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Titre : Madame de Vannoz. [Notice par A.-P.-F. Guerrier de Dumast, rééditée par Vagner.]

Auteur : Guerrier de Dumast, Auguste-Prosper-François (1796-1883). Auteur du texte

Auteur : Vagner. Auteur du texte

Éditeur : impr. de Vagner (Nancy)

Date d'édition : 1851

Sujet : Vannoz, de

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb305527042

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : In-8° , 8 p.

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Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6316165r

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LN27-20044

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/10/2012

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MAMME DE VANNOZ.

Ce n'est point, pour l'ancienne capitale de la Lorraine , un vide facile à combler que la disparition de Madame de Vannoz; car l'auteur des Tombeaux de Saint-Denis et de la Conversation était l'un des glorieux débris de l'édifice littéraire du passé , l'une des colonnes intellectuelles dont s'enorgueillissait encore notre pauvre ville, de plus en plus menacée de tourner au vulgarisme.

L'importance de cette perte (la plus grande que Nancy pût faire depuis la mort du général Drouot) , nous détermine à réimprimer intégralement, dans nos colonnes , la notice qui fut mise au jour en 1855 par la Revue de Lorraine, et qui avait été préparée par M. de Dumast pour la Galerie des Femmes célèbres. A peine si nous aurons à faire suivre de quelques lignes ce morceau presque complet, les dernières années de Mme de Vannoz ne donnant

1851


lieu d'ajouter que bien peu de traits nouveaux au tableau de sa vie.

NOTICE.

Avant la révolution, comme on sait, Paris était la tête de la France, mais non la France toute entière. Des souvenirs intéressants ou glorieux, des usages, des convenances, des institutions locales , retenaient en province une partie des notabilités politiques et littéraires ; y fournissaient aux besoins moraux un exercice suffisant; conservaient ainsi de la chaleur vitale à tous les membres du grand corps , et suspendaient ce mouvement universel de confluence dont nous sommes témoins, qui ne laissera bientôt plus d'intelligence et d'énergie que sur un seul point du pays ; partout ailleurs , inaptitude, froideur, faiblesse, et langueur incurable.

Sans parler du séjour de Voltaire à Ferney , ni de celui de Buffon à Montbard, on voyait alors des Montesquieu demeurer à Bordeaux, des Gresset à Amiens, des dom Calmet à Senones.

Et laissant de côté les noms célèbres, on rencontrait assez habituellement, dans des villes du second ou troisiéme ordre, ce qu'il faut à présent chercher beaucoup pour le trouver hors de la capitale : des hommes à la fois brillants et solides , cachant sous les formes du monde une capacité réelle appuyée d'un savoir étendu. De ce nombre était en Lorraine le président De Sivry, secrétaire perpétuel de l'Académie de Nancy ; fonctionnaire distingué , qui joignait au mérite du magistrat les talents du négociateur et les vues du publiciste , et qui, avec cela , rival du chevalier de Boufflers pour les bluettes versifiées qbe l'on adresse aux femmes, possédait comme lui, ou plus que lui, le double don de la conversation et du style épistolaire. Nous venons d'esquisser le portrait du père de Madame de VANNOZ.

Presqu'au sortir du berceau , la jeune Philippine avait fait pressentir qu'elle suivrait et dépasserait les exemples de sa famille. Ce qu'on observait de bonne heure en elle, ce n'était pas seulement une compréhension rapide, des traits heureux, des expressions originales , en un mot « l'esprit des Sivry : » c'était aussi l'instinct passionné du beau , et cette puissante faculté d'admirer, l'un des plus sûrs avant-coureurs de celle de produire. François de Neufchâteau lisait un jour devant elle


sa traduction de l'Ariosle : à la manière dont l'enfant écoutait la poésie , il vit bien qu'elle serait poète ; il le lui dit en jolis vers , et la Corinne de six ans ne tarda pas à justifier le présage. En effet, le besoin de créer , se manifestant chez elle , lui fit commencer EN AUTEUR l'emploi d'une plume qu'elle n'avait pas encore trop bien appris à tenir entre ses doigts.

Car il est arrivé à Madame de Vannoz, mais au sens propre et littéral, ce dont au sens figuré nous ne voyons que trop souvent l'exemple : il lui est arrivé de composer avant de savoir écrire.

Conduite bientôt après sur le brillant théâtre des salons de Paris, elle y fit une impression que rien de semblable n'a rappelé depuis, et dont les mémoires du temps peuvent seuls donner une idée. On connaît les nombreux madrigaux qui lui furent adressés, et mieux encore ses charmantes réponses, citées et conservées la plupart comme des modéles du genre. La justesse des observations de la petite fille, la vivacité de ses réparties, l'aisance et la promptitude des inspirations de son talent précoce, la firent accueillir , et, comme on dit, gâter , par tout ce qu'il y avait alors de saillant et de considéré en littérature. Delille lui donna ses Jardins, Roucher son poëme des Mois; Marmontel, Sedaine, Palissot, Le Mierre, Mesdames de Bourdic et du Bocage , le duc de Nivernais, le comte de Tressan, La Harpe surtout, s'occupèrent de la petite De Sivry.

Les arts, comme les lettres , voulurent célébrer son triomphe, et le fameux Houdon demanda la permission d'exécuter son buste, qu'il fit paraître au Salon trois ou quatre ans plus tard.

Ses succès ne furent pas moindres auprès d'une autre classe de juges. Elle avait frappé d'étonnement D'Alembert; son esprit avait été goûté, chez Madame Necker, du baron de Grimm et des vieux habitués de l'hôtel d'Holbach : les philosophes s'échauffèrent par l'exemple, et partagèrent pour elle l'enivrement général. M. Necker le porta plus loin que personne : pendant des heures entières il se promenait avec Philippine dans le parc de Saint-Ouen, et, la mettant sur des sujets profonds, afin de lui faire pénétrer et comparer des idées abstraites, il se plaisait à voir jusqu'où pouvait aller en métaphysique une tête de neuf ans. Son intérêt croissant pour la poupée était devenu de l'attachement comme pour une fille ; ce qui explique le mot aimable de Madame de Staël, lorsque vingt ans après, à Coppet, montrant Madame de Vannoz à Benjamin


Constant : « Vous voyez, Monsieur, lui dit-elle, la seule » femme dont j'aie jamais été jalouse. »

Enfin la petite merveille était devenue tout-à-fait à la mode.

De même qu'elle avait su plaire aux hommes de lettres par la tournure spirituelle de ses à-propos rimés, aux artistes par son enthousiasme flatteur, aux penseurs par sa raison prématurée, elle avait captivé les gens du monde, par la réunion d'un caractère ouvert et d'un langage expressif, avec ce je ne sais quoi de noble et de réservé qu'on apprend à respirer, comme l'air, au sein des sociétés choisies. On parla beaucoup d'elle à la cour; on la loua si vivement que la Reine désira la voir.

Mais, l'éclat de cette distinction ayant donné naissance à une espèce d'intrigue , M. et Madame de Sivry ne voulurent pas que la présentation eût lieu , et se hâtèrent de ramener leur fille à Nancy.

Ce n'est pas dans son pays natal qu'il faut s'attendre à des adulations : là , si l'on obtient des suffrages , ils ne sauraient être que le fruit du temps et d'une conviction réfléchie. Aussi l'enfant ne fut-elle point d'abord reçue en Lorraine avec ces cajoleries dont Paris et Versailles s'étaient montrés si prodigues. La réalité même de son talent poétique y trouva quelques incrédules. Des femmes osèrent énoncer leurs doutes sur ce point, chez la duchesse de Brancas, à Fléville ; et pour les désabuser, il fallut qu'une épreuve soudaine, faite en présence de quelques gens d'esprit, au nombre desquels était Cérutti, vengeât la jeune accusée du soupçon de charlatanisme.

A la longue , cependant, la critique envieuse fut réduite à se taire, devant une supériorité de plus en plus visible.Philippine embrassait tout, et tout avec succès. A l'étude des langues étrangères vivantes , assez rare il y a quarante ans , un bel amour pour Homère lui fit joindre celle du grec ; et comme on n'avait alors de dictionnaires helléniques qu'avec interprétation latine, c'était s'obliger d'apprendre aussi le latin. Mais il n'y avait pas là de quoi l'effrayer ; bien au contraire : La Harpe lui en avait donné l'ordre En même temps elle approfondissait la musique , elle réussissait à la danse; et tandis que les sciences historiques ou naturelles venaient meubler sans confusion sa prodigieuse mémoire, déjà des romans épis- tolaires, des héroïdes, des pastorales , des pièces de théâtre, multipliaient les preuves de la fécondité de son imagination.

Plusieurs fois elle reparut à Paris, encore adolescente : une


comédie en vers, qu'elle y lut dans un déjeuner d'auteurs, lui valut de nouveaux éloges ; un drame lyrique , Calypso, lui ouvrit à quinze ans les portes de l'académie des Arcades.

« Ce que j'avais peut-être de remarquable alors, » dit quelquefois Madame de Vannoz , « c'était la faculté de me juger.

»Toutes les louanges dont me comblait une politesse exagé» rée, ne m'empêchaient pas de mesurer la distance qui me sé» parait des modèles. Seulement, mes espérances ne connais» saient point de bornes : j'avais l'idée d'un perfectionnement » indéfini. Modeste ainsi quant au présent, j'étais orgueilleuse » en avenir ; car je croyais voir dans la vie assez de temps et » de forces pour tout apprendre , et c'est là une des illusions » que j'ai le plus regrettées. »

Ilélas ! tôt ou tard les réalités de l'existence auraient détrompé Mademoiselle de Sivry, et terni devant ses yeux ce prisme séduisant.! Nos orages politiques le brisèrent.

En un moment tout avait changé. Le spectacle de la persécution des gens de bien, la dispersion des amis de sa famille, les peines de l'exil, la mort d'une sœur et d'un père, furent le douloureux complément de son instruction positive. Eclairée mais désenchantée , elle ne put de longtemps retrouver l'inspiration littéraire : la seule étude qui lui convînt encore, était celle des mathématiques , dont les difficultés l'aidaient à s'étourdir. Enfin , plus calme , et de retour aux foyers domestiques, l'exemple et les incitations d'Hoffmann, que Nancy possédait alors , la ramenèrent vers son premier choix. A Paris , d'ailleurs , où sa mère lui fit faire un nouveau voyage , elle retrouva de la vie intellectuelle, dans les encouragements de Marmontel et de l'éloquent oracle du Lycée , dans les conseils de Clément l'Aristarque , qui lui suggéra d'utiles idées , et dans le commerce de deux hommes vertueux, dignes de la comprendre, Camille Jordan et M. de Gérando. C'était avant l'époque mémorable du 18 Fructidor, où le Phocion lyonnais, menacé des rigueurs de la déportation , en fut sauvé par le secours de Madame de Sivry, femme d'une générosité courageuse , qui sut lui procurer les moyens de gagner la Suisse sous un nom supposé.

La jeune muse , ainsi ranimée par le feu des beaux-arts et de l'amitié , mit donc un terme au divorce qu'elle avait fait avec la lyre , et commença dans la retraite , sous les bosquets de Remicourt, des chants fortement médités. Mais , moins confiante qu'aux jours de son enfance , et désormais conduite


par cet instinct virginal qui fait désirer l'oubli, Mademoiselle de Sivry déroba tant qu'elle put à la renommée ses doux travaux et ses jouissances poétiques. Ajoutons qu'elle n'y donnait plus, à beaucoup près, tout son temps. L'âge des devoirs était arrivé , et ces devoirs , à raison des circonstances , embrassaient pour elle une sphère très-étendue; son mariage (1802) en augmenta le nombre , que doublèrent bientôt l'éducation de ses enfants et le soin de leurs intérêts, au milieu d'affaires compliquées. Jamais, quoique favorisée chez elle par le suffrage d'une mère et d'un frère, et par l'approbation d'un époux, jamais elle ne devint maîtresse d'apporter à la culture des lettres cette parfaite liberté de l'âme , cette plénitude de loisirs, de verve et d'indépendance., volupté suprême que sa jeunesse avait rêvée, mais qui, sous l'empire d'une conscience délicate, n'est guère le partage possible de l'homme, et moins encore de la femme.

Toutefois, malgré ses occupations diverses, et grâce à des instances qui ont vaincu sa répugnance pour le grand jour, Madame de Vannoz a fait imprimer , outre des élégies et des pièces fugitives, deux ouvrages de marque,- suffisants, sinon pour remplir tous les vœux des amis de sa gloire , au moins pour montrer qu'elle avait justifié la noble espérance fondée sur ses débuts. Eloquente et quelquefois sublime dans la première de ces compositions , gracieuse et fine dans la seconde, par l'une elle fait deviner son cœur, et par l'autre son esprit.

On voit bien que nous voulons parler, et des Tombeaux de Saint-Denis (1806), sorte de messénienne qui fut généralement préférée dans le temps aux divers morceaux essayés sur le même sujet, et de la Conversation (1812), code facile et judicieux, dont les quatre chants, sous le nom modeste d'épitres, forment un véritable poëme,- bien supérieur, dirions-nous, à celui de Delille, si la différence absolue de plan et de rythme, en éloignant ici toute comparaison, ne sauvait d'un paralléle trop désavantageux cet ouvrage de la vieillesse d'un homme qui fut célèbre.

Le hasard avait déjà fait plusieurs années auparavant, que Madame de Vannoz se rencontrât avec Delille dans une même entreprise (celle de traduire en vers français le Paradis perdu)

Mais dès la première connaissance qu'elle eut de ce concours imprévu , elle renonça sans hésiter à poursuivre un travail dont bien des écrivains, à sa place, n'eussent pas ainsi fait l'abandon.


Il lui reste maintenant à rassembler ses poésies, ou demeurées en portefeuille ou disséminées dans des éditions partielles; car le public en est encore à désirer une collection de ses oeuvres (1). Ce monument, même achevé, ne s'élevera point, on peut le craindre , à la hauteur où devaient naturellement le porter des mains comme les siennes ; mais on ne sait si l'on ose s'en plaindre , en regardant l'emploi de sa carrière , en Toyant, au lieu d'applaudissements cherchés, des obligations remplies, et, pour chaque palme de moins, une bonne action de plus. Après tout, quand serait venu l'âge mûr , quel sort aurait pu souhaiter Madame de Vannoz , qui fût préférable à celui dont elle jouit? Sans regret de ses sacrifices , elle vit aujourd'hui dans sa ville natale, environnée de l'affection des bons, de l'estime des sages, de la considération de tous. Heureuse mère, épouse honorable : la seule peut-être des femmesauteurs, connues jusqu'à ce jour, dont la critique, en jugeant les écrits, ait constamment respecté la personne ; sur laquelle on n'ait trouvé motif ou prétexte de jeter en aucun cas le moindre blâme ; et que l'Injustice même n'ait jamais cru pouVoir accuser, ni d'un trait de malignité dans le caractère, ni d'un trait de légèreté dans la conduite.

Ainsi parlait M. de Dumast en 4835, et les seize années écoulées depuis, loin d'avoir affaibli l'éloge, n'avaient fait que le confirmer. Un mot seulement avait cessé d'y être juste, et c'est le mot Il heureuse mère ; » car on sait que Mme de Vannoz perdit en 1858 son fils , son unique fils Arthur , au moment où elle-même , atteinte de l'une des plus affligeantes infirmités humaines, venait de sentir douloureusement le rayon du jour échapper à ses regards.

Mais l'excellente femme avait supporté cette double perte avec une merveilleuse patience ; elle était restée douce, indulgente, égale de caractère , pleine d'aménité pour les gens présents, d'obligeance pour les absents, de sollicitude pour les malheureux et pour les pauvres ; et l'on oubliait bien souvent, à s'entretenir avec elle, qu'au fond elle de-

(1) Elle a paru depuis, dumoins sous forme d'abrégé , le choix sévère de l'auteur rayant réduite à Un volume.


meurait (selon sa triste et belle expression) « assise dans les ténèbres sur un tombeau. »

Tandis que réduite au sort d'Homère et de Milton, mais environnée des soins de toute une famille et de tout un cercle d'amis , mais consolée notamment par une fille et par un frère dont l'affection devait lui rappeler ses plus beaux jours, notre respectable Corinne lorraine vieillissait avec mélancolie sous les ombrages de Remicourt, autrefois chantés par elle., un dernier coup vint la frapper: la mort inopinée de son mari. C'en était trop, et la mesure se comblait. Quoique son courage eùt encore résisté à cette dernière épreuve , il était temps que les portes d'un autre monde s'ouvrissent pour une âme qui n'avait plus guère que des chagrins à attendre dans celui-ci.

Sa renommée, si pure , ne s'éteindra point parmi les bons esprits ni les bons cœurs. Nancy surtout, où cette plante modeste a donné le parfum de ses fleurs , a révélé la saveur de ses fruits , Nancy se vantera de l'avoir pro-

duite , et répéteraiei®èipmavec fierté l'honorable, l'aiduite , et répdé è~ a~e,~p :«n de ry.

mable nom, de/ï^fijjpHie^ eSivry.

VAGNER.