade de Mers-el-Kebir peut donc être considérée comme la véritable rade de guerre de l'Algérie, et nulle dépense ne doit être épargnée pour la rendre inexpugnable, et pour y créer des ressources suffisantes en cas d'une guerre maritime. On devra y construire des quais, y établir de vastes dépôts de charbon, et conserver un matériel assorti pour le ravitaillement d'une forte division. Il est également important de rechercher sur ce point une source d'eau afin de pourl' voir promptement aux premiers besoins qu'éprouvent tous les navires en arrivant sur la rade. Dans tous les cas, il faudrait y entretenir constamment un bon nombre de citernes flottantes comme cela a lieu dans tous les ports militaires bien organisés.

Oran se trouve, comme Philippeville, trop éloigné de

la rade, et il serait avantageux de créer également devant cette ville un bassin pouvant contenir une cinquantaine de navires. On mouille quelquefois devant la ville par six et huit brasses fond de sable : mais l'on y est exposé à tous les vents, à l'exception de ceux qui viennent de la partie du sud : la mer se fait en peu d'instans, et rend l appareillage nécessaire ; aussi peu do navirèsse hasardent-ils à prendre ce mouillage, et les navires à vapeur même s'y montrent rarement. Le port serait formé par deux jetées, l'une partant de la pointe du sud-est, la seconde s'appuyant sur la pointe du fort Lamouna, et doublant la première de manière à former unepasse ou entrée dans l'ouest. Les travaux auraient lieu par une profondeur moyenne de dix mètres, et formeraient un bassin susceptible de recevoir une quarantaine de navires d'un assez fort tonnage ; ces navires y séjourneraient pendant le temps nécessaire à leurs opérations, et viendraient ensuite reprendre le mouillage de Mers-el-Kebir. Les quais que l'on construit maintenant devant Oran seraient alors acces-

sibles par tous les temps, et le commerce retirerait a immenses avantages do la création de ce port ou bassin.

Au moyen d'une dépense de deux millions environ, les travaux nécessaires pourraient être exécutés. Nous croyons savoir, au reste, que cette idée attire en ce moment l'attention sérieuse du gouvernement local, et nous ne pouvons que l'engager à poursuivre vigoureusement son exécution.–On placerait un fanal sur chaque jetéeet à leurs extrémités, afin d'indiquer la passe.

La rade de Mers-el-Kebir est maintenant pourvue d'un feu tournant varié par des éclats de 30" en 30" , qui date de 1839 ; son élévation est de 36 mètres, et sa portée de 15 mille, ils suffira pour compléter l'ensemble du système d'éclairage de la rade de Mers-el-Kebir, d'entretenir au débarcadère et sur son extrémité, un fanal qui puisse guider les canots dans leur accostage.

Tel est l'ensemble d ouvrages que reclame nos ports de la côte à l'ouest d'Alger.

Ces considérations terminentle travail que nous nous étions imposé sur la situation et les améliorations de nos établissemens maritimes Algériens.

Des lenteurs administratives en Algérie.

Dans notre numéro du 6 au 12 novembre, nous avons donné comme une preuve du mauvais vouloir qui anime la direction centrale d'Alger à l'égard des provinces, ce fait, qu'au mois d'octobre, le budget des dépenses à faire dans ces provinces n'y était point encore parvenu. Nous recevons de ljône des lettres du 4 novembre, portant qu'à cette date les choses se trouvaient encore dans le même état ; ce retard rend impossible un utile emploi des fonds. Nous sommes donc obligé de renouveler nos plaintes et de leur donner une nouvelle force.

Nous les adressons directement au ministre de la

guerre, et nous lui demandons s'il a le pouvoir de se faire obéir à Alger, ou bien si l'on conspiré ici comme là-bas contre le développement de la colonisation.

Qu'il y ait négligence ou mauvais vouloir, le résultat est le même. Les chambres, chaque année, votent des sommes énormes qui vont s'enfouir sans profit en Algérie. Veut-on prouver que la terre d'Afrique est une terre stérile et dévorante, et forcer le pays à prononcer ce que l'on n'ose dire soi-même, que la colonisation de l'Algérie est une œuvre impossible, et qu'il faut revenir sur ses pas? Nous le disons avec douleur, mais avec une conviction profonde, nous serons réduit à cette déplorable extrémité si le gouvernement continue de suivre les erremens du passé. Mais, qu'il le sache bien, il assume une terrible responsabilité, dont il lui serait demandé un jour un compte sévère; qu'il y songe.

Les affaires d'Afrique, bien que maintenues dans un système qui les dérobe à la publicité, sont aujourd'hui assez connues pour qu'on puisse voir clairement la cause de nos mécomptes, et nous l'avertissons qu'il trouvera un jour un accusateur dans chacun des quatre-

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vingt mille Européens, et même dans chacun des cent mille soldats qui sont aujourd'hui sur le sol de l'Algérie. Que la timidité de leurs plaintes, que leur silence, que leur adhésion, que leurs éloges même ne rassurent pas le pouvoir ; tout le monde, en Algérie, est sous le joug d'un gouvernement despotique plus redouté que celui de Nicolas en Pologne. Avec un budget de 80 millions à dépenser et avec une immense quantité de propriétés domaniales à distribuer, il achète le silence, l'adhésion et les éloges; avec un pouvoir judiciaire sans règles et sans frein autres que le bon sens du juge, il peut commander la ruine et l'expulsion : il obtient le silence; mais les populations européennes de l'Algérie ne sont point telles que certains malheureux fonctionnaires le prétendent, elles ne sont point le rebut abject des populations saines de l'Europe ; le cœur bat dans toutes les poitrines, le sentiment de la vérité s'y réfugie, et ce sentiment éclatera un jour sur la tête des coupables.

Concession des mines de fer de Boae.

Nous avons souvent entretenu nos lecteurs des mines de for qui sont aux environs de Bône, et nous croyons avoir démontré que l'intérêt général le plus évident demandait impérieusement que le minerai fut traité sur les lieux d'extraction. L'intérêt particulier du concessionnaire le commandait aussi, mais des circonstances étrangères au fond de la question pouvaient cepéndant déterminer le concessionnaire à préférer que les usines d'exploitation fussent établies en France.

Par exemple, si l'on ne voulait voir dans cette affaire qu'une affaire de bourse, on pouvait trouver de l'avantage a asseoir en France cette industrie. Afin de prévenir l'opinion publique et le ministère contre un pareil calcul, qui sacrifierait les intérêts les plus réels à l'agiotage, nous avons fait tous les efforts qui nous étaient possibles.

On nous annonce aujourd'hui que les mines viennent

l'être concédées. Nous ne connaissons point encore toutes les conditions il n'est donc guère possible d'en discuter le mérite, mais du moins on nous assure qu'une partie du minerai devra être traitée sur le territoire civil de Bône, et que l'on devra traiter en France, et non ailleurs, la partie qui ne pourrait l'être sur les lieux d'extraction.

Voici une restriction qui éveille la défiance, car si le concessionnaire devait être seul appelé à juger quelle sera la quantité de minerai à traiter sur les lieux d'origine, la condition qui lui est imposée à cet égard ne serait plus qu'un triste jeu de mot destiné à donner le change à l'opinion publique et aux chambres. Mais nous espérons bien que ni l'opinion publique, ni la presse, ni les chambres, ne s'y tromperaient, car, Dieu merci, l'on commence en France il voir plus clairement dans les affaires d'Afrique, et l'on semble vouloir mettre à profit les avertissemens du passé.

Si le concessionnaire n'a voulu que se prémunir contre des éventualités ruineuses, contre des cas de force majeure, nous ne saurions le trouver mauvais, car vraiment, dans l'intérêt même de l'Algérie, nous ne souhaitons point autre chose que la prospérité des entreprises qui s'y fondent.

Toutefois, dans le cas actuel, nous sommes profondément convaincus qu'une exploitation organisée dans les conditions ordinaires d'intelligence, d'ordre et d'économie, ne peut que réussir, car, à supposer qu'il y eût insuffisance de combustible, à prix convenable, dans les forêts de l'Edôugh et des Beni-Salah, on trouverait un supplément, qui parait inépuisable, dans les immenses forêts de La Calle.

Ce point peut d'abord sembler un peu éloigné, mais il est uni aux mines par la mer et la Seybouse. Les transports se pourraient faire en quelques heures avec un temps favorable, et toujours ils se feraient à frais très-minimes, ce qui importe le plus essentiellement.

Enfin, comme les usines à fer qui seraient établies près des mines de Bône se trouveraient dans le voisinage de la mer, elles auraient, dans tous les cas, la ressource des charbons étrangers delà même façon que si elles étaient établies sur lescôtes de France. Ceci ne peut-être nié, et dégage l'avenir de l'entreprise de l'obscurité dont on pourrait l'envelopper en la présentant comme soumise uniquement aux ressources incertaines qu'offrent les forêts de la province de Bône. Nous ne pouvons donc admettreque le ministre ait laissé au concessionnaire la faculté d'interpréter, en toute liberté, le sens de la clause à laquelle nous faisons allu.sion. C'est ce que nous apprendra la publication (le l'ordonnance de concession et du cahier des charges. Nou

FEUILLETON M JOGRML L'AFRIQUE.–îî MEMBRE,

Environs d'Alger.

DR SIDI FEMlUCn AU MONASTÈRE DES TRAPPISTES.

Le marabout de Sidi-Ferruch était un des plus vénérés des environs d'Alger. On y venait visiter le saint de plusieurs lieues à la ronde, et la piété des fidèles avait confié la garde du tombeau à un santon fameux par sà vertu. De toutes ces blanches qobbcu qu'on rencontre à chaque pas dans la régence, et qui reposent si agréablement les yeux du voyageur, fatigues de la monotonie de ces plaines et de la stérilité de ces montagnes, s'envole un essaim de ces poétiques légendes qui plaisent tant à l'esprit crédule et naïf des Orientaux. Ce serait un livre curieux a composer qu'une collection de toutes ces légendes. Comme beaucoup d'elles se ressemblent et ont un air de famille assez frappant, il faudrait faire un choix et se contenter des plus originales.

Mais un pareil recueil prouverait, mieux que les plus savantes dissertations, avec quel soin ce peuple a su toujours conserver l'instinct de la poésie qu'on retrouve au berceau de tontes les nalions.

Voici, en attendant, la légende que je vous ai promise: Un bâtiment espagnol vint mouiller un jour dans la petite anse de la presqu'île où Sidi-Effroudi s'était retiré. Le marabout se rendit a bord pour acheter des étoffes; mais comme il faisait très-chaud, il s'endormit sur le pont et ne s'aperçut pas que le vaisseau levait l'ancre. C'était par une belle nuit ; la mer était polie comme un miroir; un bon vent poussait le navire vers les côtes d'Espagne. Jugez de la surprise du capitaine, don Picaro, lorsque le lendemain, au point du jour, il se retrouva dans la rade de Sidi-Ferruch ! Don Picaro se jeta aux pieds du marabout et le pria de lui pardonner son crime ; car en faisant ainsi tout doucement lever l'ancre sans réveiller Sidi-Effroudj, le capitaine avait compté pouvoir en retirer une bonne rançon !

Le marabout fit semblant de lui accorder son pardon, et étant descendu à Tene, il se mit à regarder en souriant le sillage d'écume que laissait après lui le navire de don Picaro. Même ciel, même mer, même vent dans les voiles; don Picaro croyait être à la hauteur de Minorque. 0 surprise 1. il était encore à l'ancre devant Torrc-Chica. Cette fois, ce n'était plus le marabout qu'il fallait rapporter à Tene, c'était un burnous oublié la veille sur le pont. Don

Picaro rapporta à Sidi-Effroudj son malencontrcuxburnous, 1 et, se croyant débarrassé de tous ces sortilèges, il remit à la voile. Une bonne brise le poussa toute la nuit vers Gibraltar. Le matin, aux premiers feux de l'aube, don Picaro cherchait à l'horizon les montagnes de son pays. Vain espoir!

Le voilà, pour la troisième fois, revenu au mouillage de Sidi-Ferruch ! C'étaient les babouches d'Effroudj qui lui avaient joué ce tour. Frappé de ce triple miracle, don Picaro renvoya son navire, descendit à Tene avec les babouches, et s'étant fait circoncire, il pria Sidi-Effroudj de l'accepter comme son serviteur.

Un jour sentant sa fin venir, le marabout ordonna à don Picaro de lui creuser une tombe et de faire les préparatifs de sa sépulture : « 0 mon glorieux maître, lui dit en pleu- » rant le fidèle Espagnol, je remplirai ce triste devoir; je » vous rendrai ce dernier office ; mais accordez moi cette n grâce suprême, de me faire ensevelir auprès de vous! »

La légende ajoute que Sidi-Effroudj et don Picaro moururent le même jour, et que les Arabes du Sahel les enterrèrent dans le même marabout.

Toutes ces qobbas se ressemblent ; en décrire une, c'est les décrire toutes. Figurez-vous une salle couverte d'un dôme ; au milieu une chasse en bois très-délicatement travaillée, parsemée d'amulettes de corail et de verroteries, ombragée de bannières et de drapeaux ; au plafond, une lampe toujours allumée ; par terre, des tapis et des nattes. et, dans un coin de la salle, auelaues Arabes accrouois.

vous aurez une idée assez exacte d'un marabout.

Le général Bourmont y établit, en 1830, son premier quartier général. Ce pauvre Effroudj et don Picaro durent se demander" avec épouvante quels étaient ces visiteurs qui passaient tout bottés sur ces dalles sacrées que n'avait jamais touché la babouche d'un croyant! 0 mon glorieux maitrel devait dire don Picaro, n'as-tu plus le pouvoir d'cnvoyer un soume de ta bouche divine dans ces voiles infidèles et de repousser ces navires dans la rade d'où ils sont partis, comme tu as fait à ma pauvre coquille de noix : Et le vénérable santon, un peu déconcerté et n'ayant rien à répondre, devait se rendormir en murmurant le nom d'Allah.

Telle était la réputation du Marabout de Sidi-Ferruch, qu'à la nouvelle un prochain débarquement des Français on vint de tous côtés d'Alger y faire des pèlerinages et interroger l'ombre du marabout. Le gardien de la qobba qui servait d'interprète à cette ombre vénérable répondit aux fidèles qu'IIusscin-Pacha pouvait dormir tranquille sur son fauteuil d'or de la Casbah, que Sidi-Effroudj veillait sur lui, et qu'ayant en sa puissance la mer et les vents, il disperserait 97un souffle la flotte des maudits de Dieu ! La foule

se retira très-satisfaite de cette réponse, et quelques-uns allèrent la rapporter à Hussein-Dey, qui se contenta de leur dire en riant, dans une langue qui lui était familière : Lasciate venire le galline franceseï Laissez venir les poules françaises.

Quand nous écrirons prochainement dans ce journal l'histoire de l'odjeac d'Alger, le lecteur remarquera que, dans toutes ces luttes des pirates contre l'Europe chrétienne, les prédictions des marabouts jouent un grand rôle.

Ces prédictions ne s'étaient malheureusement que trop réalisées pour Charles-Quint, Diégo de Véro, les Danois et l'Irlandais O'Reilly; il était donné à la France de faire mentir pour la première fois un marabout.

Et cependant, il faut bien le dire, Sidi-Effroudj faillit avoir raison. Le 12 ou le 13, une si violente tempête se déchaîna contre la flotte française, qu'on eut peur un instant de voir recommencer le désastre de Charles-Quint. Si le lendemain la mer et les vents ne s'étaient pas calmés, si nos vaisseaux étaient venus se briser contre ces côtes, on aurait de toutes parts crié au miracle ; on serait venu, du fond du Sahara ; visiter ton tombeau, ô Sidi-Effroudj ! Le dey aurait fouillé à pleines mains dans un trésor de la Casbah pour te bâtir une qobba digne de toi aux bords de cette mer dont tu avais si à propos déchainé les vagues, et tu ne dormirais pas comme aujourd'hui' obscur et oublié, dans cette vieille tour en ruines, abandonné de tes plus fidèles crovans. sdlitaire et silencieux toute l'année, si ce

n'est ce jour où les chrétiens viennent fêter, a ta barbe, l'anniversaire de leur gloire et de ta honte !

Ce n'est point ici le lieu d'écrire l'histoire de cette belle conquête tic 1830, que tout le monde sait par cœur. Les deux combats de Sidi-Kalcf et de Staouëli nous ouvrirent les portes d'Alger. Le 5, nous entrions par la porte de la Victoire, et le drapeau français flottait sur la Casbah !

Ainsi, quinze jours avaient suffi à nos soldats pour s'emparer de cette ville que, dans leur stupide orgueit, les Turcs appelaient al-Gc:.a:¡r-el-Ganie. Alger C invincible !

Sur cette lande sèche et aride, sur ces steppes brûlées de Slaoumi, où tous ces barbares, à force de vandahame, avaient effacé jusqu'aux dernières traces de son charme romain, quelques pauvres religieux, quelques trappistes ont retrouvé ses sillons perdus, el par la fondation de leur belle colonie, sont venus donner aux travailleurs africains, l'exemple de la résignation, de la patience, et, ce qui vaut mieux, l'exemple du succès.

Je regrette que les limites d'une lettre ne me permettent pas de vous rappeler, même sommairement, l'histoire de cet ordre célèbre. Je n'aurais pour cela qu à analyser le dernier livre de M. de ChMeaubriaud. U n'est pas éton-

riant que la vie romanesque de l'abbé de Rancé ait séduit la brillante imagination de l'auteur de René. Il est impossible, en effet, de trouver une biographie plus intéressante et plus digne d'un pareil historien. Je n'en veux rapporter ici que l'histoire touchante qui a donné lieu à la fondation de la trappe. Vous connaissez l'amour de Rancé pour la duchesse de Montbazon, une des plus belles decelte cour de beauté dont les mains d'ivoire d'Anne d'Autriche tenaient le sceptre. La mort vint la surprendre, au moment le plus inattendu, sur un tabouret de duchesse. Frappé comme d'un coup dç foudre, Rancé vendit tous ses biens, les distribua aux pauvres, et ayant violé la chasse de sa maltresse, il emporta sa tête dans les solitudes de la trappe.

Il y inventa des observances si rigoureuses, qu'il fut obligé, comme l'a éloquemment dit Eugène Pelletan, d'aller plaider, auprès du pape, la cause du pain et de l'eau. A son retour, il brûla les cheveux et les lettres de sa maltresse, fragiles et charmans souvenirs d'un amour brisé dans sa fleur, et il s'enfonça plus avant dans l'ascétisme et l'austérité. Il ne put jamais cependant arracher de son cœur le souvenir de celle qu'il avait tant aimée, et en mourant il baisait encore une tête de mort qui devait être celle de la duchesse de Montbazon.

Quel contraste 1. Ce justaucorps violet, cet habit cou.

leur de biche, ces ruches de dentelles, ce luxe de diamans, ce clinquant de broderies remplacés par un cilice et un

morceau de bure; cette vie si brillante, si dissipée, commencée sur les idylles de Théocrite et sur les genoux d'une duchesse et s'éteignant obscurément dans l'ombre d'un monastère. Il faut lire, dans les auteurs contemporains, avec quelle rudesse il disciplinait ce corps brisé par les veilles, l'abstinence et le travail. Etant jeune, il portait des cheveux longs et frisés; à peine à la trappe, if se rasa la tète, se rappelant sans doute cette parole : Clericus qui nutrit comam anathema sit ! 11 marchait pieds nus, nemangeait que du pain noir et des racines, ne buvait que de l'eau et couchait sur la cendre. Voilà l'origine des trappistes (1).

L'ahbé de Rancé prévoyait peut-être les prochains debordemens du clergé. A travers la fausse dévotion des dernières années de Louis XIV, il voyait arriver la régence ; il voyait les successeurs de Rossuet et de Fénélon entretenir publiquement des filles d'opéra, et se plonger, au grand jour, dans toutes ces débauches, dans toutes ces saturnales qui devaient aboutir à l'échafaud de 93. Et en face de ces couvens, en face de ces églises devenus des lieux - de prostitution, il avait fondé la Trappe, pour qu'il restât

1 - ( l) La fondation de la trappe remonte au douzième siècle ; mais cd ordio etaU à peu près tombe. C'est l'abbé de Rancé qui ra relevé.