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Titre : Hommage à la mémoire de M. Magloire Thévenot [par L. M. Patris-Debreuil]

Auteur : Patris de Breuil, Louis-Marie (1778-1858). Auteur du texte

Éditeur : (Troyes)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31066874z

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : In-8° , 40 p.

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Champagne-Ardenne

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6317498g

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LN27-21887

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 02/10/2012

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HOMMAGE

u A LA MÉMOIRE

DE M. MAGLOIRE THÉVENOT,

DECEDE RTTTFESSBÇIT ÉMÉRITE DB LA 4" CLASSE D* .f AU COLLÈGE DE TROYES. >

IL semble natntel que ceux qui cultivent les

lettres et les sciences se flattent d'obtenir, lorsqu'ils ne seront plus, non-seulement de leurs pairs, mais encore du public, les hommages littéraires et patriotiques qui leur seront dus ; car la patrie n'est pas moins intéressée que les Muses, à l'éloge de ceux qui n'ont cultivé les Muses que pour bien mériter de la patrie.

Quique pii vat es.

Quique sut memores alios fecére merendo.

VIRG.

De ce nombre était M. Magloire Thévenot, professeur au collège de Troyes, écrivain mo-


deste qui, justement honoré de ses concitoyens pendant tout le temps qu'il vécut, est mort comme s'il eût été ignoré ou méconnu dans le pays où sa famille s'est établie et où il a passé la majeure partie de sa vie à se rendre utile, sans qu'aucun corps littéraire, ni aucun écrit périodique, même de ceux consacrés au nécrologe, ait fait aucune mention de lui. Cependant M. Magloire Thé-

1 Voici ce que M. le maire de la commune de Dampierre m'a -fait l'honneur de m'écrire, sur les motifs qui ont déterminé les 1 père et mère de M. Magloire Thévenot à quitter le lieu de sa naissance : « M. Thévenot, père de ce professeur, qui était maître » d'école à Dampierre, lors de la naissance de ses trois fils, sentant » l'importance d'une bonne éducation, a cherché les moyens de » faire instruire ses enfans : à cet effet, il est parvenu à se procurer » la maîtrise de Pont-Ste-Marie (près Troyes), où il a fixé sa » demeure , pour être à même de faire donner à ses enfans de » l'éducation; ce qu'il n'aurait pu faire à Dampierre, qui est trop » éloigné de villes, à moins de grands frais. »

M. le maire ajoute que M. Thévenot, professeur, est venu différentes fois à Dampierre visiter ses parens, notamment au mois d'octobre qui a précédé son décès; qu'il ne manquait jamais de les voir tous, sans en excepter les pauvres, parce qu'il savait qu'ils étaient honnêtes gens ; qu'enfin la commune qu'il administre, s'honore d'avoir donné le jour à ce respectable professeur. Je ne citerai aucune particularité de son enfance, si ce n'est que, lorsque son père se fut fixé à Pont-Ste-Marie, distant d'une lieue de Troyes, le jeune Magloire faisait en toute saison deux fois ce chemin par jour, pour apprendre le latin; et il apporta une si grande ardeur à l'étude, il y fit des progrès si prompts, que bientôt il fut en état d'enseigner à son tour.


venot s'est trop occupé, pendant sa longue et honorable carrière dans l'enseignement public, des progrès de l'éducation, pour mériter un oubli qui, prolongé plus long-temps, serait en quelque sorte injurieux à sa mémoire.

Qu'il soit donc permis à un de ses élèves les moins marquans dans la société, mais sans contredit un des plus redevables à M.

Thévenot, de lui payer, après trois années écoulées, le tribut de sa gratitude personnelle 1, et de se rendre en même temps l'interprète des sentimens de ses concitoyens à son égard.

C'est à ce maître qu'au sortir des écoles des frères de la doctrine chrétienne, dont je me glorifie d'associer l'éloge au sien, mon instruction fut confiée : ou plutôt, ce fut ce généreux instituteur qui, sur mes dispositions peut-être, et sans nul doute d'après son inclination naturelle à la bienfaisance, voulut bien se charger gratuitement de mon instruction (ce qu'il a fait, au même titre, pour

J. Je me croirais sans excuse d'avoir différé si long-temps à m'acquitter de ce devoir, sans une cause connue qui m'a empêché de le faire plus tût.

Quœsivi codo lucem, iitgcmuique MEGATA.


plusieurs autres jeunes gens comme moi sans fortune, qu'il a même admis à sa table) ; et il la suivit avec tant de zèle, que peu d'années lui suffirent pour me mettre en état, nonseulement de puiser aux sources du savoir, mais encore de remplir avec honneur un emploi que j'obtins dans des temps difficiles, et à un âge où l'intelligence n'a pas encore reçu ses dévcloppemens. Il a, depuis, renouvelé le même zèle en faveur de mon fils, qui lui doit, ainsi qu'aux maîtres qui lui ont succédé, les progrès qu'il a faits dans ses études1.

Quels encouragemens n'ai-je pas reçus de sa constante bienveillance ! Soit qu'il me donnât des conseils aussi sincères que désintéressés; soit qu'il eût la complaisance d'examiner mes faibles productions, que toujours je me suis fait un devoir de lui soumettre ; soit enfin qu'il m'honorât de la communication de celles qu'il a lui-même publiées, et

-1 Je dois une reconnaissance particulière aux soins et aux bontés de M. Paris, professeur de philosophie, et à M. l'abbé Périn, principal du collége de Troycs.

Le départ tic M. l'abbé Périn, appelé à de plus hautes fonctions dans une autre ville, causera des regrets d'autant plus vifs, qu'il a inspiré, par ses éminentes qualités, des sentimens d'estime et d'af.fection à tous ceux qui ont eu l'avantage de l'approcher ou de le connaître.


en grand nombre, et avec un succès incontestable, puisque de ces productions, les unes, telles que ses questions sur la grammaire, ont obtenu plusieurs éditions, et que les éditions des autres, épuisées depuis long-temps, faisaient désirer leur réimpression.

Pour compléter le tableau des obligations que j'ai à M. Thévenot, qu'il me soit encore permis de dire avec quelle passion il souhaita, et avec quelle vivacité de sentiment il apprit le bonheur inattendu qui m'accueillit au printemps de mes jours : bonheur qui fut alors le sujet de quelques vers inspirés par la reconnaissance et par la piété filiale; et qui depuis, évanoui comme un songe, avec les belles années et les douces illusions de la jeunesse, et remplacé par l'affliction, privée de la consolation des Muses, aurait pu fournir la ma- tière de l'élégie la plus touchante

Si, passant de ee qui m'est personnel, à ce qui regarde le bien public en général, je racontais ce qui est à la louange de cet homme généreux, combien j'aurais de vertus civiques

1 Eheul fugaces, Postume, Postume, Labuntur anni.

Linquenda tellus, et domus, et placens Uxor.

HOR. Odar. lib.i.


à peindre, et quels résultats de ses travaux j'aurais à exposer ! Je me bornerai à un petit nombre de faits et de réflexions.

Et d'abord, relativement à l'expression des sentimens que M. Thévenot éprouva, lors du retour de la famille auguste rétablie comme par miracle sur le trône de ses aïeux, quels transports ne fit-il pas éclater, en apprenant cette heureuse nouvelle! quelle joie ineffable!

quelle effusion de cœur! en un mot, quel patriotisme !

A l'exemple des meilleurs écrivains, tels que Fénélon, Rollin, Bernardin de SaintPierre, etc., M. Thévenot faisait consister le patriotisme à aimer et servir le Roi et la patrie.

Elevé dans ces sentimens dont il s'était fait une habitude précieuse, il a été constamment l'un des plus zélés partisans de la monarchie et de la légitimité. On aurait pu croire que l'intérêt avait été le mobile de sa conduite ; car jusqu'à la révolution, il eut un pensionnat nombreux, qu'elle réduisit considérablement : mais les sacrifices volontaires qu'il a faits pendant cette époque, prouvent que ses sentimens ont été aussi purs que généreux.

Il opposa une constante et invincible résistance aux innovations démagogiques intro-


duites dans l'enseignement, par rapport à l'usage des livres classiques. Dénoncé plusieurs fois-pour cette opposition courageuse, il n'en persista pas moins à conserver les livres prohibés, qu'il regardait comme les seuls propres à inculquer à la jeunesse les principes et les sentimens qui devaient servir de fondement et de règle à sa conduite. L'aménité de son caractère le sauva heureusement des effets de sa trop grande franchise, et de son zèle (il faut le dire, sans toutefois le blâ- mer), souvent poussé jusqu'à l'imprudence, surtout pendant le règne de l'ex-empereur, dont il ne pouvait entendre prononcer le nom sans indignation, parce que, sous l'armure éclatante qui couvrait le héros, son œil perçant n'aperçut jamais que l'usurpateur du trône de son Roi, et l'oppresseur de la liberté de ses concitoyens. Ainsi, Platon, que le faux éclat de la cour de Denys n'avait pu séduire, ne voyait sous la pourpre royale dont il était revêtu, que le tyran de Syracuse, qui, depuis, chassé du trône, devint maître d'école à Corinthe. Au reste, dans aucun temps, et sous aucun prétexte, M.

Thévenot ne s'est écarté du respect dû à l'autorité légitime, non plus que de l'hon-


neur, de la droiture, et de la probité la plus scrupuleuse. C'est par cette conduite persévérante qu'il a rivalisé avec les Troyens célèbres, dans les mémoires desquels il a mérité de trouver place de son vivant, avec cet habile recteur de l'ancienne université de Paris et ce savant bibliothécaire dont notre patrie s'honore d'avoir été le berceau,.

M. Charbonnet, né à Troyes, le 9 février 1^33, décédé à Paris en 1815, le même jour 9 février. Voyez l'article que je lui ai consacré dans l'ouvrage posthume de Grosley que j'ai publié, en attendant son éloge que la reconnaissance dictera sans doute, incessamment à M. Monnot Des-Angles, petit-neveu de M. Thévenot, professeur au collège royal de Limoges. Déjà M. Monnot Des-Angles, vient (m'a-t-on dit) de publier, avec succès, un ouvrageclassique de ce digne successeur des Rollin et des Lebeau, qui a.

bien voulu l'accueillir et le protéger, moins d'après ma recommandation que sur celle de son propre mérite.

M. l'abbé Herluison, auquel j'ai également consacré, après sa mort, arrivée le ig janvier 1811, et dans les mêmes Mémoires de Grosley, un article qui a servi à la rédaction de celui inséré dans la Biographie Universelle, par M. Louis Dubois, savant distingué- Cet article apologétique avait été précédé d'un hommage placé à la tête du second volume des Ephémérides de Grosley, dont on achevait alors l'impression ; hommage rendu, pour ainsi dire, sur sa tombe, et qui a été suivi d'une nouvelle mention, vivement applaudie, dans un passage de mon discours sur l'inauguration du buste en marbre du savant Troyen dans l'hôtel-de-ville en 1814.Dans ces pièces où j'ai été l'organe des sentimens des concitoyens de M. Herluison, j'ai exprimé, avec leurs regrets de sa perte, le vœu qu'ils ont formé de voir imprimer les œuvres qu'il a laissées, et en même temps ériger dans le même hôtel-de-ville, en l'honneur


et le théâtre de leurs talens, comme elle s'enorgueillit d'avoir donné le jour aux Girardon et aux Mignard, et de posséder encore en MM.

Gauthier, architecte, Arnaud, peintre, et Paillot de Montabert, amateur éclairé des beaux-arts, des artistes capables de soutenir la réputation de ces grands maîtres

Comme MM. Herluison et Charbonnet,

de ce savant et vertueux écrivain, un monument semblable à ceux consacrés aux grands hommes de Troyes, dont il a été l'admirateur et l'émule. Puisse ce vœu être pria en considération par l'autorité municipale, et son accomplissement répondre bientôt à l'attente générale !

1 Le premier de ces artistes est auteur d'un recueil grand infolio, intitulé : Les plus beaux édifices de la ville de Gênes et de ses environs, superbe ouvrage dédié au Roi et qui se public par souscription.

Le second publie aussi par la même voie un autre recueil, petit in-folio, sur les antiquités de Troyes. Cet ouvrage a été annoncé à la fin du 2e volume des Mémoires de Grosley, comme une entreprise patriotique, à laquelle doivent s'empresser de concourir tous les citoyens amis des arts et de la gloire de leur pays, qui sont capables par leur fortune de subvenir à cette dépense; mais comme le nombre des souscripteurs ne peut être suffisant pour la couvrir, il est de la générosité de M. le maire et du conseil-municipal de suppléer au déficit, afin que ce monument, commencé sous leurs auspices, se termine le plus promptement possible à leur satisfaction.

Quant à M. Paillot de Montabert, un essai qu'il a publié sur ics beaux-arts a prouvé qu'à une pratique brillante il alliait une savante théorie : ce qui sera confirmé par un ouvrage considérable qu'on annonce être en ce moment sous presse.


dont il était contemporain ; en même temps qu'eux et depuis leur perte, M. Thévénot a été l'une des principales colonnes de l'édifice fondé par les savans Pithou, pour l'instruction de la jeunesse, un des principaux restaurateurs et des plus fermes appuis du collége de Troyes, auquel il a sacrifié son temps, ses moyens, ses forces et son repos, jusqu'à l'âge le plus avancé, sans songer à la fortune non plus qu'à la gloire. Lors de la réorganisation de cet établissement public si précieux, après la suppression des écoles centrales, il y transporta sa chaire ; et ses élèves, au nombre de plus de cinquante, dont il avait jusque-là retiré des rétributions qui dès-lors profitèrent à la ville, suivirent leur professeur, et furent répartis dans les classes inférieures de latinité, jusqu'à la quatrième qu'il choisit comme étant placée au centre des humanités, et l'une des plus nombreuses. Il ne voulut jamais la quitter, quoiqu'on lui eût offert, et qu'on l'eût même pressé de passer à des classes plus élevées, par la raison que, dans un emploi plus brillant, il eût été, selon lui, moins utile : bien différent dans sa manière de penser et de se conduire, de ces jeunes professeurs qui, sans défiance d'eux-mêmes,


aspirent continuellement à monter. Il ne s'occupait que de ses devoirs. Avec quelle exactitude il aimait à les remplir ! avec quelle patience et avec quelle douceur, non dépourvue de la fermeté nécessaire pour forcer à l'obéissance ceux que l'une et l'autre n'auraient pas suffi pour y conduire, il s'appliquait aussi bien chez lui dans ses loisirs, qu'au collége pendant les heures destinées à l'enseignement, à instruire l'esprit et à former le cœur de ses élèves ! Combien il s'intéressait à leurs progrès, et combien il les affectionnait !

N'ayant pas eu d'enfans de son mariage, ils semblaient lui en tenir lieu ; il les traitait tous, riches ou pauvres, sans distinction, comme les siens propres. Aussi en était-il chéri à son tour comme un père tendre. Un des moyens qu'il employait pour entretenir la bonne harmonie dans sa classe, était de n'écouter aucun rapport, de ne prêter l'oreille à aucune plainte, à aucune insinuation secrète , et par là même toujours suspecte.Maxime qui n'est pas moins à recommander aux pères de famille qu'aux chefs d'institution, et qui, mise en pratique avec restriction dans la société, tendrait à y maintenir la paix et l'union. Une autre maxime non moins


essentielle qu'il suivait encore, c'était de ne jamais exciter l'envie sous le nom d'émulartion. Aussi ses élèves n'avaient-ils généralement d'autre jalousie entr'eux, que de disputer à qui lui plairait davantage en remplissant leurs devoirs. Le souvenir qu'ils ont gardé de ses bontés, et le témoignage qu'ils lui ont donné de leur gratitude, en venant le visiter, même des pays les plus éloignés, long-temps après leurs études, étaient son plus cher désir, sa plus vive ambition, et, comme je le lui ai souvent entendu dire, la plus douce récompense de ses travaux.

Je ne dissimulerai pas néanmoins que, vers les dernières années de son professorat, soit que la vieillesse trop portée à l'indulgence n'impose plus, soit que la jeunesse indisciplinée apprécie moins le bienfait de l'éducation, la plupart des nouveaux élèves de M. Thévenot n'ont pas montré, pour ce maître si zélé et si bon, le respect et la reconnaissance dont les anciens ont été pénétrés ; mais il est bien vengé de cette ingratitude monstrueuse, par le mépris dont l'opinion publique a couvert ceux qui s'en sont rendus coupables, et que le repentir de leur conduite n'a point corrigés du défaut de leurs cœurs.


En revanche, que ne m'est-il permis de nommer, parmi mes condisciples, ceux qui, occupant aujourd'hui des places distinguées, soit dans l'état ecclésiastique, soit dans le barreau, soit dans la magistrature, soit enfin dans les arts et les sciences, font, par l'exercice de ces nobles et utiles emplois, le plus bel éloge des talens comme des vertus civiques de leur instituteur l! Mais, pourquoi ceux auxquels le droit d'honorer sa cendre appartenait plus spécialement, ne se sont-ils pas empressés d'user de cette prérogative, et d'orner son tombeau de fleurs fraîches et brillantes, en le louant d'une manière digne d'eux et de lui? Leur mérite aurait fait ressortir son mérite ; sa modestie aurait éLé rehaussée par l'élévation de leur rang; et son portrait, éclatant de plus riches couleurs,

1 La liste des souscri pteurs présenté des magistrats, des artistes, des médecins, des gens de lettres, des négocians, en un mot des personnes de tout état et de toute condition, qui ont été élèves de M. Thévenot et s'en font gloire : un lieutenant-général des armées du Roi (M. le comte Dulong de Rosnay) a prouvé, en s'inscrivant, qu'il n'a point oublié, dans le haut grade où il est parvenu, les sentimens dus à son ancien maître ; sentimens qui s'allient naturellement avec la bravoure et la fidélité à son prince, dont cet officier supérieur a fait preuve dans sa glorieuse carrière militaire.

Voyez sur les exploits de M. le général Dulong, les journaux du temps, et les Fastes de la nation française, par Ternisien d'Haudricourt, tome ier.


serait fini par des pinceaux plus habiles.

Puisque cette tâche honorable m'a été réservée, j'essaierai de l'achever, en retraçant l'art important et difficile que M. Thévenot possédait à un degré supérieur, celui de développer le caractère de ses élèves. Persuadé que tous les caractères sont naturellement bons, qu'il ne s'agit que de les conserver tels, il mettait son application à les étudier, à les bien connaître, et à les diriger ensuite vers le but de leur destination, conformément aux vues de l'auteur de la nature. Il aimait, dans la conversation, à raconter des traits de ceux qui sortaient de la route commune, soit par leur singularité, soit par les actions ou les sentimens dont ils étaient la source. Je vais rapporter un entretien qu'il eut avec moi à ce sujet, peu de temps avant qu'il fût atteint de la maladie à laquelle il a succombé.

Nous étions, sur la fin de l'automne, dans un petit jardin implanté d'arbres fruitiers, et où l'on entendait, autour d'un bassin d'eau, et sur les fleurs des champs, le léger bourdonnement de mouches à miel , dont, comme le vieillard de Virgile habitant les bords du Galèse il possédait quelques ru-

1 Georg. lit). 4- v. iî5 et seq.


ches, qui faisaient la plus douce occupation de ses loisirs. Là, sous l'ombrage de deux maronniers jumeaux que j'ai vu planter dans mon enfance, et qui me rappeleront toujours son souvenir mêlé à celui des amusemens et des jeux de cet âge, penchant sur moi sa tète blanche et vénérable comme celle d'un patriarche, il me dit d'un ton pénétré : « Mon ami, il y a près d'un demi-siècle, » qu'étant maître de pension à Brinon, l'on » me confia l'éducation d'un enfant dont » l'histoire pourra vous intéresser. Fruit du » malheur, cet enfant n'a point reçu les ca» resses de sa mère enlevée par le trépas, » avant qu'il ait pu la connaître ; et à peine » a-t-il joui quelques instans de la tendresse » paternelle, qui lui a été enviée et ravie » avant le temps Il était doué d'un carac-

i Malheureux le mortel dont le coeur isolé Par le doux nom de fils ne fut point consolé 1 Il cherche tristement un appui sur la terre, Et l'ennui vient s'asseoir sous son toit solitaire.

M'LLEVOYE.

Avant de connaître ces vers, j'avais exprimé la même pensée dans ceux-ci: Combien de fois, hélas ! dans cette solitude Ou le sort paraissait les avoir condamnés, J'ai vu par le chagrin mes jours empoisonnés 1 J'éprouvais de l'ennui, même au sein de l'étude.

Aucun livre ne vaut le souris d'un bon cœur, Et qui vit sans païens ignore le bonheur.

Opuscules en vers et en prose, pflge 103.


» tère pacifique, franc, droit, élevé, et d'une » sensibilité extrême, source des grandes » affections de Famé. Je commençai par » l'éprouver pour le bien connaître ; puis, » selon ma méthode, je me réglai sur cette » connaissance pour le développer. Ayant » remarqué en cet enfant un goût particulier » pour l'étude, j'-en profitai pour appliquer » son esprit aux choses solides vers les» quelles je le menai comme par la main, » à la culture et au perfectionnement de sa » raison ouverte à mes instructions. Je fis » germer, croître et fructifier, dans son ame, 3) tous les bons principes, source et aliment » des vertus généreuses et utiles à la société.

» Les idées de justice surtout, cette vertu » dont le sentiment est inné dans le cœur » de l'homme, jetèrent de profondes racines » dans le sien.

» Livré à lui-même, presque au sortir de » l'enfance, sans appui comme sans se» cours, dans des temps malheureux et dé» pravés, ces idées et ces principes, puisés » dans l'étude des livres saints comme dans » celle des sages de l'antiquité et du petit » nombre de modernes qui ont imité leur » réserve, lui servirent de boussole et d'égide


» pour se conduire et se préserver au milieu » d'écueils de toute espèce. Il les franchit » avec autant de bonheur que de courage.

» Etranger à tous les partis, ne connaissant » que son devoir, appliqué tout entier au » travail, et d'ailleurs bienveillant envers » tout le monde, comme tout le monde fut » bienveillant envers lui, il se fit des amis » et des protecteurs. Parmi ces derniers, il » en eut d'illustres et de puissans qui l'ho» norèrent de leur estime, et qui lui offrirent » de l'appuyer de leur crédit ; mais il eut si » peu d'ambition, la modération de ses désirs » fut telle, qu'il ne songea pas à profiter de » ces offres, pour parvenir à la fortune. Au » contraire, il eut beaucoup à souffrir de » l'adversité qui fut long-temps son partage.

» Sa sensibilité s'en accrut ; et son carac» tère, développé et mûri à cette école, s'a« grandit et se fortifia par les épreuves mul» tipliées qu'il eut à soutenir et par des pri» vations en tout genre. » M. Thévenot s'arrêta en cet endroit, comme affecté d'un souvenir pénible. Ensuite il s'écria avec l'accent de la plus vive sensibilité, et comme si

son élève e p ^^çu^b^t-à-coup devant lui: « Oh ! mçrç^iïïBe am4;V\ue n'a i - j e été in for£ , 1 il

2


» mé de votre situation! Je me serais em» pressé de vous secourir avec le respect dû » au malheur; car rien n'autorise jamais à » l'humilier, et la bienfaisance, comme l'a» mitié, a aussi sa délicatesse. » Puis, d'un ton plus calme, quoique toujours pénétré, en fixant ses yeux sur moi, il poursuivit ainsi: « Eloignés l'un de l'autre par mon établis» sement dans votre ville, devenue depuis » quarante années ma patrie adoptive, je » perdis long-temps de vue ce jeune homme.

» Un écrit qu'il publia, et dont j'eus com» munication, me rappela son souvenir. C'est » alors qu'il me fit confidence des malheurs » qu'il avait essuyés, et d'actions ignorées » même de ses proches, de ceux en vue des» quels il les avait faites, et dont la plupart » n'avaient eu que Dieu pour témoin. Je » descendis, pour ainsi dire, avec lui dans » sa conscience ; et je n'y vis rien qui dé» mentît les leçons de sagesse, d'honneur » et de désintéressement que je lui avais » données, et qu'il a continué de suivre.

» Je vais vous raconter deux ou trois traits » qui peignent la délicatesse de ses senti» mens, et la générosité de son caractère » méconnu.


» Pendant la révolution, le père de ce » jeune homme, qui ne s'en était fait con» naître que comme un bienfaiteur, et qui » ne l'avait abandonné à sa destinée que » par l'effet de circonstances indépendantes « de sa volonté, fut enfermé comme sus» pect dans une des bastilles qui couvraient » le sol de la France. Le jeune homme, » désespéré, tenta de le sauver au risque de » se perdre lui-même. Il eut la hardiesse » d'adresser une réclamation en sa faveur, » à l'un des proconsuls envoyés par le gou» vernement révolutionnaire pour resserrer » les fers des prisonniers. Le ton qui régnait » dans cette réclamation courageuse imposa » à ce satellite de la tyrannie. Il la renvoya » au comité révolutionnaire pour y faire » droit; et dès-lors ce père infortuné eût » recouvré sa liberté qui ne lui fut rendue » qu'après le 9 thermidor, sans le hasard » qui fit tomber cette pièce entre les mains » de son dénonciateur, membre de ce co» mité, lequel était un ingrat qu'il avait » obligé.

» Des raisons que je passe sous silence, » avaient fait cacher soigneusement à mon » élève le secret de sa naissance. Il lui fut


» révélé par l'effet du hasard à un âge où la » prudence n'est pas ordinaire. Cependant » on ne s'est jamais aperçu qu'il en fût » instrtiit, si ce n'est par sa profonde véné» ration pour l'auteur de ses jours. Quoique » réduit aux plus pressantes nécessités., il » aima mieux lui laisser ignorer sa détresse, » que de commettre la moindre indiscrétion » qui eût pu la faire cesser.

)) Enfin la Providence, dans le sein de » laquelle il s'était réfugié comme auprès » d'une bonne mère, parut vouloir le favo» rlser par un établissement avantageux. Les » bords de l'Armançon, les rives de rYonne, » et les coteaux de Chablis et d'Auxerre » (villes où je fais chaque année, aux va» cances, un voyage pour visiter mes amis, » dont quelques-uns sont devenus les vô» très) ont retenti des accens que sa muse » fit entendre pour célébrer son bonheur et » sa reconnaissance. Mais, comme toutes les » choses humaines, fragiles par leur nature, « ce bonheur fut de courte durée. Mon élève » fut replongé dans l'infortune par la perte

1 Il existe à Auxerre une famille amie de M. Thévenot, et dans cette famille une personne surtout, dont le souvenir me sera toujours cher pour les sentimens qu'elle n'a cessé de me témoigner.


» de ce qu'il avait de plus cher ; mais cette » fois, sa sensibilité, mise à une nouvelle » épreuve, la trouva d'autant plus rude à » supporter, qu'à l'amertume de son afflic» tion se mêla une de ces plaies du cœur, » qui saignent d'autant plus long-temps que » tout murmure, toute plainte, toute confi» dence, tout épanchement quelconque de » ce cœur blessé, lui étant interdit, le baume » de la consolation manque pour le guérir.

» Peut-être seriez-vous curieux d'appren» dre l'origine et la nature de cette plaie » secrète. C'est un mystère que je ne puis vous » révéler ; mystère peut-être impénétrable » d'ailleurs, tant le cœur humain a de pro» fondeuT et se sonde difficilement. Qu'il » vous suffise de savoir que la blessure du » cœur de mon ami a sa source dans sa » sensibilité, et que son silence est dû à sa » délicatesse et à son désintéressement. Je » l'ai vu, à mon dernier voyage, en proie au » plus violent chagrin : celui que l'adversité » n'avait pu abattre dans son adolescence, » a failli succomber sous ce poids accablant » dans la force de l'âge. J'ai appris, depuis, « que la raison et la sagesse étaient heu» reusement venues à son secours avec le


» temps. Certain de n'avoir point mérité sou « sort par sa conduite, il s'est enfin résigné » à la volonté de la Providence, en songeant » que le prix de la vertu n'est pas en ce » monde, et que, comme l'a dit un sage qui » l'honora de sa bienveillance tant qu'il vé» CUt : LA VERTU RESSEMBLE A UN ARBRE » DONT LES RACINES TIENNENT A LA TERRE, » MAIS QUI NE DONNE SON FRUIT QUE DANS » LE CIEL »

Tel fut le discours que me tint M. Thévenot : telles furent les dernières paroles solennelles que je recueillis de la bouche du mentor de ma jeunesse; paroles suprêmes, verba suprema, qui, conformes à la situation de mon ame pendant ce récit, et au déclin de l'année déjà en partie dépouillée de ses ornemens, me firent pressentir notre prochaine et éternelle séparation.

Cet excellent homme était né à Dampierre, arrondissement d'Arcys-sur-Aube, le 22 février 1746, et est mort à Troyes, le 19 février 1821, après vingt-six jours de douleurs aiguës de rhumatisme, qu'il a supportées avec la plus religieuse résignation. Il s'en fallait de trois jours qu'il eût soixante-quinze ans, dont il

* Bernardin de Saint-Pierre, tome 12, page 10.


en avait consacré plus de cinquante, à renseignement, comme maître de pension et comme professeur du collège. Ainsi, la vie de M. Thévenot, suivant la remarque d'un magistrat qui a su l'apprécier et dont le suffrage vaut seul un éloge à été bien remplie, puisqu'elle a été laborieuse, utile et modeste.

Platon a observé, d'après Socrate, que deux chemins conduisent à l'immortalité.

En effet, l'homme, comme être sensible et pensant, a deux moyens de vivre dans l'avenir ; par ses bienfaits, et par les productions de son esprit. Celui qui n'a vécu que pour se rendre utile à la société, qui a consacré son existence au service de ses concitoyens, et pour qui le bonheur de ses semblables a été l'objet constant de sa sollicitude, a satisfait au plus noble devoir de l'homme, au plus pressant besoin de son cœur, la bienfaisance : l'accomplissement de ce devoir, la pratique de cette vertu, suffit pour l'élever au-dessus du vulgaire. Mais si le même individu, faisant

1 M. Paillot de Loynes, ancien maire de la ville de Troyes, deux fois membre de la chambre des députés, et président actuel du conseil-général du département de l'Aube. Un autre magistrat, non moins distingué (M. Corps, président du tribunal civil de Troyes), a rendu le même hommage à M. Thévenot, dans le billet de souscription dont il a bien voulu m'honorer.


usage des facultés de son esprit, a consacré ses veilles à la méditation ; s'il a enrichi la

science par ses élucubrations, et légué le fruit de ses travaux à ses émules et à ses successeurs dans la carrière qu'il a parcourue, il a doublement rempli la tâche par laquelle l'homme dérobe son nom à l'oubli, et acquiert des droits éternels à la reconnaissance et à la vénération publique. On jugera si M. Thévenot, qui, certes, s'est acquitté du devoir de la bienfaisance, a aussi atteint, par ses ouvrages, le but auquel est attachée cette récompense.

Je vais donner la liste sommaire de ceux qu'il a publiés, avec des observations sur leur objet, leur importance, et leur exécution typographique. J'éviterai, autant que possible, la sécheresse des détails ; mais s'il m'en échappe qui paraissent minutieux, on me les pardonnera en faveur des bibliophiles pour qui sont particulièrement destinés ces sortes de détails, qu'ils aiment et recherchent pardessus tout.

Le premier des ouvrages de M. Thévenot qui soit parvenu à ma connaissance, est un cours de septième, en un volume in-12 de 264 pages, non compris un préambule qui a


une pagination particulière de 63 pages, imprimé à Troyes sans indication d'auteur.

C'est un essai qui a été considérablement augmenté, et surtout perfectionné dans l'ouvrage suivant destiné à former les élèves à la traduction des auteurs latins et à la compo- sition des thèmes. Aussi l'auteur l'appelait-il par plaisanterie lEmbryon de sa méthode.

2°. Elémens des langues latine et française, ou Méthode élémentaire pour apprendre la langue latine, précédée des premières notions de la langue française, i volume in12, de 800 pages, divisé en deux parties, imprimé à Troyes, avec le millésime de 1733, en chiffres romains, au lieu de 1783, par l'omission du chiffre romain L suppléé à la main sur certains exemplaires. Faute qu'il est d'autant plus surprenant qu'on ait laissé échapper, que l'impression de l'ouvrage, dont l'auteur n'avait pas été satisfait, fut recommencée presque aux trois-quarts. Il était à l'égard de la correction de ses livres d'une sévérité qui pourrait paraître excessive, mais que l'on ne peut trop avoir ou trop recommander, si l'on veut qu'une production, d'ailleurs estimable, passe avec honneur à la postérité. Ce même ouvrage, dont l'exé-


culion typographique n'était pas alors facile en province, à cause de la grande quantité et variété de caractères romains et italiques dont l'assortiment ne se trouvait guère que dans la capitale, a particulièrement le mérite de la correction et de la netteté qui font une bonne impression. Il est devenu si rare que de quinze cents exemplaires qui ont été tirés, on n'en rencontre plus que dans les ventes, et encore assez difficilement. Il a été fait un tirage à part, de vingt-cinq exemplaires en papier fort ,de Hollande, reliés uniformément comme les Barbou en veau doré sur tranches.

Les amateurs qui possèdent ces exemplaires, les conservent soigneusement, soit à cause de leur beauté typographique, soit parce qu'ils les considèrent comme des gages de l'amitié ou de l'estime de l'auteur. Au reste cette méthode élémentaire avait été adoptée avec succès dans plusieurs pensionnats, avant la création de la nouvelle université, et jugée digne de devenir classique par des personnes capables de l'apprécier. Nommer parmi ces personnes le père Adry, de l'Oratoire, dont il sera parlé ci-après, c'est en faire assez l'éloge.

3°. Principes de grammaire française, i


vol. în-12 de 224 pages, imprimé à Troyes, en l'an 9 (on 1801). J'en ai donné l'analyse dans le Journal du département de l'Aube, du 4 germinal même année. Je ferai remarquer comme une chose neuve dans cette grammaire, un exercice sur l'orthographe, dont l'auteur dit avoir conçu l'idée, d'après ce qui est rapporté dans une Vie de Montaigne, que, pour lui apprendre la langue latine dans son enfance, on lui dictait en mauvais latin un thème qu'il était obligé de rendre en bon latin. Ainsi M. Thévenot donnait aux commençans pour leçons d'orthographe française, des extraits des meilleurs ouvrages composés en cette langue, mais mal orthographiés, sans ponctuation, ou avec une ponctuation vicieuse ; et ces commençans devaient, en les copiant, rétablir la ponctuation et l'orthographe telles que l'une et l'autre se trouvent dans les auteurs d'où ces extraits sont tirés. Cette idée a été suivie dans différentes cacographies publiées depuis pour l'instruction de la jeunesse, et auxquelles cet exercice peut avoir servi de modèle.

Ce n'est pas le lieu d'examiner le mérite de cette innovation, dont le succès par rap-


port à l'esprit pénétrant et incomparable du philosophe auteur des Essais, ne peut tirer à

conséquence pour d'autres. Mais M. Thévenot se félicitait beaucoup de l'adoption de cette méthode, et chaque année il publiait les résultats des compositions des principaux élèves de sa classe, qui avaient concouru au prix d'orthographe, désirant par là mettre le public à portée de juger de leurs progrès, par l'effet de cette méthode jusqu'alors inusitée.

4°. Questions sur les principes généraux de la langue française, opuscule de 48 pages in-8° en petit romain, très-serré, imprimé à Troyes pour la cinquième fois, sans indication d'année. On croit que c'est en 1810, quelque temps avant la mort de M. l'abbé Herluison, qui a bien voulu faire sur cet opuscule des remarques assez étendues, dont M. Thévenot a profité pour rendre cette dernière édition plus ample et plus correcte que les précédentes. J'en ai vu un exemplaire in-4 ° où les demandes sont séparées des réponses.

Cet abrégé de grammaire par demandes et réponses, rappelle un extrait de la méthode élémentaire, composé de quelques pages, et qui servait aux commençans d'in-


troduction à cet ouvrage. M. Thévenot n'omettait rien de ce qui était capable de faciliter l'étude à ses élèves ; et sa main, comme celle d'une mère tendre et attentive, écartait soigneusement du champ de l'instruction les épines et les ronces qui en hérissent l'entrée.

Plus porté par la bonté de son caractère indulgent à caresser l'enfance qu'à la châtier, il suivait à la lettre cette épigraphe, tirée d'Horace, et placée en tête de son livre : Ut pueris olim dant crustula hlandi Doctores, elementa velint ut discere prima.

Le maître habile, à l'aide des bonbons, Fait goûter aux en fans ses premières leçons.

( Trad. de M. Daru.) 5°. Anthologia poëtica latina, etc. Anthologie poétique latine, imprimée à Paris, chez Auguste Delalain, en 1811, 2 volumes in-8°, l'un de 504 pages, non compris une demifeuille d'avertissement, et l'autre de 524 pages, non compris encore des tables alphabétiques: très-bonne édition d'un recueil entrepris sur le modèle du Parnasse latin, des leçons latines de M. Noël, etc., et spécialement destiné aux jeunes professeurs. Il contient près de sept cent cinquante morceaux, extraits de plus


de cent cinquante poètes latins modernes, la plupart d'une rareté excessive, et qui ne se

trouvent que dans les grandes collections de livres. Sous ce rapport, il peut, à légers frais, leur tenir lieu d'une bibliothèque immense et dispendieuse. Il est composé avec choix, comme je l'ai observé à l'article THÉVENOT, inséré dans les Œuvres inédites de Grosley, « de sujets moraux, historiques, allégoriques, » et d'autres purement ingénieux ou d'un « badinage aussi délicat qu'agréable, » sans parler d'un grand nombre de sujets relatifs à la religion qui, de même que l'amour du prince et de la patrie, a toujours fait la base de l'enseignement, soit particulier, soit public, de ce professeur.

Jaloux d'obtenir les suffrages de ses concitoyens par-dessus tout, il a dédié ce recueil au corps-municipal qui les représente ; et le corps-municipal, non moins jaloux de favoriser le succès d'un ouvrage utile, s'est empressé de l'accueillir, ainsi que l'Epître dédicatoire où sont exprimés les sentimens d'un excellent citoyen

1 J'avais alors l'honneur de faire partie de ce corps, dont plusieurs membres cultivaient les lettres, et tous honoraient (comme ceux qui aujourd'hui composent le même corps) les personnes


Quelques exemplaires du recueil dont il s'agit, en papier vélin et qui n'ont point été mis en vente, contiennent une pièce de vers latins, en forme d'acrostiche, traduite en vers français, en l'honneur de M. Lucot, chanoine de l'église cathédrale, alors principal du collége : et l'on trouve de plus dans quelquesuns, un carton ou supplément d'un quart de feuille, formant, sous le titre courant de Anthologia Miscellanea, les pages 5o5 à 5o8 du premier volume. Enfin il existe d'autres exemplaires, à la fin du second volume desquels est joint le poème ci-après, avec une pagination particulière.

adonnées à leur culture. C'est sous leurs auspices qu'ont été publiées les Œuvres posthumes de Grosley, à la réserve du quatrième volume qui n'a pu l'être ; et que le buste en marbre de cc savant académicien a été associé à ceax dont il a fait présent à sa patrie.

Pour ne nommer que les morts, on y voyait M. Martin, ingénieur en chef, qui avait été collègue au collége de France de l'auteur du poème d'Achille à Scyros, et M. l'abbé Leduc, digne successeur de M. l'abbé Herluison dans les fonctions de conservateur de la bibliothèque du département. M. l'abbé Leduc a laissé un témoignage de sa bienveillance envers moi, dans une note placée en tête du psautier du comte Henry : note où il relève avec une politLMe obligeante la méprise dans laquelle je suis tombé, page 106 du tome ier des Mémoires sur les Troyens célèbres, en observant que la bibliothèque publique possédait ce livre précieux, tandis qu'il était au trésor de l'église cathédrale à laquelle il appartient et où il se trouve encore. Je m'empresse de réparer cette méprise, suivant le précepte que j'ai toujours observé de rendre à César ce qui est à César, etc.


6°. Une édition de la traduction anonyme en vers latins du Ververt de Gresset, avec le texte en regard, suivie de la traduction en vers français de la paraphrase en vers latins du 8e psaume, par Théodore de Bèze, formant quarante pages in-Bo, tirée sur papier de Hollande à un très-petit nombre d'exemplaires, lesquels n'ont pas été mis en vente. Ils ne portent aucune indication du nom de l'imprimeur, ni de l'année de l'impression. Cette édition est postérieure à la publication de mes Opuscules, imprimés à Paris en 1810, et où l'on trouve une imitation en vers libres de la même paraphrase, dont M. Thévenot a emprunté quelques vers pour sa traduction. Elle a été imprimée par M. Bouquot fils, typographe à Troyes, lequel a travaillé aux éditions in-12 et in-8° des Ephémérides de Grosley, que j'ai publiées : éditions qui, pour le dire en passant, ne portant point le nom de l'imprimeur, ont trompé des amateurs qui les ont cru exécutées dans la capitale. En effet, elles ne le cèdent en aucune manière, aux éditions sorties des presses parisiennes, sans excepter celles de MM. Didot, comme on peut s'en convaincre, en comparant un exemplaire in-8° des Ephémérides, en papier fin, avec un exemplaire en même papier, de


l'édition stéréotype in-8° des Essais de Montaigne, imprimée chez MM. Pierre et Firrnin Didot, en 1802, laquelle a servi de modèle pour la composition typographique de l'ouvrage de Grosley dont je m'étais réservé la révision des feuilles, à mesure qu'on les mettait sous presse, et cela indépiendamment des épreuves : seul moyen d'obtenir une impression parfaitement correcte.

70. Des lettres et dissertations, la plupart grammaticales, insérées dans le Journal de Champagne de 1782, et années suivantes, et dans d'autres journaux qui lui ont succédé; mais étant presque toutes anonymes, il serait difficile de les indiquer, et d'ailleurs elles ne sont pas de beaucoup d'importance.

1 Lorsque j'eus l'honneur de présenter le premier exemplaire de cet ouvrage à M. de Cafarelly, alors préfet du département, il me dit, après y avoir jeté les yeux : « Je ne croyais pas que l'on flt » aussi bien dans ce pays. » * M. de Cafarelly n'est pas flatteur et se connaît en éditions. On lui doit la traduction du grec des Géoponiques ; et, non moins bon administrateur qu'habile helléniste, il a remplacé avec honneur M. de Valsuzenay, mais sans le faire oublier : comme M. de Valsuzenay, en reprenant sa place, n'a point fait oublier M. de Mézy, successeur de M. de Cafarelly. Emules entalenset en vertus, M. de Valsuzenay a sur M. de Mézy l'avantage d'un droit antérieur et d'une plus longue possession de l'estime publique, comme préfet.

Heureux le pays dont les habitans peuvent se glorifier d'une pareille succession d'administrateurs! et heureux les administrateurs auxquels il est donné d'avoir à administrer des habitans capables de les apprécier dignement!


Indépendamment de ces ouvrages imprimes, M. Magloire Thévenot a laissé à M.

Augustin Thévenot, son neveu, maître de.

pension à Troyes, lequel s'est voué comme lui à l'instruction publique, et marche avec honneur sur ses traces dans cette carrière, un manuscrit. autographe et inédit, consistant en une Anthologie historique et morale, en latin et en français, extraite de divers auteurs, historiens et moralistes, grecs, latins et français.

Ce manuscrit, divisé en trois parties, forme environ neuf cents pages in-folio : l'auteur le destinait à l'impression, « pour servir, di» sait-il, de pendant à l'Anthologie poétique » latine dans la bibliothèque des jeunes pro» fesseurs. » M. Adry ancien bibliothé-

1 C'est par erreur que dans l'article que, comme éditeur des Œuvres posthumes de Grosley, j'ai consacré à ce savant, son contemporain et son ami, je lui ai donné le prénom de François.

Il s'appelait Félicissime. Il n'était pas de Troyes, non plus que M. Audra qui a reçu le même tribut de ma part ; mais ils y ont demeuré long-temps tous deux. M. Audra s'est occupé de recherches curieuses et instructives sur les usages de cette ville, et a laissé des Mémoires manuscrits dont son légataire a bien voulu me gratifier. C'est à ce titre que j'ai pensé que, quoiqu'il n'eût rien fait imprimer, il avait droit d'être compris dans la nomenclature des Troyens célèbres, commencée par Grosley, continuée par son éditeur, et que d'autres plus instruits achèveront. Telle est la réponse que je crois devoir faire, puisque l'occasion s'en présente, à la note critique insérée à la fin du n° 22 du Journal de la Li-


caire de l'Oratoire et habile philologue, a eu ce manuscrit entre ses mains, et ne le jugeait pas moins digne d'être publié que ce dernier recueil acquis par M. Delalain, et dont le succès semble être garant de l'em-

brairie de 1823. Quant à M. Adry, il a été plusieurs années régent de rhétorique au collège de Troyes. En 1787, il eut l'honneur de haranguer messieurs du parlement de Paris, exilé en cette ville.

La publication des Œuvres de Grosley sur lesquelles je le consultai, et sa liaison avec M. Thévenot, m'ont procuré l'avantage de faire sa connaissance. Il m'accueillit avec bonté; et à l'un des voyages que je fis à Paris, où il est mort il y a peu d'années, il me communiqua son manuscrit sur la fable et les fabulistes. J'ignore si cet ouvrage très-volumineux a été imprimé. En voyant dans le Journal de la Librairie du 14 février 1824, l'annonce du prospectus d'un livre portant le même titre, proposé par souscription par M. Robert, j'avais pensé que ce pouvait être celui de M. Adry. La lecture de ce prospectus m'a détrompé. Mais j'y ai vu avec intérêt que le travail de M. Robert était basé sur des renseignemens fournis à M. le cardinal Loménie de Brienne, dont il était bibliothécaire, par Grosley, aidé des secours de M. Adry. J'ai trouvé dans les papiers du savant Troyen, avec l'article de La Fontaine dont j'ai enrichi ses Mémoires, une copie de ses recherches sur les sources où ce prince de tous les fabulistes anciens et modernes a pu puiser les sujets de ses fables ; et sachant que M. Guillaume, membre de l'académie de Besançon, s'occupait de semblables recherches, je lui ai offert cette copie pour l'aider dans ses Etudes sur le bonhomme, dont il a saisi et peint avec autant de justesse que d'esprit et de grâce le charmant caractère. Il est à regretter que M. Guillaume se soit cru obligé de renoncer à son travail, pour avoir été devancé par MM. Guillon et Solvet. S'il l'eût terminé, comme M. Robert vient de terminer le sien après eux, nous aurions un bon ouvrage de plus sur le meilleur de tous les fabulistes présens, passés et futurs, que la province, dont Troyes était la capitale, revendiquait avec un orgueil aussi noble que légitime.


pressement du public à se procurer l'Anthologie historique et morale. J'ai vu des lettres adressées à M. Magloire Thévenot, par lesquelles on lui demandait, avec les pltfs vives instances, ce recueil qui a fait l'occupation d'une grande partie de sa vie, et qu'il regardait lui-même comme sa plus importante récolte. Il en a toujours différé la publication, dans la vue de le perfectionner, suivant le judicieux conseil qu'Horace donne aux auteurs, de laisser reposer plusieurs années leurs productions, avant que de les mettre au jour. Nonumque prematur in annum.

M. Adry et M. l'abbé Herluison, avec lesquels M. Thévenot était lié, n'étaient pas les seuls savans qui eussent de l'estime pour ses productions, et qui rendissent justice à son zèle. Quoique le genre de ses travaux ne fût pas de nature à lui attirer les brillans suffrages réservés à la poésie ou à la littérature, il en obtint d'honorables. Pourrais-je omettre, sans le priver du prix le plus flatteur à sa mémoire, de faire mention de la considération et du crédit dont il a joui, pendant son professorat, auprès des principales autorités civiles et ecclésiastiques de la ville de Troyes, et (ce qui a mis le comble à


ses vœux comme à sa gloire) des bontés particulières que lui ont témoignées tour-à-tour, et ce prélat qui, par la simplicité de ses mœurs rehaussée de l'éclat des plus éminentes vertus, a fait revivre au milieu de nous les temps apostoliques et ce pontife, son successeur, qui, non moins illustre par son éloquence que par la dignité dont il est revêtu, ne voit que des égaux parmi les pairs de France, mais n'en compte point parmi les orateurs chrétiens 2?

L'érudition a aussi ses coryphées. Qu'on me permette de nommer encore ici l'un des plus célèbres et des plus dignes de sa renommée. Ayant envoyé à M. Gabriël Peignot, inspecteur de l'académie royale de Dijon, une notice bibliographique sur M. Thévenot, accompagnée d'un exemplaire de son Anthologie poétique latine, cet homme de lettres

1 Mgr de la Tour du Pin, mort archevêque-évêque de Troyes.

2 Msr de Boulogne, évêque de Troyes, pair de France.

J'ai déjà cité (page 23) l'opinion de deux magistrats de cette ville. Voici ce que m'écrivait sur M. Thévenot, à l'époque où il fut appelé au collège, un homme d'état avec lequel j'avais l'honneur d'entretenir une correspondance littéraire : « Je connais M. Thé» venot. J'ai lu ses ouvrages, et j'en fais cas. Si Mr *;v* avait un » petit échantillon des hommes qui surprennent la confiance du » gouvernement et trouvent place dans les lycées (c'était avant » l'établissement de la nouvelle université de France), il bénirait » son étoile qui lui fournit M. Herluison d'un côté, et M. Thévenot » de l'autre. »


m'a beaucoup remercié « de lui avoir fait » connaître un savant estimable, sur lequel » il n'avait eu jusqu'alors (m'a-t-il fait l'hon» neur de m' écrire) que des notions impar» faites, et qui était aussi laborieux qu'habile» écrivain, et bien digne de nos regrets. »

Quoi de plus flatteur que de tels suffrages!

quoi de plus honorable que d'être loué par ceux qui sont eux-mêmes dignes de louanges ?

C'est ce même homme de lettres qui a publié récemment deux ouvrages aussi instructifs qu'intéressans et variés, L'un a pour titre: Amusemens philologiques, ou Variétés en tous genres, ic édition, i vol. in-8°. On peut dire de ce recueil que son titre n'est pas trompeur : il tient ce qu'il promet. L'autre, intitulé : Manuel du Bibliophile, ou Traité du choix des livres, en 2 volumes même format, est une production d'un ordre supérieur.

Il renferme des jugemens sur les meilleurs écrivains, et des notices sur les meilleures éditions de leurs ouvrages, qui doivent exciter à le lire et à le consulter sans cesse, soit pour bien composer une bibliothèque, soit pour choisir, dans une bibliothèque bien composée, les livres qui priment dans tous les genres. C'est un choix motivé fait avec


goût, et, pour tout dire en un mot, de main de maître. On ne peut pas être plus disert, plus judicieux, ni réunir à-la-fois plus d'esprit, de naturel, de grâce et d'érudition x.

M. Peignot est un des hommes de lettres du royaume les plus instruits, les plus versés dans la littérature variée et dans la bibliographie. Il possède cette dernière science, dont il paraît avoir fait son étude principale, comme MM. Yan-Praët, Robert, Thory, Barbier, ancien bibliothécaire, Beuchot, Louis Dubois, Jacob Kolb de Rheims,

1 Je désirerais pouvoir donner un échantillon de sa manière, en rapportant ici ce que l'auteur dit de Grosley, pages 365 et 366 du icr volume du Traité du choix des livres; mais j'y suis trop loué pour prendre cette liberté. Qu'il me soit permis toutefois de satisfaire au besoin de mon cœur, d'exprimer combien je suis sensible à l'amitié dont ce savant m'honore, et reconnaissant des services que m'a rendus un de ses compatriotes, aussi versé dans les lettres et les sciences, M. le docteur Protat, médecin non moins habile que désintéressé de la ville de Dijon. Heureux si j'étais capable de rendre à l'un et à l'autre un plus digne hommage, qu'une stérile admiration pour leurs talens et leurs vertus !

Je ne terminerai point cet écrit essentiellement consacré à la reconnaissance, sans remercier le public en général de l'intérêt et de la bienveillance dont il m'a donné tant de preuves, et les gens de lettres en particulier de l'affection et de l'estime qu'ils m'ont témoignées. Je ne puis mieux leur marquer ma gratitude, qu'en m'efforçant de plus en plus d'être utile à mes concitoyens et à ma

patrie ; et de - me le permettront, l'auguste B~~S~~IntM~ W es Rois dont j'ai osé faire l'éloge. ~-'

faire l'éloge. ç * -3\


Guillaume de Besançon, Amanton de Dijon, etc., qui y excellent.

Quel honneur et quelle gloire pour M.

Thévenot, si l'un de ces savans distingués, dignes appréciateurs du vrai mérite, daignait composer, d'après ces documens véridiques et ceux qu'ils ont pu recueillir eux-mêmes, l'article qui lui est réservé sans nul doute dans la Biographie universelle, monument national, panthéon littéraire, où sont admis, à juste titre, après leur mort, tous ceux qui ont cultivé les lettres et les sciences, et par elles contribué,. soit à l'illustration, soit à la prospérité de la patrie !

Puissent les fleurs tardives et décolorées que je viens de répandre sur sa tombe, m'acquitter envers le professeur estimable auquel je dois les fruits de mon éducation ! Puisse cet hommage du cœur parler aux cœurs de ses concitoyens, les enflammer de zèle pour le bien public, et les exciter à imiter son exemple, et particulièrement sa générosité et son désintéressement, son amour et son

dévouement pour spja^pAys^e^pour son Roi !

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T^ROYÏS, IMPBOTÉŒRÏE-'^É Me BOUQUOT.