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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-07-26

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 26 juillet 1845

Description : 1845/07/26 (A2,N66)-1845/08/02.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k63664729

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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Paris, 26 Juillet.

Le titre 4 de l'ordonnance du 15 avril contient diverses dispositions relatives aux fonctionsde maire dans les localités soumises au régime civil. En voici le ré-

sume :

Dans chaque province, il y a un maire et des adjoints par chaque centre de population constitué en commune. Les maires des communes chefs-lieux d'arrondissement sont nommés par le ministre de la guerre, ceux des autres communes et les adjoints, par le gouverneur général. Les fonctions de maire et -d'adjoint sont gratuites; les maires n'ont droit qu'à

des frais de bureau; mais ils peuvent recevoir une indemnité à titre de frais de représentation. tts remplissent les fonctions d'officier de l'état civil et d'officiers de police judiciaire; ils sont, pour leur commune, les délégués et agens directs de l'administration, à l'effet d'assurer l'exécution de toutes les dispositions relatives à l'ordre et à la sécurité publics, à la salubrité, au nettoiement et à l'éclairage des villes, à la

viabilité de la voie publique, a la police locale et municipale. Leur conseil se compose de leurs adjoints, qu'ils consultent quand bon leur semble, mais dont ils ne sont pas tenus de suivre l'avis.

A voir ces dispositions éditées, pour la première fois, sous forme d'ordonnance royale, on pourrait croire qoelles gratifient l'Algérie d'une institution nouvelle.

Il n'en est rien ; elles ne font que consacrer ce qui existe dans la plupart des centres de population éta-

blis sur le territoire civil. - - On sait que, depuis longtemps, les principales villes du littoral, Alger, Bône et Oran, sont en possession de mairies. Plus lard, et successivement, d'autres villes et les villages en ont été également pourvus. Mais il y avait, entre ces mairies de nouvelle création et celles d'Alger, Bône et Oran, dont l'institution remonte à une époque déjà ancienne, des différences qu'il importe de

noter.

A Alger, Bône et Oran, les maires et adjoints étaient rétribués. Le maire d'Alger, notamment, recevait un traitement de 8,0( 0 fr., en outre des frais de bureau et de l'avantage du logement gratuit. Dans cette dernière ville, comme dans les deux autres, les mairies n'étaient, à proprement parler, que des bureaux d'état civil. Elles n'avaient à s'occuper ni de l'exécution des mesures ayant pour objet d'assurer l'ordre et la

sécurité publics, ni de la salubrité, ni du nettoiement, ni de l'éclairage, ni de la voie publique, ni de la police locale et municipale. La direction de l'intérieur à Alger, et les sous-directions de l'intérieur à Bôue et Oran, s'étaient réservé l'exercice direct de toutes ces attributions. Elles ne laissaient aux maires et adjoints que les fonctions d'ofiieiers de l'état civil, lesquelles étaient, de fait, remplies par leurs secrétaires, et, de plus, la surveillance des hôpitaux et dispensaires ; c'est assez dire que ces fonctions étaient purement et simplement des sinécures assez confortablement appointées. - -

Dans les autres localités, au contraire, les titulaires de mairies n'étaient pas rétribués, ou, du moins, ne recevaient aucun traitement fixe; mais, en revanche, ils avaient plus à faire que leurs collègues des chefslieux; car on leur déléguait les diverses attributions qui leur appartiendront de droit désormais, aux termes de l'ordonnance du 15 avril.

Du reste, il va sans dire que tous les maires de l'Algérie, tant anciens que nouveaux, tant gratuits que salariés n'étaient que des agens de l'administration, et

ne pouvaient être assimilés que sous cet unique rappoit aux maires des communes de France. La colonie n'ayant rien encore qui ressemble à l'organisation communale de la métropole, ses maires étaient nécessairement dépourvus du caractère et des fonctions d'officier municipal.

Les choses resteront ainsi, comme de raison, sous l'empire des dispositions organiques qui résultent du titre 4 de l'ordonnance du 15 avril. De même que ci-

devant, chaque ville ou village aura, non pas un magistrat municipal représentant la commune et stipulant pour elle. mais, sous le titre de maire, un agent de l'autorité publique, spécialement chargé de la tenue des actes de l'état civil, de la police judiciaire et administrative, et de l'exécution des mesures ordonnées par l'administration supérieure.

Comme on le voit, ce n'est ni plus ni moins que ce qui existe aujourd'hui dans les localités du territoire civil autres qu'Alger, Bône et Oran.

Quant aux mairies de- ces trois dernières villes, seront-elles reconstituées suivant la règle commune établie par l'ordonnance ? Les titulaires de ces mairies perdront-ils le traitement qu'ils recevaient? L'administration locale leur laissera-t-elle exercer les attributions qui leur sont conférées comme à tous autres il

Ce sont là des questions dont l'affirmative ne devrait pas soulever le moindre doute, en présence du texte de l'ordonnance, qui ne fait aucune distinction entre eux et leurs collègues des autres résidences. Nous ne voudrions pas répondre, cependant, que, nonobstant les dispositions générales elabsolues de cet acte législatif, on ne fera pas une exception en leur faveur pour les maintenir indéfiniment, sous prétexte de droit acquis, dans la jouissance des bénelices de leurs sinécures.

P.-S. Nous apprenons qu'il est question, au ministère de la guerre, de conserver, jusqu'à nouvel ordre, aux anciens titulaires rétribués des mairies d'Alger, Bône et Oran, les trailemens dont ils jouissent. Ces trailemens seraient maintenus à titre d'indemnité de représentation. Ainsi, le maire d'Alger continuerait à toucher 8,000 fr. a ce titre ; ce serait un peu fort!

Expulsion arbitraire de l'Algérie.

Nous signalons à toute la presse un de ces actes de violent arbitraire, si fréquens en Afrique, et si dignes d'éveiller l'indignation des hommes pour lesquels la liberté, le droit, la justice ne sont pas de vains mots.

M. Désirés, dont le nom a déjà été prononcé à l'occasion d'une scène fort vive qui eut lieu à Alger le 19 janvier dernier, entre lui et le colonel Pélissier, de triste memoii e, vient d'être expulsé de l'Algérie.

M. Ueslrcs, qui avait été provoqué et qui avait cédé à un mouvement d'irritation bien concevable en pareille circonstance, a expié sa vivacité pur trois mois et demi de prison, 150 fr. d'amende et le retrait de la place qu'il occupait comme secrétaire interprète du procureur général. Il y a plus ; à l'expiration de sa peine, M. Désirés a été illégalement retenu huit jours de plus en prison; c'est pendant ces huit jours que M.

le colonel Pélissier a quitté Alger pour aller prendre le commandement de la colonne expéditionnaire du Dahra.

Ce n'était cependant point encore assez; en Algérie il n'y a pas d'autres loi que les passions individuelles, et ces passions sont ordinairement implacables.

Il y a peu de jours, le 6 juillet, alors que le colonel Pélissier, qui est rentré à Alger le 11, était encore à Miliaitali, le procureur général a fait appeler M. Destrés el lui a déclaré que la volonlé du gouverneur général s'opposait à ce que lui, M. Désirés, restai plus longtemps en Algérie. « Mais si je me rendais à Bône, » a objecte bl. Destrés. « Bône est encore de l'Algérie, » lui a-t-il été répondu ; et force a été pour lui de quitter l'Algérie, sous peine d'être empoigné par les gendarmes el expulsé par la force.

M. Désirés a eu beau demander un ordre écrit, cet ordre lui a été refusé ; l'autorité a eu honte de ses actes, et n'a pas osé en prendre la responsabilité.

M. Désirés n'a que vingt-qualre ans ; il est depuis treize ans en Algérie, où il a su se faire aimer et eslimer de ses amis et de ses chefs; il n'y a que M. Pélissier, l'exécuteur du Dahra, qui lui ait voué une haine impérissable, et c'est à cause de cette haine qu'un jeune homme inlelligent, honnête et plein de zèle voit sa carrière brisée et sou avenir compromis.

Il est impossible que l'administration supérieure puisse bénévolement se rendre complice d'un acte dont la brutale violence retomberait définitivement sur lIe-même, Des actes récens ont prouvé qu'elle sayr 'l écouter la voix de l'équité, ce dont nous la félicitons de tout cœur.

M. Désirés ne demande que justice; on la lui doit; on la lui rendra.

Ru service médical.

Ainsi que nous l'avons conseillé depuis plusieurs mois, M. le ministre de la guerre a organisé récemment un service médical urbain et rural pour toutes les parties de l'Algérie administrées civilement.

Nous apprenons d'Alger que, par une décision en date du 13 juin, il a été pourvu à vingt-quatre des emplois créés par l'arrêté ministériel.

On nous annonce aussi que le ministre a décidé qu'il serait établi des ambulances et des pharmacies dans certaines localités.

On nous a cité le Fondouk comme devant être doté de ces deux utiles élablissemens.

Malheureusement, il en est de cette organisation comme de toutes celles qui ont eu lieu jusqu'à ce jour en Algérie; on n'a rien fait que d'incomplet et de tronqué.

Quelques choix ont porté sur des hommes capables, nous le reconnaissons volontiers, par exemple M. Foley, nommé médecin de la santé, jeune, instruit, laborieux, zélé, est digne, sous tous les rapports, des fonctions auxquelles il est appelé.

Mais peut-on dire la même chose de tous? Nous ne le pensons pas; il en est qui, par leur âge et leur aptitude, sont inhabiles de remplir les fonctions actives qui leur sont confiées; quelqu'honorable que soit le caractère de l'élu, l'administration ne doit pas sacritier à des considérations particulières les intérêts de toute

une population. -

D'autres auraient dû être frappés d'une incapacité absolue; ainsi M. Elœlt est nommé médecin du dispensaire. M. Ekelt remplira sans doute convenablement le poste qui lui et con lié; interne depuis plusieurs années à l'hôpital civil d'Alger, il y a fait ses preuves de zèle et de savoir; mais M. Ekelt est étranger. On se demande comment, dans un pays français et sous une administration française, il a pu être préféré aux candidats nationaux que l'administration avait

sous la main ; nous le déclarons sans hésiter, une pareille nomination est scandaleuse, et ne fait honneur ni au tact, ni au patriotisme de ceux qui en ont été les promoteurs.

Deux médecins étaient chargés de la constatation des décès à Alger. Il n'y aura plus qu'un seul médecin pour ce service. Celle suppression n'est pas heureuse.

Le trésor y gagne quelques centaines de francs, mais

ce service en souffrira sans aucun doute. Alger est trop peuplé, trop étendu aujourd'hui pour qu'un seul médecin sullise à la constatation des décès. Quelque convenance particulière, qu'on ne fait qu'entrevoir jusqu'à présent, a probablement encore dicté cette mesure.

Les appointemens des médecins du Saliel sont fixés à 1200fr. (1). CellesommeesllouU. l'ail insutnsante. Si l'on veut avoir dans le Sahel des médecins capables, actifs, dévoués, il faut leur faire une autre position, et ne pas les - traiter à l'égal du dernier employé de la dernière

administration. Leurs appointemens doivent ètre portés au moins à 2,400 fr. De plus, une concession doit leur être accordée, afin de les atlacherau pays et de les relier davantage à la population dont les intérêts hygiéniques leur sont confiés.

- Le personnel médical de l'hôpital civil et du dispensaire n'est pas augmenté; c'est-à-dire qu'il reste insuffisant.

Voilà ce qu'on appelle une réorganisation médicale.

Voilà l'œuvre d'une année de méditations et d'étude

(1) Plus 500 fr. pour frais de chevaux.

de la part de l'administration locale d'Alger et de l'administration supérieure de Paris!

Il n'y a certes pas là matière à félicitations.

Re l'esclavage en Algérie.

Nous avons, dans un de nos précédons numéros, donné des renseinemens sur l'esclavage en Algérie, et nous avons insisté sur la nécessité de prendre des mesures pour l'extirper de cette terre à jamais française. Il y a en Algérie beaucoup plus d'esclaves qu'on ne le croit généralement. Leur nombre s'élevait à 1,277, au 31 décembre 1843, dans le ressort microscopique de l'administration civile; mais dans tout le reste du pays on en

coinple au moins dix mille.

L'attention de la chambre et du pays a été appelée sur ce fait, dans une récente discussion sur le régime des nègres des colonies, par deux honorables députés, MAL de Gasparin et Isambert. Nous nous laissons un devoir et un plaisir de reproduire leur gêné-3 reuses paroles:

M. AGÉOR DE GASPAIUX. - (c S'il est un principe consacré par notre ancienne législation, c'est la libération de plein droit des esclaves touchant le sol français. Sur ce point là encore, je crains que nous n'ayons l'eculè.

» Il faut négocier pour obtenir la liberté des anciens esclaves qui ont touché le sol de la France, tandis que leur libération pouvait s'accomplir de plein droit par le seul fait de leur arrivée sur le territoire.

Bien plus, voici ce qui s'est passé l'année dernière : des esclaves ont comparu comme csctaves devant un tribunal français, à Draguignan. C'étaient des esclaves appartenant à des Arabes; mais je ne sais pas distinguer, etje croyais que l'ancien principe : La terre française affranchit, s'appliquait à tous les esclaves. (C'est'évident!) Je le crois encore. Ces esclaves ont comparu comme témoins devant une cour française, à Draguignan; ils ont été traités, sans que personne ait relevé de telles paroles, de vils esclaves, de choses, d'animaux achetés au mar-

ché ; et ces choses, ces animaux achetés au m a relui, ces esclaves sont sortis esclaves de l'enceinte de la cour, ont traversé esclaves la terre de France, sont sortis esclaves, et sont encore esclaves à l'heure qu'il est. (Sensation.) (1 )

» Ne laissons pas perdre cette belle maxime de noire droit; et, si nous ne faisons pas de grandes choses pour l'avcuir, maintenons au moins ce qui l'était dans le passé. (Très bien!) Les nations qui se respectent font toutes cela. L'Angleterre maintient avec une louable rigueur le droit d'affranchissement attaché à son sol, et dernièrement, un navire turc chargé d'esclaves ayant touché les eaux anglaises à Zante, tous les esclaves ont été déclarés libres de plein droit.

» La Grèce, elle aussi, a soin d'inscrire en tête de sa constitution : Tout esclave qui touchera le sol de la Grèce sera libre.

» Seuls renonccrions-nous à ce glorieux privilège du sol natal? La chambre me pardonnera de m'être écarté du projet en commençant cette discussion ; j'ai cru que la question de principe devait trouver place dans le débat, et qu'on ne pouvait rien perdre à l'agrandir. (Oui ! Oui 1) » (Moniteur universel du 31 mai, séance du 30 mai. )

M. DE G,\SP,\RIN.-« L'esclavage existe en Algérie, l'esclavage et la traite. Malheureusement, la preuve en est facile, et puisque l'on conteste, je vais la donner.

» L'esclavage existe en AlgérlC, et cependant l'affranchissement y serait plus aisé qu'ailleurs. En effet, Je nombre des esclaves y est fort peu élevé ; d'après le relevé récent du Moniteur algérien, il n'y aurait pas plus de 1,200 esclaves dans toute l'Algérie (2).

» Assurément la difficulté ne serait pas grande si l'on

(1) M. Dupin, dans la récente discussion du budget, a cherché à dôlruire reflet de cette noble proieslalion en déclarant que les léinoins donl il s'agit avaient été entendus « comme personnes libres, sous la foi du serment, et que leur déposition tenait le mCine rang que celle des serviteurs à nages (rançais. »

Pour toute l'éllone, nous nous bornerons à demander ce que sont aujourd'hui ces témoins.

Sont-ils libres ou esdal'es?

S'ils sont esclaves, l'argumentation de M. de Gasparin subsiste dans toute sa force : le vieux el rnagnifitlllC principe, la terre française affranchit, a été violé en leurs personnes.

t2) Ce chiffre ne se rapporte qu'aux esclaves dans le ressort de l'administration civile. Il y en a plus de 10,000 dans l'Algérie administrée militairemcnt. 1 (NoIe dit rédacleur.)

FEUILLETON DU JOUltML L'AFRIQUE. - 26 JUILLET.

M. Blondel n'est pas encore de retour en Algérie, cepeudant, nous le gagerions, bien que supposée, la conversation suivante aura lieu dans les mêmestermes, ou à peu de choses près.

Une entrevue entre 11* le maréchal Bugeaud et te nouveau directeur général des affaires civiles, M. Blondel.

(Pour faire suite à la scène d'intérieur du ministère de la guerre.) La scène se passe dans le cabinet du gouverneur. Le maréchal est assis à son bureau, s'occupant de ta rédaction d'un article de journal. AI. Blondel ut introduit et s'avance d'un air souriant.

Le maréchal (toujours à son bureau et continuant son travail). Ah! vous voilà, monsieur le directeur général; prenez un siège et asseyez-vous-là, en face de moi; dans un instant, je suis à vous. Permettez que j'achève ces quelques phrases. Ce sera bientôt fait. -

M. Blondel. Je vous dérange, peut-être, monsieur le maréchal. Je reviendrai dans un autre moment si vous le désirez?

Le maréchal. Non ! non ! restez, je suis bien aise de vous voir. Tenez, voilà qui est lini. Nous verrons bien s'ils auront réplique à cela, ces insensés journalistes, (il pose sa plume et range ses papiers.) A nous deux maintenant, monsieur le directeur général. Vous êtes arrivé cette nuit ?

M. Blondel. Oui, monsieur le maréchal, et je m'empresse de venir vous présenter mes humbles respects.

Le maréchal.-Je ne vous demande pas des nouvelles de votre santé, qui me parait bonne, ni de votre femme et de vos cnfnns, puisque vous n'en avez pas. J'entre donc tout de suite en matière. Vous venez vous faire installer, n'estce pas, en votre nouvelle qualité?

M. Blondel.-Quand il vous plaira, monsieur le maréchal ;

je suis à vos ordres. -

Le maréchal. - Je vous installerai, puisqu'ainsi le veut le gouvernement. Mais je ne vous cache pas.

M. Blondel (bas à lui-même). Allons ! le voilà qui va me chanter encore ses calembredaines d'autrefois. Que le diable l'emporte!

Le maréchal.–Je ne vous cache pas que je regrette d'avoir donné les mains à votre ordonnance du 15 avril. Tout bien considéré, c'est une mauvaise mesure, et j'aurais dû suivre mes premières impressions, qui me la faisaient repousser. Mais vous m'avez si bien entortillé.

M. Blcndel. Oh! monsieur le maréchal, comment?

vous supposeriez. Vraiment, votre langage me surprend autant qu'il m'afflige. Vous me connaissez, monsieur le maréchal, vous savez que je vous suis dévoué corps et âme, que personne plus que moi ne s'humilie devant votre haute intelligence, et vous pourriez croire. Ah ! je le vois, mes ennemis ont profilé de mon absence pour vous inspirer contre moi de nouvelles préventions.

Le maréchal, - Ta, ta, ta, ta, tout cela est bel et bon ; il n'en est pas moins vrai que je suis votre dupe, et que vous m'avez fait prendre des vessies pour des lanternes. J'y vois clair, à présent.

M. Blondel. -J'aime à croire, monsieur le maréchal, que ceci n'est pas votre dernier mot, et que vous reviendrez à de meilleurs sentimens pour un homme que, jusqu'ici, vous aviez daigné honorer de votre estime. Moi, vous tromper !

fi donc ! Arrière ces indignes calomnies. On a beau les accumuler, elles ne s'élèveront jamais à la hauteur de mon dédain.

Le maréchal. Voilà une magnifique image, assurément. Si je ne me trompe, elle est de la façon de M. Guizot.

Mais, voyez-vous, c'est de la pure déclamation. Je ne me laisserai plus prendre à ces belles paroles. Les faits sont là, et je ne puis plus me dissimuler aujourd'hui que, sous l ecorce de votre ordonnance, se cache un germe de gouvernement civil que vous êtes chargé de féconder.

M. Blomlcl.-Monsieur le maréchal veut plaisanter, sans doute? car ce ne peut être sérieusement qu'il attribue une pareille portée à l'ordonnance du 15 avril.

Le maréchal. Je ne plaisante pas du tout : c'est trèssérieusement que je vous dis et vous répète que votre ordonnance est un acheminement à la prédominance de l'élément civil sur l'élément militaire. N'estcc pas dans ce sens qu'on l'a interprétée à la chambre ? N est-ce pas à ce titre qu'elle a obtenu les suffrages de quelques députés de l'opposilion ?

M. Blondel. Il est très-possihle, en effet, monsieur le maréchal, que certains membres de la chambre aient été illusionnés au point d'apercevoir dans l'ordonnance une tendance de cette nature. J'avouerai même qu'on n'a eu garde de les détromper. Mais vous avez trop de sagacité pour ne pas reconnaître que ces honnêtes députés étaient tout simplement des dupes. Car, enfin, vovons : où trouvez-vous, dans notre nouvelle organisation administrative,

l'apparence d'une pensée hostile au gouvernement militaire? Est-ce que tout, au contraire, n'y est pas combiné de manière à renforcer et perpétuer ce système de gouvernement ? Je défie qu'on m'y montre l'ombre d'une concession faite aux partisans du gouvernement civil. Croyez-vous, au surplus, que le journal l'/lriqlle aurait aussi vivement attaqué l'ordonnance, s'il ne l'avait considérée comme l'expression la plus pure du régime militali-e? Il ne s'y est pas trompé, lui. Il a percé à jour l'esprit de nos dispositions, et je ne voudrais que ses argumens pour vous prouver qu'elles ne contiennent rien que de parfaitement conforme a vos vues.

Le maréchal. Il est vrai que ce journal fait une rude guerre à votre œuvre et qu'il ne vous épargne pas.

M. Blondel. Hélas ! monsieur le maréchal, voilà ce qu'il en coùte de faire le bien. On est indignement calomnié. Les intentions les plus droites sont méconnues ; mais j'ai daus le cœur de quoi braver tous les propos de la médisance. Æs triplex circà pectus. Contre cette poitrine d'honnête homme, voyez-vous, tous les traits s'émoussent.

Telum imbelle sitie ictu. Les misérables, ils croient me blesser; mais leurs coups partent de trop bas pour m'atteindre. Dieu merci ! - ma loyauté est connue. Mais voulez-

vous savoir, monsieur le maréchal, pourquoi ces gens de VAfrique s'acharnent tant après moi? C'est qu'ils n'ignorent pas que je suis la chair de votre chair, les os de vos os, l'admirateur le plus sincère , le plus passionné de votre système gouvernemental, l'instrument de voire génie, votre séide, enfin: c'est que j'ai eu l'ambition, impardonnable il leurs yeux, oe de\'enil' votre commis, le premier commis d'un grand homme, du plus grand homme des temps modernes. Eh bien ! oui, cette ambition, je l'ai eue ; je m'en accuse la tête haute. Me condamnerez-vous comme eux, monsieur le maréchal? prononcez : j'attends respectueuse-

ment votre arrêt.

Le maréchal. Je suis touché de ce que vous dites-là.

Je conviens que vous avez toujours professé beaucoup de dévouement pour ma personne, et si c'est ce dévouement

qui vous attire les malédictions dCj^aMMgbures de 1 Ajrlque, il est juste que je vous e Mais, s'il m'en souvient bien, ce i o n r n iJQ»i i - m elon vous, comprend si bien l'esprit de nrUonKM^ M nué quelque part que vous cachiez v tendiez à rien moins qu'à damer nM litait,e.

C'est aussi, je ne vous le diss jfe^agpfflyo de mon entourage, à qui vous faites l' u en eje nourris dans mon sein, et je vous a: cette pensée, je l'ai quelque peu parta M eme. Je désire

m'étre trompé.

M. Blondel.–On me fait, vraiment, trop d'honneur, en me supposant capable d'entrer en lutte avec vous et de vous faire concurrence. Ainsi donc, moi, pygmée, j'aurais la prétention de me mesurer avec un géant ! Et vous avez cru cela, monsieur le maréchal ?

Le maréchal.-Vous déplacez la question. Il ne s'agit pas de cela. Ce qu'on vous impute, c'est une arriére-pensée d'accaparement d'influence et d'annihilation de l'autorité militaire dans la direction des affaires civiles du gouvernement. Comprenez-vous bien, à présent ?

M. Blondel.Je comprends que des envieux tiennent ce langage et me prêtent de pareilles intentions pour me perdre dans votre esprit; mais vous, monsieur le maréchal, qui avez le génie du bon sens, et le bon sens du génie, comment pouvez-vous ajouter la moindre créance à d'aussi absurdes bavardages? Je concevrais jusqu'à un certain point ces défiances de la part de ceux qui ne me connaissent pas ; de la vôtre, et après tous les gages que je vous ai donnés de ma sincérité, de ma droiture, de mon profond respect pour toutes vos volontés, je - ne - les conçois pas.

Le maréchal. Si je vous avais laissé faire, pourtant, vous seriez, à l'heure qu'il est, intendant civil, vice-président du conseil d'administration, véritable gouverneur pour le département des affaires civiles, placé au-dessus de mes lieulenans-généraux, et posé là, sinon comme un prétendant ou un rival, du moins comme un premier ministre ayant pour mission de me réduire au rôle de roi fainéant et de gouverner sous mon nom. J'y ai mis bon ordre, il est vrai, et j'ai fait changer tout cela. Mais il n'en reste pas

moins que vous avez eu la prétention de mater l'autorité militaire, de prendre le pas sur elle, et cette ambition, de votre part, donne naturellement à penser qu'en acceptant un rôle plus modeste, vous vous êtes réservé in pi tto do tendre au même but par d'autres voies. Je sais bien qui vous m'avez juré vos grands dieux, dans le temps, nue vous n'êliez pour rien dans la création de l'intendance civile.

que vous aviez lutté contre, et qu'on vous avait forcé la main. Je dois convenir aussi que vos protestations d'alors m'ont paru véridiques, et que je vous en ai cru sur parole; mais. mais, is feeit cuiprodcst, dit l'ami Ey. i'oreilleet ment-là, je vous l'avoue, m'a remis la puce à et plus j'y reilechis, plus je me persuade qu'il y a anguille sous roche.

M. Blondel.–Je no m'attendais pas, M. le maréchal, à cette recrudescence de soupçons, à propos de ma participation au premier projet d'ordonnance que vous avez si justement condamné. Je croyais vous avoir complètement édifié là-dessus, Les apparences sont contre moi, je le confesse; mais je vous jure derechef que c'était tout à fait