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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-07-16

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 16 juillet 1845

Description : 1845/07/16 (A2,N65)-1845/07/22.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366471w

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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AVIS.

Ceux de MM. nos souscripteurs dont l'abonnement expire au mois de juillet présent, sont priés de le renouveler sans délai, s'ils ne veulent éprouver d'interruption dans l'envoi du journal.

Nous les prévenons à cette occasion que les libraires, les directeurs des postes et des messageries se chargent des abonnemens sans aucune augmentation de prix.

Paris, 16 J'aillet.

Plusieurs grands journaux de Paris, le Constitutionnel entre autres, manifestent naïvement l'étonnement que leur causent les actes de brutalité, les abus de pouvoir, les illégalités de toute espèce qui se passent en Algérie.

Si ces grands journaux voulaient bien se donner la peine d'examiner avec un peu plus d'attention ce que nous avons l'honneur deleurexposerdepuisbientôtun an, ils verraient que les faits qui causent leur surprise ont lieu dans toutes les branches d'administration, et que les intérêts les plus graves sont abandonnés à l'insuffisance la plus notoire et à l'arbitraire le plus capricieux.

Quant à nous, nous le disons avec douleur, ce qui cause notre étonnement, c'est l'ignorance inexcusable de la majeure partie de la presse parisienne, c'est son indifférence profonde devant l'une des plus vastes et des plus importantes questions qui puissent être sou-

mises a son examen. - - - - La presse a la prétention de remplir une haute magistrature; nous sommes de cet avis; mais, pour cela, il faut qu'elle se dépouille de ses petites vanités et de ses petites passions; il faut qu'elle recherche avec sincérité tout ce qui peut être utile, et qu'elle le dise, non dans le but mesquin de servir des ambitions de personnes ou de parti, mais avec l'intention de ne faire que le bien, de ne rechercher que la justice, et de n'obéir qu'a la vérité.

A cette condition seulement nous reconnaîtrons la légitimité de sa mission, nous louerons l'esprit d'équité qui l'anime, et nous rendrons hommage à la pureté de ses vues.

A cette condition surtout, elle remplira le but élevé 1 qu'elle doit se proposer d'atteindre.

De la portée morule atew événemene du bnhra,

Une des preuves les plus tristes de son inféodalion au gouvernement algérien est le silence que la presse d'Alger tout entière a gardé sur la valeur morale de Tépouvantable événement du Dahra. Nous ne parlons pas de ceux qui ont eu le courage d'y applaudir, ceuxlà ont donné la mesure de ce que l'on peut attendre de leur indépendance.

Quels que soient les intérêts en jeu, quels que soient les passions auxquelles on est mêlé, il est des choses d'une nature telle, qu'il est du devoir de tout homme de les condamner et de les flétrir. Le but ne saurait justifier les moyens, quand ces moyens sont un outrage aux lois, sacrées de l'humanité.

Des tribus se révoltent, qu'on les punisse et qu'on les frappe, mais que l'on n'emploie pas contre elles un mode d'extermination qui ferait horreur même chez un peuple de sauvages.

N'oublions pas que nous devons éviter tout ce qui pourrait tendre à démoraliser l'armée et à jeter dans le cœur de nos soldats si braves, si dévoués, si géné-

reux, des germes de cruauté qui ne doivent pas s'y rencontrer. Jusqu'à présent les pages de notre histoire sont belles d'une magnanimité qui ne s'est jamais démentie, et qui a fait notre gloire; n'allons pas les ternir par des actes qui feraient rougir nos descendans.

N'oublions pas surtout que l'Europe nous contemple, et que si nous voulons donner une haute idée du nom français et légitimer notre conquête aux yeux de tous, c'est à la condition de nous conduire en Afrique comme une nation chrétienne et civilisée, et non comme un peuple plus barbare que les barbares euxmêmes.

Il y a quatre cents ans que les Espagnols ont conquis le Nouveau-Monde, et les atrocités commises par Cortès et Pizzare ont jeté sur leur pays un voile de sang et d'opprobre que tous les siècles à venir seraient impuissans à soulever.

Construction d'un palais A Alger.

Dans notre feuille du 6 au 12 février dernier, nous avons parlé de l'étrange projet que l'on avait formé de construire à Alger un palais pour le gouverneur, et de le placer à la droite de l'espace qu'occupe actuellement la porte Bab -Azoun. Les vieux remparts. vont être démolis; on va donc avoir disponibles l'emplacement qu'ils occupent, celui des fossés et un terrain fort vaste sur lequel existent une vieille caserne des Turcs, la fourrière publique et quelques masures qui séparent l'ancienne ville du faubourg Bab-Azoun; nous avons, à cette époque, signalé l'énormité et l'inopportunité de la dépense et les inconvéniens graves du projet. ---

- Depuis iors, on n'en avait plus parlé; mais voilà qu'on le ressuscite. Un plan a été dressé, et l'on y remarque avec chagrin l'entêtement de ses auteurs à persévérer dans une œuvre aussi opposée aux intérêts bien entendus de la ville que ruineuse pour l'Etat; il faut donc que nous en parlions de nouveau, car la publicité est mortelle pour les entreprises contraires à l'intérêt publie.

Alger occupe un espace extrêmement resserré entre la mer et la montagne escarpée qui forme le commencement du massif, à tel point que l'on a été obligé de conquérir sur la mer elle-même la place nécessaire à rétabjissement du quai qui borde la ville dans toute sa longueur ; cette ville s'accroit chaque jour d'une manière inespérée, mais de telle sorte qui; son développement s'opère dans le sens d'un prolongement qui sera bientôt démesuré et qui menace d'envahir une grande partie de la commune de Mustapha-Pacha.

Cette configuration est fort défectueuse; il faut bien néanmoins s'ysoumettre, puisqu'elle est commandée par la nécessité de la situation. Dans une localité semblable, les relations des habitans sont dilliciles et incommodes; pour la moindre uffairo, il faut souvent parcourir une distance considérable, il importe donc de resserrer la ville le plus qu'il sera possible; d'en rapprocher les deux extrémités, enfin de remédier à un inconvénient que l'on ne peut faire disparaître.

La construction projetée, loin d'avoir ce résultat, produira l'effet diamétralement contraire. L'espace qu'elle occupera coupera la ville en deux, et cet espace sera considérable, puisque, d'après le plan, le palais, avec ses accessoires, ne doit pas occuper moins de

aeux hectares en superlicie, c est-a-dire l'emplacement suffisant pour deux cents maisons de cent mètres chacune. Le séjour du chef du pays attirera nécessairement en outre, dans son plus prochain voisinage, les personnages attachés au gouvernement ; ainsi, les relations habituelles des habitans et celles du commerce verront s'accroître des difficultés qui sont déjà trèssensibles. 1 Mais, sous le rapport. de la dépense, ce projet est bien autrement scandaleux : le devis ne s'élève pas à

moins de cinq ou six millions, et nous ne disons pas une chose nouvelle en prétendant que les Sévis sont toujours dépassés. Une grande partie de ces terrains est déjà dans le commerce; beaucoup de particuliers en ont achelé,des portions plus ou moins considérables, il faudra' donc les exproprier, et on ne pourra pas leur accorder moins que la valeur véritable ; les tribunaux, désormais chargés de fixer les indemnités, ne voulant pas spolier la fortune privée, comme on l'a fait jusqu'à ce jour; or, nous sommes au-dessous de la vérité lorsque nous affirmons que ces terrains ne valent pas moins de vingt francs de rente annuelle par mètre, cequiéquivautà deux cents franesde capital ; la portion qui appartient encore à l'administration serait, dès aujourd'hui, vendue à ce même prix, si on la livrait aux

entreprises particulières; ce serait donc quatre cents mille francs de rente, autrement dit quatre millions en capital, pour le terrain seulement dont le gouvernement sera grevé, tandis que ce vaste espace, livré à l'industrie privée, pourrait faire la fortune d'un nombre considérable de particuliers, et offrirait d'excellens placemens pour les capitaux qui cherchent des garanties solides.

Nous disons que ces dépenses sont scandaleuses lors- que toutes les branches du service public sont en état de pénurie et de souffrance.

Le port, a peine commencé, réclame d'urgence des millions, et cependant il a fallu arracher, en quelque sorte, à la pointe de l'épée un accroissement de cinq cents mille francs à son allocation ordinaire. L'an passé, au moment des chaleurs, l'insuffisance de l'hôpital civil a rejeté les lits des malades jusque dans les galeries où on ne pouvait les garantir, que par des toiles suspendues, des vapeurs malfaisantes de la nuit et du soleil brûlant dit jour ; les honorables médecins chargés de ce service étaient souvent contraints de faire sortir des malades à peine en perspective de convalescence pour ne pas laisser expirer dans la rue ceux qui venaient implorer l'assistance do l'établissement; les casernes sont, en presque totalité, dans de vieux bàtimens qui ne sont pas appropriés au service régulier de nos troupes; le collége, la bibliothèque, le musée s'écroulent, et il a fallu lesétayer pour faire en reprise la partie basse des murs; le pavé est constamment en mauvais état ; l'aménagement des eaux est insuffisant , dans l'Ultérieur de la ville et manque presque totalement à l'extérieur, sur les routes les plus fréquentées; le commerce réclame un bâtiment pour l'entrepôt réel,

des quais et des debarcaderes, il en demande un pour la bourse, institution que la masse des affaires impose à la vigilance publique comme une nécessité; le lhéâtre, construit il y a dix ans, pour une population infime, dans une maison particulière, ne saurait plus longtemps être plus mal placé: les tribunaux, installés dans des locaux impropres à cet important service, sont disséminés et n'offrent presque rien de ce qui est convenable pour l'administration de la justice; la prison civile n'est qu'un ignoble et infect réduit où l'on ne trouve ni la sécurité publique, ni ceque l'humanité commande à l'administration ; les routes sont encore trop peu nombreuses pour les besoins, celles qui existent - sont

souvent negligees par suite de l'épuisement des tonds nécessaires à leur entretien; les travaux de défriche- ment devraient être entrepris sur une échelle double et triple de la proportion qu'on leur accorde actucllelement; la colonisation, qui consommerait, avec une grande utilité et d'immenses avantages, six ou huit millions, est réduite à quinze cent mille francs.

Nous n'en Unirions pas si nous voulions passer une revue rigoureuse de toutes les parties du service public qui sont en souffrance par suite de l'insuffisance des fonds, et c'est dans une pareille situation que l'on veut consommer une somme considérable pour une inutilité plus claire que le jour! Le palais occupé actuellement par le gouvernement est vaste et somptueux; depuis trois ou quatre ans, il a été agrandi,

et les décorations, les dorures intérieures seules ont coûté plusieurs centaines de mille francs; le génie militaire qui a exécuté ce travail, l'a affublé d'une façade, à la vérité assez ridicule, mais cela peut servir encore un bon nombre d années, sans que la dignité de l'autorité supérieure en soit aucunement compromise.

Si contre de semblables considérations, on pouvait avoir à craindre l'insistance des auteurs du projet qui nous occupe, on serait autorisé à penser que des vues d'intérêt privé, fort contraires à l'inlérêl public, seraient seules le motif véritable en faveur duquel on chercherait à surprendre la confiance du gouvernement.

Nous ne pouvons concevoir d'ailleurs quel moiu, nous ne disons pas sérieux, mais seulement plausible, l'administration pourrait donner pour la construction d'un palais à Alger. Alger, comme toutes les grandes villes de France, doit devenir, après sa reunion légale à la métropole, et sa fusion dans l'unité nationale, le siège d'une préfecture; or, quelle est la ville de France où l'on songerait raisonnablement à élever un palais de cinq à six millions pour un préfet. 11 y a dans ces prétentions administratives quelque chose de si ridicule, que nous nous sentons à peine la force d'en faire justice par le raisonnement. Il est vraiment digne de pitié de voir dans ce siècle mesquin et couard, des administrateurs ne rechercher la grandeur que dans l'insolence du faste et de la richesse.

- .-' , .- -'-

On parle aussi de déplacer a cette occasion i eveene, et de le transférer dans le palais que le gouverneur occupe aujourd'hui, un pareil dessein serait bien peu conforme à la modération évangélique. L'évéché est dans un des plus beaux édifices de la ville d'Alger; il est à la vérité totalement dépourvu de décorations extérieures, mais c'est un mal bien facile à réparer; quant à l'intérieur, il ferait très-dignement -le domicile d'un grand de la terre, et le luxe de ses orncmens, comme l'espace qu'il occupe, sont sans doute bien supérieurs à la modestie et aux prétentions du prélat qui l'habite; on peut en effet affirmer que tres-peu d'archevêques en France sont logés d'une façon aussi princière.

Toute cette affaire est donc beaucoup plus importante qu'on ne pense, et nous espérons que le bon sens de l'autorité supérieure écartera pour toujours un projet ruineux et incontestablement contraire a l'intérêt public.

Des centres de population en Algérie.

Une souscription par actions est ouverte à Rône, pour l'établissement d'un village agricole modèle, et nous ne pouvons qu'applaudir à cette mesure provonous ne pouvons qu

quée par la société d'agriculture, dont un certain nombre de membres avaient été réunis il cet effet en comité spécial.

Si nous applaudissons à un pareil essai, ce n'est pas que nous connaissions parfaitement les conditions dans lesquelles il sera tenté, et que nous puissions don-

ner utilement notre avis sur les chances de progrès qu'il peut offrir; mais c'est que nous voyons avec plaisir, enfin, que la vieille routine suivie jusqu'à ce jour dans la création des villages de l'Algérie va subir une modification qui ne pourra que tourner à l'avantage de la colonie; c'est qu'il est évident pour nous que le système d'association adopté par les fondateurs du nouveau centre de population est le meilleur et le plus susceptible de surmonter toutes les difficultés qui peuvent s'attacher à cette entreprise.

Il est bien quelques-uns de ces centres de populations créés d'après les plans et par les soins du gouvernement, qui, par leur situation sur un point passager ou par la richesse naturelle du sol, offrent des chances de 1 succès, mais le plus grand nombre végétera et n'aura

FEUILLETON DU JOURNAL L'AFRIQUE. --.;- Io IIJILLET. 1 Une scène d'Intérieur au ministère de la guerre.

M. l'intendant militaire Vauchcllc, directeur des affaires de l'Algérie, entre tout essoumédans son cabinet, où l'attend M. Blondel, directeur général des affaires civiles. il est vêtu de noir de pied en cap, et coiffé d'un chapeau à larges bords. Son menton est orné d'un long épi de barbe éclatante de blancheur.

M. Blondel, d'une voix profondément émue. Eh bien 1 quelle nouvelle?

M. Vauchelle. - Victoire, mon cher, victoire! Embrassons-nous. *

lisse jettent dans les bras l'un de l'autre, et s'embrassent avec la plus tendre effusion. Des larmes de joie coulent de leurs yeux.

M. Vauchelle, reprenant. Oui, mon cher, nous l'avons emporté. Nos trois conseillers rapporteurs nous restent. Notre ordonnance est sauvée. Mais vous n'étiez donc pas à la séance?

M. Blondel. Non, car on n'aurait pas manqué de dire, si l'on m'y avait vu, que j'étais allé entendre plaider ma propre cause. J'ai jugé prudent de me tenir derrière le rideau. Il y a tant de méchantes langues dans ce Paris !

M. Vauchelle. Le fait est qu'elles ne vous épargnent guère, et que tous les propos qui se débitent sur votre compte nous donnent bien au fil à retordre. Heureusement nous voilà tirés d'affaire. Mais, ma foi, nous l'avons échappé belle; il ne s'en est pas fallu de l'épaisseur d'un cheveu que nous ne fussions complètement enfoncés. Le croiriez-vous? C'est un périgourdin pur sang, un député de la Dordognc, né natif de Périgneux; c'est le compatriote, le porte-parole, l'àme damnée du maréchal Bugeaud ; c'est M. Magne, enfin, puisqu'il faut l'appeler par son nom, qui a failli nous jouer ce mauvais tour. Il est monté à la tribune pour soutenir lesconclusions de la commission, àl'encontrede notre ami Gustave de Beatimont, qui lesavait chaleureusement combattues, ût,duranltout un quart-d'heure, il m'a mis au suppi cccn prouvant, clair comme le jour, l'inutilité de nos trois conseillers; En vérité, jeserais tenté de croire que c'était, de sa part, un coup monté contre l'or donnancc, d'accord avec le gouverneur. Qu'en pensez-vous?

M. Blondel. Il se pourrait bien, en effet, que ce satané maréchal nous eût encore une fois tourné casaque, et qu'il eût donné le mot d'ordre à M. tlafnlc pour nous faire échouer au povt. Le bonhomme est si changeant ! Vous vous rappelez, mon cher commissaire du roi, tout ce qu'il m'en a coûté déjà pour le ramener à nous, et le faire revenir de ses précédentes préventions ?

M. Vauchelle. - Oui, vous lui avez conté que nous vous 1 avions forcé la main. farceur !

Qui veut la fin veut les moyens, ou plutôt, comme dit le cher maréchal Soult, qui veut la fin veut les conséquences.

Après tout, l'important est que nous ayons réussi devant la chambre. Je me charge d arranger le reste avec le gouverneur, si tant est qu'une fois encore il nous ait faussé bande. Vous dites donc que cette excellente chambre nous a finalement donné gain de cause.

M. Vauchelle. -Gain complet, à une majorité assez douteuse, il est vrai, mais n'importe. Et c'est à Gustave 'de Beaumont que nous devons en grande partie ce succès.

Sans lui peut être nous étions déconfits. Ce que c'est cependant que d'avoir dans sa manche un député de l'opposition. Il n'y a rien de tel pour tirer le gouvernement d'un mauvais pas.

M. Blondel. - Parbleu 1 des députés de l'opposition comme celui-là, vous en aurez tant qu'il vous plaira dans votre manche. Il ne s'agit que de savoir les amadouer et les flatter, Seulement, je dois vous prévenir qu'il en est quelques-unsdontilfautse défier; et, par exemple, puisque vous me parlez de notre ami Gustave de Beaumont, je vous dirai qu'il n'a peut être si bien soutenu notre ordonnance que parce qu'il espère en profiter pour son compte personnel.

J'ai comme une idée qu'il a des vues sur la direction générale des affaires civiles et qu'il compte sur moi pour lui faire son lit.

M. Vauchelle: - Timeo Danaos et dona ferentes, voulezvous dire. Au fait, cette direction générale est un vrai mor- au de député, et le sic vos non vobis pourra bien vous être appliqué quelque jour ; tenez vous ferme en selle, si

vous ne voulez pas être désarçonné. J'ai peine à croire, pourtant, que Gustavede Beaumont suit du nombre de ceux qui viseront à vous supplanter. Entre nous soit dit, ses vues me paraissent plus élevées. Si je l'ai bien compris, il n'aspire à rien moins qu'a devenir, ou gouverneur civil, ou ministre (le dans le cas où l'Algérie aurait son ministère spécial. Sqvez-vous bien qu'il a eu l'air de faire fi des offresque je lui faisais dans le temps de ma future succession à la direction des affaires d'Afrique?

M. Blondel.-Est-('e bien possible? Comment ! il aurait de telles prétentions ! mais, véritablement, ces députés sont d'une ambition qui passe toutes les bornes. Et de quel droit iraient-ils sur - nos -- brisées?.,.

M. Vauchelle.-Allon, tout beau, mon cher directeur général, ne récriminons pas. Que diable! vous avez bien aussi votre petit grain d'ambition, vous, quoi que vous en disiez ; et, franchement, il vous siérait assez mat de jeter la pierre à nos bons amis du centre gauche, quand même il serait vrai qu'ils voulussent vous faire concurrence. Que si, d'ailleurs, ils vont sur vos brisées, vous serez là pour lutter d'intrigue avec eux, et je ne suis pas en peine de vous à cet endroit..

M.'Blondel.–Quoi ! est-ce que vous mettriez en doute mon désintéressement? Ignorez-vous donc que je suis audessus du soupçon, que j'ai dans le cœur de quoi le braver, et que si j'intrigue, c'est à ma manière, du fond de mon cabinet, avec des idées, des faits et de la logique ?

M. Vauchellc. lion Dieu oui ! je sais tout cela. Vous l'avez écrit, c'est vrai, dans votre lettre à un député, laquelle, par parenthèse, n'a pas eu beaucoup de succès et nous a ait même plus de mal que de bien. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Tenez, n'en parlons plus et prenons une prise. En usez-vous?

M. Blondel.–Certainement; mais qu'est-ce donc que vous m'offrez là? Est-ce du chocolat?

M. Vauchelle.-Pas précisément ; c'est du tabac à chiquer de première qualité.

M. BlondeL-Alol's, grand merci, je n'en use pas.

M. Vauchélle,-Vous êtes bien petite maîtresse. Quant à moi, j'en use, avec votre permission, et je m'en trouve bien. C'est un digestif dont j'ai eu grand besoin à la chambre, pour faire passer toutes les couleuvres qu'on m'y a fait avaler.

M. Blondel. Je comprends : vous avez eu des luttes à soutenir à la tribune, en votre qualité de commissaire du roi ; mais je ne doute pas que vous ne vous en soyez parfaitement tiré, et je me réjouis fort de lire demain vos discours au Moniteur.

M. Vauchelle.–Mes discours. mes discours. Ah ça, est-ce que vous vous imaginez que j'en ai filit à la douzaine?

- Je suis monté une fois à la tribune, et, ma foi, je trouve que c'est bien assez pour un début.

M. BiondcL–Saus doute, sans doute. Et quelle question avez-vous tuaitée ?

-

M. Vauchellc. A vous parler franchement, je m'en souviens à peine. C'est que, voyez-vous, il. m'a pris une venelle qui paralysait tous mes moyens. Je n'y étais plus, et je ne sais trop ce que j'ai dit. Au surplus, comme on ne m'écoutait pas, il n'y a pas eu grand mal, et je pourrai arranger cela , au Moniteur, comme il me conviendra.

M. nluiitlel.-Vous faites le modeste. Je suis bien sur que vous avez dit de fort bonnes choses. Après cela, n'est pas orateur qui veut ; mais cela vous viendra avec le temps. Et le maréchal, s'est-il bien comporté dans la bagarre ?

M. VauchcUe.–Admirablement. U est à la tribune tout à fait comme chez lui; intrépide, imperturbable comme sur le champ de bataille. C'est dommage qu'a la fin de chacune de ses phrases il s'arrête pour faire les plus affreuses grimaces qui se puissent imaginer. Mais c'est égal, il soutient son point avec un aplomb que, pour ma part, je lui envie fort. La question des conseillers rapporteurs a été posée par lui résolument. Il n"a pas cédé d'une semelle. Il me les faut, a-t-il dit, ou sinon.

M.Blondel.–Ounnon quoi?^

B1. Blondel. Que aut bien savoir entrer

dans l'esprit de ces gens-là et les prendre par où l'on peut.

M. Vauchelle. Ou sinon l'ordonnance du 15 avril sera comme non avenue.

'M. Blondel.-Comment, il avait ainsi posé la question?

Mais c'était très-imprudent ; car c'était prendre en quelque façon l'engagement de rapporter l'ordonnance tout entière, et partant, de supprimer ma direction générale, le conseil du contentieux, etc., etc., dans le cas où la chambre eut elle-même supprimé les conseillers rapporteurs.

M. Vauchelle.–Laissez donc ; vous ne voyez donc pas que c'était une frime, une ruse de guerre. Quoi qu'il fùt adadvenu des conseillers rapporteurs, dont, à tout prendre, nous pouvions parfaitement nous passer, le ministre n'clit pas songé le moins du monde à mettre au néant toutes

celles des dispositions de 1 ordonnance que la commission nous concédait. Mais il fallait user de grands moyens pour sauver ces pauvres diables qu'on voulait sacrifier; il fallait engager la partie sur le tout, grossir la question jusqu'à en faire une sorte de question de cabinet, et faire considérer nos rapporteurs comme autant de clefs de voûte de la nouvelle organisation administrative. La tactique était bonne, puisqu'elle a réussi.

M. Blondel.-A. la bonne heure. Mais convenez qu'il faut que nos députés soient passablement béotiens pour donner dans nn pareil panneau.

M. Vauchelle.–D'accord; toujours est-il que nous leur devons l'un et l'autre bien de la gratitude ; car-, pour vous comme pour moi, un échec eùt été tout au moins fort désagréable. Vous vous en seriez peut-être aisément relevé, vous ; car vous avez un merveilleux savoir-faire pour vous dépêtrer des situations les plus compromettantes et tirer votre épingle du jeu ; mais moi qui branle au manche.

Enfin, Dieu soit loué, je ne mourrai pas encore deeelte l'ois.

M. Blondel. –Non, certes, vous ne mourrez pas, mon ::.her directeur ; gardez-vous en bien, vous nous êtes trop ulile pour mener à fin tons nos projets et pour assurer la position, qui n'est peut-êlre pas encore suffisamment affermie. Nous aurons là-bas, sans doute, bien des obstacles à surmoiiUT, et votre concours, ici, me sera bien nécessaire pour m'aider à déblayer mon chemin.

M. Vauchellc. - Comptez sur moi, je suis à vous corps et àme ; mais, pour Dieu. ne me faites plus de difficultés avec les chambres ; car, voyez-vous, je ne suis pas fort sur ce terrain-là. Savez-vous ce qui nous a causé tout cet embarras? C'est votre impatience, à jouir des fruits de l'ordonnance. Vous avez voulu, à toute force, nous faire faire les nominations avant le vote des crédits, afin de tenir au plus tôt la votre en poche et d'écarter les concurrens que vous redoutiez. Eh bien ! pour vous complaire, nous avons failli tout perdre.

- M. Blolldcl.:- Ba, bahl de quoi vous plaignez-vous?

Vous voyez bien qu'en définitive nous avons abouti à notre point ; on nous a rogné quelques traitemeus ; mais c'était