18e ANNEE (2e Semestre) N° 911
9 DÉCEMBRE 1900
SOMMAIRE
Chronique Politique.
Notée de la Semaine : Krüger et Guillaume II Le Bonhomme CHRYSALE
Questions du Jour : La Gaieté des Jeunes Gens HENRY FOUQUIER
Fantaisies Parisiennes : Le Crime de
la rue X ALFRED CAPUS
Les Echos de Paris : Napoléon Ney.— Assassins délicats.— Enchères à l'Exposition. — Une nouvelle profession. — « Jeune » et « Jeunesse ». — Homonymes et Sosies. —Le Breyet supérieur. — Enfant prodige. — Notre Numéro de « Noël » SERGINES
Scènes et Types de l'Exposition : Les Deux Carillonnenrs........... ADOLPHE BRISSON
Poésie : A Krüger..... EDMOND ROSTAND
Causerie Théâtrale : Jugement sur
« Hernani » FRANCISQUE SARGEY
Bulletin Théâtral : « Mademoiselle George » ; « la Bourse on la Vie »
Pages Oubliées: Souvenirs sur Mlle George ........ ALEX. DUMAS PÈRE
Analyses Littéraires : L'Amour des beaux Livres ..... ANATOLE FRANCE
Bulletin des livres Nouveaux...... A. B.
— Les Portraits artistiques... EUGÈNE DELVAL
Mouvement Scientifique : Le Vin au
poids... HENRI DE PARVILLE
Actualités Scientifiques : La Mission
Foureau-Lamy... . XXX
— Souffantes de la Mission... FERNAND FOUREAU
Roman : Tata (suite) JEAN AICARD
Livres Nouveaux de la Semaine......
Petit Courrier ... GEORGES DERVILLE
SUPPLÉMENT ILLUSTRÉ
LES GLOIRES. DU,THÉÂTRE : Mademoiselle George, dans le rôle, de Clytemnestre ; Rôle d'Iphigénie : Mlle Bourgoin.
LES BOERS A PARIS : Maquette du monument de Villebois-Mareuil.
LA MISSION FOUREAU-LAMY : Portrait de M. Foureau. — Souvenirs de sa Mission (cinq photographies).
MUSIQUE : La Basoche. Paroles de ALBERT CARRÉ; musique de ANDRÉ -MESSAGER.
CHRONIQUE POLITIQUE
Paris a fait au président Krüger des adieux dont il gardera le souvenir. Le vieillard était Venu dans un triomphe; c'est en pleine apothéose qu'il est parti.
Une semaine d'acclamations, loin de diminuer l'enthousiasme, le surexcitait, bien au contraire, et ce fut, de l'hôtel Scribe à la garé du Nord, comme à son arrivée, une suite ininterrompue d'ovations, de démonstrations plus chaleureuses les unes que les autres. La voiture qui l'emportait marcha un instant sur une véritable litière de fleurs. A la gare du Nord les quais étaient trop étroits pour contenir l'immense foule de ceux qui avaient tenu à le saluer une dernière fois.
Des milliers et des milliers de mains se tendaient vers lui dans un même geste
d'espoir; les bouches criaient, sans se lasser, la même espérance.
L'instant de son départ fut le signal d'une acclamation presque furieuse où dominait ce cri : « Arbitrage! arbitrage! » qui résume toutes les. espérances et dépassa peut-être, en la circonstance, le caractère d'un simple voeu.
Des étudiants ayant entonné là Marseillaise, la foule voulut en répéter aussitôt le refrain, et ce fut dans la belle clameur rythmée du chant national que partit le président.
Pauvre oncle Paul ! Il se rappellera toujours ces quelques minutes de dernier tête-à-tête avec la plus généreuse des foules. Aussi bien les a-t-il lui-même, dans ses remerciements, qualifiées d'inoubliables.
Il ne put maîtriser son émotion. Ses adieux, les mots où il disait sa gratitude, son retour à l'espérance, furent coupés de larmes.
Et ce n'est pas seulement Paris qui l'a acclamé. Le Parlement a voulu s'associer, avant son départ, au sentiment général. La Chambre et le Sénat lui ont Voté, à l'unanimité, une adresse de respectueuse sympathie.
Nos voisins d'Angleterre déclarent qu'il y a là un acte antiamical ; mais vraiment ils exagèrent, le sentiment national les égare. On peut, nous le répétons, être l'adversaire d'une politique sans être, pour cela, l'ennemi du pays qui la tolère.
Pendant son séjour parmi nous, le président du Transvaal n'a cessé d'être traité en chef d'Etat.
M. Loubet lui a rendu ses visités dans
les délais fixés parle protocole. A la première
première à la dernière minute, il lui
a longuement et affectueusement serré
la main.
Cette poignée de main, que le gouvernement a encore soulignée en promulguant les Actes de la Conférence internationale d'arbitrage tenue à La Haye, est, en regard d'autres gestes infiniment moins virils, tout à l'honneur de la République.
On sait déjà que l'empereur d'Allemagne refuse de voir l'avocat du peuple boer. Il lui a fait savoir à Cologne, au moments où il partait pour Berlin, que des arrangements pris ne lui permettaient pas de le recevoir.
L'acte impérial n'a pas autrement surpris, d'ailleurs. Le nouveau chancelier ne déclarait-il pas, dernièrement, que l'Allemagne ne voulait être la providence de personne? et ne sait-on pas, n'a-t-on pas deviné que le souverain allemand est trop intéressé dans le conflit où s'enlizent la puissance militaire et la force économique de l'Angleterre, pour en hâter le règlement?
Mais à Berlin et dans toute l'Allemagne, où l'enthousiasme est au moins égal au nôtre, on ne dissimule pas ses regrets. On eût souhaité, tout au moins, plus de déférence envers un vieillard trois fois sacré: par l'âge, par le courage et par le malheur.
Quant au président Krüger, il ne pouvait que s'incliner. Il a reçu le coup avec son stoïcisme habituel, et s'est immédiatement tourné vers la jeune reine Wilhelmine, et lui a demandé de le recevoir.
La jeune souveraine n'a d'engagements qu'avec sa conscience. Elle s'est déjà fait une belle place dans l'Histoire en envoyant le Gelderland prendre le même chef d'Etat à Lourenço-Marquès : elle ne voudra pas, elle n'a pas voulu la perdre. Le président doit être, actuellement, son hôte choyé et sacré.
Et qui sait? Cette main d'enfant couronnée est celle, peut-être, qui inspirera aux souverains le geste, tant attendu. La justice et le droit eurent, du moins, de plus fragiles instruments.
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La proposition d'adresse au président boer a soulevé, à la Chambre, un assez vif débat. Le gouvernement a refusé de s'expliquer sur le droit d'arbitrage que lui confère l'Acte de La Haye. On lui a reproché d'avoir moins de courage que les ministres du roi Louis-Philippe, et d'oublier que Casimir-Perier ne craignit pas de s'expliquer, en plein Parlement, sur la médiation de l'Europe dans les affaires de Pologne.
La suite de l'interpellation Vigne d'Octon, sur le drame de Zinder, et sur l'administration du général Gallieni à Madagascar, a pris elle-même une grande vivacité. On en a fini avec le douloureux épisode soudanais; le ministre des colonies a demandé à l'Assemblée de faire l'oubli surVoulet et Chanoine; mais le débat au sujet de Madagascar continue. Il est à peu près certain, d'ailleurs, que le général Gallieni sortira entièrement lavé des accusations dont il est l'objet. Loin d'encourager les abus que l'on disait, ce serait lui, au contraire, qui les aurait signalés au gouvernement.
Le budget fait toujours salle vide et les réformes salle comble. L'alcool, le bouillage donnent lieu à des discussions homériques, qu'il faudrait raconter, et que nous analyserions au moins, sans la foule des événements quotidiens. C'est déjà avec peine que nous enregistrons le voté de la fameuse surtaxe de 22 francs par hectolitre d'alcool.
L'Assemblée a tranché la question des bureaux de placement. Trancher est le vrai mot; si le Sénat n'y met ordre, les agences de placement n'auront plus que