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à un mouvement d'une si haute portée. Si je m'adresse enfin à vos intérêts, oui, à vos seuls intérêts, je dis, j'espère fermement que vous recueillerez, en services plus fidèles, en travail meilleur, en sécurité, des compensations surabondantes à vos sacrifices.
Et puis, quand j'ai achevé ce discours, je me retourne vers les radicaux du Travail, qui sont là défiants, ombrageux, toujours prêts à croire qu'on les trahit quand on ne les flatte pas, quand on ne les excite pas contre le Capital, n'écoutant volontiers que les rhéteurs qui les flattent, et je leur dis : Non, je ne vous trahis pas. Je cherche à vous apaiser, non à vous endormir. Je m'efforce d'augmenter votre bien-être matériel et de relever votre dignité morale progressivement, dans la mesure du possible, en substituant des réalités pratiques aux vaines chimères des utopistes et aux déclamations des rhéteurs. N'est-il pas vrai que les trois grands fléaux de l'ouvrier, les trois sources de la misère sont le chômage, la maladie et l'intempérance? Je travaille à combattre ces trois fléaux, par un moyen aussi simple qu'efficace, en vous donnant la stabilité de l'emploi, que l'intempérance vous ferait perdre sans doute, mais dont la maladie n'interromprait pas le salaire mensuel. N'est-il pas vrai qu'un trop grand nombre d'entre vous roulent dans les garnis et les tavernes sans domicile et sans foyer? Je travaille à vous permettre d'avoir, tous, les honnêtes joies de la famille. N'est-il pas vrai que vous souffrez d'avoir à manier vos outils le dimanche, tandis que les bourgeois se délassent? Je travaille à vous donner, comme aux bourgeois, le repos, la liberté du dimanche, sans qu'un jour de moins soit décompté sur votre salaire mensuel. C'est beaucoup, ce n'est pas tout. Mon but final, c'est de vous amasser à tous, sans rien prélever sur vos salaires, une épargne, un patrimoine; c'est de faire de vous tous des capitalistes, par les libéralités intelligentes du Capital qui vous emploie. Il y faut du temps, de la suite, de la persévérance : cela ne se fait pas en un jour. Ce n'est pas en un jour que la graine devient arbre. Comprenez seulement qu'il faut respecter l'arbre, c'est-à-dire le Capital, si vous voulez pouvoir recueillir sa graine. En l'abattant . clans un moment d'impatience et d'envie, en débitant l'arbre •pour vous partager ses débris, vous vous chaufferez un jour, le lendemain vous n'aurez plus que des cendres.
N'est-il pas vrai aussi que dès que l'un de vous est propriétaire de quelque chose, ne fût-ce que de ses outils, il sent aussitôt que la propriété est inviolable et sacrée, et que celui qui prendrait ses outils est un voleur? Avec quelle passion le paysan, propriétaire de quelques sillons, est jaloux do la propriété de ses sillons! Quand vous serez devenus capitalistes, vous aurez cotte passion jalouse non plus du bien d'autrui, mais du vôtre. Comprenez donc, encore une fois, combien le Capital est respectable. Gardezvous de l'attaquer, défendez-le plutôt, songez que vous le posséderez un jour.