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Titre : L'Afrique : journal de la colonisation française, politique, économique, agricole, commercial, littéraire et scientifique / fondé à Paris par les colons de l'Algérie ; [directeur-gérant responsable : Hte Peut]

Éditeur : au bureaux du journal (Paris)

Date d'édition : 1845-02-16

Contributeur : Peut, Hippolyte (1809-1889). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb326834694/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 316

Description : 16 février 1845

Description : 1845/02/16 (A2,N35)-1845/02/22.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6366445d

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-3025

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/11/2012

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Paris « 15 Février.

Nouveau projet de réorganliallon Admlnlsattratlve de ralgérie.

Le retour à Paris de M. le maréchal Bugeaud a fait tomber dans le néant le projet d'ordonnance qui avait été préparé en son absence et à son insu pour M. le directeur des affaires de l'Algérie et M. Blondel. Nos lecteurs n'ont pas oublié que nous avons eu soin de les tenir scrupuleusement au courant des principes et des dispositions de cette première élucubration, ils ont encore présens à l'esprit les mille et une raisons que nous avons données pour faire repousser cette conception qui n'avait rien de sincèrement civil. C'était tout bonnement un replâtrage et une comédie.

Un nouveau projet vient d'éclore, et il a toutes chances d'arriver à bien, attendu qu'il est accepté par M. le duc d'Islv -, reste à savoir s'il le sera par le bon sens public, par le conseil d'État et par les chambres.

Quoi qu'il en soit, voici ce que nous en avons appris de trois ou quatre côtés.

D'abord, il n'y a plus d'intendance civile, on l'a sacrifiée aux répugnances de M. le gouverneur-général.

Il y aura tout bonnement une lieutenance civile, c'est-

à-dire, que l'on élargira les idées et 1 action du secrétariat actuel du gouvernement. Le lieutenant civil sera un aide-de-camp de plus de la maison du maréchal, c'est-à-dire, un agent inoffensif et dépendant. Que gagneront à cela, nous le demandons, les intérêts civils qui tendent inévitablement à prendre le pas sur les militaires, ces derniers étant purement provisoires et de circonstance ?

Le premier projet créait trois directeurs de l'intérieur, un par chaque province : il n'y en aura qu'un comme aujourd'hui, mais un peu affaibli, bien qu'on ait enflé son titre. Il s'appellera en effet, si le nouveau projet prend vie, ce qui, malgré tout, est douteux, directeur de l'intérieur et des travaux publics, ce qu'il est déjà de fait, si nous ne nous trompons.

Le directeur des finances, lui, sera en outre, aux dépens de la direction de l'intérieur et du bon sens le plus vulgaire, directeur dit commerce.

M. Blondel voyant l'intendance civile en désarroi, et craignant de ne pas attraper la lieutenance civile, a voulu rentrer à Alger avec quelques attributions de plus. Il s'est donc octroyé le commerce intérieur et extérieur, les chambres et tribunaux de commerce, plus

les marchés, les poids et mesures, toutes choses qui, par leur nature, doivent être administrées et manipulées par des mains anti-liscales.

Est-ce qu'en France, est-ce que nulle part en Europe le fisc est chargé de veiller à la satisfaction des intérêts commerciaux ? Il est vrai que chez nous le ministre des finances a les douanes, mais seulement en tant que service d'exécution et de perception. C'est le ministre du commerce qui prépare les lois de douanes, qui les présente, qui les soutient, qui les promulgue ; lorsque ce ministère n'existait pas chez nous, ses attributions commerciales et industrielles dépendaient du ministère de l'intérieur.

Comment se fait-il donc qu'on ait osé violer, au profit d'un seul homme et d'un mesquin intérêt, ces simples principes de raison et d'économie politique? Estce pour cela qu'on a fait M. le directeur des affaires de l'Algérie conseiller d'Etat en service extraordinaire?

Nous reviendrons en détail sur ce fait d'hérésie administrative, qui, s'il se réalisait, aurait pour conséquence de frapper mortellement l'avenir commercial de l'Algérie, en le livrant tout entier à la rapacité du régime fiscal; ce serait tout simplement mettre l'agneau dans la gueule du loup.

Du temps de l'intendance civile, c'est-à-dire il y a deux mois, les directeurs de l'intérieur et des iinances, étaient exclues du conseil d'administration ; on les y fait entrer maintenant, et ils y siégeront en

nombreuse compagnie; comme anciennes connaissances, ils y verront M. le procureur général, M. le contre-amiral commandant la marine et M. l'intendant militaire de la division d'Alger ; comme nouveaux venus ils y trouveront M. le lieute-nant civil, M. le directeur des affaires arabes, et enfin trois conseillers rapporteurs pris dans le conseil d'Etat ou dans l'administration supérieure.

Y compris M. le gouverneur général, le conseil se composera de onze membres; ce sera véritablement un conseil supérieur d'administration.

II est impossible qu'une aussi grosse machine puisse marcher, car elle sera composée de ressorts agissant en sens contraires, de rouages qui ne pourront pas s'engrener. Les directeurs de l'interieur et des finances seront plus ennemis que jamais ; le directeur des affaires arabes qu'ils trouveront à chaque instant devant eux, sera un dissolvant et un obstacle; ce sera l'intérêt indigène primant et malmenant l'intérêt européen.

L'intendant militaire se joindra au directeur des affaires arabes, et ils auront l'un et l'autre l'oreille du gouverneur général, et l'assentiment de son très-humble serviteur M. le lieutenant civil. Le commandant de

la marine ne saura a quel saint se vouer, et les trois conseillers rapporteurs, ennuyés d'être des ministres sans portefeuilles, se coaliseront pour en avoir, avec le plus fort, c'est-à-dire avec le parti militaire : il ne peut assurément pas en être autrement. Le comité du contentieux figure dans le second comme dans le premier projet ; il sera tout à la fois tribunal administratif et conseil consultatif. Il se composera d'un président, de quatre membres en service ordinaire, de suppléans et d'un secrétaire greffier.

Toutcepersonnel coûtera, bon an mal an, 00à 70,0(i0fr.

Nous voudrions bien savoir ce qu'il aura tant à faire quand les expropriations actuelles seront réglées, et quand l'ordonnance du 1er octobre 1844, qui en saisit les tribunaux, ainsi que de tout ce qui se rapporte à la propriété, sera en pleine vigueur ? Ces messieurs siégeront une fois par semaine et ils seront hommes de loisirs six jours sur sept; de pareils emplois seront certainement très-enviés.

L'idée des zones a prévalu. Il y en aura trois : une civile où l'on pourra acquérir, vendre, faire toutes sortes de transactions à son gré; enfin, où l'on sera administré civilemcnt.autant uu'il nlaira pp.ni>nrlant HI

- .-- ---- - --1'-.-gouvernement militaire; une mixte où l'on sera administré et jugé @ militairement, où l'on ne pourra ni vendre, ni acquérir, sans préalable autorisation des autorités militaires; une arabe où tout sera livré au despotisme du bon sens naturel, et où les européens ne pénétreront qu'exceptionnellement et passagèrement.

La zone civile, le projet d'ordonnance le dit formellement, ne comprendra que les territoires actuellement civils; elle ne pourra être agrandie par le ministre que sur demande du gouverneur-général, qui se promet bien de ne jamais faire de démarches dans ce but.

Elle sera administrée comme aujourd'hui par des sousdirecteurs, des commissaires civils et des maires.

Dans la zone mixte, l'administration civile sera pratiquée par des olliciers. A cet effet, ces messieurs seront transformés en sous-directeurs, en commissaires civils, en maires et en juges de paix; la justice civile et criminelle y sera rendue par les conseils de guerre.

La zone arabe sera, ainsi que nous l'avons dit, purement militaire; c'est là que régnera dans toute sa plénitude le régime du bon sens naturel.

Nous ne voulons pas pousser plus avant aujourd'hui dans l'examen et l'analyse de ce nouveau projet. Ce que nous venons d'en dire suffira, d'ailleurs, pour faire apprécier à sa juste valeur cette émanation de l'esprit militaire, assisté dans cette œuvre déplorable , par cet esprit basse condescendance par cet militaire, d'intrigue et de basse condescendance

qui règne à la direction des affaires de l'Algérie. Nos révélations n'ont peut-être pas été étrangères à la mésaventure du premier projet; il ne dépendra pas de nous qu'il n'en soit pas de même pour celui-ci.

Ce que nous voulons pour l'Algérie, c'est un gouvernement qui, par ses représentans et son organisation, comprenne, défende, protège, vivifie, étende les intérêts civils. En effet, ce sont les seuls dont il convient de se préoccuper en tout et pour tout, attendu qu'à leur triomphe est attachée la conquête définitive de l'Algérie. Nous ne cesserons donc de combattre le régime militaire et toutes les mesures qui tendront d'une manière ou d'une autre au maintien de cette forme de gouvernement contre nature.

Or, le second projet de réorganisation n'est, comme le premier, que la consécration de ce régime.

Ainsi qu'on vient de le voir, la paix est faite entre M. le maréchal Bugeaud et M. Blondel.

Toujours habile a se tirer heureusement des mauvais pas et des situations délicates, M. le directeur des finances a su triompher une fois encore des fâcheuses préventions qu'on avait inspirées contre lui à M. le gouverneur général.

On l'avait accusé d'ambition, quelle abominable calomnie !

On était allé jusqu'à dire qu'il voulait annuler le gouverneur, confisquer ses pouvoirs civils, et le réduire au rôle de roi fainéant, en ne lui laissant que le droit de régner sans gouverner.

Rien n'est plus faux. Le projet de réorganisation de l'administration générale de l'Algérie était, il est vrai, conçu de manière à produire ce résultat. D'après ses dispositions, le futur intendant civil devait être le gouverneur réel. Mais comment croire que M. Blondel eut imaginé de lui-même de se donner ainsi des galons au détriment de l'autorité de son chef ? Coupable de fait, il ne l'était pas d'intention. C'est bien lui qui a rédigé le projet et formulé les dispositions attentatoires aux pouvoirs du gouverneur général ; mais il ne l'a pas fait de son propre mouvement ; on lui a forcé la main. Une volonté supérieure à la sienne l'obligeait à se faire une grande position ; il a dù la subir, bon gré, mal gré.

La bonhomie de M. le maréchal Bugeaud s'est rendue à ces excellentes raisons, et le bienheureux M. Blondel

est rentré en grâce. Aujourd'hui on ne jure plus que par lui : « le jour n'est pas plus pur que le fond de son cœur. »

Le rôle de lieutenant civil ne sera peut-être pas aussi brillant que celui d'intendant civil, il aura moins d'indépendance et de dignité. Mais qu'importe ? si les attributions sont rapetissées, le traitement ne le sera pas ; et puis, M. le maréchal Bugeaud est de si bonne composition, on le ramène si facilement, qu'avec un peu d'adresse et de ménagement, on finira par obtenir de lui, en lui laissant croire qu'il gouverne, la concession, sinon de droit, du moins de fait, de tout le gouvernement civil, ce à quoi nous ne trouverions guère à redire si ce gouvernement passait en des mains capables d'en faire un grand et utile usage. Mais à quoi

serviront en définitive toutes ces menées? à reconstruire cette monumentale et absurde organisation administrative dont le projet a déjà été détruit, et qu'il faudra bien édifier tôt ou tard pour la plus grande gloire du futur intendant.

Ainsi, toute cette opposition de M. le maréchal Bugeaud à l'adoption du projet de réorganisation administrative n'aura abouti qu'à le rendre dupe d'une nouvelle intrigue. Il aura beau faire, nous lui prédisons que les habiles arriveront à leurs fins, et qu'il leur mettra lui-même le pied à l'étrier.

Nous avons fait connaître, dans l'un de nos derniers

numéros, ce que coûte, en Algérie, l'administration de la justice, dont les dépenses, en personnel et matériel, atteignent déjà près d'un demi-million.

M. le maréchal Bugeaud dit à qui veut l'entendre que le personnel de la direction des finances est bien autrement dispendieux, et que, grâce à la somptueuse organisation qu'on lui a donnée, il n'absorbe pas moins de dix-huit cent mille francs par année.

M. le maréchal Bugeaud s'indigne de cet accroisse ment démesuré des services administratifs de la colonie, et des dépenses qu'ils entraînent.

Mais comment donc ne sait-il pas, lui gouverneur général, mettre un frein à de pareils abus.

On assure que M. Giaccobbi, conseiller à la Cour royale d'Alger, est désigné pour faire partie du comité du contentieux, dont la création prochaine parait définitivement arrêtée.

Ce magistrat avait été mis récemment, par le ministre de la guerre, à la disposition du ministre de la justice. C'est à titre de dédommagement, et sur la demande de M. le maréchal Bugeaud, qu'on lui réserve un emploi au futur comité du contentieux.

Pépinières Mtcmtatew M. le ministre de la guerre décida, il y a peu de temps, que deux nouvelles pépinières seraient fondées en Algérie, l'une à Bouffarick, l'autre à Mostaganem. Celle de Bouffarick doit être établie dans la dépendance du camp d'Erlon, qui, depuis la paix, n'a plus qu'une faible garnison. Elle sera, dit-on, installée de manière à produire par année. 150,000 jeunes arbres.

Sa destination serait de pourvoir au besoin des cultures particulières des villages de l'Atlas, et notamment aux plantations qui devront être faites au fur et à mesure de l'exécution des travaux de desséchemens. A en juger par la prodigieuse végétation des arbres de Bouffarick, cette pépinière est destinée à produire des nierveilles.

Quant à celle de Mostaganem, elle sera située à peu de distance de la ville, et elle aura une étendue de 12 à 14 hectares. La colonisation européenne étant appelée à se développer rapidement sur le riche territoire de Mostagancm, lorsqu'enlin on se décidera à l'y introduire, il était indispensable de lui préparer, dès à présent, des ressources en arbres de toute espèce.

Nous ne pouvons donc qu'approuver complètement ces deux créations, qui ont un caractère d'incontestable utilité.

Il existe maintenant en Algérie huit pépinières principales : le magnifique établissement du Hammah, près A!ger, qui porte le nom de pépinière centrale du gouvernement, et qui est dirigée avec un talent remarquable par M. Hardy, élève du Jardin-du-Hoi, à Paris.

Ces pépinières sont situées à Alger, Bouffarick, Misserguin, près Oran, Mostaganem, Philippeville, Boue, Constantine et Sétif.

Il existe, en outre, des pépinières secondaires à Tlemcen, Mascara, Orléanville, Miliana, Medéab et Ç-LIL ma.

Nouveau territoire civil et judiciaire de BOne.

Nous avons eu occasion de signaler l'étroitesse du territoire civil et judiciaire de la ville de Bône, qui est encore tel qu'il a été déterminé en 1838. Il ne consiste qu'en une petite lande de terre, autour de la ville, qui ne dépasse pas le fort Génois et le pont de Constantine.

Cette situation ne pouvait se prolonger; nous apprenons que, nonobstant des réclamations très-vives de l'autorité militaire, qui ne veut pas qu'on lui enlève ses chers Arabes, M. le ministre de la guerre vient de faire signer une ordonnance royale à l'effet d'agrandir le ressort du tribunal de Bône.

FEUILLETON DU JOURNAL L'AFRIQUE.

Chronique de Paris.

De bien longs jours mêlés de pluie et de soleil se sont écoulés depuis notre dernière Revue. Un mois ! grand Dieu ! un mois de la vie si dévorante et si rapide de Paris, où les jours ce sont que des heures, ou certaines heures s'envoient aver. la rapidité d'une seconde. Un grand mois ! et quel mois ? celui qui a vu mourir le carnaval, ce temps de folies, qui a vu naitre le carême, ce quart-d'heure de Rabelais pour les consciences comme pour les bourses. Vous narrer tout ce qui est advenu d heur et de malheur dans ce laps de temps, est une tâche à faire reculer le chroniqueur le plus hard. ; nous aussi nous avons notre quart d'heure de Rabelais.

Nous nous efforcerons, toutefois, d'accomplir cette tâche.

D abord c'est un devoir, et d'ailleurs le moment est propice pour faire un retour vers le passé, le présent n'ayant rien que de fort ennuyeux, ou de fort grave, deux qualités qui vous poussent merveilleusement au devoir. La neige a sali nos rues et nos promenades; le givre a dépoli nos carreaux qui ne laissent plus arriver qu'une lumière pâle et terne; la bise souffle avec violence son haleine engourdissante, et le soleil n'existe plus qu'à l'état de mythe.

Le carnaval expirait le 4 février. Aussi la dernière quinzaine du mois qui précédait a été très-bruyante et très-joyeuse ; le château lui-même s'est illuminé plusieurs fois et a ouvert les portes de ses salons à un public officiel qui prétend s'y être fort diverti. Cependant les bals du duc de Nemours se sont un peu ressentis de la froideur, d'autres diront de la timidité du maître de la maison. Les assemblées étaient peu nombreuses, l intendant des fêtes du futur régent ayant reçu l'ordre dépurer avec soin les listes d'invitation du prince le plus aristocrate de la famille. En revanche, M. de Montalivet avait convoqué aux bals de la cour, le ban et l'arrière-ban des invités ordinaires et extraordinaires. Les quadrilles se sont coudoyés, et les buffets se sont vidés avec une rapidité qui faisait honneur à l'agilité et à l'appétit des conviés. Autrefois, on eût peut-être appelé ces réunions du mot peu poli de cohue ; aujourd'hui on les appelle un raout. L'anglomanie fait excuser beaucoup chez nous depuis quelque temps.

, Les ambassades ont eu leur jour de réception et de gala. On cite les réunions brillantes et choisies de MM. d'Appony et de Brignole-Saie. Celles de lord Cowley ont été interrompues pour cause de deuil personnel à l'ambassadeur. M. le comte Molé a donné aussi deux ou trois très-grandes soirées! Nous pensons bien que le noble pair n'avait pas seulement en vue d'être agréaPie a ses invités, et qu'il devait se tenir dans quelque coin de

ses satonsdes conversations politiques, écho confidentiel de son discours à la chambre. Mais, hélas! paroles ollioieuses et communications officieuses, tout a échoué devant la ferme volonté du ministre, qui voit, dans deux ou trois voix de majorité, l'appui suffisant à sa politique.

M. de Montalivet, que l'on a accusé de conspirer, avec M. Molé, la chute du 29 octobre, ne pourra pas cette fois, dans les fêtes qu'il a données, être taxé de complicité, et nous ne croyons pas qu'à son dernier bal il ait été question, le moins du monde, de coalition, de défection ou d'intrigue parlementaires. Il peut bien se faire que, plus tard, ses invités suivent l'exemple qui leur est donné aujourd'hui; mais nous répondons d'eux quant à présent; le plus âgé de tous avait douze ans. Et, à ce sujet, qu'il nous soit permis de critiquer amèrement cet entraînement qui pousse à initier l'enfance au bruit et aux veilles du grand monde. Heureux de la terre, envoyez vos enfans respirer dans vos parcs, y prendre l'exercice nécessaire à leur développement physique; ne fatiguez leur intelligence qu'au profit de leur moralité, en leur faisant apprendre à discerner le bien et le mal, le juste de l'injuste; préparez-les à devenir des hommes utiles ou des femmes honnêtes, et ne les laissez pas, à cet âge, dont les premières impressions ne s'effacent jamais dans ce monde où tout n'est qu'envie, jalousie, haine et médisance; dans ce monde où une parole hasardée, dite à voix basse, peut être ramassée par tous ces jeunes esprits, si avides de nouveauté, et dont l'interprétation est quelquefois si dangereuse.

Après les bals officiels, et au moment où l'on sentait venir ce quart d'heure de Rabelaisdont nous parlions dès l'ahord, il aété jugé nécessaire de donner des bals pour les pauvres. Pendant un mois, on avait prodigué l'or pour son plaisir, il fallait bien consacrer 30 fr. à une aumône, et d'autant que cette aumône avait deux bons côtés; celui d'être utile à son prochain d'abord, et puis aussi celui d'étaler les riches toilettes qu'il faudra bientôt replier jusqu'à la mi-carême. On est obligé maintenant de travestir la charité pour la faire agréer; bals ou loteries, plaisirs ou gains; voilà, les seuls moyens de faire vider les riches escarlelles, Parmi ces fêtes à souscription, celle du prince Czartorisky doit être mise hors ligne. Un hôtel magnifique somptueusement orné de crépines d'or, parfumé par des bosquets de neurs, rafraichi par des jets d'eau nombreux, éclairé à giorno par des milliers de bougies, présentait un aspect féerique impossible a rencontrer ailleurs; et ce qui n'est pas moins rare, on y était reçu par cette affabilité simple et distinguée du maître de la maison, dont la bonté est proverbiale. Le Mardi-Gras, on jouait au Théâtre-Français, suivant un usage immémorial, le Malade imaginaire, qui se termine par une cérémonie dans laquelle doivent puraitre tous les sociétaires ou pensionnaires. Les jaunes gens ont profité de la circonstance pour improviser un bal dans le foyer particulier aux acteurs ; on a fait prier les journalistes et les hommes de lettres qui se trouvaient dans la salle de venir, par ordre, derrière les. coulisses, et critiques, auteurs et artistes se sont unis par les liens de la chaîne anglaise jusqu'à deux heures du matin.

Le bal a été suivi d'un souper; c'est une joyeuse idée due, diton, au cerveau de allie Plessy, et qui ne sera pas perdue dans l'avenir de la mi-Carême.

Au milieu des fêtes bruyantes du carnaval ont eu lieu quelques solennités littéraires : la réception de MM. St-Marc Girardin et Mérimée, et une lecture chez Mme la princesse de Canino, veuve de Lucien Bonaparte; l'œuvre soumise à la critique des invités de la princesse, parmi lesquels on remarquait MM. de Balzac, Ponsard, de Lamartine, etc., était une œuvre posthume du frère de l'Empereur; elle a pour titre: Le* Enfans de Clovi, Plusieurs passages de cette tragédie, qui est dans la forme antique, ont été vivement applaudis. Le soin de les faire ressortir par une diction nette et intelligente était confiée à M. Mennechet, qui s'en est acquitté à merveille.

On augurait beaucoup des deux réceptions qui ont eu lieu à l'Académie ; à la première, celle de M. Saint-Marc-Girardin. On s'attendait à voir la nouvelle école, défendue par son chef, chargé de recevoir le récipiendaire, l'un de ses critiques les plus ardens. Mais M. Victor Hugo a jugé avec raison qu'il était de bon goût de garder le silence. Seulement, à la (In, il a justifié indirectement ses tendances en montrant avec quelle noblesse il comprenait la destinée de l'homme de lettres.

La réception de M. Mérimée promettait un portrait frais et naïf du poète le plus frais et le plus naïf de notre époque, de Ch.

Nodier, ce Lafontaine du xixc siècle. Disons-le, M. Mérimée est resté au-dessous de sa tâche. M. Etienne a été plus heureux.

Il avait vécu, lui, d'une vie intime avec l'homme regrettable dont il a su dire toutes les qualités. Son discours a été lu par M. Viennet, une indisposition assez grave ne lui permettant pas de remplir son rôle d'introducteur auprès de M. Mérimée.

Les théâtres se sont ressenti des distractions du grand monde; ils ont chômé de pièces nouvelles pendant qu'on les abandonnait pour Içs bals. Cependant ils ont hasardé quelques premières représentations,dont quelques-unes ont eu du succès.

Nous citerons entr'autres Forte-Spada, de M. Félicien Malefille. Des scntimcns nobles et généreux, des situations fortes et attachantes, un style pur, chaleureux et imagé, telles sont les qualités qui ont dès son début, placé M. Malelille au premier rang des auteurs dramatiques. On retrouve toutes ces qualités dans Forte-Spada, et son succès légitime a cela d'utile, qu'il habituera les spectateurs de la Gaité a des œuvres plus correctes et plus choisies que celles dont il s'était contenté jusqu'alors.

Nous devons mentionner aussi la vogue des Talismans, par M. Frédéric Soulié, C'est un drame fantastique. Les Mémoires du Diable portés sur la scène de l'Ambigu! A l'Opéra, 36 pelites filles, sous la direction d'une Mme Weis, sont arrivées de Vienne, pour y singer les Carlotta Crin, Maria et consorts.

Le public applaudit. C'est bien. Pour nous, qui regrettons de voir de jeunes enfans balancer, valser ou poker dans des salons, vous devinez ce que nous pensons des pirouettes plus ou moins décolletées des 36 petites filles. Du reste, pour cellesci, l'expérience a déjà justifié nos craintes; quatre des plus, grandes, parmi ces pauvres enfans, ont déjàété enlevées à la scè-

ne. Mœe Weiss fera bien de mettre la population viennoise en coupe réglée, pour ravitailler sa troupe dont les succès sont, on le voit, de tous les geureE.

A l'heure qu'il est, aucun directeur ne songe à une première représentation; toutes les salles de spectacles sont désertes ; et peut-il en être autrement ? Les chevaux du quartier d'Antin ne hasardent pas leurs formes grêles et élégantes sur le pavé glissant de nos chaussées; ils appartiennent à gens trop soigneux et d'un faste trop économe ; ceux du noble faubourg se fatiguent assez dans leurs courses à Notre-Dame et à St-Thomas d'Aquin; les voitures de place sont pétrifiées. Si, de temp3 en temps, quelques-unes se souvenant qu'elles ont été faites pour rouler sur leur quatre rou?s, veulent sortir de leur état d'immobilité , elles expient par une chute affreuse et dislocante, leur moment de témérité, et passent bientôt ainsi de l'engourdissement à la mort. Reste bien pour peupler certains théâtres, ce bon bourgeois de Paris, spectateur quand même, des scènes émouvantes du boulevard; il irait bien à pied, lui tout seul, pleurer sur les malheurs de la victime et applaudir la punition du traître; mais que voulez-vous!

Le bourgeois recule à l'idée de se trouver seul au retour dans ce dédale dangereux des rues de Paris. Lecteur assidu de la Gazette des Tribunaux, il a lu avec effroi les hauts faits des escarpes et des habits noirs; et, quand il commençait à se rassurer, en pensant que ces hauts faits n'étaient plus que de l'histoire, que leurs héros étaient enchaînés comme leur valeur, un beau matin il apprend que la police s'est emparée d'une troupe affamée de trois cents bandits, qu'en rêve il habille à la façon de ceux de l'Ambigu. Depuis ce jour, il ne sort plus, à peine s'il ose descendre son escalier; son portier pourrait bien être un des affiliés inconnu de la bande. Il ne sait plus qu'avoir peur en présence de ces razzias inattendues de bas étage qui ont lieu tout d'un coup, en un seul tour de main, à un jour donné, à celui-là et point à d'autres, et il a ma foi raison. C'est à n'y rien comprendre. Quelques mauvais esprits prétendent bien qu'il y aura plus de bruit que de mal en toute cette affaire; ils s'obstinent à rapprocher la date de ces arrestations importantes, de la présentation de la loi sur les fonds secrets. Ils croient que cet exploit de la rue de Jérusalem sera d'un puissant secours pour enlever quelques voix de députés convaincus depuis trois jours qu'on ne saurait trop payer et sans discussion, des gens qui servent avec autant de rèle que de succès. Qu en pensez-vous ?

Quant à nous, sans éclaircir la verité de ces dires, nous ferons comme le bon bourgeois, et, quoique avides d'émotions par nature et curieux par état, nous prenons le parti de rester au coin de notre feu et de charmer la monotonie de nos soirées par la lecture des livres nouveaux qui s'entassent chaque jour pèlc-mèle dans notre bibliothèque. A la prochaine fois, vous nous permettrez bien de vous dire nos impressions de voyage dans ce vaste champ d'émotions littéraires, de couquêtes philosophiques et de trésors de toute nature.

Juus DI FUVftAVt