DISCOURS
SUR CETTE QUESTION PROPOSÉE PAR L'ACADÉMIE DE DIJON :
QUELLE EST L'ORIGINE DE L'INÉGALITÉ
PARMI LES HOMMES
ET SI ELLE EST AUTORISÉE PAR LA LOI NATURELLE 1 ?
t Non in depravatis, sed in his quoe bene i secundum naturam se habent, considé« randum est quid sit naturale. »
ARISTOT. Polilic. lib. I, cap. II.
Avertissement sur les notes. — J'ai ajouté quelques notes à cet ouvrage, selon ma coutume paresseuse de travailler à bâtons rompus. Ces notes s'écartent quelquefois assez du sujet pour n'être pas bonnes à lire avec le texte. Je les ai donc rejetéos à la fin du Discours, dans lequel j'ai tâché de suivre de mon mieux le plus droit chemin. Ceux qui auront le courage de recommencer pourront s'amuser une seconde fois à battre les buissons, et tenter de parcourir les notes : il y aura peu de mal que les autres ne les lisent point du tout.
A LA RÉPUBLIQUE DE GENÈVE
MAGNIFIQUES, TRÈS HONORÉS ET SOUVERAINS SEIGNEURS,
Convaincu qu'il n'appartient qu'au citoyen vertueux de rendre à sa patrie des honneurs qu'elle puisse avouer, il y a trente ans que je travaille à mériter de vous offrir un hommage public; et èette heureuse occasion suppléant en partie à ce que mes efiorts n'ont pu faire, j'ai cru qu'il me seroit permis de consulter ici le zèle qui m'anime, plus que le droit qui devroit m'autoriser. Ayant eu lé bonheur de naître parmi vous, comment pourrois-je méditer sur l'égalité que la nature a mise entre les hommes, et sur l'inégalité qu'ils ont instituée, sans penser à la profonde sagesse avec laquelle l'une et l'autre, heureusement combinées dans cet État, concourent
1. L'Académie, cette fois, ne couronna pas Rousseau. Elle donna le prix ft un certain abbé Talbert. (ÉD.)