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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-11-06

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 06 novembre 1845

Description : 1845/11/06 (A2,N87)-1845/11/12.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k63664885

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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.- - -'.

Paru. 5 Hovembre. D'une commlnlon d'envnête sur Iell 141des ftindanientalca de il. Bugeand.

Le ministère accédera-t-il à la demande que lui a faite, en dernier lieu, M. Bugeaud? Enverra-t-il en Afrique une commission d'enquête chargée de vérifier la situation des choses et l'opportunité de l'exécution du fameux projet de colonisation militari-civile? nous ne savons, mais, à tout événement, nous protestons contre l'adoption de cette mesure préjudicielle dont le résultat le plus certain serait d'ajourner indéfiniment la réforme du déplorable statu quo dans lequel on laisse depuis si longtemps végéter notre établis-

sement algérien. 1 Qui ne sait aujourd'hui ce que valent les commissions d'enquête? Une fois déjà, on en a fait l'expérience pour l'Algerie; qu'en est-il résulté? messieurs les commissaires sont allés sur les lieux; on les a circonvenus et festoyés là bas du mieux qu'on a pu - on leur a jeté beaucoup de poudre aux yeux, et, finalement, ils n'ont rien vu de ce qu'ils avaient à voir. Aussi s'en revinrent-ils sans rapporter la moindre lumière. Autant en adviendrait, sans nul doute, de la nouvelle commission dont M. Bugeaud a demandé l'envoi en Afrique. Ce ne serait ni plus ni moins qu'une partie de ptaisir organisée au profit de quelques favoris du ministère, et généreusement payée par le budget, après quoi viendrait peut-être, au bout d'une année ou deux, un rapport tel quel, qui, de même que tant d'autres, irait s'ensevelir dans la poussière des cartons ministériels. En attendant, le provisoire actuel se perpétuerait et tout progrès sérieux serait renvoyé aux Ka-

lendes grecques. Qu'on ne s'y trompe pas : ces nominations de commissions ne sont que des moyens dilatoires destinés à gagner du temps et à retarder, autant que possible, - les améliorations impatiemment réclamées par l'opinion publique (1). C'est ce que savent parfaitement nos minislres; aussi ne serions-nous pas surpris de les voir mettre à profit la,demande de M. Bugeaud, dans l'unique but de temporiser et d'épargner à l'Angleterre le désagrément que ne manquerait pas de lui causer le changement d'un système qui lui convient à merveille, par cela seul qu'il nous affaiblit et nous épuise sans assurer en aucune manière l'avenir de nos possessions africaines.

Tous nos lecteurs doivent se rappeler cette phrase significative qui se trouve dans la célèbre lettre de M.

le maréchal Bugeaud au préfet de la Dordogne.

« Hélas! les événemens ne donnent que trop raison » à l'opposition que je faisais au système qui étendait, » sans nécessité, l'administration civile et diminuait l'ar » mée pour couvrir les dépenses de cette extension. »

Que disions-nous à l'époque où il était question de la prétendue organisation administrative du 15 avril?

que l'on voulait offrir aux esprits faciles à tromper une espèce de fantôme d'administration civile qui fût sans puissance réelle, et en môme temps exagérer le personnel de telle sorte que,ce personnel entrainât des charges sensibles pour le budget; tout cela afin de pouvoir dire un jour que l'administration civile est une superfétation, et ne sert qu'à occasionner des dépen-

ses inutiles, Nous étions-nous trompe ?

Quand donc le pays s'apercevra-t-il qu'il est à la disposition d'hommes qui le bernent, le trompent, l'amusent avec des paroles, et ne se servent de lui que comme d'un moyen pour satisfaire leurs passions de toutes sortes, et servir les calculs de leurs ambitions personnelles

(1) Une personne demandait à M. de Villèle pourquoi il faisait un si fréquent usage des commissions. « Quand une question m'ennuie, et que jé veux m'en débarrasser, répondit avec- son accent gascon le rusé ministre, jé l'encommissionne. »

Si quelquefois notre opposition est vive, et notre ex- 1 pression chargée d'amertume, c'est que nous voyons au juste ce qui se passe, c'est que nous sommes ins- truits de bien des choses que nous ne pouvons dire, c'est que nous avons été assez heureux pour obtenir la confiance de quelques personnes parfaitement instruites qui veulent bien penser tout haut avec nous, c'ést que nous possédons des moyens d'investigation qui manquent à ceux de nos adversaires de bonne foi qui taxent nos paroles d'exagération, et que nous nous indignons au fond de notre cœur de voir les misérables calculs, les combinaisons perfides, les vues criminelles qui dirigent certains personnages sur la ligure desquels nous voudrions pouvoir briser le masque qui cache leur hypocrisie.

que qui c- --- _cris -

- Nous l'avons déjà dit bien souvent, au surplus, et cependant nous le répétons encore, quel motif aurionsnous pour nous exprimer ainsi que nous le faisons, si nous n'avions la certitude des faits que nous avançons, et si nous ne nous étions fait un devoir de n'obéir qu'à notre conscience? En y réfléchissant un peu, on comprendra même que notre intérêt personnel nous engagerait à suivre une tout autre voie, et l'on nous saura peut être quelque gré des efforts que nous faisons ; à moins que l'honnêteté ne soit proscrite de la terre et qu'il n'y ait désormais plus de place dans le monde que pour le charlatanisme, le mensonge et l'effronterie.

Tous les hommes qui réfléchissent un peu à la conduite de nos affaires en Algérie se préoccupent avec une. bien légitime raison de l'incroyable indifférence du pouvoir supérieur à l'égard de cette question d'Afrique, la plus importante, sans contredit, de celles que notre politique ait à résoudre ; tous interrogent avec inquiétude l'avenir, et se demandent si l'état actuel doit durer longtemps, et si le gouvernement ne prendra pas bientôt des mesures qui remédient à l'urcence du mal. Les heures pressent : attendre encore,

serait vouloir tout compromettre. A cet égard, on pense à Alger comme pensent à Paris les personnes qui s'inquiètent sérieusement de l'Algérie. On en jugera parla lettre suivante, que nous adresse un homme en position de tout voir, et de bien voir.

Nous la recommandons d'une manière toute spéciale à nos lecteurs, comme définissant exactementla'sitcfa-'' tion des choses en Algérie.

Alger, 29 octfbrc 1843.

Le désordre qui règne aujourd'hui est tel que je n'en ai pas vu un pareil depuis bien des années que je suis en Afrique : mensonges officiels, intrigues, exagérations calculées. dilapidations, tout se produit maintenant au grand jour L'administration de M. Bugeaud et celle de M. Vauchclle font merveille. La seule consolation au milieu de tout ce chaos, c'est la pensée que nous sommes dans un moment de crise, etfque l'état de choses actuel ne saurait durer longtemps. En effet, on peut dire avec assurance, qu'il faudra bientôt, sous peine de périr, Jouer un autre jeu, ainsi que !c dit très-justement, à mon avis, un certain jour-

nal anglais. - - - D'après les dernières nouvelles reçues, M. Bugeaud s'est dirige de Miliana sur Tcnict-el-Hàad. De làil doit se rendre, dit-on, a Tiaret. Toutefois je ne l'affirmerais pas, car notre gouverneur est un grand improvisateur en actions comme en paroles, c'est pour cela qu'il y a tant de méthode dans sa conduite et dans ses discours.Pour I. de Lamoricière, qui est allé bravement se jeter en face de notre principal en-

nemi, Abd-el-Kader, sur la frontière de l'ouest, il parait nemi, qu'il a déjà eu plusieurs engagemens, les 12, 13 et 1-1 de ce mois, qu'il a refoulé son adversaire dans les montagnes de Trara, et qu'il poursuit son succès, auquel M. lîugeaud n'aura aucune part ; ainsi donc, d'ici à très-peu de temps les journaux de France auront à enregistrer bien des bulletins pompeux. C'est qu'à vrai dire et malgré les cris d'alarme jetés si imprudemment à 1 occasion d'un incident qui, tout déplorable qu'il était en lui-même, pouvait surprendre, mais non épouvanter, les circonstances où nous nous trouvons n'ont rien de si difficile, et qu'il suffira sans doute de la présence de nos colonnes pour remettre les choses sur le pied où elles étaient il y a peu de temps. Rien

n'a remué encore, ni à l'est d'Alger, c'est-à-dire aux envi- rons de Dellys, ni dans la subdivision de Médéah, ni autour de Iimana, ni dans la province de Constantine.

Le mouvement, jusqu'à présent, est concentré dans une partie éloignée de la province d'Alger, sur lehautChéli, par exemple, et dans la division d'Oran. Nous sommes toujours en force sur la ligne intérieure, puisque nous occupons Miliana, OrléansvilTc. Mascara, Tlemcen. Aucun de ces points n'est évacué,et ne le sera certainement, puisque nous avons repris l'offensive. Abd-el-Kader, s'il n'a pas encore en ce moment repassé dans le Maroc, se trouve sur notre extrême frontière de l'ouest ; comment donc les tribus soulevées, qui sont sans organisation, sans finances et mal armées, pourraient-elles résister et inspirer des craintes sérieuses? Il y a longtemps qu'on sait, par expérience, qu'une colonne de trois mille hommes, pourvue d'artillerie, doit parcourir impunément toute l'Algérie. On peut donc,

sans être prophète, prédire que le mouvement sera arrête sans beaucoup de peine. Ce n'est pas là qu'est le danger ; il est dans la politique de notre gouvernement, ou plutôt dans son absence de politique, dans son ignorance entière des choses d'Afrique, dans son défaut de plan raisonnable pour ses projets ultérieurs, dans cette confiance où il parait être que son général actuel est indispensable, dans le caractère de ce dernier, qui ne peut faire honorer ni respecter aucun

gouvernement, enfin dans F insuffisance notoire de presque tous ceux qui mettent la main à l'œuvre en Afrique, depuis la direction centrale de Paris jusqu'au plus mince cmployé qu'elle envoie en Algérie. Voilà le véritable danger que l'on ne saurait trop signaler, car avec cela les succès militaires ne servent de rien ; ce sera toujours à recommencer. Notre œuvre en Afrique est la toile de Pénélope.

En fait, ce qui vient d'arriver devait nécessairement ar-

river. Il ne fallait pas être bien clairvoyant pour prévoir l'événement. Cette soumission des tribus dont on a fait tant de bruit n'était que précaire, et le gouvernement trompait ou était lui-même trompé par des agens vantards ou plus que légers, quand il parfait de la pacification générale de l'Algérie. Jamais cette prétendue pacification n'a eu lieu. Un pays pacifié et une armée de près de 100,000 hommes pour maintenir ce pays pacifié ! Ces deux choses hurlent de se trouver ensemble. Qu'on s'en tienne donc une fois à ce qui est vrai. Un moment les Arabes ont cessé de brûler de la poudre contrôles Français, un moment ils ont été contenus comme une partie l'est encore. Abd-elKader, cette idole que nous avons élevée nous-même, a été contraint d'abandonner la partie en Algérie. C'était-là un assez bel avantage, un heureux commencement pour arriver à la pacification du pays, mais voilà tout. Qu'avonsnous faiL pour profiter de cette trêve? Avons nous cherché à donner aifx tribus une autre raison d'obéissance que l'oppression - et la force brutale? Voyez le fameux règle-

ment et les circulaires de M. Bugeaud sur le gouvernement tud sui, le gouveriiel îent des Arabes (1). Avons-nous mis à profit nos succès sur le Maroc pour réduire à l'impuissance Abd-el-Kader, l'espoir de tous les indigènes comprimés? Voyez nos traités avec l'empereur marocain. Nous nous sommes mis bravement à entonner le TeDeum pour des victoires rendues stériles et des traités et l'ennemi qu'on voulait se persuader mort, taudis qu'il n'était que blessé, s'est relevé en riant pour nous outrager.

Je le répète avec une pleine conviction, il n'est pas un homme de sens qui n'cùt dû pressentir ce qui est arrivé.

Des prisonnier» Indigènes. 1 On lit dans plusieurs journaux : Une lettre particulière de Toulon nous apprend que 300 Arabes faits prisonniers dans la dernière insurrection viennent d'arriver à l'île Sainte-Marguerite.Les événemens qui se passent actuellement en Algérie feront tomber sans nul doute un grand nombre de prisonniers entre nos mains.

Que fera-t-on de ces prisonniers! les laissera-t-on croupir en Algérie; ou les enverra-t-on en France pour les renfermer dans des forteresses? Quelque soit celui de ces deux partis auquel on s'arrête, on fera une chose dispendieuse, inutile et dangereuse.

(t) Avons-nous profité de la tranquillité apparente du pays pour activer sérieusement la colonisation, et jeter en Algérie des émigrans qui, par leur nombre, pussent imposer à la population illdigène,l'annihiler et la maintenir forcément dans la soumission ?

{Note du rédacteur.)

Que l'on enferme dans des forteresses des prisonniers appartenant à une puissance européenne, cela se conçoit, on réduit à l'impuissance de nuire des hommes avec lesquels on n'aura rien à débattre plus tard, et qui d'ailleurs ne pourraient rien apprendre en vivant au milieu de nous.

Mais en est-il de même des indigènes, race ignorante et fanatique, qui ne nous combat avec acharnement que parce qu'elle ne nous connait pas, et qui, après tout, constitue une population avec laquelle nous aurons toujours des intérêts communs? Non sans doute, et le plus simple bon sens - suffit pour nous san-s -doute,_ et le it pour nous

indiquer une marche différente.

Au lieu de les éloigner et de les séquestrer, nous devons au contraire, autant que possible, les mêler à nous, afin de modifier leurs mœurs et de détruire leurs préjugés, en les faisant assister au spectacle que présente notre société. - - - - - --

Détenir des Arabes dans le fort Brescou et dans 1 île Sainte-Marguerite, c'est vouloir les renvoyer plus tard chez eux aussi ignorans, aussi fanatiques qu'on les aurait pris, et, de plus, surexcités par la privation de leur liberté et les rigueurs de leur emprisonnement.

Puisque l'on est decidé à dépenser de l'argent, et l'on fait bien, pour diminuer les forces de nos ennemis, qu'on donne du moins à cette dépense un caractère , de haute utilité publique auquel tout le monde ap-

plaudira. - -

Ainsi, d'après nous, ce n'est point dans une forteresse, mais dans toute la France, que nous devrions détenir les prisonniers arabes, en les faisant, pendant deux ou trois ans, voyager par étapes sur toute l'é- tendue du territoire, avec séjour dans nos gfandes villes, et en choisissant pour cela les hommes jeunes encore, et surtout ceux qui appartiennent aux principales familles du pays.

Ce système-là ne grèverait pas plus le budget que le système actuel, et il aurait cet incontestable avantage de prduire sur ces esprits incultes et grossiers, sur ces imaginations si faciles à entraîner et a séduire, un effet moral dont nous.ne tarderions pas i, sentir les résultats pour la tranquillité de nos possessions d'Afrique.

C'est aussi le système que nous voudrions voir employer à l'égard de ces agitateurs qui vont prêchant la révolte et la guerre sainte, et qui la plupart du temps sont les premières dupes de leur fanatisme. Un séjour rorcé de quatre ou cinq ans en France, séjour pendant lequel ils visiteraient, ainsi que nous venons de le dire.

la plupart de nos départemens et toutes nos villes principales, avancerait beaucoup plus nos affaires qnu ces exécutions capitale, qui transforment en martyrs, aux yeux ,de leurs coreligionnaires, ces instruirions obscurs de troubles et de rebellion. (1) On l'a dit depuis long temps : Le sang versé crie vengeance ! Mais cela est vrai, surtout dans la guerre d'Afrique.

Que nos soldats, indignés du meurtre de leurs camarades, et dans la fièvre de l'action, jonchent de morts le champ de bataille, nous le concevons aisément, et, certes, nous ne les blâmons pas de ces actes de rigueur qui apprennent aux tribus à nous craindre.

Seulement, quand le bruit des armes a cessé, nous demandons qu'une politique habile prévienne les dangers à venir, au lieu de jeter des fermens d'irritations dans les âmes, d'appeler des représailles et de préparer de nouveaux malheurs.

Du transport des passagers de France en Algérie.

Les habitans de la ville de Bône viennent de ren ouveler leurs instances auprès du ministre de la guerre

(1) On sait avec quels soins religieux les Arabes des environs de Chercliell ont renilu les derniers devoirs aux restes des deux agitateurs que le gouvernement algérien a fait exécuter, il y a peu de temps, sur le théâtre même de l'insurrection.

FEUllLETON DU lOllltMl L'AFIIQOE. 8 NOVEMBRE. 1

Suite d'une correspondance extrn-oflfclelle.

RÉPONSE D'ALGER. ,

J'ai pour principe, mon estimable ami, de ne pas croire aux démissions aussi longtemps qu'elles ne sont pas définitivement réalisées. D'après ce que vous m'annoncez, celle de notre vieux ministre n'est encore qu'il l'état de velléité, et tout au plus de projet; donc je n'y crois pas ; et comme la vôtre est nécessairement subordonnée àlasienne, je n'y crois pas davantage. Ainsi, vous avez beau faire le mort, à mes veux. vous êtes toujours du nombre des vi-

vans, et je contiuue, comme par le passé, mes intimescauseries avec vous, sauf à les interrompre lorsqu'il me sera bien positivement démontré que votre existence a pris fin, et que vous êtes réellement descendu dans la tombe. -

En lisant les détails publiés par le Moniteur Algérien et VAhkbar sur l'arrivée du gouverneur à Alger, détails qui ne s'accordent pas parfaitement avec ceux que je vous ai donnés dans ma dernière lettre, vous avez dû vous dire que j'étais un hâbleur, et que-je vous avais conté des sornettes. Eh bien! oui, je - vous le confesse - ingénuement,

avait un peu d'invention dans mon récit. J'étais tellement convaincu, d'après les précédens, que je serais traité du haut en bas, que j'avais cru pouvoir vous décrire à l'avance la scène à laquelle je m'attendais. Cette scène -que je prévoyais n'a pas eu lieu, et les choses se sont passées différemment; mais, ma foi, ma lettre était écrite et je l'ai laissée partir sans y retoucher, me réservant d'en rectifier Ultérieurement les inexactitudes, qui, d'ailleurs, vous allez le voir) n'ont, au fond, que bien peu d'importance.

La vérité est qu'en apparence ic n'ai pas été trop mal accueilli* Cette fois, on n'apas dédaigné de me donner une .poignée de main et de me témoigner ostensiblement une certaine considération. On est même allé jusqu'à dire, dans l'inévitable discours, que, pendant la durée des opérations muitaires, les affaires seraient expédiées par des administrateurs mbiies et zélés, compliment qui m'a paru aller - Rssez directement à mon adresse. Enfin, on a bien voulu tenir quelque compte de ma personne et m'appeler à des conférences plus ou moins sérieuses.

Mais n'allez pas conclure de là qu'on a mis de l'eau dans son vin, et qu'on en est revenu à de,meures dispositions pour moi; non, c'est une fîime errien de plus. On s'est ait: « Ma lettre a Marcillac, où j'ai laissé percer mon » mauvais vouloir contre les institutions civiles, aura pu » refroidir, en Afrique, l'enthousiasme de quelques-uns "de » mes admirateurs; pour rassurer ces honnêtes badauds, » faisons-leur, en rentrant, un petit doigt de cour, monu trons-nous bon prince et caressons quelque peu le civil » dans la personne de ses fonctionnaires. Le diable n'y per» dra rien. » Tel est, à n'en pas douter, le secret mobile de la conduite du sire. Il cache son jeu, voilà tout; mais il ne le cache pas si bien qu'on ne sente encore sa griffe sous sa

patte de velours. A ses démonstrations d'hypocrite bienveillance, il s'est mêlé de certaines façons d'agir qui m'ont bien fait voir que ses sentimens me sont toujours foncièrement hostiles. Ainsi, par exemple, air lieu de se borner, comme il le devait, à conférer avec moi sur tout ce qui regarde l'administration civile pour me charger ensuite de transmettre ses ordres aux chefs de service, il a eu la chose de mettre de moitié dans ces conférences l'un de mes subordonnés, le directeur de l'intérieur; comme s'il n'y avait rien de changé dans la hiérarchie des autorités administratives, comme si le directeur de l'intérieur n'avait pas cessé d'être ce qu il était avant l'ordonnance du Hi avril, comme si ce fonctionnaire relevait encore immédiatement du gou-

verneur et pouvait continuer à recevoir directement lés instructions de celui-ci, comme si, enfin, je n'étais pas, moi, l'intermédiaire obligé entre le chef de la colonie et les chef des services civils! ! 1 Ceci, vous le sentez, mon cher ami, est on ne peut plus significatif; c'est me donner à entendre qu'on ne fait pas le moindre cas des nouvelles règles établies par notre ordonnance; c'est méconnaître iraitreusement mes plus respectables attributions. Rien ne pouvait m'être plus désagréable qu'un tel mépris des prérogatives de ma fonction. J'aurais préféré mille fois des rebuffades et des camouflets, Qu'il me rudoie tant qu'il lui plaira, c'est son droit, et d'ailleurs j'ai bon dos; mais qu'il se permette d'avoir affaire à d'autres que moi dans ses rapportsoniciels avec l'autorité civile, et d'intervertir les rôles au point de traiter de but en blanc les affaires avec mes inférieurs, sans tenir compte des exigences légales qui l'obligent à passer par mon canal, voilà qui est tout à fait intolérable. J'appelle cela de l'anarchie au premier chef, et je déclare que, si on lui laisse prendre tin pareil pli, notre admirable organisation fera fmico, et, comme ses devancières, tombera misérablement dans le gâchis.

Vous voyez, mon très-honorable ami, que mes instincts

me trompaient peu lorsque, sous l'intluencc d'une hallucination quasi divinatoire, je vous racontais, par anticipation, ce qui se passerait entre le gouverneur et moi; mon tort est de vous avoir donné mon rêve pour la réalité ; mais, en résultat, je ne vous ai pas abusé ; car la réalité est certainement pire encore que mon rêve. Oui, dans cette comédie jouée par le faux bonhomme au bénéfice de sa popularité algérienne, dans cet astucieux baiser de Judas qu'il m'a donné, j'entrevois pour moi plus de périls que je n'en redoutais de la franche avanie sur laquelle j'avais

compté. Jusqu'à présent, je ne l'avais pas supposé capable de jouer au fin et de procéder par dissimulation. il me montre aujourd'hui que je l'avais mal jugé sous ce rapport, et qu'il s'entend à ruser tout comme un autre ; le mauvais tour qu'il m'a fait en traitant à mon égal un simple chef de service en est la preuve. C'est là un symptôme des plus alarmans ; je m'en effraie infiniment plus que de ses boutades, et, je le répète, pour peu que le ministère hésite à couper court aux tendances machiavéliques que je vous dénonce, c'en est fait de notre beau système administratif; il est flambé.

Principiis obsta, dit le sage, serà t)aedicina- paratitel. Vous

savez le latin, et vous n'avez certes pas besoin que je vous traduise cet aphorisme. Malheureusement, je ne vous vois guère disposé à le mettre en pratique, en prenant d'urgence toutes les mesures propres à obvier au mal. Dès le début, sous prétexte de la probabilité de votre retraite, vous tirez votre épingle du jeu et plantez-là toutes mes propositions ; c'est bien mal à vous, permettez-moi de vous le dire. Qu'est donc devenu ce feu sacré dont naguère encore je vous voyais animé? Se pourrait-il qu'il se fût subitement éteint en vous, et qu'il n'en restât plus la moindre étincelle au service de la bonne cause? Je ne puis le croire. Quand même il serait vrai que vous branlez au manche et que

l'heure de la retraite a sonné pour vous, vous ne vous en irez pas ainsi sans tambour ni trompette et sans me donner un dernier coup de main ; vous ne me laisserez pas dans l'embarras en me faussant bande; vous ne quitterez pas la partie avant d'avoir fait un suprême effort pour me la faire gagner. Songez que vous êtes mon partenaire, et qu'il y va de votre honneur comme du mien à réussir. Si j'ai le dessous dans la lutte que nous avons engagée de concert, ou, du moins, dans laquelle vous avez pris fait et cause pour moi, que dira-t-on de vous? Que vous avez fait chou-hlanc dans votre passade aux affaires, ou, si vous l'aimez mieux, que vous n avez rien fait qui vaille. Non, vous ne voudrez pas compromettre de la sorte la gloire de votre carrière administrative, et vous exposer à passer pour Jruit sec.

ussiez-vous à toute extrémité, vous reprendrez force et ourage pour sauver du naufrage l'œuvre commune ; après luoi, il vous sera permis de dormir du sommeil des justes, ni plait à Dieu de vous rappeler à lui, Ne dites pas que je m'efface pour vous laisser agir tout seul; Dieu merci, vous pouvez voir que je sais me mettre en avant quand il le faut. A l'heure qu'il est, vous devez être saisi du conflit qui s'est élevé entre moi et le général de B., et dans lequel se manifeste avec évidence la conspiration militaire organisée contre l'ordonnance du 15 avril.

Qu'en pensez-vous? ne trouvez-vous pas bien impertinente la clucane que l'on me fait, à l'endroit des commandans supérieurs des territoires mixtes ? oser prétendre que je n'ai pas le droit d'adresser directement à ces commandans des ordres et des instructions en matière d'administration civile ! n'est-ce pas le comble de la déraison ? Et dire que c'est le général de B. qui me suscite cette difficulté, lui que je considérais comme le plus pacifique et le plus inoffensif des hommes, lui avec qui j espérais pouvoir faire le meilleur ménage du monde ! ma parole d'honneur, c'est à n'y pas croire; mais, tenez, on ne m'ôtera pas de l'idée qu'il n'est, en ceci, qu'un instrument. Le procédé ne vient pas de lui ; c'est encore du Bugeaud tout pur. On lui a fait a leçon, il l'a suivie comme une consigne. N'importe; il me marchait sur le pied : j'ai dû me regimber et maintenir mon droit envers et contre tous. L'occasion était belle en

l'absence du titulaire et de l'intérimaire ; et vite j'en ai profité pour provoquer sur le litige une décision ministérielle : peut-être n'eussé-je pas agi avec cette vigueur, si j'eusse pu prévoir le retour si prompt du maréchal. Mais ce qui est t'ait est fait. Vous voila mis en demeure de prononcer, par une signification régulière, et maintenant vous ne pouvez plus vous abstenir sans déni de justice. Hâtez vous donc de statuer; il va sans dire que je compte sur vos bons soins pour me faire obtenir gain de cause, il s'agit ici de la définition des pouvoirs qui me sont dévolus quand le gou- verneur est en campagne, dès-lors, c'est parfaitement le

cas d utiliser le projet que je vous ai envové en dernier lieu, et de déterminer, par voie d'interprétation législative, toutes celles de mes attributions qui n'ont pas été assez, nettement précisées par l'ordonnance organique. De grâce, faites qu'on tranche au plutôt, et surtout qu'on tranche en ma faveur cette question qui, pour moi, vous le savez, est une question de vie ou de mort; qu'auriez-vous i1 craindre en poussant à cette solution ? hélas! ce n'est pas vous qui en aurez l'endosse. Je vois bien, à présent, qu'il n'y a pas moyen que j'en éludela responsabilité, et que c'est sur nia pauvre tèle que tomberont les horions. Mais c'est égal,