M. Laluyé, de Clermont, ancien cultivateur à Piougemonl.
Je ne cultive plus, mais j'ai recueilli autour de moi des plaintes contre les ouvriers; ils sont récalcitrants, s'adonnent à la boisson et ne travaillent pas le lundi; en outre ils deviennent plus rares et abandonnent la campagne.
Une ferme de 100 hectares à Clermont a besoin de 60,000 francs de fonds d'installation, soit 600 francs par hectare, et de 10,000 francs, soit 100 francs par hectare, de fonds de roulement; elle a 10 chevaux et 3oo moutons.
On cultive la betterave dans le pays depuis deux ans, époque à laquelle a été construite une fabrique de sucre. Le rendement moyen de la betterave est de 25,000 kilogrammes à l'hectare; celui du blé, de 25 hectolitres. Il y a dans le pays quelques troupeaux, A têtes de moutons par hectare environ. Les terres se louent de 70 à go francs l'hectare; je ne pense pas qu'il y ait lieu d'établir des banques destinées à prêter à la culture; il ne faut pas habituer le cultivateur à emprunter: les intérêts des prêts seront toujours trop élevés pour lui, et causeront sa ruine.
Je crois que l'introduction des laines australiennes est cause de l'abaissement du prix de la laine en France, où la vente en devient difficile; les toisons que je vendais autrefois 15 francs sont payées aujourd'hui de 7 à 8 francs, ce qui fait un écart d'environ 3 fr. 60 cent. au kilogramme au détriment du cultivateur. J'estime aussi que la viande est à un prix trop bas; elle coûte plus cher au producteur qu'elle n'est vendue. Le libre échange est la mort de l'agriculture, et le seul remède aux maux actuels est de l'abolir.
M. TUGNY, propriétaire et inaire de Beaurieux.
Je suis peu apte à parler des souffrances de l'agriculture, en général, puisque je n'en connais bien que deux branches : la culture de la vigne et la culture maraîchère. Je crois que le malaise actuel de l'agriculture n'a été qu'accidentel, et qu'il est du surtout à la production exceptionnelle des années i863, i864 et i865. Je suis voisin de quatre marchés de blés, ceux de Fismes, Pontavert, Laon et Soissons, et je ne pense pas que les blés étrangers y soient arrivés en concurrence avec ceux du pays.
Le rendement moyen du blé est d'environ 25 hectolitres à l'hectare; on a récolté 35 hectolitres dans les bonnes années et dans les bonnes terres, mais cette quantité est exceptionnelle.
L'écoulement des denrées est très-facile. Les chemins sont en très-bon état et nombreux; deux routes départementales et quatre chemins de grande communication assurent les transports dans le canton. Les ouvriers deviennent plus rares, ils obéissent moins facilement et donnent en général moins de travail que par le passé. Un certain nombre de cultivateurs du pays exigent un livret de leurs ouvriers. Il serait hien à désirer que tous acceptassent cet usage et que le livret se vulgarisât. Les ouvriers envoient peu leurs enfants à l'école, un peu par insouciance, beaucoup par intérêt. Notre pays, cultivé autrefois en vignes, devient aujourd'hui légumier, et cette culture utilise plus que toute autre les bras des enfants. Les familles ouvrières du pays sont très-nombreuses; peut-être est-ce une conséquence de cette culture légumière. La terre de grande culture n'est pas très-divisée; cependant les exploitations de