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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-10-06

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 06 octobre 1845

Description : 1845/10/06 (A2,N81)-1845/10/12.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366482p

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 06/11/2012

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Paris, 1er Octobre.

De rinlemnllon de la pre.. dans les affaires Wàlrrique.

La presse de Paris a fait depuis quelque temps, nous nous sommes plu à le signaler, des pas immenses dans la manière d'apprécier les choses de l'Algél'ie; il est néanmoins encore quelques journaux dont les progrès sont bien (enls à se manifester, et dont le langage a lieu de surprendre aujourd'hui.

Ce serait peu dephose, après tout, si cela ne devait pas avoir d'autres conséquences, puisque l'intérêt seul de ces journaux en souffrirait. Malheureusement, dans les affairés de cette nature, l'erreur, l'inexactitude, l'exagération, peuvent avoir les plus désastreux effels, et, pour notre part, nous sommes convaincu que les feux jugemens portés par la presse en général, à propos des événemens qui se sont passés et se passent encore en Algérie, ont fait un tort incalculable à la cause de la colonisation.

Que des feuilles étrangères, que des feuilles hostiles, S'emparent des moindres circonstances, qu'elles les amplifient, qu'elles les exposent sous un jour fâcheux, qu'elles accueillent les plus légers bruits, quand ces bruits sont déravorables; qu'elles les répandent et les propagent, cela se conçoit : ces feuilles font leur métier en jetant la défiance, en cherchant i. discréditer nos élablissemens et en relardant leurs progrès. Mais que des feuilles françaises, pour le vain et futile plaisir de donner des nouvelles, admettent aussi facilement des faits capables d'altérer la confiance, et surtout les fassent précéder ou suivre dé commentaires qui en augmentent le péril,. c'est ce que nous ne concevons nas.

S'agit-il de la plus petite insurrection, du moindre assassinat, de l'affaire la plus minime, aussitôt tout est en feu en Algérie, tout est perdu, la colonie est menacée, l'avenir se revêt des plus sombres couleul's; il semble vraiment que la sécurité de nos élablissemens tienne à un iii, alors que ces élablissernens, du côlc des Arabes du moins, ne courent pas le plus léger risque.

Depuis un an nous luttons contre ces tendances, parce que nous y voyons, et tout le monde partagera notre avis à cet égard, un danger très-grand et trèsréel. Depuis un an nous nous efforçons de démontrer que les populations indigènes ne sont rien, puisque 1,500,000 habitans, éparpillés sur un territoire de , 20,000 lieues carrées, ne constituent pas, à vrai dire, une population ; partant, que la colonisation l'rançoeuropéenne n'a.pas d'obstacle sérieux devant elle, et que si, de temps u autre, la sécurité est troublée sur quelques points, c'est que la population indigène est abandonnées eUe-même, sans être maintenue et dominée par une population européenne nombreuse et compacte. -- _h - - -

- Depuis un an nous disons qu'il y a place en Aigene pour huit à dix millions de Français, et qu'aussitôt que trois cents mille colons seront attachés au sol le problème sera résolu et la domination du pays à jamais assurée.

Depuis un an nous disons toutes ces choses, et cependant nous lisons dans un journal de Paris les lignes étranges qui suivent, et qui feraient dépendre l'avenir du pays d'un seul homme, comme si aujourd'hui il y avait un homme indispensable en Afrique : La mesure qui a appelé bi. le général Lamoricière au poste de gouverneur-général par intérim parait avoir motivé la manifestation des Arabes. En se voyant délivrés de l'infatigable surveillance du maréchal Bugeaud , et en voyant, d'un autre côté s'éloigner de la province d'Oran le général Lamoricière, qu'ils ne redoutent guère moins, ils ont cru le moment favorable pour reprendre les armes.

La Patrie., qui imprime de pareilles bévues, a sans doute envie dese faire bien venir du maréchal Bugeaud, car,sanscela, coQiment aurait-elle oubliéqu'il y a quelques mois à peine des insurrections partielles éclataient dans la province même où commandait le ma-

réchal Bugeaud, tandis que les deux autres provinces, de l'Est et de l'Ouest, demeuraient dans un calme parfait, quoique dans l'Ouest surtout, à cause du- voisinage du Maroc, il y eût bien plus de motifs pour redouter des hostilités ?

Non, la tranquillité n'a pas été troublée parce que M. Bugeaud n'est plus en Afrique; elle l'a été parce qu'il est impossible que pendant quelque temps encore la race arabe ne réagisse pas contre la race européenne, dont elle est si profondément séparée par la religion, les goûts et les habitudes; parce qu'elle est vaincue, et que de vaincus ne considèrent qu'avec colère leurs dominateurs; et, nous le répétons, parce qu'elle vit abandonnée à elle même, à son fanatisme et à l'action de tous les intrigans qui lui soufflent leurs haines et leurs passions.

Dans cette dernière circonstance, il y avait une raison de plus pour que nous dussions redouter quelque conflit. C'est l'époque du Rahmadan, et il serait trèsprobable, ainsi que nous l'écrit un de nos correspon-

dans, que 1 influence de ce temps de prière et d'exaltation religieuse ait agi sur l'imagin&lion inflammable des Arabes irrités de voir une de nos colonnes en armes au milieu d'eux.

Nous venons de voir ce qu'on lit dans la Patrie; la France est allée plus loin ; à l'entendre, il faudrait se hàter d'abandonner l'Afrique. Ecoutez, en effet : Désormais il faudra trembler à chaque courrier qui nous arrivera d'Afrique. Les nouvelles qui nous parviennent sont désolantes.

Nous ne doutons pas que les écrivains de la France ne comprennent les périls d'une pareille exagération.

Ils se souviendront que c'est la Restauration (lui nous

a legué l'Algérie, et ils penseront comme nous que tous les bons citoyens doivent s'employer aujourd'hui à y asseoir sur des bases inébranlables l'oeuvre de la civilisation.

Enfin, un dernier journal s'exprime ainsi : Les prochaines nouvelles de l'Algérie ne peuvent manquer d'avoir de l'intérêt.

Ce journal ne voit dans les affaires d'Afrique, qu'un champ d'exploitation pour la publicité ; ne lui parlez ni de la fondation des villes, ni de la création des villages, ni de la culture du sol, ni des mesures que réclame impérieusement l'état actuel du pays ; tout cela lui importe peu; il aime bien mieux une bonne insurrection, une bonne bataille, des coups de fusils, des morts, des mourans, des razzias, des récits de deuil et de misère ; parce qu'alors il y a des nouvelles, et que ces nouvelles ne peuvent manquer d'avoir de l'intérêt.

Il est vrai que ce journal est le Constitutionnel. ,

L'article précédent était écrit lorsque nous avons reçu les tristes nouvelles dont on trouvera plus loin le récit. Comme ces nouvelles ne inodilicntren rien les.réflexions qu'on vient de lire, nous avons cru devoir laisser celles-ci sans aucun changement.

Mode d'exécution lie. travaux du port il'Alger.

Jusqu'à présent les travaux du port d'Alger, notamment la fabrication des blocs et leur jet à la mer, se sont faits en régie. Ce système, qui est sans doute du goût de l'ingénieur et de certains fournisseurs intéressés, entraine l l'Etat dans des dépenses considérables de matériel et de personnel.

Il parait que II. le ministre de la guerre a pensé qu'il était grand temps de mettre fin a de pareils abus. il a en conséquence prescrit de soumettre les travaux du port d'Alger au mode d'exécution par adjudications et marchés publics. On nous écrit d'Alger qu'il a adressé des instructions très-formclles à cet égaref, tant à M. le gouverneur général qu'à M. le directeur de l'intérieur. -

Quant au gouverneur général, c'est-à-dire M. le maréchal Bugeaud, il n'a pas daigné s'occuper d'une affaire aussi prosaïque et aussi peu militaire. Il parait qu'il ne s'est pas même donné la peine d'accuser réception au ministre de ses instructions.

Pour M. le comte Guyot, qui a laissé tomber le plus froidement du monde les affaires civiles dans un avilissement incroyable, il s'est bien gardé d'entrer dans la voie

v indiquée par le ministre. Quoiqu'il sache intimement tous les abus du système désastreux suivi jusqu'à présent pour l'exécution des travaux hydrauliques, il n'a pas eu le courage, ainsi que son devoir le lui commandait, ainsi que le lui conseillaient ses bureaux, ainsi que le voulait et que le veut encore sans doute le ministre, de proposer la mise en adjudications des divers travaux du port, de la fourniture du sable, des pierrailles, du bois et surtout de la pouzzolane.

Nous espérons que M. le ministre de la guerre persistera dans sa louable resolution de faire cesser le plus tôt possible le système d'exécution par régie et de fournitures par marchés de gré. M. le lieutenant-général de Lamoricière, plus soucieux des intérêts publics que M. le maréchal Bugeaud, ne manquera pas, nous en sommes convaincus, d'entrer complètement à cet égard dans les vues de M. le maréchal Soult. Le port d'Alger a donné lieu jusqu'à présent à bien des scandales. Il est temps que l'on y mette définitivement bon ordre. ,

A ce propos, nous désirerions savoir quelles sont les mesures auxquelles s'est arrêtée l'administration supérieure pour porter remède à la désastreuse situation dans laquelle

se trouve actuellement ce grand ouvrage ; la commission nautique vient de déclarer qu'en persévérant dans le projet actuel, le port d'Alger serait a jamais perdu pour l'Algérie et pour la France. Elle a indiqué les moyens qui lui ont semblé les plus propres à réparer l'immense faute commise jusqu'à, ce jour. A quel parti s'arrête le gouvernement? Il nous semble impossible qu'il puisse se taire sur un sujet de cette importance.

Depuis le départ de M. le maréchal Bugeaud, il s'opère dans la presse d'Alger une transformation remarquable.

Le Monit ur Algérien a tout d'abord singulièrement modifié ses allures. Il a repris ce caractère de réserve qui convient à une feuille ontcielle, et tout annonce que la nouvelle direction sous laquelle il est présentement placé ne lui permettra plus que rarement de se lancer dans le champ de la polémique. - -

Lue autre conversion plus curieuse est celle de 1 Akhbar, out à l'heurc encore si ardent admirateur des faits et gestes du gouvernement militaire de l'Algérie.

Voici, en effet, que ce journal, qui nous a si souvent cherché querelle à propos de notre opposition, en revient tout à coup à nos idées.

On n'a pas oublié, nous l'espérons, que c'est notre journal qui, le premier, a provoqué la suppression de la direction actuelle des affaires d'Atrique et la répartition des services administratifs de la colonie entre les divers déparlemens ministériels de France. Cette mesure, nous l'avons incessamment réclamée, et c'est uniquement dans la vue d'en démontrer la nécessité comme d en hâter la réalisation que nous nous sommes attachés sans relâche à faire ressortir les fautes grossières et l'intolérable insuffisance des agens ministériels préposés à l'administration centrale de l'Algérie.

- Eh bien - ! la thèse que nous soutenons depuis tantôt dix-

huit mois, voilà que v Akhbar l'accepte et la soutient aujourd'hui de tous points, et que, pour la faire prévaloir, il nous emprunte nos propres nrgumens!

Nous ne voulons pas profiter de ce retour it résipiscence, ni rechercher quelle peut en être la cause. Qu'il nous suffise de le constater.

llestc à savoir si le ministère de la guerre laissera librement se propager dans la presse algérienne une adhésion aussi prononcée à nos doctrines, et s'il souffrira que ses anciens soldats tirent sur lui.

Nous avons de fortes raisons d'en douter, et si l'ordre d'interdire aux journaux d'Afrique toute discussion des matières politiques n'est pas encore parti de ses bureaux, il est fort à craindre que l'article de Y Akhbar, auquel nous faisons allusion, n'en détermine l'envoi immédiat.

Puisque nous en sommes à parler de Y Akhbar, ill nous est impossible de ne pas faire remarquer avec quelle promptitude se forment les convictions de cette aimable feuille.

Dans un article où Y Akhbar, avec cette grâce de style, cette finesse de pensée, cette élégance d'expression, cette délicatesse d'esprit qui lui sont particulières,

(1) L'èmployé des finances a qui est confié le dépôt à Alger, a obtenu, en 1844, nous écrit-on, une rétribution de 7 à 8 mille fruncs' qui s'élèvera cette année à 12 mille au moins.

se livre à une analyse des opinions émises par divers organes de la presse, on lit ce qui suit, en réponse R la nouvelle, donnée il y a peu de temps par l'Algérie, de la répartition des divers services administratifs algériens entre les divers départemens ministériels français ; Nous citons textuellement, en demandant seulement pardon à nos lecteurs des légères incorrections auxquelles nous oblige la reproduction fidèle des expressions de YAkhbar : Cette combinaison aurait été discutée au conseil des ministres, pendaul l'absence de M. le ministre de la guerre; –ce que nous avons peine à croire;–ce serait là un grand malheur, nous l'avouons; longtemps encore il faut qu 'un seul ministère préside aux destinées de la colonie, et ce ministère ne peut dire que celui de la guerre. Nous sommes loin de croire, avec l'Algérie, que la tâche est au-dessus de ses/orees, et nous espérons que l'organisation civile, quelque défectueuse qu'elle soit, peut nous assurer, avec le noble concours de l'armée, un avenirde progrès.

Ceci s'imprimait dans Y Akhbar, le dimanche 21 septembre 1845.

Or, voici ce qu'écrivait le même journal quatre jours après, le jeudi 25 septembre 1845.

En l'état, la question d'Afrique est exclusivement confiée au ministère de la guerre. Cela est-il d'accord avec la nature et le but de l'entreprise que nous poursuivons eu Algérie, s'il est vrai que le but de l'entreprise africaine rùt Ici.

fondation d'une colonie, la création d'une société nouvel la en regard de la France ; et que la guerre ne t'ùl que l'uu des moyens d'arriver à ce but. Ne serait-ce pas commettre une dangereuse méprise que de confier exclusivement à une fraction du gouvernement, au seul ministère de la guerre , la direction d'une affaire qui réclame l'intervention et l'intelligence du gouvernement tout entier ? L'armée est tout, ou presque tout, en Afrique; cela est vrai, sans l'armée, pas de conquête, sans l'armée, pas de colonie ! Admettons encore que pour le moment la guerre soit l'intérôt majeur de la France dans sa conquête. Mais cet intérêt est-il le seul, est-il l'intérêt permanent, définitif, delagrande question qui nous occupe? A côté de la guerre, et audessus d'elle, n'y a-t-il pas l'intérêt de la colonisation ? Or, c'adresser exclusivement à une administration spéciale,

somme celle de la guerre, pour obtenir la solution d une question d'économie publique, aussi difficile, aussi compliquée que la colonisation africaine, it'est-cepas saci-ijici- le but au moyen, la colonisatiolt à la guerre ?

La question d'Alger est une question politique et natiotionale ; c'est donc de toute nécessité une allairc de gouveraienienti Mais le ministère de la guerre n'est pas le gouvernement ; il n'en est qu'une partie subordonnée, comme tous les autres services de l'état, et une spécialité, plus exclusive encore que celle des différons ministères, lé roui peu propre à la conduite d'une affaire générale qui intéresse l'état tout entier.

Renfermer exclusivement la question d'Afrique dans un ministère spécial, c'est évidemment substituer l'action de la bureaucratie à l'action de la politique, l'intérêt de la bureaucratie à l'intérêt de l'Etat

Renfermer la question de l'Afrique dans les bureaux d'un ministère, c'est la placer en dehors du gouvernement. Eu effet, il y a en Afrique des intérêts et des services comptétement étrangers à l'administration de la guerre ; il y a des intérêts civils, des tribunaux, une administration financiè-

re; il y a surtout une colonie, c est-a-dire une société nouvelle à créer, comment l'administration de la guerre pourra-t-elle diriger et surveiller des services de cette nature ?

Elle sera forcément obligée d'emprunter des agens étrangers, de les placer au milieu d'elle, et de s'en rapporter aveuglément à eux pour les affaires qui ne sont pas de sa compétence. La direction et la surveillance des affaires d'Afrique passeront donc à des agens subalternes, que le ministre de la guerre couvrira de sa responsabilité, lors même qu'il lui sera impossible de les contrôler 1 L'ordonnance royale qui range la question d'Alger dans les attributions exclusives de 1 administration de la guerre, n'a pu conférer au ministre du département de la guerre la science infuse de l'administration civile, de la justice, des finances et de l'économie coloniale. Pour tout ce qui regarde ces grands intérêts, le ministre responsable sera donc nécessairement subordonné à ses commis. Tout son rôle se bornera à la signature.

La direction des affaires d'Afrique implantée au milieu de l'administration de la guerre, est une véritable souverai-- ncté -- dans un ministère, c'est-à-dire le pire - de - tous les gou-

FEUILLETON BU JOCMAL LI AFRIQUE. - 8 OCTOBRE.

Chronique de Paris.

If Nous n'avons pas assez présentes à notre mémoire les lugubres prédictions de l'Apocalypse pour affirmer qu'elles s'accomplissent ; mais, assurément, on peut craindre que la fin des temps ne soit arrivée. Aux catastrophes les plus épouvantables, aux trombes et aux tempêtes, se joignent, comme précurseurs de la fin du monde, la dépravation la plus hideuse dans les classes élevées de la société. Le mépris de la foi jurée, l'oubli des lois sacrées,de l'honneur et e la probité ne sont plus le triste partage des malheureuses natures que n'avait pu redresser une éducation morale, parquées quelles étaient dans un milieu d'ignorance et rie dégradation. A l'heure qu'il est, on vole en gants blancs et -- en bottes - vernies ; on - escroque en habits - brodés ; les tire-

laine sont dans nos salons, et les coupeurs de bourse se recrutent parmi nos dandies les plus distingués.

La recherche des causes de ce bouleversement moral n'appartient pas à notre critique. Chroniqueurs, et non philosophes, nous devons nous borner à mentionner ces faits de corruption, sans les analyser et sans les expliquer; mais nous n'avons pu nous dispenser de mettre en tète des tristes histoires que nous avons à vous raconter, ces réfléxions qui nous assiègent et nous affligent profondément.

Il n'y a pas longtemps, les livides échos de la cour d'assises retentissaient d'un nom justement annobli, diton, depuis des siècles. Le prince de Bergbes, qu'une double aristocratie, celle du passé, la naissance, et celle du présent; la fortune, semblaient devoir garantir à jamais de toute poursuite judiciaire, s'assoyait à la place où se sont assis les Mandrinsel les Cartouches du dix-neuvième siècle.

–Les débats ont prouvé que, dans l'ombre, cet homme, : qui pouvait remuer l'or à poignées, contrefaisait des signatures pour se procurer au détriment de plus pauvre que

lui la misérable somme de quelques louis.– Astuce, men- songe, effronterie, il avait tout poussé à tel point que le

monde a pu pallier sa faute sous une monomanie à l existence de laquelle la justice humaine n'a cependanfcjpas-voulu croire. -

Hier trois jeunes gens, d'une réputation j itsqdalors intao ? et IJ tous trois, m*js l'un d eux surtout, avaient vécu

dans l'intimité de gens honorables, ont été condamnés à des peines infamantes et terribles, pour des faux, pour des escroqueries, pour des vols d'autant plus hideux qu'ils sont lâchement commis. Le bonnet vert du forçat, la chaîne, tous les stigmates de honte, toutes les flétrissures que la société inflige comme châtiment aux crimes qui la troublent et compromettent son existence, attendent ces mêmes hommes qu'attendaient naguères les enivremens des fêtes, le luxe des habits, les joies de la danse, en un mot, tous les Elaisirs de ce monde, qui les repousse et les renie à cette heure.

Le lendemain, on arrêtait un employé appartenant à l'une de nos administrations fiscales les plus importantes; on recherchait comme son complice un des imprimeurs les plus considérés de Paris, accusés tous deux d'avoir falsifié les sceaux de l'Etat. S'il faut même en croire des bruits qui s'accréditent de plus en plus, les investigations de la justice auraient encore découvert des coupables plus nombreux et plus haut placés.

Dans quelques jours figurera aussi au banc des accusés un jeune homme, presque un enfant, porteur d'un nom justement estimé dans la haute banque et au Parlement.

Ce malheureux escroquait par vanité, pour avoir des vôtemens luxueux, des habits brodés, des décorations mensongères ; mais l'oxcès de sa suffisance l'a perdu. Mécontent des tailleurs qu'il avait volés, c'est bien le mot, il s'est adressé à l'un de nos fournisseurs les plus à la mode, et qu'une éducation distinguée a doué de formes agréables et faciles en apparence. M. Schmitzvoit un jour arriver chez lui cet enfant de bonne mine, qui s'intitule décoré de plusieurs ordres, aide-de-camp du prince de Joinville, etc., etc., commande des habits de bal, des uniformes, etc., et il lui accorde toute confiance. Mais tous ces échafaudages croulent subitement, et un beau matin , par hasard, par la rencontre fortuite d'un artiste ami de M. Schmidtz, et qui était beaucoup trop au courant des faits et gestes du faux aide-de-camp, M. Schmilz put éventer lamine; alors sa facilité apparente se changea en une sévérité fort louable et très-légitime, et, de la rue Sainte-Anne où il demeure, il traina par le collet son nouveau client jusqu'à la prison voisine, qui retient encore sa proie. La justice fera le reste.

Ainsi, la plus haute noblesse, la bourgeoisie, l'administration, le commerce, la jeunesse et l'âge mur auront, en quelques jours, fourni leur contingent iL la troupe ignominieuse des faussaires, et compteront bientôt des représentansau bagne.–Où s'arrêtera donc cette dépravation!

Et s'il n'y a rien à reprendre à la sévérité du magistral qui venge la société et veut la moraliser par l'effroi du che,

liment, en est-il de même de ce monde où ont vécu les I coupables, qui ne flatte que la puissance de l'or acquise à tout prix, et s'incline devant les sacs d'écus, comme il devrait se prosterner en présence du talent et surtout de la vertu.

La vertu, =couronn£- bien plus difficile à acquérir que le talent, et qui n'a souvent que la récompense la plus ignorée, celle de la conscience. Le monde a été comparé à un théâtre, on peut bien comparer les générations qui l'animent à un public de spectateurs et d'acteurs à la fois, public morose et ennuyé qui n'est pas fâché, au demeurant, de voir parfois un drame se jouer dans les galeries et au balcon, au lieu de le suivre à la scène, et qui l'applaudit.– Société avilie qui se gangrène de plus en plus et se réjouit en voyant tomber un de ses membres pourris, qui ne sait pas, qui ne peut pas extirper le mal, le propage au contraire, et dont l'insouciance ferait la perte, s'il n'y avait, au-dessus d'elle, l'esprit créateur qui ne laissera périr la créature qu'au jour qu'elle a désigné, et qui sait faire sortir le bien du mal lui-môme.

D'ailleurs, à côté de ces erreurs que nous déplorons, il se trouve des exceptions, et nous ne pouvons résister au désir de vous en raconter une qui nous a consolé de la

dégradation des quelques hommes dont nous vous avons dù vous entretenir.– Puisse cette narration très-véridique consoler aussi nos lecteurs ; la consolation est un baume si doux et si rard ici bas.

Il existe au haut de la rue Saint-Jacques une échoppe modeste de bouquiniste qui s'abrite sous la grande porte du collège, comme le ferait un écolier qui aurait peur de mouiller ses livres.-La vieille femme qui tremble au fond de cet asile estbien connue de tous lesélèvesqueséduit dame goinfrerie sous la lorme irrésistible d'un chausson fumant ou l'indispensable besoin de réparer les pertes d'une partie de billes oi-alyouse. -Un Lhomond, un Çuinte-Curce sont bien vite échangés contre l'or invoqué, et à l'aide d'une porte supposée, le livre est bientôt remplacé sous le bras de l'enfant par un père peu clairvovant ou par une mère indulgente. On comprend que la" veuve D. pratique, au plus haut degré, les théories ducommerce acceptées dans le monde entier, et qu'elle s'attache à vendre cher et à

acheter à très-bon marché.

Au demeurant, toutefois, la veuve D. est une bonne femme, que l'intérèt a rendu observatrice, et qui devine au bout du nez d'un bambin, aussi bien que l'eût fait Lavater, si le livre est vendu comme inutilité, parce que, montant dans une classe supérieure, l'élève n'est plus appelé à l'expliquer, on bien s'il est transformé en gros sous pour cause

d'intérêts privés, et pour assouvir quelque passion irrésistible. Dans le premier cas, la veuve D. offre à peu de chose près le prix auquel pourra l'acheler une autre fraction de l'espoir du pays; dans le second, elle spécule sur les mauvais penchans du vendeur, dont elle n'alourdit guère l'escarcelle en y mettant les quelques sous qui sortent de sa sébile.

Parfois, lorsqu'un rayon de soleil nous permet d'al-

1er llàner au delà des ponts, nous poussons nos pengrinations bibliographiques jusqu'à l'échoppe de la veuve D.., qui a, dans un vieux coin de son taudis, quelques éditions princeps dont la possession nous serait chère.

D'ailleurs, la vue des enfans qui s'échappent à tire-d'aile de la classe, pour venir prendre un air de liberté, nous rappelle notre jeune temps, où nous professions une haute estime pour l'école buissonnière.

Il y a quelques jours, après avoir consulté notre baromÙtre, nous crûmes pouvoir nous risquer, et, tout en butinant, aboutimes bientôt aux colonnes d'ilercule de notre voyage.

La veuve D., qui nous connaît, nous salua d'ullairamical et rayonnant à la fois.

–Quelle occasion vous avez perdue, me dit-elle. Ah ! mon bon monsieur, vous qui aimez les autographes, vous auriez payé ça le poids de l'or, bien sùr.

Cette interlocution éveilla notre curiosité et notre méfiance; nous craignîmes un conte inventé pour donner plus de prix à un vieux volume, objet de nos recherches, et

nous mauifcstàmes nos craiutes. Mais nous nous trompions lourdement, la veuve D. est incapable d'une invention de cette nature. Nous la jugerons du moins ainsi désormais.

Non, monsieur, ajouta-t-ctic aux protestations qu'elle nous fit entendre sur la conscience des marchands en général et des bouquinistes en particulier ; non, monsieur, ce n'est pas pour vous vendre des volumes que je vous ai regretté, c'est parce que je m'imaginais que vous autres, qui êtes riches de l'autre côté des ponts, vous auriez mieux payé que moi ce volume. Mais, mon Dieu, vous ne me comprenez pas. Ecoulez-moi, je vais tout vous dire.

Et la veuve D. remua les cendres de sa chaufferette, et prit toutes les précautions oratoires des femmes de sa caste; je frémis.

Il y a tantôt une heure, reprit-elle; j'étais là, attendant la sortie, parce que j'en avais reluqué deux ou trois de septième, qui avaient perdu pas mal de billes a une cuisille, quand je vis s'approcher de moi un grand homme, sec, jaune, comme ces Elzevirs que vous me marchande?;