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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-09-06

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 06 septembre 1845

Description : 1845/09/06 (A2,N75)-1845/09/12.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366478s

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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Paris, 6 Septembre.

Une nouvelle ère ae prépare pour l'Algérie.

L'ordonnance royale du 24 août dernier, qui investit M. le lieutenant général de Lamoricière du gouvernement de l'Algérie, est un grave événement pour ce pays. A une ère de violence et d'arbitraire, à un régime de bon plaisir et de compression, va succéder une ère d'organisation et de progrès. Nous en avons pour garant la récente manifestation du nouveau gouverneur généra!. Celte manifestation, qui est une véritable profession de foi, accueillie avec faveur par l'opinion publique, appréciée par le ministère, a été, nous pouvons l'allirmcr, le motif déterminant du choix qui a placé son auteur à la tête du gouvernement de l'Algérie.

La reconnaissance de deux grandes vérités est proclamée par M. le lieutenant-général de Lamoricière : la première, c'est que la population indigène est clairsemée sur le sol ; la deuxième, c'est que les impôts qu'elle nous paiera, les revenus directs qu elle nous procurera, n'auront jamais une grande importance.

En effet, le général, évaluant, d'après les statistiques faites par lui, le chiffre de la population dans le Tell et le Sahara algérien de la province d'Oran, c'est-à-dire 7,200 lieues carrées, le porte pour le Tell à 276,000, et pour le Sahara à 104,000, c'est-à-dire à un total, pour la province d'Oran (Tell et Sahara), de 380,000.

Or, ce chiffre, triplé pour les trois provinces de l'Algérie, donne, pour le pays entier(Tell et Sahara, ou environ 21,600 lieues carrées), le chiffre total de 1,140,000 (un million cent quarante mille âmes), évaluation qui ne diffère que de 140,000 de celle de M. le capitaine de Prébois, dans son ouvrage: Les départemens algériens.

Puis, le général, passant à l'évaluation de l'impôt arabe, dit qu'en 1844, dans la province d'Oran, il ne s'est élevé qu'à la faible somme de 800,000 fr.; mais qu'en 1845 on pourrait espérer le double de cette somme, c'est-à-dire 1,600,000 fr.

Ce chiffre porte le revenu total de l'impôt arabe pour toute l'Algérie à 5 millions environ.

La reconnaissance de ces deux importantes vérités, qui réduisent la guerre en Algérie à une surveillance armée, et qui mettent à peu près à néant les espérances fabuleuses de M. le maréchal Bugeaud, relativement à l'impôt arabe, est non-seulement une répudiation manifeste du système de M. le maréchal Bugeaud, mais un engagement réel d'entrer dans une nouvelle voie.

M. le lieutenant-général de Lamoricière s'exprime ainsi: « La terre que nous avons conquise est inculte, » malgré son admirable fertilité, parce que l'homme » n'y a point accumulé de capitaux par son travail.

n Vaincue, soumise, payant l'impôt, la population » africaine ne peut fournir à l'entretien de l'armée;

» mais heureusement, ainsi que nous l'avons dil, elle » est clairsemée sur la terre, et il résulte des docu- 1

n mens statistiques les mieux discutés, que le Tell al» gérien, en le supposant cultivé comme la France, » pourrait nourrir une population cinq ou six fois plus » considérable que celle qu'il possède aujourd'hui.

» Ce fait généralement établi permet d'espérer une » solution à la question financière qui fait l'objet de » cette note. Cette solution ne peut se trouver que » dans l'établissement, sur le sol africain, d'une populan tion européenne active, laborieuse, sachant tirer de la M terre ce qu'elle peut produire, capable d'imposer aux » indigènes par sa masse et de payer l'armée qui doit » défendre le drapeau de la France au milieu des ran ces musulmanes, que l'habitude du désordre a de» puis si longtemps plongées dans la barbarie. »

Voilà la question telle que nous la prêchons depuis plus d'un an, telle que l'a présentée M. le capitaine de Prébois, dans ses Départemens algériens, et telle que l'a comprise également M. le lieuLenant-général de Lamoricière.

Pense-t-on que l'ordonnance du 24 août, qui investit ce général du gouvernement de l'Algérie, n'ait pas aujourd'hui une grande signification et qu'après lui avoir confié le. commencement de cette œuvre importante, il soit possible de la remettre entre les mains de l'homme qui, contraire à la colonisation, en repoussant les grands concessionnaires et par conséquent les capitaux qui se dévouaient à l'agriculture, ne se complaisait que dans la compression violente du pays.

La modification apportée au gouvernement de l'Algérie par l'ordonnance du 24 août n'est point uneœuvre impromptue, ce n'est point pour satisfaire aux exigences du commandement que M. le maréchal Bugeaud a été remplacé en vertu de cette ordonnance.

Cette modification était pressentie par l'ordonnance du 21 juillet, qui arrachait à M. le maréchal Bugeaud le droit de repousser les grands concessionnaires et de s'opposer à la colonisation. Le ministère avait apprécié cette pensée du manifeste de M. le général de Lamoricière:

« Que nous manque-t-il en Afrique? Les capitaux né» cessaires aux travaux de première installation. Nous » avons vu beaucoup de familles venues à leurs frais, » ou transportées par les soins du gouvernement, qui » avaient à leur disposition les avances nécessaires » pour entrer comme fermiers ou métayers dans une » exploitation fondée par un propriétaire, et qui, ne » pouvant entreprendre elles-mêmes un travail au» dessus de leurs forces et de leurs ressources, sont » tombées dans la misère, et sont allées redire à la » France que le laboureur ne pouvait encore trouver à w vivre en Algérie. »

C'est après avoir constaté cette vérité, qui condamne le mode de colonisation civile adopté jusqu'à présent, que le général propose de grandes concessions à de grands capitalistes; il rappelle avec bonheur ce qui s'est passé en Bretagne : « Le propriétaire du sol four» nissait les capitaux pour les grands travaux; il éle» vait les bàtimens, creusait les puits, faisait tout ou

» partie des clotures; une lois, suivant l'expression du » pays, qu'on avait fondé un lieu, le colon, fermier ou » métayer, auquel on donnait d'ordinaire en cheptel » le grain pour ses semences et une partie des animaux » et inslrumens de labour, venait l'habiter avec son » modeste capital, qui consistait en général en bes-

» tiaux et engins aratoires à ajouter à ceux que le » propriétaire lui avait fournis, en menu bétail et en » grains, pour vivre avec [sa famille en attendant la » récolte.

» Les possesseurs des terres à défricher étaient en » général ou de riches propriétaires riverains qui vou» laient trouver un placement pour leurs avances, ou » des capitalistes acquéreurs qui voulaient faire des » spéculations. »

Ainsi donc, il demeure clairement prouvé que l'ordonnance du 21 juillet sur les concessions est une consécration de ces principes, et que la nomination de M. de Lamoricière en remplacement du maréchal Bugeaud est une manifestation gouvernemental.

Au reste, tout ce qui s est passé est facile à comprendre. Le svstème de M. le général de Lamoricière

se fonde sur l'établissement du crédit en Algérie, et sur la colonisation par les capitaux privés, par l'industrie,

afin d'arriver successivement à dégrever la métropole en créant la richesse en Algérie; le système du maréchal Bugeaud était basé sur un accroissement incessant des charges de la métropole, sur l'éloignement des capitalistes, sur une colonisation militaire ruineuse, sur la destruction du crédit en Algérie.

M. le général de Lamoricière peut se reposer sur sa gloire militaire; il l'a acquise par quinze ans de travaux, alors que le chiffre de l'armée était assez restreint pour qu'on dût suppléer au nombre par l'activité; il peut donc se livrer avec ardeur à acquérir une autre gloire plus solide et plus durable que celle des armes, la gloire d'organiser et de féconder un grand empire.

M. Bugeaud, avant son arrivée en Afrique, n'avaitqu'une carrière militaire obscure ; il a cru qu'il fallait s'immortaliser par la guerre : a-t-il réussi:' L'histoire le jugera.

Il n'est pas dans notre pensée de nous acharner après les vaincus.

Le règne de M. le maréchal Bugeaud est fini, le désordre a cessé, nous acceptons M. le général de Lamoricière avec joie; sa vive intelligence le mettra à même de voir ce qui manque à son manifeste pour faire naître la confiance des capitalistes, savoir : le règne de la loi et l'action d'une administration en tout semblable h celle de la métropole, c'est-à-dire à celle qui a fait naitre le progrès que M. de Lamoricière a constaté en Bretagne.

Le ministère a accepté la mission du progrès ; nous lui en rendons grâces. Qu'il persévère dans cette voie, et, au lieu de le poursuivre de notre opposition, ce qui nous est toujours pénible, nous serons heureux de lui rendre la justice qu'il saura mériter,et de l'aider autant qu'il dépendra de nous à accomplir sa noble tache.

Atteinte aux prérogatives tien chambres.

M. le rapporteur du budget de 1846, s'exprimant au nom de tous les membres de la commission, au sujet des emplois créés et distribués par le ministère de la guerre, à l'occasion de l'ordonnance du 15 avril, a dit, dans son travail, qu'ils éprouvaient tous un sincère regret de la résolution anticipée de l'administration de la guerre, de procéder à la plupart des nominations aux fonctions nouvelles que nécessite la réorganisation des services civils de l'Algérie, avant que les chambres n'aient consacré, par leur vote, la création des emplois et leur rétribution.

On lit plus loin, dans le rapport de l'honorable M.

Bignon, a propos de la réorganisation de la justice, ces phrases encore plus explicites : « Il nous est impossible de passer sous silence cette » nouvelle atteinte portée à la liberté du vote des cham» bres. Une ordonnance du 30 décembre 1844 a réorn ganisé l'administration de la justice ; les nomina» lions ont été faites immédiatement, et les dépenses » commencées avant le vote des crédits. Nous ne sau» rions trop nous élever contre cette manière d'agir ; » c'est, en quelque sorte, méconnaître le droit des

» chambres ; car c'est, nous le répétons, gêner leur liât berté. Nous aimons à penser que ces recommanda» tions, si souvent rappelées, seront enfin entendues. »

Vain espoir ! Nous apprenons que, pour servir les intérêts compromettans de M. Blondel, la direction des affaires de l'Algérie vient de porter une nouvelle atteinte à la liberté du vote des chambres. Voici le fait : Les chambres, dans la dernière session, ont voté pour l'exercice 1846 les fonds nécessaires à l'existence d'un directeur général des affaires civiles; mais croyant sans doute, avec le ministre qui ne demandait pas d'autres allocations, que ce directeur travaillerait à l'aide des bureaux des directions de l'intérieur et des finances, elles n'ont pas voté un centime pour la création de nouveaux emplois. Il n'a été

question de cette dépense ni dans le rapport de M. Bignon, ni dans la discussion du budget.

Néanmoins, comme il faut à M. Blondel tout un état major d'employés, toute une bureaucratie intime et dévouée, il n'a pas eu de peine à endoctriner son ami M. Vauchclle, lequel s'est bien gardé de rappeler au ministre les recommandations de la commission du budget de 1846.

On a donc donné à M. Blondel ce qu'il voulait, quatre gros bureaux, avec chefs et sous chefs, rédacteur et commis de toutes les classes, attributions très-pompeuses. Les titulaires sont nommés, et ça été une occasion, nous n'en doutons pas, de faire du bien à des hommes complaisans.

C'est par des prélevemens sur la caisse coloniale, au détriment des travaux les plus utiles et les plus urgens, que l'on fera vivre jusqu'au 31 décembre ces nouvelles bouches, dont quelques-unes sont sans doute très-affamées. Cette malheureuse caisse, qui a alimenté depuis quinze ans tant de turpitudes et d'inutilités, pouvait bien, sans se compromettre, favoriser l'enfantement d'un nouveau méfait !

Mais pour 1846, quant la caisse coloniale ne sera plus qu'une petite caisse municipale, comment alimenter ces bureaux ? où trouvera-t-on les 100 à 150,000 francs qu'ils sont destinés à absorber chaque année? Il faudra bien les demander aux chambres.

Comment s'accommoderont-ellcs de cette nouvelle atteinte portée à la liberté de leur vote ? Quant à nous, il nous parait impossible qu'elles subissent complaisamment ce dernier et grossier affront.

Sage lenteur de l'administration elvlle en Algérie.

On se demande souvent en France pourquoi la colonisation de l'Algérie avance aussi lentement, et s'il est vrai que le sol de notre conquête soit fécond. Assurément, ce n'est point de la qualité du sol que viennent les mécomptes, mais la colonisation est une œuvre complexe à laquelle doivent concourir pour une bonne part les institutions.

Or, il ne parait pas que le gouvernement militaire soit très-propre à cette œuvre; on a bien voulu s'en apercevoir, et l'on a adjoint à ce gouvernement une sorte de gouvernement civil inventé par le gouvernement militaire lui-même.

L'invention n'est pas heureuse; il y a peut être aus- si un peu de la faute des hauts fonctionnaires civils; ce qui est certain, c'est que tout semble calculé pour rehausser le gouvernement militaire par l'abaisse.ment du gouvernement civil.

En effet, ce que celui-ci montre de plus remarquable, c'est UNE SAGE LENTEUR. Il est bon d'appuyer cette assertion d'un exemple; en voici un : Un colon nommé Elia s'était fixé à Douéra, où il avait construit sur un terrain concédé par l'administration deux maisons. Il faisait en outre valoir une petite ferme dont le sol lui avait été également concédé. Mais, entrainé au-delà de ses moyens par les dépenses de bàtisse et de défrichement, le sieur Elia se trouva si vivement pressé par ses créanciers, qu'il résolul de re-

noncer à son entreprise, et de vendre ses maisons et sa ferme.

A cette fin, il avait besoin d'une autorisation spéciale de l'administration; il l'obtint le 12 novembre 1844, et peu de jours après un acheteur se présenta, qui offrit 14,000 fr.

L'acte de vente fut passé d'après le cahier des charges de la concession déposé chez M. le commissaire civil de Douéra, puis il fut déposé chez ce fonctionnaire. 6,000 fr. devaient être réservés pour les créanciers du vendeur; 6,000 fr. étaient mis à sa disposition, et 2,000 fr. devaient être payés cinq ans après.

11 sembleraitqu'à ce moment tout se dût trouver consommé. Il en seraitainsi dans tous les pays du monde; mais il en - est un - où nous voulons fonder un vaste em-

pire, et là, rien ne doit se faire comme ailleurs. Les papiers relatifs à cette affaire furent envoyés par M. le commissaire civil à la direction de l'intérieur, a Alger, pour être revêtus, nous croyons, d'une signature; depuis ce temps, et c'était le 2 janvier 1845, ces papiers n'ont pu revoir le jour, la propriété de Douéra n'a plus de maître et se perd. Le pauvre Elia, poursuivi par ses créanciers, réduit à la dernière misère, est allé cent fois supplier MM. de l'intérieur de lui restituer ses papiers.

L'autorité - militaire elle-même s'est émue à ses larmes, et des démarches ollicieuses ont été faites : peine perdue, on n'a jamais pu obtenir que des paroles évasives, des renvois d'un bureau à l'autre, et des promesses pour le lendemain.

En attendant, 1 acheteur se retire, sous prétexte, sans doute, qu'il n'a pu entrer en jouissance au temps convenu, et tout se trouve remis en question; on nous annonce que les tribunaux vont enfin intervenir.

Voilà un fait, et malheureusement il n'est pas isolé; tous les jours on nous en raconte qui sont pires, et que les colons flétrissent du nom de spoliation. Nous voulons croire que cette qualification est outrée; mais n'est-il pas vrai qu'un desmalheurs d'un gouvernement arbitraire est d'autoriser les plus fâcheuses suspicions, et que, pour échapper à ce danger, pour obtenir les immenses bienfaits de la confiance, il n'est pas de moyen plus sûr que la proclamation en Algérie de nos lois françaises, de nos institutions qui sont connues et éprouvées, et qui, à tout prendre, valent bien celles

que l'on peut inventer dans les bureaux de la guerre ?

Rien n'empêche, au surplus, de leur faire subir momentanément les modifications que les circonstances et les lieux peuvent exiger ; mais que du moins leurs principes soient consacrés, et le soient au plus tôt,

Offices d'agoni de change à créer en Afrique.

Le mouvement commercial d'Alger a pris un développement tel, que cette place pourrait être classée en Europe parmi celles de second ordre.

Il semblerait donc assez convenable de ne pas priver plus longtemps le commerce d'Alger des institutions qui ont paru nécessaires en Europe ; nous avons plus d'une fois essayé de stimuler l'indifférence du pouvoir à cet égard; nous avons réussi ou échoué, selon la nature de nos demandes. Lorsqu'une réforme a pu se faire sans déranger les convenances personnelles de certains fonctionnaires, nous l'avons obtenue ; mais, si par malheur nous ne pouvions éviter de loucher à ces précieuses convenances, nous étions repoussés.

Tel a été notre sort, lorsque nous avons réclamé l'application du droit commun à la formation du tribunal de commerce; ceci, cependant, avait bien son bon

côté, c'était d'ailleurs un vœu général fort légitime assurément ; mais il est agréable de pouvoir se faire des amis reconnaissans parmi les notables du lieu, et la distribution des grades, emplois et dignités est quelquefois un moyen efficace : il est bon de le conserver, et c'est ce que l'on fait.

Nous pouvons toutefois affirmer qu'en cette circons- tance les espérances du pouvoir se trouvent déçues; car, parmi les membres qui composent le tribunal de commerce, il en est peu qui, forts de leur mérite, n'aimassent mieux devoir leur élévation au vote de leurs concitoyens qu'aux bontés d'un fonctionnaire. Nous aurons du reste à revenir sur cette question ; mais aujourd'hui nous voulons seulement appeler l'attention du pouvoir sur les dommages que cause tous les jours au commerce d'Alger, au petit commerce surtout, l'absence de tout agent de change. Par exemple, les comptes de retour des effets impayés reviennent appuyés de deux signatures, choisies par le porteur des elTets, - et accordées souvent par complaisance. On

comprend aisément que ces comptes, qu'aucun agent responsable ne contrôle, n'ont pas toujours le parfum des vertus chrétiennes.

Il nous parait fort urgent de faire cesser un état de

choses qui, prolongé, pourrait donner certaines habitudes d'abus, et qui, d'ailleurs, cause tous les jours des dommages qui ne sont pas sans importance. La création des charges d'agent de change est le remède employé en France; nous le demandons pour l'Algérie, sauf à demander plus tard, s'il est besoin, que ces agens eux-mêmes soient à leur tour soumis à un contrôle.

Des attributions des maires en Afrique.

Dans un article de notre numéro du 26 juillet, touchant les fonctions de maire en Algérie, nous avons dit que les maires des principales villes du littoral n'avaient dans leurs attributions que la tenue des registres de l'état civil et la surveillance du dispensaire, ce qui constituait des sinécures que l'on croit devoir cependant rétribuer assez largement, et à ce propos nous avons dit que le maire d'Alger touchait 8,000 fr.

Nous devons rectifier ce chiffre : nous aurions dû dire 6,000 fr. et 800 fr. de frais de bureau ; mais ce n'est point à cause d'une rétribution plus ou moins forte que nous élevons des plainles, c'est parce que ces ré-

tributions ne sont pas accompagees des services qu elles font supposer.

Nous devons ici expliquer notre pensée, et dire que ce n'est point aux titulaires de ces emplois, et moins encore à M. le maire d'Alger, que nous adressons ces reproches, mais à t'autorité supérieure, cette autorité qui, craignant de se départir d'une portion de son pouvoir, dont elle fait, du reste, unsipauvreusage, maintient dans la nullité des hommes honorables qui mettraient avec ardeur au service du pays de la capacité et du dévoûment.

Nous savons, en effet, que M. le maire d'Alger particulièrement réclame, depuis le jour de son installation, des attributions étendues et sérieuses; la promesse lui en a été faite de bonne heure par ceux-là même de qui tout dépend, et cette promesse n'est pas tenue.

Eh bien! quand on se montre aussi jaloux de garder pour soi l'cxercice de l'autorité, on doit, ce semble, prouver qu'on administre mieux que ne le pourraient faire ceux que l'on tient à l'écart. Tout le monde peut voir ce qu'il en est.

De l'esclavage en Algérie.

Les journaux algériens sont remplis depuis quelque temps de faits relatifs au hideux trafic de l'esclavage, et sont, nous le disons à leur louange, unanimes à le blâmer.

Comment se fait-il que de pareilles scènes, qui constituent un outrage publique à notre religion, à nos lois. à nos mœurs, puissent se répéter ainsi dans des

villes françaises, en face de magistrats français?

Est-ce parce que M. le gouverneur-général s'est fait le défenseur officiel de l'esclavage dans sa lettre à M.

le duc de Montmorency, que les fonctionnaires publics de l'Algérie restent désarmés devant des infamies auxquelles le plus vulgaire sentiment de leurs devoirs leur commanderait de mettre un terme?

Déjà la presse de Paris s'est élevée contre ce monstrueux commerce qui fait de la chair humaine, de cette chair créée à l'image de Dieu, une marchandise ayant cours sur la place et cotée entre le prix de Fane et du porc; et nous espérons bien qu'à la session prochaine il sera demandé au ministère, dans les deux Chambres, un compte sévère des scandaleux marchés qui se sont passés sous la protection de ses agens.

MM. Isambert et de - Gasparin, qui se sont exprimés si

noblement sur l'esclavage dans la session qui vient de finir, trouveront dans les faits qui vont suivre de quoi exercer leurs généreuses paroles.

Tandis que notre marine s'unit à celle de l'Angleterre pour empêcher la traite des esclaves sur des rivages lointains, il serait inouï que cette traite pût se pratiquer librement sur une terre française, sous la protection de fonctionnaires français, à notre porte et sous nos yeux.

Voici ce qu'on lit dans le journal de Blidah, l'Echo de VAtlas : Deux journaux d'Alger, le Courrier d'Afrique et la France algérienne, parlent de la vente publique d'une négresse et de son enfant, vente faite sur la place royale, au milieu d'un nombreux rassemblement. La mère et l'enfant ont été achetés par une fille publique mauresque. L'esclave a vainement tait un appel à nos lois françaises; elle a été conduite à la prison du cadi. Nous joignons nos vœux à ceux exprimés par nos collègues, et désirons ardemment comme eux de voir au plus tôt cesser ces actes de monstruosité.

L\4khbar, dans son numéro du 10, annonce que, dans la circonstance, il ne s'est pas agi d'une vente, mais d'un droit à revendiquer de la part de la propriétaire. Il paraîtrait, d'après cette feuille, qui blamc, au reste, ce vice de la loi musulmane dans une ville toute française, que la négresse maltraitréc se serait sauvée avec son enfant, et que sa maîtresse aurait usé de toute son autorité pour reprendre son bien.

De toutes les manières le fait est peu édifiant; il faut convenir qu'il est même scandaleux, Ce trafic de chair humaine, cette exploitation d'hommes par l'homme, cette exploitation d'esclaves mis à l'encan, ce négoce honteux, vil et dégradant a lieu souvent dans nlidah. Le 8 de ce mois, dans l'après-midi, nous avons vu vendre une négresse au prix de 300 francs. Elle faisait partie d'un troupeau de 42 qui, la veille, avaient etc déposées près du Bois-des-Oliviers et gardées à vue par six de ces honorables négocians en guenilles qui se rendent cou-

pables de lesc-humanite. Mlles ont disparu le matin pour être conduites on ne sait Oll. Ces actions révoltent.

Que des faits de ce genre se passent loin de nous; puisqu'ainsi l'a voulu Mohammed et son prophète, nous le concevons : notre cœur eu souffrira et nous nous contenterons de gémir sur l'ignorance crasse de ces sauvages qui se croient en droit d'être cruel. Que si de semblables actions ont lieu sous nos yeux, si l'on fait surtout étalage de marchandise humaine à vendre, il serait honteux de le supporter. Cela ne se peut, car ce serait par trop laisser insulter aux mœurs et aux principes d'humanité.

Qu'à Icllili, qu'à Timbektou cette mise aux enchères rende lucratif ce commerce par la publicité et la concurrence, soit; nous ne sommes pas les témoins de ces actes de barbarie, et nous ne pouvons rien sur les habitans de ces contrées. Dans les villes devenues françaises, une semblable conduite ne saurait être tolérée ; elle est opposée à