Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 1 sur 4

Nombre de pages: 1

Notice complète:

Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-06-26

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 26 juin 1845

Description : 1845/06/26 (A2,N61)-1845/07/02.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366468d

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93%.


Paris. 26 Juin.

Dls'UBMlon du budget cie t Atgerte A la rhambro dUn dtlptattin.

(Suite et fin.) (i).

M. Gustave de Beaumont, comme tout le monde le sait, passe pour être le député qui connaît le mieux les besoins de l'Algérie, les hommes et les choses de ce pays; on s'est plu à lui faire une réputation africaine qui, chaque fois qu'une question spéciale à

l'Algérie se présente à la chambre, donne à sa parole une certaine portée et une intluence réelle. Nous nous attendions donc à le voir poser la question avec précision, netteté, fermeté, à le voir soutenir les vrais principes en les dégageant de tout alliage étranger; nous pensions que sa position le lui commandait, et qu'il devait être d'autant plus prudent dans ses paroles qu'elles avaient en la circonstance un retentissement

autre que cellesde ses collègues. Nous devons l'avouer dans toute la sincérité de notre àme, et avec un profond regret, notre espérance a été complètement déçue, M. de Beaumont s'est montré vacillant, indécis, irrésolu, en désaccord avec lui-même, et démentant l'inslant d'après le principe qu'il venait de poser. Ce n'est point ainsi que l'on peut exercer sur l'opinion publique un ascendant véritable, ce n'est point ainsi

qu'on avance une solution. Quand on veut sincèrement, il faut savoir vouloir ; il faut surtout dire ce que l'on veut, et le dire sans hésitation. On rencontre des obstacles, dites-vous i) Et quelle est la carrière où l'on n'en trouve pas ; mais avec de la persévérance et de l'énergie, on envient à bout. Soyez donc énergique et persévérant, la victoire n'est qu'il ce prix.

M. Gustave de Beaumont « ne défend pas, dit-il, la M conduite du gouvernement dans ses efforts bien inn tentionnés pour l'organisation de l'adminislratioll en

« Algérie; il n'a pas cette intention, car assurément il » est impossible de s'y prendre plus mal avec l'intention » de faire une bonne chose : il ne croit pas qu'il soit pos» sible de commettre plus de fautes que n'en a commis » le ministère, et pour son compte il éprouve rroutant » plus de besoin de les (ondamner, qu'il se trouve d'ac» cord au fond avec le gouvernement. Il ne croit pas » que l'ordonnance du 15 avril dernier ait fait pour la » bonne organisation des services en Algérie tout ce v qu'elle aurait du faire; mais il a la conviction qu'elle

n a déjà accompli un peu de bien. C'est pour la première » fois que le gouvernement est entré dans une voie où » il avait été appelé, il semble donc à M. de Be&umont » que ce n'est pas le moment de le blilmcr, alors qu'il 'j fait ce qu'on avait longtemps sollicité de lui. » Et plus loin il se hâte, sans qu'on l'y contraigne, de protester que jamais il n'a été proposé ni par la commission, ni par personne dans la chambre, de suhstitlter, à l'heure qu'il est, le gouvernement civil au gouvernement militaire de l'Algérie.

Que signitie, nous le demandons, ce langage entortille, ces phrases sans logique, ces raisonnemens embarrassés, écourtés, tronqués, décousus, ces oscillations perpétuelles, cette argumentation sans fixité, sans force, sans clarté; si c'est là ce qu'on appelle de la tactique parlementaire, tans pis pour la tactique parlementaire.

Quant à nous, nous aimons les paroles nettes et franches; nous ne pouvons supporter ces allures indécises, ces positions louches, dans lesquelles on prétend ménager tout le monde, et conserver un pied dans chaque camp. Etes-vous ami ou ennemi ? Etes-vous

pour nous ou contre nous:' Que voulez-vousi) Est-ce le gouvernement civil ou le gouvernement militaire?

Est-ce le régime des ordonnances ou le règne de la légalité? Est-ce la séparation d'avec la France ou la réunion avec elle ? Etes-vous d'accord avec le gouvernement ou le combattez-vous? Dites-nous le donc, àlin que nous sachions à quoi nous en tenir, car l'œuvre que nous poursuivons est une œuvre de conscience, et nous ne voulons pas nous exposer à considérer comme marchant dans nos rangs, des hommes qui se retournent contre nous au moment où nous y pensons le moins, et nous portent les coups les plus danfTArAIIV

Vous Vous ditesqueles efforts du gouvernement sont bien intentionnés, nous ne demandons pas mieux que de le croire; mais la preuve, où est-elle? Donnez-nous la donc, au lieu de vous bornera allirmer. Est-elle dans cette ordonnance du quinze avril, que vous ne savez ni blâmer, ni approuver? mais cette ordonnance du 15 avril, qu'est-elle autre chose que la consécration pure et simple du régime militaire, qui est condamne aujourd'hui par tous les hommes éclairés, par tous les hommes de bon sens un peu au courant des affaires et des besoins de l'Algérie? Il y a plus, c'est que cette ordonnance, et nous l'avons surabondamment prouvé.

rend plus dur et plus pesant encore le joug de fer qui pèse sur l'Afrique. Si c'est là ce qui vous parait un progrès, si c'est là ce dont vous vous applaudissez, nous en sommes fâchés pour vous ; car, de deux choses, l'une, ou vous n'avez pas lu cette ordonnance, ou vous ne l'avez pas comprise; sans cela, à coup sur, vous ne vous seriez point exprimé comme vous l'avez l'ait, Vous n'auriez pas dit surtout qu'elle a accompli déjà un peu de bien, alors qu'il ne s'est élevé qu'une voix dans toute l'Algérie pour repousser ce funeste prése it.

Avez vous donc la prétention de mieux connaître les besoins de l'Algérie que les hommes qui y vivent, qui y travaillent, qui y pensent, et qui, chaque jour, maudissent le gouvernement inepte et brutal que l'inconséquence de la métropole fait peser sur eux ?

Cette ordonnance a accompli déjà un peu de bien, dites-vous! Mais quel est donc ce bien? montreznous-le, car nous ne le voyons nulle part, à moins que vous ne vouliez parler des fonctionnaires et des siné-

curistes qu'elle a entantes. A cet égard, M. Isambert , était bien plus dans le vrai, quand il vous a interrompu pour déclarer que celte création abusive d'emplois était une superfetation; que c'était des plaça que l'on avait voulu donner, et RIEN DE PLUS.

Nous sommes fâchés, très-fâchés, d'être forcés de [ nous exprimer ainsi sur le compte de M. Gustave de Beaumont, mais notre devoir nous y oblige, et nous [ n'hésitons pas, parce que l'intérêt de la cause que

(1) Voir VAfrique du 12 au 26 jttin.

nous soutenons passe et passera toujours, à nos yeux, bien avant celui des hommes, quels qu'ils soient.

Nous aimons bien mieux M. de Beaumont quand il rentre dans la vérité et qu'il s'exprime ainsi : « Cette ordonnance ne me satisfait pas pleinement; « en somme, je crois qu'une loi seule pourra organi« ser utilement les institutions civiles de l'Algérie »> » On fait tous les jours entendre cette plainte à la » tribune : quel est le moyen décoloniser en Algérie, » d'y appeler une population civile? C'est d'abord d'y » instituer des institutions civiles. Il est bien clair que

» jamais vous ne parviendrez à établir en Algérie la » colonisation si les capitaux ne s'y portent pas. Or, » il n'y a qu'un moyen d'attirer les capitaux ; c'est la » confiance: et la confiance elle-même, il n'y a qu'un » moyen de la créer, c'est en établissant le respect pour » la propriété; or, je vous défie de jamais fonder le res» pect pour la propriété si vous ne lui donnez pour » base des institutions civiles sur lesquelles elle se re» pose. Vous voulez la fin et vous repoussez les moyens!

» Je termine par un seul mot. Il y a des personnes » qui disent souvent: à quoi bon donner des garanties

» civiles a 1 Algerie, tant qu il ne s'y trouve pas des po» pulations nombreuses? Quand il y aura beaucoup de » colons, quand la population sera très-considérable, » lorsqu'il y aura beaucoup d'intérêts à protéger, alors » on donnera des garanties. Messieurs, c'est à mon » sens très mal raisonner. Je retourne la proposition, » qui est mal posée, car s'il n'y a pas en Afrique beau» roup de population civile, c'est parce qu'il n'y existe pas » d'institutions civiles, pas de garanties civiles; que les » garanties civiles soient établies , et les populations » viendront. Quant à moi, je m'étonne souvent, non » pas qu'il y ait si peu de population civile en Algérie, » mais qu'il y en ait autant, en présence du régime qui » existe.,.. »

Et M. de Beaumont a parfaitement raison, mais devant cette déclaration si catégorique, si précise, si pleine d'évidence et de raison, que deviennent, nous le demandons, les paragraphes de son discours que nous critiquions tout à l'heure. Que M. de Beaumont ne s'écarle jamais de cette dernière manière de voir, de penser et de s'exprimer, et il n'y aura plus de dissentiment entre lui et nous, et nous serons heureux de le compter au nombre des défenseurs les plus éclairés de l'Algérie; mais pour cela, il faut qu'il se dèbarasse de certaines influences, de certaines préoccupations, et que, sans regarder ni à droite ni a gauche, il marche d'un pas ferme et sûr vers le but qu'il doit se proposer d'atteindre avec nous.

M. Magne, qui avait la parole après M. Gustave de Beaumont, pense que « l'ordonnance du 15 avril ne » laisse rien à desirer sous le rapport de la prépondé- » rance qu'elle donne à l'élément civil ; qu'elle a dé» passé les réclamations, et que la nouvelle organisation » qu'elle crée est un véritable progrès ; » ce qui prouve que pour faire un lrès-beau discours et obtenir un succès de tribune incontestable, il ne suffit pas toujours de dire des choses parfaitement sensées. Quant à la partie de l'argumentation de M. Magne, relative à la création des trois membres civils rapporteurs, elle n'a rien laissé à désirer sous le rapport de la force et de la justesse.

Parlerons-nous encore du triste rôle qu'a joué M. le commissaire du roi ? était-ce bien là le directeur général des affaires de l'Algérie, l'homme dans lequel viennent se concentrer les détails si divers, si variés, si complexes, si difficiles, qu'entraine à sa suite une question aussi vaste que la question d'Afrique? En vérité, nous avons souffert, et pour la chambre, et pour M. le commissaire royal, et pour les intérêts qui lui sont confiés.

L'intervention de M. Vauchelle a confirmé tout ce que nous n'avons cessé de répéter sur son insuffisance à supporter le fardeau dont on l'a chargé. Au surplus, ce fardeau dépasse aujourd'hui les forces d'un

homme.

Ce n'est plus une direction, ce n'est plus un ministère seul qui doit s'occuper de l'Algérie, ce sont tous les ministères qui, chacun dans sa spécialité, doivent prendre leur part de l'administration de ce pays.

La question d'Afrique n'est plus une question de bureau, c'est une question de gouvernement; nous ne cesserons de le redire jusqu'à ce que nous ayons été compris et écoutés.

Nous avons déjà loué M. Desmousseaux de Givré de son honorable persistance, nous l'en félicitons encore ;

qu'il ne se lasse pas, il faudra bien a la fin, si l'on veut mettre un terme aux dilapidations, que l'on se rende à la justesse de ses raisons. 11 s'est plaint avec vérité de ce qu'on laisse la chambre et la commission du budget dans l'ignorance la plus complète sur l'état des biens que le domaine possède en Algérie. A qui la faute, au surplus? à la chambre, qui ne sait pas exiger et qui ne se donne pas la peine d'étudier.

Venait ensuite l'article relatif à la colonisation, cet article où il est dit que quinze cent mille francs sont sulïisans pour préparer la colonisation d'un pays de plus de dix mille lieues carrées. Quinze cent mille francs !

Mais c'est la somme qui serait strictement essentielle à la mise en valeur de cinq à six mille hectares de terre.

Il semblait donc qu'il ne dùt y avoir de réclamation sur cet objet que pour faire sentir combien de pareil-

les ressources sont bornées et combien il est impossible de rien faire de sérieux avec elles ; pas du tout ; la chambre veut bien que l'on colonise; mais elle ne veut pas donner les moyens de coloniser. Comprenez si vous pouvez, et admirez cette profondeur de jugement !

M. Bureaux dePuzy a profité de l'occasion pour réclamercontre l'emploi destroupesauxdéfrichemens. M.

Bureaux de Puzy veut « que l'on cesse d'appliquer les » troupes à ce genre de travait, fait uniquement dans » l'intérêt des colons. Le gouvernement n'a pas le droit

» de faire travaillera des défrichcmcns dans l'intérêt des » colons, moyennant une haute paie extrêmement mini» me, des soldats que la France envoie sous les drapeaux » pour assurer son indépendance, maintenir sesconquê» tes, et nullement pour assurer des bénéfices aux colons !

n Il ne croit pas que lorsque la chambre donne tous les » ans 12,000 hommes à l'Algérie, il ne croit pas, dit-il, » que la chambre les donne et qu'on les lui demande

» pour aller opérer des défrichemens au profit des co- » Ions. »

Ne dirait-on pas, à entendre cet incroyable langage, que le gouvernement se rend coupable d'un crime en travaillant dans l'intérêt des colons? Comme si l'intérêt des colons n'était pas l'intérêt de l'Algérie, comme si l'intérêt de r Algérie n'était pas l'intérêt de la France, et comme si l'intérèt de la France, le plus grand, le plus essentiel, le plus urgent, n'était pas la mise en culture du sol en Afrique. Kl la chambre a entendu ces hérésies sans sourciller, sans protester, sans faire voir

qu ello ne partageait pas les singulières idées éconollliques de l'orateur. Eh ! monsieur, pendant que vous etiez en train , que ne demandiez-vous qu'on mil à la porte tous ces colons dans l'intérêt desquels, après tout, on emploie chaque année une armée de 80,000 hommes et un budget de cent millions? Ce serait tout aussi logique.

M. Bureaux de Puzy s'est plaint également de ce que l'on faisait travailler les soldats dans des lieux malsains. Nous serions cette fois complétement de son - avis, si le fait qu'il signale était exact ; mais nous ne

savons pas que l'armee ait été employée au travail de la terre autre part que dans le Sahel; c'est là que nous l'avons vue nous-mêmes travailler, et travailler avec gaité, parce qu'elle savait qu'elle rendait encore service au pays, dans des champs infestés de palmiers nains où les colons se seraient ruinés jusqu'au dernier si on les eût laissés abandonnés à leurs propres forces. Or, nous en demandons bien pardon à M. Bureaux de Puzy, les côteaux parfaitement sains du Sahel ne sont pas les plaines fiévreuses de Staoueli.

M. le général Oudinot, quoique partisan des idées émises par M. Bureaux de Puzy, a été néanmoins plus raisonnable en disant « que sans doute la conduite du » gouvernement lui avait été dictée par le désir de don» ner à la colonisation la plus grande activité, et que,

» lorsqu'il s'agitderégénérerun peuple (ilaurait pu ajou» ter, et de fonder un cmpire), le travail, loin d'être une » dérogation aux devoirs du soldat, jette un nouvel » éclat sur la profession des armes. » C'est là un noble et beau langage ; c'est celui, sans aucun doute, qui était tenu dans le sénat lorsque les armées romaines assuraient par leurs travaux la domination de la république sur les pays conquis.

M. Genty de Bussy n'a trouvé qu'un mot pour foire l'éloge <, de la sollicitude avec laquelle M. le maréchal » Bugeaud veille sur la santé et le bien-être de l'armée qu'il commande. » Eh quoi ! un ancien intendant civil de rAtgeric, un homme qui a fait un ouvrage estimé sur ce pays, qui, l'un des premiers, et nous l'en

félicitons en toute sincérité de cœur, a proclamé la nécessité des institutions civiles et de la réunion à la France, ne trouve rien autre chose à dire ! Il ne parle ni de ces institutions, ni de cette réunion, ni de la colonisation, ni de tous ces grands intérêts qu'il devrait, mieux que toute autre, connaître, expliquer et défendre! Mais quelle est donc la puissance occulte qui, à la chambre, enchaîne les langues et transforme les hommes, et pourquoi la tribune reste-telle muette devant toutes ces vastes questions? L'avenir peut-être nous le dira.

La nécessité de ne rien retrancher du crédit minime affecté aux desséchemens a été fort bien établie par

M. Abraham Dubois, qui n'a pas eu grande peine à prouver que « lorsqu'on veut garder et coloniser un » pays, la première chose à faire, c'est de i'assai» nir. »

Quoi de plus juste, de plus sensé, et cependant, à ces paroles, un membre de la chambre dont le Moniteur ne dit pas le nom, et nous en sommes heureux pour lui, s'est écrié : « Commençons par assainir la » France. » Qu'est-ce it dire, que nous ne pourrions rien commencer au dehors, que tout ne soit fini en France? Mais alors, quand commencerions nous ? Nos routes ne sont pas terminées, donc il ne faut pas faire de routes en Algérie; nos terrains vagues ne sont pas

tous défrichés, donc il ne faut pas défricher en Algérie; nos ports, nos canaux, nos fortifications, nosbàtimens publics demandent encore de nombreuses et

fortes allocations, donc il ne faut faire en Algérie ni ports, ni canaux, ni fortifications, ni bàtimens publics, etc. etc. Voyez où conduirait ce beau raisonnement, et demandez-vous si c'est ainsi que Rome, dont nous parlions tout à l'heure, s'est comportée pour étendre, développer et fortifier sa domination ; si c'est ainsi que de nos jours l'Angleterre, la Hollande, l'Union américaine, tous les états en un mot, qui déversent au dehors les semences de vie qu'ils portent dans leur sein, se sont conduits pour accroitre et affermir leur puissance.

Et ce sont des hommes qui tiennent cet absurde langage, ce sont des esprits de cette force que l'on envoie a la chambre pour faire des lois, contribuer à la puissance et sauve-garder l'honneur du pays !

Le digne homme, qui trouve que nous devons d'a-

bord assainir la France avant de songer a assainir l'Algérie, possède sans doute quelque marais dans ses propriétés, et serait heureux qu'on voulÙt bien lui confier un bataillon pour l'aider à dessécher sa terre.

Ici encore M. Bureau de Puzy a trouvé le moyen de regretter les prodigalités que le gouvernement se permet pour les travaux utiles de l'Algérie; et M. Bureau de Puzv fait peut-être partie de ces députés qui vont sans cesse gémissant sur le peu de progrès de la colonisation ! Soyez donc conséquent; si vous voulez coloniser, accordez les moyens, si vous ne le voulez pas, dites-le franchement; mais qu'on sache à quoi s'en

tenir sur vos dispositions.

La chambre, au surplus, n'a pas partagé l'avis de la commission; elle a refusé la plupart des réductions proposées. Aussi M. Baude, dans un accès de mauvaise humeur, peu excusable en la circonstance, est-il monté à la tribune pour demander que la commission délibérât de nouveau sur l'augmentation proposée par elle en faveur du port d'Alger. Cette demande, qui équivalait à un retrait de la proposition d'augmentation du crédit, a été accueillie comme elle le méritait : la chambre a compris qu'il s'agissait là d'un intérêt de premier ordre et elle a passé outre. - -

M. Garnier-Pagcs a profité de cette circonstance pour interpeller M. le ministre del'état des ,\ Í:"

travaux et lui demander si les bruits fâcheux qui se sont répandus à cet égard étaient fondés; pour toute réponse, le ministre s'est borné simplement à allirmer qu'il n'y avait aucune inquiétude à avoir sous ce rapport.

Les premiers, nous avons signalé le triste état dans lequel se trouvent les travaux du porl; nous tenions nos renseignemens de source parfaitement sure ; les journaux algériens sont venus plus tard confirmer nos

prévisions et justifier nos craintes. Leurs allinnntions sont tellement précises qu'elles laissent peu de place à l'hésitation.

Nous le déclarons hautement, nous désirons du fond du cœur que l'atlirmation du ministre soit fondée, et que nos renseignemens soient inexacts; mais si par malheur, ce qu'à Dieu ne plaise, l'événement venait a nous donner raison, si l'avenir prouvait que les travaux du port d'Algeronl étéconduilsd'une façon déplorable, et que nous n'avons obéi qu'à la vérité en appelant toute l'attention de l'administration et des chambres sur cette grave affaire, si le mal devenait irréparable ; alors nous n'hésiterions pas à demander la mise eu accusation du ministre, qui, par son inciu ie, sa faiblesse ou son ignorance, aurait été l'auteur d'un aussi grand désastre pour la France et pour l'Algérie.

L'ordonnance du 15 avril n'établit pas, comme l'avait fait maladroitement sa devanciere du 11 juillet 1834, le principe que l'Algérieest régie par des ordonnances du roi. Ce principe, elle se borne à le présupposer. Pourquoi? parce que, depuis 1834, le gouvernement a découvert (ce dont il ne s'élail pas encore aperçu à cette dernière époque), que sou droit de régir l'Algérie par ordonnance royale procédait de l'art. 25 et final de la loi du 24 avril 1833. On sait, en effet, que c'est un arrêt rendu en 1843 parla cour de cassation qui lui a fait faire cette heureuse découverte, et que, jusque-là, il ne s'était pas douté le moins - du

monde que la loi de 1833, exclusivement applicable a nos colonies des Antilles, des Indes orientales et du Sénégal, pût ètre étendue, à l'aide d'une complaisante intcrprétation, à notre colonie du nord de l'Afriipie.

Aussi s'est-il bien gardé, cette fois, de s'attribuer, à priori et de sa propre autorité, la faculté de légiférer en Algérie par ordonnances ; il se tient pour dit que, des avant 1834, cette faculté lui appartenait de par une loi, et ne s'occupe plus que de réglementer le principe. Ainsi, au lieu de dire comme l'ordonnance du 22 juillet 1834 : « L'Algérie est par des ordonnances - » l'oyales. » l'article 1er de l'ordonnance du 15 avril

184r», porte tout simplement : « Les ordonnances » royales destinées à régir soiit rendues sur » la proposition de notre ministre de la guerre. »

C'est très habile assurément; mais que devient la prétention du gouvernement en face de cette déclaration si précise de lacommission du budget de 1SK; : « Constatons tout d'abord que ce ce n'est pas de la » loi du 24 avril 1833 que résulterait le droit de régler » par ordonnances l'administration civile de l'AlyerÙ:.

» Cette loi, lorsqu'elle s'exprimait au sujet de nos pos» sessions d'Afrique, faisait évidemment allusion à nos » établissemens du Sénégal. L'Algérie n'était pas, et à » notre avis N'EST PAS UNE COLONIE ; c'est une conquête « qui sera bientôt UNE ANNEXE CONTINENTALE HE LA

» FRANCE. »

Nous avons dit ailleurs que l'acte ministériel du 15 avril ne garantissait pas même il la colonie le régime des ordonnances. Il sullitde le lire d'un bout il l'autre, pour s'assurer de la parfaite exactitude de notre assertion.

Quelles sont les matières sur lesquelles le gouvernement s'oblige à faire statuer par ordonnances royales?

Il n'y en a pas d'autres que celles-ci, savoir : 1" (art. 10). L'institution des chambres de commerce et de toutes autres sociétés ayant pour objet des intérêts publies ; .-. -. - - .-

21 (art. 19 et 20). La délimitation des territoires civil, mixte et arabe.

Cherchez bien : vous ne trouverez rien de plus.

Or, d'après la règle : Inclusio unius est exclusio alterius, il va de soi que tout ce qui est en dehors de cette double spécification, n'appartient pas de droit au domaine de l'ordonnance, et qu'ainsi le gouvernement reste maître de réglementer, autrement que parordonnances royales, ce qui n'est ni délimitation de territoire, ni création de chambres de commerce, ou autres sociétés ayant pour objet des intérêts publics.

Cette conséquence est rigoureuse, et le ministère aura beau protester de ses intentions, le fait est ainsi, d'après le texte de son ordonnance organique du 15 avril.

Que si, d'ailleurs, il voulait sérieusement substituer le régime des ordonnances à celui des arrêtés, son premier soin ne devait-il pas être de déterminer avec précision les matières législatives à décréter par le pouvoir royal, et de les distinguer nettement de celles qui pourraient être réglées par le pouvoir ministériel ou local ; il en avait un moyen bien facile et bien simple: c'était de dire que les matières qui, en France, sont du domaine de la loi seraient en Algérie, du domaine de l'ordonnance; cette règle, qui n'est écrite nulle part encore dans la législation spéciale de l'Algérie, il ne l'a pas même indiquée; loin de Iii, par cela même qu'il

spécifie certains cas dans lesquels la voie de l'ordollnance royale sera obligatoire, il exclut nécessairement les autres, c'est-à-dire, la presque universalité, et se.

réserve ainsi la faculté de légiférer sur toutes choses dans la forme qui lui conviendra.

En présence de telles disposilions, n'est-ce pas se moquer de prétendre que l'ordonnance du 15 avril tend à perfectionner le régime législatif de l'Algérie?

Ce qu'elle pcrfectlonlle, c'est le despotisme ministériel qui, depuis tantôt quinze ans, pèse sur ce pays.

Jamais ce despotisme ne s'était plus ellrontement pose.

Que ce soit tà un sage et utile progrès pour le ministère de la guerre et pour M. le maréchal Bugeaud, nous le voulons bien. Mais que, du moins, on ne pousse pas la raillerie jusqu'à se promettre, pour de pareilles améliorations les bénédictions de la colonie et les applalldissemens de la France.