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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-05-02

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 02 mai 1845

Description : 1845/05/02 (A2,N50)-1845/05/06.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366459f

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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Paris, 1er Mai.

Le Messager, en parlant de la visite domiciliaire dont nous nous sommes plaint avec raison dans notre der-nier numéro, prétend que cette mesure a été prise à l'effet de D'chercher des pièces dérobées au bureau arabe d'Orléansville; par un employé qui nous les aurait communiquées, et qui aurait lui-même avoué l'usage qu'il en faisait.

Ceci a droit de nous étonner, car aucune des deux personnes chez lesquelles on s'est présenté n'est attachée nu bureau d'Orléansville.

Au surplus, nous ne pouvons tarder à recevoir des xphcations sur cette déplorable affaire, à laquelle l'article du Messager doline,dans un but que tout le monde s'expliquera aisément, un caractère de gravité que la vérité ne tardera pas, nous l'espérons, à faire disparaître.

En attendant, les lettres que nous avons reçues ne disent pas un mot des découvertes annoncées par le Messager.

Bien plus, le Moniteur algcrien et l'Akhbar du 24, la visite a eu lieu le 18, se taisent complètement sur celle affaire. Ce silence du Moniteur algérien et de YAkhbar, en face des assertions tranchantes du Messager, a bien droit de nous surprendre.

Ajoutons que la communication du Messager mérite un blâme sévère pour articuler des faits aussi graves, alors que les personnes inculpées sont absentes pour se défendre, et que l'instruction judiciaire est à peine commencée.

Voici la protestation que nous adresse M. Dru ; nous la donnons avec d'autant plus d'empressement qu'elle nfJUS permet de rectifier une expression dont nous nous sommes servi en le désignant, expression qui n'est pas parfaitement exacte. M. Dru, en effet, n'est pas notre représentant spécial à Alger; M. Dru est médecin, el ses nombreuses occupations lui laisseraient peu le temps de se livrer à une correspondance suivie. Ses relations avec nous sont tout affectueuses, et ce n'est que dans ses rares instans de loisir qu'il peut de temps à autre nous donner de ses nouvelles. Cette position rend bien plus inexplicable encore l'attentat dont on s'est rendu coupable à son égard.

Ceci posé, laissons parler M. le docteur Dru.

Alger, 20 avril 1845.

Monsieur le Rédacteur, Sous le prétexte que des pièces avaient été soustraites frauduleusement au bureau arabe pour être communiquées à votre journal, la justice vient d'envahir mon domicile, et de procéder à une perquisition dans mes papiers.

J'ignore si réellement des pièces ont été soustraites au bureau arabc; mais, ce que je sais, c'est que si l'autorité eût pris le moindre renseignement sur ma moralité auprès des nombreuses et honorables personnes dont j'ai l'avantage d'être connu à Alger, elle se fût convaincue facilement que j'étais incapable de tremper dans un acte fl'auduleux,quel qu'il soit; elle eût appris, en outre, que je ne suis pas votre représentant à Alger, et Que les relations que je m'honore d'entretenir avec

vous sont celles d'un ami et non pas celles d'un correspondant proprement dit : c'est là d'ailleurs ce qui est pleinement ressorti de la perquisition faite chez moi. L'autorité a donc agi à mon égard, sinon avec malveillance, du moins avec une bien grande légèreté; et c'est mon droit comme mon devoir de protester avec énergie contre cette violation de mon domicile, entreprise et exécutée en l'absence de tout motif sérieux qui pût la justifier.

J'espère, Monsieur le rédacteur, que vous voudrez bien accueillir ma protestation, et lui donner dans votre ournal la publicité que je réclame, non-seulement

dans mon intérêt, mais dans l'intérêt de tous les habitans de l'Algérie.

Agréez, etc.

DRU, D.-M.

P. S. Je dois ajouter que M. le procureur du roi, ainsi que les personnes qui l'assistaient, ont, par leurs procédés pleins d'urbanité et de délicatesse, singulièrement adoucr pour moi le fâcheux effet de la pénible mission qu'ils remplissaient. Je me plais à leur en témoigner ici ma gratitude.

Voici maintenant la lettre de M. Belly:

Alger, 18 avril 1845.

Ce matin, à cinq heures et demie, M. le procureur du roi, assisté de son substitut, d'un autre membre du parquet que je ne connais pas et, d'un greffier, appuyé en outre d'une escouade d'agens de police, sans doute par mesurede sûreté, est venu me surprendre dans mon lit pour procéder à un interrogatoire judiciaire et à une visite domiciliaire. J'ai protesté d'abord contre cette violation. On a passé outre; l'interrogatoire a eu lieu, la visite - s'est faite, et tous mes papiers ont été examines.

La persécution manquait a là mission du journal l'Afrique; la persécution est venue.

Je vous laisse à apprécier, au point de vue légal toute la portée d'un pareil acte.

Je dois rendre justice toutefois, en cette circonstance, aux égards dont j'ai été l'objet de la part de ces messieurs; c'est l'acte en lui-même et non la forme que je relève.

ALEXIS BELLY.

Là nouvelle ordonnance, qui enlace plus que jamais le pays dans les liens du gouvernement militaire, et le redoublement de rigueur qui semble coïncider avec cette œuvre d'ineptie administrative, doit prouver clairement à tous qu il y a peu d'espoir à placer dans un gouvernement qui ne montre de la bonne volonté qu'en paroles. Nous engageons donc tous les colons à protester en masse contre des tendances qui semblent annoncer une conspiration occulte et permanente contre le développement et la prospérité de l'Algérie. Pourquoi ?

Nous l'avons déjà répété dit cent fois, pour ne pas mécontenter l'Angleterre qui, le Times l'a dit, ne veut pas que la France colonise l'Afrique.

Or, la protestation la plus simple, la plus efficace, la plus solennelle, est la pétition pour la réunion de l'Algérie à la France; que tout le monde, sans exception, signe donc cette pélilion,afin qu'elle revienne en France forte de l'unanimité du pays.

Nous savons que quelques personnes hésitent, dans la crainte de deplaire au pouvoir dictatorial qui gouverne en souverain l'Algérie. et de s'attirer ses rigueurs ou de s'aliéner ses bonnes grâces. Qu'elles se rassurent'; en France on ne veut plus d'arbitraire : on comprend trop bien qu'avec l'arbitraire on détruit au lieu de fonder. Et d'ailleurs, si tout le monde signe, cet [accord des volonté rendrait toute mauvaise disposition impuissante.

Nous donnons aujourd'hui la lettre dont nous avons parlé dans notre dernier numéro. Cette lettre est signée de cent quatre-vingt-un habitans de Constantine, qui tous se refusent à croire qu'il ait été possible de songer à replacer Constantine sous le régime militaire, tant la réalisation de ce projet leur semble monstrueuse.

Rien n'est plus vrai cependant; la pensée en est venue, on en a délibéré; et à cette heure nous ne savons pas même encore ce qu'il en est d'une idée dont on ne saurait faire justice que par le ridicule, si elle ne devait pas entraîner des conséquences aussi graves.

On comprend d'ailleurs et au delà les motifs de la répugnance des habilans de Constantine pour un régime à la faveur duquel trois honorables négocians de

cette ville, MM. Amat, I)allet etCassin, furent traduits devant un conseil de guerre et condamnés à UN N de prison et MILLE FRANCS d'amende pour avoir fait insérer une lettre dans le journal de Marseille le Sémaphore!

Constantine, 12 avril 1845.

Monsieur le Rédacteur en chef,

A 1 instant où tout ce qui sait tenir une plume s'empresse de signer une pétition tendant à ce que l'Algérie soit réunie à la France, vous nous donnez, dans votre numéro du 2 au 6 courant, la certitude qu'il est question de nous replacer sous le joug de l'autorité militaire.

Il faut que ce soit de votre journal, cette sentinelle avancée du progrès, ce palladium de notre sécurité et de nos garanties, qu'émane une semblable assertion, pour que nous puissions y ajouter foi.

Comment, après nous avoir fait payer aussi cher notre émancipation, oserait-on nous replacer encore sous l'empire d'un régime que l'humanité a flétri, que les tribunaux ont déploré, et dont la cour suprême elle-même a fait justice!

Nous sommes convaincus qu'il ne saurait en être ainsi au moment où tous nous espérons devoir bientôt compter un représentant à la Chambre des dépulés; au moment où Constantine, jouissant du bienfait des institutions dont on a doté la province, voit, sous l'ad.ministration sage et tutélaire du général Bedeau, son commerce prendre à lui seul plus d'extension que celui des villes d'Oran, de Bône et de Philippeville réunifts.

Agréez, monsieur, l'assurance de notre considération la plus distinguée.

Dallet, propriétaire, l,aN-ie, id. Abadie, négociant. Ricardie, id. J. Jouanollo, id. Cordonier, id. Ferd. Cohen, id, Blanchet, id. Rieu, id. Gueil fils, id. Barnoin, id. Doglioty. id.

Hircht,id.Artheman, id. Amat, id. Champy,id. Bathandier, id. Estein, id. Chansom, propriétaire. Carrus, entrepreneur de roulage. Echer, négociant. Regnier, propriétaire. Garcin, négociaIlt. Bruyas frères, négociulls. Robin fils, propriétaire. Tcrrin, id. Brunner, repr. de L. Trapadoux, de Lyon. Toye, négociant. Laguerre, entrepreneur. Panisse père, propriétaire. Pagès, négociant. Farges propriétaire.

Acardo cl Costa, nésocians. De Palma père et fils, id. Dan-

selme et Simon, id. Lavie fils, id. Bouquerel, pharmacien.

Galy, négociant. Palery, id. Cassagne, id. B.Juuanolu, id.

OUavi, hôtel du Palais-Royal. Ducrot, hôtel de l'Europe Boyer, boulanger. Traclet, id. Gabrian, id. Trouette, id- Panisse, boucher. Hermès, id. Guinard, id. Laguerre, pein- tre. Charles, tailleur. Denis, coiffeur. Gérard, lampiste.

Devant, employé. Stolezc, id. Lagonarde, id. Terrier, id.

Donatus, confiseur. Carnet, serrurier. Roux, horloger. Cal- lot, sellier. Chatelain, aubergiste. Arnaud, id. Toncas, cafetier. Françon, id. Albi, employé. Joncaille,id. Mantolan, id. Martin, id. Dusset-Stuticau. id. Rerenirer fils. Rouamel.

Pli. Vernet. Delacour, courtier. C. Girard, employé. Nassans, id. Latour, liquoriste, Blanchet, propriétaire. Lamarque, employé. Hardisson, id. Chaix, id. A. Bonissol, id.

Lefebvrc, menuisier. Sorges. Bonissol. Revest, employé.

Coën, courtier. Lcliocb. Girard, aubergiste. Senti. Baudry.

Sibral. Lavache. Alex. Pernel. Gand, maçon. Bordure, mt.

maçon. Dussaut. pujol. Riviere fils. Métifier, aubergiste.

Roux. Lumand. Ant. Lavana. Amelin. Raymond. Barreau, maçon. Monil. Allary,employé. Barissy. liossi,cor(loniiier.

Ressegaire. Espancl. Courrèges, Claverie. Solèrc. Hilleracie. Foucon. Cadot, pharmacien. Coste, propriétaire. Delechet id. Cassin, id. J. Musso, courtier. J. Charles, propriétaire. Teste fils, id. Lcgay, négociant. Audibel't, papetier.

Augustin, quincailler. Gostana, négociant. Olive, id. Roques, propriétaire. Darcelo, négociant. Hiverl, propriétaire.

Praget, négociant. Vaisse et Signauret, id. Fugier, id. Gadot, id. Fabus, propriétaire. Portier, restaurateur. Bitrou, entrepreneur. Vassier, entrepreneur de transports. nertin, entrepreneur de diligences. Hallot, agent d'affaires. De Boisson, négociant. Arnalld, propriétaire. Jost, négociant.

Maréchal, employé. P. Coste fils, maçon. B. Coste fils, id.

Jh. Coste fils, id. Jonane, entrepreneur. Tron, id. Dufau, menuisier. Arnaud, hôtel de Nemours. F. Roux, employé.

J. Bellin, coiffeur. Ollier, maître tailleur. IL Trassard, cm" ployé. Martin, maître tailleur. Florentin, id. Ducasse, ferblantier. Martin, pâtissier. Louis Blanc, entrepreneur. Tarby, employé, Ripert, marchand de vin. Miles, entrepreneur. Rouge, id. Perod, tailleur. Garan, serrurier. André Remis. Dumbal. Bertrand. Loron. Rey. Félix Feilie. Alex.

Dubrana. Daliem. Golbiel et frères. François. St-lls Cinclu.

Decroix aubergiste.

La vérité sur Abd-el- Kader et sur le Maroè; Le gouvernement du sabre, le régime du bon sens naturel ne sont pas fertiles en expédiens pour motiver la mise en état de siège de l'Algérie, par l'ordonnance du 15 avril dernier ; c'est en effet toujours Abd-cl-Kader qui est mis en avant, c'est toujours ce pauvre émir qui est érigé en épouvantail, pour duper nos chambres et arracher leur sanction (quant aux dépenses seulement) pour toutes les inepties que l'on imagine afin de maintenir le plus longtemps possible l'Algérie à l'état d'exploitation au profit de quelques personnages.

- Sans doute Abd-el Kader est un homme de génie, sans doute son nom survivra entre tous ceux de cette époque, puisque seul, à la tête de quelques hordes sans discipline et sans artillerie, il a pu résister à des hommes ayant à leur disposition 80 mille hommes et 80 millions sans cesse renouvelés; s'il est enlin tombé, c'est que le génie seul ne suffisait pas, et que contre une armée de 80 mille hommes et d'immenses ressources en argent, il fallait des forces matérielles que jamais n'a possédées l'émir et qu'il ne possédera jamais,

devînt-il même l'empereur de Maroc. -

Bien que nous ayons déjà prouvé que la population de l'Algérie fût au-dessous du chiffre de 1,500,000 âmes, et que les ressources du recrutement fussent au plus de six hommes armés par lieue carrée, ce qui constitue pour toute l'Algérie une force de 60 à 70 mille hommes.

Il est indispensable de répéter ces preuves, jusqu'à ce qu'on les ait comprises et adoptées, afin ne puisse plus alléguer la puissance de l'émir et des Arabes, pour suspendre l'adoption des dispositions légales et administratives sans lesquelles le progrès est impossible en Algérie.

Cette force est répartie ainsi qu'il suit : 40 ou 45 mille Kabyles, lesquels, de l'aveu même de M. le machéchal Bugeaud, sont inoffensifs, n'attaquent pas nos troupes quand on ne va pas les prévenir, et ne consentent jamais à combattre hors de leur montagnes, et 20 à 25 mille cavaliers répartis entre les trois provinces de Constantine, d'Alger et d'Oran.

Or, on sait que les Kabyles n'ont jamais suivi l'émir, lequel n'a jamais pu non plus disposer des cavaliers de la province de Constantine, qui forment plus du tiers de ces 20 à 25 mille cavaliers. Conséquemment, l'émir n'a jamais eu, en tout, plus de 14 « 15 mille cavaliers à nous opposer; comme troupe à peu près l'égulière et permanente, il n'a jamais eu que 1,000 à 1,200 cavaliers de sa Smala, et un soi-disant bataillon régulier qui n'a jamais osé descendre en plaine contre nos troupes.

Ses kalilas etaient organises a peu près ae même. Les troupes régulières de l'emiret de ses kalifasconsislaicnt donc en 5 ou 6 mille cavaliers et autant de fantassins, mais ils n'étaient jamais réunis à cause de l'action incessante qu'ils devaient exercer sur des tribus sans lien politique. Telle a été, dans sa plus grande propérité, là force dont disposait l'émir, qu'on y ajoute les ressources en argent, en armes et en munitions, que notre éternelle ennemie, l'Angleterre, pouvait lui fournir, et l'on aura le secret de toute la puissance d'Abdel-Kader.

Mais aujourd'hui que, traqué, poursuivi et plusieurs fois dépouillé, il s'est réfugié dans le Maroc, on a mauvaise grâce de venir sans cesse invoquer sa puissance

FEUILLETON DU JOURNAL L'AFRIQUE. - 2 lAI. Salon de 1845.–(1er article.) Au point de vue religieux, la foi est réputée morte lorsqu'elle n'est pas accompagnée des œuvres qui la manifestent ; au point de vue artistique, intervertissez l'arrangement des mots, et la phrase sera encore tout aussi juste, elle proclamera une vérité au moins aussi absolue. Car, avec la foi sans les œuvres, l'épi ne fait que se cacher dans le grain; mais il y existe, son germe y est contenu.

Vienne la bonne terre, le laboureur intelligent, et ce grain lèvera : un jour il deviendra moisson abondante. Au contraire, dans les œuvres sans la foi qui les inspire, il n'y a rien ; vous aurez beau choisir l'ouvrier habile et expérimenté, vous n'obtiendrez jamais qu'une œuvre inerte, insensible et froide sans l'esprit qui la vivifie, l'anime et la réchauffe.

L'époque où nous vivons offre le triste exemple du fait que nous signalons, et cette malheureuse tendance se manifeste dans tous les travaux intellectuels, sous quelque forme qu'ils se produisent. Mais de toutes ces filles du Ciel,

poésie, peinture, musique 1 qui sont descendues sur les 1 hommes, comme l'Esprit saint sur les apôtres, pour les inspirer, la peinture offre peut-être l'exemple le plus frappant de la démoralisation de notre siècle et de la matérialisation de la pensée. Les idées saintes de la croyance de nos pères, les joies non moins saintes de la famille, les su- blimes entrainemens de la gloire et des dévoùmens che- valeresques, ne sont plus que des traditions usées, presque ridicules; si on retrace encore leurs scènes émouvantes, on sent que le dieu n'inspire plus la pythonisse : l'entente générale du tableau, son idée philosophique, si nous pouvons nous exprimer ainsi, sont mal conçues. L'expression des figures est mal sentie, par conséquent mal rendue.

Partout on fausse, on déplace l'intérêt, et, comme conséquence naturelle, tout se déplace et se fausse. L'émulation môme, la rivalité, cette émulaliort et cette rivalité 3ni donnèrent naissance aux luttes et aux chefs-d'œuvre des Michel-Ange et des Raphaël ou de leurs écoles, tout cela a disparu ou s'est rapetissé ; l'ambition est devenue de l'amour-proprc ; la passion de la gloire, un misérable désir de vanité. Le sentiment, de profond, est devenu violent; il s'est dramatisé ; on ne tient plus à toucher en restant vrai, il faut, avant tout, obtenir des effets; et pour atteindre ce résultat, on s'arroge le droit de tourmenter les lieux de la scène et la pose des personnages, de chercher un éclat bruyant, criard, par des oppositions de couleurs qui appellent, nous allions dire qui arrachent les yeux, d'imaginer des situations qui seraient burlesques au point de vue des grands siècles, d'avoir dès tons et des formes de convention, que l'on fait louer par ses amis; puis, l'on monte auCapitole,

parce qu'on a obtenu les applaudisscmens de quelques 1 rapins qui prétendent ressusciter les luttes artistiques des écoles d un certain âge, sans sentir et sans pratiquer leur amour de l'art. - En vérité, c'est pitié!

Ce n'est pas que nous prétendions établir qu'il n'y a point de nobles exceptions, et notre siècle n'est pas tellement déshérité de cœur et de poésie, qu'il ne se trouve encore des natures heureusement douées, amoureuses de l'art, passionnées et souffrantes de la passion et de la souffrance qu'elles décrivent à la façon de ce grand peintre italien, qui ne pouvait retracer sur la toile les douleurs du Christ sans verser d'abondantes larmes. Mais ces natures sont rares, et ce n'est pas d'exception que nous avons à nous occuper.

Hélas pardonn(z-nons! Nous avions pris la plume pour esquisser la physionomie générale du salon, et nous n'avons pu qu'épancher notre chagrin de voir profaner par la multitude ce don de l'inspiration dans les arts qui, comme un ange, arrache l'homme à la terre et le rapproche du ciel.

Pardonnez nos tristes plaintes, et jugez de cette physionomie générale par l'impression qu'elle nous a fait éprouver.

Le salon de 1845 n'est ni plus riche ni plus pauvre que ses aînés. Ce sont à peu près les mêmes noms dans le salon carré et dans les galeries. Mais une chose qui le distingue à nos yeux, et qui doit vraiment frapper les esprits, c'est l'augmentation, dans de très-larges proportions, des toiles africaines, s'il est permis de les désigner ainsi. Il est inutile de dire qu'à leur tête, pour la dimension et aussi pour le talent, incontestablement, figure la Prise de la Smala d'Abd-el-Kader, par Horace Vernet.

Nous devons à nos lecteurs la description circonstanciée et la critique impartiale de la plupart ces œuvres, et c'est elles surtout que nous examinerons avec plus de détail. A tout seigneur tout honneur. Commençons parla Prise de la Smala.

Le fait d'armes que le grand peintre de batailles a été chargé officiellement de - réprésenler était plutôt, on le sait, un coup de main téméraire excusé par le succès, qu'une de ces batailles dans lesquelles se développe le génie du guerrier, et dont le souvenir se perpétue dans les pages impartiales de l'hisloirc. Aussi est-on étonné dès abord de voir l'immensité du tableau destiné a le reproduire On se demande pourquoi le musée royal de Versailles devra ouvrir à deux batlans les portes de son palais. afin de recevoir ce cadre aiaantesaue.-Esnérürait-on

grandir l'action ? Mais, que nous sachions, la di toiles n'est pas en raison directe de la grandej d e s'. f"k –A-t-on voulu peindre à la fois la foule des.

des vaincus? mais il n'y a eu foule ni d'un tre. Le duc d'Aumale avait six cents chm'ft lation de cette ville nomade a été surprise s ~cn~ La lutte n'a existé nulle part, il y a eu surpKjC' tTfMe~ générale, enlèvement de butin et fuite ; pas c,

tout cela presque sans coup férir. Pour transmettre à la e postérité, puisque l'on y tenait, le combat de Taguin, ne sumsait-il pas de prendre le lieu de l'action la plus chaude, d'y placer le duc d'Aumatc, qu'on voulait immortaliser, en donnant au tout la couleur locale? c'eût été plus modeste, par conséquent plus vrai; et l'on n'aurait pas forcé un homme de talent a exécuter des tours de force ; ils sont toujours dangereux en peinture; et celui-ci l'était d'autant plus, que dans ce large développement de surface, il était

impossible de placer un point de vue suivant les règles de la perspective. M. Vernet a sauvé, il est vrai, la difficulté en imitant quelques peintres anciens, qui ont fait de leurs tableaux une sorte de panorama ; c'est bien. Mais de cette façon, le spectateur est obligé de se déplacer pour apercevoir, les unes après les autres, des scènes qui se succèdent, et il ne peut pas saisir d'ensemble général. C'est absolument comme si on avait commandé à l'artiste une série de toiles représentant les épisodes de ce rude combat. Austerlitz, Iéna, Wagram, etc., n'ont jamais eu pareil honneur.

De plus, difficulté nouvelle, le combat, puisque combat il y a, s'est livré sur la lisière du petit désert; pas un arbre, et partant pas une ombre; le grand soleil et des terres arides, rien de plus; au fond, pour arrêter l'œil, à l'horizon, quelques collines nues et desséchées; sur le devant, pas le moindre repoussoir possible, si ce n'est la faculté de placer, par intervalles, des groupes de chasseurs dont l'uni-

forme foncé pourra contraster avec le burnous blanc des Arabes.–Ainsi, première difficulté: la pauvreté, il faut bien le dire, la pauvreté du sujet; deuxième difficulté: la lumière le dire, diffuse et rayonnante du soleil, qui se réfléchit sur un terrain sans verdure. Examinons maintenant comment l'artiste a surmonté tous ces obstacles, et auparavant, décrivons sommairement le tableau en le partageant à peu près en deux parties égales. - -

A gauche, un escadron de chasseurs sabre quelques Arabes, en exécutant une charge à fond de train.–Là est l'action, l'attaque des Français.

Au milieu des vieillards, des enfans sont cachés sous une tente; quelques esclaves s'empressent de relever le cuir fortement tendu et fixé sur le sol. C'est la surprise, l'effroi et la résignation arabe.

A droite, des troupeaux de moutons et de bœufs fuyent en désordre. Un Arabe a déjà chargé sur les chameaux, dans léur aérienne prison, les femmes du sultan ; mais la fuite est si précipitée, qu'un des chameaux s'est laissé choir; la prison s'est cnlr'ouverte, et les femmes roulent

T u haut de leur monture, dans un tres-simplc et tres-votueappareil.-C'est, en un mot, le désordre dans sa ifiàgnifiquc horreur.

: Sur les derniers plans. et dans le même ordre, sont à peu près retracées les mêmes scènes, parmi lesquelles on remarque une charge de spahis dirigée par le colonel Yuf; au milieu et dans un plan intermédiaire, apparait le

prince, suivi de son état-major, et dont plusieurs femmes suppliantes embrassent les genoux.

Le simple narré de cette œuvre prolixe et fragmentée ne vous parait-elie pas par elle-même la preuve palpable et saisissante de la première difficulté que nous avons signalée. Nous avons dit que les chasseurs exécutaient une charge à fond de train ; mais sur qui ? sur les spectateurs, sans aucun doute, car nos soldats sont au premier plan lancés. dans le vide, et au milieu se débattent deux ou trois Arabes que le fanatisme a poussés à une mort certaine, et sur lesquels le peintre a réussi, sans in-

tention, à jetér tout l'intérêt en faisant diriger vers la tête de chacun de ces malheureux trois ou quatre sabres el autant de pistolets.-Un peu plus loin, à côté, deux femmes sont étendues, mortes de larges blessures d'où le sang coule à gros bouillons; auprès d'elles, un jeune homme tire à bout portant sur des officiers, qui l'auront sabré avant qu'il n'ait pu faire feu; à côté, un enfant présente des pistolets à son père, des femmes saisissent des armes peu redoutables dans leur main, etc., etc. Où est la résistance, et de quel côté est l'intérêt? où commence et où finit la lutte? quel est l'épisode, à défaut de grandescène, où se joue le sort d'une armée etqui tienne en suspens le spectateur ?– Nulle part.–M. Vernet n'avait qu'à décrire, il n'a pas pu inventer, il n'a pas voulu changer son rôle d'historien pour celui de romancier. Il a bien fait, selon nous; mais, dans ces conditions, son tableau est froid; il satisfait la curiosité, mais n'éveille aucune émotion. A qui la faute? Nous l'avons déjà dit. - -- -

Comme coloris, il semblait que icsetones brillantes (le l'Orient, le luxe des armes, les oppositions de couleur prises dans la diversité des uniformes et des races, permettrait ni au peintre de jeter de la variété dans son œuvre. Mais toutes ces circonstances favorables dont M. H. Vernet n'aurait sans doute pas manqué de s'emparer, ont été réduites à néant par les flots de lumière qui inondent le lieu de la scène.

On a t'ait au peintre le reproche de ne pas avoir su mettre à profit les teintes de transition, et de n'avoir pas varié la gamme de ses tons. Nous croyons que le reproche d'ignorance est mal fondé. Il suffit d'avoir visité en élé les plaines arides du midi de la France, pour savoir que, sous les rayons du soleil qui les brûle, les transparences de couleur sont à peu près nulles. Le ton cru est la dans toute sa vérité dure et fatigante à l'œil; la ligne est arrêtée, sèche et comme découpée dans le plan sur lequel elle court. Il faut, pour jouir pleinement des admirables effets de la lumière dans ces contrées, choisir les lieux où elle se brise dans des anfractuosités de terrain, où elle se noie dans une campagne verte et ombragée. En Afrique, surtout à Taj guin, dont la terre calcaire est friable cumme le sable, où le rayon solaire échauffe et raréfie l'air, l'harmonie t

couleurs est encore plus difficile à rencontrer et à peindre.

Sans doute, dans la Prise de la Smala, les chevaux se ca..