Musées et Monuments
DE FRANCE
LES FAÏENCES FINES DE LORRAINE ET DU PONT-AUX=CHOUX au Musée des Arts Décoratifs
(PLANCHE 5.)
LE Musée des Arts décoratifs a acquis récemment une pièce importante en faïence fine de Lorraine qui vient augmenter de la façon la plus heureuse une série déjà riche en productions de cette céramique appelée aussi « terre de pipe ».
Cette soupière, reproduite ci-contre, est à couverte blanc jaunâtre; le corps, de forme oblongue, est porté par quatre pieds en crossettes. Ceux-ci se rattachent à la panse, largement modelée, d'un côté par deux consoles en relief terminées par des têtes de femme, de l'autre par un motif de rocailles et d'acanthes formant aux extrémités deux crochets reliés par des guirlandes fleuries. Le couvercle, décoré de festons, est surmonté d'un trophée de chasse, bécasse et lapin, liés par les pattes à une tige d'artichaut qu'accompagnent des plantes potagères, une écrevisse et une anguille.
Cette ornementation, d'une opulence un peu lourde, très semblable à celle qui orne des pièces de céramique sorties au xvin" siècle des fabriques de faïence de l'est de la France, se relie avec vraisemblance au mouvement artistique que le goût très personnel du roi Stanislas suscita en Lorraine pendant les vingt-huit années d'un règne pacifique, consacré uniquement aux embellissements de Nancy, sa capitale, et de ses nombreux châteaux.
Dès 1749, Jacques Chambrette fabriquait à Lunéville, sous la protection royale, de la faïence fine et de la « terre de pipe », c'est-à-dire, au point de vue technique, un composé de cailloux frettés et d'argile
blanche. Il employait des artistes comme PaulLouis Cyffié, le créateur de tant de charmantes figurines, Richard Mique qui, en 1773, viendra à Versailles comme intendant des Bâtiments du roi et que Marie-Antoinette occupera aux travaux de Trianon. Chambrette fonda à Saint-Clément une nouvelle fabrique de faïence et vit, en 1768, Cyffié son ancien collaborateur devenir son concurrent et obtenir par un arrêt du conseil d'Etat et par lettres patentes délivrées par le roi Louis XV, le privilège de cuire ou de faire cuire pendant quinze ans de la vaisselle supérieure à celle de la terre de pipe, sansêtre porcelaine, et qui serait nommée terre de Lorraine, comme aussi de la faïence commune et ordinaire, en employant la terre de pipe.
Les pièces de faïence fine sorties de ces diverses fabriques ne sont pas marquées, et, si l'on veut en tenter la classification, il faut se borner à les grouper d'après certaines analogies d'émail et de décor.
La collection de M. G. Papillon, l'érudit conservateur du Musée de Sèvres, nous montre telle assiette marquée, sortie des ateliers de.Niederwiller, dont le marli porte en relief des côtes de céleri reliées par les mêmes guirlandes qui ornent la soupière décrite plus haut ; une assiette, une soupière décorée à ses extrémités de hures de sangliers, un huilier en forme de bateau en faïence fine nous offrent, au Musée des Arts, décoratifs, les mêmes ornements ; enfin nous relevons dans les modèles de la fabrique de Niederwiller les profils
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