553 CONTES HUMORISTIQUES.
IV
COMMENT JE DEVINS UN PEINTRE DE L' ECOLE ANGÉLIQUE
Ces paroles du professeur me jetèrent dans un douloureux étonnement. « Eh quoi ! m'écriai-je, j'ai déjà du chic, et c'est la première fois que je touche une brosse... Qu'est-ce donc que le chic? » J'étais près de me laisser aller à mon désespoir et de m'enfoncer dans le coeur mon couteau à palette tout chargé de cinabre ; mais je repris courage, et j'entendis au fond de mon âme une voix qui murmurait : « Si ton maître n'était qu'un cuistre !...» Je rougis jusqu'au blanc des yeux, et. je crus que tout le monde lisait sur mon visage cette coupable pensée. Mais personne ne parut s'apercevoir de cette illumination intérieure.
Petit à petit, à force de travail, j'en revins à ma manière primitive, je n'employai plus aucune ficelle, et je fis des dessins qui pouvaient rivaliser avec ceux que je griffonnais autrefois sur le dos des dictionnaires; aussi, un jour, mon professeur, qui s'était arrêté derrière moi, laissa tomber ces paroles flatteuses : « Comme c'est bonhomme! » À ces mots, je me troublai, et, suffoqué d'émotion, je courbai ma tête sur ses mains, que je baignai de pleurs. Le