CHANT X. 249
Et l'île de ses champs prodigue les trésors
Aux enfants de Lusus prêts à quitter ses bords.
Avec eux au départ leurs épouses charmantes
S'empressent, leur jurant, immortelles amantes,
De partager leur sort même au-delà des temps
Où Phoebus éteindra ses rayons éclatants.
Ils s'élancent; le ciel est pur et sans menace;
Au souffle du zéphir ils volent dans l'espace,
Et de leur beau pays, doux objet de leurs voeux,
Les rivages enfin se montrent à leurs yeux.
Ils ont revu le Tage et son onde chérie,
Et, modestes guerriers, à leur noble patrie,
Au roi qu'elle révère ils se hâtent d'offrir
L'honneur que leurs exploits viennent de conquérir.
Assez, ô Muse, assez. Suspends ton harmonie. Ma lyre est détendue et ma tâche est finie; Ma voix n'a plus d'accords. Pour qui chanter? hélas! Pour des barbares sourds, pour un peuple d'ingrats. Mon pays est couvert d'un voile de tristesse. Les arts sont impuissants à flatter sa rudesse. Sombre, silencieux, l'avare Portugais Au seul amour de l'or se livre désormais. Quelle fatalité, dégradant son courage, Même au sein de la paix bannit de son visage Cet air de fierté noble et de sérénité Que dans les champs de Mars il a toujours porté ! Et cependant, ô roi qu'à la Lusitanie Accorda du Très-Haut la clémence infinie, Est-il dans l'Univers un peuple qui jamais Ait en gloire, en vertus surpassé tes sujets ?