Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 1 sur 4

Nombre de pages: 1

Notice complète:

Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-10-02

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 02 octobre 1845

Description : 1845/10/02 (A2,N80)-1845/10/06.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k63664818

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 94%.


AVIS AUX ABONNÈS.

Messieurs les Souscripteurs dont l'abonnement expire le t OCTOBRE sont priés de le renouveler, s'ils veuHent ne point éprouver d'interruption dans l'envoi de leur feuille.

Toute demande d'abonnement NON ACCOMPAGNÉE DU PAIEMENT sera considérée COMME NON AVENUE.

Toutes les demandes d'abonnement faites directement rau bureau doivent être accompagnées d'une adresse trèsflisiblement écrite, et d'un MANDAT A VUE sur le trésor, sur l'administration des postes, ou sur une maison .de Paris, à l'ordre du directeur.

Les libraires, les directeurs des postesl et des messageries se chargent également des abonnemens SANS AUCUNE AUGMENTATION DE PRIX POUR LES SOUSCRIPTEURS.

Les mandats sur les départemens et les lettres non affranchies ne seront pas reçus.

« Paris, 1er Octobre. Emigration ouvrière en Algérie.

II est des mesures auxquelles on ne saurait donner une assez grande publicité. Nous reproduisons dans :son entier la circulaire par laquelle M. le ministre de l'intérieur vient, sur l'invitation qui lui a été faite par son collègue de la guerre, de faire un nouvel appel aux ouvriers pour les attirer en Algérie.

On sait que nous avons, dans un de nos précédens muméros, signalé le manque de bras qui se fait sentir sur divers points de la province d'Oran, nous ne pouvons donc qu'approuver complètement les dispositions prises pour attirer en Algérie une forte population ouvrière.

Mais il ne suffit pas d'y envoyer des bras, il faut aussi, si l'on veut que ces bras travaillent, y envoyer des capitaux, y faire de la bonne et solide colonisation, y engager de sérieux et nombreux intérêts.

La direction des affaires de l'Algérie est assaillie de demandes de concessions de grande importance; de riches capitalistes, qui veulent créer des établissemens en Algérie, sont en instance depuis plusieurs mois; pourquoi n'ont-ils pas été à même de réaliser leurs utiles projets? L'ordonnance du 21 juillet et le départ de. M. le maréchal Bugeaud ont ouvert la porte à la bonne colonisation, à celle qui doit se faire par les - écus - et les bras sagement associés? Pourquoi M. - le - mi-

nistre de la guerre nagil-il pas? C'est très-bien a lui d'activer l'émigration des travailleurs; mais, pour Dieu, qu'il songe à une autre émigration non moins essentielle à la prospérité et à la rapide constitution de l'Algérie, nous voulons dire à celle des capitalistes et des hommes haut placés dans la propriété, la banque, le commerce et l'industrie.

Monsieur le préfet, Malgré l'impulsion donnée dans les derniers temps à l'émigration européenne ctsut toutfrançaise en Algérie, les ouvriers d'art sont encore insufllsans pour exécuter les travaux publics et particuliers dans les diverses parties de la colonie. 1

Les bras manquent à Mascara, à Tlemcen et à Oran, et il n'est pas possible de diriger des ouvriers sur cette province, attendu que ceux qui arrivent à Alger ne sont pas assez nombreux pour satisfaire à tous les besoins de cette ville, ce qui maintient les salaires à des prix très-élevés.

En présence de ces faits, qui constatent les heureux et rapides développemens de la colonisation, il devient indispensable de faire un nouvel appel aux ouvriers d'art, tels que maçons, charpentiers, menuisiers, tailleurs de pierre, serruriers, tuiliers, briquetiers, chaufourniers, manœuvres, etc., et de les engager à se rendre en Algérie, où ils trouveront un prompt et avantageux emploi de leurs bras.

Bien que les ouvriers soient assurés de trouver du travail aussitôt après leur débarquement, cependant il serait utile que ceux qui ont une nombreuse famille, et surtout

un grand nombre d'enfans en bas - âge, pussent disposer de quelques ressources pour subvenir à leur subsistance jusqu'à ce qu'ils aient été placés.

Les autorisations de passage seront accordées, comme par le passé, par M. le ministre de la guerre, sur le vu de demandes qui devront lui parvenir par votre intermédiaire obligé.

Ces demandes devront être accompagnées de certificats constatant la moralité, la composition de la famille, l'âge et le sexe des enfans, la nature et le chiffre des ressources.

Veuillez, monsieur le préfet, adresser à ce sujet des instructions à MM. les sous-préfets et maires de votre département. Je vous recommande.de veiller à ce que les diverses instructions sur la colonisation de l'Algérie soient scrupuleusement suivies.

Je vous prie de donner le plus de publicité possible à la présente circulaire et de m'en accuser réception.

Agréez, monsieur le préfet, l'assurance de ma considération distinguée.

Le ministre secrétaire d'Etat de l'intérieur, Signé T. DUCHATEL.

Du mode de concernions en Algérie.

En nous exprimant ainsi que nous venons de le faire au sujet des grandes concessions, nous tenons à expliquer notre pensée de façon à ce que personne ne puisse conserver de doutes sur nos intentions.

On nous a reproché d'abord de vouloir tout abaisser sous le niveau de la démocratie, puis, plus tard, l'on s'est ravisé, et l'on nous a accusé de favoriser l'aristocratie, en favorisant les grandes concessions, parce qu'il fallait bien trouver quelque chose à @ reprendre dans les idées que nous émettions. Ces idées, cependant, n'ont pas cessé d'être les mêmes. Nous voulons en effet la petite propriété, parce qu'elle seule attache suffisamment l'habitant au sol, parce qu'elle seule l'intéresse à la défense du territoire, et en lui fournissant les moyens de s'enrichirsanscrainted'étretroublédans sa jouissance, contribue efficacement à l'aisance et à la prospérité générale; nous voulons la petite propriété surtout, parce que seule elle peut régulariser le salaire, et combattre l'envahissement du prolétariat qu'il est de notre devoir et de l'intérêt de la société de restreindre le plus possible, mais nous voulons en même temps la grande propriété avec les ressources suffisantes qui doivent l'accompagner, parce que, seule, elle peut fournir au travailleur les elémens d'action qui lui manquent, et qui lui sont indispensables pourl'œuvre de la

colonisation. -

Que sont les bras sans les capitaux, qui vivifient leur emploi et récompensent leur labeur ? une cause de souffrance, de misère et de ruine ; l'exemple de ce qui s'est passé jusqu'à ce jour en Algérie démontre assez tristement cette incontestable vérité.

Il faut donc, sous peine de voir échouer toutes les tentatives que l'on voudrait essayer, appeler en Afrique les hommes à capitaux, les hommes qui, par leur fortune et leur position, peuvent influer puissamment sur la colonisation; mais comme ces hommes n'iraient pas en Afrique si on ne leur offrait des avantages qui fussent à leurs yeux une compensation équivalente aux chances qu'ils consentent a courir, il est indispensable de les encourager en leur faisant des conditions telles, que l'avenir devienne pour eux un motif d'espérance, au lieu d'être un sujet de crainte, voire môme d'incertitude.

Quelle prime ne donnerait-on pas, et avec raison, à l'homme qui pourrait aujourd'hui justifier d'un grand et sérieux succès agricole? Le problème, en effet, serait dès-lors résolu sans retour. Eh bien! cette prime, il nous semble juste et utile de l'accorder aux hommes qui, les premiers, se présentent munis des ressources qui doivent conduire à ce succès, parce que là réside l'avenir de l'Algérie.

Il est du reste bien entendu pour tout le monde, et sous ce rapport, nous nous réservons de combattre énergiquement plus tard toute mesure qui aurait pour but de s'écarter des principes que nous posons

ici 4 il est, disons-nous, bien entendu que les avantages accordés, aux concessionnaires et l'étendue des concessions doivent diminuer au fur .et à mesure que le pays se peuplera et que les capitaux s'y porteront.

Le domaine ne doit se dessaisir de ses propriétés qu'à bon escient, et dans un but incontestable d'utilité générale. Aussitôt que l'état du pays, que les concessions faites, que le chiffre des ressources justifiées par les con cessio'nnairespermettront d'entrevoir le moment où l'Algérie se suffira à elle-même, toutes les concessions, soit gratuites, soit à titre onéreux, ;doivent être rigoureusement et sévèrement remplacées par le mode des aliénations par adjudications aux encltères publiques. Telle est la loi normale, la loi à laquelle on doit s'empresser de se conformer sitôt que l'on

pourra, et à laquelle les circonstances seules dans lesquelles se trouve le pays, et la nécessité de le peupler rapidement, nous engagent à demander que l'on fasse exception, mais passagèrement, temporairement, pour rentrer dans l'ordre, nous le répétons, aussitôt que l'Algérie sera sortie de l'état précaire dans lequel elle se trouve encore aujourd'hui.

Dès à présent, sur certains points, aux abords des centres actuels de populations, dans les environs des villes principales, partout, en un mot, où la terre a une valeur réelle, l'administration ne peut pas, ne doit pas employer d'autre mode d'aliénation que l'aliénation par adjudication aux enchères publiques : ce mode d'aliénation est d'ailleurs l'unique moyen, pour elle, de mettre sa responsabilité morale à l'abri.

C'est sur les territoires éloignés, sur les territoires déserts, qu'il faut appeler l'attention des capitalistes ; c'est là qu'il faut leur faire des avantages sérieux, sans toutefois multiplier ces grandes concessions de à et 600 hectares, qui ne tarderaient pas à livrer le sol à quelques familles, et à créer un véritable servage.

Rien n'empêche, au surplus, que l'on ne - divise les

meilleures- parties du sol, et que l'on y appelle les petits propriétaires concurremment avec les grands, dans les intérêts, bien entendu, des uns et des autres ; les premiers, parce qu'ils auraient à leur portée les ressources sans lesquelles il ne pourraient rien ; les seconds, parce qu'ils auraient à leur disposition des bras sans lesquels leurs terres demeureraient improductives ; plus tard, les partages, les ventes, les achats égaliseraient les lots et conduiraient à cette division de la propriété qui constitue aujourd'hui la force et la richesse de la France.

Tel est l'esprit de conduite qui doit diriger l'administration dans le système des concessions à accorder en Algérie. Ce sujet, au surplus, est trop important pour que nous puissions nous contenter de ce peu de mots. Nous y reviendrons, et nous dirons, à cette occasion, de quelle façon nous désirerions voir procéder les capitalistes, et quels sont les moyens les plus sûrs auxquels l'administration devrait recourir pour appeler et faire prospérer la classe si intéressante et si essentielle des petits propriétaires.

Le journal l'Algérie ne nous a pas encore fait connaître les motifs de son opposition au projet de répartition des services d'Afrique entre les divers départemens ministériels de France.

Il en est un cependant qu'il a laissé apparaître, c'est celui-ci : le projet, selon lui, aurait pour but, ou tout au moins pour résultat, de donner au ministère de l'intérieur un moyen de corruption de plus, en plaçant dans ses attributions les concessions de biens domaniaux.

C'esl-Ià, suivant nous, une bien pauvre raison.

Elle se réfute par cette considération bien simple que, sous le régime actuel, le gouvernement a, tout , aussi facilement qu'il pourrait l'avoir sous le nouveau régime projeté, la faculté d'user des concessions immobilières en Algérie comme moyen de corruption politique.

Très-certainement, dans l'état présent des choses, le ministre de la guerre n'aurait rien à refuser à son

collègue de l'intérieur, s'il arrivait que celui-ci lui demandât des concessions au profit de messieurs tels et tels, dans un intérêt électoral et ministériel; nous en avons pour garantie les mille et un tripotages de places ou autres faveurs qui, depuis si longtemps, se commettent à la direction des affaires de l'Algérie, sous l'influence des recommandations qui lui sont faites , soit par les autres ministères, soit par les pairs ou députés bien pensans.

Messieurs de l'Algérie pensent-ils, par hasard , qu'il n'en serait pas absolument de même dans l'hypothèse de la création d'un ministère spécial pour l'Afrique?

De la population Juive en Algérie.

On nous écrit de Bône, à la date du 14, que M. Abraham Cohen, attaché à la maison Rothschild, venait d'arriver en cette ville à l'effet d'y organiser le consistoire israélite.

Nous recevons cette communication avec plaisir; car nous désirerions voir la puissante influence de MM. Hotlischild s'exercer activement en faveur des israélites de l'Algérie. Cette influence ne pourrait, du reste, que produire les plus heureux résultats sur les affaires générales de la colonie.

On sait l'état d'humiliation dans lequel cette classe d indigènes se trouvait avant notre venue. Nous les avons relevés, et nulle distinction blessante ne les retient maintenant au-dessous de leurs anciens oppresseurs.

Mais ce n'est point assez ; il faut les élever plus haut, il faut les élever jusqu'à nous.

C'est aussi le but que nous devons nous proposer à l'égard des autres indigènes; mais pour ceux-ci, nos efforts paraissent ne pouvoir devenir aussi promptement fructueux. - - u

Quant aux juifs, ils se rapprochent de nous tous les jours davantage, excités qu'ils sont par le souvenir (te leur ancienne position et la certitude que, sans notre appui, ils retomberaient dans une situation pire. Leur aptitude singulière aux choses du commerce les mêle à la vie active des Européens et les pose comme nos auxiliaires obliges pour étendre nos relations chez les Arabes, et particulièrement chez les Arabes du sud. - -

Ou ne saurait disconvenir que le temps nous presse en Afrique, et qu'à tous égards il nous importe grandcmenldc consolider notre conquête.

Un des moyens à employer, c'est celui qui consiste :i.

rompre la filiation des intérêts anciens des indigènes: il faut entreprendre sur eux en tous sens, avec prudence, mais avec une persévérance de tous les instaus; dégageons du milieu des Arabes et des Maures la race juive, et amenons-là rapidement à nous.

Déjà des faits d'un bon augure se sont produits ; on trouve dans les comptoirs des négocians, à Alger, et dans de iiotairet de jeLlllf,'g toutes les études de défenseurs et de notaires, de jeunes israélites qui écrivent en français comme en arabe , nui sont d'excellens agens par leur intelligence, leur zele et aussi par leur dévoùment. - _u

On peut voir aisément dans toutes les familles, même les plus pauvres, une tendance bien marquée à initier les enfans a nos mœurs et à les doter de la connaissance de lulangue française; à cette fin, des efforts tentés individuellement ont déjà eu des résultats remarquables; il les faut coordonner, les favoriser de toutes nos forces, et c'est en ceci principalement que l'intervention de MM. de Holhschllll peut être grandement efficace. A ce moyen, dont l'heureux effet ne pourra se l'aire sentir que dans plusieurs années, il faudrait joindre une mesure qui noua donnerait immé-

diatement empire sur toute la population virile.

Nous voulons parler de son incorporation dans la milice algérienne Cette mesure n'est point prématurée, nous avons essayé de le démontrer dans deux articles que nous avons publiés le 12 et le 16 décembre dernier, et nous fondant sur les renseignemens pris à des sources très sûres, nous avons alors avancé que cette incorporation était désirée par les jeunes hommes de la population juive, que nul danger n'en pouvait résulter pour nous, que bien au contraire la milice en recevrait un grand accroissement de forces, et qu'enfin c'était le plus actif acheminement à cette fusion définitive dans notre corps social telle qu'elle s'est

faite en France à l'avantage de tous.

Nous pouvons ajouter que le gouvernement est, depuis plus d'un an, bien disposé à ordonner cette première incorporation, et qu'il n a été retenu que par l'avis contraire de M. le maréchal Bugeaud. Mais si nous sommes bien informés, les observations de M. le maréchal ne portaient pas sur la mesure eUe-même, elles ne prenaient quelque force

MlLLETOfli DU JOURNAL L'AFRIQUE. 2 OCTOBRE.

Un monologue après le départ d'Alger de U. le maréchal Baseaod.

Dieu soit loué! le voilà parti, lui et les siens. Le bateau qui l'emporte disparait à l'horizon; que les vents, la mer et la vapeur lui soient favorables! Et fasse le ciel, ô illustre maréchal, que je n'aie plus le bonheur de vous revoir ici ! Allez régler vos comptes avec les gros bonnets de làbas; brouillez les cartes encore un peu plus qu'elles ne le sont; fâchez-vous tout rouge, et, finalement, obtenez qu'on vous envoie planter vos choux et faire fructifier vos boudjousen Périgord. C'est ce que je vous souhaite du fond de mon âme, pour votre repos et pour le mien.

M a-t-n rendu la vie dure, cet homme-là 1 En ai-je assez enduré avec lui ! On dit que je suis souple et adroit : oui, je le suis, et je m'en flatte. Il m'en a fallu de la souplesse et de l'entregent, pour amener, bon gré, mal gré, ce vieux Rodrigues àmesfins,pour triompher, au moment décisif, de cette inconstance qui le fait tourner à tous les vents, pour lui faire vouloir ce qu'il ne voulait pas. J'ai réussi audelà de mes espérances. Mais, ma foi, il était temps que cela finit. Je m'usais à ce métier-là ; à force de plier l'échiné, je courais grand risque de me la rompre. On a beau être roseau, il y a de ces orages qui, s'ils ne vous brisent pas, vous terrassent et vous déracinent ; et, tôt ou tard, s'il fùt resté, j'aurais succombé sous le coup de quelqu'une de ces bourrasques dont je me voyais incessamment menacé. Le moyen, par exemple, de tenir longtemps contre des façons d'agir pareilles à celles dont il a usé envers moi depuis mon retour à Alger 1 Le public, heureusement, ne sait pas toutes les petites avanies qu'il m'a fait subir dans le tête à tête, et de celles-là je prends aisément mon parti. Mais, tout à l'heure, à la face de toute la ville, quel rôle m'a-t-il fait jouer! Comme pour montrer à tous le peu de cas qu'il fait de moi, il me laisse à l'écart, il ne m'adresse pas une seule parole, pas un témoignage de distinction, durant tout le trajet de son hôtel au débarcadère ; il m'oblige à me dissimuler, à me confondre dans la tourbe dès fonctionnairs civils, à la queue de son état-major, à me raccrocher au bras de je ne sais plus quel petit magistrat plus ou »

moins obscur, et à compromettre ainsi, aux yeux de la population entière, la dignité du rang auquel »il a luimême contribué à m'élever ! Oh ! monsieur le duc, ceci est trop fort, et vous permettrez qu'après un pareil tour je me considère comme dégagé de toute dette de reconnaissance envers vous. Jusqu'à présent, je n'ai cessé de brûler, en apparence du moins, de l'encens sur votre autel ; je vous ai décerné le titre de grand homme, je vous ai presque adoré comme un demi-dieu. C'est en parlant de vous que j'ai écrit quelque part: Il a le génie du bon sens et le bon sens du génie, charmante flagornerie qui m'a valu quelques mois de votre faveur. C'est en votre honneur aussi, et pour votre plus grande gloire, que je me suis sans cesse ingénié à faire mousser les revenus de l'Algérie, au risque de m'attirer le reproche de charlatanisme. Et voilà comme vous me récompensez de tous ces petits services d'ami ! Eh bien !

soit. Je n'en serai que plus à l'aise pour vous tailler des croupières et vous porter un coup de jarnac. Ma bonne étoile a voulu que vous disparussiez de la scène tout juste au moment même où je vais m'y poser. Rien ne pouvait m'arriver de plus heureux, de plus opportun, et soyez sùr que je ne négligerai pas cette excellente occasion de vous faire pièce. Vous me laissez les coudées franches et la place libre. Grand merci. J'en profiterai pour agencer la chose de telle façon que, quand bien môme, ce qu'à Dieu

ne plaise, vous me reviendriez, ni vous ni les vôtres n'y 1 puissiez rien changer. Qui quitte la partie la perd; vous la perdrez. Pour vous punir de vos dédains, je m'arrangerai de manière à secouer le joug de cette autocratie militaire que vous voulez faire régner sans partage,sinon par force du moins par ruse; j'évincerai du gouvernement civil tous vos traineurs de sabre : de simple serf que je suis encore, aujourd'hui, je deviendrai maître et seigneur dans vos domaines, qui sait? peut-être un rival avec lequel il vous faudra compter.

Allons, calmons un peu ce ressentiment qui m'anime, car je sens qu'il m'empoite trop loin. Les murs ont des oreilles, taisons-nous. D'ailleurs, il me faut bien reconnaître que si le départ de ce satané maréchal est pour moi un terrible embarras de moins, il me reste encore bien des difficultés à vaincre pour arriver à mon but. J'aperçois autour de moi, et dans la coterie militaire, et dans la coterie civile, un mauvais vouloir qui me présage une guerre sourde, une opposition rancuneuse d'amours-propres froissés. C'est assez inquiétant, je ne me le dissimule pas. Voyons, cependant, examinons de sang-froid la position. Veut-être le danger est-il plus imaginaire que réel. - Ii y a des mécontens, c'est vrai ; il y en a en haut, il y en a en bas. Ceux

d'en bas, je ne les crains guère. Que pourront-ils ? Me faire 1 attaquer dans les journaux de France? Ces coups d'épingle, j'en conviens, me blessent quelquefois assez vivement. Mais, bah ! je m'y accoutumerai, comme tant d'autres, et à force d'être piqué je finirai par ne plus rien sentir. Qu'ils parviennent à me couler dans l'opinion publique, à me faire perdre le peu de popularité quej'ai pu m'acquérir dansce pays, voire mème à me faire passer pour un charlatan, c'est possible ; mais qu'ils réussissent à me discréditer dans l'esprit du ministre, parbleu! je les en déflie bien. Plus, au contraire, ils m'attaqueront, plus j'aurai de mérite aux yeux de son excellence. Il n'y a donc pas de quoi s'effrayer de ce côté. Après tout, a bon chat, bon rat. Moi aussi j'ai bec et ongles, et je saurai bien me défendre à l'occasion. Dieu merci, je n'ai pas encore épuisé tout l'arsenal dé ma logique. S'il le faut, je ferai feu de toutes mes pièces, en bataille rangée. Les journaux d'Alger sont là qui me fourniront leurs colonnes. Ce serait bien le diable M, à l'aide de ces complaisans auxiliaires et de mille petits moyens de guerre, qui sont à ma disposition, je n'avais pas raison de ces ennemis subalternes qui n'ont d'autre ressource que celle de la presse pour faire valoir leurs griefs contre moi.

Quant aux mécontens haut placés, mon Dieu, à vrai dire, ils ne sont pas non plus bien terribles ; car, enfin, quels sont-ils? A pal-t Ey., dont je suis, grâce au ciel, débarrassé pour le moment, je n'en vois plus guère que trois ou quatre qui puissent m'inspirer quelque défiance.

Celui de tous à qui je suppose le plus de tendance à lutter contre ma suprématie, c'est ce petit procureur-général qui se fait fort, dit-on, de l'appui du garde des sceaux pour échapper à la subordination hiérarchique dans laquelle je l'ai placé vis-à-vis de moi. L'ingrat! il oublie donc que c'est à mon élévation qu'il doitd'avoir lui-même monté de deux crans dans l'ordre des préséances au conseil. Au surplus, qu'ai-je à m'inquiéter de sa répugnance à reconnaître mon autorité sur lui ? Il faudra bien, quoi qu'il en ait, qu'il mette les pouces et qu'il obéisse à l'ordonnance. Il ferait beau voir le chef de la justice donner l'exemple de la résistance à la loi. Vous aurez beau faire, mon cher Robin, vous y viendrez travailler avec moi. Que je vous y prenne à correspondre avec le ministre ou le gouverneur autrement que p:,r mon entremise, je saurai bien, de façon ou d'autre vous faire donner sur les doigts et vous contraindre à l'en.trer dans la règle.,. Bah ! bah 1 celui-là n'est pas dangereux; pauvre tête, caractère faible.,.,. Pour peu qu'il bronche et regimbe, je l'aurai bientôt mis à la raison. Passons à d'autres.

Cet excellent comte- ne m'aime pas ; c'est évident. Je crois môme qu'il me déteste cordialement, bien qu'il ne m'en fasse rien voir; mais il est naturellement d'humeur trop pacifique et trop inoffensive pour entreprendre ouvertement contre moi quoi que ce soit d'hostile. En eùt-il la velléité,qu'il me suffirait, pour le ramener dans mes eaux, de le cajoler quelque peu, comme, par exemple, de le prendre bras dessus bras dessous. Il n'est pas homme non plus à me jouer traîtreusement de mauvais tours. Ces alures-là ne lui vont pas. C'est tout au plus s'il aura assez d'énergie pour me bouder et me témoigner un certain degré de froideur. Il ne devrait pourtant pas m'en vouloir ; car, enfin, si je l'ai fait descendre, au moins l'ai-je empêché de dégringoler tout à fait. Après cela, je comprends à merveille qu'il ne me porte pas dans son cœur. Il a pu croire que je ne le traitais pas en bon collègue, et que j'avais agt en vrai sournois à son égard. Qu'il en croie ce qu'il lui plaira, cela m'est parfaitement égal. Ce qui m importe c'est qu'il se résigne philosophiquement à sa nouvelle position et ne me fasse pas obstacle. Or, il y a tout à parier qu'à moins que le diable ne s'en môle et ne le fasse sor-

tir de son caractère en lui mettant. le leu sous le ventre, il restera coi, et ne songera pas le moins du monde à me chercher noise. En voilà donc encore un qui ne saurait sérieusement me porter ombrage. Et de deux.

Restent l'amiral et peut-être aussi l'intendant, qui m'ont tout l'air de n'être pas de mes amis, et qui pourront bien me faire un mauvais parti dans le conseil, si je ne parviens à les amadouer. On les dit tous deux fort irrités de la déchéance que je leur ai fait subir. Le fait est qu'il y a de quoi, et qu'à leur place, j'aurais bien de la peine à me montrer satisfait. Mais je me ferai si bon enfant avec eux, je leur ferai si bien ma cour, je les comblerai de tant de prévenances et de politesses, que je ne désespère pas de me les réconcilier l'un et l'autre. Avec l'intendant, ce sera. ie

pense, chose assez facile, car il est bon prince et n'a pas de rancune; c'est encore une de ces natures malléablesqui ne savent pas résister à l'étreinte d'une affectueuse poignée de main. Le marin sera sans doute moins accommodant ; il me regardera plus longtemps de travers et me lâchera par-ci par-là quelques bordées; mais on ferapolker ces dames, on se rendra agréable auprès d'elles, cl tôt ou tard on finira par devenir le meilleur ami de la maison. Et puis, au pis aller, si ces messieurs tiennent rigueur et font par trop les mëchans, eh 1 bien, on intriguera pour leur faire aller respirer l'air natal, comme sa majesté [ Bugeaud Ier et compagnie.

Ma foi, tout bien considéré, c'est bien à tort que je me