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Titre : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation rendus en matière criminelle

Auteur : France. Cour de cassation. Auteur du texte

Éditeur : Imprimerie impériale (Paris)

Éditeur : Imprimerie royaleImprimerie royale (Paris)

Éditeur : Imprimerie nationaleImprimerie nationale (Paris)

Date d'édition : 1831

Contributeur : Duchesne, Émile (1820-1887). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34508686x

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34508686x/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1831

Description : 1831 (T36,N1).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

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Source : Bibliothèque Interuniversitaire Cujas, 2010-70564

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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BULLETIN

DES ARRETS

DE LA COUR DE CASSATION.

TOME XXXVI.



BULLETIN

DES ARRÊTS

DE LA COUR DE CASSATION

RENDUS EN MATIÈRE CRIMINELLE.

TOME XXXVI.

eiiDiMtee A$3A.

PARIS

DE L'IMPRIMERIE ROYALE,

M DCCC xxxir.



BULLETIN DES ARRÊTS

DE LA COUR DE CASSATION.

MATIÈRE CRIMINELLE, N° 1er.

(N° 1.) ANNVLLATION, sur le pourvoi d'Auguste Grebot; d'un Arrêt contre lui rendu par la Cour d'assises du département de la Seine, le 2 décembre dernier.

Du 6 Janvier 1831. NOTICE ET MOTIFS.

AUGUSTE GREBOT , accuse de vol avec effraction dans une maison, habite'e , fut traduit devant la Cour d'assises du de'partement de la Seine ; le jury, en re'pondant affirmativement sur le fait principal et la circonstance de l'effraction, a e'carte'toutes les autres circonstances: de là il est re'suîte' que Grebot a e'te' de'clare' coupable d'un vol commis avec effraction; et, comme il re'suîte de la combinaison des articles 384 et 381 du Code pe'nal, que, pour que le vol commis avec effraction soit passible des peines qu'ils infligent il faut que cette effraction ait e'te' commise dans une maison ou enclos habites ou non, et que le jury n'a point répondu affirmativement sur cette question, il ne restait plus qu'un vol simple, puni des peines porte'es en l'article 401 du Code pe'nal.

Tels sont les principes que consacre l'arrêt ci-après :

Ouï M. Choppin, conseiller, en son rapport, et M. Fre'teau de Pe'ny, avocat-ge'ne'ral, en ses conclusions;

Vu les articles 384 et 381 du Code pe'nal;

Attendu que, de la combinaison de ces articles, il re'suîte que le vol commis avec effraction n'est puni des peines porte'es en l'article 384, que lorsque le vol a eu lieu dans des e'difices, parcs ou enplos, servant ou non à l'habitation;

Et attendu que le jury, en de'clarant le demandeur coupable de vol avec effraction , a e'càrte' toutes les autres circonstances ; qu'il n'y avait donc pas lieu d'appliquer au fait de'clare' constant les dispositions pe'nales de l'article 384 du Code pe'nal; attendu que, dans l'espèce, la Cour d'assises du de'partement de la Seine a fait Criminel 1831. N° 1?''. 1


(a)

une fausse application de l'article 384 pre'cite, en condamnant le demandeur aux travaux force's à temps et peines accessoires:

Par ces motifs,—La Cour casse &c.—Ainsi juge' et prononce' &c. — Chambre criminelle.

(N° 2.) ANNVLLATION, sur le pourvoi du sieur Michel Charron, propriétaire à Saint-Pierre (Martinique), de l'Arrêt rendu le 3 mars 1828, par la Cour royale de la Martinique, en faveur de la dame veuve Anquetil de Briancourt, propriétaire, demeurant à la rivière Blanche.

Du C Janvier 1831. NOTICE ET MOTIFS.

LA dame veuve de Briancourt e'tait poursuivie pour avoir rece'Ie' deux esclaves fugitifs appartenant au sieur Charron; le fait de ce recelement e'tait constant; et, pour ce délit, elle devait, aux termes de l'article 30 de l'ordonnance coloniale de mars 1685, être condamne'e envers le maître de ces esclaves en 10 francs d'amende pour chaque jour de rétention.

Le tribunal de police de Saint-Pierre, devant qui elle e'tait poursuivie, tant à la requête du ministère public qu'à la requête de la partie civile, tout en de'clarant le fait constant, et en reconnaissant l'importance pour la colonie de l'ordonnance dont il s'agit, avait cru pouvoir, sous pre'texte de circonstances atténuantes, en tempe'rer.Ia rigueur, et s'e'tait borne' à condamner la veuve de Briancourt en cinq gourdes ou 25 fr. par mois d'une re'tention qui avait dure' plusieurs anne'es.

La Cour royale, saisie de l'appel de ce jugement, en avait confirme'les dispositions; en cela elle avait, ainsi que le premier tribunal, commis un excès de pouvoir en substituant arbitrairement une peine à celle qui est prononce'e par une ordonnance formelle; elle avait fait une fausse application d'une ordonnance de 1809, qui, loin d'abroger l'article 39 de celle de 1685, en ce qui concerne les blancs coupables du rece'lement d'esclaves fugitifs, l'avait formellement maintenue; elle avait enfin faussement applique' à une mesure de police coloniale les principes du Code civil sur les dommages-inte'rêts re'sultant de l'inexe'cution des obligations.

Cette contravention aux règles de la compe'tence, cette violation formelle de l'article 39 de l'ordonnance de 1685, ont e'te' re'prime'es par l'arrêt de cassation dont la teneur suit :

Ouï M. Chantereyne, en son rapport, Me Cre'mieux, avocat de Michel Charron, en ses observations, et M. Fre'teau de Pe'ny, avocat-ge'ne'ral, en ses conclusions;

Vu l'arrêt rendu par la Cour, chambre des requêtes, le 22 juin dernier, par lequel, vu que l'arrêt attaque' est rendu en matière de


( 3 ) police, ladite chambre des requêtes renvoie devant la Cour, chambre criminelle, pour être statue' sur son pourvoi ainsi qu'il appartiendra;

Vu le me'moire pre'sente' à la Cour, et dépose' à son greffe le 10 novembre 1830, par Michel Charron, propriétaire à Saint-Pierre (Martinique) , tendant à ce que la Cour,.par les motifs y exprime's, prononce la cassation de Farrêt rendu par la Cour royale de cette colonie, le 5 mars 1828, entre ledit sieur Charron, le ministère public et la dame veuve Anquetil de Briancourt, aussi propriétaire, île Martinique,

Vu l'article 39 de l'ordonnance du mois de mars 1685, concernant Fe'tat et qualité' des nègres esclaves aux des de l'Amérique, ledit article ainsi conçu : « Les affranchis qui auront donne' retraite » dans leurs maisons, aux esclaves fugitifs, seront condamne's par » corps envers les maîtres en l'amende de 3,000 livres de sucre n par chaque jour de re'tention, et les autres personnes libres qui n leur auront donne' une pareille retraite, en ' 10 livres tournois » d'amende, pour chaque jour de re'tention.»

Attendu que la seconde disposition de cet article du Code noir est aussi ge'ne'rale qu'absolue, et qu'elle embrasse dans sa ge'ne'- ralite' toutes les personnes libres, autres que les affranchis, objet de la première disposition; conse'quemment les blancs, comme les hommes de couleur, libres, et non appartenant à la classe des affranchis;

Attendu qu'il n'a e'te' déroge' audit article 39 du Code noir par aucune ordonnance ou re'glement postérieur ayant force de loi dans la colonie de la Martinique, et qu'aucune disposition des lois et re'glemens coloniaux n'autorise les tribunaux de ladite colonie à modifier les peines prononcées par ledit article 39, et à en tempérer la rigueur sous pre'texte de circonstances atténuantes.

Attendu en fait qu'un procès-verbal dresse' au mois de novembre 18271, par les agens de la police à la Martinique, constate que ces agens, s'ètant transportée pour la deuxième fois sur l'habitation de la veuve de Briancourt, y ont trouve' et saisi, dans la case de la nomme'e Anne, sa négresse, les deux esclaves appartenant au sieur Charron, et pour lesquels déclarations de marronnage avaient e'te'faites les 26 février 1822 et 15 mai 1826;

Qu'ainsi, ladite veuve de Briancourt, poursuivie devant le tribunal de police de Saint-Pierre, tant à la requête du Procureur du Roi agissant d'office, qu'à la requête de la partie civile agissant . d'après ladite ordonnance de 1685, et d'après l'arrête' colonial du mois de fe'vrier 1805, devait être condamne'e, non - seulement en l'amende requise par le ministère public, mais encore à payer

1*


(4) au sieur Charron, par jour, depuis les de'clarations de maronnagê des esclaves, 10 livres tournois, qui, par l'ordonnance du-15 octobre 1826, doivent être considère'es comme francs-;

Que cependant, le tribunal de police de Saint-Pierre, sous le pre'texte de circonstances atte'nuantes, se croyant autorise' à mitiger la rigueur des lois coloniales, qu'il reconnaît lui-même être le palladium de la sécurité de colons, s'est borne' à condamner la veuve de Briancourt à payer au sieur Charron cinq gourdes ou 25 francs par mois, à dater du 26 fe'vrier 1822, jusqu'au jour du parfait paiement, pour le fait du marronnage du nomme' Remy, et la même somme de 25 francs par mois pour le marronnage du nègre Élizée, à compter du 15 mai 1826 ;

Que, sur l'appel de ce jugement interjeté' par la partie publique, par la partie civile, et par la veuve de Briancourt, la Cour royale de l'île Martinique, adoptant les motifs qui avait porte' le premier juge à substituer arbitrairement une peine légère à la peine pronxmce'e par l'ordonnance de 1685, s'est attache'e à l'article 6 d'une ordonnance de police locale, du 1er novembre 1809; que si cette ordonnance rendue à la Martinique pendant l'occupation de cette île par les Anglais, y a toujours force de loi, tout ce qui re'suîte de l'article 6, c'est que les hommes de couleur, libres, qui donnent retraite à des esclaves marrons, y sont traités avec plus de rigueur qu'ils ne l'étaient par l'ordonnance de 1685, mais que les dispositions de cette ordonnance, en ce qui concerne les blancs coupables du même de'lit, sont maintenues implicitement par l'article 6 lui-même de l'ordonnance de 1809, qui ne parie que des hommes ou femmes de couleur, libres, et formellement par l'article 49 de la même ordonnance, lequel renvoie à toutes les ordonnances autres que celle de 1783, pour ce en quoi il n'est pus dérogé par le présent règlement.

Qu'enfin, la Cour royale de la Martinique, au lieu d'appliquer, comme elle le devait, à un fait de police coloniale, à un de'lit grave et constant, la disposition pe'nale et formelle d'une ordonnance spe'ciale qui l'a pre'vu et puni, et s'appuyant sur les principes ge'- ne'raux du droit civil sur les dommages-inte'rêts résultant de l'inexe'cution d'une obligation, a confondu en cela et interverti les règles de l'ordre judiciaire;

Qu'ainsi, en ordonnant l'exe'cution du jugement dont l'appel lui e'tait de'fe're', la Cour royale de la Martinique a partage' les vices de ce jugement, commis un excès de pouvoir, fait une fausse application de l'article 6 de l'ordonnance du Ie 1' novembre 1809 et de l'article 1149 du Code civil à une personne blanche, condamne'e pour recèlement d'esclaves fugitifs, et viole' formellement, l'ar-


(S) ticle 39 de l'ordonnance de 1685 dentelle avait à faire l'application: Par ces motifs, LA COUR casse &c. — Fait et juge' &c. — Chambre criminelle.

(N° 3.) ANNULLATION, sur le pourvoi du Procureur-général près la Cour royale de Metz, d'un arrêt rendu, le 30 novembre 1830 , par Ifi Chambre des mises en accusation de cette Cour, dans le procès du nommé Pierre Housset.

Du 6 Janvier 1831. NOTICE ET MOTIFS.

LES faits du procès et les motifs d'annullation sont suffisamment exposés et développés dans l'arrêt ci-après transcrit.

L'erreur commise par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Sedan, dont la Cour royale de Metz a confirme' l'ordonnance, est provenue très-probablement d'une confusion faite du paragraphe 7 de la section 4 du chapitre 3, titre 1er du livre III du Code pe'nal, avec la section 7 du même chapitre, intitule'e : Des associations ou réunions illicites, et classe'e parmi les délits re'pute's politiques par l'article 7 de la loi du 8 octobre 1830 ; cette erreur a été' réformée par l'arrêt de cassation dont la teneur suit :

Ouï M. Brière, conseiller, en son rapport, et M. Fréteau de Pény, avocat-général, en ses conclusions ;

Vu le mémoire du procureur-général près la Cour royale de Metz, à l'appui du pourvoi;

Vu l'article 259 du Code pénal, les articles 299 et 179 du Code d'instruction criminelle, et les articles 6, 7 et 8 de laloi du 8 octobre 1830;

Attendu que Pierre Housset, qualifié/brça? libéré par l'arrêt attaqué , est renvoyé par ledit arrêt devant la Cour d'assises du département des Ardennes, comme accusé 1° d'avoir, depuis les événemens de juillet dernier, et notamment dans les premiers jours de septembre 1830, et le 15 dudit mois, porté publiquement la décoration de la Légion d'honneur qui ne lui appartenait pas; 2° d'avoir, aux mêmes époques, pris le titre de capitaine au 6oe régiment de ligne, qui ne lui avait pas été légalement conféré, faits prévus et réprimés par les articles 57 et 259 du Code pénal, et attribués aux Cours d'assises par les articles 6, 7, n° 2, et 8 de la loi du 8 octobre 1830;

Attendu que ces faits ne sont pas qualifiés crimes par la loi; que leur auteur est seulement passible, en cas de conviction , de peines correctionnelles, d'après les dispositions de l'article 259 du Code pénal ; que le crime commis et puni antérieurement peut et doit


(6) faire aggraver la quotité de la peine correctionnelle, mais ne change pas la compétence du tribunal correctionnel;

Attendu que l'article 259 est placé sous le paragraphe 7 de la section 4 du chapitre 3 , titre 1er du livre III du Code pénal, et que les délits qu'il punit ne sont pas classés parmi ceux prévus par l'article 1 de la loi du 8 octobre 1830 , qui déclare quels sont les délits réputés politiques dont la connaissance est attribuée aux Cours d'assises par l'article 8 de la même loi ;

D'où il suit que la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Metz, en confirmant l'ordonnance de la Chambre du conseil du tribunal de première instance de Sedan, du 23 octobre dernier , et en renvoyant Pierre Housset devant la Cour d'assises du département des Ardennes , pour y être jugé, a fait, par l'arrêt attaqué, une fausse application des articles 6, 7 et 8 de la loi du 8 octobre 1830, violé les règles de la compétence, et notamment les articles 299 et 179 du Code d'instruction criminelle:

Par ces motifs , LA COUR casse &c. — Ainsi jugé &c. — Chambre criminelle.

(N° 4.) REJET de deux pourvois formés par les nommés Bernais père et fils, de l'arrêt rendu par la Cour d'assises du département de l'Eure, le 10 décembre 1830, qui condamne le premier à six ans et le second à cinq ans de réclusion, pour tentative de vol, la nuit, au nombre de deux personnes, et dans une grange ■ dépendant d'une maison habitée.

Du 13 Janvier 1831. NOTICE ET MOTIFS.

TROIS moyens de cassation étaient présentés par les demandeurs ; de ces moyens, le dernier était le seul qui, d'après l'état de la jurisprudence, pût fixer l'attention de la- Cour.

Ce moyen était tiré de ce que le sieur Sauguet, qui avait fait par, tîe du jury de jugement, avait auparavant cessé, à défaut de cens suffisant, de faire partie du collège électoral de l'Eure.

La réfutation de ces moyens se trouvait : 1° dans l'article 382 du Code d'instruction criminelle, applicable seulement à ceux que le défaut d'âge ou la privation des droits civils et politiques rend absolument incapables de remplir les fonctions de jurés ; 2° dans les articles 2 , 7 et 9 de la loi du 2 mai 1827, et dans la saine interprétation de l'article 10 de la même loi.

,' Dans le fait, le tirage au sort pour la formation de la liste des trente-six jurés ordinaires et des quatre jurés supplémentaires pour la session des assises devant s'ouvrir à Evreux, avait eu lieu à la Cour royale de Rouen, conformément à l'article 9 de ladite loi de 1827, sur la liste formée par le préfet pour le service du jury, par


C)

lui transmise à la Cour royale, et dans laquelle se trouvait compris le sieur Sauguet.

Lors de ce premier tirage par la voie du sort, le préfet n'avait transmis à la Cour royale aucun document relatif au changement d'état de ce juré. Comme elle n'en avait aucune connaissance, elle n'avait pu exécuter à son égard l'article 10 de la loi de 1827 ; elle avait donc procédé d'après la- liste officielle qui était en sa possession , et qui était devenue la base régulière des listes de jurés ayant servi pendant la session des assises de l'Eure.

Ces raisons, et les autres motifs développés dans l'arrêt ci-après , ont déterminé la Cour à rejeter le pourvoi de Bernais père et fils.

Ouï M. Chantereyne, conseiller, en son rapport, Me Chauveau, avocat, en ses observations pour les demandeurs, et M. l'avocat-général Voysin de Gartempe, en ses conclusions ;

Sur le moyen de cassation résultant de ce que l'on n'aurait pas notifié aux accusés la liste des jurés, telle qu'elle se trouvait réduite d'après les excuses admises et les dispenses prononcées avant le procès-verbal du tirage ;

Attendu que, dans l'espèce, en notifiant aux accusés Ia'liste générale des trente-six jurés que la cour de Rouen avait désignés par la voie du sort, et des quatre jurés supplémentaires, le ministère public a rempli le voeu de l'article 394 du Code d'instruction criminelle j

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par les demandeurs, en ce que la réponse du jury à la question sur la tentative du crime imputé aux demandeurs ne présentait pas tous les caractères légaux et constitutifs de la tentative ;

Attendu que le jury, interrogé sur la question de savoir si la tentative d'un vol de blé au préjudice du sieur Garre, la nuit, au nombre de deux personnes, dans la grange dépendant de la maison habitée dudit Gorre, avait été manifestée par des actes extérieurs , suivie d'un commencement d'exécution, et n'avait manqué son effet que par des circonstances fortuites et indépendantes de la volonté desdits Bernais père et fils, a répondu : Oui, et n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de leur volonté; que, si la première partie de la réponse du jury n'est affirmative que sur l'existence des deux premiers caractères constitutifs de la tentative, la deuxième explique clairement que le troisième caractère se rencontre également dans l'espèce ; qu'ainsi, sous'ce deuxième rapport, l'arrêt attaqué est à l'abri de tout reproche ;

Sur le troisième moyen, tiré de ce que le sieur François Sauguet, lorsqu'il a siégé comme membre du jury de jugement à la Cour d'assises de l'Eure, ne faisait plus partie de la liste des électeurs du département,.


(8) Attendu, en droit, que si, d'après l'article 382 du Code d'instruction criminelle, les jurés ne peuvent être pris que parmi les membres des collèges électoraux, et les autres personnes désignées dans cet article , là loi n'a point attaché à l'infraction de cette disposition prohibitive la peine de nullité, comme elle l'a fait en l'article 381, relativement à l'incapacité résultant du défaut d'âge et de la privation des droits civils et politiques ;

Attendu qu'aux termes des articles 2 et 7 de la loi du 2 mai 1827, ïe préfet est chargé d'extraire de la liste générale des personnes qui remplissent les conditions requises pour faire partie des collèges électoraux, une liste pour le service du jury de l'année courante, et de la transmettre, tant au premier président de la Cour royale qu'au procureur-général ; que ceux-là donc sont considérés comme aptes àremplir les fonctions du jury, qui, inscrits sur cette liste arrêtée et transmise par le préfet, ont été, conformément à l'article 9 , désignés à cet effet par la voie du sort en audience publique de la Cour royale ;

Que, si la loi, prévoyant le cas où, parmi les individus désignés par le sort, il s'en trouverait un ou plusieurs qui, depuis la formation de la liste arrêtée par le préfet, auraient été privés légalement des. capacités exigées pour remplir les fonctions de jurés, veut aussi que la Cour royale procède, séance tenante, à leur remplacement, cette obligation ne lui est évidemment imposée qu'autant que la nécessité de ce remplacement résulte, soit des faits directement parvenus à sa connaissance, soit des documens officiels qui, depuis la confection de la liste générale, lui ont été transmis par le préfet; qu'à défaut de ces circonstances, le tirage au sort doit se faire à la Cour royale, sur la liste que lui a fait parvenir cet administrateur ;

Attendu, en fait, qu'un procès-verbal, en date du 8 octobre dernier, constate qu'à la chambre civile de la Cour royale de Rouen , le premier président, en présence du procureur-général, a, conformément audit article 9 de la loi du 2 mai 1827, et, par conséquent, sur la liste générale du préfet, dressé la liste des trente-six jurés ordinaires et des quatre jurés supplémentaires pour la session des assises devant s'ouvrir à Evreux le vingt-neuf novembre suivant;

Que si, dans cette liste légalement formée, le sieur Sauguet s'est trouvé compris, quoiqu'il eût perdu, à défaut de cens suffisant, la qualité d'électeur, la Cour royale, n'ayant eu aucune connaissance de ce changement dans son état politique, n'avait pu ni du exécuter à son égard l'article 10 de la loi de 1827 , et que rien ne l'empêchait de procéder, faute de renseignemens contraires, cPaprès la liste qui lui avait été officiellement transmise par le préfet;

Qu'enfin , le certificat même qu'il a délivré le 30 décembre, vingt jours après l'arrêt attaqué, tout en annonçant que le sieur Sauguet,


_ (9) qui a fait partie du jury, avait auparavant cessé de faire partie de la liste des électeurs du département de l'Eure, atteste que Ce juré avait été régulièrement porté sur la liste arrêtée pour 1830, et ne dit pas tjue le changement intervenu à son égard ait été, à l'époque du' premier tirage parla voie du sort, connu de la Cour royale;

Qu'ainsi, l'inscription du sieur Sauguet sur la liste du jury, légale dans son principe, a dû être considérée comme n'ayant pas cessé d'être régulière, et que sa participation au verdict du jury devant la Cour d'assises de l'Eure, n'a rien que de conforme aux dispositions de la loi:

Par ces motifs, LA COUR, joignant les deux pourvois exercés par André-Félix Bernais père et Louis-André Bernais fils, et y statuant par un seul et même arrêt, rejette les trois moyens de cassation présentés par les demandeurs ; et, attendu que d'ailleurs la procédure a été régulièrement instruite , et qu'il a été fait une juste application de la loi pénale aux faits déclarés constans :

La Cour rejette le pourvoi des demandeurs.

Ainsi jugé &c. — Chambre criminelle.

Nota. Ala. même audience, îa Cour, par arrêt au rapport de M. le conseiller OHivier, a rejeté' le pourvoi du sieur Jean Guillemette, contre un arrêt de la Cour d'assises de l'Eure, qui avait e'te' rendu avec ïe concours du même jure'.

(N° 5.) AN NU LL AT ION, sur le pourvoi de Baptiste Rey, d'un Arrêt contre lui rendu par la Cour d'assises du département de l'Aude, le 25 novembre dernier.

Du 13 Janvier 1831. NOTICE ET MOTIFS.

LES procès-vei-baux transmis au greffe de la Cour en exécution de son arrêt interlocutoire du 24 décembre dernier, ne constatant pas que la liste des trente jurés sur laquelle le tirage du jury a eu lieu, eut été complétée selon les formes voulues par la loi, c'est-àdire en audience publique, ainsi que le prescrit l'article 13 de la loi du 2 mai 1827 , et cette formalité étant substantielle, est intervenu l'arrêt dont la teneur suit :

Oui le rapport de M. de Ricard, conseiller, et les conclusions de M. Voysin de Gartempe , avocat-général;

Vu l'arrêt interlocutoire rendu par la Cour le 24 du mois dernier, et les pièces déposées à son greffe en exécution de cet arrêt ;

Vu également l'article 12 delà loi du 2 mai 1827, portant:

" Au jour indiqué pour le jugement de chaque affaire, s'il y a » moins de trente jurés présens, le nombre sera complété par les » jurés supplémentaires mentionnés en l'article 9j lesquels seront


( 10 ) » appelés dans l'ordre de leur inscription sur la liste formée en vertu* » dudit article ;

» En cas d'insuffisance, le président désignera,, en audience pu» blique, et par la voie du sort, les jurés qui devront compléter le «nombre de trente;

» Ils seront pris parmi ceux des individus inscrits sur la liste » dressée en exécution de l'article 7, qui résideront dans la ville où » se tiennent les assises.... »

Attendu que la liste des jurés sur laquelle a été tiré le jury qui a procédé au jugement du demandeur, a été formée le 22 novembre dernier; que le procès-verbal de ce jour constate que les trois jurés de la ville où se tenaient les assises furent appelés pour compléter la liste des trente; mais qu'il ne constate pas que le tirage de leurs noms ait eu lieu en audience publique; qu'il semble même résulterdes termes du procès-verbal que ce tirage n'a pas eu lieu dans cette forme ;

Attendu que le tirage en audience publique, des jurés appelés en remplacement, est une formalité substantielle, dont l'omission entraine la nullité de tout ce qui a suivi, et qui est censée omise lorsque l'accomplissement n'en est pas constaté:

Par ces motifs, LA COUR casse et annulle le tirage du jury, qui a eu lieu pour le jugement de Baptiste Rey, le 25 novembre dernier, et tout ce qui s'est ensuivi, et notamment l'arrêt de condamnation j

Et, pour être procédé de nouveau au jugement de l'accusation portée contre ledit Rey, le renvoie, en l'état où il est, avec les pièces de la procédure, par-devant la Cour d'assises du département des Pyrénées-orientales ;

Ordonne &c. —Jugé et prononcé &c. — Chambre criminelle.

(N°6.) RÈGLEMENT DE JUGES intervenu sur la demande du Procureur du Roiprès le tribunal de Pontarlier, afin dg faire cesser le conflit qui s'est élevé entre le tribunal de simple police du canton de Pontarlier et le tribunal correctionnel de la même ville, qui se sont l'un et l'autre déclarés incompétens pour statuer sur la contravention de police imputée à lafemmc Desmouthe.

Du 13 Janvier 1831. SUIT la teneur de l'arrêt :

Oui M. Brière, conseiller, en son rapport, et M. Voysin deGartempe, avocat-général, en ses conclusions :

Vu la requête du procureur du Roi près le tribunal de première iiijtauce de Pontarlier, tendante à ce qu'il soit réglé de juges dans le procès de Anne-Pierrette Priquet, femme Desmouthe, prévenue de contravention de simple police en récidive;

Vu le jugement du tribunal de simple police du canton de Pon-


( il )

tarlier, rendu le 23 octobre 1830, par lequel ce tribunal s'est déclaré incompétent, par le motif que, la femme Desmouthe étant en état ■de récidive, la peine pouvait s'élever à six jours d'emprisonnement, ■et ne pouvaitétre prononcée que par le tribunal correctionnel;

Vu le jugement correctionnel du tribunal de première instance de Pontarlier, du 26 novembre suivant, qui, sur l'action du procureur du Roi, s'est déclaré incompétent, par le motif lumineusement développé, que l'amende doit seule être doublée, qu'elle ne peut s'élever dans l'espèce au-delà de six journées de travail, somme inférieure à la compétence pénale des tribunaux de simple police, telle qu'elle a été fixée par lé Code pénal de 1810 ; ; Attendu que le jugement du tribunal de simple police a acquis l'autorité de la chose jugée, qu'il en est pareillement du jugement correctionnel dont il n'y a point eu d'appel, et dont le procureurgénéral près la Cour royale de Besançon a déclaré ne point entendre se porter appelant; qu'il résulte de ce conflit négatif une interruption du cours de la justice qu'il importe de faire cesser;

Vu les articles 525 et suivans du Code d'instruction criminelle, sur les réglemens de juges;

Vules articles 600, 606 et 607 du Code du 3 brumaire an 4;

Vu l'article 27, titre Ier de la loi du 22 juillet 1791, portant:

" En cas de récidive, toutes les amendes établies par le présent » décret seront doublées » ;

Attendu que, dans les cas de simple police, non prévus par le Code pénal, et punissables, comme dans l'espèce, par la disposition du Code du 3 brumaire an 4, la récidive n'autorise le doublement que delà peine de l'amende; que telle est la disposition précise de la loi de 1791, ci-dessus transcrite ;

Attendu que le doublement de l'amende de trois journées de travail n'excède point la compétence des tribunaux de simple police réglée par l'article 137 du Code d'instruction criminelle, et par l'article 466 du Code pénal, qui autorise les tribunaux à prononcer des amendes jusqu'à concurrence de 15 fr., somme supérieure à la valeur de six journées de travail ;

Par ces motifs, et statuant par règlement de juges, LA COUR, sans s arrêter au jugement du tribunal de simple police du canton de Pontarlier, du 23 octobre 1830, qui sera considéré comme non avenu, renvoie les pièces du procès, et Anne-Pierrette Priquet, femme Desmouthe, devant le tribunal de simple police du canton de Levier, pour y être jugé sur la contravention de simple police et la récidive dont elle est prévenue ;

Ordonne &c.

Fait et jugé&c. — Chambre criminelle.

Nota. Le même jour 13 janvier, la Cour a rendu un second arrêt par


( 12 ) lequel, et d'après les motifs exprime's dans celui qui précède , elle a renvoyé* devant le tribunal de police ci-dessus de'signé la contravention de police imputée à Joseph Wager, et sur laquelle un conflit s'était e'galement éle'vé entre le tribunal de simple police du canton de Pontarlier et le tribunal correctionnel de la même ville.

(N° 7.) REJET, par fin de non-recevoir, faute de consignation d'amende, du pourvoi formé par François Brousse, accusé, contre l'Arrêt rendu, le 17 décembre 1830, par la Cour d'assises du département de la Lozère, qui le condamne à deux années d'emprisonnement, dans les circonstances dont il va être rendu compte.

Du 14 Janvier 1831.

NOTICE ET MOTIFS.

FRANÇOIS BROUSSE avait été accusé de meurtre devant fa Cour

d'assises, et le jury, consulté sur la question de savoir s'il était

aussi coupable d'être auteur d'un homicide commis volontairement,

avait répondu oui à l'unanimité, mais involontairement.

La Cour d'assises, ne voyant pas dans cette déclaration du jury un motif pour prononcer l'absolution de l'accusé, et se constituant en tribunal correctionnel, l'avait, par application de l'article 319 du Code pénal, relatif à l'homicide commis involontairement par maladresse, imprudence, &c., condamné à la peine correctionnelle de deux années d'emprisonnement.

Brousse attaquait cet arrêt, comme contenant un excès de pouvoir, une fausse application des articles 365 du Code d'instruction criminelle et 319 du Code pénal, et une violation formelle de l'article 364 du Code d'instruction criminelle.

Ces moyens auraient pu fixer l'attention de la Cour, si Brousse, qui n'était pas condamné en matière criminelle, mais qui était condamné, par une Cour d'assises jugeant correctionnellement, à une peine correctionnelle en raison d'un délit correctionnel existant à ses yeux, avait consigné l'amende exigée en pareil cas par le Code d'instruction criminelle, ou y avait suppléé par la production des pièces qu'il exige pour tenir lieu d'une quittance de consignation d'amende.

Mais, obligé, d'après l'ensemble des dispositions des articles 417, 420 et 421 du Code d'instruction criminelle, et obligé à peine de déchéance, de justifier d'une quittance de consignation ou d'un équivalent légal, puisque, poursuivi pour crime, il n'avait point elé condamné en matière criminelle ; la Cour l'a déclare non reccvable dans son pourvoi, et l'a condamné en l'amende par les motifs développés on l'arrêt dont la teneur suit :


( 13 ) . Ouï le rapport de M. Chantereyne, conseiller, et M.: Voysin-deGartempe, avocat-général, en ses conclusions;

La Cour, après en avoir délibéré en la chambre du conseil; Vu le mémoire présente' par François Brousse ; Vu également les articles 419, 420 et 421 du Code d'instruction criminelle;

Attendu en droit que, de la combinaison et de l'ensemble des dispositions desdits articles, il résulte la règle générale que toutes personnes condamnées en matière de police correctionnelle, et qui se pourvoient en cassation, sont tenues à peine de déchéance déconsigner une amende de 150 francs, ou de joindre à-leur demande les pièces supplétives spécifiées audit article 420;

Qu'aux termes de ce dernier article, l'obligation imposée à tout condamné exerçant un recours en cassation dans un des cas déterminés par le Code d'instruction criminelle, ne reçoit que deux exceptions dont l'une est établie uniquement en faveur des condamnés en matière criminelle; qu'ainsi les individus condamnés pour crimes sont les seuls qui puissent, sans consignation préalable d'amende, où sans un équivalent légal,, exercer devant la Cour un pourvoi que, dans cet état, elle puisse admettre;

Que, s'agissant d'abord et uniquement de savoir si ce pourvoi est recevable en faveur d'un individu qui n'a pas été condamné en matière criminelle, la Cour n'a point à s'occuper de la nature de la poursuite dont il avait été l'objet, mais de la nature de la condamnation contre lui prononcée; et que, d'après l'article 1er du Code pénal, il n'y a de condamnation pour crime, et conséquemment en matière criminelle, que celle qui prononce une peine afflictive ou infamante;

Attendu en fait que Brousse, poursuivi comme coupable du" crime d'homicide commis volontairement, n'a été déclaré, par le jury, coupable que d'un homicide involontaire ; que, dès lors, il ne " pouvait être et n'a été en effet condamné à aucune des peines .établies par le Code pénal en matière criminelle;

Que, si la Cour d'assises, jugeant correctionnellement et trouvant que le fait dont le jury avait déclara Brousse coupable constituait Je. délit correctionnel prévu par l'article 319 du Code pénal, a cru pouvoir lui faire l'application de la peine correctionnelle portée audit article, le demandeur ne restait pas moins soumis à la règle générale établie par le Code d'instruction criminelle, puisqu'il n'est pas^dans le cas d'exception énoncé en l'article 420 du même Code;

Que cependant le demandeur n'a point consigné l'amende prescrite et n'y a point supple'é par la production des pièces qui pouvaient, d'après la loi, le dispenser de cette consignation; qu'ainsi,


(14) et sans que la Cour puisse au fond s'occuper du mérite de son pourvoi, il est de son devoir de l'écarter par une fin de nonrecevoir puisée dans la loi même:

Par ces motifs, LA COUR déclare le demandeur non recevable dans son pourvoi, et le condamne en l'amende de l50 francs envers le trésor public.— Ainsi jugé &c. — Chambre criminelle.

(N° 8.) ANNULLATION, sur le réquisitoire de M. le Procureurgénéral en la Cour, de deux Arrêts rendus par la Cour d'assises du département de l'Oise, l'un sous la date, du 31 août 1829, qui condamne Frédéric Leroux à quatre ans d'emprisonnement, et l'autre en date du 15 décembre 1830, qui condamne pour le même fait Céléstine Azelie à cinq ans de la même peine.

Du 20 Janvier 1831.

SUIT la teneur du réquisitoire et de l'arrêt:

À LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE.

Le procureur-général expose qu'il est chargé par M. le ministre de la justice, en exécution dé l'article 443 du Code d'instruction criminelle, de. dénoncer à la Cour, comme susceptibles d'être annulés, les deux arrêts rendus par. la Cour d'assises du département de l'Oise, les 31 août 1829 et 15 décembre 1830, dans les circonstances suivantes :

Un vol d'argent fut commis , dans la nuit du 19 avril 1829, chez le sieur Godin, propriétaire, à Cuigny.

Le nommé Leroux, journalier, fut traduit, à raison de ce fait, devant la Cour d'assises du département de l'Oise, qui, par arrêt du 31 août 1829, écarta les circonstances aggravantes, et condamna I'aecusé à quatre ans d'emprisonnement.

Cependant des soupçons s'élevèrent contre la nommée Céléstine Azelie, qui avait servi comme domestique chez le sieur Godin. Elle avoua qu'elle avait commis le vol ; traduite devant la même - Cour d'assises, le 15 décembre 1830 , elle fut condamnée à cinq ans d'emprisonnement. La qflestion aux jurés avait été posée en ces termes : a Céléstine Azelie est-elle coupable d'avoir, conjointement avec une autre personne, soustrait frauduleusement une somme d'argent, &c. » Le jury, en écartant toutes les circonstances, a donc implicitement décidé que Céléstine Azelie avait commis seule le vol qui avait déjà motivé la condamnation de Leroux. Il résulte de là que les deux arrêts dont il s'agit sont inconciliables, et qu'il y a lieu de leur appliquer la disposition de l'article 443 du Code d'instruction criminelle , qui est ainsi conçu :


. 5'"]

•u Lorsqu'un accusé aura été condamné pour un crime, et qu'un autre accuse aura aussi été:condamné, par un autre arrêt, comme auteur du même crime, si les deux arrêts ne peuvent se concilier, et sont la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné , l'exécution des deux arrêts sera suspendue , quand même la demande en cassation de l'un ou de l'autre arrêt aurait été rejetée;

» Le ministre de la justice, soit d'office, soit sur la réclamation des condamnés ou de l'un d'eux, ou du procureur général, chargera le procureur-général près la Cour de cassation de dénoncer les deux arrêts à cette Cour.

o Ladite Cour, section criminelle, après avoir vérifié que les deux condamnations ne peuvent se concilier, cassera les deux arrêts, et renverra les accusés, pour être procédé, sur les actes d'accusation subsistans, devant une Cour autre que celles qui auront rendu les deux arrêts. »

Ce considéré, il plaise à LA COUR, vu la lettre de M. le Garde des sceaux, en date du 10 de ce mois, casser les deux arrêts dont il s'agit, et renvoyer les accusés, pour être procédé sur les actes subsistans, devant une Cour d'assises autre que celle qui a rendu les deux arrêts.

Fait au parquet, le 14 janvier 1831.

sfe Signé DUPIN aîné.

Ouï le rapport de M. le conseiller OHivier, les conclusions de M. Dupin aîné , procureur-général ;

Statuant sur le réquisitoire du procureur-général en la Cour, présenté d'après la lettre de M. le ministre de la justice, tendant à l'annullation dé deux arrêts de la Cour d'assises du département de l'Oise, rendus, IUn le 31 août 1829, contre le nommé Leroux, l'autre, le 15 décembre 1830, contre Céléstine Azelie.

Vu l'article 443 du Code d'instruction criminelle ;

Attendu que l'arrêt du 31 août 1829, condamnant Leroux à quatre ans d'emprisonnement, comme auteur du vol commis le 19 avril 1829, chez le sieur Godin, est inconciliable avec l'arrêt du 15 décembre 1830, condamnant Céléstine Azelie, comme SEUL auteur du même vol, à cinq ans d'emprisonnement; et que, des deux arrêts, résulterait la preuve de l'innocence de l'un des condamnés;

Que, dès-lors, il devient indispensable de prononcer, en conformité de l'artiele 443 du Code criminel, l'annullation de ces deux arrêts, et de renvoyer les deux condamnés devant une autre Cour d'assises , pour statuer de rechef sur les deux actes d'accusation :

Par ces motifs, LA COUR casse et annulle l'arrêt de la Cour d'as-


.{ 16 )

sises du département de l'Oise, du 31 août 1829, qui condamne Frédéric Leroux à quatre ans d'emprisonnement, et celui de la même Cour d'assises, du 15 décembre 1830, qui condamne Céléstine Azelie à cinq ans de la même peine ; et, pour être de nouveau statué d'après les deux actes d'accusation , à l'égard de l'un et l'autre des condamnés, les renvoie, avec les pièces des deux procédures, devant la Cour d'assises du département de la Seine;

Ordonne &c.

Fait et prononcé &c. — Chambre criminelle.

(N° 9 )ANNULLA TION, sur le réquisitoire de M. le Procureur-général en la Cour, de deux Arrêts rendus par la Cour d'assises du département de l'Eure, les 18 novembre 1828 et 10 décembre 1830, . contre le nommé Le Comte et la femme Mallet. Du 20 Janvier 1831. SUIT la teneur du réquisitoire et de l'arrêt : A LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE. Le procureur-général expose qu'il est chargé par M. le Ministre de la justice, en exécution des articles 443 et 445 du Code d'instruction criminelle, de dénoncer à la Cour, comme susceptibles d'être annullés, les deux arrêts rendus par la Cour d'assises du departement.de l'Eure, les 18 novembre 1828 et W décembre 1830, contre le nommé Le Comte et la femme Malret, à fin de renvoi de ces condamnés devant une autre Cour d'assises, pour y être procédé sur les actes d'accusation subsistans. Voici les faits :

Le 5 juin 1828, le vol d'une somme d'argent et d'une montre fut commis, à l'aide d'escalade et d'effraction, dans la maison habitée de la veuve Vivien. Cette maison faisait par€e d'un corps de bâtiment où demeuraient également, mais dans des appartemens séparés, les époux Le Comte, une femme Mallet et une femme AHard.

Les soupçons se portèrent sur Le Comte, vieux soldat dont la vie avait toujours été honorable ; traduit devant la Cour d'assises de l'Eure, le 18 novembre 1828, il succomba sous le poids des charges qui s'élevèrent contre lui, et fut condamné, malgré ses dénégations, à sept ans de travaux forcés.

Pendant qu'il subissait sa peine, la femme Mallet, dont il a été fait mention ci-dessus, fut poursuivie pour escroquerie , commise à l'aide de faux, et condamnée le 29 mai 1830, par la même Cour d'assises, à sept ans de réclusion.

Les débats de ce procès jetèrent une lumière nouvelle sur le crime qui avait motivé la condamnation de Le Comte, et firent


(11 )

entrevoir que la femme Mallet, qui avait été le principal témoin à charge dans cette affaire, pouvait bien être l'auteur du vol du 5 juin 1828.

En conséquence, la Cour d'assises ordonna, par son arrêt du 29 mai précité, que cette femme serait poursuivie, 1° comme:coupable du vol qui avait motivé la condamnation de Le Comte, 2° comme ayant fait un faux témoignage à charge dans le procès suivi contre ce dernier.

En exécution de cet arrêt, une'instruction a été faite, et, le 10 décembre 1830 , la femme Mallet, accusée de ce double crime, a comparu de nouveau devant la Cour d'assises de l'Eure; déclarée coupable sur les deux chefs, elle a été condamnée à huit ans de travaux forces.

Il résulte de cet exposé, 1° que deux accusés ont été condamnés par deux arrêts différens, comme auteurs du crime commis au préjudice de la veuve Vivien, le 5 juin 1828; que les deux arrêts ne peuvent se concilier, et sont la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné; 2° qu'un témoin entendu dans le procès de Le Comte a été déclaré coupable de faux témoignage à charge contre cet individu, et que, sous ce double rapport, le premier arrêt doit être cassé et annullé, conformément aux art. 443 et 445 du Code d'instruction criminelle, qui sont ainsi conçus :

Article 443. « Lorsqu'un accusé aura été condamné pour un « crime, et qu'un autre accusé aura aussi été condamné par un » autre arrêt, comme auteur du même crime, si les deux arrêts ne » peuvent se concilier, et sont la preuve de l'innocence de l'un ou n de l'autre condamne, l'exécution des deux arrêts sera suspendue , » quand même la demande en cassation de l'un ou de l'autre arrêt »-aurait été rejetee.

» Le Ministre de la justice, soit d'office , soit sur la réclamation «des condamnés, ou de l'un d'eux, ou du procureur-général, » chargera le procureur-général près la Cour de cassation de dé« noncer les deux arrêts à cette Cour.

» Ladite Cour, section criminelle, après avoir vérifié que les » deux condamnations ne peuvent se concilier, cassera les deux » arrêts, et renverra les accusés, pour être procédé sur les actes » d'accusation subsistans, devant une CoUr autre que celles qui » auront rendu les deux arrêts. »

Article 445. <• Lorsque, après une condamnation contre un ac» cusé, l'un ou plusieurs des témoins qui avaient déposé à charge » contre lui seront poursuivis pour avoir porté un faux témoi» gnage dans le procès, et si l'accusation en faux témoignage est « admise contre eux, ou jnéme s'il est décerné contre eux des « mandats d'arrêt, il sera sursis à l'exécution de l'arrêt de condamCrimincl. 1831. 2


f 18 )

» nation , quand même la Cour de cassation aurait rejeté la requête p du condamne.

« Si les témoins sont ensuite condamnés pour faux témoignage à >> charge, le Ministre de la justice, soit d'office, soit sur la réclama» tion de l'individu condamné par le premier arrêt, ou du procu» reur-général, chargera le procureur-général près la Cour de case -Sation de dénoncer le fait à cette Cour.

» Ladite Cour, après avoir vérifié la déclaration du jury, sur Ia» quelle le second arrêt aura été rendu, annullera le premier arrêt, » si, par cette déclaration , les témoins sont convaincus de faux té» moignage à charge contre le premier condamné; et pour être pro» cédé contre l'accuse sur l'acte d'accusation subsistant, elle le ren» verra devant une Cour d'assises autre que celles qui auront rendu >> soit le premier, soit le second arrêt.

» Si les accusés de faux témoignage sont acquittés, le sursis sera » levé de droit, et l'arrêt dé condamnation sera exécuté, y

Ce considéré, il plaise à la Cour, vu la lettre de M. le Ministre delà justice, en date du 10 de ce mois, casser etannuiler l'arrêt rendu le 18 novembre 1828, et casser celui rendu le 10 décembre |830', et renvoyer les accusés, pour être procédé, sur les actes subsistans , devant une Cour d'assises autre que celle qui a rendu les deux arrêts.

Fait au parquet, le 14 janvier 1831.

Signé DUPIN aîné.

Oui le rapport de M. Ollivier, conseiller, les conclusions de M. Dupin aîné, procureur-général;

Statuant sur le réquisitoire du procureur-général en la Cour, présenté d'après la lettre de M. le Ministre de la justice, et tendant à l'annullation de deux arrêts de la Cour d'assises du département de

l'Eure, rendus l'un, le 18 novembre 1828, contre le nommé

Le Comte; l'autre, le 10 décembre 1830, contre la femme Mallet;

Vu les articles 443 et 445 du Code criminel ;

Attendu que l'arrêt du 18 novembre 1828 condamnant Le Comte à sept ans de travaux forcés, comme coupable d'un vol d'argent et d'une montre, commis à l'aide d'escalade et d'effraction, au préjudice de la veuve Vivien, est inconciliable avec la partie de l'arrêt du JQ décembre 1830 qui déclare la femme Mallet auteur du même .vol ; et que, des deux arrêts résulterait la preuve de l'innocence .de l'un des condamnés ;

Que dès-lors il devient indispensable de prononcer, en conformité de l'article 443 du Code criminel, l'annullation de ces deux arrêts dans la partie sur laquelle ils sont inconciliables, et de ren-


( 19. ) ; yoyér devant une autre Cour d'assises pour statuer de rechef sur les deux actes d'accusation ;

Attendu que la disposition de l'arrêt du 10 décembre 1830, dé- ' clarant la femme Mallet coupable de faux témoignage en matière criminelle, n'est point inconciliable avec l'arrêt de condamnation rendu contre Le Comte le 18 novembre 1828 ;

Que cette disposition de l'arrêt du 10 décembre 1830 a été prononcée d'après une déclaration du jury, régulièrement intervenue, et que, sur ce fait de faux témoignage, la peine a été appliquée conformément à la loi, et que la procédure est régulière :

Par ces motifs, LA COUR casse et annuité l'arrêt de la Cour d'assises du département de l'Eure, du 18 novembre 1828, qui déclare Louis-Alexandre Le Comte auteur du vol dont il était accusé, et le condamne à sept ans de travaux forcés ;

Casse et annulle également la disposition de l'arrêt de la même Cour d'assises, du 10 décembre 1830, déclarant Françoise Dubreuil, femme Mallet, coupable du même vol à raison duquel Le Comte avait été condamné;

Et, pour être de nouveau statué, d'après les deux actes d'accusation quant à l'arrêt de condamnation rendu contre Le Comte, et quant à la partie de l'arrêt rendu contre la femme Mallet, ci-dessus annullée, renvoie les condamnes et les pièces de procédure devant la Cour d'assises du département de la Seine-Inférieure:

Ordonne &c. — Fait et prononcé &c. — Chambre criminelle.

( N° 10. ) RÈGLEMENT DE JUGES intervenu sur la demande du Procureur-généraltà la Cour royale de Riom, afin de faire.

■ ■ cesser le conflit élevé entre la chambre du conseil du Tribunal de- première instance de cette ville et la chambre correctionnelle du même Tribunal, qui s'est déclarée incompétente pour connaître de l'action dirigée contre Marie Garrachon, prévenue de suppression d'un enfant dont elle est accouchée.

Du 20 Janvier 1831.

SUIT la teneur de l'arrêt :

Ouï M. Brière, conseiller, en son rapport, et M. Fréteau de Pénv, avocat-général, en ses conclusions;

Vu la requête du procureur-général près la Cour royale de Riom, déposée au greffe dé la Cour le 12 de ce mois, tendante à ce qu'il soit réglé de juges dans le procès instruit au tribunal de première instance de Riom, contre Marie Garrachon, prévenue

2 *


( 20 ) soit de suppression d'un enfant, ou cFabaridon de ce même enfant, dont elle était accouchée, dans un lieu non solitaire;

Vu l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Riom, du 17 août dernier, par laquelle Marie Garrachon aurait été renvoyée en police correctionnelle, comme suffisamment prévenue d'avoir, dans les premiers jours du mois de mai précédent, exposé et délaisse dans un lieu non solitaire l'enfant dont elle était accouchée le premier dudit mois, délit prévu par l'article 352 du Code pénal;

Vu le jugement correctionnel du même tribunal, rendu le 24 septembre suivant, par lequel il s'est déclaré incompétent, par le motif qu'il résultait du débat que l'enfant dont Marie Garrachon était accouchée dans les premiers jours du mois de mai était disparu dès cette époque ; qu'elle avait seulement prétendu avoir porté cet enfant à Clermont, pour y être exposé; qu'elle l'avait confie à une femme qu'elle a déclaré ne pouvoir connaître; que ce fait présente le crime de suppression d'un enfant, dont la répression est hors la juridiction correctionnelle ;

Attendu que l'ordonnance de la chambre du conseil, non attaquée en temps de droit, a acquis l'autorité de la chose jugée; qu'il en est de même du jugement correctionnel dont, ni la prévenue, ni le ministère public de première instance et le procureur général ne se sont portés appeîans ; qu'il résulte de ce conflit négatif une interruption du cours de la justice qu'il importe de faire cesser;

Vu les articles 526 et suivans du Code d'instruction criminelle, sur les réglemens de juges ;

Attendu que la Cour ne peut apprécier les circonstances du débat oral qui a eu lieu en police correc^onnelle ;

Statuant sur la demande du procureur général près la Cour royale de Riom.:

LA COUR, sans s'arrêter à l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Riom, du 17 août dernier, ni au jugement correctionnel du même tribunal, du 24 septembre suivant, qui seront considérés comme non avenus, renvoie Marie Garrachon , en l'état qu'elle est, et les pièces du procès , devant la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Riom, pour, d'après l'instruction faite, et le complément qu'elle pourra ordonner, s'il y a lieu, être statué sur la prévention et la compét ence comme et ainsi qu'il appartiendra ;

Ordonne &c.—Ainsi jugé et prononcé &c.—Chambre criminelle.


( *i. )

{ N° 11.) ANNÛLLATION , sur le pourvoi de Pierre - Germain Ménager, d'un Arrêt contre lui rendu par la Cour d'assisses du département d'Eure-et-Loir, le 3- décembre 1.830'.

Du 22 Janvier 1831.

NOTICE ET MOTIFS.

. PIERRE-GERMAIN MÉNAGER avait été renvoyé, par arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Paris, pardevant la Cour d'assises du département d'Eure-et-Loir, comme accusé de vol de récolte. Le jury ayant répondu affirmativement sur la question présentée en ces termes, la Cour d'assises crut pouvoir infliger les peines portées en l'article 388 du Code pénal. Sur le pourvoi, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'assises d'Eure-et-Loir, par les motifs énoncés dans l'arrêt qui suit :

Ouï M. Choppin en son rapport, et M. Fréteau de Pény, avocat général, en ses conclusions;

Vu l'article 388 du Code pénal;

Attendu qu?il ne résulte pas des termes dont la chambre d'accusation s'est servie dans son arrêt, que lé vol dont il s'agit ait été commis dans les champs, circonstance aggravante prévue par l'article 388 du Code pénal; que, l'accusé renvoyé ainsi, par erreur, par-devant la Cour d'assises, le président de cette Cour a employé, dans la position de la question, les mêmes expressions que l'arrêt de mise en accusation ; que, sur la réponse affirmative du jury, il n'y avait donc lieu d'appliquer au fait déclaré constant, et qui ne constituait qu'un simple délit, que les peines portées en l'art. 401 du Codepénal; —Attendu que la Cour d'assises, en appliquant dans l'espèce les dispositions pénales de l'article 388 du Code pénaf, a fait une fausse application de cet article, et commis un excès de pouvoir:

Par ces motifs, LA COUR casse et annulle l'arrêt de la Cour d'as» sises du département d'Eure-et-Loir, du 3 décembre dernier, qui a condamné Pierre-Germain Ménager en sept ans de travaux forcés et peines accessoires;

Maintient la déclaration du jury;

Et pour, être prononcé sur la peine, conformément à la loi, renvoie ledit Ménager, dans l'état où il se trouve, et les pièces du procès, par-devant la Cour d'assises du département de Seine-et-Oise-;

Ordonne &c, — Ainsi jugé &c. — Chambre criminelle.


( 22 )

(N° 12.) ANNULLATION , sur le pourvoi du Commissaire de police remplissant les fondions du ministère public près le tribunal, de simple police de la ville de Lyon, d'un Jugement rendu par. ce tribunal, le 31 décembre dernier, en faveur de Mathieu Ferlât, voiturier.

Du 22 Janvier 1831.

Les faits de la cause, et les motifs qui ont déterminé cette annullation, sont développés dans l'arrêt dont la teneur suit :

Ouï le rapport de M. le conseiller Rives, et les conclusions de M. l'avocat-général Fréteau de Pény;

Vu l'article 475 du Code pénal, portant :

«Seront punis d'amende, depuis 6 francs jusqu'à 10 francs » inclusivement ;

«3.° Les rouliers, charretiers,, conducteurs de voitures quel»■ conques ou dé bêtes de charge, qui auraient contrevenu aux régle» mens par lesquels ils sont obligés de se tenir constamment à portée » de leurs chevaux, bêtes de trait ou de charge, et de leurs voitures, » et en état de les guider et conduire; d'occuper un seul côté des » rues, chemins ou voies publiques; de se détourner ou ranger » devant toutes autres voitures, et, àleur approche, de leur laisser « libre au moins la moitié des rues , chaussées, routes et chemins ; »

L'article 34 du décret du 13 juin 1806, concernant le poids des voitures et la police du roulage, lequel article est ainsi conçu :

a Tout propriétaire de voitures de roulage sera tenu de faire » peindre sur une plaque de métal, en caractères appareils, son » nom et son domicile : cette plaque sera clouée en avant de la roue » et au côté gauche de la voiture, et ce, à peine de 25 francs d'a» mende : l'amende sera double si la plaque portait, soit un nom, » soit un domicile faux ou supposé; «

Ensemble l'article 154 du Code d'instruction criminelle, dont la teneur suit :

,» Les contraventions seront prouvées, soit par procès-verbaux ou fi rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, » ou à leur appui. Nul ne sera admis, à peine de nullité, à faire » preuve par témoins outre ou contre le contenu aux procès-verbaux » ou rapports des officiers de police ayant reçu de la loi le pouvoir » de constater les délits ou les contraventions jusqu'à inscription de .» faux. Quant aux procès-verbaux et rapports faits par des ngei>s{ » préposés ou officiers, auxquels la loi n'a pas accordé le droit d'en » être crus jusqu'à inscription de faux, ils pourront être débattus n par des preuves contraires, soit écrites, soit testimoniales, si le » tribunal juge à propos de les admettre ; »


( 23 )

Attendu que Fobligation imposée, par l'article 34 du décret du 13 juin 1806, à tout,propriétaire de voiture de roulage, d'y clouer une plaque de métal portant son nom et son domicile, offre aux agens qui sont chargés de veiller à l'exécution des réglemens concernant la commodité du passage et la sûreté publique dans Irisvilles et sur les routes, un moyen légal de connaître les voituriers qui pourraient y contrevenir, et les dispense, par conséquent, de toute perquisition dans cet objet;

Attendu qu'aux termes de l'article 164 du Code d'instruction criminelle, les procès-verbaux qui ne font pas foi jusqu'à inscription de faux n'en sont pas moins, par eux-mêmes, la preuve irréfragable des contraventions qui s'y trouvent constatées , tant que le prévenu n'a pas établi le contraire, c'est-à-dire tant qu'il n'a pas prouvé con-^. tradictoirement, soit par écrit, soit par témoins , la fausseté des faitsrapportés à sa charge;

Et attendu que, dans l'espèce, un procès-verbal régulier, en date du 12 décembre dernier, constate que, ce jour-là,, passant à neuf heures moins un quart du matin sur la place neuve des Carmesde la ville de Lyon, le commissaire de police de ce quartier y trouvaune charrette qui était abandonnée, et dont le cheval, dételé et débridé, mangeait entre les deux bras du brancard, etque la plaque établie sur cette charrette indiquait que celle-ci appartenait à Mathieu Ferlât, de Vaize (Rhône); '

Que cette contravention à l'ordonnance de police du lieu, sous ladate du 21 septembre 1826, et à l'article 475, n° 3, du Codé pénal, était ainsi constatée légalement, et devait entraîner la condamnation du prévenu aux peines prononcées par ce même article;;

Attendu cependant que le tribunal de simple police, devant lequel ledit Mathieu Fc-riat était traduit à ce sujet, l'a renvoyé de la. poursuite, sur le motif, 1° qu'il a formellement dénié ce faitç; 2° que le commissaire rédacteur dudit procès-verbal s'est borné à prendre les nom, prénom et domicile portés sur la plaque de la charrette, sans s'assurer de l'identité de celui à qui elle appartenait; et 3° parce que la contravention dont il s'agit pourrait s'appliquer à tout autre individu ayant les mêmes nom, prénom etdomicile ; ,

Mais que, d'abord, la dénégation- du prévenu ne pouvait être d'aucun poids, puisque la foi due au procès-verbal reste pleine et entière, tant qu'il n'a pas été débattu par les preuves contraires dont parle l'article 154 du Code d'instruction criminelle;

Qu'en second lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'officier de police judiciaire qui a rédigé le procès-verbal! en question à y décrire la charrette et le cheval trouvés en contrai venlion ;


( 2.4 ) • Qu'enfin les énonciations inscrites sur la plaque dont cette charrette était revêtue doivent être réputées exactes et vraies, jusqu'à ce que le prévenu ait produit la preuve qu'elles ne le seraient point, et que les objets de la contravention à lui imputée appartiendraient à un autre que lui;

Qu'en se fondant donc sur de tels motifs pour ne pas accueillir les conclusions du ministère publie, le jugement attaqué a commis un excès de pouvoir , et violé les susdits articles du décret du 13 juin 1806, du Code d'instruction criminelle et du Code pénal :

LA COUR, faisant droit au pourvoi, casse &c. — Fait et jugé &c. — Chambre criminelle.

(N° 13.) REJET du pourvoi formé par le sieur Radez contre l'Arrêt rendu contre lui, le 30 juin 1830,par la Cour royale de Douai, chambre des appels de police correctionnelle.

Du 27 Janvier 1831.

SUIT la teneur de l'arrêt :

Ouï le rapport de M. le conseiller OHivier, les observations de Me Valton, avocat du demandeur, et M. Fréteau de Pény, avocat-général, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Attendu que l'ordonnance de la chambre du conseil, du 11 avril 1829, déclarait contre le demandeur deux sortes de préventions:

L'une, de banqueroute frauduleuse, de faux en écriture de commerce et de délits connexes;

L'autre, de délits non connexes aux crimes, et parmi ces délits se trouvait celui d'habitude d'usure;

Attendu que, pour les crimes et délits connexes , la chambre du conseil renvoya devant la chambre d'accusation, qui renvoya devant la Cour d'assises;

Que, pour les délits non connexes, la chambre du conseil ordonna le renvoi devant la juridiction criminelle : et, qu'à raison de ce renvoi, la chambre d'accusation donna au ministère public acte de ses réserves ;

Que, par conséquent, la Cour d'assises ne fut saisie que des chefs de prévention à raison desquels le renvoi avait été ordonné devant elle par la chambre d'accusation ;

Qu'en effet, le jury ne fut interrogé et ne répondit que sur ces chefs de prévention, et qu'il n'y eut ni question posée, ni réponse donnée sur les chefs de prévention renvoyés devant la police correctionnelle, et spécialement sur le délit d'habitude d'usure;

Qu'ainsi, l'acquittement du demandeur et l'arrêt rendu en consé-


('25 ) quencepar la Cour d'assises de Douai, ne statuèrent et ne purent statuer sur les chefs de prévention renvoyés au correctionnel, et spécialement sur le délit d'habitude d'usure;

Que, dès-lors, en prononçant sur la culpabilité de ce dernier délit, d'après le renvoi de la chambre du conseil, l'arrêt attaqué rendu par la chambre correctionnelle de Douai, non plus que le jugement de première instance, sur l'appel duquel il a jugé, n'ont pas violé la maxime non bis in idem ;.

Attendu, d'ailleurs, la régularité de la procédure, et la juste application de la loi pénale aux faits déclarés par l'arrêt :

LA COUR rejette Sec.

( N° 14. ) REJET du pourvoi formé dans l'intérêt de la loi, par

M. le Procureur-général près la Cour royale de Lyon', contre

l'Arrêt rendu par la Cour d'assises du Rhône, le 16 décembre

dernier, qui condamne Jean Fageoli à la peine correctionnelle de

. dix-huit mois d'emprisonnement.

Du 27 Janvier 1831.

SUIT la teneur de l'arrêt :

Ouï le rapport de M. le conseiller Rives, et M. Fréteau de Pény, avocat-général, en ses conclusions ;

Vu le mémoire joint au pourvoi ;

Attendu qu'en thèse générale, et d'après l'article 442 du Code d'instruction criminelle, le pourvoi en cassation ne peut être forme . dans l'intérêt de la loi que par le procureur-général en la Cour;

Qu'à la vérité, les articles 409 et 410 du même Code ont apporté une exception à ce principe, en autorisant le ministère public près les Cours d'assises à se pourvoir aussi de la même manière; mais que ce droit est absolument restreint au cas où l'accusé a été acquitté, et à celui où il a été absous sur le fondement de la non-existence d'une loi pénale qui pourtant aurait existé;

Et, attendu que, dans l'espèce, l'arrêt attaqué a condamné l'aecusé, et que le recours dont il est l'objet ne rentre conséquemment dans aucune des deux hypothèses où ce recours est seulement autorisé :

LA COUR déclare le procureur-général près la Cour royale de Lyon non-recevable, &c.


( 26)

(N* 15.) ANNULLATIQN , dans l'intérêt de la loi, et sur le réquisitoire de M. le Procureur-général du Roi près la Cour de cassation, de l'Arrêt rendu le 19 mars 1830, par la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Cayenne (Guyane française), dans l'affaire du nommé Prus, colon.

Du 27 Janvier 1831.

SUIT la teneur du réquisitoire et de l'arrêt :

A LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE.

Le procureur-général défère à la Cour un arrêt de la Cour royale de Cayenne, chambre d'accusation, dont il demande la cassation , dans l'intérêt de la loi, pour arrêter, dans leur principe , les écarts d'une jurisprudence essentiellement vicieuse, et qui, si elle pouvait prévaloir, tendrait à assurer l'impunité des plus grands crimes.

Les affaires d'outre-mer méritent une attention spéciale de la part de la Cour de cassation. Placées à une grande distance de la métropole, les colonies ne s'y rattachent que par les liens de la législation; et la mission spéciale de la Cour suprême est d'empêcher que ces liens ne se rompent ou ne se relâchent par le mépris ou la violation des lois.

Entre toutes ces lois, celles dont l'observation importe le plus à la morale et à la paix publique dans les colonies, sont celles qui protègent les esclaves contre la rigueur, et trop souvent contre là cruauté de leurs maîtres.

Paisqu'en dérogation au droit sacré de la nature, les lois civiles ont admis l'esclavage, évitons d'aggraver cette position déjà si malhectreuse ; et si l'homme a pu devenir ainsi la propriété de son semblable, que cette propriété du moins ne soit pas celle qu'on a définie jus titendi et abutendi.

Le maître peut exiger des services de l'esclave ; mais il n'a pas le droit de le mutiler, de le torturer, de le priver de l'existence : il n'a pas sur lui le droit de vie et de mort.

Les excès, les sévices méritent et reçoivent ici le nom de crime, et c'est à Sa justice qu'il appartient de s'interposer entre le bourreau et la victime pour revendiquer les droits imprescriptibles de l'humanité, et prévenir, par son action régulière contre les coupables, ces terribles représailles où l'homme, qui ne se sent plus protège par une autorité légitime, en appelle à la force, au nombre, et à tous les moyens naturels de venger des injures auxquelles il demeure exposé sans réparation.

Si l'arrêt dénoncé à la Cour n'était point anéanti ; si la jurispru* detice qu'il s'est faite pouvait s'établir dans les colonies; quel que lut le crime du maître envers son esclave, l'impunité lui serait


( 27 ) assurée, pourvu qu'il eut la précaution de renfermer sa cruauté dans l'intérieur,de son habitation, et d'éloigner les témoins étrangers. Cet arrêt, en effet, repousse d'une manière absolue le témoignage des esclaves contre leurs maîtres. Il pose en principe que ce témoignagne ne peut fournir ni preuve, ni indice, ni admi-r nicule de preuve; il rend impossible de punir le crime à huis clos.

Voici les faits :

Le sieur Prus, co-propriétaire et directeur de l'habitation sucrerie dite Austerlitz, avait quinze ou vingt nègres en état de marronnage depuis plus d'une année. Dans un détachement commandé par le sieur Martial, lieutenant-commissaire, commandant du quartier du Tour de l'île, neuf nègres appartenant à l'habitation Prus furent pris. Parmi eux était le nommé Linval, qu'on a représenté comme un vieillard, et qui, d'après le recensement, dont extrait est joint à la procédure, n'était âgé que de quarante-trois ans. Les autres nègres furent envoyés à la Geôle de Cayenne , ce qu'on aurait du faire de tous. Linval seul, après avoir eu les pouces fortement serrés par la pression de poucettes de fer qu'on lui avait mises , non par simple mesure de précaution en vue de s'assurer de sa personne, mais par manière de torture, pour lui faire déclarer où étaient ses autres compagnons de marronnage, fut remis au sieur Prus sur les instances de celui-ci. Linval arriva sur l'habition Austerlitz en assez bon état, sans aucune blessure ni plaie aux pieds, ce qui résulte des dépositions des témoins libres Gauthier et Philémon Pitou, et des esclaves Madeleine, Désir et Castor ; ces derniers disent même qu'il était en très-bon état.

Le second jour de son arrivée sur l'habitation , le sieur Prus , voulant absolument obtenir de Linval la révélation du lieu où étaient cachés ses compagnons de marronnage , imagina de le soumettre à la plus horrible torture.

Après avoir fait planter, par un charpentier, trois forts piquets devant le foyer de sa cuisine, il y fit attacher le nègre Linval , de manière à exposer ses jambes, et surtout la plante des pieds, à l'action- dévorante d'un feu très-ardent, allumé à un pied de distance. Pour aggraver la torture , Prus fit frotter à plusieurs reprises , d'huile d'olive , les jambes et les pieds de l'esclave, et le supplice ne cessa qu'au bout d'environ une heure, et seulement qu'après que l'excès de la douleur eut arraché de Linval l'aveu qu'on exigeait de lui.

Le fait est attesté de visu par le témoin libre Philémon Pitou, et par les témoins esclaves Madeleine, Désir et Castor; et corroboré par les dépositions de Marie-Madeleine , d'Elisabeth et de

Germain.

II est également établi que les tortures que Linval avait subies


( 28 ) lui donnèrent la fièvre; des ampoules se manifestèrent aux pieds; jl mourut huit jours après.

L'arrêt énonce qu'aucune charge ne s'élève contre Prus, relativement au pouce cassé à Linval. Voici comme Prus lui-même s'exprime dans son interrogatoire : « A mon retour , je l'ai trouvé (Linval) très-malade, ayant delà fièvre, qui je crois bien était causée par la réunion des circonstances que je vous ai déclarées ( celles de son arrestation ), et je crois bien encore par les poucettes qu'on n'a pas osé lui retirer en mon absence, et que je lui ai fait ôter comme j'ai pu.

Prus a laissé les poucettes à son nègre pendant huit jours, sous le prétexte qu'il en avait perdu la clef! les poucettes serrées de manière à faire parler ! et il les lui a retirées comme il a pu , tandis qu'en une heure de temps il pouvait envoyer chercher un serrurier à Cayenne!...

Cependant le pouce a été cassé. ( Voir le rapport du docteur Jean et la déposition du témoin Emile Martial. )

L'instruction établit donc de la manière la plus évidente que Prus a violemment serré les pouces de Linval avec des poucettes de fer, et qu'il en a cassé un. Elle établit également qu'il a exposé les jambes et les pieds dudit Linval, frottés d'huile, à un feu violent -, et que Linval est mort des suites de ces tortures huit jours après.

Les débats seuls auraient pu détruire les charges qui s'élevaient contre Prus, ou plutôt ils n'auraient fait que les confirmer.

Cependant un arrêt de la chambre d'accusation de la Cour royale de Cayenne a décidé qu'il n'y avait lieu à suivre.

Si cet arrêt, en jugeant qu'il n'y avait pas lieu à accusation, ne l'avait jugé ainsi que par appréciation des faits., cette appréciation, quelque fautive qu'elle fût, quelque contradictoire qu'elle parût avec les déclarations nombreuses, précises et concordantes des témoins, cette appréciation, disons-nous, ne constituerait qu'un mal jugé; mais elle ne donnerait pas ouverture à cassation : elle ne serait pas équitable dans l'espèce particulière ; elle ne serait pas conform'e à la vérité des faits ; mais enfin elle ne serait pas en opposition avec la loi.

Mais ce m'est pas sous ce rapport que l'arrêt a envisagé la question.

«Attendu (y est-il dit) que, si les articles 156, 189, et 322 de » l'ordonnance royale du 10 mai 1829, sur l'instruction criminelle, » défendent d'entendre comme témoins, à l'audience des tribunaux » de répression, les esclaves des prévenus ou accusés, soit à » charge, soit à décharge, les article 33 et 75 font un devoir au n magistrat instructeur procédant à une information, de recevoir » les déclarations des esclaves eu général, sans excepter ceux des


( 29 ) o personnes présumées coupables du crime ou-du délit objet de n l'instruction ; que, dans le dernier de ces articles, le cas où le té» moin appelé serait esclave des parties est expressément prévu;" » que la dépêche du ministre de la marine et des colonies, explica-. » tive des motifs de l'ordonnance, établit qu'en vertu de ces deux » articles, ces esclaves doivent être entendus;

« Attendu, néanmoins, qu'il ne suit pas de ces dispositions que' » les témoignages des esclaves du prévenu, quoique régulièrement «reçus , puissent servir de base à un arrêt de mise en accusation; » que, d'après les articles 221 et 231 de la même ordonnance, la n mise en accusation ne peut être prononcée que sur des preuves » ou indices graves et suffisans; qu'aux termes de l'article 30 de » l'édit du mois de mars 1685 n (lequel, même avant qu'il fût modifié par l'arrêt du conseil d'état du 13 octobre 1686, n'interdi-: sait pas d'une manière absolue l'audition des esclaves, même contre leurs maîtres), dans le cas où ces esclaves sont mis en témoignage, a leurs dépositions ne peuvent servir que de ■mémoire, pour aider n les juges à s'éclairer d'ailleurs, sans qu'il soit permis d'en tirer n aucune présomption, ni conjecture, ni adminicule de preuve ;

» Que rien n'annonce que l'ordonnance du 10 mai 1829 ait éta» bli sur ce point un droit nouveau ;

» Qu'il y aurait de la contradiction , tandis que ces dépositions « sont prohibées même devant les tribunaux de simple police, à » les admettre comme fondement d'un arrêt de mise en accusation , » qui n'est point un simple «acte d'instruction, qui entraîne toujours n une ordonnance de prise de corps et des résultats de la plus » grande gravité; que si la dépêche ministérielle précitée, qui se » tait sur la question, énonce sur une autre question que ce n'est « qu'à l'audience soit du tribunal de police, soit de la chambre cor» rectionnelle, soit de la Cour d'assises, que les dépositions pren» nent un caractère définitif, il est incontestable que les arrêts de » mise en accusation ( contre lesquels le pourvoi en cassation est » autorisé) sont aussi définitifs sur deux points : la mise en accu» sation et la prise de corps;

» Qu'il faut donc entendre que , sous la nouvelle ordonnance, » comme sous l'édit de 1685, les dépositions des esclaves des pré» venus entendus dans l'information ne peuvent servir qu'à aider » les juges à s'éclairer d'ailleurs, à diriger les recherches du ma» gistrat instructeur, à le mettre sur la voie pour découvrir la vérité » et les preuves régulières qui en existeraient d'autre part, mais n sans qu'il soit permis de tirer d'elles-mêmes nipreuve, ni indice, » ni adminicule de preuve. «

Ainsi l'argumentation de l'arrêt est en point de droit; et c'est parce que l'arrêt érige en principe absolu que les dépositions des


f 30 ) esclaves, en tant qu'elles réagissent contre leur maître, ne peuvent constituer ni preuve, ni indice, ni adminicule de preuve, qu'il ne trouve en effet aucun indice suffisant pour mettre Prus en accusation, malgré l'évidence qui résulte des dépositions auxquelles il pense que la loi lui défend de s'arrêter.

Or cette manière d'entendre la loi n'est autre chose qu'une violation de la loi elle-même; il est facile de le démontrer, en exposant l'état de la législation sur le témoignage des esclaves.

En empruntant aux peuples anciens la restauration de l'esclavage; que le christianisme avait aboli, les peuples modernes ont aussi emprunté quelque chose à leur législation sur cette matière.

Dans le droit romain, il était défendu d'entendre les esclaves contre leurs maîtres, même du consentement de ceux-ci ; à plus forte raison s'il les récusaient. ( Loi 7, Cod. de quoestionibus, )

Non-seulement il était défendu, en pareil cas, de soumettre les esclaves à la torture ; mais il n'était pas permis de les soumettre à un simple interrogatoire; et leurs déclarations ne pouvaient pas même être admises comme de simples indices. Ex quibus causis quoestio de servis adversus dominos haberi non débet, ex lus causis ne quidem interrogationem valere. Et multo minus indicia servorum contra dominos admittenda sunt. ( Loi 9, § 1, Cod. de quoestionibus.)

On faisait cependant exception à cette règle en deux cas:

1° Dans les crimes contre la sûreté de l'état, qualifiés plus tard de crimes de lèse-majesté ( l. 10, § I, ff- d. t.), auquel cas on entendait comme témoins même les esclaves. Ainsi l'esclave des Tarquins fut admis à révéler la conspiration de ses maîtres, et la république le récompensa par le don de la liberté. Affranchi par le consul, il fut fait citoyen romain... . . Ut in utramquepartem arcendis sceleribus exemplum nobile esset, preemium indicipeeunia ex oerario, libertas et civitas data. (TIT.-LIV. , II, 3, 4.)

2° L'esclave pouvait être entendu en témoignage, même contre son maître, dans le cas où il n'était pas possible de se procurer d'autres témoins, et où il devenait ainsi témoin nécessaire : par exemple dans une accusation d'adultère, servos in adulterii quoestione contra dominum interrogari placuit (loi 17, ff. d. tit.J; ou encore si la femme était accusée d'avoir voulu empoisonner son mari, et réciproquement : en pareil cas, on interrogeait tous les gens de la maison, et par conséquent tous les esclaves, soit du mari, soit de la femme. In eadem questione, AB OMNI FAMILIA , non solum mariti, sed etiam uxoris suoe querendum est. (L. 9 au Code, ad leg. Comel. de sicariis. )

Seulement, dans ces divers cas, toutes les fois qu'un esclave avait été appelé en témoignage contre son maître, on le faisait


< 8.1 ) _ acheter par l'Etat ( sorte d'expropriation pour cause d'utilité publique ), afin que l'idée de retomber après coup sous l'autorité de son maître ne l'empêchât point de dire la vérité. Ratio autem publicandorum servorum eu est, ut sine ullo me lu verum dicant; et ne, dum timeant se in reorumpotestatem regressuros, obdurent in quoestione. { Loi 27, S 11 ,ff. ad leg. Jul. de adult. ) . Maintenant, si nous passons à la législation française, nous voyons, en ouvrant le Code Noir (édit. de mars 1685, art. 30 )., que « ne pourront les esclaves être témoins tant en matière civile » que criminelle; et en cas qu'ils soient ouïs en témoignage, leurs » dépositions ne serviront que de mémoire pour aider les juges » à s'éclairer d'ailleurs, sans qu'on en puisse tirer aucune pré» somption, ni conjecture, ni adminicule de preuve. »

Sous l'empire d'une telle loi, rapprochée surtout de l'ordonnance de 1670, alors en vigueur, et qui obligeait le juge à ne se prononcer que d'après un nombre fixe de témoignages complets, de simples dépositions faites par des esclaves, et qualifiées comme le fait l'ordonnance de 1685, n'auraient jamais suffi seules pour motiver un arrêt, même de simple mise en accusation.

Mais il est constant que cet article 30 de l'édit de 1685, contraire à la législation qui avait précédé, avait été modifié dès sa naissance par l'arrêt du conseil d'état du 13 octobre 1686, lequel avait ordonné que « sans avoir égard audit article, les esclaves n seraient reçus en témoignage, au défaut des. blancs, hormis » contre leurs maîtres. »

D'un autre côté, l'article 24 de l'édit du mois de mars 1724, portant règlement pour les esclaves de la Louisiane, ordonnait

* que Iesdits esclaves ne pourraient servir de témoins, à moins » qu'ils nefusssent témoins nécessaires, etc. »

H y avait donc variété dans la législation; et c'est pour la faire cesser qu'a été rendue l'ordonnance royale du 15 juillet 1738...

* à quoi voulant pourvoir par une même règle,.... le roi étant » en son conseil, sans avoir égard à l'article 30 de l'ordonnance » du mois de mars 1685, ordonne qu'au défaut de blancs les es-» » cïaves seront reçus en témoignage, hormis contre leurs maîtres.»

De ce premier exposé il résulte déjà que la Cour de Cayenne s'est étrangement méprise, même sur l'état de l'ancienne législation des colonies, et qu'elle est tombée en contradiction avec ellemême , en ce que, après avoir érigé comme point de doctrine que les dépositions des esclaves ne pouvaient, aux termes de l'art. 30

précité, servir que pour mémoire sans qu'il fût permis aux

juges d'en argumenter, elle a cependant discuté ces témoignages. En effet, en lisant la seconde partie de l'arrêt, on voit que ces dépositions y sont discutées, en vue d'y chercher des-contradi-c-


. ( 32 )'..

tions ou des nuances favorables au sieur Prus, ce qui n'était pas* permis dans, le système de l'arrêt.

Cependant, on ne peut pas scinder la capacité d'un témoin ; et puisque la Cour posait en principe absolu que l'esclave ne peut jamais être entendu comme témoin contre son maître accusé, elle ne pouvait pas plus chercher dans les dépositions des esclaves dé M. Prus des inductions favorables, qu'elle n'eût pu y chercher des: inductions contraires.

Mais poursuivons notre examen, et venons à la législation actuelle.

Il fallait appliquer le nouveau code d'instruction criminelle récemment publié dans nos colonies, et spécialement dans celle de la Guyane française par une ordonnance royale du 10 mai 1829.

En interrogeant les diverses dispositions de ce code, on voit que, bien loin de refuser aux esclaves le droit de porter témoignage en justice, il les met textuellement au rang des personnes qui pourront être entendues comme témoins. Ainsi l'article 33 dit que : « Le procureur du roi pourra appeler à son procès-verbal » les parens, voisins, domestiques ou esclaves, présumés en état » de donner des éclaircissemens sur le fait ; il recevra leurs dé» clarations, qu'ils signeront. »

L'article 49 donne le mêiïie droit aux officiers de police judiciaire; et l'article 75 est encore plus précis, lorsqu'il dit, en parlant

du. juge d'instruction : « II demandera aux témoins s'ils ap«

ap« à la population blanche, à celle des gens de cou» leur libres, ou s'ils sont esclaves; ( et particulièrement) s'ils «sont domestiques, esclaves, parens ou alliés des parties, etc. « Ainsi, règle générale, les esclaves peuvent et doivent être entendus dans l'instruction écrite, lors même que leur maître serait impliqué dans l'accusation.

• Et qu'on ne dise pas que, s'ils sont entendus, c'est comme simples renscignemens ; quand le Code veut qu'il en soit ainsi, il s'en explique formellement, comme on peut le voir par les articles 79 et 322.

Reste la question de savoir si les dépositions des esclaves, entendus comme témoins, peuvent faire preuve contre leurs maîtres, ou seulement contre des tiers, devant les tribunaux de répression. Nous disons devant les tribunaux de répression , à l'audience, lors du jugement définitif; car nous venons de voir que devant le juge d'instruction leur audition ne peut pas faire de difficulté.

A cet égard il faut distinguer entre les affaires correctionnelles ou de simple police et les accusations pour crimes.

II est très-vrai que, dans les matières de simple police,- l'art. 156 dit que " les esclaves ne pourront être entendus ni pour ni contre


( 33 ) » leurs maîtres, » et l'art. 189 déclare cette disposition applicable aux matières correctionnelles; on le conçoit, parce que, dans les matières de simple police et de police correctionnelle, qui sont de peu d'importance, et qui peuvent se présenter fréquemment, on n'a pas voulu mettre à chaque instant aux prises maître et l'esclave. Mais lorsqu'il s'agit de crimes, le grand intérêt social exigeait qu'on fît taire, devant ces graves considérations, des motifs d'un ordre moins élevé.

Voici, à cet égard, quelles sont les dispositions de l'art. 322 du Code d'instruction criminelle.

u Lés esclaves cités à charge ou à décharge ne.pourront être entendus pour ou contre leur maître qu'autant que l'accusé, le procureur-général et la partie civile y auront consenti. En cas d'opposition, la Cour, délibérant suivant le mode prescrit païl'art. 68 de notre ordonnance du 21 décembre 1828 sur l'organisation judiciaire, pourra ordonner qu'ils seront entendus. Dans ces deux cas, leurs déclarations ne seront reçues qu'à titre de ren's'eignemens, et sans prestation de serment.

» Lorsque, dans une affaire criminelle, la Cour aura juge'convenable de recevoir la déclaration de l'esclave pour ou contré sort maître, elle pourra, par une délibération prisé en chambre du conseil, exposer au gouverneur la nécessité qu'il y aurait que l'esclave sortit de la possession de son maître. Le gouverneur statuera en conseil privé, constitué conformément aux dispositions de l'art. 1C8 de notre ordonnance du 27 août 1828, sur la délibération de la Cour. Il ordonnera la vente de l'esclave, ' qui né pourra être acheté par les ascendans ou les descendans du maître de cet esclave. «

Disposition bien sage, conforme à celle des lois romaines , et bien justifiée dans l'espèce présente par le fait suivant, consigné dans l'interrogatoire de Madeleine. Après un assez long silence, le témoin s'est écrié : a Ah ! mon Dieu ! si je dis la vérité, je suis » perdue ! « — L'esclave Désir a dit également : « Je déclare qu'il >; est bien vrai qu'il faut que je dise la vérité; mais pourtant, si » je parle, je suis un nègre perdu! »

Que le code de 1829 ait voulu, par l'art. 322, établir un droit nouveau, tout-à-fait différent del'éditde 1685 et de l'ordonnancede 1738, c'est non-seulement ce qui résulté de la disposition textuelle de l'article que nous venons de rapporter ; mais c'est aussi ce qu'expliquent très-nettement les passages suivans , extraits dé la depêche ministérielle adressée , le 16 juin 1829 , à M. le gouverneur de la Guyane française , sous le titre d'instruction sur l'application dit code d'instruction criminelle a la Guyane française.

(Page 24 de la minute communiquée au procureur-général.) Criminel. 1831. N° 1er. 3


. ( 54 )

* Le président des assises pourra, dans les cas prévus, user de » son pouvoir discrétionnaire pour entendre toute personne sans » distinction de classes, s'il était nécessaire d'admettre les déclat> rations.des esclaves, qui le plus souvent sont les seuls témoins des

# crimes qui ont été commis. Toutefois l'on a. apporté à l'exercice *> du pouvoir discrétionnaire, en ce qui concerne l'audition de » l'esclave pour ou contre son .maître, une modification dont le » développement sera donné lorsqu'il s'agira de l'art. ,322. •?

(En effet, à la page 28, où il s'agit de l'art. 322, nous lisons ce qui suit) :

a Comme il pourrait arriver que les renseignemens que ces « esclaves auraient à donner fussent indispensables pour jeter du «jour sur les procès, l'art 322 veut qu'en cas d'opposition, la ,■>> Courait la faculté d'ordonner que ces dépositions seront reçues. » Cette dernière disposition apporte une amélioration sensible à la n législation coloniale , qui jusqu'ici s'était opposée à ce que l'esx clave fut entendu comme témoin pour ou contre son maître. Cette n qualité de témoin avait du lui être refusée dans le système de » l'ordonnance de 1670, où le juge ne se décidait point par I'en» semble du débat oral, mais par des témoignages comptés. Toute» fois il résultait de cette disposition de l'ancienne législation que v. des crimes commis sur des habitations par le maître, en présence » de ses esclaves seulement, et souvent même par son ordre ou v avec leur assistance, restaient impunis, ou que la justice n'ato teignait que l'instrument servile employé par le maître. II était i> important de mettre un terme à de semblables désordres. »

Voilà l'esprit dans lequel le nouveau code a été introduit dans les colonies : changement de la législation sur l'audition des esclaves, changement réclamé par la raison et l'humanité , et qui fait le plus grand honneur au ministre par les soins duquel il s'est ©péré. ( M. Hyde de Neuville. )

Cela posé, il est évident que l'arrêt de la chambre d'accusation a tout à-la-fois méconnu l'esprit et viole la lettre de cette législation ; jet cette violation ressort de la discussion de tous les motifs sur lesquels cet arrêt a essayé de s'appuyer.

1° Si l'art. 30 de l'édit de 1685, était applicable, il ne fallaitpas entrer dans l'examen des témoignages, et c'est pourtant ce qu'a l'ait l'arrêt, en vue d'y chercher , non la preuve du crime, mais la prétendue justification de l'accusé. La défense de l'édit était pérempteire, il refusait absolument aux esclaves le caractère de témoins.

2° Mais cet article 30 n'était pas la loi de la cause ; la Cour ne d«vait pas s'y référer, puisque cet article avait été abrogé par l'ancienne législation de 1686 et de 1738, II devait se renfermer dans l'application du nouveau code.


( 35)

•3° Appliquant ce nouveau code, la chambre d'accusation ne devait pas, comme elle l'a fait, méconnaître le droit que lui donnait ce code d'avoir égard aux dépositions des esclaves, même contre leur maître.

Pour étayer sa décision, l'arrêt dit : « qu'il y aurait de la con» tradiction , tandis que ces dispositions sont prohibées, même de» vant les tribunaux de simple police , à les admettre comme fon» démens d'un arrêt de mise en accusation , qui n'est point un n simple acte d'instruction , qui entraîne toujours une ordonnance » de prise de corps et des résultats de la plus grande gravité; que » si la dépêche ministérielle précitée, qui se tait sur ia question", » énonce sur une autre question que ce n'est qu'à l'audience, soit » du tribunal de police, soit de la chambre correctionnelle, soit » de la Cour d'assises, que les dépositions prennent un caractère v définitif, il est incontestable que les arrêts de mise en accusa». tion (contre lesquels le pourvoi en cassation est autorisé) s.ont » aussi définitifs sur' deux points : la mise en accusation et la prise » de corps. » '

Cette argumentation est vicieuse.

La question n'était point dans la comparaison entre les matières dé police et correctionnelles et les matières criminelles, puisque, foin de les assimiler ou de les confondre, lé code les distingue, en statuant diversement pour les unes parles articles'156 et 189, et pour les autres par l'article 322.

Mais fa chambre d'accusation devait considérer que,du moment que le Code, dans ses articles 33, 49 et 75 , permettait aux magistrats chargés de l'instruction d'entendre les esclaves comme témoins, même dans les accusations où leur maître était impliqué, elle avait incontestablement, aux termes des articles 221 et 231, le droit d'apprécier les charges qui en résultaient pour savoir s'il 1 y avait lieu ou non à accusation; car l'office des chambres d'accusation est de former leur conviction sur l'instruction écrite, de même que l'office des Cours d'assises est de former leur conviction' sur le débat oral. Si donc l'article 322 du Code d'instruction criminelle permet aux Cours d'assises de puiser leur conviction dans les témoignages des esclaves contré leurs maîtres, pour arriver à la condamnation de ceux-ci, comment les chambres d'accusation: pourraient-elles être privées du droit de chercher dans ces mêmes témoignages, recueillis en vertu des articles 33, 39 et 75, de siriK pies indices, des indices tels qu'ils suffisent pour mettre en état d'accusation ?

Sans cela, on peut dire avec raison que la chambre d'accusation ,, en méconnaissant son propre pouvoir, porterait préjudice au droit tics Cours d'assises, et rendrait impossible toute exécution de l'article 322,


( 36 ) ■En effet, comment veut-on que la Cour d'assises elle-même puisse user.de son droit d'entendre les esclaves, si la chambre d'accusation, qui seule peut saisir la Cour d'assises par un arrêt de renvoi, intercepte l'affaire, et rend tout débat ultérieur impossible, par le refu,s obstiné d'entendre, dans l'instruction, la déposition de ces mêmes esclaves, et croit qu'il lui est défendu d'y avoir égard et de s'en autoriser pour la simple mise en accusation '

Il est évident que la chanibre d'accusation doit chercher ses preuves partout où la Cour d'assises peut aller les chercher ellemême; et, comme nous avons vu que la Cour d'assises peut prendre des motifs de condamnation dans le témoignage des esclaves, il est donc dans l'esprit des articles 221 et 231 que la chambre d'accusasation puisse également y chercher des moyens de.conviction. Mais l'erreur de cette chambre vient de ce qu'au lieu de s'arrêter aux articles du nouveau code qui admettent le témoignage des esclaves, soit dans l'instruction écrite, soit même à la Cour d'assises, elles les a interprétés par l'article 30 de l'édit abrogé de 1685, qui défendait au contraire d'y avoir égard. EN RÉSUMÉ :

1° Les esclaves peuvent toujours être entendus dans l'instruction écrite (art. 3*3, 49 et 75 );

2° La conviction des chambres d'accusation doit se former sur les résultats de cette instruction (art. 221 et 231 ), et par conséquent prendre aussi sa source dans le témoignage des esclaves contre leur maître, pour autoriser la mise en accusation de ceux-ci; sauf à la Cour d'assises à décider elle-même si elle appellera ou non ces esclaves à répéter leurs dépositions devant elle, pour y chercher les preuves et indices nécessaires à la condamnation (art. 322 ).

D'où il suit que, par son arrêt aujourd'hui déféré à la Cour de cassation, la chambre d'accusation de la Cour royale de Cayenne a violé fes articles 33 , 49 et 75 , 221 et 23T du Code d'instruction criminelle, et fait une fausse application des articles 156, 189 et 322 du même Code.

Le procureur-général a le regret de ne pouvoir requérir la cassation d'un tel arrêt que dans l'intérêt de la loi (1). Et cependant tout espoir pour la justice n'est pas perdu ; car, aux ternies de l'article 246 du Code colonial, « l'inculpé à l'égard duquel la Cour royale s aura décidé qu'il n'y a pas lieu au renvoi à la Cour d'assises , peut » être repris s'il survient de nouvelles charges ; » et d'après l'article 247 « sont considérées comme charges nouvelles les déclarations » des témoins, pièces et procès-verbaux, qui, n'ayant pu être sou» mis à l'examen de la Cour royale, sont cependant de nature, soit

(1) Ordonnance du 21 décembre 1828, article 41, concernant l'administration de la justice à la Gi'yane française.


( 3? ] . ,

v à fortifierles preuves que la Cour avait trouvées trop faibles, soit » à donner aux faits de nouveaux développemens utiles à la maniv fesitation de la vérité. » Un seul témoin , muet alors, et qui parlerait aujourd'hui, suffirait donc pour rendre à la vérité son empire, à la justice toute son action : et l'on peut espérer ce résultat de la vigilance et de la fermeté du procureur-général du roi près la Cour royale de Cayenne, qui, dans cette affaire, a déployé un caractère et montré une sollicitude qu'on ne peut trop louer dans l'intérêt de la justice et de l'humanité.

CE CONSIDÉRÉ , nous requérons, pour LE ROI , qu'il plaise à la Cour,

Vu la lettre de M. le garde-des-sceaux du 8 janvier présent mois ;

Vu les articles 33 , 49 et 75 , 156 , 189 et 322 du Code d'instruction criminelle appliqué à la Guyane française par l'ordonnance royale du 10 mai 1829 ;

Vu l'article 41 de l'ordonnance du 21 décembre 1828 , sur l'organisation de l'ordre judiciaire et l'administration de la justice dans cette colonie, ledit article conçu en ces termes: "Les arrêts de la » chambre d'accusation pourront aussi être attaqués par voie de cas,•> s'ation, mais dans l'intérêt de la loi seulement ; »

CASSER ET ANNULLER, dans l'intérêt de la loi, l'arrêt rendu, le 19 mars 1830, parla chambre d'accusation de la Cour royale de Cayenne.

Fait au parquet, le 19 janvier 1831.

Signé DUPIN aîné.

LA COUR,

Ouï le rapport de M- de Ricard, conseiller, et les conclusions de M. Dupin, procureur-général :

Vu le réquisitoire ci-dessus ;

Vu les articles 33, 49, 75, }56, 189,221,231 et 322 de l'ordonnance royale du 10 mai 1829, portant application du Code d'instruction criminelle à la colonie de la Guyane Française ;

Attendu que ladite ordonnance a seule force de loi, depuis sa publication , pour régler la procédure criminelle dans ladite colonie;

Attendu qu'il résulte des trois premiers articles précités que le procureur du Roi, les officiers de police judiciaire et le juge d'instruction, procédant à l'instruction d'une poursuite criminelle , peuvent recevoir les déclarations des esclaves des parties, et que la chambre d'accusation ayant, aux termes des articles 221 et 231 , à rechercher, dans les informations ainsi faites, s'il y a des preuves ou indices assezgraves , et des charges suffisantes pour ordonner le renvoi devant la Cour d'assises et pour décerner ordonnance de prise de corps, il s'ensuit qu'elle ne peut, en droit, repousser les


( 38 ) , preuves, indices et charges résultant des déclarations faites par les esclaves des parties devant les magistrats instructeurs;

Que si, aux termes des articles 156 et 189 précités, les esclaves ne peuvent être entendus pour ou contre leur maître, devant les tribunaux de police et de police correctionnelle, sans que leur audition entraîne nullité, si personne ne s'y est opposé, cette prohibition n'existe pas pour les matières criminelles; qu'en effet, d'après l'article 322 de la même ordonnance; la Cour d'assises a le droit, nonobstant toute opposition, d'ordonner que les déclarations des esclaves des parties seront reçues à titre de renseignemens ; que si la chambre d'accusation, qui n'a à rechercher que des indices suffisans pour ordonner le renvoi à la Cour d'assises, ne pouvait s'arrêter à Ces déclarations, l'exécution de l'article 322 serait paralysée d'avance, et la répression des plus grands crimes deviendrait ainsi souvent impossible ;

Attendu que, néanmoins, la chambre d'accusation de la Cour royale de Cayenne a jugé, en point de droit, par l'arrêt attaqué; qu'elle devait écarter de la procédure écrite les déclarations de dix témoins, esclaves du prévenu Prus, par le motif que la loi s'opposait à ce qu'elle put y chercher des preuves, indices et charges propres à faire prononcer sa mise en accusation; en quoi ledit arrêta violé les articles 33, 49,75,221 et 231, et fait aine fausse application des articles 156 et 189 de l'ordonnance précitée du 10 mai 1829:

Par ces motifs, LA COUR casse et annulle, dans l'intérêt de la loi, l'arrêt rendu, par la chambre des mises en accusation de la Cour royaie.de Cayenne,le 19 mars 1830;

Ordonne qu'à la diligence du procureur-général, le présent arrêt sera imprimé et transcrit sur les registres de la chambre d'accusation dont l'arrêt vient d'être annulle.

Fait, jugé, &c. — Chambre criminelle. *

(N° 16.)' RÈGLEMENT DE JUGES, intervenu sur la demande dit Procureur-général à la Cour royale de Rouen, à fin de faire cesser le conflit résultant de deux décisions opposées émanant, l'une de la Chambre des mises en accusation de la susdite Cour royale qui a jugé que le vol a raison duquel MarieLouise Toussaint est poursuivie est de la compétence des Tribunaux correctionnels ; et'l'autre, de' la Chambre des appels de police correctionnelle de' là même Cour qui, au contraire, a décidé que ce" même vol est justiciable de la juridiction criminelle^

Du 27 Janvier 1831.

SUIT la teneur de l'arrêt :


( 39 ) '

Ouï M. Brière, conseiller, en son rapport, et M. Fféfeau de Pény, avocat-général, en ses conclusions;

Vu la requête du |)rocureur-général près la Cour royale de Rouen, déposée au greffé de la Cour le 19 de ce mois, tendante à ce qu'il soit réglé de juges dans le procès instruit au tribunal de première instance de Rouen, contre Marie-Louise Toussaint, prévenue de vol;

Vu l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de pre 1 mière instance de Rouen, sous la date du 20 septembre dernier, par laquelle Marie-Louise Toussaint est mise en état d'ordonnance de prise de corps, comme suffisamment prévenue d'avoir, le 10 août précédent, à l'aide d'effraction extérieure, soustrait frauduleusement deux couvertures de laine, au préjudice et dans la chambre des sieurs Marmion et Marchand, dépendant de la maison habitée du sieur Auvray, crime prévu par l'article 384 du Code pénal; comme aussi suffisamment prévenue d'avoir, le même jour, soustrait frauduleusement un drap de lit, au préjudice et dans le domicile de la dame Le Pillier, où elle était logée en garni, délit prévu par l'article 386 du Code pénal, modifié par l'article 3 de la loi du 25 juin 1824, et puni par l'article 401 du Code pénal;

Vu l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Rouen, du 2 5 septembre suivant, qui annulle ladite ordonnance de prise de corps, et renvoie ladite Toussaint en police correctionnelle, en état de mandat de dépôt, par le motif, qu'il n'y a pas d'indices suffisans que le vol commis au préjudice et Tdsîrs la chambre des sieurs Marmion et Marchand, ait été commis à l'aide d'effraction, et qu'il n'écheoit de statuer que sur deux vols simples, prévus parles articles 379 et 401 du Code pénal;

Vu le jugement correctionnel du tribunal de première instance de Rouen, rendu le 26 octobre 1830, par lequel il se déclare incompétent, par le motif que, relativement au vol des deux couvertures de laine, il résulte des dépositions des témoins que la porte de l'appartement où étaient déposées les deux couvertures était fermée à clef; que le vol n'a été commis qu'en forçant, à l'aide d'un ferrement, la gâche de la serrure, et en écartant ainsi le pêne de cette serrure, et que ce vol, ainsi caractérisé, emporterait peine afflictive et infamante ;

Vu l'arrêt de la chambre des appels de police correctionnelle de la Cour royale de Rouen, rendu le 20 novembre, lequel, et statuant sur l'appel de Marie-Louise Toussaint, confirme ledit jugement d'incompétence, par les mêmes motifs, en y subjoignant deux circonstances : que la porte portait l'empreinte du ferrement à l'aide duquel la gâche de la serrure avait été forcée et le pêne écarté, et que ce dernier ne pouvait plus rentrer dans la gâche ;


< 40 )

Attendu que l'arrêt de la chambre des mises en accusation et celui de le chambre des appels de police correctionnelle, non attaqués en temps de droit, ont acquis l'un et l'autre l'autorité de la chose jugée; qu'il résuFte de ce conflit négatif une suspension du cours de la justice qu'il importe de faire cesser ;

■ Vu les articles 525 et suivans du Code d'ins'tructioii criminelle, sur les réglemens de juges; ' Vu les articles 384, 381 , n 09 4 et 393 du Code pénal;

Attendu que les circonstances recueillies comme résultant des débats dans le jugement de première instance, et l'arrêt correctionnel susmentionnés, carractérisent l'effraction telle qu'elle est définie par ^article 393 du Code pénal;

Statuant sur la demande en règlement de juges, du procureurgénéral près la Cour royale de Rouen :

LA COUR , sans s'arrêter à l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour royale de Rouen, du 25 septembre 1830, qui sera considéré comme non avenu, renvoie les pièces du procès et Marie-Louise Toussaint, en l'état qu'elle est, devant la chambre des mises en accusation de la Cour royale d'Amiens, pour être statué conformément à la loi sur l'ordonnance de prise de corps, décernée le 10 du même mois par le tribunal de première instance de Rouen, contre ladite Toussaint, et au cas de prévention jugée suffisante relativement au vol des deux couvertures de laine ci-dessuS énoncé, régler la compétence sur ledit vol, d'après les articles 384, 381, nos 4 et 393 du Code pénal;

Ordonne &c. — Ainsi jugé et prononcé &c. — Chambre criminelle.

Au bas de chaque expédition est écrit : Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis, de mettre le présent arrêt à exécution ; à nos procureurs généraux et à nos procureurs près les tribunaux de première instance d'y tenir la main ; à tous commandans et officiers de la force publique d'y prêter main forte, lorsqu'ils en seront légalement requis. En foi ' de quoi le présent arrêt a été signé par le premier président de la Cour et par le greffier. Signé Cte PORTALIS,premier président; LA PORTE, greffier.

CERTIFIÉ conforme par nous Garde des sceaux de France, Ministre Secrétaire d'état au département de la justice,

Signé BARTHE. À PAIUS, DE L'IMPRIMERIE ROYAI-E.—Octobre 1831.