matin, nous prenions de nouveau place sur le petit boutre qui porte au Bélézo nos personnes et notre fortune.
L'Ozi, que nous avons remonté hier, est formé de trois rivières qui ont ici leur confluent : le Shungi, espèce de petit marigot boueux qui communique avec la rivière de Wito ; le Magogoni, plus important, qui vient du nord et qui recevait autrefois l'eau du Tana par un canal naturel, aujourd'hui bouché, venant de Ngaro; enfin le Mto-mkuu (litt.: Rivière grande), grossie du Kwazi, qui débouche à gauche et sort du lac Mbililo. En réalité ces cours d'eau, à l'exception du premier, paraissent dus aux débordements et aux infiltrations du Tana.
Le cours en est lent, le lit large et profond, l'eau chargée de matières végétales prises aux marais d'où elle sort, les rives couvertes d'une boue noire et épaisse où s'ébattent en famille les crocodiles et les hippopotames.
Maintenant nous avons à remonter la « Rivière Grande », que nous prenons la liberté de dénommer la « Rivière Noire », à cause de la couleur de ses eaux, pareilles à de l'encre et absolument nauséabondes. Le paysage est plus intéressant que sur l'Ozi. A droite et à gauche s'étendent de vastes plaines, d'un côté Kalindi, de l'autre Kitumbi, ce dernier occupé par quelques Gallas; elles sont presque entièrement inondées pendant les grandes pluies et les grandes crues; mais, habitées et cultivées, elles seraient d'une fertilité prodigieuse. Sur les bords du fleuve, ce sont d'énormes paquets de lianes en fleurs d'où s'élancent les dattiers sauvages avec leurs têtes en désordre élégant ; plus loin, de vieux troncs d'arbres blancs se détachent sur la sombre verdure; ailleurs un échassier noir, que je crois être l'ombrette, veille sur sa maison : un nid énorme qui ferait la charge d'un homme et que les naturalistes disent divisé en trois compartiments, antichambre, chambre à loger, chambre à coucher. Plus loin, quand le terrain est sec, des palmiers branchus d'Éthiopie, deux ou trois espèces, nous reportent