LE
TROMPETTE-MAJOR
I
CE QUE L'ON VOYAIT DE LA FENÈTRE DONNANT SUR LA DUNE
Du temps que les femmes portaient des tailles courtes et des robes de mousseline, alors que les grands mouvements militaires qui avaient lieu dans le pays émotionnaient beaucoup le beau sexe, vivaient dans un village, près de la côte de Wessex, deux dames de bon renom, quoique n'ayant malheureusement que des ressources très limitées.
La plus âgée était une Mme Marthe Garland, veuve d'un peintre de paysage, et l'autre Anne, sa fille unique.
Anne était belle, très belle, dans le sens poétique du mot, mais son teint avait cette nuance qui tient le milieu entre le blond et le brun et qui n'a pour ainsi dire pas de nom.
Ses yeux étaient honnètes et investigateurs; sa bouche nettement découpée sans être classique; le milieu de sa lèvre supérieure descendait à peine aussi bas qu'il l'aurait dû, de sorte qu'à la moindre pensée agréable, sans rien dire d'un sourire, deux ou trois dents blanches se laissaient voir en partie, qu'elle le voulût ou non. Bon nombre de gens trouvaient que cela avait beaucoup de charme. Elle était gracieuse et svelte et, quoiqu'elle atteignit tout au plus cinq pieds, elle se tenait assez droite pour paraître grande. Dans ses manières, dans ses allures, dans sa façon de dire : Je vais faire ceci, ou : Je vais faire cela, il y avait plus de dignité et de douceur réunies que chez aucune autre jeune fille; et tous les jeunes gens un peu impression,-