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Titre : 40.000 francs de dot / Émile Richebourg

Auteur : Richebourg, Émile (1833-1898). Auteur du texte

Éditeur : (Paris)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb312123549

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 40 p. : couv. en coul. ; gr. in-8

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Description : Collection : Grande collection nationale ; 72

Description : Collection : Grande collection nationale ; 72

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k61147575

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 4-Y2-6348 (72)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 09/08/2010

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40,000 FRANCS DE DOT

CHAPITRE PREMIER V L'ON VERRA, LE DRAME A PARIS SERVIR DE PROLOGUE A LA COMÉDIE AU VILLAGE

egpg»%SîE 20 décembre 18.., entre neuf et dix heures du lu M WlmÈi matin. le corbillard des pauvres montait len- lu «, fM#Sj) lement la rue Notre-Dume-de-Lorette, se diri- ir cm tllwi géant vers le cimetière du Nord. Ce Jour-lâ, le st ^^pàsa ciel de Paris, nébuleux et sombre, semblait cl s'Être abaissé aux toits des maisons. Dans la nuit, une la pluie Une et glaciale avait mouillé les rues ; les pavés, sous di une couclie de verglas, luisaient ainsi que des miroirs, si Aussi marcliait-on difficilement et avec fatigue. 'La bise soufflait_au nord-est, s'engouffrait dans les rues en tour- S billons, "sifflait lugubrement aux angles des maisons et cliassait devant elle les hommes et les femmes en leur ri mordant sans pitié le nez et les oreilles.

Deux femmes seulement et quelques hommes, la tête S découverte, malgré le froid, suivaient le cercueil. p

La première de ces femmes pouvait. avoir quarante ans, l'autre était une jeune fille âgée de seize ans environ. d

Sur les trottoirs, les passants saluaient avec indifl'ô- s rence celui qui les précédait dans la tombe, et nul ne de- e mandait le nom de la personne que l'on conduisait ainsi j sans bruit et sans éclat, a. sa dernière demeure.

■Le convoi sortit de la ville et entra au cimetière. d

Quelques minutes après, les deux femmes s'agenouil- r. laient sur la terre qu'on venait de jeter sur le cercueil et adressaient un dernier et suprême adieu à. celui que la r mort leur avait pris. A-leurs sanglots se mêlèrent les sou- r pirs du vent dans les cyprès. Quant aux hommes, respec- c tueux devant la douleur, ils s'étaient rangés derrière elles i tristes et silencieux. \

Une humble croix de bois fut plantée sur la tombe ; pour i épitaphe elle portait un nom:

i

STÉPHEN BURNER (

]

Puis, sur trois couronnes d'immortelles dont on l'avait ] ornée, on lisait: A mon éiwux, A mon père, Souvenir de l'amitié. 1

Stéphen Burner, fils d'un pauvre'musicien, avait quitté i la province à. rage de vingt-deux ans pour venir faire connaître et consacrer à. Paris son talent de violoniste vrai- i ment remarquable. L'audacieux jeune homme avait toutes i les illusions de son âge : à vingt ans ne fait-on pas tou- j jou'rs de beaux rêves?... Ambitieux et regardant peut-être trop au-dessus de lui, Stéphen n'était pourtant ni présomptueux ni fou; il connaissait sa valeur, il avait essayé son courage et se croyait indomptable. 1 'Grâce à sa jeunesse et à une physionomie agréable, il lut reçu et se fit entendre dans deux ou trois salons à la mode, où les lettres et les arts étaient dignement représentés. Il obtint des succès peut-être trop faciles; plusieurs journaux parlèrent -de lui avec .enthousiasme. s

■Le jeune artiste se décida à donner son premier concert. L'élite de la soeiété parisienne s'y donna rendez-vous.

Les bénéfices du concert furent assez considérables pour permettre h l'artiste de vivre largement pendant une année jusqu'au retour de la saison d'hiver.

iMais les engouements sont généralement peu durables; quand Stéphen Burner voulut donner son second concert, soit qu'il eût dédaigné les intrigues des gens vulgaires, en ne se servant point du faux langage des courtisans et des flatteurs, les protecteurs de l'année précédente lui avaient retiré leur égide. Les mêmes journaux, qui l'avaient posé en homme de génie, voulurent bien, en se faisant prier, lui accorder trois ou quatre lignes insignifiantes dans la colonne des réclames. 51 plaça difficilement quelques billets et fît à peine les frais de -sa soirée. Cette épreuve fut temble pour Stéphen; car, le coeur et l'âms mortellement atteints, il voyait tomber en lambeaux ses plus chères illusions !.. Un artiste médiocre se serait consolé en accusant les

hommes d'injustice, de jalousie ou d'ignorance; Stéphen, lui, n'accusa personne. Ayant à lutter contre les exigences impérieuses de la vie, il renonça courageusement à toutes ses espérances. Il parvint à se faire recevoir maître do chapelle dans une paroisse des environs de Paris, et, sur la présentation d'un ami, il fut accepté comme professeur de piano et de chant dans un pensionnat de demoiselles.

C'est parmi les professeurs attachés à cette maison que . Stéphen rencontra celle qui devait être sa femme.

Un an après, ils eurent une fille, qu'ils nommèrent Ëmérance.

La jeune femme dut cesser de donner des leçons, et Stéphen se vit forcé de doubler les heures de son travail, pour entourer d'un peu d'aisance sa chère famille.

Cette existence, toute de peines et souvent de privations, dura plusieurs années. Stéphen, jour par jour, avait usé sa vie; une affection de poitrine se déclara, liais longtemps encore il oublia le mal qui le tuait; il continua ses leçons jusqu'au jour où la force lui manqua complètement.

Malgré les soins que sa femme et sa fille lui avaient prodigués le malheureux artiste venait de mourir, après trois mois de soulïrances cruelles.

Et cet homme qui, vingt ans auparavant, le iront rayonnant de jeunesse et d'espoir, avait été salué par les acclamations frénétiques de la foule émerveillée, cet homme descendait, oublié, dans la fosse du pauvre. Son nom, mfîlé fatalement aux plus obscurs, était tout ce qui pouvait rappeler encore le souvenir de quelques succès éphémères.

!Les derniers jours de l'année s'écoulèrent bien tristement pour la veuve et sa fille. Le modeste appartement qu'elles occupaient rue des Jeûneurs, au cinquième étage, privé de la présence de celui qui apportait la joie et le peuplait de sourires, leur semblait bien désert. _,i

Les quelques économies de l'artiste avaient été absorbées pendant sa maladie; sa femme et sa fille restaient donc sans ressources, au milieu de l'hiver.

Le soir du 1er janvier, elles étaient assises devant la cheminée où un seul morceau de bois, recouvert de cendres achevait lentement de se consumer. Une douleur poignante, plus encore que le froid, pâlissait leurs visages tourmentés. Silencieuses, immobiles et la tête inclinée, toutes deux laissaient aller leur pensée assonibrie aux caprices d'une imagination malade. On n'entendait que le bruit régulier de leur respiration et, de temps à autre, celui d'un soupir étouffé.

■La pièce dans laquelle elles se trouvaient ne contenait plus-que les restes d'un mobilier qui, sans annoncer la richesse, avait dû être frais et coquet. Une place vide pleurait l'absence du meuble principal de la chambre, le piano de l'artiste vendu par sa veuve pour payer le médecin et le faire enterrer. Un peu plus haut, un violon accroché au mur entre deux gravures représentant Bellini et Mozart. -,

Mme Burner avait relevé la tête et ses yeux s'étaient arrêtés sur le violon; la vue de l'Instrument l'impressionna vivement; sa poitrine se gonfla et des larmes coulèrent sur . ses joues.

(La jeune fille se mit à genoux devant sa mère, lui passa , ses bras autour du cou et l'embrassa longuement.

— Chère mère adorée, je voudrais vous consoler et je , n'ose rien vous dire, car je comprends et partage votre i douleur et vos regrets. ■■ -

—■ 11 y a un an nous étions tous joyeux, et aujouri. d'hui... J'ai peur de l'avenir, mon enfantf je crains d'y ret garder, parce que je ne puis y voir que de sombres tableaux, - des souffrances pour toi, ma bonne Emérance, et le désespoir pour nous deux. ' s —■ Espérons, au contraire, ma mère.