Deux pieds de fer lui grimpent sur le dos ; Il sent qu'on le trépigne à lui broyer les os.
Contre ces coups pressés dont le bruit l'épouvante, Sa cuirasse n'est plus qu'une égide impuissante.
La jument à son tour s'effraye et veut ruer.
A cette double force il ne peut résister Et vidant les arçons, lancé comme une pierre, De son casque pointu va labourer la terre.
Le cheval du dragon reste maitre absolu ; De vaincre jusqu'au bout il semble résolu.
Débarrassé de l'homme il s'en prend à la bête; Ni selles ni harnais, il n'est rien qui l'arrête, Les cavaliers ont cessé d'être acteurs Pour n'être plus que simples spectateurs.
Muse, racontez-nous cette lutte héroïque, Mais de grâce, soyez pudique ; N'ayez garde, surtout, de contèr en détail, Sur les points délicats posez votre éventail ; Notre sagacité saura bien vous comprendre.
On résiste longtemps, on finit par se rendre.
Des vaincus en amour ne plaignons pas le sort ; Ces sortes de combat ne donnent point la mort.
La tempête a cessé; le calme vient de naître.
Chacun séparément s'en va flairer son maître, Comme pour lui montrer qu'il est là, qu'il l'attend.
Et chacun d'eux, pour preuve qu'on l'entend, Sent une douce main lui passer sur la bouche.
Les cavaliers ont perdu l'air farouche.
Notre dragon français qui n'est point rancunier Eprouve le besoin de parler le premier.
Assis sur son séant, de sa voix élevée : Eh! cuirassier, il me vient une idée :