Titre : La Sylphide : journal de modes, de littérature, de théâtres et de musique / directeur : de Villemessant
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1856-06-10
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34444962f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 23918 Nombre total de vues : 23918
Description : 10 juin 1856 10 juin 1856
Description : 1856/06/10 (A17). 1856/06/10 (A17).
Description : Note : GRAV. Note : GRAV.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k61097383
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4145-4208
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
XVII» ANNÉE,
46» LIVRAISON,
40 JiM <àa&.=-',
LA CHAMBRÉE DES RUINES
i
/^^P^ItÈ^ib E n'est pas seulement
Jlwisa ^*ïili? ,lans ^es sa^es ^es ^'
Mwix HHF serts ^ue se trouvent
§pç§Bf<, ^ * les ruines qui ont été
||\SJJÇ* , A des monuments, des
si®» tïÊaê arts' "*es re^ëions' des
1§1»| JIM» sociétés. Que sont-ils
^^Q^slpP^pp' aujourd'hui ces génies
consacres a u garue des tombeaux dans l'an-
cienne Egypte ? ces génies que la Grèce consa-
crait à la beauté, à l'amour, au courage?... Ce
granit, ce bazalte dont les Egyptiens bâtissaient
leurs sombres et mystérieux souterrains, dont
ils formaient leurs statues; ce marbre blanc
donc les Grecs construisaient leurs temples sur
les promontoires, parmi les sites rianls, sous un
ciel vaste et bleu, que sont-ils devenus ?
Souterrains et temples, génies des tombeaux
et génies des grâces, vous n'êtes plus que d'il-
lustres débris que poussent à l'inévitable oubli
les pas pressés du temps.
0 vieux rois de l'Egypte! quelques noirs Bé-
douins vendront, comme ils l'ont déjà fait, les
restes de vos corps momifiés chez ces tribus ara-
bes où l'on trafique des dépouilles mortelles. Les
ruines de vos grandeurs seront marchandées par
quelques juifs brocanteurs, pour être exposées
dans quelque galerie de nos riches musées, où
figurent déjà les restes de ceux qui ont reposé à
vos côtés. Ainsi vous témoignerez une fois en-
core du néant des grandeurs comme de la for-
tune, que tout ici-bas n'est que ruines. Après la
ruine des moeurs, celle des lois; après celle des
lois, celle des sociétés et de leurs monuments;
sans compter les ruines du coeur et celles de
l'esprit.
Et de nos jours, que de débris vivants ne
voyons-nous pas s'avancer, se traîner dans les
palais et les rues ! Non-seulement ruines du
corps, mais aussi ruines des intelligences, pau-
vres âmes en peine qui se survivent après bien
des rêves perdus, des espérances envolées; vic-
times de quelques nobles aspirations vers un ciel
sans air, et victimes aussi de leur propre impuis-
sance, du malheur ou de l'injustice, et qui, à
l'exemple des vieux maîtres de la terre, habitent
de funèbres réduits, qui, pour ne pas être des
tombeaux, en ont cependant la tristesse, sinon
imposante, mais horrible, mais désolante. Nous
voulons parler de la CHAMBRÉE DES RUINES, située
au bout de la rue Mouffetard.
Cette chambrée était une sorte de garni dirigé
par un Auvergnat nommé Laplagne. Cet Auver-
gnat tenait en même temps un débit de liqueur?»
tirant ainsi à deux mains sur la bourse éventrée
des malheureux qui laissaient au comptoir les
sous échappés à la location du garni, à la bouti-
que l'excédant du gite, l'eau-de-vie après la
paille.
Celte maison, dont la charpente saillait sous
un plâtre usé, comme les os d'un phtisique sous
l'épiderme, qui menaçait de s'écrouler sous les
pluies et les vents, comme le malade sous les
brouillards d'automne, datait probablement de
Philippe-Auguste, dont les murailles du reste
n'étaient guère éloignées. Son peu d'élévation :
en serait une preuve, si sa construction gros 1
sière n'en eût été encore un témoignage suffi-
sant.
La chambrée des ruines était perchée au faîte
de cette masure, dont le pignon donnait sur la
place et prenait la maison dans toute sa profon-
deur, formant ainsi une sorte de dortoir de cette
chose qui avait été grenier autrefois. Une main
habile, sans doute celle de quelque malheureux
46» LIVRAISON,
40 JiM <àa&.=-',
LA CHAMBRÉE DES RUINES
i
/^^P^ItÈ^ib E n'est pas seulement
Jlwisa ^*ïili? ,lans ^es sa^es ^es ^'
Mwix HHF serts ^ue se trouvent
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consacres a u garue des tombeaux dans l'an-
cienne Egypte ? ces génies que la Grèce consa-
crait à la beauté, à l'amour, au courage?... Ce
granit, ce bazalte dont les Egyptiens bâtissaient
leurs sombres et mystérieux souterrains, dont
ils formaient leurs statues; ce marbre blanc
donc les Grecs construisaient leurs temples sur
les promontoires, parmi les sites rianls, sous un
ciel vaste et bleu, que sont-ils devenus ?
Souterrains et temples, génies des tombeaux
et génies des grâces, vous n'êtes plus que d'il-
lustres débris que poussent à l'inévitable oubli
les pas pressés du temps.
0 vieux rois de l'Egypte! quelques noirs Bé-
douins vendront, comme ils l'ont déjà fait, les
restes de vos corps momifiés chez ces tribus ara-
bes où l'on trafique des dépouilles mortelles. Les
ruines de vos grandeurs seront marchandées par
quelques juifs brocanteurs, pour être exposées
dans quelque galerie de nos riches musées, où
figurent déjà les restes de ceux qui ont reposé à
vos côtés. Ainsi vous témoignerez une fois en-
core du néant des grandeurs comme de la for-
tune, que tout ici-bas n'est que ruines. Après la
ruine des moeurs, celle des lois; après celle des
lois, celle des sociétés et de leurs monuments;
sans compter les ruines du coeur et celles de
l'esprit.
Et de nos jours, que de débris vivants ne
voyons-nous pas s'avancer, se traîner dans les
palais et les rues ! Non-seulement ruines du
corps, mais aussi ruines des intelligences, pau-
vres âmes en peine qui se survivent après bien
des rêves perdus, des espérances envolées; vic-
times de quelques nobles aspirations vers un ciel
sans air, et victimes aussi de leur propre impuis-
sance, du malheur ou de l'injustice, et qui, à
l'exemple des vieux maîtres de la terre, habitent
de funèbres réduits, qui, pour ne pas être des
tombeaux, en ont cependant la tristesse, sinon
imposante, mais horrible, mais désolante. Nous
voulons parler de la CHAMBRÉE DES RUINES, située
au bout de la rue Mouffetard.
Cette chambrée était une sorte de garni dirigé
par un Auvergnat nommé Laplagne. Cet Auver-
gnat tenait en même temps un débit de liqueur?»
tirant ainsi à deux mains sur la bourse éventrée
des malheureux qui laissaient au comptoir les
sous échappés à la location du garni, à la bouti-
que l'excédant du gite, l'eau-de-vie après la
paille.
Celte maison, dont la charpente saillait sous
un plâtre usé, comme les os d'un phtisique sous
l'épiderme, qui menaçait de s'écrouler sous les
pluies et les vents, comme le malade sous les
brouillards d'automne, datait probablement de
Philippe-Auguste, dont les murailles du reste
n'étaient guère éloignées. Son peu d'élévation :
en serait une preuve, si sa construction gros 1
sière n'en eût été encore un témoignage suffi-
sant.
La chambrée des ruines était perchée au faîte
de cette masure, dont le pignon donnait sur la
place et prenait la maison dans toute sa profon-
deur, formant ainsi une sorte de dortoir de cette
chose qui avait été grenier autrefois. Une main
habile, sans doute celle de quelque malheureux
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