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Titre : Dans l'Ethiopie en feu : mes sept mois de captivité (mai-décembre 1936) / P. Séraphin,... ; [lettre de Mgr. André Jarosseau] ; [appel du P. Aloys]

Auteur : Séraphin (18..-19.. ; capucin). Auteur du texte

Éditeur : (Toulouse)

Date d'édition : 1938

Contributeur : Jarosseau, André (1858-1941). Préfacier

Contributeur : Aloys de Moulins (1879-19.. ; capucin). Postfacier

Sujet : Séraphin (18..-19.. ; capucin)

Sujet : Guerre italo-éthiopienne (1935-1936)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32626742d

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (62 p.) : fig., photogr. ; in-8

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Midi-Pyrénées

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Description : Récits personnels français

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6208482d

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 26/03/2012

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*02







DANS L'ETHIOPIE EN FEU Mes sept mois de Captivité



P. SÉRAPHIN, Capucin MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE

DANS L'ETHIOPIE EN FEU

mes sept mois de Captivité (MAI-DÉCEMBRE 1936)

Gallas-Aroussis désarmésï

S'adresser aux Voix Franciscaines 32, rue des Potiers, 32 - TOULOUSE


NIHIL OBSTAT : Bayonne, 14 novembre 1937.

Fr. MARIE-ALBERT, o. m. c., censeur.

IMPRIMI POTEST Toulouse, 21 novembre 1937.

Fr. ALOYS, min. prov.

IMPRIMATUR: Toulouse, 31 décembre 1937 J. DÉLIES, v. g.


En mars-avril 19:16, lors des bombardements de la ville d'Harar,

S. E. Mgr ANDHÉ JAROSSF.AU vécut dans une grotte.


DÉDICACE

A SON EXCELLENCE RÉVÉRENDISSIME

MONSEIGNEUR ANDRÉ JAROSSEAU,

PENDANT TRENTE-SEPT ANS

VICAIRE APOSTOLIQUE DE LA MISSION DES GALLAS, APÔTRE INTRÉPIDE, PASTEUR INLASSABLE,

GLOIRE

DE LA PROVINCE CAPUCINE DE TOULOUSE, EN SOUVENIR DE NOTRE INOUBLIABLE MISSION, COMME HOMMAGE

DE TRÈS RESPECTUEUSE GRATITUDE

ET

DE BIEN FILIALE AFFECTION,

CE CHANT D'ACTION DE GRACES, TRÈS HUMBLEMENT, EST DÉDIÉ.

Fr. S.

De notre Couvent des Capucins de Bayonne, en la fête de saint André, Apôtre, ce 30 novembre 1937.


SON EXCELLENCE RÉVÉRENDISSIME MONSEIGNEUR ANDRÉ JAROSSEAU.

EVÊQUE DE SOATHA, VICAIUE APOSTOLIQUE DES GALLAS (ETHIOPIE)


Lettre de S. Ex. Mgr André JAROSSEAU, Ancien Vicaire Apostolique de la Mission des Gallas (Ethiopie)

Très Révére,nd et bien cher Père Séraphin, C'est avec une émotion profonde que j'ai lu la relation de votre captivité de sept mois entre les mains des brigands.

Je m'empresse de vous écrire pour vous dire combien j'ai été touché de votre désir si filial de m'en faire la dédicace.

Après avoir, très volontiers, béni cet émouvant récit et son auteur, souffrez, bien cher Père, qu'à mon tour, et en votre nom, je dédie votre « Message de reconnaissance » à sainte Thérèse de Lisieux, Patronne des Missionnaires : C'est à vous, ô chère Sainte! C'est à pous, Chantre des miséricordes du Seigneur! C'est. à vous, glorieuse Zélatrice des vocations missionnaires, que l'auteur de ces pages dédie son récit.

Vénérajit en vous, .l'Apôtre de la petite voie, il veut, à votre exemple, écrire pour prêcher aux petits et conquérir à- la cause Missionnaire l'âme de la jeunesse que la gloire du surnaturel attire.

C'est pourquoi, s'adressant à l'enfant qui le -lira, il a vivement à cœur de lui dire que cette terrifiante épopée, qui est son histoire et qui a été vécue par lui en terre africaine, ne fait que reproduire la simple mais bien tragique réalité sans aucun mélange de scènes imaginaires.

Il tient aussi à faire savoir au pieux lecteur que son plus cher désir, en faisant cette publication, est d'être un promoteur de l'appel que sainte Thérèse elle-même veut adresser à son âme pour faire éclore en elle la vocation missionnaire qui fera de lui un apôtre heureux d'aller se dévouer au salut des pauvres infidèles.


Enfin, l'auteur de ces lignes, de héros de ce drame émouvant, s'estimerait bien récompensé de ses dures souffrances, si, en déversant dans la corbeille de sainte Thérèse le flot des roses ensanglantées qu'il a cueillies au rosier de la tribulation, il pouvait ensuite compter beaucoup de candidats à la vocation missionnaire. , Daignez, ô grande Sainte- de Lisieux, écouter ses vœux et faire germer de vaillantes recrues missionnaires sous la rosée féconde de vos bénédictionsl

f Fr. André JA ROSSE A V, Ev.

De notre résidence de la Mission Catholique, > Harar, ce 24 octobre 1937.


Ami lecteur,

L'histoire vécue que tu vas lire est un Acte de reconnaissance envers la Très Sainte Vierge. C'est cette bonne Mère, en effet, qui, d'une façon merveilleuse, — pour ne pas dire miraculeuse, — m'a délivré des dangers extrêmes que je vais te conter.

C'est aussi un Acte d'Apostolat car, en publiant ces lignes sur l'ordre de mes Supérieurs, je me suis proposé de te faire admirer et aimer la belle vie du Missionnaire.

La Chapelle du Couvent du Noviciat, à Carcassonne.


1

« ALLEZ, ENSEIGNEZ , TOUTES LES NATIONS »

En 1922, à Gambo, à environ 250 kilomètres au sud d'Addis-Abeba, au oœur de la tribu la plus barbare d'Ethiopie (la tribu Aroussie), j'avais le bonheur de fonder la Station d'avant-garde du Vicariat Apostolique des Gallas (1).

A cette fin, le Régent de l'Empire éthiopien, le Ras Tafari, futur Négus HaUé-Seliassië, nous avait concédé un domaine vaste de plus de 500 hectares.

Domaine idéal : forêts immenses, gras pâturages, terres fertiles que le soc

n'avait encore jamais entamées, sources nombreuses; au fond de chaque vallon, un ruisseau aux eaux chantantes et cristallines, et,

dominant le tout, deux magnifiques cascades pouvant fournir une force hydraulique considérable. Plaines et plateaux à volonté. Partout, climat des plus sains.

Un seul point noir, mais incapable d'effrayer le Missionnaire;

(1) Pour bien saisir la suite de ce récit, il faut savoir quq les termes Ethiopiens et Abyssins s'équivalent et désignent la race aborigène des Maîtres du pays.

Les Gallas ou Oromos constituent une grande partie des races environnantes vaincues et rattachées à l'Empire d'Ethiopie par le Négus Ménélik, dans la fin du XIXe siècle. Ils se subdivisent en de nombreuses tribus dont la plus étendue est la tribu Aroussie. A l'arrivée des Italiens, ces Gallas, se voyant délivrés du joug des Abyssins qui, jusque-là, les avaient opprimés sans mesure par des impôts écrasants et des corvées sans nombre; se vengèrent férocement de leurs anciens oppresseurs, et s'empressèrent d'aider à la victoire des nouveaux conquérants.


au contraire, tout à fait propre à exciter son zèle : les GallasAroussis, habitants autochtones de cette région, étaient païens absolument. Tout ce que l'on peut imaginer de plus sauvage.

Indépendants depuis des siècles, ne pensant qu'à la prospérité de leurs troupeaux, ils supportaient à peine le joug de la domination abyssine et ne pouvaient souffrir parmi eux l'ingérence

Les baptêmes émouvants s'en suivent. (Page 13.)

d'aucun étranger. Un seul trait peut les peindre : chez eux, aucun jeune homme ne peut prétendre à un mariage honorable s'il n'a à son actif le meurtre de quelque homme d'une tribu ennemie.

Nonobstant, avec l'aide de Dieu, une merveille s'opéra. La charité des envoyés du Christ triompha : peu à peu, nos remèdes ayant guéri de nombreux infirmes jeunes et vieux, la confiance naquit dans plusieurs cœurs. Des pasteurs établirent leur bercail sur nos prairies; des pères de famille apprirent avec plaisir la culture de la pomme de terre jusque-là inconnue chez eux, de


l'orge, du froment. A l'ombre de notre Mission, un marché est organisé et prospère rapidement : marché sans égal en Ethiopie parce qu'on n'y prélève aucun impôt. Surtout, la bonne semence tombe dans les cœurs. Les meilleurs des enfants et des jeunes gens aroussis des alentours forment la terre d'élection où germe le Verbe de Dieu.

Après une instruction catéchistique très soignée, la foi dissipe les ténèbres du paganisme, les baptêmes émouvants s'en suivent.

La Mission aux constructions solides et bien ordonnées, la belle église surtout, sont l'image de cette habitation du Christ en cette jeune chrétienté pleine d'espérances.


II

NUAGES

Le Missionnaire, malgré de nombreuses privations, ou plutôt à cause même de ses labeurs quotidiens, était tout à ce bonheur parfait qui est le partage des âmes apostoliques, lorsque, en avril 1935, il reçut une lettre circulaire de son Vénérable Vicaire Apostolique,

S. Exc. Monseigneur André JAROSSEAU : « Des menaces de

guerre grondent à l'horizon. Le moment venu, vous devrez mettre vos ornements et vos archives en lieu sûr; vous enterrerez vos vases sacrés; puis, il faudra vous retirer dans les villes jusqu'à ce que cet orage soit passé. »

Sans doute, Supérieur prudent, Monseigneur parlait en capitaine avare du sang de ses soldats. Néanmoins, après deux jours ; de réflexion, ne pouvant me faire à cette idée d'abandonner même temporairement — mes chrétiens, j'organise ma caravane et je vais — douze jours de voyage — soumettre mon cas à notre cher Evêque, à Harar.

La bonne Providence vient à point à mon aide : le Négus Haïlé-Sellassié arrive bientôt, lui aussi, à Harar. Il vient proclamer son jeune fils de treize ans, le petit Makonnen, « Duc d'Harar » et lui faire don solennellement d'un grandiose palais tout récemment construit à son intention. Comme suivant de Mgr JAROSSEAU, j'assiste à la fête. A la suite du banquet, nous avons l'avantage d'un petit a parte avec l'Empereur. Mon cas est soumis à Sa Majesté. Celle-ci rassure Sa Grandeur : je puis retourner sans crainte à ma Station des Aroussis où des ordres seront donnés pour ma protection. De fait, revenu en juin à Gambo, quinze hommes armés se présentent à moi, par ordre impérial, dans le but de monter la garde jour et nuit devant notre Mission.


Des menaces de guerre grondent à l'horizon. ».

(Page 14.)


III

TEMPÊTE

Hélas! en octobre, les fronts abyssins du nord et du sud sont renversés; une nouvelle mobilisation est décrétée et nos gendarmes nous quittent pour courir sur la ligne de feu. Je ne perds pas confiance cependant : les Aroussis, nos voisins du moins, ont

juré de faire bonne garde autour de nous en cas de troubles révolutionnaires.

Mais. l'imprévu arriva : le 2 mai 1936, le Négus, découragé, abandonnait son Empire; le 5, les Italiens s'emparaient, sans coup férir, d'Addis-Abeba, la capitale.

Trois jours après, un Aroussi, un chef qui avait combattu sur le front nord, revenait dans sa tribu.

Au son du tambour, il groupe les notables de la région et leur dit : « Aroussis, mes frères, j'arrive du champ de bataille.

Croyez-moi : l'Abyssin, notre oppresseur, est complètement et définitivement battu; le Négus s'est enfui; les Frandjis sont entrés dans la Capitale et, désormais, sont maîtres du pays. Béni soit Dieu! Nous, Aroussis, comme au temps glorieux de nos ancêtres, à l'avenir, nous allons vivre indépendants. Comme nos aïeux, nous serons maîtres absolus de nos forêts et de nos pâturages.

Pour cela, il ne nous reste plus qu'à exterminer tous les Ethiopiens qui se trouvent actuellement sur nos terres. Mort à tous ces maudits percepteurs d'impôts, à ces envahisseurs qui nous écrasaient sous leurs perpétuelles corvées!. Mais, si nous voulons recouvrer notre entière et définitive liberté, il nous importe de procéder vite et ferme. » Des hourras féroces font écho à cet appel aux armes. L'heure qu'ils attendaient vient enfin de son-


ner : l'heure de la vengeance contre les abus cruels d'autorité.

Tous les Aroussis, jeunes et vieux, et même adolescents, s'arment de leurs lances et de leurs coutelas, sautent sur leurs coursiers et volent, en rangs serrés, à l'assaut des colonies abyssines disséminées sur leurs terres ancestrales.

Au triple galop de leurs chevaux, ils foncent sur les villages de leurs anciens maîtres, les cernent, et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire; pillent, mutilent, tuent, incendient tout ce qui leur tombe sous la main.

En moins d'une semaine, ce bataillon barbare a attaqué sept

ou huit centres éthiopiens et les a complètemeat^anéantis.

-


IV

CERNÉS !

Le mardi, 12 mai, à l'aurore, des Abyssins échappés à ces massacres, et d'autres, habitant dans nos parages, se présentent à la porte de

notre Mission : « Père, sauvez-nous! » Des femmes, prosternées la face contre terre, en signe de détresse extrême, dévorent la poussière du chemin, puis, élevant à bout de bras leurs petits nouveaux-nés : « Abbal Abba! s'écrient-elles en pleurant, ayez pitié de nos enfants, donnez-nous refuge à la Mission! »

Ils m'arrivent ainsi, hommes, femmes, enfants, au nombre de près de deux cents. A tous, ému jusqu'aux larmes, je réponds : « Entrez, mes enfants, entrez; et que Dieu nous sauve tous! »

Le soir de ce même jour, un de ces Abyssins réfugiés chez nous me dit : « Père, en venant ce matin, emmenant mes trois filles ici, j'ai entendu ma femme restée en arrière pousser de grands cris. Elle n'a pas encore paru. Je crains fort qu'on ne l'ait tuée, et je ne voudrais pas que l'hyène dévore son cadavre. »

Les Aroussis, courant à la poursuite des Abyssins venus se réfugier chez nous, s'étaient déjà rassemblés dans notre forêt voisine, et, dépassant le millier, commençaient à encercler la Mission. J'envoyais un de mes Aroussis chrétiens à la recherche de cette pauvre femme. Un quart d'heure après, il revenait. De grosses larmes roulaient sur ses joues. Dans ses bras, il portait un paquet de linge tout ensanglanté : c'était le fils de cet Abyssin éploré; un enfant d'un an que ces misérables Aroussis révoltés avaient ignominieusement mutilé, et qui, durant tout le jour, pressé par la faim, cherchant le sein maternel, s'était roulé, en pleurant, sur le cadavre de sa mère morte en le défendant.


Dès la première heure du danger, une centaine d'Aroussis étaient accourus et s'étaient joints à nous afin de nous servir de rempart protecteur. Mais, trois jours s'écoulèrent sans qu'ils pussent aboutir à décider leurs congénères révoltés à s'éloigner sans attaquer la Mission : ces furies déchaînées, en effet, nous assiégeaient parce que nous avions donné asile aux Abyssins qu'ils voulaient massacrer.

Désolés de cette malice irréductible, nos amis, tout consternés, nous avouèrent leur impuissance à nous sauver.

A cette déclaration, tous nos chrétiens abandonnèrent le village, leurs champs, leurs greniers, et se réfugièrent à l'intérieur de notre haie.

Cependant, d'heure en heure, tout autour de nous, dans les bois avoisinants, le cercle des envahisseurs se resserrait et s'épaississait; le nombre des lances était allé croissant : il dépassait maintenant plusieurs milliers. Devant cette marée montante de la barbarie sans frein, nos vingt petits fusils ne comptaient plus. Quelques torches enflammées jetées sur nos toits de chaume, et nous étions contraints de sortir de nos demeures pour tomber sous le fer meurtrier.

Notre situation était donc nettement désespérée : humainement parlant, nous étions tous perdus.


v

« AUXILIUM CHRISTIANORUM »

Mais Dieu nous restait. Et nous mîmes en lui tout notre espoir.

Je réunissais mes cent cinquante chrétiens à la chapelle, les préparais à la mort et les consacrais

tous à la très Sainte Vierge « Secours des Chrétiens ». C'était le vendredi.

Le lendemain, samedi, à l'instant même où cette armée de bandits qui nous cernait se resserrait pour fondre sur notre enclos, notre Bonne Mère, au jour qui lui est consacré, nous délivrait.

Tout à coup, dans le lointain, nous entendons des clairons sonnant la charge, et des coups de feu répétés. Peu à peu, la fusillade se rapproche : c'est un Chef abyssin de la Province voisine qui, apprenant que nous étions assiégés par les Aroussis rebelles, vient nous dégager.

Malheureusement, les cinq cents soldats abyssins qui l'accompagnent, en s'avançant vers la Mission, abattent indistinctement les Aroussis rebelles et nos Aroussis alliés, nos meilleurs protecteurs! Lorsqu'ils entrent dans la cour de la Mission, je dois faire un rempart de mon corps pour protéger mes Aroussis chrétiens qu'ils ne savent pas distinguer et qu'ils essaient de fusiller sous mes yeux.

Alors, un vrai combat s'engage dans la Mission. Dès que les Abyssins nous ont rejoints, les Aroussis de l'extérieur foncent à l'assaut et, par dessus nos haies, lancent une pluie de sagaies; de l'intérieur, les Abyssins ripostent avec leurs fusils. En un rien de temps, dedans, dehors, partout du sang, des blessés, des cadavres.

Les Aroussis une fois repoussés, sans tarder, les cinq cents


soldats abyssins, venus surtout pour s'enrichir à nos dépens, de la crosse de leurs fusils brisant portes et fenêtres de toutes les maisons de la Mission, envahissent tous nos locaux : églises, écoles, magasins, chambres. En un clin d'œil, ces mille mains sacrilèges pillent et dévastent tout ce que nous avions mis quatorze ans à recueillir péniblement et à organiser avec tant de soins.

Impuissant devant ce déluge de piraterie, à plusieurs reprises, je m'en plains au vieux Chef abyssin qui me répète à chaque instant : « Père, ne dites rien; Père, laissez-les faire. » Et il avait raison : si j'avais fait entendre un seul mot de protestation, j'aurais été abattu sur-le-champ par cette soldatesque assoiffée de rapine. Elle n'était venue, dans sa pensée, qu'en vue de recueillir un abondant butin.

Dans la pensée de Dieu, cette bande de pillards était venue nous arracher à la mort. Malgré les apparences, Dieu triomphait.

C'est un chef abyssin de la Province voisine.

(Page 20.)


VI

« ELI, ELI, LAMMA SABACTANI ? »

Le Chef me harcelait : « Partons vite. Ma ville (à sept heures de là) va être attaquée ce soir même par les Aroussis, si je n'y rentre à temps. » Je réclamais mes mulets, mes chevaux; peine inutile : tout, y compris le troupeau de la Mission et ceux de nos chrétiens, avait été razzié dès la première minute.

L'âme brisée, j'eus tout juste le temps de prendre un peu d'argent. Un dernier regard — combien enveloppant — sur cet enclos si aimé. Je saute sur le mulet du Chef qui, lui, monte son cheval de bataille, et nous partons.

Je suis avec l'arrière-garde : tous nos chrétiens, chargés de leurs jeunes enfants et de ce qu'ils ont pu emporter de leurs demeures maintenant complètement abandonnées, se sont mis en route avec les soldats abyssins. Ceux-ci, ployant sous le fardeau de nos dépouilles, encadrent les bêtes innombrables (des milliers) qu'ils ont ravies tant sur nos chrétiens que sur les Aroussis. Nos fronts reflètent l'angoisse : sans doute, nous avons brisé la ceinture de fer qui nous a encerclés durant quatre jours interminables; le combat n'en est pas achevé pour cela. Les farouches Gallas, espérant ressaisir au moins quelques-unes des bêtes que les Abyssins leur ont enlevées courent au-devant de la colonne. Ils se dissimulent habilement dans les taillis bordant le sentier du retour. L'œil attentif, ils attendent notre passage. Tout en allant de l'avant, pendant plusieurs heures, il faut se défendre contre leurs attaques désespérées : de tous les fourrés avoisinants volent vers nous des lances vengeresses. Les Abyssins répondent par des fusillades nourries. L'air est rempli de cris sauvages; notre chemin devient une traînée de sang : des deux côtés, il y a encore des blessés et des morts.


Notre marche en avant est tellement entravée que le vieux Chef réussit à peine à se frayer un passage en compagnie du bataillon destiné à défendre sa ville contre toute attaque nocturne.

Pour nous, à mi-chemin, nous sommes surpris par* une nuit opaque. Il faut camper à la belle étoile. Or, l'endroit où nous sommes est un vrai marécage. Harassé de fatigue, broyé par la douleur, sur ce sol détrempé, j'étends le couvre-selle du mulet et m'y assois.

C'est tout ce qui nous reste de notre si belle et si prospère Mission de Gambo!

Dans ce dénûment absolu, me voyant, avec mes chrétiens, réduit à cette détresse extrême, sentant peser lourdement sur nous le poids de l'ironique regard de cette soldatesque diabolique, un grand cri s'élevait dans mon coeur : « Eli, Eli, làmma sabactani? » Mais Celui qui conduit aux portes des enfers a le secret d'en ramener : à l'instant même, je reçus mes anges consolateurs : Un de mes jeunes chrétiens, s'approchant fièrement, sort de dessous sa toge la Croix d'autel qu'il a pu sauver lors du sac de notre église. Je la baise, très ému, et la place bien droite sur le

sol. Un second, l'œil brillant de satisfaction, s'avance : il me présente la pierre sacrée qu'il a eu le temps d'arracher à notre autel. Un troisième me remet une chasuble. Un quatrième (un de mes jeunes Aroussis baptisé depuis un an à peine), un enfant de douze ans qui, dans sa foi et sa candeur, croit avoir mis à l'abri de toute profanation Jésus-Eucharistie, se dresse comme à la parade et me met dans les mains la clef du Saint Tabernacle.

Enfin, un cinquième déploie devant nous un drapeau. C'est notre. drapeau français que j'avais épinglé comme fond à notre autel du mois de Marie.

D'une main tremblante, dans ces trois couleurs, je dépose l'ornement, la clef, la pierre sacrée. Respectueusement, j'enveloppe le tout; puis, songeant à Jacob reposant sur la pierre de Béthel, sur ces reliques trois fois vénérables, j'ose appuyer ma tête si appesantie par l'épreuve.

Déjà, de ses sabres recourbés, la soldatesque abyssine campée autour de nous, avait abattu quatre bœufs.


VII

CAPTIF !

A la lueur des feux du bivouac, on apercevait ces visages noirs dévorant, à pleines dents, d'énormes quartiers de viande encore palpitante. Bien entendu,

dans notre malheur, pas un des nôtres ne songeait à se restaurer.

Le sommeil lui-même désertait nos paupières.

Dans le cours de la nuit, d'autres bêtes furent encore immolées. Le festin devenait une orgie. Repus de graisse et de sang, les soldats devisaient bruyamment, chantaient, s'exaltaient à qui mieux mieux. Tout autour, les sentinelles préposées à la veille du camp faisaient bonne garde.

Un fait m'intrigua : fréquemment, elles passaient et repassaient près de moi. J'avais l'impression d'être surveillé.

J'eus bientôt la clef de l'énigme. Chaque soldat se glorifiait de la part qu'il avait eue au butin. « Quelle journée fructueuse! », disaient-ils. « Mais, s'écria l'un d'eux, le clou, la merveille, c'est que nous avons fait d'un Européen notre captif! »

Mes yeux se dessillèrent : grâce à Dieu, j'avais échappé aux mains sanguinaires des Gallas. Ce vieux chef abyssin m'avait bien arraché à leur étreinte; mais, à son tour, le fin matois m'avait habilement constitué son prisonnier.

Je le compris à n'en plus douter, lorsque, le jour suivant, notre colonne arriva dans sa petite ville : nous fûmes tout droit dirigés vers la résidence de ce chef et, immédiatement, sous prétexte d'hospitalisation, parqués, les uns sur les autres, dans une grande chaumière. En réalité, c'était notre prison.

La résidence de ce chef de Koffalé, suivant l'usage éthiopien, était entourée de fortes et hautes palissades en cercles concentriques au nombre de trois. Notre abri était tout à fait au centre


et voisin de l'habitation principale du Chef. Vu cette disposition, lui et les siens pouvaient très facilement nous contrôler.

Dans cette hutte d'une surface d'à peine cent mètres carrés se trouvaient plusieurs familles schismatiques, les quatre-vingt-trois chrétiens qui nous avaient suivis et d'autres prisonniers. Dans un angle, j'eus toute la peine du monde pour faire une petite séparation en tendant une bande de cotonnade derrière laquelle,

« Nous avons fait d'un Européen notre captif. ». (Page 24.)

avec les huit jeunes gens de la Mission, je devais passer plus de quatre grands mois de réclusion. Ainsi, nous étions là blottis plus de cent vingt, sans compter, bien entendu, les autres habitants qui vivaient par bandes dans la toiture et dans les cloisons en pisé : rats, fourmis, serpents et insectes de toutes couleurs.

Dépourvus des ustensiles nécessaires pour fabriquer le pain, nous n'avions, comme base de nourriture, que des grains d'orge grillés sur une plaque métallique. La fumée des foyers nous plon-


geait dans une atmosphère irrespirable. Dans la cour, à cause de la saison des pluies, ce n'était que boue et flaques d'eau.

Si, encore, nous avions pu trouver un peu de sommeil réparateur! Mais, dans une hutte voisine de la nôtre, se trouvaient enchaînés. cinq assassins qui ne cessaient de maugréer ou de se battre avec leurs gardiens. A la fin, deux furent fusillés, l'un fut pendu, un quatrième s'évada et le cinquième fut poignardé làmême par le fils de celui qu'il avait tué.

Après cela, nous rêvions d'un peu de calme; mais, une nouvelle épreuve s'abattit sur nous.

Pendant notre fuite de Gambo à Koffalé, le soleil baissant, les misérables soldats abyssins étant tombés sur nos chrétiens leur avaient ravi, de forée, presque tous les vêtements de rechange qu'ils emportaient empaquetés sur leurs épaules. Tant de misères dans le logement, la nourriture, l'habillement, nous valut la visite d'une épidémie de grippe infectieuse. Tour à tour, nous dûmes, presque tous, lui payer notre tribut. Notre salle commune paraissait un enfer. Nuit et jour, ce n'était que gémissements des malades, cris des délirants, soupirs des parents, râles des agonisants. Sur presque toutes les poitrines, les os des côtes apparaissaient à faire frémir. Et pas le moindre remède! Pour consoler ces chers malades, je leur présentais un peu d'eau que je bénissais en priant Dieu d'avoir compassion d'eux. Six moururent. Les autres se relevèrent à la suite d'une convalescence très lente. Le temps nous paraissait une éternité. Après le pillage, et, à quelques jours de là, l'incendie, par les rebelles, de toute notre Mission de Gambo; après notre internement à Koffalé, toute communication nous était impossible avec le monde civilisé, même simplement avec la Capitale. De leur côté, les Italiens furent immobilisés durant près de six mois, soit par la saison des pluies, soit par les surprises nocturnes des Abyssins venant lés mitrailler jusqu'au centre d'Addis-Abeba.

Au milieu de tant d'angoisses et d'afflictions, j'avais une consolation bien douce : celle de pouvoir célébrer le très Saint Sacrifice de la messe. Cette faveur aussi me vint de la droite de Marie. C'est à cette puissante avocate, en effet, que, dans ma détresse totale, j'avais adressé une requête pleine de confiance : « Vous le voyez, lui avais-je dit, nous acceptons toutes nos


épreuves avec une entière résignation : pillage, incendie de notre Mission et de nos villages, perte de toutes nos récoltes, réclusion, maladie et même la mort. Je ne vous demande qu'une faveur : faites en sorte que nous ne soyons pas privés de la célébration de la Sainte Messe! »

Et voici la merveille qui, sans tarder, se réalisa : Lorsque, en cette ville de Koffalé, nos chrétiens découvraient une bête de nos troupeaux, ou une arme, un ustensile, un vêtement que les Abyssins nous avaient volés, s'ils osaient réclamer leur restitution, ils étaient sauvagement repoussés par les ravisseurs qui ne se gênaient pas pour les charger d'injures ou même pour les éloigner en les mettant en joue. Mais, comme j'avais fait publier, par leur prêtre schismatique, que tous ceux qui retiendraient les effets dérobés dans notre église auraient à redouter la colère de Dieu, plusieurs m'apportèrent ce qu'ils avaient caché chez eux. En moins d'une semaine, j'étais rentré en possession des objets essentiels pour la célébration du Saint Sacrifice. Par un indigène fidèle et courageux, je recevais du P. Ambroise, supérieur de la Station de Béra, à deux jours de là, du vin de messe et des hosties. Avec des branches de notre bois de chauffage et de vulgaires lianes, j'arrivais à confectionner une minuscule table d'autel que je dissimulais le jour. Au milieu de la nuit, alors que tout dormait autour de nous, à voix très basse, mais avec quels transports de reconnaissance envers Dieu, j'avais le bonheur de renouveler l'offrande du Calvaire, tout comme au temps des Catacombes. L'infime petit réduit où nous étions séquestrés me paraissait alors aussi riche qu'une basilique.


VIII

CONDAMNÉ A MORT

Dès que mes chers convalescents furent capables de marcher, à plusieurs reprises, je priais mon vieux chef de vouloir bien nous autoriser à passer chez les Belges qui, à 7 heures de là, exploitaient

une grande plantation de café. Mais, invariablement, la réponse était négative, car, dans sa pensée (que je comprenais parfaitement sans le laisser paraître), entre ses mains, j'étais un otage de première valeur : si les Abyssins étaient vainqueurs, j'étais une pièce de choix pour l'autodafé du triomphe; si, au contraire, les Italiens avançaient dans une marche irrésistible, avant leur arrivée à Koffalé, j'étais sauvagement exécuté.

Quelle que fût l'issue de cette guerre italo-éthiopienrie, j'étais donc sûrement condamné à mort.

Parfois, ne pouvant plus tenir dans cette prison infecte, j'essayais de dépasser la haie de l'enclos afin de pouvoir respirer un peu d'air pur. Immédiatement, mes chrétiens venaient me conjurer de rentrer. Effectivement, je le voyais : à l'extérieur, des guerriers farouches, revenus du front, tenant en main leur fusil mitrailleur chargé, se tenaient à une petite distance de la porte de sortie. Ils attendaient.

Ils attendaient impatiemment l'occasion où ils pourraient abattre ce frandji qui ne faisait qu'un avec les Italiens, disaientils, et dont la race fabrique cette poudre meurtrière et ces canons maintenant destructeurs de l'Empire éthiopien.

Las de monter ainsi une faction infructueuse, plus d'une fois les soldats de l'extérieur — et même leurs chefs — pénétraient à la résidence et demandaient à mon vieux geôlier l'autorisation


de m'exécuter. Ils citaient l'exemple de tel et tel autre blanc qu'on avait déjà fusillés dans les alentours uniquement parce que de nationalité européenne.

Mon vieux chef, à qui le Négus avait fait dire : « Garde le

Quelle que fût l'issue de cette guerre. (Page 28.)

P. Séraphin comme la prunelle de mes yeux », ne savait trop quel parti prendre, trouvant bien aléatoire de me livrer si tôt.

Alors, les Abyssins, jeunes et vieux, pinçant leurs lèvres, forçaient parfois la porte de ma pauvre hutte, m'apostrophaient avec rage, me tiraient la barbe, et, même, menaçants, plaçaient la bouche de leur fusil sur ma poitrine. Grâce à Dieu, je ne répondais à leurs insultes que par un sourire, et ce sourire les désarmait.


IX

ÉV ADÉ

En cette malheureuse année 1936, fin mai, juin, juillet, août tout entiers se passèrent ainsi entre la vie et la mort. Celle-ci, de ses ailes sinistres, me frôlait nuit et jour : le moindre petit incident pouvait la provoquer

en fournissant le prétexte si attendu pour mon exécution. Mon entourage en était profondément humilié et désolé. Un de mes vieux chrétiens, particulièrement affecté par cette abjection où était tombé le Missionnaire autrefois si honoré de tous, grands et petits, répétait dans ses prières quotidiennes : « Mon Dieu, faites que mes yeux ne voient pas le cadavre du Père de nos âmes! ». Sans doute, il s'offrit en victime. En tout cas, il fut un des premiers emporté par la grippe.

Mon chef lui-même devenait chaque jour plus perplexe. La situation anormale où il me détenait lui pesait-elle sur la conscience? — Surtout, je crois, il appréhendait les représailles.

Dans les derniers jours de septembre, les pluies cessant, les avions italiens commencèrent à paraître. Ils examinaient attentivement la situation du pays. Le vieux geôlier en fut très affecté. Il prit peur. Je lui avais dit : « Sache-le bien : à la fin de la guerre, mon gouvernement ne manquera pas d'ouvrir une enquête. Il saura alors qui m'aura été secourable et qui m'aura torturé pendant cette guerre italo-abyssine. » Et ces paroles angoissaient son esprit.

Un soir, tout tremblant, il vint m'exposer ses craintes, le danger extrême que je courais, les complications, les responsabilités qu'il redoutait. A ma grande satisfaction, il fut décidé que je


m'évaderais, et cela, avec tous mes chrétiens; mais, à la condition expresse que lui-même protégerait notre fuite. Le lendemain, dans le plus grand secret, nous arrêtions les grandes lignes de cet exode : nous partirions de nuit, et, pour dépister la soldatesque, abandonnant tout chemin, on se rendrait ensemble, par monts et par vaux, jusqu'à la Plantation de café exploitée par les Belges, à Wando (Sidamos).

Il s'offrit en victime. (Page 30.)

Ce qui fut dit fut fait : au jour, ou plutôt, à la nuit fixée, dans le plus grand silence, mes chrétiens et moi, emportant nos pauvres hardes, encadrés par trente bons pères de famille abyssins en qui le chef avait confiance, nous quittâmes notre prison. En cas d'attaque, en chemin, leurs trente fusils joints aux vingt de nos chrétiens pourraient éloigner les iniportuns. Le chef marchait en tête. Nos bons anges suivaient sûrement, car notre voyage s'effectua sans encombre, du moins du côté des hommes.


Du côté des éléments, ce fut toute autre chose : dans notre fuite, évitant soigneusement tout sentier battu, de crainte de quelque rencontre néfaste, nous allions, à travers des bois impénétrables, par des précipices inimaginables, trébuchant sur des cailloux roulants. En plus de mon long bâton qui me servait d'arc-boutànt, à droite et à gauche j'étais soutenu par deux solides jeunes gens. De ce train, un parcours que nous aurions pu accomplir en quelques heures, nous demanda deux grandes journées.

En arrivant à la résidence des quatre Belges où cinq planteurs allemands s'étaient déjà réfugiés, nous fûmes reçus avec les démonstrations de la plus vive allégresse. Eux aussi, en effet, étaient fort angoissés par cette anarchie qui s'accentuait dans toute la région. Mon vieux geôlier, après s'être fait délivrer un certificat attestant qu'il m'avait remis aux Européens en parfaite santé, retourna dans sa ville. Pour moi, avec les soixante catholiques qui m'avaient suivi, après nos quatre mois et demi de

réclusion à Koffalé, nous nous sentions tout à la joie de ce qui nous semblait être une délivrance.

C'était une illusion : nos misères ne faisaient que commencer.

Dans toute la contrée, ces messieurs Belges passaient pour gens très riches. De fait, ils possédaient une vaste et splendide plantation de caféiers en plein rapport. Aussi le pays racontait-il que, chez eux, en plus du café décortiqué, ensaché et entassé dans leurs grands magasins, ils possédaient des milliers et des milliers de thalers, fruit de leurs ventes précédentes. C'était plus qu'il n'en fallait pour exciter les convoitises tant des riches que des pauvres. Attirés par l'espoir du butin, presque chaque jour,

les pillards venaient par bandes de dizaines et de centaines.


x

AVEC LES BRIGANDS

Se répandant dans les bosquets environnants, ces écumeurs de grands chemins, armés jusqu'aux dents, encerclaient la Villa de ces messieurs.

Nous les apercevions dans les hautes herbes avec leurs chevaux, leurs mulets, leurs ânes qu'ils avaient amenés dans l'espoir d'emporter le plus de choses possible. Ils n'attendaient, pour ren-

verser les barrières et pénétrer dans l'enclos, que les coups de fusils qui devaient être le signal du massacre des habitants de céans. Dans le but évident de faire naître l'occasion d'une escarmouche, tour à tour, quelques chefs abyssins se présentaient avec de belles manières : refuser de les introduire eût été le casus belli tant désiré; les recevoir comme visiteurs était retarder d'autant le dénoûment qui, à faible échéance, nous paraissait fatal. Une fois ces arrogants chefillons installés dans le salon, pendant que les Européens s'entretenaient avec eux, leurs soldats se glissaient dans les dépendances, envahissaient le verger et le potager faisant main basse sur tout ce qui leur plaisait et précipitant par dessus les haies instruments agricoles et sacs de café.

D'où, de la part des propriétaires, des protestations indignées' que je devais calmer afin d'empêcher qu'elles ne dégénérassent en fusillade de légitime défense, ce qui eût été notre perte immédiate et totale.

La nuit, à tour de rôle, il fallait monter la garde aux quatre coins de la propriété transformée en blockhaus, car nous savions que des incendiaires cherchaient le moment propice pour enflammer l'immeuble afin de nous obliger à en sortir et, ainsi, à tomber sous leurs armes continuellement aux aguets.


C'était donc continuellement la mort en perspective. Même aux abords de l'habitation, la terreur régnait : tous les employés de l'exploitation avaient déserté cette vallée de Wando. Faute de main-d'œuvre, les cent mille caféiers de la plantation rejetaient sur le sol une récolte exceptionnellement abondante. Impossible de songer à recruter des ouvriers, même à prix d'or.

De tous côtés, les Abyssins et les Aroussis, les Sidamos et les Gallas se livraient, sans répit, des combats meurtriers. Chaque jour, c'était une nouvelle région du voisinage qui avait été le théâtre de quelque rencontre sanglante. Que de fois, revenant de la bataille, rapportant leurs ignobles trophées, ces hordes barbares, enivrées par leurs prétendus exploits, côtoyant la Plantation, célébraient leur victoire du jour par des danses sauvages, des chants guerriers où des menaces diaboliques contre les Européens perçaient souvent en quelques vers malicieux!

Vers la mi-octobre, nous en étions à ces extrémités, lorsque m'arriva un billet du Frère Paulin de la Station de Béra, distante de Wando de dix heures de marche à mulet. Ce billet me disait : « Le Père Ambroise, malade depuis dix mois, baisse de plus en plus. »

Ma résolution fut vite arrêtée : à tout prix, j'irais assister mon confrère mourant. Quand je m'en ouvris aux Européens, ils se regardèrent pour se demander si je n'avais pas perdu le jugement. Réellement, par ce temps de révolution générale, nul ne pouvait voyager sans risquer d'être pillé ou même massacré. A plus forte raison, si le voyageur était un Européen.

Je dis donc : « Sans doute, les chemins sont impraticables; mais, je crois avoir trouvé un moyen assez sûr d'aller au secours du cher Père malade. Ce moyen, le voici : donnez-moi deux hommes armés afin qu'ils me conduisent simplement jusqu'au poste voisin, et, Dieu aidant, je me charge du reste. »

Ce qui fut dit fut fait : deux domestiques de ces messieurs m'accompagnèrent jusqu'à une heure de là, à ce que l'on appelait le poste de Police. Ce Poste comptait une cinquantaine de soldats dits « Askaris ». Ces « Askaris » n'étaient autres que des recrues tigréennes venues d'Erythrée avec les Italiens pour combattre sur le front sud; là, au nombre de plusieurs centaines, ils avaient trahi leurs enrôleurs et étaient passés aux Abyssins avec armes


et bagages. Les Abyssins, enchantés de ce renfort inattendu, les avaient récompensés de leur forfaiture en les dispersant par groupes dans la Province avec mission de faire la police intérieure. Cette fonction pour gens de cet acabit consistait à razzier le pays, à détrousser les voyageurs et à vivre d'expédients. Ils

Ils n'attendaient que les coups de fusils.

- (Page 33.)

'- avaient la réputation d'être si bons tireurs que, jamais, leurs balles ne manquaient leur objectif. Aussi étaient-ils redoutés à vingt lieues à la ronde.

C'est à ces tristes personnages, à ces brigands des brigands, que j'avais recours afin de pouvoir atteindre le cher Père Ambroise! Arrivé dans leur repaire où ils étaient une cinquantaine, d'une grosse voix, leur chef me demande où j'ose aller de ce


train. Je lui réponds que mon confrère étant malade en pays sidamo, je désire le voir avant qu'il ne meure. J'ajoute que, connaissant la situation du pays, j'estime n'avoir d'autre moyen d'accomplir ce voyage que sa haute protection et que, conséquemment, je le prie de vouloir bien me céder « deux hommes de sa confiance ».

C'était lui demander, pour être escorté, l'assistance de deux de ses brigands auxquels il me recommanderait. C'est ce que, très flatté, il s'empressa de m'accorder. Avec un ton de toyale protection, il donna des ordres précis. Deux grands gaillards à la chevelure ébouriffée — et ébouriffante — ceignirent leur double cartouchière, prirent leur fusil, leur sabre, leur coutelas, leur revolver. et nous nous mîmes en marche.

Comme rien ne m'assurait qu'à un détour de chemin ils ne m'enverraient pas une balle dans le dos ne fût-ce que pour heriter ou de mon casque, ou de ma chaussure, dès le début de notre course, je les priais de vouloir bien former l'avant-garde. Eux étaient sur des chevaux volés à l'habitant; je suivais sur ma mule. Un jeune homme catholique, sur son mulet, fermait notre petit bataillon. Nous cheminâmes dans cet ordre toute cette longue journée.

Mes illustres Askaris ruminaient leurs pensées. Je ruminais la mienne. La nuit était tombée quand nous atteignîmes la Ghidabo. A un quart d'heure au delà de cette grosse rivière, affluent du lac Margarita, se trouve la capitale du Sidamo, nommée ErgaAllem. La garnison principale de ces Tigréens félons se trouvait dans cette ville. Au moment de traverser le gué, mes deux guides me supplièrent de les suivre jusque chez eux. Leur invitation à « souper et à passer la nuit chez eux » me répugnait d'autant plus qu'elle était plus instante. Si j'avais accepté, serais-je sorti sain et sauf de cette caverne de brigands?. Je leur expliquais donc que je tenais absolument à arriver le plus tôt possible auprès de mon confrère malade. En leur glissant un pourboire, je les remerciais avec effusion de leurs amabilités.

, Pendant qu'ils se dirigeaient à gauche afin de rejoindre leurs congénères, prenant la droite, je passais la rivière et prenais le chemin de notre Station de Béra située à une heure et demie de ce point. Lorsque mon jeune compagnon se vit seul avec moi,


la nuit, dans cette impressionnante forêt, il frémit comme une feuille au sommet du bambou.

Je relève son courage en récitant avec lui un bon Ave Maria.

Résolument, nous nous engageons dans la frondaison obscure, au grand galop de nos mùlets. Dieu est toujours la bonté même ; sans rencontrer un seul pillard, pas même une bête fauve, nous atteignons Béra, et, dans une joie commune, je tombe dans les bras de notre cher malade.

Pauvre Père! Tout infirme qu'il est, lui aussi a été cerné par les hordes rapaces : il me raconte comment, à plusieurs reprises, il a été razzié, et, comment, une nuit, sur le point d'être étouffé sous l'étreinte d'un brigand, il a dû faire usage de ses armes pour sauver sa propre vie.

Avec le bon Frère Paulin, nous disposons et ornons la hutte du Père qui est, en même temps, son magasin et son infirmerie : le lendemain, j'ai la consolation de lui apporter le Saint Viatique et lui administre la Sainte Extrême-Onction. Le cher Père ne savait comment me remercier d'avoir bravé tous les dangers pour lui procurer toutes ces consolations. Je crois bien que mon bonheur était égal sinon supérieur au sien. « Ecoe quam bonum et quam jucundum. »

Le voyant très affaibli, je passais encore quelques jours auprès de lui. Entre temps, j'envoyais à Erga-Allem demander à mes guides le jour de notre retour sur Wando. Ils insistaient toujours pour que notre jonction se fît « chez eux » où « je passerais la nuit ». Redoutant quelque malheur si j'acceptais, je pris la résolution qui me parut moins dangereuse à exécuter : celle de repartir simplement avec mon jeune homme catholique et nos deux anges gardiens. C'était beaucoup s'exposer : mais, comme les gens du pays n'avaient pas vu revenir mes deux brigands, je comptais fort que, dans la crainte d'être surpris et dépouillés ou maltraités par eux, chacun se serait tenu à distance et qu'ainsi le chemin serait encore vide de voyageurs. C'est ce qui arriva et nous, valut le bonheur de regagner Wando sans mauvaise rencontre.

Là, les Européens et mes chrétiens m'attendaient avec la plus vive impatience : ils se demandaient si, vraiment, je pourrais traverser ce pays en pleine rébellion; ils craignaient aussi de


mourir sans prêtre, car les attaques des pillards se faisaient plus audacieuses et plus fréquentes. Sur le pâturage même de la Concession, on avait ravi les chevaux de luxe de ces messieurs en même temps que leurs meilleures vaches à lait. De plus, les provisions de bouche diminuaient sérieusement.


XI

L'AGONIE

On était déjà à la fin d'octobre et, sur tout l'horizon, pas le moindre secours ne s'annonçait. Nous ignorions tout de la guerre italo-abyssine. Depuis cinq mois, pas le plus petit courrier qui aurait ranimé notre moral.

De leur côté, les Abyssins nous bourraient le crâne en nous assurant qu'à Addis-Abeba, les Italiens avaient

tous été massacrés, que les Européens disséminés sur les différents points de l'Empire n'étaient plus de ce monde, qu'une guerre européenne avait éclaté.

Dans cet abandon total, l'élément noir nous regardait avec arrogance et méprisait notre manque de moyens. La fidélité de la domesticité de ces messieurs devenait plus que douteuse. Mes néophytes mêmes étaient sollicités par quelques misérables qui voulaient les entraîner contre nous dans une lâche trahison.

Vraiment, notre dernière heure paraissait imminente, et elle l'était réellement; mais, dans les conseils des hommes seulement.

Je réunis mes chrétiens. Comme à Gambo, je les exhortais à se résigner à la volonté de Dieu et à se tenir prêts à tout événement. Chacun se prépara à la mort; et, de nouveau, solennellement, nous nous consacrâmes tous à la très Sainte Vierge, la suppliant de continuer à nous secourir comme elle l'avait si bien fait jusque là. Contre toute espérance, nous espérions tout de sa maternelle protection.

Depuis fin septembre, les avions italiens avaient repéré la Plantation belge. Fréquemment, ils venaient examiner si notre situation n'était pas compromise. Tous les dix réfugiés, nous paraissions alors sur le terre-plein de la cour, et les aviateurs re-


partaient rassurés. A un moment, ils faillirent nous compromettre très gravement : avides de renseignements précis, ils nous lançaient des messages nous pressant de leur indiquer par signes conventionnels où se trouvaient les rebelles et les points les plus sensibles au bombardement. Ils nous posaient aussi d'autres questions indiscrètes auxquelles nous ne pouvions faire la plus petite réponse, sous peine d'être immédiatement anéantis, nous et les nôtres, par les Abyssins qui nous auraient traités sur-lechamp comme des fourbes. Leurs chefs, en effet, avaient imposé à ces messieurs des surveillants qui étaient de redoutables espions ayant mission, dans notre propre enclos, de surveiller tous nos faits, nos paroles et nos gestes. Chaque soir, à l'heure de la relève, ils avaient l'obligation non seulement d'en faire rapport à qui de droit, mais encore de présenter le texte original des communications qu'on aurait pu recevoir par voie aérienne.

Heureusement que ces écrits étaient rédigés en allemand et que, dans l'entourage de ces chefs, personne n'était capable d'en comprendre le texte et, par conséquent, d'en donner la traduction.

Notre silence absolu énervait les aviateurs qui ne savaient comment se l'expliquer, si ce n'est en doutant de nos dispositions à l'égard de l'Italie.

Nous comprenions parfaitement tout cela. Aussi, notre vie n'était plus une vie : gravement exposés de tous côtés, sans issue aucune, ne pouvant plus ni manger, ni dormir, d'une heure à l'autre, nous attendions la mort.

Un jour, deux des Allemands réfugiés avec nous chez ces braves Belges, souffrant par trop de la légèreté du menu, contrevinrent a la résolution que nous avions prise d'un commun accord.

Cette résolution nous avait été dictée par la prudence : afin de ne pas être soupçonnés d'entente avec l'ennemi, nous devions nous abstenir de faire le moindre signe aux aviateurs survolant la Concession. Donc, fatigués du régime des privations, nos deux Allemands, lors du passage d'un avion sur la propriété, allèrent se dissimuler dans une clairière et firent un S. O. S. réclamant armes et provisions.

Trois jours après, un puissant trimoteur nous arrivait d'Addis.

Ouvrant son hublot, il nous lançait un parachute. A première


vue, je croyais que c'était le courrier si attendu qui nous arrivait : pendant deux minutes, j'eus la douce illusion que nous allions enfin reprendre contact avec le monde civilisé en étant mis au courant des réalités du jour. Hélas! tout en descendant, le colis grossissait, il devenait énorme : c'était un. stock de vingt-quatre carabines Albini. Un second suivait : il

Pas le moindre secours ne s'annonçait. (Page 39.)

nous apportait des. milliers de cartouches. Un troisième arriva; c'était une grande sache garnie de toutes sortes de provisions.

A cette réception, notre joie fut grande, très grande, mais elle ne dura guère : nous eûmes à peine déballé ces colis, que plus de deux cents Abyssins, ruisselant de sueur, arrivaient de tous côtés et au pas de course. Brandissant leurs armes, ils forcent les portes et envahissent l'enclos. Leurs chefs, les yeux hors de l'orbite, nous intiment l'ordre de leur livrer immédiatement les « Italiens » que nous venons de recevoir. A nos paroles d'éton-


nement, ils répliquent : « Pensez-vous que nous n'avons pas aperçu les Italiens qui, suspendus à leurs parapluies, viennent de descendre chez vous? ». Nous devons jurer qu'ils sont dans l'erreur; que personne absolument n'est descendu par ces parachutes. Il faut étaler sous leurs yeux tout ce que nous venons de recevoir et leur expliquer que c'est le Ministre d'Allemagne, à Addis, qui a mis les Italiens en demeure de nous apporter ces secours. Leur premier mouvement est de s'emparer de ces armes et de ces munitions; mais, sur nos protestations véhémentes, ils déclarent qu'ils vont écrire au Ras Desta pour savoir ce qu'ils - doivent en faire. Ce Ras, gendre du. Négus, est, à une semaine de là, dans le Sud, avec une puissante armée. C'est lui qui constitue le dernier rempart de la résistance éthiopienne contre l'envahissement de l'étranger. En attendant sa réponse, nos chefs décident qu'armes et munitions « demeureront séquestrées et en dépôt auprès du Père Séraphin, deux gendarmes étant de garde devant sa porte.

Le lendemain, de bonne heure, nouvel envahissement de l'enclos. Cette fois, ce sont les fameux Askaris qui nous arrivent.

Parmi eux, je distingue parfaitement les deux guides qui m'ont escorté vers Erga-Alleml Au nombre d'environ cinquante, leur fusil mitrailleur bien en main, ils chassent les domestiques de là maison et prennent position tout autour de la villa. C'est l'attaque classique. Ces messieurs, Belges et Allemands, sautent sur leurs revolvers, chargent leurs fusils; les dames elles-mêmes ceignent leurs cartouchières et prennent leurs carabines. Les armes, de part et d'autre vont crépiter.

A ce moment précis où la poudre va parler, je me jette sur lesmains de nos Européens et les mets dans l'impossibilité d'appuyer sur la gâchette : « De grâce, n'ouvrez pas le feu; nous serions tous perdu-sl » De son côté, le grand chef des brigands, (celui qui avait été si obligeant avec moi) dit aux siens de se tenir sur le qui-vive; mais d'attendre son ordre avant de tirer.

On se regarde. On se comprend : cette clique est venue nous mettre le couteau sur la gorge afin de s'emparer des armes et munitions reçues la veille. Les deux prétendus gendarmes préposés à leur garde indiquent le lieu de leur dépôt. En deux


minutes, tout est emporté et notre enclos en paix. Nos vies, encore une fois, sont sauves, mais nos moyens de défense bien réduits.

Pour comble de malheur, nous le sûmes plus tard, le jour

Chacun se prépara à la mort. (Page 39.)

même, un traître, dans le but d'obtenir les bonnes grâces des Italiens, partit pour leur camp et leur annonça calomnieusement que nous, Européens de Wando, avions distribué armes et munitions pour soutenir la résistance des Ethiopiens contre l'avance italienne.

Le chef de ce camp, homme intelligent, trouva cette nouvelle bien difficile à croire, car, disait-il, « dans nos photos, nous


distinguons toujours un Missionnaire parmi les dix réfugiés.

Enfin, ajouta-t-il, on ne sait jamais. Afin de tirer cette affaire au clair, demain, un avion de bombardement se rendra sur la Plantation belge. S'il est attaqué, que la Concession soit, sur-le-champ, bombardée et détruite. Sinon, cette dénonciation est pure calomnie. »

Le lendemain, au moment où l'avion bombardier arrivait, je me trouvais sur le terrain concédé par ces Messieurs pour la résidence des Missionnaires. Contrairement à sa coutume des jours précédents, l'appareil volait bas, très bas. J'eus l'impression qu'il voulait s'assurer de nos dispositions. Appelant une douzaine de mes petits chrétiens, âgés de dix à onze ans, je les plaçais à ma droite et à ma gauche, les mains jointes. Pour fermer l'hémicycle, je dis à mes hommes de se placer face à nous, la bouche des fusils tournée contre le sol.

Pendant que tous, se tenant immobiles, fixaient leurs regards sur l'avion, debout, au milieu d'eux, en signe d'amitié et d'union d'esprit, j'agitais un grand mouchoir blanc. Bien nous en prit : après avoir fait de nombreuses boucles sur nos têtes, convaincu de la droiture de nos sentiments, nous laissant dans la paix que nous lui démontrions, il s'éloigna rapidement et piqua droit sur les villages abyssins qu'il bombarda d'importance.

Entre temps, le Ras Desta avait répondu. D'après ses ordres, disait-on, on devait mobiliser dans la région tout ce qui restait d'hommes capables de porter les armes. Un bataillon respectable étant ainsi formé, il fallait se diriger sur la Concession, l'attaquer en forme, s'emparer de tous les biens que son Excellence abandonnait comme butin à la soldatesque. Enfin, l'immeuble, par ordre supérieur, serait transformé en centre de résistance contre toute avance des contingents italiens. C'était clairement notre condamnation au massacre.

En cette heure d'agonie, nous décidâmes d'adresser d'urgence un appel suprême à ceux-là seuls qui pouvaient nous sauver dans ce péril extrême. Donc, en toute diligence, pendant ce travail de laborieuse mobilisation, nous résolûmes de faire parvenir un courrier au général Geloso qui, dans sa marche très lente vers le Nord, était encore à plus de 200 kilomètres à notre Sud.

La grande, très grande difficulté était dans le moyen de faire


parvenir cette communication : les chemins étaient fermés et les Ethiopiens veillaient avec un soin farouche pour endiguer toute relation épistolaire.

On n'écrivit qu'un minuscule billet. On le glissa dans un bâton

Je m'appliquais à soutenir les courages. (Page 46.)

creux ayant l'aspect non d'une canne mais d'une vulgaire branche d'arbre. Le tout fut confié à un pauvre Sidamo connaissant parfaitement le pays. On lui promit une généreuse récompense et il s'engagea à nous rapporter la réponse par le même stratagème.

Par ce message, nous suppliions le général italien de vouloir


bien accélérer sa marche pour voler à notre délivrance, cernés que nous étions par les pillards et à la veille d'être tbus massacrés.

L'officier italien qui avait pour mission de rejoindre AddisAbeba par la voie du Sud, dirigeait une colonne de 10.000 hommes et un matériel motorisé considérable, mais les routes n'existaient que sur les cartes. A la réception de notre cri d'alarme, il fut, dit-on, désolé. Par un billet, minuscule aussi, et bien dissimulé dans notre branche fruste, le général Geloso nous répondit : « A mon très grand regret, il m'est absolument impossible de venir directement à votre secours. Je suis ici, dans le plus grand embarras, étant dans la nécessité de créer la route pour faire avancer ma colonne, et étant continuellement harcelé par des surprises armées. Mais, prenez courage. Tenez bon une semaine.

Après quoi, j'ai confiance que vous serez dégagés par une colonne devant venir par le Nord. »

Ces quelques mots réveillèrent nos espoirs. Sans les communiquer à notre entourage indigène qui aurait pu commettre des indiscrétions néfastes, je m'appliquais à soutenir les courages, à calmer les impatiences, surtout à empêcher qu'aucun engagement ne se déclanchât entre notre fortin et les rebelles qui nous encerclaient en nombre chaque jour plus effrayant.

Surtout, avec mes chers chrétiens, nous redoublions nos instances auprès de Celle qu'on n'invoque jamais en vain.


XII

LA DÉLIVRANCE

La première semaine de décembre marquait le point culminant de nos angoisses. Les domestiques eux-mêmes semblaient avoir été gagnés par les révolutionnaires de l'extérieur. Ces Messieurs me confiaient à l'oreille : « Si nous tombons, ce sera d'abord sous leurs balles,.. »

Un matin, de grands cris retentissent dans l'im-

mense plaine s'étendant de la Concession jusqu'au lac Abassa.

Bientôt, sur divers points, des colonnes de flammes s'élèvent rutilantes vers le ciel. Un cavalier vient nous faire savoir que les Aroussis, ennemis mortels des Sidamos, arrivent par milliers et saccagent tout ce qui appartient à ces derniers. Leurs lances sont aveugles : elles n'exceptent ni les vieillards, ni les femmes, ni les enfants. Il y a du nouveau : la colonne italienne arrivant d'Addis dans le but d'entrer en liaison avec l'armée du général Geloso vient d'entrer sur le territoire des Aroussis. Ceux-ci ont obtenu des Italiens l'autorisation de s'élancer comme leur avant-garde tout en récupérant sur les Sidamos leurs troupeaux récemment razziés. De là, cet envahissement subit et terrifiant.

Vers midi, sur le coteau faisant face à la Plantation et où, à 5 kilomètres de la Concession, serpente une piste carrossable, tout à coup apparaît un camion, puis un autre. Tous, nous les i apercevons; mais, après tant de souffrances et d'abandon désespérant, ce fait nous paraît si extraordinaire que nous gardons le silence; il nous semble être victimes d'une hallucination ou plongés dans un songe. Toutefois, voici un troisième camion, un quatrième. Alors, nous ne doutons plus : c'est bien le salut qui nous arrive, ce salut attendu depuis sept grands mois!!!

Des larmes jaillissent de nos yeux et des cris de remerciements


s'échappent de nos lèvres. On hisse les drapeaux au sommet des grands mâts; on renverse les barrières dressées .devant la grande porte d'entrée. L'Europe, enfin, va tomber dans nos bras depuis si longtemps désespérément tendus!!!

Cependant, le temps passe, les camions ne cessent de se multiplier à l'horizon; mais, chose étrange : personne de la colonne ne semble se détacher pour accourir vers notre prison???

Femmes Gallas-Aroussies vêtues de peaux.

Après une demi-heure d'attente, qui nous paraît un siècle, nous voyons arriver. un seul Européen. Il est à cheval et sans armes.

Nous nous avançons au-devant de lui. Il reste froid. On l'introduit. Les dames se précipitent pour lui faire bon accueil, le faire rafraîchir. Il délie enfin ses lèvres : « Messieurs, dit-il, je croyais venir au milieu de rebelles; mais, je vois que je suis au milieu d'amis. Veuillez me faire passer de quoi écrire. » D'une main légère et la face épanouie, il écrit au chef de la colonne : « Capitaine, ces Européens ont été affreusement calomniés. Non seulement ils n'ont pas soulevé le pays contre nous; mais, sur le


point d'être massacrés, ils nous attendaient avec la plus vive impatience. Venez sans crainte. »

On envoie ce petit mot au Capitaine Tucci. En attendant l'arrivée de ce chef, le Docteur de la Colonne, — car c'est lui — nous expose que nous avons été dénoncés comme faisant cause commune avec les Ethiopiens et que lui-même est venu croyant se sacrifier pour tous les siens en s'exposant sans armes à toutes les cruautés possibles.

Cette défiance est le fruit de trois griefs qui se dressent contre nous et qu'il nous expose avec candeur : D'abord, celui des armes et munitions « fournies » aux Askaris.

Le cas, en deux mots, est mis au point. — Ensuite, notre refus obstiné de faire écho aux questions des aviateurs. Nous lui montrons, dans la cour, les espions aux écoutes au nom des chefs abyssins, et il nous dispense de commentaire. — Le troisième, c'est « une tranchée que nous avons creusée à l'approche des Italiens et nettement marquée sur les photos de la Concession prises par avion ». — Ces Messieurs répondent : « La tranchée existe, en effet; mais, ce n'est qu'un vulgaire canal d'adduction d'eau pour la décortication du café!!! » On rit de bon cœur en soufflant sur toutes ces calomnies que nous n'aurions jamais soupçonnées. Maintenant, la joie inonde tous les visages.

Le grand Chef de la colonne arrive. C'est le Capitaine Tucci, officier de grand renom. Il nous prend immédiatement sous sa sauvegarde. Sur-le-champ, par son ordre, un cordon de sentinelles est installé autour du camp. Ma première requête est de le supplier de vouloir bien faire évacuer en avion jusqu'à AddisAbeba le pauvre P. Ambroise presque agonisant, ce qu'il accorde avec la meilleure grâce.

Après avoir atteint le général Geloso, il nous revient, et, tout souriant me dit : « Père, je retourne avec ma colonne sur AddisAbeba, et je vous emmène avec moi!!! »

C'était la délivrance!.

C'était aussi la réponse à notre confiance en la Très Sainte Vierge, car le jour où le Capitaine parlait ainsi était exactement le 8 décembre, fête de l'Immaculée-Conception, Patronne de l'Ordre Séraphique.

De toute évidence, notre bonne Mère avait voulu nous faire toucher du doigt les merveilles de sa maternelle protection.


XIII

ÉPILOGUE

Lors du pillage de Gambo, ma Mission avait été complètement dévalisée. Mes préparatifs de départ étaient donc très simplifiés. Mais,

j'allais m'éloigner de mon véritable trésor : mes pauvres chrétiens.

Je ne pouvais ainsi les abandonner (pas plus, d'ailleurs, que ces Européens qui avaient été nos sauveurs à tous) sans m'être convaincu que rien de fâcheux ne pouvait plus leur arriver (1).

C'est pourquoi la question de leur sûreté fut soumise au Capitaine. Celui-ci, par T. S. F., au vice-Roi, le maréchal Graziani, à Addis-Abeba, demanda et obtint l'autorisation de fortifier la place. Conséquemment, il laissa cent soldats armés, plus deux mitrailleuses pour défendre la Plantation contre toute attaque.

Et nous partîmes.

Je ne dépeindrai pas les larmes, la désolation de ma chrétienté au moment de cette douloureuse séparation. Je lui disais bien que j'allais simplement demander des directives à notre Vénérable Vicaire Apostolique et que j'espérais lui revenir afin de relever notre Mission ruinée et réduite à une pincée de cendres. Son instinct filial lui disait que notre séparation était définitive.

Hélas! hélas! mes enfants dans le Christ avaient deviné. Après

(1) La reconnaissance est un devoir sacré. Il m'est bien doux de le remplir en déclarant ici que, sans la charité de M. et de Mme Bleys et celle de M. Van Moll, propriétaires-directeurs des Plantations Belges de Wando (Sidamos), j'étais évidemment perdu avec tous mes chrétiens. L'asile si généreux, si bienveillant, qu'en ces jours tragiques, ils nous ont donné chez eux pendant deux mois et demi, nous permet de les considérer comme les intendants auprès de nous de la Très Sainte Vierge. Que cette Reine du Ciel leur rende au centuple leurs immenses services et leurs si délicates attentions.


cinq jours de voyage avec la colonne motorisée, j'arrivais à Addis-Abeba, et je ne devais plus jamais revoir le chemin de Gambo.

Lors de sa venue, cette colonne de deux mille hommes conduite par le Capitaine Tucci avait dû soutenir plusieurs combats sanglants. Pendant le retour, tout se passa sans accroc et je n'eus qu'à ma féliciter des égards vraiment chrétiens dont je fus l'objet

Il me fallut quitter cette chère Ethiopie. (Page-- 52.)

de la part de tous les membres de ce bataillon, depuis leur Chef (gentleman aussi distingué qu'officier valeureux), jusqu'au plus simple de ses miliciens. Tous étaient visiblement fiers de ramener à la vie un Missionnaire miraculeusement arraché à la mort!

Toutefois, à la Capitale, bien grande fut ma surprise : dans notre ancienne Mission, notre Communauté française était déjà remplacée par les Missionnaires italiens.

Sans tarder, je partis pour Harar où notre Vicaire Apostolique, Mgr André JAROSSEAU, me favorisait d'une bénédiction d'autant plus émue que, pendant ces longs derniers mois, il m'avait cru massacré avec tous mes chrétiens.

Par ordre supérieur, il fallut encore s'éloigner d'Harar, et,


mêmey quitter définitivement cette chère Ethiopie dont nous pensions avoir fait notre seconde patrie et où nous croyions avoir mérité un tombeau.

Maintenant, afin de pouvoir mourir en Apôtre, malgré le poids des ans, nous attendons avec impatience que la Sacrée-Congrégation de la Propagande nous attribue une nouvelle Mission africaine en compensation de l'inoubliable Vicariat Apostolique des Gallas; car, avec la chère « petite Thérèse » de Lisieux, les Missionnaires aiment à dire : « Nous voudrions, en même temps, annoncer l'Evangile dans toutes les parties du monde!. »

Une allée du Noviciat de Carcassonne.


XIV

UN SOUHAIT

C'est en pensant à cet Apostolat de l'Univers que j'ai voulu écrire ces lignes.

D'abord, pour dire à la Reine des Apôtres le merci que je lui dois.

Ensuite, pour faire naître, parmi mes lecteurs, ne serait-ce qu'une bonne vocation apostolique.

UN MISSIONNAIRE DU CHRIST, C'EST SI BEAU!!!

« Quam speciosi sunt pedes evangelizantiwm!!! » (S. PAUL aux R. — C. x; v. 15).


LE T. R. P. ALOYS DE MOULINS, MINISTRE PROVINCIAL DES CAPUCINS DE TOULOUSE, visitant la Mission Galla (1929-1930).

Le vieillard de l'arrière-plan a été massacré à Gambo, le 16 mai 1936.


xv

!' Appel du T. R. P. ALOYS, Provincial des FF. MM. Capucins de Toulouse

CHER LECTEUR,

Voudriez-vous lire un mot de plus?

Le cher auteur des lignes poignantes qui précèdent m'a prié de l'écrire. Je ne puis me dérober.

Le récit que contient ce petit livre n'est qu'un épisode de la grande épreuve tombée sur le Vicariat Apostolique des Gallas en Ethiopie. Depuis bientôt trois quarts de siècle, cette Mission était confiée aux Capucins français et spécialement à ceux de la Province de Toulouse. Les Missionnaires y ont connu des travaux, des peines, des souffrances de toutes sortes. Mais, comme toujours, les sacrifices ont été récompensés. En 1935, la Mission était en pleine prospérité, avec ses vingt-huit Stations, ses Orphelinats, ses Ecoles, sa Léproserie, son Imprimerie, deux Séminaires florissants, un Clergé indigène déjà considérable, une Congrégation de Religieuses indigènes, avec des oeuvres multiples.

Et la guerre est venue : Guerre Italo-Abyssine, guerre intérieure aussi. Et les Stations et les Œuvres ont connu les bombardements, les pillages, les incendies, les brigandages, des épreuves de toutes sortes. Dans cette tourmente, un de nos Pères a été cruellement massacré avec six de ses jeunes orphelins, d'autres ont été terriblement molestés; un de nos prêtres indigènes a été assassiné.

Pour les Capucins français, tout est fini là-bas!. A d'autres d'y reprendre l'Œuvre divine.

C'est à Dieu que les Missionnaires toulousains abandonnent leur passé. Un autre avenir se présente. La Sainte Eglise, en


effet, a remplacé les Français par des Italiens. Mais un Français peut-il jamais cesser d'être un Apôtre? A l'Eglise, les Capucins de Toulouse, rentrés d'Ethiopie ont offert leurs cœurs et leurs bras. Et l'Eglise leur a dit : « Le champ est immense. Il en est un qui n'est pas encore défriché : Allez, je vous le donne. »

Les sacrifices ont été récompensés. (Page 55.)

Et les Missionnaires vont repartir pour une Mission nouvelle.

Demain, ils gagneront l'Afrique Equatoriale. C'est la Mission de l'Oubangui-Chari qui leur est confiée et où ils se rendent enthousiastes et joyeux. « Ibarit gaudentes ». De jeunes recrues les accompagnent : jeunes prêtres Capucins qui savent qu'ici-bas il n'est point de demeure permanente, et à qui peu importe le lieu de labeur où ils se donnent, pourvu qu'ils appartiennent, pauvres et détachés, au Christ et à l'Eglise, et qu'ils leur gagnent des âmes.

Hélas! C'est cela que je veux dire encore dans un appel que je


voudrais conquérant — ces Missionnaires sont trop peu nombreux.

Qui donc parmi vous, Amis Lecteurs, se lèvera? Ne dites pas .< « Je suis trop jeune. » Vous avez dix ans, douze ans, quinze ans?

Venez, une Ecole Apostolique vous ouvre ses portes. Vous y ferez vos études. Vous cultiverez votre vocation, elle s'épanouira, elle mûrira, elle donnera son fruit en vous conduisant à la vie religieuse qui vous préparera, à son tour, à la vie missionnaire.

Notre Ecole Séraphique de Bayonne.

Voici l'adresse de cette Ecole. Si le désir monte de votre cœur, écrivez : Collège Saint-François. — « Aux Capucins », Bayonne (Basses-Pyrénées).

Vous avez seize ans, dix-huit ans?. Vos études littéraires sont finies? Vous entendez l'appel de la grâce? Voici pour vous l'adresse du Noviciat, où vous trouverez des Frères pour vous aimer, un Père-Maître très bon pour vous former. Ecrivez donc : R. P. MAÎTRE, 37, rue du 24-Février, Carcassonne (Aude).

Mais vous encore qui me lisez, vous avez dix-huit ans, vingt ans, et vous n'avez pas fait d'études. Les portes de la vie religieuse et de l'apostolat ne vous sont pas fermées pour autant.

Ecrivez encore à l'une ou l'autre des deux adresses déjà données.


On vous recevra, soit pour vos études, si vos aptitudes sont suffisantes, soit comme Frères qui pourrez aider magnifiquement et soutenir l'apostolat des Prêtres, être Apôtres vous-mêmes.

Et si vous ne sentez pas que Dieu vous ait donné encore la vocation missionnaire, croyez-moi et priez pour l'obtenir, car j'en prends à témoin l'Evangile : « Tout ce que vous demanderez, dit Jésus, à mon Père en mon nom, Il vous le donnera. »

Entrée de notre Couvent de Noviciat, à Carcassonne.

Et si le bon Dieu a déjà fixé vos vies, si l'orientation de votre existence, doit être, par Sa Volonté, différente, priez encore, priez beaucoup pour obtenir des Missionnaires. « Priez le Maître de la moisson, et Il vous enverra des ouvriers. » Jésus l'a dit. Il n'a pas menti. Ayons confiance.

Je crois que si tous les chrétiens fervents, d'un bout du monde à l'autre, priaient pour demander des Missionnaires, bientôt la terre entière serait évangélisée.

Soyez priants, vous du moins, vous qui lisez ces lignes. J'aurais mauvaise grâce à insister.

« Le monde est à l'Evangile », disait saint François à ses fils,


quand, un jour, les dispersant et les envoyant deux à deux, il leur partageait la terre.

C'est mon souhait et le vôtre, cher Lecteur, que par la prière suscitant des vocations, et par ces vocations elles-mêmes, apparaisse bientôt le plus beau triomphe de l'Evangile sur le monde.

Fr. ALOYS DE MOULINS, Ministre provincial de la Province des Capucins de Toulouse.

Notre Couvent d'Etudes théologiques, à Toulouse.


Supplions le Maître d'envoyer des ouvriers pour la Moisson.


TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE t) LETTRE DE S. Exc. MGR ANDRÉ JAROSSEAU. 8 I. — « Allez, enseignez toutes les nations. » H II. - Nuages J 4 III. - Tempête. H) IV. — Cernes !. 18 V. - « Auxilium Christianorum. » 20 VI. — « Eli, Eli, lamma sabactani. t> 22 VI I. Captif! 24 VIII. - Condamné à mort. 28 IX. - Evadé. 30 X. — Avec les brigands. 33 XI. - L'Agonie. 39 XII. — La délivrance 47 XIII. - Epilogue. 50 XIV. - Un souhait. 53

XV. — Appel du T. R. P. Aloys, Provincial des" Capucins de Toulouse 55


La salle d'étude.

Le dortoir.

La Chapelle.

ECOLE SAINT-FRANÇOIS, A BAYONNE (Basses-Pyrénées).

Conditions d'Admission.

1° Onze ans environ. — 2° Famille honorable et chrétienne.

3° Piété sincère avec désir d'être un jour Capucin missionnaire en France ou, sur demande, à l'étranger. — 4° Tempérament sain et robuste. — 5° Intelligence capable de faire avec succès les études nécessaires au Sacerdoce.

Trousseau.

Un costume bleu-marine pour le dimanche, et un second d'une autre couleur pour les promenades. — Plusieurs tabliers noirs d'écoliers. — Une demi-douzaine de chemises au moins et autant de caleçons. — Deux paires de souliers et six paires de bas. — Une douzaine de mouchoirs. — Une demi-douzaine de serviettes de toilette. — Une demi-douzaine de Serviettes de table. — Deux ou trois paires de draps de lit. — Une pèlerine lorraine.

N.-B. — Chaque pièce du trousseau sera marquée autant que possible aux initiales de l'Ecole (S. F.) et au numéro d'ordre attribué à l'élève lors de son admission.

Après six mois, le linge blanc reste acquis à l'Ecole.

Pour les demandes d'admission et pour tous renseignements, s'adresser à : M. le Directeur de l'École Saint-

François, Aux Capucins, BAYONNE (Basses.P tr.ÉFI é ).

62 IMPRIMERIE FOURNIÉ. 39 A 43. RUE CONSTANTINE-TOULOUSE



S'adresser aux Voix Franciscaines 32, rue des Potiers, 32 - TOULOUSE