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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-10-22

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 22 octobre 1845

Description : 1845/10/22 (A2,N84)-1845/10/26.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366485x

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 06/11/2012

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Paris, 22 Octobre.

Les journaux algériens continuent la guerre inouïe qu'ilà ont ordre de faire à nos institutions.

Voici un extrait d'un article publié par le journal t,P.cho d'Or an : Voulez-volts que je dise franchement, dans ce moment de crise, qui a causé tous ces épouvantables désastres?

Les journaux de Fran,ce, qui ont depuis longtemps lancé Vignobles diatribes contre le chef de l'armée d'Afrique, contre tous ses actes militaires ou politiques. En France,

où l'on rit de tout, Ton s'est follement pris à parler avec dérision de l'armée d'Afrique et de ses travaux. On a tout blâmé, tout, sans rien connaître. L'esprit critique et mé: chant de là presse a jeté sa bave envenimée sur tout ce qui s'est fait en Algérie. On a dégoûté les soldats et leurs chefs ; on a critiqué les rapports et les bulletins qui ont été taxés de mensonge. Et ce sont des gens qui n'ont rien fait pour leur pays que vous avez vu s'ériger en juges. Ils ont tout compté, depuis les arbres que vous avez coupés jusqu'au nombre de vos blessés et de vos morts qu'ils ont trouvé mesquin.

Si ces reproches étaient seulement injustes, le mal ne serait pas grand; mais ils peuvent avoir une portée trop funeste pour que nous les laissions passer sans protester contre la pensée qui les a dictés.

- C'est ainsi que l'on essaie de tromper l'armée, de l'égarer, de l'exciter contre nos institutions en soulevant sa colère contre Ja presse, qui en est la vigilante gardienne et que l'on accuse de tous nos malheurs.

C'est la presse qui a conduit Abd-el-Kader; c'est la presse qui l'a aidé à surprendre et à massacrer nos soldats ; c'est la presse qui parle avec dérision de l'ar4 mée d'Afrique; et qui jette sa bave envenimée sur tout ce qui se fait en Algéric; elle ne gémit qu'en comptant le nombre mesquin des blessés et des morts!. Puisque la presse seule est coupable de ces horreurs, que doit-on: faire? La conséquence est simple, et on laisse à l'armée le soin delà tirer.

Voilà par quel langage irritant on cherche à soulever les passions et à fanatiser les esprits ; y parviendra-t-on ? Non, sans doute; l'armée est trop intclligente, trop généreuse, trop française, pour jamais consentir a se tranformer, au gré de quelques énergumènes, en une troupe de janissaires prêts à déchirer les lois et à noyer dans le sang des citoyens les libertés nationales.

Que l'armée y songe : toutes nos institutions reposent sur la liberté de la presse, c'est-à-dire sur la liberté de discussion ; sans cette liberté, nous recule rions de soixante années ; or, il y a soixante années, tous les grades, tous les honneurs, toutes les récompenses, sauf de rares exceptions, étaient attribués à la naissance, à la faveur, au privilège, et quand le soldat, après les dures et pénibles années du service militaire, quittait les drapeaux pour aller se reposer de ses fatigues, il se voyait refuser la qualité de citoyen, et ne rencontrait devant lui pour toute compensation que de nouvelles charges et de nouveaux abus. - -

Est-ce là le sort que certains nommes voudraient de nouveau faire à l'armée? Nous ne pensons pas qu'elle se prête à ces machiavéliques combinaisons.

Chaque soldat se rappellera qu'avant d'endosser l'uniforme il était citoyen, et que si la patrie lui a confié des armes, c'est pour la défendre, non pour l'opprimer.

Déni Indemnité*à payer en Algérie pour cause d'expropriation ou de location d'immeuMe<h

M. de Lamoricière n'a pu consacrer que peu de jours au gouvernement de l'Algérie, et cependant il a su découvrir plus d'un abus ; ce qui semble prouver que l'insullisance du gouvernement antérieur serait promplement dévoilée si on le voulait fermement. Nous souhaitons que le ministère accepte cette preuve, et veuille bien agir en conséquence.

- Que le ministère comprenne donc enfin qu'il a été (rompé lui-même tout le premier par ses propres ngens gur les affaires d'Afrique; c'est à leur impéritie, mêlée de

présomption, que nous devons la plus grande part des cruels mécomptesque nous essuyons. Ces mécomptes ne cesseront qu'avec la cause qui les produit. C'est pourquoi nous attaquons sans relâche cette fatale administration sous laquelle tout gémit ou se révolte.

M. de Lamoricière signale à M. le ministre, comme une faute des plus graves, le retard que l'on met à payer les indemnités qui sont dues principalement aux indigènes pour cause d'expropriation ou de location d'immeubles. Nous avons plusieurs fois élevé la voix, mais vainement, en faveur de ces malheureux, qui,

depuis un an, dix ans, quinze ans même, passent leur vie à mendier d'un bureau à l'autre la justiee des représentans de la France.

On conçoit combien de haine et de désespoir cette coupable apathie de nos petits gouvernans doit verser dans le cœur des indigènes. Aussi nous en avons entendu bon nombre assurer qu'ils auraient mille fois préféré la confiscation pure et simple à ces promesses d'indemnité qui n'ont d'autre effet qu'une mystification perpétuelle.

Le ministre n'a pas tenu grand compte de nos avertissemens, mais il ne peut guère fermer l'oreille à ceux qui lui viennent de son agent le plus élevé. Nous espérons donc que prochainement l'on verra cesser en Afrique ces scandaleux dénis de justice qui dégradent aux yeuxdu monde notre caractère national, et qui alimentent la hainedes indigènes contre notre domination.

A ce propos, nous rappellerons à M. le ministre de la guerre que ce n'est point dans la province d'Alger seulemeot-qq'il y a des torts à réparer, mais que, dans celltf de Bône, l'affaire du casernement, au sujet de laquelle des plaintes collectives lui ont été récemment adressées, mérite aussi toute sa sollicitude.

Admirable trait d'héroïsme. Le capitaine Duterlre.

Ledesastre glorieux deDjemmâa-Ghazaouat a donné lieu à des actes du plus sublime dévouement.

Il en est un surtout parmi eux digne de figurer à côté des plus beaux traits do l'histoire militaire des temps anciens et modernes.

Un de nos officiers a renouvelé la mort héroïque de d'Assas.

Voici ce qu'on lit dans plusieurs journaux :

M. le capitaine adjudant-major Dutertre, du 8e chasseurs d'Orléans, faisait partie du petit nombre de prisonniers tombés entre les mains de l'ennemi. Abd-cl-Racler, voyant qu'il ne pouvait forcer les héroïques combattans du marabout de Sidi-Brahim, imagina de leur envoyer ce capitaine avec injonction de les décider à se rendre, sous peine d'avoir lui-même la tête coupée. Le capitaine Dutertre s'approche en effet du marabout; mais, au lieu de faire ce que voulait l'émir, il cric à ses anciens compagnons d'armes: « On nie menace de me décapiter, si je. ne réussis pas à vous amener à mettre bas les armes, et moi, mes amis, je vous exhorte à ne pas vous rendre, et à mourir tous jusqu'au der«fer, s'il le faut. »>

AM-emader, lurieux de voir que cette cicmarcno était restée sans résultat, fit en effet décapiter le capitaine Dutertre. Régulus a conquis l'immortalité poui un trait qui n'était pas plus beau que celui-ci.

De pareilles actions ne sauraient être trop grandement honorées.

En conséquence, nous proposons : 1° Qu'une pension,à titre de récompense nationale, soit assurée, par une loi, à la famille du capitaine Dutertre;

20 Que la première ville qui sera fondée en Algérie prenne le nom de DUTERTRE VILLE (1); 3° Qu'au milieu de la place principale, on élève une statue au brave Dutertre,en le représentant au moment où il recommande à ses frères d'armes de mourir tous jusqtl au dernier plutôt que de se rendre.

(t) Nous désirerions plutôt que l'on débaptisàlle Fondouk, et qu'on lui donnât le nom de Dulertreville, Le Fondouk est appelé à un grand avenir ; c'est une raison de plus pour associer à ses destinées la mémoire immortelle du capitaine Dutertre.

Ou lit, dans l'Emancipation de Toulouse : L'autorité militaire vient de refuser son autorisation au projet qu'avaient les dépôts de chasseurs d'Orléans, en garnison a Toulouse, de faire célébrer un service funèbre pour les braves morts récemment en Afrique. Est-ce qu'on a peur de trop développer les idées de gloire dans l'armée, ou qu'en présence des manifestations de la presse anglaise le gouvernement regrette déjà les mesures qu'il a prises Ce qui vient de se passer à Toulouse n'a pas lieu de surprendre, c'est la conséquence du système qui nous régit.

Pourquoi un service funèbre n'a-t-il pas été célèbré dans toutes les villes deFranceen l'honneur et pour le repos de l'âme des illustres morts de Djemmàa-Ghazaouat, de ces héros qui, comme les Spartiates desThermopyles, I ont mieux aimé s'ensevelir dans leur gloire que commettre un acte de faiblesse.

- Pourquoi, à Paris, le roi, les princes du sang et les 1 grands dignitaires de l'état ne se sont-il pas rendus en pompe à Notre-Dame pour y remercier Dieu de ce qu'il a bien voulu donner à là France des pareils soldats?

Pourquoi, afin de reveiller et d'entretenir dans tous les cœurs des sentimens d'héroisme et de dévouement, le rapport du commandant Martimprey et le récit du caporal Lavaissière n'ont-il pas été tirés à des centaines de mille d'exemplaires, et jetés par massesau milieu du peuple, à la place de ces chansons obscènes et de ces comptes rendus de cour d'assises ou d'échafaud qui abaissent les esprits et dessèchent - les âmes?

Pourquoi r parce qu aujourd hui les passions égoïstes, les sentimens vils et cupides ont envahi les régions du pouvoir ; parce qu'on redoute tout ce qui peut enflammer les imaginations; parce que l'on craint tout ce qui est ardent, noble et généreux; parce qu'enfin on veut condamner la nation au culte exclusif des intérêts matériels, et n'exciter dans l'armée que des emportemens de haine contre la presse et des sentimens de mépris pour nos institutions.

Encore la Raaaauta.

Quoi qu'en ait dit l'Akhbar, nous étions bien informés en annonçant que M. le ministre de la guerre avait révoaué la concession faite àM. le comte de San Juan del Vallc du vaste domaine de la Hassaula.

On nous écrit d'Alger que des ordres formels ont été donnés récemment à ce sujet à M. le gouverneur général par M. le ministre de la guerre.

M. Del Valle, l'epréscntéit Alger par M. Lacroustc, n'ayant pas, dans le cours d'une année, fait donner un seul coup de pioche it la Itassauta, le ministre a pensé avec raison, dans l'intérêt même des grandes concessions, qu'il fallait évincer le concessionnaire de ce vaste domaine.

Voilà où en sont les choses.

Emigration ouvrière.

On nous écrit de Marseille que, par suite des demandes de M. le lieutenant-général de Lamoricière, qui veut que, tout en faisant la guerre, on ne néglige pas les travaux publics et l'emploi des crédits votés, des dispositions viennent d'être prises pour diriger beaucoup d'ouvriers civils sur les trois provinces. - - - -- -- - -

Il parait qu'atln de parer au plus presse, M. le ministre de la guerre a prescrit à M. l'intendant militaire de la 8e division de diriger tout de suite 400 ouvriers d'art sur Philippeville pour les besoins de la province de Constantine, et autant sur Oran pour la province de ce nom. Nous applaudissons à ces dispositions; mais nous demandons en même temps que les généraux, les commandans supérieurs et les chefs de génie se fassent un devoir d'accueillir et d'utiliser avec empressement les auxiliaires qu'on leur envoie.

Si nous formons un pareil souhait, c'est qu'en certains endroits, notamment à Constantine, on a fait preuve, il n'y a pas longtemps, d'assez peu d'intelligence des véritables intérêts du pays pour renvoyer de la ville plusieurs ouvriers civils.

Dans sa malencontreuse lettre à son cher préfet, M. le maréchal Bugcaudsc plaint vivementderordonnaneedu 15 avril et de 11 extension qu'elle aurait donnée à l'administration civile.

Cette extension, nous l'avons dit, n'est qu'un leurre, quant aux principes civils; mais elle n'a point été un leurre pour M. Bugeaud et pour ses amis, au profit desquels le vainqueur d'Isly s'est fait un malin plaisir de l'exploiter.

Qui a donné la présidence du contentieux à M. Majorel avec 10,000 fr. de traitement ? M. Bugeaud.

Qui a fait entrer dans le même conseil l'ex-maire de Périgueux, M. Trémisot? M. Bugeaud.

Qui fait investir des fonctions d'inspecteur administratif un cousin du maréchal, M. de là Piconncrie ? Encore M. Bugeaud. i 1 Nous pourrions faire d'autres dtations; mais celles-là suffisent pour constater que M. le maréchal Bugeaud s'est parfaitement accommode de l'ordonnance dii 15 avril, et que s'il parait s'en plaindre aujourd'hui, ce n'est que pour faIre pièce au ministère.

Ce que nous disons ici, au surplus, n'attaque en rien le caractère des personnes que nous venons de nommer ; nous avons voulu seulement signaler l'inconséquence calculée de M. le maréchal Buheaud.

1

On nous écrit deBlidah que M. le ministre de la guerre vient d'accorder, à titre d'encouragement, une allocation de 1,000 fr. à M. Lavielle, colon au village de Joinville, dont il est maire.

M. Lavielle, qui était un des médecins les plus estimes du département du Loiret, a renoncé à la belle clientèle qu'il avait, pour concourir à la colonisation de l'Algérie.

Admis parmi les concessionnaires de Joinville, il s'est empressé d'y bâtir une belle maison et d'y faire des cultures qui prospèrent; mais sa grande préoccupation est l'éducation des abeilles, d'après des procédés de son invention. Il a déjà fait de grands efforts et de fortes dépenses pour la création d'une ruche modèle.

C'est pour le couvrir d'une partie de ses frais, et aussi pour l'encourager à continuer ses intéressans essais, que M. le ministre de la guerre lui a alloué une indemnité de 1,000 fr., ce dont nous le louons fort, tout en félicitant M.

Lavielle d'avoir mérité une aussi honorable récompense.

Nous avons annoncé, en lui donnant une entière approbation, la décision du ministre, portant que l'administration remboursera les frais de transport par mer des animaux de races perfectionnées, vaches, taureaux, chevaux, moutons que l'on voudra introduire en Algérie.

, Il est à désirer que l'administration ait à effectuer beaucoup de ces remboursemens. Parmi les personnes qui paraissent vouloir profiter de cette faveur, on vient de nous citer M. Bruat, qui, tout en étant un des premiers négocians de Marseille, s'occupe activement de mettre en produit une grande ferme qu il a achetée dans la Mitidja, vers le Mazafmll. Il y a déjà envoyé un étalon du Perche, des vaches laitières," des taureaux de Suisse et du midi de la France. On nous annonce qu'il se propose d'effectuer d'autres convois d'animaux de choix, notamment des builles, qu'il serait si utile d'introduire dans les plaines du littoral.

Nous faisons des vœux pour que M. Bruat ait beaucoup d'imitateurs.

Les indigènes ont la détestable habitude de mettre chaque année le feu aux broussailles et aux herbes, soit pour activer la végétation, soit pour faciliter leurs labours.

Indépendamment des tristes effets de ces incendies 1 quant à la destruction des bois, ils occasionnent des sinisTes et des pertes déplorables. On nous a cité plusieurs colons qui ont vu périr ainsi cette année des fourrages péniblement recueillis ; des plantations ont été détruites et des maisons endommagées.

Qu'a fait l'administration locale pour faire cesser ces abus? La direction de l'intérieur, qui ne songe à rien quand il le faut, a fait publier un avis lorsque le mal était fait. La direction centrale des affaires arabes a trop peu de sympathies à l'endroit des Européens pour se préoccuper des torts que peuvent leur occasionner les habitudes séculaires des indigènes. Aussi n'a-t-elle rien fait d'efficace et de positif pour interdire les incendies.

Espérons que M. le ministre de la guerre avisera enfin aux moyens de mettre un terme à d'aussi déplorables abus.

Dans son numéro du 8 octobre, le Courrier d'Afrique nous attribue un article relatif à la suspension de l'Echo de l'Atlas, et qui est ainsi conçu : Le malheureux serait-il, comme tant d'autres, victime de l'indifférence de la population, et sa suspension ne serait-elle qu'une ruse pour raviver le zèle défaillant de ses

FEUILLETON DU JOURNAL L'AFRIQUE.- i! OCTOBRE.

ttulte d'une correspondance es1ra-oMelelle.

Réponse d'Alger.

Jamais, mon cher et excellent ami, je n'ai plus vivement éprouvé qu'en ce moment de crise et d'étranges vicissitudes le besoin d'épancher mon cœur dans le vôtre, et de vous faire part de mes secrètes anxiétés.

La nouvelle face que viennent de prendre les choses, le

retour inopiné du maréchal, l'attitude hostile dans laquelle il s'est placé vis-à-vis du gouvernement compliquent à tel point ma position, que je ne sais vraiment plus sur quel pied danser. Il y a, dans ce tohu-bohu d'événemens inattendus, de quoi dérouter l'homme le plus habile et le plus imperturbable. J'en suis, pour ma part, tout démoralisé, tout déconfit, et, dans ma détresse, je tourne vers vous mes regards comme vers mon sauveur et mon ange gardien.

Soyez-moi secourable ; soutenez-moi. Vos bons avis et votre concours ne sauraient me venir en aide en plus grande nécessité.

- U est revenu tel que vous me l'avez annoncé : rébarbatif, intraitable, presque furieux, et plus anti-civil que jamais.

Vous dire que j avais hâte d'aller saluer sa bienvenue et lui présenter mes hommages, ce serait mentir. Certes, si j'avais pu trouver quelque bonne excuse pour m'en dispenser, je ne me serais pas fait ïautc d'en user : car ie ne

suis pas puis curieux qu'un autre de. mejeler dans la-gueule du loup. Mais le temps m'avait manqué pour nie proc-, rer le moindre écha atoll-c., Il.. y pasaià ë -je ne ser. Jugez si je devais être à mon aise. Je ne vous te cache pas,' mon cher ami, une sorte de venctte s'empara de moi quand arriva le moment de la visite. J'avais la fièvre, mon cœur battait horriblement. Je me sentais défaillir. On me fit faire antichambre assez longtemps : c'était déjà traiter fort cavalièrement un homme de mon importance. Mais j'étais loin de le trouver mauvais ; bien au contraire, ral'rais, je crois, donné tout l'or du monde pour être oublié là iudélinimenL, tantic redoutais cette entrevue. Mais il était ccril que ic ne l'échapperais pas. Me voilà introduit. Ouel

accueil, grand Dieu ! -, J'en frissonne encore rien que d'y penser, Il commence par me toiser des pieds à la tête d'un ,

air de profond dédain; puis, comme je m'apprêtais à lui adresser quelques phrases préparées pour la circonstance, Il me coupe le simct par une brusque incartade dont voici ii peu près les termes : .:

& » C'ëst donc vous, Monsieur. Eh bien ! que ditesrvôus à , ygire, >> pissent de votre'oeuvre? Ne trouvez-vous pas qu'elle a ,. -

» produit de beaux résultats? Vous allez me répondre, » peut-être, qu'elle n'est pour rien dans ce qui arrive. Et » moi je vous déclare qu'elle est la cause première de tout » le mal. Oui, c'est parce que vous avez fait échouer mes » plans de colonisation militaire avec votre absurde exten» tion de l'administration civile, c'est parce que vous êtes » parvenu, à force d'intrigues, à faire accepter là-bas vos » projets de préférence aux miens, que j'ai dû me rendre en France pour mettre aux ministres le marché en mains ; » et c'est parce que je me suis absenté, grâce à vous, que le pays est de nouveau en feu. Est-ce clair? Félicitez-vous » donc de votre succès, je vous en fais mon sincère com» pliment. Vous pouvez vous vanter, en effet, d'avoir sin» gulièrement avancé les affaires de la colonie. Et mainte-

Il nant, dites-moi, que voulez-vous que je fasse de toute Il cette armée de barbouilleurs de papier dont vous m'a- a vez comblé? J'aurais bonne envie de les' mettre tous en

» réquisition pour faire la chasse à l'émir. Ce serait du » moins le moyen de leur faire gagner lès appointemens Il qu'ils prélèvent sur le budget. ilals à peine sont-ils bons » à parader dans les rangs de la milice urbaine et à mon» ter la garde à ma porte. Je leur en ferai monter des garIl des ! En attendant, qu'ils se tiennent tranquilles et ne me Il fassent pas d'erïibarras; ou sinon..;. Quant à vous, mon» sieur, n oubliez pas que vous n'êtes ici qu'un commis et » rien de plus. J'entends que, même en mon absence (no» tez bien ceci, mon cher ami), vous vous absteniez de » toute direction gouvernementale. Ici, vous ne l'ignorez

» pas, toutes les affaires administratives, civiles ou autres, » ont un caractère, plus ou moins politique, et, par consé» quent, aux termes mômes de votre ordonnance du 15 » avril, c'est à l'ofiicicr-général qui me supplée qu'il ap» partient exclusivement de les diriger. Vous vous conlêll» térez d'enregistrer ses ordres et de lui donner votre avis » quand il jugera à propos de vous consulter. Tenez-vous » pour bien averti que telles sont mes intentions, et que » je n'en démordrai Das. Je vous salue. Il

Vous comprenez, mon très-cher, qu'après cette tirade, débitée d'un ton sec et bref qui n'admettait pas de réplique, je n'ai pas dù demander mon reste. Ce nue j'avais de mieux à faire était de filer doux, en vertu du congé sans façon qu'on venait de me signifier. Ainsi ai-je fait, en gagnant la porte à reculons. Vous ne m'en blâmerez pas, j'en suis sùr : car c'est absolument ainsi, n'est-ce pas, que vous en agiriez vous-même, le cas advenant d'une pareille algarade de la part de votre ministre.

Depuis Inrs, retiré sous ma tente, je médite profondément sur les causes de la disgrâce dans laquelle je suis tombé, et sur les moyens de me tirer d'affaire, .:

Pourquoi m'en veut-il si fort? Il a mis en avant la décon- venue de ses projets de colonisation militaire. Mais plus j'y réfléchis, plus je me persuade que ce n'est là qu'un prétexte, ou que, du moins, c'est le moindre motif de son ressentiment contre moi: Ou je me trompe fort, ou il y a quelqu'autre raison sous jeu. En voici une, par exemple, que je crois beaucoup plus sérieuse que la précédente. Vous savez que, pour l'amener plus aisément à donner son adhésion à notre projet de réorganisation administrative, j'avais cru devoir lui insinuer que, comme conséquence de l'adoption de cette mesure, il obtiendrait une augmentation con-

sidérable de son traitement de gouverneur. Mais la liste civile de 500,000 fr. que je lui faisais espérer a été refusée net, et, qui pis est, on en a glosé dans la presse; indè irm.

Je gagerais que c'est là mon plus grand crime à ses yeux ; il n'en dit rien, mais n'en pense pas moins. Ajoutez a cela l'irritation d'amour-propre que lui causent les diaboliques inventions de l'Afrique, qui semble prendre à tâche de l'indisposer contre moi, en mettant dans ma bouche toutes sortes de mauvais propos sur son compte, en le représentant comme étant ma dupe, etc., etc. Ce maudit journal ne s'estil pas avisé ces jours derniers de me faire parler tout seul, et de me prêter le langage le plus irrévérenl, tant pour le

gouverneur que pour son intérimaire et pour quelques chefs de service? Pures fictions, me direz-vous, dont on ne peut que rire et hausser les épaules. Sans doute; mais il n'en est pas moins certain que ces fictions-là agissent presque comme des réalités sur certains esprits faibles, qui croient y voir l'expression de l'opinion commune, et qui finissent par se persuader que je pense tout ce qu'on me fait dire. 11 n'y a pas de fumée sans feu, se disent-ils, et le fond de toutes ces fables doit être vrai. Le fait est, mon cher ami, qu'ils n'ont pas tout à fait tort, j'en conviens franchement avec vous. 11 se trouve nécessairement parmi les gens de l'Ajrique quelque sorcier, avant le don de seconde vue, et la faculté de lire clans l'intimité de mes pensées. Le croiriez-vous? Dans les paroles qu'il me fait tenir, je retrouve une grande partie des idées qui me trot-

tent journellement par la tête. C est au point que je n'ose plus penser, de peur d'être trahi et de voir mes soliloques traduits mot pour mot dans un feuilleton.' Qui sait même si ce satan incarné n'en viendra pas jusqu'à révéler quelque jour le secret de nos correspondances? Est-ce que vous ne pourriez donc pas, à l'aide :de votre police, faire main-basse sur l'infâme, et en finir avec lui de manière ou d'autre ? Vous n'y étés pas moins intéressé que moi ; car je ybis qu il s'en prend à votre personne aussi bien qu'à la miénnc: Faites votre possible pour le réduhe. au silence; c'est très-essentiel. Je ne doute pas, en effet, que ses pu., - -..--

blications, qui sentent l'enfer à pleine gorge, n'aient contribué pour beaucoup à cndiabler ce maréchal, autrefois si bonhomme, et à faire de lui un véritable possédé du démon.

Vous avez vu, par ce que je vous ai rapporté plus haut de son allocution discourtoise, que les intentions bien formelles du maréchal sont que je m'abstienne, même en son absence, de tout exercice de 1 autorité gouvernementale, et que je laisse, en toutes choses, la haute main au lieutenant-général. Cette décision de sa part n'est ni plus ni moins qu'une violente suppression de l'art. 7 de plus ninance du 15 avril. Vous étiez loin de prévoir ce coup d'Etat lorsque vous me disiez, dans votre dernière lettre, que sou retour aurait du moins pour moi l'avantage de me lais-

ser gouverner parte in quà, tandis qu'il chevaucherait à la poursuite d'Abd-el-Kader. Je ne le prévoyais guère. non plus, et je me flattais, comme vous, de l'espoir qu'aussitôt après son départ pour l'ouest, je pourrais enfin régner paisiblement dans mon domaine et faire mon lit comme je l'entends. C'était le dédommagement sur lequel je comptais et dont la légitime attente me consolait à l'avance de toutes les tribulations que sa rentrée me présageait. Malheureusement, je comptais sans mon hôte. Et remarquez la rouerie qu'il emploie pour dissimuler son. coup d'Etat.

Les affaires civiles, prétend-il, touchent toutes, de près ou de « loin, à la politique; or, comme aux termes de l'ordonnance, le gouverneur est suppléé par ,le lieutenantgénéral, dans la direction des affaires politiques, c'est au lieutenant-général seul qu'il appartient de diriger toutes les affaires , civiles ou autres, quelle qu en soit la nature. Ce raisonnement d'avocat n'est assurément pas de son crû. Quelqu'un de mes ennemis le lui aura soufflé, ou bien peut-être l'aura-t-il pris dans ce même journal que je vous dénonçais tout à 1 heure, et qui, si j'ai

bonne mémoire, a signalé, dans le temps, l'art. 7 de 1 ordonnance comme susceptible de l'interprétation qu'on lui donne aujourd'hui. Je ne disconviens pas qu'en effet la rédaction de cet article est un peu vague, qu'elle ne détermine pas avec assez de précision les caractères distinctifs des atTaires politiques et des affaires administratives, et que, sous le prétexte que la question politique peut se trouver intéressée plus ou moins directement dans toute mesure d'administration, un gouvernement mal intentionné est rigoureusement en droit de charger. son ; suppléant militaire de la direction supérieure dé, tous. ses services.

Mais il est évident que l'ordonnance n'a pas entendu autoriser une telle restriction des pouvoirs du suppléant civil en cas d'absence du gouverneur.. Moi qui l'ai faite, je le sais mieux que personne. Seulement, j aurais dù mettre un peu mieux les points sur les i, et je m'en veux à mor