LES DEUX BERCEAUX
PROLOGUE
I
Il y a quelque trente ans, il fallait plusieurs jours à pied et un temps relativement considérable avec les diligences pour franchir les extrêmes limites de cette zone que nous appelons la grande banlieue de Paris. Aujourd'hui, grâce aux lignes ferrées qui s'élancent de la grande ville et sillonnent la France tout entière, allant au nord, au sud, à l'est et à l'ouest, Lille, Amiens, Sens, Dijon, Reims, Châlons, Rouen, Le Havre ne sont plus qu'à quelques heures de Paris.
Toutes les distances sont rapprochées. On ne marche plus, on vole.
Voilà le progrès. Rien ne l'entrave, rien ne l'arrête.
Que de choses admirables l'homme a déjà acquises par la science 1 II laisse aux éléments leur force, leur puissance ; mais il les domine, leur dicte des lois et, soumis h son action, dociles à sa volonté, les éléments deviennent ses.co^orateurs et ses principaux agents pour le développement merveilleux de son commerce et de son industrie.
La vapeur nous venge des inondations; l'air comprimé nous fait oublier les désastres causés par la tempête ; la télégraphie électrique raille la foudre du ciel; la locomotive jette un défi aux canons, à tous les engins homicides.
Oui, le progrès marche, le progrès industriel, qui est aussi le progrès moral; il ne s'arrêtera pas, en dépit de ces trembleurs qui crient partout, affolés : « Où allons-nous? » et qui, comme Josué, voudraient ordonner à la terre de cesser de tourner.