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Titre : L'Indo-Chine française Cochinchine-Cambodge-Annam-Tonkin, par L. Faque,... 2e édition, mise à jour jusqu'en 1910

Éditeur : F. Alcan (Paris)

Date d'édition : 1910

Contributeur : Faque, L. Fonction indéterminée

Sujet : Cambodge (+* 1863......- 1953......+ :1863-1953 :)

Sujet : Cochinchine (Vietnam)

Sujet : Cambodge

Sujet : France -- Colonies

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb341375014

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : In-32, 185 p.

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Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique

Description : Collection numérique : Protectorats et mandat français

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5842957j

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK10-553

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 31/05/2010

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L'INDOCHINE

FRANÇAISE

COCHINCHINE - CAMBODGE— ANNAM — TONKIN

L. FAQUE

Ancien o ficier du commissariat de la Marine

DEUXIEME EDITION MISE A JOUR JUSQU'EN 1910.

PARIS

FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

LIBRAIRIES FÉLIX ALCAN ET GUILLAUMIN RÉUNIES 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIM, 108

Tous droits de traduction et de reproduction reserves.


Carte de l'Indo-Chine française.


L'INDOCHINE

FRANÇAISE

COCHINCHINE — CAMBODGE — ANNAM — TONKIN

PREMIERE PARTIE

LA COCHINCHINE FRANÇAISE

CHAPITRE PREMIER

HISTOIRE ET CONQUÊTE

L'empire d'Annam ne fut, jusqu'au Xe siècle, qu'une dépendance de la Chine. A partir de cette époque, deux maisons, celles des Ly et des Trinh, se partagèrent le pouvoir, sous le protectorat de la Chine jusqu'au XVe siècle.

En 1428, Lê-Loi, qui fonda la dysnastie des Lê, monta sur le trône et réussit à affranchir l'Annam de la domination chinoise. Les Annamites hahi-


taient alors le Tonkin actuel, qui s'appelait BatKi ou pays du Nord et qui s'étendait jusqu'au cap Lay, un peu au nord de Hué. La Cochinchine française, qui s'appelait Nam-Ki ou pays du Sud, s'étendant jusqu'au Cambodge actuel, était occupée par la nation tsiampsoise, tributaire du roi de Cambodge.

Vers le milieu du XVIe siècle (1370), Taoï-Cong, qui appartenait à la dynastie des Lê, s'empare de Hué et des pays environnants et s'y établit pendant que Trinh, son parent, conserve la domination du Tonkin. Il prend le titre de roi sous le nom de Tien-Nguyen, fait la guerre aux Tsiampois et les refoule vers le sud.

En 1638, à la suite d'une violation de territoire, la guerre éclate entre le Cambodge et l'Annam. Le roi du Cambodge, battu et fait prisonnier, n'est mis en liberté qu'à la condition de se reconnaître vassal de l'empereur d'Annam et de lui payer régulierement le tribut. Quelques années plus tard, battu de nouveau par les Annamites, qui envahirent la basse Cochinchine, il est forcé de se réfugier à Oudong, abandonnant aux vainqueurs, qui s'y établissent définitivement, tout le pays qui forme la Cochinchine actuelle. Saigon devint la résidence du viceroi. La race annamite ne tarda pas à se substituer complètement à celle des anciens habitants.


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En 1772 éclate la guerre entre l'Annam et le royaume de Siam. Malgré quelques succès rapides, les Siamois, repoussés et forcés de conclure la paix en 1774, évacuèrent les provinces d'Hatien et de Chaudoc, qu'ils avaient réussi à conquérir.

A. la même époque éclate la révolte des Tay-Son. Les trois frères Nguyen-Van-Mhac, Nguyen-VanBinh et Nguyen-Van-Hué, originaires des montagnes de l'ouest ou Tay-Son (d'où vient le nom du parti), exploitèrent à leur profit les dissensions qui existaient entre la dynastie des Lê qui continuait à régner au Tonkin et celle des Nguyen qui régnait à Hué. Ils réussirent à soulever le royaume, s'emparèrent de la citadelle de Qui-nhon et furent bientôt maîtres de Hué.

Le roi de Hué, Diue-Tôn, parvint à s'échapper par mer avec son fils The-Tô ou Nguyen-Anh et se réfugia à Saigon. Mais les rebelles l'y poursuivirent, le firent prisonnier et le mirent à mort en 1779. Le pays est alors, pendant plusieurs années, en proie à l'anarchie et aux guerres civiles.

Nguyen-Anh, qui avait réussi à échapper au massacre et qui régna plus tard sous le nom de Gia-Long, essaya alors de reconstituer son royaume Le dernier des Lê étant mort après avoir abdiqué au profit d'un des frères Tay-Son, il se trouvait


être le dernier des Nguyen et, par suite, le seul héritier légitime du trône d'Annam. C'est à partir de ce moment que commencent nos relations avec l'extrême Orient, où nous n'étions connus jusque-là que par nos missionnaires. Découragé par plusieurs tentatives malheureuses, Nguyen-Anh allait renoncer à remettre la main sur ses États, lorsqu'un vicaire apostolique, Pigneau de Béhaine, évêque d'Adran, lui proposa de partir pour la France avec son fils aîné Canh-Dzué et de négocier en son nom, avec le roi Louis XVI, une alliance offensive et défensive. Le roi de France, séduit par les avantages que pouvait offrir, pour notre commerce et notre marine, une alliance avec l'Annam, accueillit favorablement les propositions de Nguyen-Anh. Grâce à l'activité et à la persévérance de l'évêque d'Adran, les négociai ions furent menées rapidement, et le 28 novembre 1787 fut signé à Versailles un traité aux termes duquel l'empereur d'Annam concédait à la France la souveraineté de la baie de Tourane et de ses dépendances et l'archipel de Poulo-Condore ; il assurait, dans ses États, le libre exercice de la religion chrétienne et la liberté du commerce; nos navires étaient admis en franchise dans tous les ports de l'empire d'Annam, à l'exclusion de ceux des autres nations. En échange de ces concessions,


la France s'engageait à soutenir l'empereur pour l'aider à rentrer en possession de son trône et devait fournir, dans ce but, un subside de 300 000 piastres, un corps de débarquement d'environ 1500 hommes, de l'artillerie et des munitions. Les rois de France et l'empereur d'Annam prenaient en outre l'engagement réciproque de se venir en aide en cas de guerre dans l'extrême Orient.

La Révolution française arriva sur ces entrefaites et vint, malheureusement, empêcher la France d'exécuter sa part de ce traité, qui pouvait être si profitable à notre politique coloniale. Il reçut cependant un commencement d'exécution. L'escadre promise partit avec l'évêque d'Adran et fit voile pour Pondichéry, où elle devait prendre le gouverneur, comte de Conway, à qui était dévolue la direction des opérations. Loin de favoriser cette entreprise, le comte de Conway fit, au contraire, tout ce qui était en son pouvoir pour la faire échouer.

Sans se décourager, l'évêque d'Adran, qui avait à coeur de mener sa tâche jusqu'au bout, fréta deux navires marchands, les remplit d'armes et de munitions et engagea des officiers, des médecins, des ingénieurs et des volontaires de la colonic. Chaigneau, Dayot, Vannier, Ollivier, de Forçant, Le


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Brun, Barizy, etc., l'accompagnèrent; ils sont restés populaires dans le pays.

L'arrivée des Français fut un événement en Annam et le parti de l'empereur y gagna d'autant plus que celui des frères Tay-Son se trouvait affaibli par suite de dissensions intestines.

L'armée et la flotte furent réorganisées sous la direction des officiers et des ingénieurs français. On construisit des citadelles et des navires de guerre, pendant que des instructeurs militaires instruisaient l'armée à l'européenne.

Nguyen-Anh put enfin entrer en campagne. Il marcha sur Saigon, dont il s'empara en 1790. Eu 1796, il s'empara également de Hué, puis, en 1812, il entrait à Hanoi et était maître du Tong-King. Il avait ainsi réussi à reconstituer en quelques années le royaume de ses ancêtres. Sa domination s'étendait des frontières de la province chinoise de Quang-Si à celles du royaume de Siam.

Prenant alors, sous le nom de Gia-Long, le titre d'empereur du Tonkin et de la Cochinchine, il montra, comme monarque, des qualités gouvernementales qu'on n'est pas habitué à rencontrer chez les princes asiatiques. Il entreprit de vastes travaux de canalisation, fit construire la route qui met la Chine en communication avec le Cambodge, revisa


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et améliora le code annamite et procéda à la réorganisation administrative qui sert encore de base à notre administration actuelle. L'évêque d'Adran l'aida de ses conseils et le seconda courageusement dans celte tâche.

Gia-Long se montra reconnaissant envers ses libérateurs. Il les combla d'honneurs et de richesse.

Il fit, de l'évêque d'Adran, son principal conseiller et le précepteur de son fils. Sa reconnaissance dura tant que celui-ci vécut; à sa mort, en 1799, il lui fit faire de magnifiques funérailles et lui fit élever, dans les environs de Saigon, un mausolée qui existe encore et qui, en 1861, a été déclaré propriété nationale.

A partir de ce moment la fortune de nos compatriotes changea de face et l'empereur d'Annam devint aussi ingrat qu'il s'était montré reconnaissant dans le principe. En 1818, le roi Louis XVIII envoya à Tourane la frégate la Cybele; le comte de Kergariou, qui la commandait, fut chargé de renouer les relations politiques avec l'Annam. GiaLong le reçut avec honneur, mais, n'ayant plus besoin de la France, il se montra oublieux de ses engagements antérieurs, opposant à nos avances la non-exécution, de notre part, d'une partie du traité du 28 novembre 1787. Il mourut en 1820.


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Son fils Minh-Mang lui succéda (1820 à 1841). Avant de mourir, Gia-Long, effrayé des progrès des Anglais dans l'Inde, lui avait conseillé de se défier de l'influence des Européens. Le nouveau roi abusa de ces recommandations pour écarter systématiquement du pouvoir les collaborateurs de l'évêque d'Adran, qui, à la suite de vexations de tous genres, finirent par revenir en France. Ils n'eurent pas plus tôt quitté le pays que Minh-Mang en interdit l'accès à tous les Européens. Il fit ensuite périr dans les tortures les plus cruelles plusieurs missionnaires français et espagnols et un grand nombre d'Annamites qui avaient embrassé la religion catholique. .

Sous le règne de son fils Thieû-Tri (1841 à 1847) les persécutions continuèrent. D'un caractère plus craintif et moins énergique que son père, il consentit a remettre en liberté plusieurs missionnaires qui avaient eté internés à Hué et condamnés à être décapités En 1847 il se montra plus rebelle à nos justes réclamations et essaya de surprendre, dans la baie de Tourane, les navires français la Gloire et la Victorieuse, qui, sous les ordres du capitaine de vaisseau Lapierre, y étaient venus dans un but de protection. Le commandant Lapierre déjoua celte tentative, attaqua les fort, fit subir aux Annamiles des pertes considérables et détruisit leur


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flotte, coulant et incendiant leurs navires. Ce succès de nos armes fut le signal d'un redoublement de ligueurs dont les indigènes chrétiens eurent surtout à souffrir.

A la mort de Thieû-Tri, la couronne revenait de droit à son fils aîné Hoang-Bao; mais Tu-Duc, son second fils, s'en empara. Hoang-Bao essaya de résister, fut vaincu, fait prisonnier et enfermé dans une prison, où il se suicida.

l'u-Duc (1837 à 1883) continua les persécutions contre les chrétiens, mettant à prix les têtes des missionnaires et condamnant à la peine capitale ou à la torture ceux qui étaient soupçonnés de leur donner asile. En 1836 l'empereur Napoléon III chargea M. de Montigny de présenter nos réclamations à la cour de Hué. Il fallut recourir à la force pour décider les mandarins de Tourane à transmettre nos représentations à l'empereur d'Annam, qui répondit d'une façon évasive. L'année suivante Mgr Diaz, évêque espagnol, vicaire apostolique du Tonkin, fut mis à mort et décapité. Les cabinets des Tuileries et de l'Escurial, à bout de patience, résolurent d'unir leurs efforts pour mettre fin aux persécutions dont les missionnaires français et espagnols étaient victimes.

L'amiral Rigault de Genouilly, qui commandait la


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division navale des mers de Chine, prit le commandement des forces coalisées et se dirigea sur la baie de Tourane, où il arriva le 31 août 1858. Le 1er septembre, dès l'aube, l attaque commença. Les forts démantelés furent bientôt réduits au silence, et le lendemain nous étions maîtres de Tourane et de tout le pays environnant. La marche sur Hué semblait tout indiquée, et nous pouvions, en nous emparant de la capitale, contraindre les Annamites à traiter et à accepter des conditions avantageuses pour nos armes.

Mais la barre qui obstrue l'embouchure de la rivière de Hué en interdit l'entrée à nos navires, et les forces dont disposait l'amiral lui parurent insuffisantes pour poursuivre son succès dans un pays dont les moyens de communication nous étaient à peine connus ; il préféra donc se maintenir simplement à Tourane, dont les Annamites essayèrent vainement de le déloger.

Les fièvres et la dysenterie firent ce que n'avait pu faire l'ennemi. L'amiral quitta Tourane le 2 février 1859, après y avoir laissé une petite garnison, et fit route pour Saigon, où il était décidé à s'établir. Il entra dans la rivière de Saigon le 7 février et détruisit successivement les forts qui défendaient l'entrée de la ville, dont il s'empara le 17 février.


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Pendant ce temps les Annamites essayaient de reprendre Tourane. L'amiral Rigault de Genouilly laissa Saigon sous les ordres du commandant Jauréguiberry et courut au secours de la garnison de Tourane. A son arrivée les Annamites, pris de peur, demandèrent à traiter. Les négociations traînant en longueur, l'amiral reprit les hostilités, détruisit les ouvrages dont l'ennemi avait entouré la place et dégagea complètement la ville. Puis, étant arrivé au terme de son commandement, il rentra en France et fut remplacé par l'amiral Page.

La guerre d'Italie n'avait pas permis d'envoyer des renforts dans l'extrême Orient ; l'expédition de Chine vint encore aggraver la situation et nous empêcher d'organiser le pays conquis. Il fallut mettre à la disposition du corps expéditionnaire tous les contingents disponibles.

Dans ces conditions, il était nécessaire de concentrer toute notre action sur la basse Cochinchine, et nous ne pouvions songer à conserver Tourane ; l'évacuation en fut donc résolue.

Au mois de mars 1860, l'amiral Page partit pour

la Chine, laissant à Saigon 700 hommes de troupes,

deux corvettes et quatre avisos, sous le commandement

commandement capitaine de vaisseau Dariès et du colonel

espagnol Palanca y Guttierez.


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Avec des forces aussi restreintes, la situation était des plus critiques. Tu-Duc ne l'ignorait pas et résolut d'en profiter. Il envoya contre nous le plus habile de ses officiers généraux, le maréchal Nguyen-Tn-Phuong, avec ses meilleures troupes.

Saigon est bâtie sur le Donnai, au confluent de ce fleuve avec l'arroyo 1 Chinois et celui de l'Avalanche. La défense en était rendue difficile par suite de la nécessité de conserver la ville de Cholon, qui est située à environ six kilomètres de Saigon, dont elle n'est, en réalité, qu'une annexe. Nos soldats réussirent cependant à conserver leurs positions pendant près d'une année. Ils tinrent bravement tête aux troupes annamites, qui s'étaient fortifiées dans la plaine des Tombeaux, à l'ouest de Saigon, et y avaient établi des lignes de circonvallation fortifiées présentant un développement de dix kilomètres, qui prirent le nom de lignes de Ki-Hoa.

La lutte fut acharnée des deux côtés. Aux lignes de Ki-Hoa le capitaine Dariès et le colonel Guttierez avaient opposé la ligne des pagodes en fortifiant toutes les pagodes qui s'étendent entre Saigon et la plaine des Tombeaux.

1. Dans l'Indo-Chine on appelle arroyos des canaux, naturels ou artificiels, qui relient les cours d'eau entre eux.


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Les Annamites essayèrent plusieurs fois de nous attaquer et de restreindre le cercle qui nous enserrait. Chaque fois ils furent repoussés avec des pertes considérables. De notre côté, nous ne pouvions attaquer et nous dûmes nous contenter de rester sur la défensive. Nos troupes, accablées de fatigue et décimées par la maladie, auraient fini par succomber si la fin de l'expédition de Chine, en octobre 1860, n'avait permis de songer de nouveau à la Cochinchine.

L'amiral Charner vint au secours de la petite armée franco-espagnole; il arriva à Saigon dans les premiers jours de février 1861, emmenant avec lui 2 500 hommes de troupes aguerries, et combina, avec le commandant Dariès et le colonel Guttierez, un plan qui devait dégager la place et écraser l'ennemi. Il s'agissait de prendre à revers les lignes de Ki-Hoa, pendant que les bâtiments de faible tonnage remonteraient le fleuve, sous les ordres de l'amiral Page, et que les troupes qui occupaient la ligne des pagodes occuperaient l'ennemi par une attaque simulée.

Le 24 février l'attaque commença et nos troupes purent prendre position. Le 25, le mouvement s'accentua et l'action décisive s'engagea. Malgré les obstacles combinés très intelligemment par les AnnaXCVII.

AnnaXCVII.


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mites, nos troupes forcèrent les lignes de Ki-Hoa. Les pertes furent énormes des deux côtés. La difficulté de poursuivre l'ennemi lui permit de se replier en bon ordre sur Mytho, mais Saigon était dégagee.

L'amiral Charner résolut de poursuivre le cours de ses succès. Il lança contre Mytho le capitaine de frégate Bourdais, qui fut tué pendant l'attaque de la citadelle, quelques instants avant notre entrée dans la place.

La victoire de Ki-Hoa nous avait livré la province de Gia-Dinh; la prise de Mytho nous livra celle de Dinh-Thuong. La saison des pluies nous força a nous arrêter. L'amiral Charner dut rentrer en France et remit le commandement à l'amiral Bonnard.

Tu-Duc, effrayé de nos succès, essaya alors de traiter, mais les négociations n aboutirent pas. L'amiral Bonnard s'aperçut qu'il essayait, par tous les moyens possibles, de soulever contre nous les deux provinces conquises et rompit les négociations.

Après la prise de Mytho, les Annamites, toujours commandés par Nguyen-Tri-Phuong, s'étaient concentrés à Bienhoa. L'amiral marcha contre eux, s'empara de la citadelle de Bienhoa le 19 décembre 1861, culbuta l'ennemi et le rejeta dans les montagnes de Baria. Il résolut alors de s'emparer de Vinh-


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Long, qui était devenu un véritable foyer d'insurrection contre notre domination. Le 20 mars 1862, la citadelle fut attaquée par terre pendant que notre flottille détruisait les forts. Le 23 nous étions maîtres de la place.

L'empereur Tu-Duc envoya alors a Saigon deux plénipotentiaires pour conclure un traité de paix, qui fut signé le 5 juin 1862.

Le traité nous assurait la libre possession des trois provinces de Saigon, de Bienhoa et de Mytho et de l'archipel de Poulo-Condore. Tu-Duc s'engageait à respecter désormais le culte catholique ou tout au moins à le laisser s'exercer librement dans ses Etats. Il garantissait, en outre, la liberté de notre commerce maritime sur toutes les côtes de l'empire d'Annam et prenait l'engagement de nous payer une indemnité de guerre de vingt millions. De notre côté, nous nous engagions à lui restituer Vinh-Long aussitôt qu'il aurait mis fin aux insurrections qu'a l'aide d'intrigues il avait réussi à fomenter contre nous.

La période de conquête semblait toucher a sa fin, mars il nous fallait compter avec la perfidie et la duplicité de l'empereur d'Annam, qui s'ingénia à nous créer des difficultés de tous genres. Un de ses agents secrets, le mandarin Quan-Dinh. avait fait du territoire de Go-cong, situé dans le sud de la pro-


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vince de Saigon, un véritable foyer d'insurrection. Il fallut organiser une nouvelle expédition contre Go-cong, dont nos troupes s'emparèrent le 27 février 1803.

Deux mois après, l'amiral Bonnard se rendit luimême à Hué pour échanger, avec l'empereur TuDuc, les ratifications du traité du 5 juin 1862. Le traité fut définitivement arrêté et signé le 15 avril 1863. L'amiral revint à Saigon le 20 avril, remit le commandement à l'amiral de la Grandière et rentra en France.

Au commencement de ce récit nous avons fait remarquer que le roi du Cambodge s'était reconnu tributaire de l'Annam. A la suite des dissensions et des guerres qui déchirèrent l'empire d'Annam, le roi de Siam avait réussi à annexer à ses Etats les provinces d'Angkor, de Battambang et le Laos méridional, qui, jusqu'à cette époque, faisaient partie du Cambodge, et étendait son influence sur tout ce royaume. C'était lui qui en réalité régnait à Oudong. L'amiral de la Grandière réussit à déjouer ces intrigues et décida le roi du Cambodge, Norodom Ier, à se placer sous notre protectorat par le traité du 11 août 1863.

En 1864 l'amiral eut à lutter contre les agissements des mandarins qui, soutenus secrètement


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par la cour de Hué, cherchaient à soulever contre nous les provinces conquises. Les bruits d'évacuation,

qui coururent à cette époque, fortifièrent le parti de l'insurrection et faillirent compromettre notre conquête.

Les mécontents et les insoumis s'étaient groupés au sud de Bienhoa, dans le cercle de Baria. Ils réussirent à entraîner avec eux les Mois, tribus indépendantes et à peu près sauvages, établies dans les montagnes qui séparent la Cochinchine actuelle des frontières du Bin-Thuan. L'amiral envoya contre eux le lieutenant-colonel Loubère, qui commandait le cercle de Bienhoa. Les rebelles furent battus et dispersés; le colonel prit possession de la citadelle de Baria le 24 avril 1864 ; les Mois firent leur soumission et se mirent sous notre protection.

Les provinces du sud pacifiées, il restait à couvrir notre province du côté du nord. Les provinces de Vinh-Long, Hatien et Chaudoc étaient redevenucs des foyers d'intrigues contre notre autorité. Au mois de

mai 1867 une insurrection générale éclata. L'amiral résolut d'y mettre un terme en s'emparant des trois provinces. Le 19 juin notre flottille se présentait devant Vinh-Long, qui se rendit sans coup férir. Le gouverneur Phang-Tang-Giang, comprenant l'inutilité de la résistance, aima mieux nous remettre


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la place que de l'exposer a un bombardement. Ce mandarin, qui était un homme véritablement remarquable, avait tenté inutilement de s'opposer, par la persuasion, aux agissements de la cour de Hué, en représentant a Tu-Duc l'inopportunité d'intrigues qui ne pouvaient que compliquer inutilement la situation et nous pousser à étendre le cercle de nos conquêtes.

Continuant la marche en avant, le 21 juin nous entrions sans difficultés à Chaudoc et le 24 à Hatien. En apprenant nos nouveaux succès, Phang-TangGiang, qui était vice-roi des trois provinces du bas Mékong, s'empoisonna.

Nous étions maîtres des six provinces composant la basse Cochinchine. Nos derniers succès fermaient enfin la. période de conquête et nous permettaient de songer a organiser notre nouvelle colonie.

Pendant les années qui suivirent on n'eut à signaler que des insurrections partielles: on réussit a les étouffer à l'aide de simples colonnes mobiles.

En 1870, pendant la guerre avec l'Allemagne, TuDuc fit, près du gouverneur de la Cochinchine, une tentative pour décider la France à abandonner sa conquête.

Plus tard, par le traité Philastre (15 mars 1871). l'empereur d'Annam reconnaissait la souveraineté


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de la France sur les trois provinces de l'ouest de sa Cochinchine.

Enfin, le traité Harmand (25 août 1883) annexait à nos possessions la province de Binh-Thuan, qui, par un nouveau traité imposé par M. Patenôtre a la cour de Hué le 6 juin 1884, a fait retour à l'empire d'Annam.


CHAPITRE II

TOPOGRAPHIE

La basse Cochinchine a pour limites : au nord, le Cambodge; à l'ouest, le golfe de Siam; au sud, la mer de Chine ; à l'est, la mer de Chine et l'Annam.

Elle est située entre 8° et 11° 30' de latitude nord, entre 102° 05' et 105 09' de longitude est.

Sa superficie est d'environ 59 000 kilomètres carrés et sa population de 2 millions d'habitants.

La Cochinchine est sillonnée par un très grand nombre de fleuves, dont quelques-uns ont des embouchures communes. Tous communiquent entre eux par des arroyos ou canaux, tantôt naturels, tantôt artificiels, de telle façon que le système hydrographique du pays peut être comparé à une vaste toile d'araignée.

Les plus remarquables de ces cours d'eau sont: le Donnai, qui prend sa source dans le pays des Moïs


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et dans lequel se jette la rivière de Saigon, qui sort des confins du Cambodge; — le Vaïco, qui se divise en deux branches importantes, le Vaïco occidental ou petit Vaïco et le Vaïco oriental ou grand Vaïco; — le Mé-Kong ou fleuve du Cambodge, qui prend sa source dans les montagnes du Thibet. Les différents bras du Mé-Kong sont larges et profonds, mais l'entrée de ces bras n'est pas accessible aux navires de fort tonnage, à cause des bas-fonds formés par les amas d'alluvions que charrie le fleuve,

Les autres fleuves, et particulièrement la rivière de Saigon, peuvent être remontés par, les gros avires jusqu'à 60 ou 70 milles de leur embouchure.

Les canaux sont nombreux. Nous ne signalerons que les deux plus importants, celui d'Hatien ou de Vinh-Té, qui fait communiquer le grand bras du Mé-Kong avec le golfe de Siam, et le canal du Rach-Giâ.

Le système orographique n'est pas d'une grande

importance. Plusieurs groupes de montagnes peu

levées montent graduellement de la mer vers l'intérieur.

l'intérieur. forment l'extrémité orientale de la

chaîne du Thibet. Nous n'indiquerons que les pics

es plus élevés : la montagne de Nui-Cham (600 mè-


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tres), près de Chaudoc; le pic de Ba-Dinh, au-dessus de Tay-Ninh ; la montagne de Nui-Dinh, au-dessus de Baria, formant l'extrémité de la chaîne de Baria, qui sépare les terres basses de la province de ce nom des terres plus élevées de la province d Bienhoa ; à l'embouchure du Donnai, les collines du cap Saint-Jacques, qui n'ont d'importance qu'à cause du phare qui indique l'entrée du fleuve. C'est là que vient aboutir le câble transatlantique qui relie l'Indo-Chine à la France.

Si nous suivons la côte, en partant du cap BaU placé à l'extrémité est de la basse Cochinchine, nous rencontrons le cap Saint-Jacques, dont nous avons parlé plus haut, et, à ses pieds, la baie des Cocotiers, qui sert de mouillage aux navires qu attendent la marée pour remonter jusqu'à Saigon, les bouches du Donnai ou Soirap ; celles du Mé-Kong, la presqu'île de Camau, formée en grande partie de terrains d'alluvion qui tendent sans cesse à aug menter et gagnent chaque jour sur la mer; à l'extrémité de cette presqu'île se trouve la pointe de Camau ou cap Cambodge.

La topographie de la côte ouest n'offre pas d points saillants. La rade d'Hatien, formée par l'île de Phu-Quoc, est un point commerçant d'une cer taine importance, à cause du voisinage de Bang


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Kock et de sa situation a l'extrémité du canal de Vinh-Té.

Le sol de la Cochinchine est de trois natures bien différentes. Sur les confins de nos possessions se trouvent d'immenses forêts renfermant des essences précieuses dont beaucoup sont à peine connues et gui, grâce aux cours d'eau qui les traversent, seraient d'une exploitation facile. — Sur les bords de la mer, aux embouchures des fleuves, se trouvent de vastes forêts de palétuviers de deux à trois mètres de hauteur et de palmiers d'eau. — Les terrains Intermédiaires forment de vastes plaines, les unes cultivées, la plupart incultes, mais susceptibles de culture.

Les terres qui avoisinent les fleuves, composées l'une épaisse couche d'humus, sont généralement l'une grande fertilité et offrent à la culture une tendue des plus vastes et un sol des plus faciles à exploiter.

Sur le littoral on rencontre plusieurs îles ou groupes d'îles d'une certaine importance. Ce sont : es îles Poulo-Condore, l'île de Phu-Quoc et l'aripel des îles Poulo-Dama.

Le groupe des îles Poulo-Condore, cédé à la rance par les traités de 1787 et de 1862, comprend eux îles principales, la Grande et la Petite Condore,


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qui sont séparées par un petit détroit ou plutôt p un canal. C'est dans la Grande Condore qu'on établi un pénitencier qui sert de lieu de déportati pour certaines catégories de condamnés politiqu et pour les condamnés de droit commun ayant subir des peines variant entre un an et dix ans prison. Ces îles sont renommées pour la pureté leur air et pour leur fertilité, qui leur permet fournir des cultures d'une précocité remarqua par rapport à celles do nos autres possessions d l'Indo-Chine. Pendant la campagne du Tong-K et particulièrement au moment du rapatriement d troupes expéditionnaires, elles ont servi à l'établ sement de lazarets.

L'île de Phu-Quoc, dans le golfe de Siam, en f de la baie d'Hatien, servit autrefois de refuge à l'e pereur Gia-Long, pendant la révolte des Tay-S Les habitants lui fournirent le moyen de marc contre les rebelles. En reconnaissance de ce f lorsqu'il eut reconquis ses États, il y fit établir poste pour mettre les habitants à l'abri des inc sions des pirates dont la baie d'Hatien était infest Dans ces dernières années il a été un instant qu lion en France d'utiliser cette île comme lieu relégation.

Pour terminer la partie géographique de no


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avail, il nous reste à parler du climat de notre

lonie.

Placée entre le tropique du Cancer et l'équateur, basse Cochinchine est soumise au climat de la

ne torride. La température moyenne est de 27° ;

ais elle varie, suivant la saison, entre 20° et 33°.

n'y a que deux saisons : la saison sèche, de démbre

démbre commencement de mai, pendant laquelle

thermomètre s'élève jusqu'à 35°, et la saison des ies, de mai à décembre.

Les pluies sont très rares pendant la saison sèche;

ndant la saison des pluies elles sont généralement ermittentes et tombent par averses.

Les vents suivent à peu près les saisons. La mousdu nord-est souffle, pendant la saison sèche, ctobre en avril, et celle du sud-ouest de mai en ohre.

e climat de la Cochinchine est chaud et humide. sol des forêts de palétuviers et de palmiers d'eau couvert d'eau a marée haute, et à sec à marée se. Sous l'influence d'un soleil ardent il s'en age des émanations vaseuses et parfois putrides, nant lieu à la formation de microbes qui occanent une foule de maladies. Les unes, telles que ysenterie, la diarrhée chronique, les fièvres paéennes, la dengue ou fièvre des bois, les mala-


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dies du foie, affectent plus particulièrement les Eur péens. D'autres, telles que la gale, la lèpre, les mal dies de peau et les plaies de tous genres, la vario l'éléphantiasis, etc., s'attaquent plutôt aux indigèn à cause de leur incurie et de leur manque total soins hygiéniques. La phtisie et la bronchite ai0 sont aussi des affections auxquelles les Annamit payent un large tribut; cela est dû à la dispositi malsaine des maisons, qui sont souvent bâties s pilotis au bord des fleuves ou au-dessus de mar infects, et au peu de soin qu'ils ont de se garan la nuit, contre l'humidité et les brusques chant ments de température.

Il est à remarquer que la mortalité de la popu tion européenne a considérablement diminué dep le début de notre installation dans le pays. De pour cent, elle est descendue à cinq et six pour c L'expérience si chèrement acquise et une hygie raisonnée nous permettront de diminuer encore chiffre.


CHAPITRE III

GOUVERNEMENT — ADMINISTRATION

Ce fut l'animal Bonnard qui, le premier, porta le titre de gouverneur. Après lui la colonie continua à être placée sous les ordres de gouverneurs militaires, amiraux ou généraux, jusqu'au 13 mai 1879, époque à laquelle M. Le Myre de Villers fut chargé, par décret présidentiel, de procéder à l'organisation civile du pays.

Le gouverneur civil fut le dépositaire de l'autorité du chef de l'Etat. Il dirigea l'administration, disposa des forces de terre et de mer et eut sous ses ordres le directeur de l'Intérieur, le commandant upérieur des troupes, le commandant de la marine, e procureur général et le chef du service administratif. Le gouverneur fut assisté de deux conseils : 1° Du conseil privé, composé du directeur de l'In-


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térieur, du commandant supérieur des troupes, d commandant de la marine, du procureur général du chef de service administratif et enfin de deu conseillers titulaires et de deux conseillers adjoin choisis parmi les habitants notables de la colonie

2° Du conseil colonial, composé de seize membres, dont six Annamites, choisis également parmi l notables.

Un décret du 12 mai 1882 a constitué en outr des conseils d'arrondissement qui sont présidés pa les administrateurs des affaires indigènes et corn posés de conseillers élus par les notables des corn munes. Ces conseils d'arrondissement ont déj rendu et sont appelés à rendre de grands services la colonie.

Les Annamites possèdent, en effet, comme admi nistrateurs, des qualités qui ne feront que se déve lopper sous l'influence de nos institutions démocra tiques, et, si l'on tient compte de l'intelligene qu'ils ont déployée de tout temps dans leur admi nistration communale, on est en droit d'espére beaucoup de l'organisation actuelle.

Avant d'étudier la commune, qui est en quelqu sorte la base de toute notre administration, il e utile de jeter un coup d'oeil sur les grandes division territoriales du pays,


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Avant la conquête, la Cochinchine était divisée en provinces. Chaque province était administrée par un tong-doc ou gouverneur qui avait sous ses ordres deux sous-gouverneurs , le quan-bo et le quan-an, chargés, le premier, de l'assiette et de la perception des impôts, des levées de troupes, de la centralisation des registres de population, etc.); le second, de la justice en général.

Les provinces étaient divisées en phus ou arrondissements qui étaient eux-mêmes divisés en huyens ou sous-arrondissements.

Aux gouverneurs et sous-gouverneurs indigènes l'amiral Charner avait substitué des administrateurs français. L'une des fautes de l'amiral Bonnard fut de vouloir revenir à l'ancien ordre de choses et de remettre aux Annamites le soin de s'administrer. On sait ce qui en résulta. Les mandarins, rétablis dans leurs anciennes fonctions, ne cessèrent de conspirer contre nous. L'amiral de la Grandière fut obligé de les écarter du pouvoir et de les remplacer à nouveau par des administrateurs français, régime que nous avons conservé depuis.

A la division en cercles, correspondant aux anciennes provinces, a succédé, en 1876, une nouvelle division en quatre grandes circonscriptions que nous allons étudier successivement. XCVII. 3


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Ces circonscriptions sont divisées en arrondissements qui prennent le nom de leurs villes principales.

1° Circonscription de Saigon.

Elle est divisée en cinq arrondissements : ceux de Saigon, de Tay-Ninh, de Thu-Dau-Mot, de Bienhoa et de Baria.

La ville la plus importante est Saigon, qui est la capitale même de la Cochinchine. La ville compte 50 000 habitants, non compris ceux de la ban. lieue ; elle affecte la forme d'un quadrilatère compris entre la rivière de Saigon, l'arroyo Chinois, celui de l'Avalanche et la plaine des Tombeaux, ou étaient établies les fameuses lignes de Ki-Hoa élevées par le maréchal Nguyen-Tri-Phuong. La ville tend chaque jour à s'étendre de ce côté. Il ne reste pour ainsi dire rien de l'ancienne ville annamite. Percée de rues bien alignées, Saigon compte aujourd'hui de nombreux édifices et monuments, parmi lesquels nous citerons le palais du Gouver neur, la direction de l'Intérieur, l'hôtel du commis sariat, le palais de justice, l'hôpital, la cathédrale, la Sainte-Enfance, le collège d'Adran, les magasins généraux de la marine, les statues de Francis Garnier et de l'amiral Charner, le monument de Doudart de Lagrée, le tombeau de l'évêque d'Adran et la citadelle bâtie par le colonel Ollivier.


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Les villes des autres arrondissements sont de moindre importance.

Tay-Ninh, située sur un affluent du Vaïco oriental, est appelée à un certain avenir, à cause des forêts qui l'entourent et qui offrent à l'industrie privée des ressources inépuisables.

Thu-Dau-Mot commande la partie nord de la rivière de Saigon ; un peu au-dessous se trouve le village de Tu-Duc, sur la route de Saïgon à Bienhoa. C'est là que se trouvent les tombeaux de la famille royale de Cochinchine.

Bienhoa est importante par sa citadelle, qui commande le cours supérieur du Donnai, et par ses carrières de pierres très estimées pour les assises des constructions.

Baria, située un peu au-dessus du cap Saint-Jacques, sur la frontière du Binh-Thuan, tire son importance de sa situation topographique et de ses salines.

2° Circonscription de Mytho.

Elle est divisée en 4 arrondissements, ceux de Mytho, de Tan-an, de Go-cong et de Cholon.

Mytho, placée à 72 kilomètres de Saigon, au confluent de l'arroyo de la Poste et du bras septentrional du Mé-Kong, est importante par sa citadelle et par sa position géographique, qui en fait l'en-


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trepôt naturel de toutes les marchandises venant du Cambodge.

Les arrondissements de Tan-an et de Go-cong sont remarquables par leurs rizières, qui sont d'une étendue et d'une richesse considérables. Ce sont ceux où on trouve le moins de terrains improductifs.

Cholon, qu'on appelle aussi la Ville chinoise, est située à 6 kilomètres de la ville de Saigon, à laquelle elle est reliée par un tramway à vapeur. Cette ville, située sur l'arroyo Chinois, compte aujourd'hui plus de 100 000 habitants et est le point commercial le plus important de toute la Cochinchine française.

3° Circonscription de Vinh-Long.

Elle est divisée en quatre arrondissements, ceux de Vinh-Long, de Sadec, de Bentré et de Travinh.

La ville principale est Vin-Long, sur le bras oriental du Mé-Kong; environ 5000 habitants.

4° Circonscription de Bassac.

Elle comprend les arrondissements de Chaudoc, Canthô, Soc-Trang, Long-Xuyen, Rach-Giâ et Hatien.

Chaudoc, située sur le Bassac, à 220 kil. de Saigon, est un poste militaire de premier ordre qui commande la frontière du Cambodge.

Hatien est un point commercial important par sa


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situation sur le golfe de Siam, à l'embouchure du canal qui fait communiquer ce golfe avec le grand bras du Mé-Kong. La baie, défendue par une ceinture de récifs, est fréquentée par les caboteurs venant de Bang-Kock et même de Singapour.

aintenant que nous avons donné un aperçu de la division territoriale en circonscriptions et en arrondissements, nous arrivons tout naturellement aux communes

La commune est, nous l'avons déjà dit au commencement de ce chapitre, la base de toute notre administration.

Les villes de Saigon et de Cholon jouissent d'une administration particulière.

Saigon est administrée par un maire et par deux adjoints nommés par le résident. Ils sont assistés d'un conseil municipal comprenant quinze membres, dont onze Français et quatre indigènes.

Cholon est administrée par un conseil municipal composé de huit membres, dont quatre Européens présentés par la chambre de commerce et nommés par le gouverneur, et quatre membres indigènes. Le président, qui remplit les fonctions de maire, est choisi parmi les Européens.

Nous avons vu plus haut l'ancienne division administrative. Les préfectures ou phus et les sous-


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préfectures ou huyens étaient elles-mêmes divisées en cantons à la tête desquels se trouvait le caïtong ou chef de canton. Les cantons étaient divisés en communes administrées par des maires pu xa, nommés à l'élection et choisis, dans l'assemblée des notables, parmi les membres les plus capables de défendre les intérêts des communes. Le caitong était choisi parmi les maires et nommé par le quan-bo, sur la proposition du conseil des notables.

Nous avons conservé, à peu de chose près, cette dernière partie de l'organisation administrative, avec cette différence que la nomination des chefs de canton et des maires, tout en restant attribuée au conseil des notables, est subordonnée à l'approbation du résident sur la présentation des administrateurs des affaires indigènes qui ont remplacé les anciens gouverneurs de provinces, les phus et les huyens.

Chaque commune forme une petite république divisée en deux classes : les inscrits ou propriétaires, qui payent l'impôt et sont soumis aux levées pour la composition des milices locales; seuls ils prennent part à la nomination des notables qui sont chargés d'administrer la commune sous la direction du maire; — les non-inscrits, véritable classe de pro-


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létaires, qui ne tiennent à la commune par aucun lien et qui ne peuvent prendre part, en aucune façon, à l'administration communale.

L'assemblée des notables, présidée par le maire, est chargée de la répartition et de la perception de l'impôt, de la gestion des biens communaux, de la surveillance des travaux qui peuvent intéresser la commune, de la police locale, de la justice de paix, de la levée des contingents à fournir pour la milice et de la répartition des corvées gratuites à fournir par les villages pour les travaux d'utilité publique.

Les impôts se divisent en impôts directs et impôts indirects.

Les impôts directs sont de deux sortes : l'impôt foncier et l'impôt personnel ou impôt de capitation.

Les impôts indirects comprennent les douanes de frontières, les droits de navigation et la ferme de l'opium.

Le cadre de ce travail ne nous permet pas d'étudier séparément l'organisation de chaque branche de l'administration. Nous ne pouvons, pour cela, que renvoyer le lecteur aux ouvrages spéciaux, et particulièrement à celui de M. de Lanessan 1, qui, avec

1. L'Expansion coloniale de la France, librairie Alcan.


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une grande netteté de vues, a expliqué ce qui existe et indiqué ce qui reste à faire.

Nous ne sommes pas, plus que lui, partisan d'une centralisation qui n'est pas dans les habitudes des Annamites et qui est contraire aux principes fondamentaux de leurs institutions. Comme lui, nous pensons qu'il faudra, tôt ou tard, revenir sur la mesure qui a eu pour résultat d'attribuer aux tribunaux français les pouvoirs judiciaires qui étaient autrefois dévolus aux administrateurs des affaires indigènes. Ces derniers, vivant au milieu des populations, en relations constantes avec leurs délégués, connaissent mieux leurs droits, leurs devoirs et leurs besoins. La nouvelle manière de faire a, en outre, le tort d'obliger les populations à des déplacements dispendieux qui ne pourront que nuire au libre exercice de la justice.

Depuis la conquête de l'Annam et du Tonkin, la Cochinchine a été absorbée dans le gouvernement général de l'Indo-Chine française, et le gouverneur a été remplacé par un résident supérieur; son organisation générale n'a pas été sensiblement modifiée.


CHAPITRE IV

ETHNOGRAPHIE

L'Annamite appartient à la race mongole. Il est petit, nerveux; il a la poitrine large, le buste long et décharné, le bassin peu développé, les membres inférieurs bien constitués. Les mains sont larges, les doigts noueux; les pieds sont plats; le premier orteil est séparé des autres doigts et presque opposé à ceux-ci; c'est pour cette raison que les Chinois désignent communément les Annamites sous le nom de giao-chi, qui signifie doigts écartés. Le front est bas, évidé aux tempes ; les pommettes sont saillantes; le nez, épaté, légèrement renflé vers le front; les narines, très ouvertes. Les lèvres sont généralement épaisses ; les yeux, légèrement bridés et parfois obliques. Le teint varie du brun au jaune clair suivant que leurs travaux les exposent plus ou moins aux ardeurs du soleil. Les dents sont longues, écartées et


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noircies, tant par l'usage du bétel 1 que par celui de la laque 2 ; c'est, paraît-il, une des premières conditions de la beauté, au point de vue indo chinois La barbe, rare et dure, ne pousse qu'aux lèvres et au menton, vers l'âge de trente à trente-cinq ans. Les cheveux, noirs et durs comme la barbe, se portent longs tant chez l'homme que chez la femme; on les roule en chignon sur le derrière de la tête et on les imprègne d'huile de coco pour les entretenir et se préserver de la calvitie.

La marche des Annamites est très caractéristique, Ils marchent les jambes très écartées, le haut du corps légerement en arrière. Cette habitude provient, chez les hommes, de la façon adoptée pour transporter les fardeaux pesants; chez les femmes, de la coutume de porter leurs enfants sur la hanche et un peu en avant.

L'Annamite est doux, timide et docile, adroit et patient; il est généralement doué d'un certain bon sens et d'un jugement sain. Il possède une grande

1. La chique de betel, au dire des indigenes, a pour but d'entretenir la fraîcheur de la bouche et de purifier l'haleine. — Elle se compose d'un morceau de noix d'arequier et d'une feuille de poivre betel qu'on enduit d'une chaux spéciale composée avec des coquillages.

2. L'habitude de se laquer les dents a pour but de les préserver de la carie.


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facilité d'assimilation et est d'un caractère gai, Aimable et poli jusqu'à l'obséquiosité. Brave à la guerre, il ne recule pas devant le danger et nous a montré, tant à l'époque de la conquête que pendant la récente expédition du Tonkin, les qualités militaires inhérentes à sa race. Il affronte la mort avec une fermeté digne des anciens Gaulois. Il pousse au plus haut point l'amour de la famille et le culte des ancêtres.

Ayant énuméré ses qualités, nous ne pouvons faire autrement que d'exposer ses défauts, qui sont nombreux. Il est paresseux, curieux, menteur, fourbe, voleur, gourmand jusqu'a la gloutonnerie, ivrogne parfois, débauché, et d'une malpropreté qui engendre une foule de maladies. Il est enclin à la colère et à la dispute, et ce caractère se remarque plus particulièrement chez les femmes. Il est porté a se faire justice lui-même ; nous avons dû supprimer et interdire sévèrement la bastonnade et autres punitions corporelles qui étaient employées par les mandarins vis-à-vis de leurs subalternes, et par les chefs de famille vis-à-vis de leurs femmes et de leurs enfants. Il est ambitieux et avide de fonctions publiques. Il adore le théâtre et la parade fit recherche soigneusement tout ce qui peut appeler sur sa personne l'attention de ses concitoyens. Loin


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d'être porté à amasser, comme le Chinois, qui se prive du nécessaire pour économiser, il est joueur et dissipateur ; pour satisfaire sa passion du jeu, il joue quelquefois tout ce qu'il possède et jusqu'aux vête ments qu'il porte sur lui.

L'ensemble des caractères moraux des Annamites montre suffisamment que la civilisation pourra améliorer leurs moeurs en utilisant, au profit de leurs qualités, quelques-uns de leurs défauts. Nous devons, pour rendre hommage à la vérité, reconnaître qu'ils sont essentiellement perfectibles. Ils n'avaient pas, avant de nous connaître, la notion exacte du bien et du mal; en répandant l'instruction et en multipliant les écoles, nous avons déjà obtenu de grandes améliorations, dont l'effet ne tardera pas à se faire sentir,

Les habitations des Annamites sont généralement malsaines. Le plus souvent bâties sur pilotis, à proximité des arroyos et des rizières, au-dessus de marais croupissants, elles sont placées dans des conditions hygiéniques absolument déplorables. Ajoutons que les animaux domestiques y vivent pêle-mêle avec les hommes et les enfants, ce qui est loin de contribue! à les assainir. Cependant, nous devons encore constater, sous ce rapport, un certain progrès dû à la conquête. Se sentant protégé, l'Annamite est devenu moins nomade; étant, par suite, plus attaché au sol


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la éprouvé le besoin de se créer plus de confortable et d'avoir des habitations mieux comprises et plus tables. Aux anciennes paillottes, couvertes en chaume et dont les murs étaient faits de limon séché au soleil, ils commencent à substituer les constructions en tuiles et en briques. Quelques villages se forment à distance des arroyos, partant, dans des endroits plus secs et moins malsains. Nous pouvons espérer ainsi qu'avec le temps l'Annamite arrivera à une hygiène mieux entendue et plus rationnelle et que nous verrons peu à peu disparaître la gale, la lèpre et les maladies de tous genres qui n'ont d'autre cause que l'incurie et le manque de soins de propreté. La race y gagnera assurément.

Nous arrivons à la nourriture. Sous ce rapport, les Annamites sont encore bien arriérés. On a prétendu que leur genre d'alimentation était dégoûtant; c'est exagéré, et on peut certifier que ceux qui le prétendent ne connaissent pas suffisamment la question et se sont contentés de juger sur l'apparence, qui n'est assurément pas très rassurante. Le grand défaut de cette nourriture, à notre avis, est d'être trop salée et trop excitante, ce qui porte à boire dans un pays où l'eau est mauvaise, nuisible à la santé et sert de véhicule à la plupart des maladies dont Européens et indigènes ont à souffrir.


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L'alimentation des Annamites consiste général ment en poisson, légumes et fruits; la viande n' entre que pour une très faible quantité. Ils mange cependant la chair du porc, du buffle, du crocod et du chien a langue noire. Il existe à Kaolan (fa bourg de Saigon), à Cholon et à Mytho des pari où l'on conserve les crocodiles pour les livrer à l consommation au fur et à mesure des besoins. l chair du crocodile est légèrement musquée et d'un digestion difficile; les indigènes lui attribuent de qualités aphrodisiaques.

Les Annamites consomment aussi, mais rarement la chair du boeuf domestique; ils mangent pl volontiers celle du boeuf sauvage, du cerf et de cer tains animaux qu'ils tuent avec des flèches empoi sonnées, ce qui ne la rend pas nuisible et n'ôte ne à sa qualité. Les volailles, qu'ils élèvent en liberté aux alentours des maisons, ne constituent qu' aliment peu fortifiant, parce qu'ils les nourrissent généralement mal, quand ils ne leur abandonnent pas complètement le soin de pourvoir à leur subsis tance.

Leur mets préféré est le poisson salé, dont ils font une très grande consommation ; ils le pré parent et le conservent de différentes manières et l'assaisonnent avec un condiment épicé appelé nuoc-


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mam ou eau de poisson, qu'ils mélangent avec du citron, du piment et de l'ail.

Les confitures et les sucreries entrent aussi dans la consommation indigène. Avec les arachides et le miel sauvage ils fabriquent des gâteaux qui sont l'objet d'un certain commerce de détail rappelant assez celui des marchandes ambulantes qu'on rencontre en France sur les places publiques.

Le riz est, en somme, la base de leur nourriture et remplace le pain, que nous leur avons fait connaître, mais qu'ils n'apprécient pas beaucoup. Ils le font simplement cuire a l'eau, sans le moindre assaisonnement.

La boisson se compose de thé du pays, d'eau non filtrée et quelquefois, surtout à l'occasion des fêtes, de choum-choum, ou eau-de-vie de riz.

Le costume est à peu près le même pour les hommes que pour les femmes; aussi, comme" ils portent tous les cheveux longs et relevés en chignon, est-il difficile de les distinguer quand ils sont jeunes. Ce costume consiste, pour les deux sexes, en un large pantalon flottant, de soie ou de cotonnade Chez les hommes, le pantalon est retenu par une ceinture de soie à laquelle est suspendue une petite bourse brodée en soie et destinée à contenir l'argent, le tabac et le papier à cigarettes.


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Par-dessus le pantalon, les Annamites portent une longue robe flottante, boutonnant sur le côté et un peu plus longue pour les femmes que pour les hommes. Les travailleurs remplacent la robe par une petite casaque flottante, qui n'est qu'un diminutif de la robe précitée. La coiffure consiste en un turban pour les hommes riches ou occupant une certaine situation; pour les autres et pour les femmes, le turban est remplacé par un simple carré de soie crêpée qui retient les cheveux en faisant le tour de la tête. Par-dessus cette coiffure, les femmes portent un grand salako en paille qui ressemble à une énorme meule de fromage, et les hommes, un salako conique qui rappelle la forme d'un entonnoir. Le salako des femmes constituant une coiffure assez embarrassante, il leur arrive souvent de le laisser flotter sur le dos et de le retenir à l'aide de deux grandes mentonnières en soie. Les hommes ne font pas usage de bijoux. Les boutons et l'étoffe de leur robe ou de leur turban indiquent habituellement le degré de leur richesse. L'étoffe est, suivant l'état de fortune, en simple cotonnade ou en soie plus ou moins épaisse. Les boutons sont en métal, en ambre ou même en filigrane d'or très artistement travaillé par des ouvriers indigènes.


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Outre ces boutons, qui constituent parfois de véritables objets de luxe, les femmes portent des colliers et des bracerets composés de grains d'ambre de même grosseur, ou affectant la forme de simples cercles d'or ou d'argent. Leurs boucles d'oreilles, en ambre ou en or, ont la forme de petits champignons et sont plantées dans le lobe de l'oreille, a laquelle elles adhèrent par suite du renflement du pédoncule. Leur coiffure est quelquefois agrémentée d'une ou deux épingles à tête d'or en filigrane pareil à celui des boutons.

La chaussure n'existe pour ainsi dire pas et constitue, pour les indigènes, plutôt un appareil de luxe qu'un objet de première nécessité. Les femmes seules portent quelquefois une espèce de socque à bout relevé qui paraît les gêner beaucoup pour marcher et qui montre suffisamment le peu d'habitude qu'elles ont d'en faire usage.

Nous avons dit plus haut que l'Annamite pousse au plus haut degré l'amour de la famille. En Cochinchine, les femmes étant d'une fécondité rare, la famille est très nombreuse. Chose véritablement étonnante, bien que les enfants s'élèvent tout seuls et sans le moindre soin, le plus souvent complètement nus et au milieu des animaux domestiques qui peuplent la maison, ils sont peu sujets aux maXCVII. 4


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ladies de l'enfance. Il eu résulte un surcroît de population enfantine qui entraînerait une rapide augmentation de la population si la mort ne frappait aussi cruellement les adultes.

Dès que l'enfant est en état de travailler, on l'emploie aux travaux de la campagne. Il garde les troupeaux de buffles ou prend part au repiquage et à la récolte du riz. Ceux qui habitent les bords des arroyos et des fleuves deviennent marins ou pêcheurs, ou s'adonnent a un des métiers qui dérivent de ces deux professions. Dans ces conditions, l'enfant se développe mal; aussi on s'explique facilement l'apparence maigre et chétive de la plupart des Annamites. Cette observation est vraie pour les deux sexes; il est à remarquer que les jeunes Annamites, hommes et femmes, portent en moyenne de cinq à six ans de moins que leur âge.

Le code annamite a fixé à seize ans pour l'homme et à quatorze ans pour la femme l'âge à partir duquel ils peuvent contracter mariage. Aussi se marient-ils de bonne heure.

Le mariage annamite se compose de six cérémo nies qui ne sont obligatoires que pour les gens d'un certain rang. Les gens du peuple les simplifient le plus possible.

Quand un jeune homme a distingué une jeune


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fille dont il veut faire son épouse, il en fait part à sa famille, qui accepte géneralement lorsque les convenances de rang ou de fortune ne s'y opposent pas. Les parents du jeune homme choisissent alors, parmi leurs proches ou leurs amis, un intermédiaire, sorte d'entremetteur ou d'agent matrimonial, chargé de faire la demande aux parents de la jeune fille et de régler avec eux la question du cérémonial et des cadeaux. Ceux-ci, généralement enchantés de la perspective des cadeaux à recevoir et de l'idée d'avoir une bouche de moins à nourrir, s'empressent d'accepter. Le jeune homme offre alors les cadeaux d'usage proportionnés a ses moyens; ils se composent généralement de riz, étoffes, bijoux, têtes de bétail. La jeune fille lui offre, de son côté, la boîte à bétel et divers articles de fumeurs. Quelque temps après a lieu la cérémonie des fiançailles, qui consiste à mâcher en-' semble du bétel et qui est l'occasion de quelques bons repas où l'eau-de-vie de riz coule à profusion. Dans une autre cérémonie on engage la parole et on fixe le jour du mariage, puis on célèbre la cérémonie finale, en présence du maire et des notables, et on lui donne toute la solennité compatible avec la degré de fortune des nouveaux époux. Cette première union a, à la fois, le caractère


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civil et religieux; mais il existe des unions de second ordre qui n'ont qu'un caractère purement civil. Ces unions sont devenues de plus en plus rares et ne se contractent habituellement que quand les chefs de famille craignent de n'avoir pas de posterité ou quand ils ont des intérêts multiples, disséminés a de grandes distances et nécessitant une surveillance que la femme, intéressée par suite du droit d'hérédité que cette union confère à ses enfants, exerce avec plus de dévouement que n'en apporterait une personne étrangère. C'est sans doute à cette union du second degré que veulent faire allusion quelques écrivains insuffisamment renseignés, quand ils parlent des femmes de luxe.

Le code annamite admet le divorce dans certains cas particuliers, parmi lesquels l'adultère; mais il s'oppose formellement aux unions entre proches parents, parce qu'il les considère comme immorales et nuisibles à la propagation de l'espèce.

La religion des Annamites est un bouddhisme dégénéré; ils y joignent le culte des ancêtres, auxquels un autel est élevé dans chaque maison. Ils leur offrent des sacrifices de tous genres, victuailles, fruits, bétel, et même des pièces de menue monnaie dans certains cas déterminés, particulièrement en cas de maladie, pour obtenir la guérison.


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Ils croient à la vie future et sont persuadés qu'après leur mort Bouddha viendra les enlever par leur chevelure pour les emporter dans son royaume et leur faire occuper la place que leurs ancêtres leur ont réservée en raison de leur piété filiale. C'est pour ce motif qu'ils portent les cheveux longs, et la plus grande punition qu'on puisse leur infliger est de les leur couper.

Nous avons dit plus haut qu'ils aimaient les fêtes et les occasions de plaisir. Leurs fêtes sont cependant peu nombreuses. La principale est celle du Têt, ou premier de l'an, qui affecte un caractère religieux et est l'occasion d'une visite aux tombeaux de la famille, de sacrifices aux ancêtres, de cadeaux aux principaux membres de la famille et aux amis les plus intimes. Elle dure plusieurs jours, pendant lesquels le travail et le commerce cessent complètement.

Les funérailles constituent aussi, pour les Annamites, l'une des questions les plus importantes. Elles nécessitent l'intervention des bonzes ou prêtres de Bouddha, qui sont chargés de régler le cérémonial et de veiller à l'exécution des rites.

Autrefois les Annamites conservaient leurs morts à domicile pendant des mois entiers en les préservant de la décomposition par des procédés som-


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maires, dont l'un consistait a les enduire de chaux. Maintenant, à moins d'autorisations spéciales très difficiles à obtenir, les funérailles ne doivent pas durer plus de trois jours.

La famille du défunt convie tous ses parents et ses amis à des festins où on consomme de la chair de buffle et de crocodile avant de conduire le mort au tombeau de famille.

Le deuil se porte en blanc et est habituellement observé d'une façon très rigoureuse.


CHAPITRE V

PRODUCTIONS 1

1° Règne animal.

Parmi les especes nuisibles, nous trouvons en premier lieu le tigre. On en compte deux espèces : le tigre royal, dont la peau, de couleur fauve, est rayée de larges bandes noires, et qui habite généralement les régions boisées; le tigre tacheté ou etoilé, dont la peau, de teinte feuille morte, est semée de larges taches noires et qui habite surtout les pays de rizieres. Le tigre est, de tous les animaux, celui que

1. L'etendue de ce travail ne nous permettant pas de developper autant qu'elle le comporte l'étude de la flore et de la faune cochinchinoise, nous nous contenterons d'indiquer les espèces.

Pour les développements, nous renvoyons le lecteur a l'ouvrage de M. Gaffarel (les Colonies françaises, librairie Alcan) et à celui de M. Bambaud (la France coloniale)


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redoutent le plus les Annamites : ils ne prononcent son nom qu'avec une sorte de terreur superstitieuse.

Après le tigre viennent la panthère et le léopard,

Ces animaux prélèvent sur les indigènes un impôt bien lourd, ravageant les troupeaux, enlevant le betail et s'attaquant aux hommes qui voyagent isolément. Les ravages qu'ils exercent sont tels que le gouvernement a dû créer des primes assez elevées pour en encourager la destruction.

L'éléphant vit à l'état sauvage dans les provinces de Bienhoa et de Baria ; il voyage par petites troupes, se cantonne et ravage, en une seule nuit, de grandes étendues de rizières et de plantations. C'est un des voisinages que l'on redoute le plus ; aussi organiset-on, pour le détruire, des chasses où les Annamites déploient une grande énergie et un certain courage, La peau et les défenses sont utilisées dans le pays ou livrées au commerce. Les indigènes en mangent la chair, qui, à part la trompe, est coriace et d'un goût désagréable. Quand ils le prennent vivant, ils réussissent à l'apprivoiser et à l'utiliser pour le service domestique.

Le rhinocéros habite les confins du Cambodge et du pays des Mois.

Viennent ensuite le chat tigre, le chat sauvage


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et la mangouste, qui sont la terreur des bassescours; l'ours malayanus ou ours a miel, qui n'est pas bien dangereux et qu'on parvient à apprivoiser; le sanglier, qui est le fléau des jardins indigènes; le hérisson, la taupe, la loutre, qui detruit une grande quantité de poissons et qu'on parvient à dresser pour la pêche; l'écureuil, le rat palmiste, le rat musqué et le rat vulgaire, qui atteint, dans les environs des maisons, des proportions réellement extraordinaires.

Les araignées sont aussi nombreuses que variées ; on en cite plusieurs espèces nuisibles.

Dans l'ordre des sauriens, nous trouvons le crocodile, qui sert aussi à l'alimentation et dont nous avons déjà parlé à ce sujet.

Les ophidiens sont aussi représentés par une foule d'espèces dont plusieurs sont venimeuses. Il s'en trouve de comestibles, qui sont assez estimées des indigènes.

Dans les habitations, on rencontre deux espèces de scorpions; le scorpion gris ne dépasse pas 7 à 8 centimètres, sa piqûre occasionne une enflure douloureuse accompagnée de fièvre qui dure plusieurs jours.

Le scorpion noir atteint souvent 13 à 18 centimètres; sa piqûre est, dit-on, mortelle; nous de-


vons déclarer que nous n'avons jamais été à même de le constater.

Une espèce d'annélide, la bête à mille pattes, se rencontre fréquemment dans les vieilles maisons; sa morsure produit à peu près les mêmes effets que la piqûre du scorpion gris.

Le pou de bois, comme son nom l'indique, s'attaque au bois, au palmier, aux chaussures et au linge.

Le cancrelat est un insecte dégoûtant qui se glisse partout et dévore les effets d'habillement, dans lesquels il dépose ses oeufs.

La fourmi compte aussi de nombreuses variétés. Certaines espèces habitent les arbres; d'autres, les maisons, où elles passent à l'état de fléau, s'introduisant jusque dans les lits, qu'on est obligé, pour s'en préserver, d'isoler à l'aide de godets contenant du goudron qu'il faut renouveler souvent. Le sucre, les victuailles de tous genres les attirent, et il est très difficile de les mettre à l'abri de leur voracité. Elles sont, en somme, plus gênantes que nuisibles.

Parmi les espèces utiles, citons en premier lieu le cheval ; il est petit, mais fort et musculeux ; il tient à la fois du poney et du cheval breton; il est sobre, facile à nourrir et dur à la fatigue; c'est sur les frontières du Binh-Thuan qu'on en élève la plus grande quantité.


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Le zébu ou boeuf à bosse est employé pour l'agriculture ou pour la traction.

Le buffle est surtout employé pour les transports de marchandises.

Nous devons aussi citer le boeuf sauvage, le cerf, dont on compte plusieurs variétés, l'axis, qu'on trouve en assez grande quantité dans le voisinage des forêts.

Le mouton n'existe pas à l'état indigène; ceux qu on importe s'élèvent difficilement et tendent à dégenérer.

La chèvre, introduite depuis plusieurs années, semble devoir réussir ; elle est facile à élever et est appelée à rendre de grands services, si l'on considère la quantité minime de lait que fournit la vache indigene et la nécessité de ce genre d'alimentation pour les Européens atteints de dysenterie ou de diarrhée chronique.

L'ordre des chéloniens est représenté par plusieurs genres de tortues, parmi lesquelles la tortue franche et une espèce de tortue d'étangs, qui offrent à l'alimentation un élément qui n'est pas à dédaigner. On rencontre aussi, sur les côtes, deux genres de tortues de mer ; l'une, la carette, dont la chair, quoique comestible, est de qualité inférieure ; elle est très recherchée, à cause de son écaille, qui est


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l'objet d'un commerce très lucratif; l'autre espèce, plus fine comme chair, remonte les fleuves à l'époque de la ponte, pour venir déposer ses oeufs sur les rives ou dans les petits cours d'eau.

Au nombre des animaux utiles nous devons: aussi citer certaines espèces du genre saurien appartenant à la famille des lézards. Le Jecko, ainsi nommé à cause du cri strident qu'il jette dans la nuit ou à l'heure de la sieste, et le caméléon, remarquable par ses couleurs changeantes, nous rendent d'immenses services en détruisant quantité de moustiques, de mouches, d'araignées et l'immonde cancrelat, qui n'est pas le moindre de nos ennemis. Nous devons aussi citer le margouilla, sorte de petit lézard de couleur gris cendré, qui habite les maisons et devient parfois assez familier; il fait aux moustiques et autres insectes de ce genre une guerre acharnée.

Les poissons sont nombreux. Certaines espèces, particulières au pays, habitent les étangs et les arroyos et y contractent un goût vaseux qui disparaît difficilement. Certains poissons de mer remontent les fleuves à des époques déterminées, celle dé la ponte par exemple ou dans les moments de grandes marées. Ce sont les espèces les plus estimées des indigènes et même des Européens. Parmi les


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espèces curieuses, nous devons citer le con-chia-ta ou poisson de combat, qui est, pour les jeunes Annamites, l'objet d'une distraction très recherchée ; quand deux de ces poissons sont mis en présence, ils se battent jusqu'à la mort de l'un d'eux; la chaleur du combat et sans doute l'irritation irisent leur peau et les font passer par toutes les couleurs de l'arc-enciel.

Sur les côtes on trouve aussi une grande quantité de requins, dont les Annamites tirent un excellent parti; la graisse de l'animal sert à l'éclairage; la chair sert à l'alimentation quand l'animal est jeune, et les ailerons, desséchés, forment un mets estime des indigènes et très recherché des Chinois ; on en exporte, en Chine, une assez grande quantité.

On rencontre également sur les côtes un grand nombre de cachalots, de marsouins et autres cétacés.

Il nous paraît aussi utile de citer une espèce d'écrevisse de mer, ressemblant à une énorme chevrette, qui remonte les arroyos avec la marée et que les Européens ne dédaignent pas.

Dans les marais on trouve plusieurs sortes de batraciens, la grenouille, le crapaud vulgaire, et une espèce particulière dite crapaud-boeuf, qui, les jours de pluie, mugit d'une façon fort désagréable pour les oreilles européennes. On finit par s'habituer à ce


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bruit, qui, dans les nuits humides et pendant les siestes de la saison des pluies, forme un concert véritablement assourdissant.

Les oiseaux existent aussi en grande quantité dans les forêts, sur le bord des arroyos et dans les vastes plaines incultes. On trouve, a l'état sauvage, le paon, le faisan, la poule, la perdrix, la caille, le pigeon vert, le ramier, plusieurs espèces de tourterelles et de merles, parmi lesquels le merle mandarin, qui est un chanteur émérite : il s'apprivoise facilement. Une hirondelle spéciale, la salangane, fournit au commerce les nids d'hirondelles si recherchés des Chinois et qui se vendent au poids de l'or; la salangane se rencontre surtout du côté d'Hatien, dans l'île de Phu-Quoc et dans l'archipel de PouloCondore.

Dans les marais on trouve le pélican, le marabout, la grue Antigone, la cigogne, deux espèces d'aigrettes, l'une blanche et l'autre noire, la bécassine, le bécasseau, la poule d'eau, la poule sultane, le pluvier, le vanneau, plusieurs especes d'oies, de sarcelles et de canards; dans la province de Bassac et particulièrement du côté de Chaudoc, on trouve un canard d'espèce très petite, qui perche sur les palétuviers et les racines que le reflux met à découvert.


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Pendant que nous sommes à l'article gibier, disons aussi qu'on trouve, dans les plaines, des agoutis et une espèce de lièvre beaucoup plus petit que celui de nos pays; le grand nombre d'ennemis avec lesquels il est obligé de compter l'a malheureusement rendu assez rare.

La chasse étant libre dans toute l'étendue du pays, on voit que le chasseur y trouve une distraction aussi facile que variée. Nous devons ajouter que ce genre de distraction n'est pas sans offrir de dangers et que le chasseur a sans cesse à se défier du tigre et surtout des insolations.

Le lapin n'existe pas à l'état sauvage, il est certain qu'il s'y acclimaterait; il reste à savoir s'il ne serait pas plus nuisible qu'utile et si, malgré sa merveilleuse fécondité, le grand nombre d'éléments de destruction contre lesquels il aurait à lutter ne l'empêcherait pas de multiplier.

Pour terminer ce qui touche au règne animal, disons deux mots des vers à soie, dont l'élevage nous paraît appelé à un grand développement. Entre la production de l'oeuf du papillon et l'éclosion on doit compter une période moyenne de dix jours; l'élevage dure quarante jours, et la chrysalide met de douze à quinze jours pour devenir papillon.


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2° Règne végétal.

Au nombre des espèces alimentaires nous citerons en premier lieu le riz, qui compte une quantité infinie de variétés; nous ne considérerons que la division en deux genres : le riz gras ou gélatineux, qu'on cultive surtout en vue de la distillation pour la fabrication des eaux-de-vie, et le riz ordinaire ou peu gélatineux, — et le maïs, dont on compte trois espèces : le maïs jaune, le maïs blanc et le maïs rouge et blanc.

Viennent ensuite la patate douce, plusieurs espèces d'ignames, le palmier-chou, les melons, la citrouille, plusieurs espèces de courges comestibles, l'aubergine, la tomate, les haricots, le manioc, plusieurs especes de graminées et un grand nombre de plantes tuberculeuses, parmi lesquelles le hong-vu ou tubercule rouge, dont le principe colorant peut être utilisé pour la teinture.

Les arbres fruitiers sont : le cocotier, l'aréquier, le caféier, le cacaoyer, le grenadier, l'oranger, le mandarinier, le citronnier, le limonier, le cédrat, le manguier, le mangoustan, la vigne, le goyavier, le jujubier, le jacquier, le carambolier, le corossolier.


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Nous devons citer aussi, comme fruits, le letchi, la pamplemousse, la pomme acajou; la pomme cannelle, la cai-mitte, l'ananas, la banane et de nombreuses espèces de figues bananes.

Parmi les épices nous trouvons d'abord le poivre, dont l'espèce commune pousse à l'état sauvage et qu'on arrive facilement à améliorer par une culture bien entendue; le poivre rouge est surtout cultivé dans la province d'Hatien et constitue un important article d'exportation ; le poivre-bétel est cultivé dans toute l'étendue du pays pour la vente de ses feuilles, qui constituent, pour les indigènes et pour un grand nombre d'Asiatiques, un article indispensable. Viennent ensuite le girofle, la cannelle et surtout la muscade, dont on exporte une certaine quantité.

Les espèces médicinales sont aussi fort nombreuses. Nous citerons entre autres le ricin, la salsepareille, le camphre, le benjoin, la mélisse, l'acanthe, le gingembre, l'aloès, l'armoise, l'assa foetida, la noix vomique, le chiendent, le coton, le datura stramonium et le hoang-nan, qui, dans ces dernières années, a acquis de l'importance par suite de l'application qui en a été faite, par les missionnaires, au traitement de la lèpre.

Les essences forestières sont généralement peu connues des Européens; la fièvre des bois en rend XCVII. 5


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l'exploitation difficile et parfois dangereuse. Nous citerons le bois de fer, très employé par les Annamites pour les monuments appelés à une certaine duree et notamment pour les piliers des pagodes; l'ébénier, le bambou, dont il est fait, dans l'industrie locale, une foule d'applications aussi ingénieuses qu'utiles; une grande variété de bois de teinture et de bois de construction.

Parmi les plantes plus particulièrement industrielles nous remarquons le coton, la canne à sucre, le tabac, l'indigo, le roucou, le curcuma, le safran, le cardamone, le mûrier à papier, l'ortie de Chine, le mûrier ordinaire, les arachides, dont on tire de l'huile, le sésame, le cây-tram, dont on emploie l'écorce pour couvrir les maisons et calfater les hateaux; le cây-lac, plante herbacée employée dons la fabrication des nattes et des voiles de bateaux; le palmier d'eau, dont les feuilles servent à recouvrir les maisons; l'arbre à thé, le chanvre et quantité de plantes textiles, dont beaucoup sont encore à peu près inconnues.

Les plantes d'ornementation appartiennent, pour la plupart, aux genres déjà connus parmi les especes intertropicales.


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3e Règne minéral.

Le règne minéral est moins bien représenté dans la Cochinchine que dans les pays de protectorat.

Nous devons, cependant, citer les carrières de pierre ferrugineuse de Bienhoa ; la tourbe, qu'on rencontre fréquemment; et la limonite, sorte de minerai argilo-ferrugineux auquel on donne la forme de briques et qui, séchée au soleil, acquiert des qualités résistantes qui permettent de l'employer pour certains genres de constructions.

Dans les environs d'Hatien existe une mine d'argent dont le minerai est très riche. Sur le territoire de LongThanh (sous-arrondissement de Bienhoa) existe une mine de fer affermée et exploitée par les indigènes.

Les salines, situées dans l'arrondissement de Baria et dans celui de Vinh-Long, sont généralement exploitées par des Chinois, à l'aide de procédés qui rappellent assez ceux de nos pays. On récolte deux sortes de sel, le blanc dans les salines de Baria, et le rouge dans celles de Vinh-Long. La coloration de ce dernier est due à l'action de la terre et de l'eau, qui ont elles-mêmes une teinte d'un jaune rougeâtre. Le sel rouge est l'objet d'un grand commerce avec le Cambodge, qui en emploie d'immenses quantités pour la préparation et la conser-


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ation du poisson du grand lac. C'est aussi celui qu'on emploie de préférence pour la préparation du MM», sorte de poisson salé, qui doit subir deux sauaures pour lesquelles il est indispensable d'employer toujours la même qualité de sel, sous peine e le voir se gâter.


CHAPITRE VI

AGRICULTURE, INDUSTRIE, COMMERCE

La Cochinchine est un pays essentiellement agricole; son sol est d'une richesse et d'une fécondité remarquables. Elle possède tous les éléments indispensables à la végétation, et les apports des fleuves constituent une source inépuisable de fertilité.

Nous sommes cependant obligés de constater que, dans notre colonie asiatique , l'agriculture est encore à l'état d'enfance. Hâtons-nous d'ajouter que nous sommes en droit d'espérer beaucoup de l'avenir, si nous considérons le résultat auquel arrivent les indigènes, à l'aide des procédés rudimentaires qu'ils ont employés jusqu'à ce jour.

Eu égard aux dispositions naturelles des Annamites, à leur goût prononcé pour la culture et à la grande facilité avec laquelle ils s'assimilent notre manière de faire, il est permis de croire que, le jour


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où ils seront initiés à nos procédés d'irrigation et de drainage, ils obtiendront de leur culture des résultats inconnus jusqu'à ce jour. Il en sera de même lorsqu'il sauront faire usage des amendements et qu'ils apprendront à ménager les assolements de manière à ne pas épuiser la terre par une culture uniforme et indéfiniment renouvelée.

Sous le régime des mandarins, l'Annamite était nomade, peu attaché au sol et, par suite, peu disposé à employer les moyens, souvent coûteux, qui permettent de l'améliorer. Frappé d'impôts onéreux et souvent injustes, en butte aux exactions de toutes sortes, il abandonnait parfois la terre qu'il avait aefrichée et arrosée de ses sueurs pour aller porter plus loin son activité. Depuis que nous occupons le pays, il n'en est plus de même : l'indigène ne campe plus comme autrefois ; il tend à devenir sédentaire et travaille avec l'idée de posséder et de devenir propriétaire.

Le riz est, au point de vue agricole, l'une des principales sources de revenus. Nous ne nous étendrons pas sur son genre de culture, qui est des plus primitifs et qui est assurément susceptible d'améliorations. La production tend à augmenter, chaque année, depuis la conquête. On peut assurer, sans crainte d'erreur, que, quelle que soit cette augmenta-


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lion dans l'avenir, le pays trouvera toujours l'écoulement de sa récolte. Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le nombre infini d'Asiatiques pour lesquels ce produit constitue un aliment de première nécessité. Outre la question de quantité, dont il n'y a pas à s'inquiéter, il faut considérer la question de qualité. C'est un point qui a été l'objet de bien des discussions dans le inonde commercial; on a prétendu que le riz cochinchinois était inférieur à certains riz exotiques, au riz birman par exemple, qui fait prime sur tous les marchés de la métropole. Il est incontestable que le riz birman se vend plus cher que celui de la Cochinchine, mais cela tient un peu à l'espèce et beaucoup aux procédés de décortication, qui sont bien plus perfectionnés en Birmanie que dans notre colonie. Connaissant ces inconvénients, on pourrait facilement y obvier en changeant l'espèce, si tant est que ce soit la. véritable cause de dépréciation du produit annamite; mais ce point nous paraît au moins douteux, et nous serions plus portés à croire que la différence consiste surtout dans le mode de préparation et dans celui de l'emballage, qui sont insuffisants ou mal compris.

On pourrait aussi perfectionner les procédés de distillation employés par les Annamites pour ex-


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traire l'alcool du riz. On obtiendrait ainsi des résultats bien supérieurs, tant comme rendement que comme qualité.

Après le riz, le coton est une des cultures indigènes qui paraissent appelées à acquérir un plus grand développement. L'espèce cultivée est la courte soie, qui, sur les marchés asiatiques, soutient facilement la concurrence des produits américains. Cette culture paraît aussi susceptible de grandes améliorations, et tout porte à croire que, en perfectionnant les procédés d'épuration, le coton annamite arriverait facilement à primer tous les autres.

Le tabac est aussi cultivé sur une certaine étendue, et mérite, comme article commercial, d'appeler notre attention. Celui de Long-Thanh est renommé; mais, quoi qu'en disent certains géographes, il ne saurait soutenir la comparaison avec nos tabacs français. Il est possible que cela tienne au mode de préparation, qui pèche, en général, pour tous les produits indigènes, et leur fait perdre beaucoup de leur valeur commerciale. C'est une question qui mérite d'être étudiée.

La canne à sucre est, en Cochinchine, d'une culture facile et productive. On en distingue plusieurs variétés, parmi lesquelles nous citerons la canneéléphant, qui atteint quelquefois huit à dix pieds de


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long. Cette culture ne semble pas appelée à prendre beaucoup d'extension. La production du sucre brut suffit jusqu'ici à la consommation indigène et à l'exportation, qui se fait par jonques dans le nord du pays et jusque dans le Laos. Les procédés perfectionnés essayés dans le pays n'ont pas donné de résultats suffisamment rémunerateurs.

Le maïs réussit bien. On en compte, comme nous l'avons dit plus haut, trois variétés très productives. Ce produit, qui n'occupe la terre que penpant la moitié de l'année, pourrait servir d'assolements, s'il était alterné avec d'autres cultures, l'arachide par exemple. Il est susceptible d'être utilisé de bien des façons, tant au point de vue de la nourriture des animaux qu'à celui de la fabrication de l'alcool. Il suffit de considérer le parti qu'en ont tiré les Américains pour voir l'importance que cette culture pourra prendre lorsque tous les procédés d'utilisation auront été mis en pratique.

L'arachide, dont nous avons déjà parlé, est cultivée dans les terrains secs de la province de Saigon. Sous forme de tourteaux qui servent a fabriquer une huile d'éclairage assez estimée, c'est un article d'exportation qui a son importance. Elle entre, en outre, dans la consommation, et sert à confectionner les pâtisseries indigènes.


La préparation du sésame et de l'indigo est défectueuse. Eu perfectionnant la culture et les procédes d'épuration, on en fera un article commercial de premier ordre.

Le mûrier existe à l'état sauvage et à l'état de culture. L'espèce sauvage est utilisable-, bien que de qualité inférieure à l'espèce cultivée. Les magnaneries indigènes et les moyens d'exploitation sont encore a l'état rudimentaire. Cependant quelques colons européens ont obtenu des résultats satisfaisants à l'aide de procédés perfectionnés. Tout porte à croire que ce genre de culture et cette branche d'industrie pourront donner, dans un avenir prochain, des résultats supérieurs à ceux obtenus jusqu'ici.

Le caféier et le cacaoyer ont été, depuis la conquête, le sujet d'études et d'expériences qui ne sont pas encore bien concluantes. Nous avons été à même de voir des plantations dirigées par des Européens et donnant un commencement de résultats. Toutefois, il nous paraît nécéssaire d'attendre encore avant de se prononcer sur ce genre de culture.

Comme plante textile, l'ortie de Chine (China-grass) paraît devoir être une des cultures de l'avenir.

Nous avons indiqué les principales cultures qui nous ont paru mériter une certaine attention. Il en


existe encore un grand nombre que avons déjà citées et que nous ne pouvons étudier séparément.

La principale industrie des Annamites est la pêche, qui occupe une partie de la population indigene. Les procédés sont variés et la production est considérable. Le poisson, frais ou salé, est l'une des bases de l'alimentation. Le poisson, salé, séché ou fumé, et les produits qui en dérivent, le nuoc-mam (eau de poisson) entre autres, constituent un produit de consommation et d'exportation très important, qui a, en outre, le mérite de faire vivre une foule de petits industriels, marchands et convoyeurs de sel, fabricants de barques, de voiles, de filets, d'engins de pêche de toutes sortes, etc.

Les indigènes fabriquent, avec la noix sèche du coco, une huile d'éclairage qui est livrée au commerce sans être purifiée. En brûlant, elle produit une sorte de crépitation assez désagréable qui disparaîtra quand on aura trouvé le moyen de l'épurer. Les moyens de production sont tout à fait primitifs et susceptibles de perfectionnements.

Les Annamites fabriquent, en outre, de l'eau-devie de riz, du sucre brut, des nattes, des éventails en plumes d'oiseaux, des incrustations de nacre qui sont fort estimées et occupent un bon rang dans le commerce indigène, des ouvrages en cuivre repoussé,


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des bijoux en filigrane et des cercles d'or ou d argent destinés à servir de colliers ou de bracelets aux femmes et aux enfants.

Avec la terre argileuse ils confectionnent des briques et des tuiles qui sont employées sur place et des poteries qui forment un bon article d'exportation.

Les forêts fournissent des essences variées qui servent à la fabrication des sampans et des jonques et à la construction des édifices de quelque importance. Les bois de construction ne manquent pas dans les forêts cochinchinoises ; la difficulté consiste dans l'exploitation, qui n'est pas sans offrir certains dangers pour les Européens ; nous croyons cependant qu'en utilisant la main-d'oeuvre indigène on pourrait arriver à en tirer un parti considérable. Les bois de teinture et d'ébénisterie, ceux qui pourraient être utilisés pour les constructions navales, certaines essences gommeuses, déjà exploitées par les Annamites, mais d'une façon irrégulière, pourraient devenir, entre les mains d'ouvriers compétents, une nouvelle source de revenus.

Les importations n'atteignent, pour notre colonie, qu'un chiffre bien inférieur à celui des exportations. Elles consistent habituellement en vins, eaux-de-vie, liqueurs, conserves alimentaires, outils et fers ouvrés, passementeries et parfumeries, qui viennent de


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France; tissus de laine et de coton, articles de mercerie et de lingerie, qui viennent d'Angleterre ou des colonies anglaises. Les fers en barre viennent de Belgique. Les soieries, les huiles, le thé, les médecines et divers articles de consommation chinoise ou indigène viennent directement de la Chine.

Au point de vue commercial 1, la situation de la Cochinchine est des plus heureuses. Elle est entourée de marchés d'une grande importance, tels que Hong-Kong, Batavia, Bang-Kock et Singapour, où ses produits sont très appréciés ; la Chine et l'Inde se les disputent, et il est de toute certitude que la production pourrait se quadrupler sans qu'on eût à craindre de voir languir le commerce d'exportation, dans lequel consiste tout l'avenir du pays.

Pour les dépenses intérieures, les recettes arrivent à équilibrer les dépenses, et la colonie paye maintenant a la métropole une annuité de plus de deux millions pour sa quote-part dans les dépenses générales d'entretien de la garnison et de la division navale.

1. Nous croyons devoir indiquer au lecteur l'ouvrage de Louis Vignon. les Colonies françaises, qui constitue une étude approfondie et véritablement remarquable de la situation commerciale et économique de nos colonies.


Nous avons créé un jardin botanique et zoologique à Saigon, la ferme modèle des Mares sur la route stratégique de Cholon, un comité agricole et industriel, une ligne de tramways entre Saigon et Cholon, un chemin de fer qui va jusqu'à Mytho cl qu'on projette d'étendre jusqu'aux chef-lieux des autres provinces et même jusqu'à la capitale à Cambodge. Tous les points importants de la colonie sont reliés entre eux par des lignes télégraphiques, qui vont d'un côté jusqu'à Hué et Hanoi et de l'autre jusqu'à Bang-Kock en passant par PnumPenh et Battambang. La colonie communique directement avec Hong-Kong et avec la France par des câbles sous-marins. Nous avons amélioré les voies de communication, construit de nouvelles routes et de nouveaux canaux ; il est question de travaux de canalisation devant relier Bang-Kock à Saigon en utilisant le canal du Rach-Giâ.

Les grandes corvées ont été supprimées, la peine du rotin abolie, l'impôt foncier abaissé, ce qui n'a pas empêché d'en augmenter le rendement.

Les Annamites employaient les caractères chinois dans leur correspondance et dans les actes officiels Il en résultait que l'instruction était le privilège de quelques lettrés, le nombre infini de caractères l'empêchant d'être accessible à tous. Pour remédier à


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cet inconvénient nous avons substitué les caractères romains aux caractères chinois, supprimant ainsi, pour les indigènes et pour nous-mêmes, les difficultés dont l'apprentissage de l'écriture et de la langue était hérissé.

Si l'on ajoute à cela les améliorations apportées dans l'organisation administrative, améliorations que nous avons signalées plus haut, on peut se faire une idée du développement que nous avons donné à ce pays et de ce que nous pourrons faire au Tong-King.

Les intérêts commerciaux sont sauvegardés par une chambre et un tribunal de commerce, les banques et le comptoir d'escompte, qui n'est qu'une succursale de celui de Hong-Kong. Deux journaux, le Courrier de Saïgon et l'Indépendant, suivent avec soin le mouvement commercial et fournissent au négoce tous les renseignements qui peuvent l'intéresser. Les différentes nations de l'Europe sont représentées à Saïgon par des consuls. On a établi à Saïgon une agence principale des messageries maritimes avec tous les accessoires nécessaires.

Mentionnons, pour terminer, le projet de percement de l'isthme de Malacca, dû à l'initiative de MM. Léon Dru et Duloncle et encouragé par M. de Lesseps. L'exécution de ce projet serait, pour notre colonie, une nouvelle source de richesse.



DEUXIEME PARTIE

LE CAMBODGE

I

Au nombre des pays de protectorat nous trouvons en premier lieu le Cambodge, débris de l'ancien empire kmer.

Le Cambodge est borné : au nord, par le royaume de Siam; à l'ouest, par le royaume et le golfe de Siam; au sud, par le golfe de Siam et la Cochinchine française; à l'est, par l'Annam.

Il est situé entre 10° 30' et 14° de latitude nord, entre 101° 30' et 104° 30' de longitude est.

Sa superficie est d'environ 100 000 kilomètres cariés et sa population varie entre 950 000 et 1000 000 d'habitants.

A l'époque de sa grandeur, il comprenait, outre le Cambodge actuel, la Cochinchine et une partie

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du royaume de Siam qui était tout entier sous sa domination; Ang-Kor était la capitale. Plus tard, le roi s'établit à Bienhoa, en Cochinchine ; puis, chassé par une colonie chinoise qui, sous la protection des Annamites, s'établit dans les provinces de l'est de la Cochinchine, il se fixa à Saïgon. A la suite d'une guerre malheureuse avec l'Annam, nous l'avons vu, dans la première partie de cet ouvrage, obligé de traiter avec l'empereur d'Annam, de se reconnaître son vassal et de se réfugier à Oudong. Enfin, il finit par se fixer à Pnum-Penh, qui est la capitale actuelle du royaume.

Placé entre le royaume de Siam et l'empire d'Annam, tous deux remuants et avides d'extension, le Cambodge, incapable de résister aux invasions de ses voisins, était appelé a disparaître. Notre intervention dans la presqu'île indo-chinoise a changé la face des choses. Elle a eu, pour premier résultat, de l'isoler par rapport à l'Annam et de forcer le Siam à plus de circonspection dans ses relations avec nos voisins. Le roi de Siam s'était bien rendu compte de la situation; sans oser mettre ouvertement la main sur ce pays, il l'avait enveloppé d'un réseau d'intrigues qui lui permettait de le gouverner a sa guise. Le roi Norodom, incapable de conduire lui-même son royaume, subissait celte


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influence sans oser protester. Le résultat définitif était facile à prévoir : le Cambodge était appelé à devenir, à brève échéance, une province siamoise

L'amiral de la Grandière résolut de tirer parti de cette situation. Notre frontière du nord était a découvert; il entreprit d'en assurer la sécurité en maintenant l'indépendance du Cambodge et en décidant, pour cela, le roi Norodom à se placer sous notre protectorat. Le commandant Doudart de Lagrée, officier actif et intelligent, fut chargé de lui faire des propositions dans ce sens. Il réussit à gagner la confiance du roi et lui fit comprendre que la France saurait lui conserver sa couronne et le protégerait, en cas d'alliance, contre les menées des cours d'Annam et de Siam, dont les intrigues tendaient au contraire à le déposséder. Le 11 août 1863 Phra-Norodom acceptait notre protectorat et nous livrait l'importante position des Quatre-Bras, sur le Mé-Kong, pour y établir un dépôt de charbon.

Plus tard, le 15 juillet 1867, le roi de Siam, perdant tout espoir de s'agrandir désormais du côté du Cambodge, réussissait à faire consacrer, par un traité avec la France, l'annexion qu'il avait faite des provinces d'Ang-Kor et de Battambang, prenant ainsi possession d'une partie du Grand Lac. En échange, il abandonnait son prétendu droit de


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suzeraineté sur le Cambodge. On se demande encore comment nous avons pu prêter la main à une pareille duperie, et pourquoi nous n'avons pas au moins fait valoir les droits de notre protégé Norodom sur les deux provinces de Tonlé-Répou et de Mélu-Prey, dont il n'est pas question dans le traité et dont le Siam ne doit l'occupation qu'à la trahison d'un chef rebelle. Aucun acte officiel n'a d'ailleurs consacré cette prise de possession.

Avant l'organisation de notre protectorat, le roi du Cambodge était un monarque absolu, ayant sur ses sujets une autorité sans limite, usant à son gré du droit de vie et de mort, revisant et réformant les jugements. Tous les pouvoirs étaient centralisés entre ses mains. La propriété individuelle n'existait pas; le roi était seul et unique propriétaire de toute l'étendue du royaume, et ses sujets n'étaient, à vrai dire, que ses fermiers.

L'administration du royaume, placée sous l'autorité directe du roi, était partagée entre ses ministres, qui centralisaient également les services auxquels ils étaient affectés.

Le pays était partagé en provinces à la tête desquelles étaient des gouverneurs. Les provinces étaient elles-mêmes divisées en arrondissements qui étaient partagés en cantons comprenant plu-


sieurs communes administrées par des maires. L'organisation communale, que nous avons vu fonctionner en Cochinchine d'une façon vraiment remarquable, était complètement inconnue des Cambodgiens.

L'impôt constituait, à proprement parler, le loyer des terres, et était établi de telle façon qu'il frappait plus particulièrement le pauvre. Vicieux dans la forme, il l'était encore davantage dans le mode de répartition et dans celui de la perception. Il était perçu par des mandarins envoyés, chaque année, par la cour de Pnum-Penh, et même quelquefois affermé à des Chinois. D'ailleurs, les uns et les autres se faisaient un devoir d'en élever le chiffre outre mesure, ce qui a été une des causes de la dépopulation du royaume.

Les revenus du royaume étaient de plusieurs sortes. D'abord, l'impôt du riz, payé en nature et calculé sur le produit de la récolte, établi concurremment par l'envoyé royal et les mandatais, devait être d'un dixième pour le roi. Il fallait y ajouter la part revenant au collecteur et aux différentes autorités qui venaient s'interposer entre le contribuable et l'autorité royale. On allait jusqu'à prévoir la quantité nécessaire pour la nourritue des rats des magasins royaux, qui ne constituaient pas, dans


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l'espèce, les rongeurs les plus exigeants. Cet impôt était celui qui prêtait le plus aux exactions et aux abus de toutes sortes.

Ensuite venaient les grandes fermes, qui sont habituellement le privilege des Chinois, qui seuls possèdent assez de capitaux pour s'en assurer le monopole et qui en abusent pour pressurer le peuple: ces fermes étaient la perception des droits de douane, la vente de l'opium, la fabrication de l'eau-de-vie de riz et la ferme des jeux.

Après les grandes fermes venaient les loyers des maisons construites dans la capitale par les soins du roi, l'impôt de capitation, le rachat des corvées, la taxe personnelle des Asiatiques étrangers ; puis, les redevances en nature sur les divers produits du pays; le produit de la location des pêcheries, etc.

L'esclavage était une des conséquences du nonpayement de l'impôt.

Les esclaves se partageaient en plusieurs classes. Il y avait d'abord les esclaves royaux héréditaires, qui se composaient des prisonniers de guerre et de leur famille et des parents ou descendants de certains criminels ou rebelles dont la condamnation a mort entraînait, comme peine accessoire, la servitude perpétuelle de leur famille. Ensuite venaient les esclaves pour dettes, qui avaient la faculté de


racheter leur liberté, soit en servant leurs créanciers pendant un nombre déterminé d'années, soit en exerçant un métier sur les produits duquel le créancier prélevait une partie des salaires jusqu'à parfait payement de la dette. En dernier lieu venaient les esclaves penongs ou stiengs, produit de chasses organisées dans les pays limitrophes du royaume pour soumettre à la servitude les tribus sauvages qui y vivaient en liberté.

Tous les hommes, de quinze à cinquante-cinq ans, devaient le service militaire et étaient susceptibles d'être levés en cas d'appel; ils devaient en outre l'impôt de capitation et la corvée. Le tout était subordonné au gré de la fantaisie du monarque et parfois des hauts dignitaires, dont les exigences venaient accroître indéfiniment les charges pesant sur ce malheureux peuple.

L'exposé que nous venons de faire suffit à montrer toutes les améliorations que notre protectorat pourra apporter dans le pays. L'abolition de l'esclavage, l'émancipation du peuple, une juste répartition de l'impôt et de toutes les charges dont les populations étaient écrasées sous le gouvernement autocratique du roi et de ses mandarins, la fin de l'arbitraire sous lequel ils ont vécu jusqu'à ce jour leur feront apprécier à leur juste valeur les


bienfaits de la civilisation que nous leur apportons.

Les traités précédents ne nous avaient pas permis d'exercer notre protectorat d'une façon effective. Ne pouvant nous immiscer dans l'administration du pays, nous ne pouvions en corriger les abus, qui allaient chaque jour en augmentant. Notre situation équivoque nous donnait même une apparence de complicité qui ne pouvait convenir à notre dignité. Il importait de mettre un terme à un état de choses qui était préjudiciable aux intérêts du pays.

Dès l'année 1877, nous obtenions du roi quelques améliorations dans l'administration et le gouvernement de son royaume. Une ordonnance royale portait que les princes n'auraient dorénavant aucune autorité dans l'État et que leurs titres seraient purement honorifiques. Ils devaient, en échange, recevoir du gouvernement une solde proportionnelle à leur grade et aux ressources du Trésor; le conseil des ministres était chargé d'élaborer un projet de réforme des lois et de l'administration; le nombre des provinces et des fonctionnaires était réduit; le choix des maires était abandonné aux communes; une partie des fermes et des monopoles, ainsi que certains droits prohibitifs, étaient abolis; la corvée pouvait être rachetée; la justice était réformée; l'esclavage à vie était supprimé; la traite des pe-


nongs et des stiengs était abolie, et ceux qui étaient déja esclaves acquéraient la faculté de se racheter.

Enfin, en 1882, le roi signait une déclaration attribuant au conseil du contentieux de Cochinchine, siégeant à Saigon, le règlement des conflits survenus, en matière de contentieux administratif, entre le gouvernement cambodgien et les sujets européens ou américains résidant dans ses Etats.

La convention du 17 juin 1884, conclue entre le roi Norodom et M. Thomson, alors gouverneur de la Cochinchine, régla définitivement nos rapports avec le Cambodge; elle sert de base aujourd'hui à l'administration actuelle.

Aux termes de cette convention, le protectorat est placé sous la direction d'un résident général auquel est adjoint un vice-résident pour le suppléer eu cas d'absence; le pays est divisé en huit provinces, administrées comme autrefois, mais sous certaines réserves, par les mandarins, sous le contrôle de résidents français ; les huit provinces sont elles-mêmes divisées en trente-deux arrondissements; la justice est rendue aux indigènes par des tribunaux de paix installés dans les arrondissements avec juges cambodgiens, et par des tribunaux de résidence organisés dans les chefs-lieux de province avec juges européens et juges indigènes, les


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premiers ayant voix prépondérante; un tribunal supérieur a, en outre, son siège à Pnum-Penh; les Européens sont jugés par le tribunal de première instance de Pnum-Penh, avec appel à la cour de Saigon ; l'esclavage et la torture sont abolis ; notre code pénal est seul applicable; le roi se réserve le droit de grâce, mais les recours en grâce lui sont présentés par le résident général; les dépenses d'administration et de protectorat sont à la charge du pays; les résidents européens sont chargés de l'administration et de la perception des impôts directs ou indirects et des travaux publics.

Comme on peut le voir, la convention du 17 juin 1884 est, pour le Cambodge, une véritable révolution économique. L'organisation de notre protectorat s'acheva; une révolte de Si-Votha, l'un des frères du roi, n'en entrava que momentanément les effets en livrant encore ce malheureux pays aux horreurs de la guerre civile.

Ces malheurs enfin disparurent; les efforts du roi Norodom, et de son successeur Sisovath, ont aidé l'administration du protectorat à rétablir la paix dans ce pays si longtemps troublé par les discordes intestines ou par les entreprises étrangères; et depuis une vingtaine d'années on peut dire que le Cambodge est entré dans l'ère de la prospérité.


II

Le Cambodge est arrosé par le grand bras du Mé Kong et par le canal naturel qui déverse dans ce fleuve les eaux du grand lac Tonlé-Sap. Sur le bord de ces cours d'eau, le sol est généralement bas et humide. La partie située entre le canal du grand lac et le golfe de Siam est montagneuse et présente un grand nombre de pics, dont l'altitude varie entre 300 et 1500 mètres. Les sommets montagneux sont boisés et contiennent de riches mines de fer.

Il est baigné, au sud et à l'ouest, par le golfe de Siam; sur la côte, on trouve deux ports de mer : Kampot, sur une baie fermée par l'île de Phu-Quoc, et Kompong-Som, à l'embouchure d'une petite rivière, sur la baie du même nom.

Les huit provinces sont celles de Pnum-Penh, où est la capitale Pnum-Penh, résidence du roi et du résident général ; puis celles de Kratié, Pursat, Kompong-Chuang, Kompong-Thom, Banam, Krauchmar et Kampot.


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Les ruines d'Ang-Kor 1 sont situées dans l'ancienne province d'Ang-Kor, cédée au roi de Siam par le traité de 1867, restituée par lui en 1907.

Les Cambodgiens divisent l'année en trois saisons la saison des chaleurs, la saison des pluies et la saison sèche ; la première commence vers le milieu de mars, pour finir vers le milieu de juillet; la deuxieme va de juillet en novembre, et la troisieme de no vembre au milieu de mars.

Les productions sont à peu près les mêmes que celles de la Cochinchine française; la flore et la faune y offrent les mêmes caractères.

Les principales cultures sont celles du riz, du coton, du tabac, du bétel, du mûrier et de l'indigo.

Le commerce consiste en soie, cardamome, cochenille, bois de teinture et de construction, maïs, sucre de palme, vernis, gomme-gutte, étoffes de, soie tissées dans le pays et cotonnades anglaise', arachides, huiles, sésame, ivoire, plumés d'oiseaux servant à la fabrication des éventails, etc. 2

Les indigènes sont indolents et moins travailleurs que les Annamites. Cela tient peut-être à la grande

1. Voir, pour la description, l'ouvrage de M. Gaffarel, les Colonies françaises, pages 386 et suivantes.

2. Voir l'ouvrage de Louis Vignon, les Colonies françaises.


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facilité qu'ils ont à se procurer les objets de première nécessité et aux charges excessives que le mode de perception de l'impôt a fait peser jusqu'à ce jour sur la production.

Cependant, depuis que nous avons si heureusement modifié les institutions du pays, on remarque, au point de vue du travail, un certain progrès de la part des Cambodgiens. Le contact avec les Européens leur a donné, sur le confortable, des idées qui, jusqu'à ce jour, leur étaient complètement inconnues. Le travail étant mieux rémunéré, les industries tendent à s'accroître et à se perfectionner; le commerce tend a prendre une plus grande extension, et tout fait espérer que ces bonnes dispositions ne feront que se développer dans l'avenir. Le roi Norodom était un homme de progrès, qui faisait tout ce qui dépendait de lui pour pousser ses sujets dans la voie de la civilisation.

Les lacs du Cambodge, le Grand Lac ou Tonlé-Sap et le Petit Lac ne forment, pendant la saison des pluies, qu'une seule et même étendue d'eau; pendant la saison sèche, une partie de leurs rives reste à découvert et ils ne communiquent que par un chenal étroit. Ces lacs constituent, pour le pays, une des principales sources de richesses; ils sont très poissonneux, et leurs produits ont, dans toutes les


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régions avoisinantes, une réputation méritée qui attire toute une population de pêcheurs et d'industriels employés à la fabrication des filets et à la préparation du poisson. Ces produits s'écoulent, d'un côté, vers les provinces cédées au Siam par le traité de 1867, à Battambang et Chanlaboum; d'un autre côté, vers le Cambodge et, en descendant le Mé-Kong, vers la Cochinchine. Le marché de Bang-Kock, en communication constante avec Battambang, attire également une partie du commerce des lacs.

Le canal qui met le Petit Lac en communication avec le Mé-Kong offre cette particularité que, pendant une partie de l'année, il déverse dans les lacs les eaux de ce fleuve, tandis que, pendant le reste du temps, il déverse au contraire dans le fleuve les eaux des lacs.

Pendant la saison sèche, le confluent du Petit Lac avec le canal, obstrué par les dépôts vaseux, n'est navigable que pour les bateaux offrant un faible tirant d'eau. Il peut en résulter, pour notre commerce, des difficultés auxquelles il sera utile d'obvier si l'on ne veut voir les marchés étrangers attirer à eux, au détriment des nôtres, tous les produits du Grand Lac. M. de Lanessan, dans son ouvrage sur l'expansion coloniale de la France, indique à cela un remède qui, vu le succès obtenu par les Améri-


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cains pour l'approfondissement des bouches du Mississipi, nous paraît digne d'appeler l'attention de nos gouvernants.

Comme l'explique encore M. de Lanessan, l'avenir commercial du Cambodge et la prospérité de la Cochinchine sont subordonnés à la création de voies de communication permettant d'attirer chez nous les produits du Laos et du royaume de Siam. Le jour où nous aurons rendu le Grand Lac accessible d'une façon constante à nos navires et où une route praticable, reliant Korat à Battambang, permettra aux caravanes de Koiat d'arriver jusqu'à nous, la majeure partie des marchandises qui arrivent aujourd'hui de l'intérieur à Bang-Kock et dans l'Indo-Chine anglaise prendra la route du Cambodge et ajoutera un nouvel élément à notre commerce et à celui de nos protégés.

Pendant longtemps le Siam témoigna à l'égard de ses relations avec la France la plus mauvaise volonté; il nous disputa, comme on le verra plus loin, les rives mêmes du Mé-Kong; il ne cacha pas la colère qu'il éprouvait que nous lui ayons arraché la proie cambodgienne qu'il convoitait et qu'il avait déjà en partie conquise. Il lui fallut reconnaître la supériorité de notre force, et d'année en année il dut abandonner même les


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provinces qu'il avait prises à son voisin; peu à peu, malgré son énergique résistance, il a dû permettre la reconstitution de l'intégrité du Cambodge.

La chose est faite aujourd'hui; le roi du Cambodge, Sisovath, règne sur la vieille cité d'Ang-Kor, qui fut autrefois le centre de la civilisation cambodgienne. Rien ne pouvait mieux contribuer a consolider le prestige de la France en Indo-Chine, qui sait si sous son protectorat le Cambodge ne pourra pas reprendre quelque chose de son ancienne grandeur?


TROISIÈME PARTIE

L'ANNAM ET LE TONKIN

CHAPITRE PREMIER

L'ANNAM

L'Annam est borné au nord par le Tonkin; à l'est, par la mer de Chine; au sud. par la mer de Chine et la basse Cochinchine; à l'ouest, par la basse Cochinchine, le Cambodge et les principautés laotiennes.

Il est situé entre 10° et 20° de latitude nord, entre 102° et 107° de longitude est.

Sa superficie est de 200 000 kilomètres carrés et sa population d'environ trois millions d'habitants.

Les questions politiques relatives à l'empire d'Annam et au Tonkin étant intimement liées, nous croyons utile, avant d'aborder l'étude de ces questions, de jeter un coup d'oeil sur la géographie physique de ces deux pays.

L'Annam forme, sur la côte est de la presqu'île

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indo-chinoise, une bande de terrain d'une largeur moyenne de trente lieues, placée entre la mer de Chine et la vallée du Mé-Kong.

Une vaste chaîne de montagnes, qui se détache du massif du Yun-Nan et qui semble en être la prolongation, la traverse du nord au sud, à peu près parallèlement à la côte, pour, aller se terminer en Cochinchine, dans l'arrondissement de Baria, par les collines de Baria et celles du cap Saint-Jacques.

Le système hydrographique comprend le SongMa et le Song-Ca, qui arrosent, le premier, la vallée de Than-Hoa, le second, la vallée de Vinh ou NgéAn.

Les autres cours d'eau sont de moindre importance; ce sont plutôt des torrents de peu d'étendue et de profondeur; la plupart, n'étant pas navigables, ne sauraient être considérés comme voies de communication. Ce sont : le Sông-Gianh, important par sa position, et dont l'embouchure servait autrefois de point de départ à la frontière qui séparait l'Annam du Tonkin; le Cua-Dong-Hoi, sur lequel est bâtie la ville de Hong-Hoi, chef-lieu de la province de Quang-Binh; la rivière de Hué ; celle de Tourane, qui rappelle l'expédition de l'amiral Rigault de Genouilly; celles de Fai-Fo, de Phu-Yen ou Cua-DâKang; celles dé Phu-Giai et de Phan-Thit, qui se


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jettent dans la baie de Phan-Thit, sur laquelle se trouve la ville de Binh-Tuan.

Sauf les deux premiers cours d'eau dont nous avons parlé, les embouchures des rivieres sont obstruées par des bancs de sable ou de vase apportés par la mer et qui forment, entre la mer et la région montagneuse, de vastes espaces sablonneux complètement incultes et à peu près inhabités. Dans ces conditions, la difficulté de l'ecoulement des eaux a occasionné la formation d'étangs de dimensions variées, qui sont autant de sources de fievres et de maladies de tous genres.

Le climat est donc malsain, surtout pendant la saison des pluies. La fièvre et la dysenterie sont les maladies qui atteignent plus particulièrement les Européens.

L'Annam est divisé en douze provinces, qui sont, en allant du nord au sud : Thanh-Hoa, — Vinh ou Ngé-An, — Ha-Tinh, — Quang-Binh, — Quang-Tri, — Hué, dont le chef-lieu, Hué, est la capitale de l'empire, — Quang-Nam, — Quang-Ngoai, — BinhDinh, — Phu-Yen, — Binh-Hoa et Binh-Thuan.

Les trois premières provinces, situées au nord du Song-Gianh, faisaient autrefois partie du Tonkin et en ont été séparées par le traité de Hué. Ce sont assurément les plus riches.et les plus fertiles.


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Celle de Binh-Thuan, cedée à la France en 1883 par le traité Harmand, a été rétrocédée à l'Annam par le traité de Hué. L'élevage des chevaux s'y pratique sur une vaste échelle et en est la principale ressource. Les chevaux du Binh-Thuan, petits, ardents, sobres et duis à la fatigue, ont une renommée méritée dans toute l'Indo-Chine.

Aux chefs-lieux de province, dont les noms sont ceux des provinces elles-mêmes, nous devons ajouter comme villes remarquables : Qui-Nhone, importante pour son commerce, et qui est la première ville tombée au pouvoir des Tayson au début de leur révolte; Tourane, dont l'occupation a joué un rôle si important dans l'histoire de nos relations avec l'empire d'Annam.

Avant le traité de Hué, l'empereur d'Annam était un souverain absolu, exerçant sur ses sujets une autorité sans contrôle et n'ayant d'autre limite que les usages traditionnels. Dans ses relations avec ses sujets, il prend le titre de Hoang-De ou de Fils du Ciel, mais il ne l'employait pas dans ses relations avec l'empereur de Chine, dont il recevait l'investiture. Nous verrons bientôt, quand nous étudierons le côté politique, quelle était la nature de ces relations, qui ont été la cause ou plutôt le prétexte de la question franco-chinoise.


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L'empereur, élevé dans le harem, n'exerçait en réalité le pouvoir que nominativement. Les régents gouvernaient l'empire, et peu d'empereurs ont réussi à s'affranchir de cette tutelle et à administrer euxmêmes leurs États; parmi ces derniers, nous devons citer Gia-Long.

Au prince étaient adjoints deux conseils : le conseil des censeurs (do-ngu-su), qui pouvait lui adresser des représentations, et le conseil secret (comatvien).

L'administration est partagée entre six ministères : Intérieur, Finances, Rites, Guerre, Justice et Travaux publics.

Les mandarins sont partagés en neuf degrés, dont chacun est divisé en deux classes.

« La noblesse 1 est, comme en Chine, soit personnelle, soit ascendante, soit descendante, c'est-à-dire qu'elle est conférée, soit au sujet même qui s'en est rendu digne, soit à lui-même et à ses aïeux, soit à lui-même et à ses descendants. »

Dans l'instruction publique il y a trois grades qui correspondent chez nous à ceux de bachelier (tu-tai), de licencié (cu-nhàn), de docteur (tiên-si); ce der1

der1 dans la Grande Encyclopedie l'article ANNAM, traite avec beaucoup de competence par M. Henri Cordier.


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mer ne peut être conféré qu'à Hué. Il existe aussi deux degrés plus élevés, ceux de hoang-giap et de trang-nguyên, mais ils sont excessivement rares. Hué est le siège d'une académie, ham-lam-vien.

Nous avons donné plus haut la division en provinces, administrées, comme l'étaient autrefois celles de la Cochinchine, par un quan-bo et un quan-an, le second plus particulierement affecté aux affaires judiciaires. Celles de première classe, telles que ngê-an et thanh-hoa, avaient, au-dessus du quan-bo et du quan-an, un tông-dôc, sorte de vice-roi, chargé le plus souvent de concentrer l'administration de plusieurs provinces.

Chaque province était partagée en phus ou départements divisés en huyens ou arrondissements, qui étaient eux-mêmes subdivisés en cantons, lesquels se composaient de plusieurs communes administrées par des maires assistés de conseils communaux. L'organisation communale de l'Annam est identique a celle que nous avons déjà vue dans la basse Cochinchine et que nous avons respectée autant que possible. Elle est, en réalité, la base fondamentale du gouvernement.

Les mandarins chargés de l'administration des phus et des huyens rendent la justice, sauf appel devant le quan-an et devant le tribunal des trois règles;


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celui-ci a pour principale attribution la revision de tous les jugements qui entraînent la peine de mort ou qui sont de nature à être soumis au foi. Ce tribunal, présidé par l'empereur, se compose de la cour suprême, du tribunal des censeurs et de celui du ministère des peines.

Le roi est chef de l'armée. Au-dessous se trouve un premier maréchal commandant en chef à quatre autres maréchaux qui portent les titres de commandants de l'avant-garde, de l'arrière-garde, de l'aile droite et de l'aile gauche de l'armée. Puis viennent les grades correspondant chez nous à ceux de général de brigade, colonels, etc., subordonnés au nombre d'hommes qu'ils commandent ou a l'importance de la province ou de la fraction de province dont ils exercent le commandement militaire.

Les revenus de l'État se composent des contributions directes, comprenant l'impôt personnel et l'impôt foncier, et des contributions indirectes, de diverses natures. Parmi ces dernières nous devons citer la ferme de l'opium et celle des jeux.

La faune et la flore sont les mêmes qu'en Cochinchine. La température varie entre 10° et 35°; elle est donc moins élevée que celle de la Cochinchine et plus élevée que celle du Tonkin. La fertilité du sol est loin d'être la même crue dans ces deux


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pays, sauf cependant dans les provinces situées an nord du cours du Lang-Gianh et réunies à l Annam par le traité de Hué. La côte, formée, comme nous l'avons dit plus haut, par les apports de la mer, est impropre à la culture sur une partie de son étendue; en revanche, dans la partie montagneuse la végétation est d'une exubérance luxuriante. Les montagnes, inexplorées pour la plupart, contiennent, au due des indigènes, des gisements minéraux d'une grande richesse. Parmi ceux qui nous sont connus nous citerons les terrains houillers et les gisements ferrugineux de la vallée du Song-Ca, dans la province de Ngé-An.


CHAPITRE II

LE TONKIN

Le Tonkin est borné au nord par la province chinoise de Yun-Nan ; a l'est, par celle de Kouang-Si et par le golfe du Tonkin; au sud, par le golfe du Tonkin et par l'empire d'Annam; à l'ouest, par la Birmanie et le Laos.

Il est situé entre 17° 30' et 23° 20' de latitude nord, entre 101° et 105° 40' de longitude est.

Sa superficie est d'environ 90 000 kilomètres carrés et sa population de 12 à 13 millions d'habitants.

Le Tonkin comprend deux régions bien distinctes : la première, le Della, affecte la forme d'un triangle a peu près équilatéral dont les côtés seraient une ligne partant de Son-Tay au Cua-Day (l'embouchure la plus méridionale du fleuve Rouge) en passant par Ninh-Binh ; une autre ligne, partant également de Son Tay à la baie d'Along en passant par Quang-Yen;


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le troisième côté serait la partie de côte comprise entre le Cua-Day et la baie d'Along. —La deuxieme région se compose de tout le massif montagneux, peu connu, où prennent naissance les différents coins d'eau qui arrosent le pays.

Le Tonkin est arrosé par deux grands fleuves, le Song-Koi ou fleuve Rouge, et le Thai-Binh.

Le Song-Koi prend sa source dans les montagnes du Yun-Nan et se jette dans le golfe du Tonkin en se dirigeant du nord-ouest au sud-est. Ses principaux affluents sont la rivière Noire sur la rive droite et la rivière Claire sur la rive gauche.

Avant d'arriver à la mer, le fleuve Rouge se divise en trois branches principales : la branche septentrionale est formée du Cua-Traly, par lequel passent les navires européens et dont les bords sont le siege d'un marché important; la branche médiane, qui est reliée à la branche méridionale par le canal de Nam-Dinh, se divise elle-même en trois bras, le Cua-Ba-lai-Dong, le Cua-Ba-lai-Nam et le Cua-Lac, la branche méridionale porte le nom de Lach-Day et se divise également en deux bras.

Les embouchures de ces divers cours d'eau sont obstruées par des bancs de sable. Celles du LachDay et du Traly seules sont accessibles à marée haute aux navires ne calant pas plus de trois mètres,


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Le Thai-Binh, dont le cours supérieur est connu sous le nom de Song-Cau, prend sa source, selon toute apparence, dans les montagnes du Kuang-Si. Il reçoit plusieurs affluents, dont les principaux sont, sur la rive gauche, le Song-Thuong et le LucNghan ou Loc Nam. Sa direction est à peu près la même que celle du fleuve Rouge, avec lequel il communique par deux canaux, le canal de Bac-Ninh ou des rapides, et celui de Song-Gian ou rivière des Muuers. Il se divise aussi en plusieurs branches avant de se jeter dans le golfe du Tonkin. Les principales sont le Lach-Huyen ou bouche de Quang-Yen ; le Song-Kiem; le Cua-Cam ou bouche d'Hai-Phong; le Lach-Tray ; le Lach-Van-Uc et le Cua-Thai-Binh ou bouche d'Hai-Dzuong. De toutes ces bouches, le CuaCam seul est accessible aux navires de faible tonnage, qui peuvent remonter jusqu'à Hai-Phong et même, en certaines saisons, jusqu'à Hanoï.

A ces deux fleuves nous devons en ajouter un autre moins important, le Song-Ki-Kung, qui se jette dans la mer à l'extrémité de la frontière septentrionale du Tonkin et dont plusieurs affluents de droite artosent les régions montagneuses de Cao-Bang et de Lang-Son, dans lesquelles ils prennent leur source.

Les plaines du Delta sont protégées contre les inondations qui se produisent périodiquement à.


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l'époque de la saison des pluies, à l'aide de digues qui atteignent jusqu'à six et sept mètres de hauteur. Il arrive parfois qu'au moment des grandes crues ces digues viennent à se rompre et que les parties intermédiaires se trouvent inondées jusqu'au retour de la saison sèche, ce qui en arrête momentanement la culture. Cet accident, assez fréquent, ne constitue pas un désavantage réel dans ce sens que les eaux, déposant sur le sol des matières essentiellement fertilisantes, en accroissent le rendement et permettent de retrouver ainsi une partie des bénéfices enlevés par l'interruption de travail.

La région montagneuse est formée de suites de collines dont l'élévation moyenne ne dépasse pas 400 mètres, qui servent de ligne de partage des eaux entre les vallées des grands fleuves et celles de leurs affluents.

Le Tonkin est divisé en treize provinces, qui sont: dans la partie montagneuse, Tuyen-Quang, HongHoa, Cao-Bang, Thaï-Nguyen, Lang-Son et QuangYen ; en se rapprochant des côtes, Son-Tay, BacNinh, Hai-Dzuong, Hung-Yen, Hanoi, Nam-Dinh et Ninh-Binh.

Les villes les plus importantes, au point de vue commercial, sont d'abord Hanoi, ancienne capitale du royaume des Lê et siège du gouvernement. Elle


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est formée de la réunion de plusieurs villages dont la population pouvait, avant la guerre, être évaluée de 80 000 a 90 000 habitants. La ville est entourée de digues pour la protéger contre l'envahissement des eaux, au-dessous du niveau desquelles elle se trouve parfois dans la saison des grandes crues.

Nam-Dinh, bâtie sur l'un des canaux qui font communiquer le Cua-Day avec le fleuve Rouge, était, après Hanoi, la ville commerciale la plus importante du Tonkin. Sa population est évaluée à 30 000 habitants, dont la majeure partie se compose de Chinois ou de métis de Chinois et de femmes indigènes ; cette race mixte domine d'ailleurs dans la plupart des villes commerçantes du Delta. La ville est entourée de marais et de rizières très productives.

Hai-Phong, sur le Cua-Cam, est une ville nouvelle, qui parait appelée à un grand avenir. Sa population, évaluée à 20 000 habitants, tend chaque jour à augmenter. Son commerce prend un tel développement qu'on la considère avec raison comme l'entrepôt du Tonkin. C'est à ce point que tous les commerçants importants des autres villes du Delta y ont des représentants et même des succursales. On peut assurer, à l'heure qu'il est, que si Hanoi, par sa position stratégique au centre du Delta, est forcément la capitale


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militaire, Hai-Phong, par sa position géographique, est appelée à en devenir la capitale commerciale.

Quang-Yen, chef-lieu de la province du même nom, est située sur le bras septentrional du TayBinh, à peu de distance de la baie d'Along et sur la limite d'un réseau montagneux peu exploré jusqu'à ce jour. Ces montagnes contiendraient, au dire des indigènes et des missionnaires, des mines d'une grande richesse La mise en exploitation de ces mines et le voisinage de la baie d'Along pourraient en faire au moins un entrepôt secondaire, car le voisinage d'Haï-Phong s'oppose pour elle à un trop grand développement. A tort ou à raison Quang-Yen est considérée comme l'un des points les moins malsains du Delta, et on a songé à y fonder, pour les Européens, un hôpital de convalescents.

Hai-Dzuong était autrefois considérée comme la ville des plaisirs. Elle a beaucoup perdu de son importance, et le chiffre de sa population décroît d'une façon sensible.

Ninh-Binh, Bac-Ninh, Son-Tay, Hong-Hoa, LangSon, Tuyen-Quang, Tai-Nguyen sont autant de villes importantes qui, pour la plupart ravagées par la guerre, ont vu leur population diminuer de moitié.

La côte du Tonkin n'offre que peu d'abris aux navires qui ne peuvent pénétrer dans le Delta. Dans


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le nord, au-dessus des bouches du Thaï-Binh, nous trouvons les deux grandes baies d'Along et de FaïTsi-Long, formées par des ceintures de roches calcaires d'une certaine élévation qui les mettent à l'abri des ouragans et des typhons. Ces deux baies communiquent entre elles par un chenal que les jonques traversent à peu près en tout temps, mais qui n'est praticable, pour les grands navires, qu'à l'époque des fortes marees.

Dans le nord de la baie d'Along se trouve la rade d'Hone-Gac, que nous avons appelée Port-Courbet, et où l'on propose d'établir le principal port du Tonkin. La rade d'Hone-Gac est séparée de la haie d'Along par un bas-fond qui fait qu'elle n'est accessible aux gros navires qu'à certaines époques déterminées. Pour la rendre praticable en tout temps, il faudrait en draguer l'entrée (de façon à en augmenter sensiblement la profondeur); les difficultés qu'on pourrait rencontrer paraissent devoir être surmontées facilement. L'obligation dans laquelle nous nous trouvons d'entretenir maintenant une station navale au Tonkin nécessite rétablissement d'une rade sûre pour nos navires à toutes les époques de l'année.

La température du Tonkin varie, pendant la saison sèche, entre 25° et 30°, et pendant la saison des pluies


entre 14° et 24°. Le climat est moins malsain que celui de la Cochinchine, et les Européens y vivent plus facilement. L'eau y est mauvaise et est la cause premiere de toutes les indispositions. Les maladies régnantes sont la fièvre et la diarrhée chronique. Depuis le début de la conquête, la mortalité y a atteint, pour les troupes stationnées, un chiffre assez élevé, dû surtout au choléra; mais le choléra n'existe pas au Tonkin à l'état endémique, il est purement accidentel. On peut donc espérer que, comme cela est arrivé pour la Cochinchine, la mortalité suivra une progression descendante et arrivera enfin a un chiffre normal aussi satisfaisant que possible.

Les Tonkinois appartiennent, comme les Annamites, à la race mongole ; ils sont plus grands, plus forts et moins jaunes que ceux-ci; ils s'habillent mieux que les Annamites et vivent moins simplement. A part ces légères différences, l'étude ethnographique du Tonkin répondrait d'une façon à peu près identique à celle que nous avons faite de la Cochinchine.

Les productions du pays sont d'abord le riz, pour la culture duquel le Delta est merveilleusement appr pr e, et qui, comme en Cochinchine, donne deux récoltes par an. Ensuite viennent la canne à sucre, le coton, le mûrier et conséquemment la


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soie, l'indigo, le tabac, le maïs, l'ortie de Chine et différentes autres plantes textiles, le thé, qui pousse plus généralement dans les provinces de Son-Tay et de Hong-Hoa, la laque, la cannelle, le poivre, le girofle, le manioc, l'anis étoilé, les arachides, les haricots.

Tous ces produits, qui poussent dans le pays avec une facilité étonnante, n'ont pas donné, jusqu'à ce jour, tout le rendement dont ils sont susceptibles. Le parti qu'on en pourra tirer dans l'avenir sera évidemment doublé, par suite-, des procédés de perfectionnement de la culture auxquels nous pourrons initier les indigènes.

Au Tonkin. comme en Cochinchine, le chiffre des exportations dépasse de beaucoup celui des importations, ce qui est un signe évident de richesse. Les produits du pays suffisent amplement à la consommation indigène. Les articles d'importation sont les mêmes qu'en Cochinchine; ils sont surtout consommés par les étrangers et la population flottante, qui ne fera qu'aumenter avec le développement pacifique du commerce et des différentes industries. Là encore, nos produits ont à soutenir la lutte contre les produits anglais et allemands.

L'industrie est appelée à jouer un grand rôle dans cette riche vallée, nouvellement ouverte aux XCVII. 8


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Européens. La population européenne ne tardera pas à s'accroître par suite de la mise en exploitation des mines de charbon, de fer, de plomb, de zinc, de cuivre, d'argent et d'or qui sont signalées sur différents points de la zone montagneuse.


CHAPITRE III

L'INTERVENTION FRANÇAISE

I

Avant d'entrer dans le vif de la question et de suivre, pas à pas, notre drapeau jusqu'à l établissement de notre protectorat sur les bords du fleuve Rouge, il est utile de rappeler au lecteur que l'empire d'Annam comprenait, vers le milieu du XVIe siecle, le Tonkin et l'Annam proprement dit.

L'empire se partagea d'abord en deux: royautés distinctes; les Lê continuèrent à régner au Tonkin, ayant Hanoi pour capitale, pendant que les usurpateurs Nguyen régnaient à Hué. Plus tard, en 1802, Gia-Long, aidé par l'évêque d'Adran et par ses braves compagnons, réussit à réunir sous sa domination l'Annam et le Tonkin et reconstitua ainsi l'ancien empire de ses aïeux, augmenté de l'ancien royaume de Ciampah ; Hué redevint la capitale de


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l'empire, et le Tonkin, gouverné par un vice-roi, fut partagé en provinces administrées par des mandarins annamites.

La province chinoise du Yun-Nan était, vers le milieu du XIXe siècle, troublée par les insurrections continuelles des montagnards contre le gouvernement de Péking; c'était la suite de la révolte des Tai-pings. Le maréchal Ma, chargé après 1860 de la répression, entra en marché, pour diverses fournitures, avec un commerçant français, M. Dupuis, alors établi à Hong-Keou, sur le Yang-tse-Kiang. A cette occasion, M. Dupuis visita le Yun-nan; il en connut les richesses variées et s'efforça d'y établir des relations régulières.

Quelques années plus tard, le commandant Doudart de Lagrée et le lieutenant de vaisseau Francis Garnier étaient chargés d'une grande mission d'exploration le long du Mékong jusqu'au coeur de la Chine. Lagrée y mourut. Francis Garnier séjourna quelque temps dans le Yun-nan; il exprima dans le rapport de la mission l'opinion que la voie du Mékong n'est pas la meilleure pour l'exploitation des richesses de la Chine méridionale; et il conclut, d'après les renseignements de M. Dupuis lui-même, que la véritable roule de


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pénétration au Yun-nan, c'est le fleuve du Tonkin, le Fleuve Rouge ou Song-Koi. Dans le même temps, d'ailleurs, M. Dupuis se présentait à l'entrée du Song-Koi avec des bateaux à destination du Yun-nan; il obtenait, non sans peine, des mandarins annamites, la permission de remonter le fleuve, et il arrivait sans encombre dans le Yun-nan.

Revenu à Hanoi, il y fonda un établissement en 1873, avec l'intention de tirer parti des relations commerciales qu'il s'était créées au Yun-nan et d'en former de nouvelles avec Hong-Kong et Saigon. Il avait vu, du premier coup d'oeil, l'intérêt considérable de la position du Tonkin. La question du Tonkin était ouverte.

Les mandarins annamites ne manquèrent pas d'accabler Dupuis de vexations de tous genres pour entraver son commerce. Il eut avec eux les relations les plus délicates. Ils se plaignirent de lui à l'Empereur d'Annam Tu-Duc. Il se plaignit d'eux au gouverneur de la Cochinchine, l'amiral Dupré, et réclama une indemnité pour toutes les pertes que leur mauvaise volonté lui avait fait subir. L'amiral Dupré n'avait pas d'instructions de son gouvernement; depuis la guerre de 1870, la France observait beaucoup de réserve, et ses


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agents, en Extrême-Orient comme ailleurs, avaient ordre d'être en toute affaire le plus conciliants possible. Comme le gouvernement annamite insistait pour que le gouvernemént français fit partir Dupuis du Tonkin, l'amiral Dupré se décida à envoyer à Hanoi Francis Garnier pour qu'il se rendît compte de la situation. Le gouverneur de Saigon avait la pensée de se renseigner ainsi sur l'avenir d'un établissement français dans ces régions; mais, pour l'instant, il avait le souci d'éviter tout conflit.

Francis Garnier était un brave et un enthousiaste. Sa récente exploration du Mé-Kong et du Yangtsé-Kiang lui avait inspiré l'admiration des richesses de la Chine, et le désir patriotique d'en faire profiter la France. Très au courant des affaires de l'Extrême-Orient, il accepta de tout coeur la mission dont il était chargé par l'amiral Dupré.

Le programme qu'il se traça n'était peut-être pas absolument conforme aux instructions qu'il avait reçues. Il devait d'abord aviser au moyen de faire cesser le conflit existant entre Dupuis et les autorités annamites; étudier et mettre à profit les dispositions du peuple tonkinois qui, en lutte constante avec les mandarins, paraissait disposé à accepter


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notre intervention pour le délivrer d'un joug qu'il n'acceptait qu'à contre-coeur; essayer de traiter avec les autorités du Yun-Nan pour nous ouvrir le commerce de ce pays en adoptant un tarif douanier donnant aux deux parties une égale satisfaction.

Il quitta Saigon le 11 octobre 1873, s'arrêta à Tourane pour s'entendre avec les autorités annamites chargées de représenter la cour de Hué, et arriva au Tonkin le 23. Le 5 novembre, il mouillait à Hanoï avec ses deux canonnières, l'Espingole et le Scorpion. Le Decres, auquel son tirant d'eau ne permettait pas de remonter le fleuve, resta mouillé a l'embouchure.

Aussitôt arrivé, Garnier se mit en relation avec Dupuis et, loin de le contrecarrer, embrassa sa cause avec enthousiasme. Ce dernier proposait, pour atteindre le but désiré, de substituer aux mandarins hostiles aux Français des mandarins choisis parmi les indigènes dévoués à notre cause.

Les mandarins annamites avaient cru trouver en Garnier un libérateur qui les débarrasserait de Dupuis et le forcerait à abandonner le pays. Quand ils s'aperçurent de leur erreur, ils tentèrent près de Garnier quelques représentations, qui ne furent pas accueillies. Celui-ci avait déclaré hautement qu'il venait avec l'intention d'ouvrir le fleuve Rouge au


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commerce européen et avait même fixé un tarif douanier. Les relations ne tardèrent pas à devenir de plus en plus tendues jusqu'au moment où les autorités finirent par rompre completement avec notre représentant. Leur hostilité ne tarda pas à se manifester par mille vexations qui rappelaient les moyens d'intimidation essayés jadis contre Dupuis. On essaya de lui couper les vivres, d'empoisonner son eau, d'incendier le campement qu'il occupait avec son escorte. Notre ennemi invétéré, le maréchal Nguyen-Tri-Phuong, était le plus acharné de tous et prenait, vis-à-vis de la colonie française, une attitude des plus agressives.

Avec un homme du caractère de Garnier, c'était jouer un jeu dangereux, qui devait fatalement finir par une explication orageuse et précipiter les événements. Il essaya cependant de la conciliation et demanda à régler pacifiquement le conflit au mieux des intérêts de tous. Le vice-roi objectant qu'il n'avait reçu aucun ordre de la cour de Hué, Garnier lui donna un délai suffisant pour demander des instructions. Le délai expiré, les instructions n'étaient pas encore venues; les autorités montraient un mauvais vouloir évident et refusaient même de répondre aux avances qui leur étaient faites. Garnier demanda des renforts au Decres et adressa


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un ultimatum au gouverneur, lui déclarant que si dans quarante-huit heures il n'avait pas donné satisfaction au chef de la mission française, la citadelle serait enlevée de vive force.

Nguyen-Tri-Phuong ne jugea pas a propos de répondre, et on raconte même que cette prétention d'une poignée de Français de s'emparer d'une citadelle comme celle d'Hanoi excita son hilarité au dernier point.

La citadelle, rectangulaire, bâtie a la Vauhan, sous la direction des compagnons de l'évêque d'Adian, était garnie sur ses quatre faces de portes en bois de fer, entourée d'une double enceinte de fossés et de palissades, et occupée par plus de 5000 hommes.

Le délai fixé par l'ultimatum expirait le 19 novembre. Le 20, dès cinq heures du matin, les canonnières s'embossaient devant la citadelle et commençaient à la bombarder, pendant que Garnier, avec 150 hommes et autant de Chinois fournis par Dupuis, la tournait pour l'attaquer par la porte du sud-est, et qu'une autre colonne, sous les ordres d'un enseigne de vaisseau, se dirigeait vers la porte du sudouest. A l'aide d'une pièce de montagne on fit sauter les portes, et à huit heures, après un combat acharné de part et d'autre, les deux colonnes se rejoignaient


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et nous étions maîtres de la place, où nous trouvâmes une quantité considérable d'armes, de munitions et de vivres, des chevaux et des éléphants. Le vice-roi parvint a s'échapper: mais le vieux maréchal, blessé à mort d'un éclat de mitraille dès le commencement de l'action, tomba entre nos mains, ainsi que les deux fils de Phang-Tang-Giang.

Quelques jours après, Garnier faisait occuper par de faibles détachements Hung-Yen, Phu-Ly, HaïDzuong, Nam-Dinh et Ninh-Binh.

Etant alors maître de la plus grande partie du Delta, il songea à s'organiser, fit appel aux chrétiens et créa, à l'aide de volontaires, des milices indigènes. En promettant la protection de la France a tous ceux qui se soumettraient, il parvint à augmenter considérablement le nombre des partisans de l'occupation française, et se mit en devoir de remplacer par des indigènes les mandarins qui avaient pris la fuite.

Pendant que Garnier parcourait les provinces, s'eféforçant de rétablir partout l'ordre et la tranquillit, les anciens mandarins conspiraient contre nous et appelaient à leur aide les Pavillons-Noirs, ainsi nommés à cause de la couleur de leurs étendards de guerre. Ce sont des bandes de pillards commandées par un chef très énergique, Liu-Vinh-Phuoc, et com-


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posées des restes des anciens rebelles chinois et de quantité d'indigènes qui n'ont ni feu ni lieu.

De son côté, Tu-Duc, effrayé de l'audace des Français, avait envoyé des plénipotentiaires à Saigon pour protester contre l'occupation du Delta, et a Hanoi pour demander la suspension des hostilités en attendant que la question pût être réglée par voie diplomatique.

Garnier y consentit. Voyant les bandes rebelles augmenter chaque jour dans les environs d'Hanoi, il avait demandé des renforts à Saigon. Le 21 décembre, malgré la suspension d'armes, au mépris des conventions intervenues, la citadelle d'Hanoi était attaquée par 4000 Pavillons-Noirs.Les Français n'eurent pas de peine à les mettre en déroute et leur tuèrent un grand nombre d'hommes. Malheureusement, l'idée vint à Garnier de les poursuivre pour achever leur défaite ; il tomba dans une embuscade, ainsi que son lieutenant Balny d'Avricourt et quelques hommes. Les Pavillons-Noirs leur coupèrent la tête et en firent des trophées qu'ils promenèrent dans tout le pays. C'était, pour l'expédition si habilement conduite jusqu'à ce jour, une perte irréparable.

La mort de Garnier fut le signal d'une agitation considérable dans tout le Delta, et la situation des Français y fut extrêmement critique.


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L'amiral Dupré avait alors à choisir entre deux politiques opposées. Poursuivre la conquête commencée par Garnier, ce qui nécessitait une occupation sérieuse du Delta et des dépenses considérables que le cabinet de Versailles paraissait peu disposé à accepter, ou désavouer son lieutenant et procéder a l'évacuation en traitant avec Tu-Duc au mieux de nos intérêts et de l'honneur du pavillon français; Ce fut à ce dernier parti qu'il s'arrêta.

Il envoya pour le représenter à Hanoi M. Philastre, qui s'y rendit accompagné de Nguyen-VanThuong, représentant de la cour de Hué Ils s'entendirent assez facilement pour l'évacuation immédiate de toute la citadelle occupée par les Français. Dupuis fut obligé de quitter Hanoi, et se retira à Hai-Dzuoug, aux trois quarts ruiné.

Puis M. Philastre et Nguyen-Van-Thuong revinrent ensemble à Saigon pour y continuer la négociation d'un traité définitif. Derrière eu\ le desordre s'aggrava au Tonkin, entretenu par des bandes de plus en plus nombreuses de PavillonsNoirs venus de la Chine.

A Saigon, les négociations relatives au traité ne furent pas sans rencontrer des difficultés de la part des plénipotentiaires annamites, qui essayaient de réduire autant que possible le chiffre des concessions


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à faire à la France. L'amiral Dupré réussit enfin, mais non sans peine, à obtenir, le 18 mars 1874, la signature d'un traité qui complétait celui du 5 juin 1862.

Aux termes de ce traité, la France reconnaissait l'indépendance de l'empereur d'Annam vis-à-vis de toutes les puissances étrangères, sans exception. Elle s'engageait à l'aider à rétablir l'ordre dans ses États et à lui donner gratuitement cinq vapeurs de 500 chevaux, cent canons et mille fusils à tabatière. De son côté, l'empereur reconnaissait la souveraineté de la France sur les trois provinces de l'est de la Cochinchine, cédées en 1862, et sur les trois provinces de l'ouest, annexées en 1867. Il ouvrait au commerce européen trois ports du Tonkin où nous acquérions le droit de résider, de posséder et d'établir des consuls avec une escorte de cent hommes pour la protection de nos nationaux. Nous avions, en outre, le droit de circulation dans tout le royaume à l aide de passeports visés par les consuls, et la liberté de navigation sur toute l'étendue du fleuve Rouge L'Annam reconnaissait le libre exercice de la religion catholique et s'engageait à respecter ceux de ses sujets qui s'étaient compromis en s'alliant à nous avant l'ouverture des négociations. La France lui faisait abandon du reliquat de l'indemnité de


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guerre, qui était restée impayée depuis 1867; mais elle stipulait, en faveur du gouvernement espagnol, le payement d'une indemnité d'un million de piastres. Il était fait interdiction au roi d'Annam d'employer un intermédiaire autre que celui de la France en cas de troubles ou de soulèvements dans ses États.

Cette derniere clause et celle relative a l'independance absolue de l'Annam vis-à-vis des puissances étrangères doivent appeler toute notre attention. Elle mettait fin aux liens de vassalité qui unissaient l'Annam à la Chine. Ces liens n'étaient, d'ailleurs, que de pure courtoisie 1. L'empereur d'Annam ne réclamait souvent l'investiture que plusieurs années après son avènement au trône, et Tu-Duc lui-même, qui devait plus tard s'en prévaloir vis-à-vis de nous, paraissait, dans le principe, parfaitement décidé à s'en affranchir, ou tout au moins à s'en passer. Ce

1. Les Annamites sont toujours restes tributaires de la Chine, qui donne l'investiture à leurs rois. Cela a eu lieu de nos jours pour Tu-Duc. Cependant l'empereur de Chine envoie, a ce sujet, des ambassadeurs, et il ne peut exiger que le roi d'Annam se rende lui-même a Pekin. Le tribut dont il s'agit ici est plutôt moral qu'effectif; c'est simplement un acte de deference envers un grand empire que les Annamites considerent comme étant le centre de la civilisation par excellence. (Histoire et description de la basse Cochinchine, par G. Aubaret.)


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fut la violation de cette clause qui fut plus tard l'origine du conflit franco-chinois. D'un autre côté, la Prusse, en quête de colonies, cherchait à se créer des relations dans l'extrême Orient, et il n'était peutêtre pas inutile de resserrer les liens qui devaient nous unir a l'Annam, de façon à ne pas laisser de place libre à l'Allemagne dans notre voisinage.

On ne saurait contester que ce traité nous offrît des avantages réels. Il fut soumis aux Chambres, qui le ratifièrent le 1er août. Le 31 août, l'amiral Krantz, qui remplaçait par intérim l'amiral Dupré, rentré en France en congé de convalescence, le complétait par un traité de commerce qui assurait quelques avantages à nos nationaux et accordait à nos marchandises un traitement privilégié.

Le 13 avril 1878 la mission française, présidée par le capitaine de vaisseau Brossard de Corbigny, était reçue en audience solennelle par l'empereur Tu-Duc avec tout le cérémonial d'usage et échangeait avec lui les ratifications du traité du 18 mars 1874, qui était approuvé par l'Assemblée nationale en juin et ratifié définitivement, par l'empereur d'Annam, le 26 août.

Les difficultés avec la cour de Hué allaient entrer dans une nouvelle phase.


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II

Le traité Philastre fut appliqué parle gouvernement annamite avec la mauvaise volonté la plus manifeste; il refusa longtemps de le ratifier; il retarda tant qu'il put l'ouverture du fleuve Rouge au commerce; il laissa les Annamites inquiéter encore les chrétiens et commettre à leurs dépens toutes sortes d'excès. La piraterie sévit dans la région du Tonkin avec une telle intensité qu'on put se demander si elle n'était pas encouragée par la cour de Hué.

Les Pavillons-Noirs, toujours sous les ordres de Liu-Vinh-Phuoc, avaient établi leur quartier général à Lao-Kai, sur le Song-Koi, pendant que les PavillonsJaunes, sous les ordres de Hoang-Tsong-In, s'étaient établis à Ho-Yang, dans le nord de la rivière Claire. Ils occupaient donc toute la partie supérieure du cours du fleuve Rouge, prélevant des droits de douane, mettant le pays à contribution et rendant la liberté de circulation absolument illusoire. Notre consul à Hanoi, M. Lejumeau de Kergaradec, s'était lui-même trouvé arrêté par eux dans une tentative qu'il avait faite pour arriver jusqu'au Yun-Nan en remontant le Song-Koi.


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La situation devint assez délicate pour qu'en 1881 le gouvernement français se préoccupât d'une intervention énergique. Tu-Duc commença de le redouter et renoua des relations avec la cour de Péking; reprenant une coutume depuis longtemps périmée, il envoya porter à l'Empereur chinois un tribut d'hommage et de vassalité, et le marquis Tseng, ambassadeur de Chine à Paris, se mit à déclarer que son gouvernement ne reconnaissait point la validité du traité du 18 mars 1874. C'était donc ce traité lui-même qui se trouvait remis en question. Il allait être nécessaire d'agir.

Au mois de mars 1882, M. Le Myre de Villers, gouverneur civil de la Cochinchine, envoya au Tonkin le capitaine de vaisseau Rivière avec des instructions très précises et la recommandation expresse d'éviter soigneusement tout conflit avec les autorités annamites, et de n'employer les moyens violents qu'au cas où il serait lui-même attaqué.

L'intention de Rivière était bien de suivre à la lettre les instructions qu'il avait reçues, mais il ne fut pas maître des événements et ne put les diriger au gré de ses désirs.

Quand il arriva à Hanoi, il trouva la petite garnison française bloquée. Les Annamites, qui ne l'attendaient pas, furent d'abord stupéfiés, mais ils XCVII. 9


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reprirent bien vite leur audace en constatant l'insufflsance des forces dont il disposait.

La cour de Hué avait approuvé la mission du commandant Rivière; mais, soit que Tu-Duc eût négligé d'envoyer des instructions au gouverneur d'Hanoi, soit que ces instructions eussent été de nature à entraver notre action, ce dernier s'opposa aux reconnaissances que Rivière voulait faire sur le Song-Koi et finit même par ne plus répondre aux sommations qui lui étaient adressées à ce sujet. Il disposait d'une armée nombreuse, qui s'augmentait chaque jour; ses rangs allaient se grossir des Pavillons-Noirs, dont il avait sollicité le concours. La situation devenait des plus critiques, et il importait d'y obvier et de ne pas attendre l'attaque, qui devenait chaque jour plus imminente.

Rivière se décida à prendre l'offensive. Il fit appel à la garnison d'Hai-Phong et groupa autour de lui toutes les forces dont il pouvait disposer, trois canonnières, sept canons et environ 600 hommes, comprenant deux compagnies d'infanterie de manne, une vingtaine de tirailleurs annamites et les companies de débarquement du Drac et du Parseval, qui étaient mouillés à l'entrée du fleuve.

Ses précautions étant prises, le 2 avril il envoya au gouverneur de la citadelle un ultimatum qui


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resta sans résultat. Le 25 il embossait ses canonnières devant la citadelle et en commençait le bombardement a huit heures précises, pendant que l'infanterie de marine et les compagnies de débarquement opéraient de leur côté. A dix heures trois quarts les canonnières cessaient le feu et l'assaut commençait. A onze heures un quart nous étions de nouveau maîtres de la place et le pavillon français flottait sur la tour du réduit central. Les pertes des Annamites étaient considérables ; le gouverneur et le commandant de la citadelle s'étaient suicidés. De notre côté, nous n'avions que quelques blessés, parmi lesquels le commandant Berthe de Villers.

La prise de la citadelle d'Hanoi excita les plus vives réclamations de la part de l'Empereur TuDuc et du Marquis Tseng. Le premier envoya des plénipotentiaires à Saigon pour protester contre les actes du commandant Rivière, pendant que le second demandait à M. de Freycmet, notre ministre des affaires étrangères, l'évacuation du Tonkin ; le président du conseil lui répondit une fois pour toutes que la France n'entendait pas permettre à la Chine de s'occuper de ses démêlés avec l'Annam et qu'elle prétendait régler ses affaires sans son intervention. Le conflit franco-chinois se précipitait.


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Cependant les mandarins annamites du Tonkin, dans un accord touchant avec les pirates, reprenaient les hostilités contre Rivière; ils ne sa hasardaient point à l'attaquer directement; ils s'efforçaient de couper ses communications avec la mer, pour l'empêcher de recevoir des renforts et pour le réduire ensuite.

Il résolut de s'emparer de Nam-Dinh pour s'assurer la route de la côte; le 27 mars 1883, il s'y porta avec quelques canonnières et en quelques heures il en fut le maître. Les Annamites prirent la fuite, et, pour la première fois, on crut constater dans leurs rangs la présence de réguliers chinois. D'ailleurs, les Pavillons-Noirs se jetèrent pendant ce temps sur la petite garnison française qui était restée à Hanoi, et le commandant Berthe de Villers eut la plus grande peine à les contenir.

L'illusion n'était plus possible : c'était l'Empereur Tu-Duc lui-même qui réclamait l'intervention de la Chine, et nous avions la certitude que les Pavillons-Noirs étaient à sa solde. En outre, après la prise de Hanoi, il avait essayé de susciter des soulèvements en Cochinchine : le gouverneur de Saigon avait été obligé de réprimer sévèrement les tentatives d'insurrection, d'en faire arrêter les


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chefs et de les faire interner à Poulo-Condore. Le résident français à Hué, accablé de vexations, s'embarquait pour Saigon avec les membres de la légation. Nos relations avec la cour de Hué étaient rompues.

Rivière, enfermé de nouveau dans Hanoi, voyait chaque jour grandir l'audace des Pavillons-Noirs, qui dirigeaient constamment des attaques contre nos cantonnements. Pour y mettre fin, il résolut de tenter une sortie et demanda des renforts a l'amiral Meyer, commandant de la station navale de Chine. L'amiral mit à sa disposition les compagnies de débarquement de la Victorieuse, du Villars et du Leopard. Rivière y adjoignit une partie de la garnison de HaïPhong et quelques canons de campagne, et le 19 mai, au lever du jour, il se mettait en route sur Phu-Hoai, à la tête de son petit corps d'armée Vers six heures du matin, nous rencontrions l'ennemi, fortement retranché près du marché de Can-Giay. Dès le début de l'action, le chef de bataillon Berthe de Villers tombait mortellement blessé. Nous réussîmes à nous emparer du pont de papier qui coupe la route de Son-Tay; mais les Pavillons-Noirs, armés de remingtons, nous faisaient subir des pertes cruelles. A un moment donné il fallut songer à battre en retraite. Un des canons du Villars se trouvait engagé


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dans une rizière et allait tomber aux mains de l'ennemi; le commandant Rivière se précipite, mais il est tué ; l'aspirant Moulun et le capitaine Jacquin tombent à ses côtés. Le lieutenant de vaisseau Marolles réussit à sauver le canon, mais il fallut se replier en bon ordre sous un feu de mousqueterie bien noirri et bien dirigé ; il fallut aussi abandonner les corps de nos compatriotes aux mains des Pavillons-Noirs, qui les décapitèrent et en firent des trophées, comme ils l'avaient fait pour Garnier et ses compagnons. Il était dix heures quand les derniers survivants français rentrèrent dans la citadelle; cette malheureuse journée nous coûtait 30 morts et 80 blessés.

III

La nouvelle de cette défaite eut en France un douloureux retentissement. Le Parlement se décida a voter les crédits nécessaires pour continuer les opérations dans le delta du fleuve Rouge et venger la mort du commandant Rivière et de ses braves compagnons.

Le général Bouet, commandant supérieur des troupes en Cochinchine, était en même temps désigné pour prendre la direction des opérations.


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L'amiral Courbet, a la tête d'une division navale composée du Bayard, de l'Atalante, du Kersaint, du Château-Renaud, du Drac et du Parseval, devait opérer sur les côtes, et M. Harmand, notre consul à Bang-Kock, ancien compagnon, de Garnier, était nommé commissaire général civil de la République française au Tonkin,, avec mission de veiller au règlement des affaires civiles et politiques.

Aussitôt agrès l'arrivée du docteur Harmand, il fut" décidé que l'amiral Courbet se chargerait du blocus des côtes et tenterait d'arriver jusqu'à la capitale de l'Annam pour imposer un traité à l'empereur, pendant que le général Bouet reprendrait vigoureuse. ment les opérations dans le Delta.

Pendant ce temps, en exécution du plan arrêté, l'amiral Courbet arrivait le 16 août à l'entrée de la rivière de Hué. Le 16 et le 17, il prit ses dispositions pour attaquer, par terre et par mer, les forts qui en défendent l'accès. Le 18, le bombardement commençait et continuait le 19 ; notre artillerie, quoique bien dirigée, n'arriva pas sans peine a détruire les ouvrages de l'ennemi, qui nous prouva que de son côté les pointeurs habiles ne manquaient pas Le 20, l'amiral mettait à terre, sous un feu bien nourri, les troupes dont il disposait et les compagnies de débarquement; l'assaut était donné, et en quelques heures


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nous étions maîtres des forts. Nos pertes se bornaient à quelques blessés.

Notre vieil ennemi Tu-Duc était mort le 19 juillet sans laisser d'enfants. Il avait désigné comme successeur l'un de ses neveux, mais la régence en avait décidé autrement et avait fait monter sur le trône son frère cadet Hiep-Hoa.

A la nouvelle de la prise des forts, la cour de Hué, terrorisée, demanda un armistice, qui lui fut accordé. Le 22 août, M. Harmand et M. Palasne de Champeaux, administrateur des affaires indigènes, représentant le gouverneur de Cochinchine, se rendirent a Hué et signèrent le 28 août, avec le nouveau roi Hiep-Hoa, le traité qui devait être la conséquence des succès de l'amiral Courbet.

Aux termes de ce traité, nous étendions notre protectorat sur l'Annam et le Tonkin ; la province de Binh-Thuan, limitrophe de nos possessions, était annexée à la Cochinchine; nous acquérions le droit d'occuper les forts de Thu an-An, qui commandent l'entrée de la rivière de Hué; le traité accordait en outre à nos nationaux la liberté du commerce sur plusieurs points du littoral; les douanes étaient remises entre nos mains; les monnaies ayant cours en Cochinchine étaient admises dans toute l'étendue de l'empire; la cour de Hué s'engagait à faire éva-


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cuer immédiatement le Tonkin par les troupes annamites; enfin, un résident général français était autorisé à résider à Hué même pour surveiller cl contrôler les finances et l'administration annamites, et avait le droit, que nous n'avions jamais pu obtenir jusqu'à ce jour, de communiquer directement avec le roi en audience solennelle.

M. de Champeaux fut nommé, par dépêche, résident général à Hué, et M. Harmand repartit pour le Tonkin afin d'y surveiller l'exécution du traité en ce qui concernait le retrait des troupes annamites.

M. Harmand ne fut pas plus tôt de retour à Hanoi que des difficultés s'élevèrent entre lui et le général Bouet, qui rentra en France.

Le besoin se fit alors sentir de réunir dans les mêmes mains le pouvoir civil et le pouvoir militaire M. Harmand était parti pour la France afin de rendre compte de sa mission, et l'amiral Courbet avait pris sa succession et la direction générale des opérations militaires. Il attendait impatiemment les renforts demandés a la métropole afin de tenter un coup décisif.

Les troupes attendues de France furent embarquees le 10 novembre 1883. Le moment était arrivé de reprendre l'offensive.

Les Annamites, aidés des Pavillons-Noirs, avaient


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fortifié les villages, creusé des retranchements, élevé, des palissades, en un mot, entouré Son-Tay d'une formidable série de lignes de defense. C'était, depuis le commencement de notre intervention, leur véritable base d'opérations. Il importait de les en deloger.

L'amiral Courbet disposait alors d'un corps d'environ 9000 hommes, composé de tirailleurs algériens, de légion étrangère, d'infanterie de marine, de fusiliers marins et d'auxiliaires tonkinois.

Le 11 décembre, l'amiral quitta Hanoi, partagea son corps d'armée en deux colonnes, et on se mit en route pour Son-Tay. Le 12, on prenait,position. La journée du 13 se passa en observations de part et d'autre. Le 14, l'action commençait ; il s'agissait de s'emparer des ouvrages avancés de l'ennemi, et particulierement du fort de Phu-Sa. L'artillerie joua, dans cette journée, un rôle important, en réduisant au silence les batteries ennemies dont le feu gênait nos mouvements. L'infanterie de marine et les tirailleurs algériens montèrent bravement à l'assaut; l'ennemi, délogé de tous ses avant-postes, se retira dans ses retranchements. Pendant la nuit du 14 au 18, il ne cessa de nous inquiéter; enfin, apres un retour offensif, voyant qu'il ne réussissait pas à nous déloger de nos positions, il abandonna ses lignes et se


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rapprocha de la citadelle. Le 18, le mouvement offensif continuait. Le 16, l'artillerie du corps expéditionnaire et celle des canonnières bombardaient la citadelle ,et, vers la nuit tombante, nous entrions dans la ville apres un vigoureux assaut qui n'avait pas duré plus d'une heure.

L'ennemi fuyait en désordre,abandonnant ses morts, ses blessés, ses vivres, ses munitions et une partie de son armement. Ses pertes se montaient à plus de 1000 hommes. De noire côté, nous avions à deplorer la mort de bien des braves; nous avions 400 hommes hors de combat, tant tués que blessés, parmi lesquels 28 officiers.

C'était un beau succès pour nos armes. Nos troupes, bien commandées, avaient montré dans l'attaque des qualités de premier ordre; il avait, même fallu modérer leur ardeur pour les empêcher de se précipiter a l'assaut sans attendre les ordres du commandant en chef.

Pour achever notre succès, il nous aurait fallu, marcher immédiatement sur Hong-Hoa et sur BacNinh. L'amiral Courbet essaya de faire remonter le fleuve par nos canonnieres, la baisse des eaux ne le leur permit pas. Il fallut se contenter de garder les positions conquises, en attendant une saison plus propice et de nouveaux renforts, dont le besoin se faisait vivement sentir.


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Le gouvernement français expédia au Tonkin le général de division Millot avec les généraux de brigade Brière de l'Isle et de Négrier. Le 12 février 1884, l'amiral Courbet remit le commandement des forces militaires au général Millot et reput celui de la division navale, bloquant la côte, poursuivant les pirates et s'opposant, par tous les moyens, aux transports d'armes et de munitions

Sur ses indications, le général Millot eut pour premier objectif de s'emparer de la forte place de Bac-Ninh, dont l'importance stratégique est considérable dans la partie nord du delta et commande les routes qui débouchent de la frontière de Chine par Lang-Son.

L'action s'engagea dans les premiers jours du mois de mars. La brigade de Négrier, venant de Hai-Dzuong par eau, soutenue par la flottille qui remontait le fleuve, s'établit successivement, après plusieurs combats, dans les ouvrages avancés de l'ennemi. Elle le refoulait sans cesse, pendant que l'artillerie des canonnieres détruisait les bariages établis sur le Song-Cau et que la brigade Brière de l'Isle, debouchant par le canal des rapides, débarquait sur la rive gauche du Song-Cau et prenait l'ennemi à revers. Il fallut cinq jours pour le déloger de ses positions; enfin, les Chinois, battus de tous côtés, se


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voyant sur le point d'être enveloppés, évacuèrent la place, où nous entrions le 12 mars 1884, et fuyaient en désordre, abandonnant, comme d'habitude, leur artillerie, une partie de leurs armes et de leurs munitions, et leurs étendards de guerre.

Pour compléter la victoire, le général de Négrier les poursuivit sur la route de Lang-Son. Il leur infligea de nouvelles pertes et les battit à Phu-LangGiang et à Kep, pendant que le général Brière de l'Isle, les poursuivant sur la route de Thai-Nguyen, occupait Yen-Thé et Thai-Nguyen.

Nos perles étaient peu sensibles, comparativement à celles de l'ennemi. La déroute des Chinois était complète. La Chine devait être fixée sur la valeur de ses soldats.

Il fallut songer aux Pavillons-Noirs, qui s'étaient retranchés à Hong-Hoa et tenaient encore tout le cours supérieur du fleuve Rouge. Aussitôt rentré à Bac-Ninh, le général Millot reprit la route d'Hanoï ; les soldats du Céleste Empire fuyaient toujours devant nos troupes; terrorisés par la prise de Bac-Ninh, ils n'essayaient même plus de nous tenir tête et évacuaient les forts à notre approche. Les PavillonsNoirs, ne se sentant plus soutenus par eux, n'osèrent essayer une résistance qui n'eût servi qu'à grossir inutilement le chiffre des pertes que nous leur


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avions déjà infligées; aussi la marche sur Hong-Hoa ne présenta-t-elle pas le caractère des opérations précédentes. Le 13 avril, nous arrivions devant la place et nous trouvions la citadelle abandonnée par ses défenseurs. Nous occupions sans résistance les points du pays qui paraissaient avoir quelque importance, détruisant les ouvrages de l'ennemi, rasant les fortifications, que leur grand nombre rendait inutiles pour nous, et dont l'ennemi aurait pu tirer parti en cas de retour offensif.

Le 1er juin 1884 nous occupions de même TuyenQuang, et nous étions ainsi maîtres du cours de la riviere Claire.

IV

Nous espérions, à ce moment, que les opérations militaires touchaient à leur fin et que nous allions enfin pouvoir organiser le pays.

Le commandant Fournier venait de signer, à la date du 11 mai, avec le général Li-Hung-Chang, représentant le Céleste Empire, le premier traité de Tien-Tsin, par lequel la Chine reconnaissait la validité du dernier traité conclu avec l'Annam et s'engageait a retirer ses troupes du Tonkin. Les citadelles devaient nous être remises à des dates déterminées.


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De son côté, la France, eu égard aux dispositions conciliantes de la,Chine, renonçait au principe admis d'une indemnité de guerre et prenait l'engagement de n'employer, dans la rédaction du traité, aucun terme qui fût de nature à éveiller la susceptibilité de l'empire du Milieu. Une convention devait fixer ultérieurement nos relations commerciales avec la Chine.

Les Chinois nous montrèrent encore une fois quelle confiance on peut avoir en leur parole. La France, croyant à une fidèle exécution des conventions intervenues, avait déjà fait expédier à Madagascar le bataillon des fusiliers-marins; les tirailleurs annamites étaient rentrés à Saigon.

Le général Millot avait pris ses dispositions pour faire occuper, aux dates fixées par le traité, les citadelles que les Chinois devaient remettre entre nos mains. Une colonne, commandée par le lieutenant-colonel Duguenne, suivait la route de Lang-Son, dont elle se disposait à prendre possession, lorsque, le 23 juin, en traversant un défilé dans les environs de Bac-Lé, elle fut accueillie à coups de fusil par des réguliers chinois. On parlementa. Le colonel français fit observer qu'il venait, conformément aux stipulations du traité, pour occuper la citadelle de Lang-Son. Les Chinois protestèrent, arguant qu'ils n'avaient reçu aucun ordre à ce sujet.


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Pas d'ordres !.,, C'était la réponse qui avait été donnée à Dupuis,lorsque, en vertu d'une autorisation régulière de la cour d'Annam, il avait voulu, pour là première fois, remonter le Song-Koï; c'était la cause apparente de l'opposition systématique faite à Garnier et au commandant Rivière par les autorités, alors que, conformément à la demande même du gouvernement annamite, ils étaient venus à Hanoï pour étudier la situation et aviser aux moyens de trancher par la voie pacifique les difficultés existantes.

Le colonel Duguenne manifesta l'intention de passer quand même et d'exécuter la consigne qu'il avait reçue; le conflit s'envenima et tourna à la bataille. Les Français, écrasés par les forces supérieures, durent rétrograder après un combat qui nous coûta quelques hommes.

Quand la nouvelle de cet acte de mauvaise foi arriva en France, la surprise et l'indignation furent à leur comble. M. Patenôtre, notre ambassadeur, fut chargé d'adresser des représentations au Tsong-liYamen, et l'amiral Courbet, adjoignant à sa division navale celle des mers de Chine, reçut avis d'avoir a appuyer nos justes réclamations.

A Hué, les intrigues des mandarins et des lettrés recommençaient à nous créer de nouveaux em-


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barras. M. Patenôtre s'y était arrêté en se rendant en Chine et avait obtenu, le 6 juin 1884, bien plus par la menace que par la persuasion, quelques modifications au traité du 28 août 1883.

Aux termes de ce nouveau traité, conclu entre M. Patenôtre au nom de la France, et les ministres de l'intérieur, des finances et des relations extérieures au nom de l'empereur Kien-Phuoc, l'Annam reconnaissait et acceptait notre protectorat, et la France devait le représenter dans toutes ses relations extérieures; Thuan-An devait être occupé militairement par des forces françaises, et les ouvrages qui commandent la passe de Hué devaient être détruits; l'Annam proprement dit devait continuer a être administré par les autorités annamites, sauf en ce qui concerne les douanes et les travaux publics; les ports de Qui-Nhon, de Tourane et de Xuan-Day étaient ouverts a notre commerce, et nous étions autorisés à y établir des agents; un résident général, représentant le gouvernement français, devait présider aux relations extérieures de l'Annam et assurer l'exercice du protectorat sans s'immiscer dans l'administration locale; il devait résider dans la citadelle de Hué avec une escorte militaire et avoir droit d'audience privée et solennelle près du roi.

Le traité réglait également notre administration XCVII. 10


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au Tonkin et nous donnait droit de contrôle sur la perception de l'impôt; les douanes, complètement réorganisées, devaient nous être confiées ; les Européens avaient droit de circulation et étaient placés sous la juridiction française; les garanties stipulées par le traité du 18 mars en faveur des missionnaires et des chrétiens étaient maintenues.

De son côté, la France garantissait l'intégrité des États du roi d'Annam et s'engageait à le défendre contre les agressions du dehors et les rébellions du dedans ; elle renonçait à l'annexion de la province de Binh-Thuan, qui était rétrocédée a l'Annam, auquel on rattachait également les trois provinces méridionales du Tonkin, ce qui portait sa frontiere aux confins même du delta du fleuve Rouge. En retour de cette concession, l'Annam renonçait a reconnaître la suzeraineté de la Chine, et, comme gage de renonciation, le sceau qui constituait l'investiture de la part du Fils du Ciel était détruit en présence même de notre représentant.

La clause stipulant que notre résident général était admis à s'installer dans la citadelle impliquait, au point de vue politique, vis-à-vis des populations indigènes, un véritable droit de souveraineté. D'un autre côté, cette concession avait pour nous un avantage immense, en ce qu'il nous permettait de sur-


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veiller de plus près les agissements et les menées hostiles des grands mandarins.

Néanmoins, une nouvelle révolution de palais éclata le 31 juillet. Le roi Kien-Phuoc mourut, probablement empoisonné, comme son prédécesseur Hiep-Hoa, et, toujours sans se préoccuper de l'assentiment de la France, les régents disposèrent du trône en faveur de son frère puîné, Ung-Lich, un enfant de quinze ans.

Quand la nouvelle en arriva à notre résident, il adressa aux régents des remontrances énergiques et réclama, conformément au traité, qu'une démarche fût faite près des représentants de la France pour faire accepter le nouvel empereur. Les mandarins lui opposerent des fins de non-recevoir; il eut alors recours au général Millot, qui envoya à Hué le lieutenant-colonel Guerrier avec un bataillon et une batterie d'artillerie.

En présence de ce déploiement de forces, la cour se soumit de mauvaise grâce. Un ultimatum lui avait été adressé le 12 août; le 17 août, les mandarins souscrivaient a nos réclamations, et la mission française était admise en audience solennelle par le nouvel empereur et faisait son entrée par la porte du Milieu. Ce privilège n'avait été accordé, jusqu'à ce jour, qu'aux ambassadeurs de la Chine.


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Le marquis de Tseng avait quitté Paris après une série de pourparlers qui n'avaient servi qu'à prouver une fois de plus que les lenteurs du Céleste Empire n'étaient que de mauvais prétextes pour gagner du temps, se préparer à la lutte et prendre les dispositions nécessaires pour multiplier sous nos pas les difficultés de tout genre.

Sa mauvaise foi et celle de son gouvernement étaient évidentes; nous avions mis le temps pour nous en assurer, le moment d'agir était venu.

L'amiral Courbet avait reçu de France l'ordre de s'emparer comme gages des ports de Kélung et de Tamsui, situés au nord de Formose. Le 3 août, son lieutenant, l'amiral Lespès, arrivait devant Kélung; le 8 il commençait le bombardement, qui ne cessa que lorsque les fortifications furent complètement détruites.

Le 22 août arrivait l'ordre de bombarder l'arsenal de Fou-Tchéou et de détruire la flotte chinoise L'amiral Courbet ne l'eut pas plus tôt reçu qu'il en informa les autorités chinoises et les consuls étrangers. La legation de France amena son drapeau et se réfugia à bord d'un des navires de la flotte.

Fou-Tchéou est situé à l'embouchure de la rivière Min; l'entrée de la rade est dominée par des forts qui commandent la passe.


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L'amiral mit son pavillon sur le Volta, entra carrément clans la rivière en dedans de la ligne des forts, laissant à l'entrée les navires auxquels leur tirant d'eau ne permettait pas de le suivre. Le 23, l'attaque commença vers deux heures de l'aprèsmidi. En moins d'une demi-heure la flotte chinoise était détruite et il n'en restait plus que les petits navires qui, grâce a leur faible tonnage, avaient pu trouver un refuge dans le haut de la rivière, et quelques épaves qui, transformées en brûlots, constituaient un danger pour nos navires; il fallut les couler un à un à coups de canon et employer a cela une partie de la nuit du 23 au 24. Pendant que l'amiral détruisait la flotte chinoise, les navires qui occupaient l'entrée de la rivière bombardaient les forts, démontaient leur artillerie et les réduisaient au silence.

Le lendemain 24, commença l'attaque de l'arsenal, qui n'échappa a une destruction totale que parce que nos navires, calant trop d'eau, ne purent s'en approcher suffisamment. Le 23, le 26, le 27 et le 28, les opérations continuèrent avec le même succès.

Les batteries qui commandaient la passe avaient été construites en vue d'une attaque venant de la mer; il en résultait que nos navires, une fois leur besogne terminée, ayant au contraire à descendre la rivière,


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prenaient les batteries ennemies à revers. Néanmoins, pour forcer la passe, il fallut mettre à terre les compagnies de débarquement et quelques pièces d'artillerie, qui durent démanteler les ouvrages ennemis et les bouleverser de fond en comble. Enfin, le 29, nos bâtiments purent sortir de la rivière.

Pour continuer les opérations commencées dans le nord de Formose, il fallait attendre l'arrivée des troupes nécessaires pour opérer un débarquement. Aussitôt que l'amiral Courbet les eut à sa disposition, il s'empara, le 2 octobre, des ouvrages fortifiés qui dominent Kélung et qui, se trouvant en dehors du rayon d'action de l'amiral Lespès, n'avaient pu être atteints par son artillerie; le même jour, ce dernier échouait devant Tamsui. Ces deux points ne pouvant être conservés simultanément, a cause de la faiblesse de l'effectif dont il disposait l'amiral Courbet se contenta, au moins provisoirement, de conserver Kélung comme gage. Il fallut établir, à terre, des baraquements pour les troupes et installer, dans le poste de la douane, une ambulance, dont le grand nombre de malades ne faisait que trop sentir la nécessité. Pendant ce temps, les Chinois ne cessaient de nous harceler ; il fallait rester sur la défensive, lutter pour conserver nos positions et subir les rigueurs d'un climat des plus insalubres et des privations de tout genre.


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Le fi fevrier, l'amiral Courbet apprit que cinq navires chinois étaient sortis du fleuve Bleu et tenaient la mer. L'escadre reçut immédiatement l'ordre d'appareiller en bon ordre, et on se mit a la recherche des croiseurs ennemis.

Après avoir inutilement fouillé l'entrée de la rivière Min, la baie de Sam-Sah, la rivière de NamQuan, les Chu-san, l'embouchure du Yang-tse-Kiang, l'Eclaireur, qui marchait en tête de l'escadre, finit par découvrir, au mouillage de Scheipoo, les navires chinois, qui comprenaient trois croiseurs, une frégate et une corvette.

Les croiseurs prirent chasse immédiatement et gagnèrent la haute mer à toute vapeur, suivi de pres par le Bayard, le Nielly et l'Eclaireur. Le brouillard mit fin à la poursuite, et nos navires durait rallier leur poste de mouillage.

La frégate Yu-Yen et la corvette Tcheng-King n'ayant pas la vitesse des croiseurs, n'avaient pas osé tenté l'aventure. Elles avaient simplement changé de mouillage, entrant plus avant dans la baie de Scheipoo, où nos navires ne pouvaient les poursuivre, à cause des difficultés de la passe.

Dans la nuit du 14 au 18 février, les canots à vapeur du Bayard, armés en porte-torpilles et commandés par le commandant Gourdon et le lieu-


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tenant de vaisseau Duboc, entrèrent dans la rade de Scheipoo et, après avoir eu à surmonter des difficultés de tout genre, arrivèrent a faire sauter la frégate. Quant à la corvette, elle fut coulée par le feu de la frégate, qui, dans le premier moment de surprise, ne se rendant pas compte de ce qui se passait, fit feu au hasard dans toutes les directions. L'un des moyens d'amener la Chine à résipiscence était de l'affamer en s'opposant aux arrivages de riz. Pour atteindre ce but, l'amiral bloqua l'entrée du Pet-ché-li et s'empara des îles Pescadores, Il venait de s'y établir quand la Chine, enfin convaincue de l'inutilité de la résistance, demanda à traiter.

V

Au Tonkin, le général Millot, rentrant en France, avait remis le commandement au général Briere de l'Isle, qui était aux prises avec les Chinois.

Pendant que le général de Négrier battait à Kep et a Chu les troupes chinoises du Quang-Si, le colonel Duchesne repoussait victorieusement, du côté de Tuyen-Quang, les réguliers du Yun-Nan.

De nouveaux renforts arrivés de France permirent au général Brière de l'Isle de disposer d'un corps d'environ 7 000 hommes et de marcher sur Lang-Son.


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Le général partagea ses troupes en deux colonnes commandées par le général de Négrier et le colonel Giovanninelli, et commença sa marche en avant le 3 février 1888, en évitant la route occupée par les troupes chinoises; les inégalités du terrain rendaient notre marche très pénible et nos communications difficiles à assurer. Nous dûmes livrer a l'ennemi une série de combats; enfin le 13 février, apres dix jours de fatigues et d'alertes continuelles, nous arrivons devant Lang-Son et nous en chassions les Chinois, qui fuyaient en désordre du côté de la porte de Chine.

Il fallut alors songer à dégager Tuyen-Quang, où le commandant Dominé était depuis longtemps assiegé par les Chinois et les Pavillons-Noirs. Sa situation était des plus critiques; la garnison était réduite d'un tiers par le feu de l'ennemi, qui avait creusé des mines jusque sous les remparts de la citadelle, à laquelle il avait réussi à faire plusieurs brèches. Le nom du sergent Bobillot est dans toutes les mémoires ; on ne saurait trop admirer ce vaillant sous-officier qui, pendant trois mois, dirigea avec une rare énergie les travaux de contre-mines qui détruisaient, au fur et à mesure, l'effet des mines annamites et chinoises. Il tomba victime de son courage.


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Le général Brière de l'Isle n'ignorait pas la gravité de la situation du commandant Dominé. Laissant le général de Négrier a Lang-Son, il se mit en route sur Tuyen-Quang, et, le 28 février, arrivait assez pres de la citadelle pour signaler sa présence. Il était temps. La petite garnison était à bout de forces; toujours tenue en haleine par les alertes de l'ennemi, elle était exténuée de fatigue; enfin la délivrance approchait.

Pour gagner Tuyen-Quang, il fallut enlever à la baïonnette les ouvrages élevés par l'ennemi pour en défendre l'approche. Deux jours de combat furent nécessaires pour obtenir ce résultat, et, le 3 mars, le général Brière de l'Isle entrait dans la citadelle et adressait a son héroïque défenseur et a sa vaillante petite garnison les éloges que méritait leur courage.

Malgré cette série ininterrompue de défaites, les Chinois revenaient à la charge du côté de Lang-Son. Le général de Négrier avait opéré, dans les environs, plusieurs reconnaissances qui avaient été l'occasion d'autant d'escarmouches. Les Célestes, au lieu de diminuer en nombre, semblaient au contraire augmenter chaque jour; aux bandes anciennes venaient sans cesse s'en ajouter de nouvelles. En présence de de celle invasion, le général de Négrier avait dû,


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demander des renforts au général Brière de l'Isle. Le 28 mars, les troupes chinoises s'avancèrent en colonnes serrées et menaçaient de nous envelopper, quand le général de Négrier, blessé, fut obligé de remettre le commandement au lieutenant-colonel Herbinger. La situation était grave; le colonel, craignant sans doute de ne pouvoir, avec les forces dont il disposait, tenu' tête à un ennemi de beaucoup supérieur en nombre et dont les rangs grossissaient sans cesse, préféra abandonner la place et donna le signal de la retraite. Nous dûmes nous replier en bon ordre sur Kep et Chu. L'ennemi ne songea même pas à nous poursuivre.

La nouvelle de ces événements eut en France les plus graves conséquences. L'opinion publique était surexcitée par la longueur interminable des opérations, par le mystère qui en enveloppait tou jours l'issue. Le ministère Jules Ferry fut interpellé de la façon la plus violente et, presque sans pouvoir se défendre, il fut aussitôt renversé. Après quoi, on s'aperçut qu'il n'y avait rien de grave, et que la période de la conquête était définitivement terminée.


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VI

La Chine ayant demandé à traiter, les opérations militaires se trouvèrent arrêtées.

Les préliminaires de paix furent signés à Paris le 4 avril. Les négociations eurent heu à Tien-Tsin et furent dirigees par notre ambassadeur, M. Palenôtre, chargé de représenter la France, et Li-HungChang, représentant l'empereur de Chine. Le traité] définitif fut signé le 9 juin 1885.

La Chine se décidait enfin à abandonner ses prétentions de suzeraineté sur l'Annam, ses troupes évacuaient le Tonkin, et elle nous ouvrait le commerce du Yun-Nan.

Un traité de commerce, signé par M. Cogordan au nom de la France, vint compléter le traité de paix.

Malheureusement, le 5 juin, l'amiral Courbet mourait des suites des fatigues de tout genre qu'il avait dû supporter pendant cette pénible campagne.

Nous étions enfin maîtres de l'Annam, et, de gré ou de force, nous allions lui imposer nos conditions. Le général de Courcy, nommé commandant militaire au Tonkin, arriva à Hué le 1er juillet. Dans la nuit du 4 au 5 il fut attaqué par les Annamites, conduits par le régent Thuyet; son escoite réussit à


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repousser celte attaque, et Thuyet s'enfuit dans les montagnes, emmenant le jeune roi Ung-Lich. Le général organisa un nouveau conseil de régence composé de membres dévoués à la France, prononça la déchéance du roi et le remplaça par le prince Chang-Mong.

Les relations diplomatiques avaient été reprises avec la Chine dès l'ouverture des négociations pour la conclusion du traité de paix. Le Céleste Empire montra, pour l'exécution des clauses du dernier traité de Tien-Tsin, plus de bonne volonté qu'il n'en avait montré jusqu'à ce jour.

Aux termes du traité, une commission mi-partie française, mi partie chinoise, se réunit pour régler la question relative à nos frontières communes. Cette commission réussit à mener à bien son travail; ce n'est pas que des difficultés n'aient été soulevées à maintes reprises par les commissaires chinois, ce qui a occasionné, dans les travaux de la commission, de fréquentes interruptions. Le Tsong-li-Yamen se décida cependant à nous faire des concessions; il avait, du côté du Japon, des soucis qui absorbaient toute son attention et qui furent une des causes premières de son adhésion à notre politique.

La période d'organisation succéda enfin à la


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période de conquête. Les pillards chinois ne renoncèrent pas aussitôt à leurs expéditions dans le haut pays. Nous fûmes obligés, pour obvier à cet état de choses, d'entretenir au Tonkin un corps d'occupation de 10 000 hommes, qui eut souvent imiter contre les débris des Pavillons-Noirs et des bandes chinoises que l'invasion des Célestes avait laissées dans le pays. Leur audace alla jusqu'à attaquerl escorte de la commission de délimitation en amont de Lao-Kay. Enfin, le 10 septembre 1886, une bande de Chinois d'environ 1100 hommes pénétrait dans le village de Dong-Trieu, après avoir essayé, par un faux avis envoyé la veille au commandant d'armes, de faire envoyer un détachement sur un autre point où l'ennemi était signalé; elle fut repoussée après un combat de quatre heures et prit la fuite en abandonnant son matériel, des femmes, des enfants, et les bestiaux dont elle avait réussi à s'emparer.

Ce fut le dernier effort redoutable des éléments de désordre. Désormais les opérations militaires ne furent plus que des opérations de police, d'ailleurs parfois sérieuses. Le gouvernement français put s'occuper de l'organisation définitive de la conquête.


QUATRIÈME PARTIE

LE GOUVERNEMENT GENÉRAL DE L'INDO-CHINE

I. — LES GOUVERNEURS. — Dès le lendemain du traité de Tien-tsin, le président de la République, pensant que l'heure du gouvernement civil était enfin arrivée, avait chargé M. Paul Bert d'organiser adnnnistrativement le pays. Il ne pouvait faire un choix plus heureux, et nous ne pouvons qu'admirer cet illustre savant qui a accepté la difficile et périlleuse mission de représenter la France dans ces provinces que nos soldats venaient d'aroser de leur sang.

Paul Bert, nommé en février 1886 résident énéral de la République française au Tonkin et ans l'Annam, avait établi à Hanoi le siège de sa sidence.

Il avait pris à coeur de poursuivre jusqu'au bout tâche qu'il avait acceptée, et la première de ses réoccupations avait été d'organiser les finances


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de notre protectorat de façon à ne demander à lai métropole que le strict nécessaire.

Sous son habile direction, on put, pour la piemière fois, établir pour 1887 un budget sincère qui reçut l'approbation des Chambres. Ce budget; arrêté en recettes et en dépenses a la somme de 44 millions, prévoyait une subvention de 30 millions à fournir par la métropole. Les ressources fournies par la France cessèrent donc d'être indéfinies et celles que le Tonkin devait fournir commencèrent à entrer en ligne de compte; elles purent être développées ultérieurement et vinrent en atténuation croissante de la subvention.

Les anciens impôts, qui devaient rapporter 7 500 000 fr., étaient l'impôt foncier, l'impôt personnel sur les inscrits, l'impôt de capitation sur les Chinois et les Asiatiques étrangers, l'impôt sur le sel, sur la sortie du riz, sur les barques, sur les fermes de l'opium, des jeux, de l'alcool et du riz

Les impôts directs nouveaux, qui devaien fournir 500 000 francs, provenaient de la contri bution des patentes et de certaines contribution frappées dans quelques villages à titre excep tionnel et surtout en raison d'actes de piraterie

Les droits à l'entrée sur l'opium et les douane produisaient 6 millions.

Le Tonkin ne devait pas s'arrêter là.


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La sollicitude du nouveau résident s'étendait à toutes les branches de son administration Les travaux publics, l'instruction, l'organisation de l'armée indigène et de la flottille destinée à parcourir les fleuves pour en assurer la police, étaient l'objet de ses constants efforts.

De grands travaux s'imposaient. Il fallait rétablir les anciennes voies de communication et en créer de nouvelles, réparer en plusieurs endroits les digues destinées à mettre le pays à l'abri des inondations périodiques occasionnées par la saison des pluies. Il employa l'aide des troupes et des corvées, en attendant de pouvoir recourir à l'initiative privée.

Il établit le service de l'instruction primaire En dehors des instituteurs et des répétiteurs indigènes, il créa trois classes d'instituteurs français et une classe d'instituteurs auxiliaires.

Les troupes indigènes achevèrent de s'organiser et furent divisées en quatre régiments à quatre bataillons de mille hommes.

Partout Paul Bert s'efforça de substituer les impôts en argent aux impôts en nature.

D'un autre côté, il s'entendit avec M. Constans,

notre ministre à Pékin, pour engager avec le gou

vernement chinois des négociations en vue de

provoquer une convention additionnelle destinée à

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améliorer le traité de commerce conclu, le 26 avril dernier, par M. Cogordan. Cette convention tendait à modifier les stipulations de ce traité sur divers points qui avaient été l'objet de justes réclamations de la part du commerce d'Hanoi, et qui étaient considérés comme préjudiciables aux intérêts de nos nationaux. La première de ces modifications permettait l'importation au Tonkin de l'opium du Yun-Nan, qui était à bas prix et faisait concurrence à l'opium de l'Inde; la seconde permettait l'exportation en Chine des sels du Tonkin et nous ouvrait ainsi un nouveau débouché, qui pouvait également être profitable à nos possessions de la basse Cochinchine. Gomme compensation, notre résident général paraissait disposé à réduire ou même à abandonner la taxe do capitation des Chinois.

D'après le système douanier qui devait entier en vigueur le 1er novembre 1886 et dont l'application fut un peu différée, les marchandises étrangères devaient être soumises au tarif général, tandis que les marchandises françaises devaient être admises en franchise.

Les intérêts du Tonkin ne lui faisaient pas perdre de vue ceux de la mère patrie. Pour encourager nos industries nationales et leur permettre de lutter avantageusement au Tonkin


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contre lès importations étrangères, il organisait à Hanoi une exposition de nos produits nationaux, et, afin de donner le plus d'éclat possible à cette solennité, il faisait appel aux industriels et aux commerçants français. Le succès de cette exposition, dans un pays récemment ouvert aux Européens, aux portes de la Chine et à proximité de tous les marchés importants de la mer des Indes, assura la prépondérance de notre commerce, dans cette région, sur le commerce allemand et anglais, qui avait déjà essayé de nous y devancer.

Il ne devait pas lui être donné de le constater. Le 11 novembre 1886 il mourait à Hanoi, des suites d'une hémorragie intestinale.

Les chambres de commerce de Hanoi et de HaiPhong envoyèrent immédiatement à M. de Freycinet, président du conseil des ministres, un télégramme pour lui exprimer les regrets que cette perte causait à la colonie et demander au gouvernement la continuation du régime si brillamment inauguré par Paul Bert, dont la dernière pensée avait été que le travail commencé ne fût pas abandonné.

Après la mort de Paul Bert, l'Indo-Chine traversa une malheureuse période : cinq gouverneurs en cinq ans, MM. Bihourd, Vial, Constans, Ri-


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chaud, Piquet (1886-1891). La métropole d'ailleurs avait résolu de garder l'Indo-Chine, mais elle ne voulait faire pour elle aucun sacrifice ; elle la boudait 1. Elle ne se préoccupait à son sujet d'aucune entreprise durable, d'aucune méthode de gouvernement; elle paraissait même se désintéresser de la pacification ; elle ne faisait aucun effort suivi pour y assurer l'ordre. Aussi les insuirections se multipliarent-elles sur tous les points du pays; la piraterie refleurissait dans la région du Fleuve Rouge comme aux beaux jours de l'Empereur Tu-Duc; elle était peut-être encouragée par les mandarins annamites, qui pouvaient se persuader que la France ne garderait pas sa conquête, qui notaient avec attention la lassitude et l'indifférence des Français à cet égard.

Or M. de Lanessan avait, dès 1886, accompli en Indo-Chine une mission au sujet de laquelle il avait préconisé comme la plus sûre et la plus utile la politique de l'entente avec les indigènes. En 1891, il fut nommé gouverneur général de l'Indo-Chine, avec des pouvoirs considérables, pourvu qu'il ne demandât point d'argent à la France; il fallait que la jeune colonie se suffit tout de suite à elle-même.

1 A. Gaisman, L'oeuvre de la France au Tonkin, Alcan, 1906.


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Dès son arrivée en Extrême-Orient, M. de Lanessan, fidèle aux conseils qu'il avait antérieurement donnés, fonda sa politique sur l'accord avec les mandarins : ce fut le propre caractère de son administration. « Les mandarins, a-t-il écrit a ce sujet, sortent du peuple par une sélection incessante des individus les plus intelligents, les plus laborieux, les plus habiles dans l'art d'administrer et de gouverner. Par les examens, sans distinction d'origine, les plus capables peuvent s'élever graduellement jusqu'aux plus hautes dignités gouvernementales. Le peuple tout entier étant la source à laquelle s'alimente le mandarinat, il est tout naturel que le peuple ait pour ses mandarins le plus grand respect. Chacun voit en effet dans le mandarinat le but vers lequel tous ont le droit de tendre les efforts de leur vie. Proposer au peuple annamite de faire son bonheur en supprimant les mandarins, c'est heurter toutes ses idées, les principes introduits dans son esprit par l'éducation. C'est aussi menacer de ruine toutes ses espérances, ses plus légitimes ambitions, son excitant le plus noble au travail intellectuel et à la vertu... Les mandarins sont tout disposés à s'accorder avec nous, si nous ne les mettons pas nousmêmes, par de mauvais traitements, dans la nécessité absolue de nous combattre. »


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Quelle que fût la valeur de cette politique, que d'aucuns ont pu croire dangereuse, elle avait du moins le mérite d'être claire. Elle était une application loyale du Protectorat, respectueuse des institutions et des moeurs indigènes, soucieuse seulement d'une fructueuse collaboration avec l'élite intellectuelle du pays conquis. Elle produisit aussitôt des résultats encourageants. Les mandarins, heureux de la considération qui leur était de nouveau témoignée, aidèrent sincèrement à la pacification, qui fit en effet en quelques mois des progrès décisifs; quelques opérations énergiques des colonels Gallieni et Pennequin y contribuèrent.

Alors le gouvernement général put songer à l'aménagement de l'Indo-Chine, M. de Lanessan fit construire de nombreuses routes, surtout dans le Tonkin. Comme il ne pouvait rien demander à la France, il contracta un emprunt avec lequel il commença les travaux du chemin de fer de Langson. Il engagea ainsi — on le lui reprocha du reste — la colonie dans la voie du crédit; il annonça le programme des grands travaux publics qui devaient être réalisés après lui.

Quand, en 1894, il quitta définitivement l'IndoChine, il fut remplacé par M. Rousseau, auquel on lia si bien les mains, pour qu'il ne fît rien de mal, qu'il ne put rien faire du tout. Il y mourut en 1896.


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Et c'est alors que le ministère Méline nomma M. Doumer gouverneur général de l'Indo-Chine, en 1897. L'administration de M. Doumer, qui dura cinq ans (1897-1901), se caractérisa par l'organisation fiscale de la colonie et par l'exécution des grands travaux publics qui étaient depuis l'origine considérés comme indispensables. Il demanda des ressources aux contributions directes et notamment à l'impôt foncier. Il en demanda davantage aux impôts indirects, sur le sel, sur l'opium et sur l'alcool; car l'Annamite fait une consommation importante d'alcool de riz. Ces charges nouvelles ne furent pas agréables à l'indigène qui, depuis, n'a cessé de manifester le plus vif mécontentement; mais elles assurèrent des ressources régulières qui permirent de gager des emprunts importants par l'affermissement décisif du crédit de la colonie.

Ainsi M. Doumer put achever, avec une rapidité relative, des écoles, des casernes, des ponts sur les rivières et sur les canaux, et surtout deux grandes voies ferrées, de Hai-Phong à Lao-Kay sur la frontière chinoise, et de Hanoi à Vinh, dans la direction de Hué. Il fonda aussi l'Ecole française d'Extrême-Orient, destinée à approfondir l'histoire de la civilisation asiatique, une école professionnelle, des instituts médicaux comme celui du Docteur


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Yersin, un sanatorium dans le massif de Langbiang, au sud de l'Annam.

M. Beau, qui fut appelé à la succession de M. Doumer, en 1901, continua ces travaux ; il donna des soins plus assidus au développement agricole de la colonie ; car la Chambre de commerce de Lyon avait envoyé une importante mission en Extrême-Orient ; cette mission lyonnaise avait visité la Chine, et elle y avait fait de précieuses observations sur la culture du mûrier; elle exprimait au gouverneur général le désir que le Tonkin, notamment, fût aménagé mieux qu'il ne l'avait été jusque-là au point de vue de la production de la soie. Il est possible en effet que l'avenir de l'Indo-Chine soit surtout du côté de l'agriculture.

II. — L'INDO-CHINE FRANÇAISE ET LE SIAM — Cependant l'exploration de l'Indo-Chine s'achevait peu à peu. Sans parler des nombreuses missions d'officiers qui parcouraient l'Annam, le Cambodge, et en fixaient la topographie, la mission Pavie, de 1886 à 1891, avait fait connaître d'une manière définitive la région du Laos et les pays qui séparent le Tonkin du Siam, ou le Cambodge de la Birmanie. M. Pavie était vice-consul à LouangPrabang, au centre même de la région qu'il s'était donné la tâche de parcourir. Il chercha les


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roules qui pouvaient réunir le Haut-Mékong avec Je Tonkin ou la côte d'Annam. Il en détermina surtout deux, l'une par la rivière Noire sur ChoBo et Hanoi, l'autre par la rivière Song-Ca sur Vinh et le rivage de la mer.

Puis, élargissant ses ambitions, il fit de LouangPrabang le point de départ d'entreprises plus lointaines et plus hardies. Il explora les routes qui uniront le Laos au Cambodge à l'ouest du Mékong. Il parcourut les pays Shans à l'extrémité occidentale du Tonkin, dans le voisinage de la Birmanie. Il pénétra dans le Yun-Nan; il retrouva dans cette direction la vallée du fleuve Rouge et le souvenir des premières expéditions commerciales de M. Jean Dupuis.

Il tira de ces voyages des renseignements historiques et économiques de la plus grande valeur; il connut les populations de l'intérieur, et crut pouvoir d'après cela distinguer tous les peuples de l'Indo-Chine en trois groupes principaux: ceux de civilisation chinoise, régis par les lettrés ou mandarins et comprenant les Annamites; ceux de civilisation hindoue, où domine le régime féodal, comprenant les Khmers et les Thaïs, qui vivent dans la région du Mékong moyen; enfin les sauvages. Ces distinctions peuvent avoir de l'importance au point de vue politique.


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La mission Pavie contribua surtout à résoudre la très grave question de la navigabilité du Mékong. Le fleuve est encombré entre Louang-Prabang et le Cambodge, au coeur même de l'IndoChine, par les rapides de Khong. Francis Garnier, lorsqu'il avait accompagné Doudart de Lagrée dans l'exploration du grand fleuve, y avait été arrêté, et avait conclu que ces chutes ne permettraient jamais d'employer le Mékong comme une voie commerciale régulière. M. Pavie, en y regardant de plus près, estima qu'il était possible de trouver un chemin praticable à travers ces rapides. En 1891, le lieutenant de vaisseau Guissez réussit à en parcourir la plus grande partie sur une chaloupe à vapeur. D'autres tentatives ont été laites, pour aboutir à des résultats décisifs. Il est désormais certain qu'il sera relativement facile d'aménager la navigation du Mékong, et que, dans un avenir prochain, les produits du HautLaos et du Yun-Nan, que les marchands chinois expédient actuellement à Bangkok, viendront directement à Saigon. Rien ne peut contribuer davantage à l'unité réelle des domaines français en Indo-Chine.

Mais, du temps de la mission Pavie, le royaume de Siam avait des prétentions sur quelques territoires situés à l'est du Mékong, à la hauteur de


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Louang-Prabang et à la hauteur de Khong, en sorte que l'Empire français se trouvait découpé en plusieurs tronçons dont le gouvernement de Bangkok pensait empêcher la réunion. Il y allait de l'avenir même de la domination française.

Les relations franco-siamoises avaient été le plus souvent difficiles depuis l'établissement de la France en Indo-Chine. Le Siam sans doute y prévoyait un voisinage redoutable. Cependant une ambassade siamoise était venue à Paris en 1867, et un traité signé par le Siam à cette occasion avait reconnu le protectorat de la France sur le Cambodge ; il est vrai que le royaume de Siam gardait les provinces cambodgiennes de Battambang et d'Angkor : ce qui consacrait les empiétements qu'il avait commis jusque-là ; il y trouva peut-être un encouragement.

Lorsque l'Annam à son tour fut tombé sous le protectorat de la France, le Siam poussa sa pointe au-delà du Mékong, pensant réduire la domination française à sa plus simple expression, et se faire ensuite reconnaître la possession de quelques provinces annamites ; il établit des postes à travers l'Annam jusqu'à 40 kilomètres de Hué, et il se mit en devoir même, au-dela de Louang-Prabang, de couper l'Annam du Tonkin.

La France montra une longue patience, qui


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finit par se lasser. Le 1er avril 1893, elle fit occuper Stung-Streng, tout près des rapides de Khong, mais sur la rive gauche du Mékong, donc en pays annamite. Un poste français fut établi de même à Cammon, à peu près à moitié chemin entre Vinh et le Mékong, au sud du Tonkin; on eut de la peine à en faire partir le mandarin siamois qui en avait pris possession, et on le fit reconduire par l'inspecteur de la milice indigène Grosgurin et une escorte d'une vingtaine d'hommes; en route, comme on approchait du Mékong, mais toujours à l'est du fleuve, on rencontra une troupe de 200 Siamois; le mandarin siamois, fort de cette supériorité numérique, demanda un entretien à M. Grosgurin, et quand il fut en sa présence, il le tua d'un coup de revolver à bout portant; 17 de ses miliciens eurent le même sort; les autres s'enfuirent à Cammon et racontèrent l'incident. Cela se passait à la fin du mois de mai 1893.

Le gouvernement français commença par prendre possession de toutes les positions siamoises établies à l'est du Mékong; puis il donna l ordre à l'amiral Humann, qui commandait la station navale de l'Indo-Chine, de faire une démonstration sur Bangkok. Le coup fut porte avec une rapidité et une vigueur extraordinaires : deux petits bâtiments français, l'Inconstant et la Comete,


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se présentèrent à l'embouchure de la Ménam, la rivière de Bangkok, en forcèrent l'entrée à coups de canons, remontèrent jusqu'à la capitale siamoise, et jetèrent l'ancre face au palais du roi, les canons braqués sur lui.

Le 20 juillet, M. Pavie, consul général de France à Bangkok, remit au roi de Siam l'ultimatum du gouvernement français. Le Siam ne fit pas de longues réflexions ; il accepta les termes de l'ultimatum, qui furent la base du traité du 3 octobre 1893; il renonçait à toute prétention sur l'ensemble des territoires de la rive gauche du Mékong et sur les îles du fleuve ; les eaux du Mékong étaient placées sous la police unique de la France qui avait seule le droit d'y entretenir des bâtiments armés ; le Siam s'engageait à ne construire aucun poste fortifié ou établissement militaire sur la rive droite du Mékong dans un rayon de 25 kilomètres. Pour assurer à la France des indemnites convenables au sujet de la mort de M Giosgurin, et de divers autres attentats, des garnisons françaises devaient accuper provisoirement les postes de Battambang et de Chantaboun, et en percevoir les douanes.

La protection anglaise n'avait pas été profitable au Siam en ces graves circonstances. Le gouvernement de Londres prit même facilement son parti


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de la nouvelle situation de la France en Indochine, car il signait avec elle, le 18 janvier 1896, une déclaration assez inquiétante pour l'intégrité du royaume de Siam : « Les gouvernements français et anglais mettent en dehors de toute action militaire de leur part la partie du royaume de Siam comprise dans le bassin de la Ménam, et ils s'engagent a n'entrer dans aucun arrangement séparé qui permette à une tierce puissance de faire ce qu'ils s'interdisent réciproquement. Ils s'engagent en outre à n'acquérir dans cette région aucun privilège ou avantage particulier dont le bénéfice ne soit pas commun à leurs nationaux et ressortissants. Les autres parties du royaume de Siam demeurent en dehors de cette clause de neutralisation réciproque. » Ce qui revient à dire que l Angleterre et la France ne garantissaient au Siam que l'intégrité et la neutralité du bassin de la Ménam.

La question de Battambang, légèrement réglée par le traite de 1867, se trouvait à nouveau posée par les derniers événements. Lorsqu'après en avoir perçu quelque temps les douanes, la France eut à restituer la place, elle fit valoir auparavant les droits du Cambodge sur d'autres provinces siamoises occupées jadis à ses dépens. Une négociation s'engagea, qui fut longue, pénible, et


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n'aboutit qu'en 1907, au traité du 23 mars : moyennant quelques rectifications de frontière dans la légion côtière, le Siam renonçait aux anciennes provinces cambodgiennes de Battambang, Siemreap et Sisophon. Dès lors tout le bassin du grand lac Tonlé appartenait à la France, avec les importantes ruines d'Angkor, centre de l'ancienne civilisation cambodgienne. L'intégrité du Cambodge était reconstituée, et la France définitivement maîtresse de la plus grande partie de l'Indo-Chine. Elle en pouvait organiser l'exploitation normale.

III. — L'INDO-CHINE FRANÇAISE ET LA CHINE. — Il fut beaucoup parlé du démembrement de l'empire chinois, dans l'intervalle compris entre la guerre sino-japonaise et la guerre russo-japonaise; en considération de l'équilibre la France y dit son mot; elle y trouva même des profits appréciables qui étendirent sensiblement l'horizon de son IndoChine, et particulièrement du Tonkin.

Dès 1897, elle avait déclaré qu'elle attachait un prix particulier à ce que jamais l'île de Hai-nan ne fût aliénée m concédée par la Chine à aucune autre puissance étrangère, a titre de cession définitive ou temporaire, ou à titre de station navale ou de dépôt de charbon. Le gouvernement chinois affirma très volontiers, et par écrit, qu'il n'avait pas l'intention d'aliéner ses droits de souveraineté


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en faveur d'aucune autre puissance étrangère.

Quelques mois après, l'occupation allemande de Kiao-Tcheou, dans le Chan-toung, parut donner le signal du démembrement; le 6 mars 1898, la Chine cédait en effet cette station à l'Allemagne. Le 27 mars, la Russie se faisait attribuer, dans des conditions semblables, Port-Arthur et la presqu'île du Liao-Toung. La France présenta à son tour ses réclamations; sur sa demande, le 10 avril 1898, le gouvernement chinois déclara que les provinces chinoises limitrophes du Tonkin, c'est-à-dire le Yun-nan. le Kouang-Si et le Kouang-Toung, seraient toujours administrées par la Chine et resteraient sous sa souveraineté, qu'il n'y avait point de raison pour qu'elles fussent cédées ou louées à aucune puissance étrangère. De plus, la cour de Péking donnait à la France le droit de construire un chemin de fer depuis la frontière du Tonkin jusqu'à la capitale du Yun-nan, lui reconnaissait un droit de préférence pour la construction de tout chemin de fer dans ces trois provinces, et enfin lui cédait à bail, pour 99 ans, la baie de Kouang-tcheou, fort bien située sur la côte sud du Kouang-toung.

Le 22 avril, le contre-amiral Gigault de la Bédollière prit possession, au nom de la France, de la baie de Kouang-tchéou, en présence de ses


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compagnies de débarquement, parmi les salves d'artillerie de ses navires mouillés au large. La population chinoise de la région montra beaucoup d'irritation, excitée sans doute par quelques mandarins; il fallut en juin y installer des troupes, dont les rapports avec les indigènes manquèrent longtemps de cordialité. Le 12 novembre 1899, deux enseignes de vaisseau, Gourlaouen et Kuhn, furent attaqués et tués par des miliciens chinois. La France se contenta de demander à cette occasion une indemnité de 200.000 francs; elle l'obtint sans difficulté. Elle acheva l'organisation du territoire de Kouang-tchéou et le mit sous l'autorité du gouverneur général de l'Indo-Chine. C'était le complément chinois de la grande colonie voisine et comme le signe de son expansion économique dans la partie méridionale de l'empire chinois.

Jusqu'ici cependant l'action commerciale de l'Indo-Chine française s'est surtout portée sur le Yunnan; car elle n'y rencontre pas de concurrence; elle y trouve au contraire les conditions les plus avantageuses. Le pays, qui compte environ huit millions d'habitants, a été dévasté par les longues insurrections du dernier siècle, et il est dépourvu de tous moyens de communication, même avec le reste de la Chine, il a des ressources végétales et minérales et il n'en peut tirer aucun profit. XCVII. 12


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« Par suite de la défectuosité des voies de communication et du prix exorbitant des transports à dos de mulet, les produits de l'agriculture et de l'élevage ne peuvent être exportés hors de la province, et les facultés d'achat des Yunnanais sont par ce fait bien au-dessous de ce qu'elles pourraient être et de ce qu'elles seront quand le chemin de fer sera là pour transporter rapidement et économiquement les produits du Yun-nan vers la mer, vers ces mers chaudes du golfe du Tonkin qui baignent des pays tropicaux où toutes ces denrées sont si estimées et si recherchées. Il y a une demande considérable de viande de bouchene, fruits et légumes des pays tempérés dans les ports d'Extrême-Orient où les Européens sont avides de se procurer ces choses de première nécessité pour eux 1. »

M. Gervais-Courtellemont prend notamment l'exemple de la vallée de Tong-tchouan, au fond du lac de Tali, près de Tali-fou : « Par son agriculture cette vallée est aussi riche qu'on peut le désirer, riche a souhait, et ses habitants sont lamentablement pauvres. Les branches de leurs pommiers craquent sous le poids des fruits, la volaille pullule autour des maisons, les champs

1 Gervais-Courtellemont, Voyage au Yun-nan, Paris, 1904


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bien cultivés donnent deux récoltes par an. Mais où et comment vendre tout cela? A la capitale? Après sept jours de marche, comme les bonnes gens que nous avons rencontrés, ils vendront poulets et canards 23 centimes pièce, et leurs jolies pommes roses, qui rappellent nos pommes d'api, quelques centimes le picul de 60 kilogrammes.. Un mouton ordinaire vaut 2 fr. 50. » L'intérêt serait donc grand, pour le Yun-nan, et pour le Tonkin, d être mis en relations par une voie ferrée. De bonne heure prévue, la ligne de Hanoi à Yun-nan-sen a été mise en construction en 1902, au lendemain de l'administration de M. Doumer. Assez vite la voie fut achevée jusqu'à Laokai, à la frontière du Tonkin, soit un parcours de 380 kilomètres en pays français. Audelà les travaux de premier établissement ont rencontré des difficultés; les mandarins ont montré d'abord de la mauvaise volonté à l'endroit des « diables étrangers ». Ils ont fini par comprendre que cette entreprise pouvait être avantageuse aux. provinces chinoises plus encore qu'au Tonkin, et les travaux sont entrés dans une période de remarquable activité. Il y a encore à construire entre Laokai et la capitale du Yun-nan une longueur de 470 kilomètres. On s'est arrété à un tracé qui dessert les plus riches vallées du


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pays, dans la partie orientale de la province, la vallée du Nam-ti, la vallée d'Amitchéou, pour arriver à là plaine de Yun-nan-sen. « Sur ce parcours accidenté, dans un pays parfois inculte, inhabité, des difficultés considérables, imprévues se sont présentées. Il a fallu amener à grands frais, après plusieurs essais infructueux, 30 000 coolies chinois, débroussailler le sol, construire des chantiers, des abris, des magasins, des ambulances. Sur plusieurs points il n'y avait pas de population, pas de routes, pas même de sentiers. Certaines vallées encaissées sont insalubres. En même temps, il fallait régler avec les particuliers, dans les régions habitées, les questions d'indemnité1. » Toutes choses utiles ont été conclues entre la France et la Chine en 1903. L'oeuvre depuis a fait des progrès réguliers; elle sera sans doute achevée dans un avenir prochain

En même temps, la ligne de Hanoi à Vinh se prolonge dans la direction de Hué; au départ de Saigon, une autre ligne vient à sa rencontre, selon le tracé de la vieille « route mandarine ». Elles constitueront le trans-indochinois qui mettra Saigon en communications directes avec le Yunnan. Au-delà même du Yun nan, sur le Yang-tsé1

Yang-tsé1 Gaisman, L'oeuvre de la France au Tonkin, Alcan, 1900.


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Kiang supérieur, il n'est pas défendu de prévoir l'ouverture de relations commerciales avec le Set-chouen, une des plus riches provinces de la Chine, jusqu'ici un peu isolée, mais qu'il faudra un jour faire entrer dans la circulation économique universelle. Ce fut la voie jadis indiquée par Doudart de Lagrée et Francis Garnier; en quarante années, l'oeuvre accomplie par la France a été des plus remarquables: la conquête de l'Indo-Chine a déjà des résultats importants, l'exploitation en doit donner davantage encore IV. — L'EXPLOITATION ACTUELLE ET L'AVENIR DE L'INDO-CHINE. — Depuis une dizaine d'années, une application rationnelle de la science aux conditions naturelles du pays a donné, au moins par endroits, à l Indo-Chine française un aspect à certains égards européen. On a trouvé aux environs de Hai-Phong, vers la baie d'Along et dans l'île de Kebao, des gisements houillers, non pas très abondants : on les exploite avec activité. Il y a des filatures de coton à Hanoi, à Haiphong, à Saigon; elles ont même une organisation remarquable, une Société ingénieusement comprise, l'Union commerciale Indo-Chinoise, fait des avances aux cultivateurs de coton, ainsi ils sont engagés à des cultures de plus en plus étendues ; puis la Société leur achète leurs cotons bruts et les fait travailler dans ses


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usines; c'est encore la Société qui les expédie en ballots sur les marchés du Yun-nan ou du Kouang-si. C'est une industrie qui par la fait les plus rapides progrès.

Il y a dans l'Indo-Chine des cimenteries prospères, des distilleries, notamment d'alcool de riz, des industries électriques, des féculeries, des filatures de soie : on donne actuellement beaucoup de soin à la sélection des races de vers à soie.

Le commerce général absorbe désormais l'IndoChine dans son grand mouvement universel. Les ports, Saigon, Tourane, Hai-phong, sont de mieuxen mieux outillés; ils sont desservis par les grands paquebots des Messageries Maritimes. La locomotive fume et siffle autour de Hué, jusque dans le haut de la vallée du Fleuve Rouge. La colonisation française semble s'efforcer de transformer l'Indo-Chine à l image de l'Europe, de la « moderniser », comme on dit. Il en est surtout ainsi depuis l'administration de M. Doumer.

Faut-il croire pourtant, faut-il même souhaiter que l'Indo-Chine finisse par perdre toute originalité? Sa civilisation propre n'est-elle pas trop remarquable pour disparaître par une assimilation complète avec la civilisation occidentale? C'est la grande question qui se pose pour tous les pays d'Extrême-Orient.


— 183 —

Les Annamites et les Cambodgiens ne s'engagent pas avec un grand zèle dans la voie de la civilisation industrielle. Ils ne vont pas volontiers clans les usines; ils sont toujours avant tout des laboureurs, et le spectacle familier de la Cochinchine ou du Tonkin a une sorte d'expression symbolique : le petit cultivateur, abrité sous son large chapeau, poussant dans la rizière la charrue que tire son buffle patient. Les populations de l'Indo-Chine gardent un amour, en quelque sorte religieux, pour la terre nourricière; ils ne se déracinent pas aisément. Les chemins de fer les ont un moment étonnés; parmi les travaux publics de la colonisation, ils préfèrent les canaux, qui donnent de la valeur à la terre, qui en augmentent la surface cultivable et le rendement ; il y a là un moyen de les attacher à la cause de la France. Ils demeurent fidèles aussi, dans les plateaux, à leur lente et tranquille exploitation des bois, du teck ou du bambou; ils aiment leur petite industrie indigène, fabrication de meubles, incrustations diverses, de nacre surtout, bronzes et porcelaines; comme ce sont des produits recherchés par la curiosité européenne, ils s'y entretiennent la main; ils en fabriquent même de très anciens.

Il n'est pas utile sans doute, il n'est peut-être pas possible de chasser leur naturel. Ils ont été


— 184 —

bouleversés depuis une trentaine d'années par les circonstances de la conquête, par le changement de régime. Ils aimeront d'autant plus l'administration française qu'elle leur assurera la paix et le respect de leurs moeurs. Ils sont actuellement troublés par une recrudescence d'insurrection, dans le haut pays, au-dessus du Fleuve Rouge, le Detham tient campagne contre les troupes fran çaises, et il rencontre des connivences dans la population ; c'est le résultat d'une organisation financière qui a été peut être trop hâtive : l'augmentation des impôts directs, l'institution des monopoles de l'alcool et du sel a produit du malaise. Cela passera pourvu que l'on ménage le caractère des indigènes.

Mieux encore, il y a dans ces pays une civilisation très antique qui a laissé des souvenirs admirables. Ils ont souffert depuis de longues générations, de désordres interminables, de guerres et de pillages, qui les ont jonchés de ruines. Mais il y a eu dans la région du Mékong inférieur un foyer merveilleux d'activité intellectuelle et artistique ; les temples d'Angkor sont parmi les plus belles choses que l'on puisse admirer sur le sol de la vieille Asie. Ces peuples ont fait leurs preuves dans le passé. Est-il impossible de ressusciter leur gloire pour un temps évanouie? La France a dans


— 188 —

le Cambodge une situation solidement établie, parce qu'elle l'a refait; il était mutilé de tous côtés, entre le Siam et l'Annam; il allait périr; elle l'a sauvé, elle a reconstitué l'intégrité de son territoire, elle vient de lui rendre le berceau de sa civilisation. N'y a-t-il pas là une indication pour l'avenir ?

Le temps est passé de la colonisation par violence et par destruction. La France s'est honorée dans le passé par les amitiés qu'elle avait nouées dans l'Inde avec les Mahrattes; en très peu d'années Dupleix les avait conquis, dans le beau et grand sens de ce mot. Il s'était fait lui-même nabab. Il n'est sans doute pas nécessaire d'aller jusque-là; mais l'indication est précieuse : on ne peut fonder rien de durable, semble-t-il, en ces vieux pays que par une entente cordiale avec leurs moeurs actuelles et par un grand respect pour leur glorieux passé.

Les Annamites et les Cambodgiens ne sont pas des Chinois ni des Japonais : pense-t-on qu'ils tiennent à se mettre sous le joug des uns ou des autres? Ils ne songeront pas à les appeler comme des libérateurs, si les Français les aident à refaire leur grandeur. La France et l'Indo-Chine, y gagneront ensemble.



TABLE DES MATIÈRES

PREMIERE PARTIE

La Cochinchine française 3

CHAPITREPREMIER. — Histoire et conquête 5

— II. — Topographie 24

— III.— Gouvernement, administration.... 31

— IV. — Ethnographie ............... 41

— V. — Productions 33

1° Regne animal 35

2° Regne végétal 01

3° Règne mineral 07

— VI — Agriculture, industrie, commerce . 69

DEUXIÈME PARTIE

Le Cambodge 81

TROISIÈME PARTIE

L'Annam et le Tonkin 97

CHAPITRE PREMIER.— L'Annam 97

— II.— Le Tonkin 103

— III.— L'intervention française................. 115

QUATRIEME PARTIE

Le gouvernement géneral de l'Indo-Chine française 159

1779 09. — Coulommiers. Imp. PAUL BRODARD. — P3-10.



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La pratique des vins. 2e ed. (Guide du recoltant).

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8. Histoire de l'armée française.

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Les colonies anglaises. 2e edit.

iUlot. Les entretiens de Fonlenelle sur la pluralite des mondes.

sdois. (P). L'Europe contemporaine (1789-1879). 2e édit.

liant. Les principaux faits de la chimie (avec fig.).

Hist. de l'eau (avec fig ). othier. Histoire de la terre. 9e éd.

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I. Les Mérovingiens. 6e éd. 1 v.

II. Les Carlovingiens. 2e ed 1 v. ot. Révolution française. 7° ed.

1. Période de création, 17894792.

II. Période de défense, 17921804.

talan. Notions d'astronomie 6e édit. (avec fig ).

Dfts et Driault. Histoire de l'empire ottoman jusqu'a la révolution

révolution 1909. 4e edit.

Golller. Premiers principes des

beaux-arts (avec fig.). Coste (A.). La richesse et le bonheur.

— Alcoolisme ou épargne. 6e édit. Combes (L.). La Grèce ancienne.

4e edit.

Conpin (H.). La vie dans les mers (avec fig.).

Creighton. Histoire romaine.

Cruveilhier. Hygiène genérale. 9e éd.

Dallet. La navigation aérienne (avec fig.).

Debidour (A.) Histoire des rapports de l'Eglise et de l'Etat en France (1789-1871). Abrégé par DUBOIS et SARTHOU.

Despois (Eug.). Révolution d'Angleterre. (1603-1688). 4e édit.

Doneaud (Alfred). Histoire de la marine française. 4e édit.

— Histoire contemporaine de la

Prusse. 2e edit.

Dufour. Petit dictionnaire des falsifications. 4e édit.

Enfantin. La vie éternelle, passée, presente, future 6e éd.

Faque (L.). L'Indo Chine française. 2e éd. mise a jour jusqu'en 1910.

Ferrlère. Le darwinisme.9e éd.

Gaffarel (Paul). Les frontières françaises et leur défense. 2e édit.

Gastineau (B.). Les génies de la science et de l'industrie 3e éd.

Geikie. La géologie (avec fig.) 5e éd.

Genevoix (F.). Les procédés industriels.

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France. ( Architectes,pein

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IV. PHILOSOPHIE

Enfantin La vie eternelle Eug. Noël. Voltaire et

Rousseau. Zaborowski. L'origine du

langage F. Paulhan La physiologie

physiologie l'esprit Renard L'homme est-il

libre? Robinet Philos, positive

V. PHYSIQUE. — CHIMIE.

SCIENCES PRATIQUES

Gastineau. Genie et scienc. Zurcher. L'atmosphere, Morand Introduction à

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Geikie. Géologie.

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Conpin. Vie dans les mers

H. Beauregard. Zoologie.

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A. Larbalétrier. L'agriculture

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b.-3.' Les îles du Pacifique. a chasse et la pêche des animaux marins.

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veux. Le budget du foyer Economie domestique. 3e edit '-e travail manuel en France. 2e edit

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(avec fig.) 3e edit

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<jr (G.) Les chemins de fer (avec fig )

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stoire de l'art ancien moderne et contemporain (avec fig.).

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Morin. Resume populaire du code civil, 6e edit , avec un appendice sur la loi des accidents du travail et la loi des associations

Noël (Eugène) Voltaire et Rousseau. 5e edit

Ott (A ) L'Asie occidentale et l'Egypte. 2e edit

Paulhan (F ) La physiologie de l'esprit 5e edit (avec fig.)

Paul Louis Les lois ouvrieres dans les deux mondes

Petit. Economie rurale et agricole

Pichat (L ). L'art et les artistes en France (Architectes, peintres et sculpteurs ) 5e edit

Quesnel Histoire de la conquete de l'Algerie

Raymond (E ) L Espagne et le Portugal 3e edit

Regnard Histoire contemporaine de l'Angleterre depuis 1815 jusqu a nos jours

Renard (G ) L'homme est-il libre? 6e edit.

Robinet La philosophie positive. A Comte et P Laffitte 6e ed.

Rolland (Ch ) Histoire de la maison d'Autriche 3e edit

Sérieux et Mathieu L'Alcool et l'alcoolisme 4e edit

Spencer (Herbert) De l'education 13e edit

Turck Medecine populaire 7eédit.

Vaillant Petite chimie de l'agriculteur

Zaborowski. L'origine du langage. 7e edit

— Les migrations des animaux.

4e edit

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LouisPhilippe edit Zurcher (F ) Les phenomenes de

l'atmosphere 7e edit Zurcher et Margollé Telescope et

microscope. 3e edit

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I. HISTOIRE DE FRANCE.

Buchez. Mérovingiens. — Carlovingiens. Bastide. Luttes relig. — La Réforme. Fréd Lock. Jeanne d'Arc. Carnot. La Révolution française. 2 vol. F. Lock. La Restauration. E. Zevort. Louis-Philippe, Doneaud. La marine Franç. Bère.L'armee française. Quesnel. Conquête de

l'Algérie. P. Gaffarel. La défense

nationale en 1792. Meunier. Hist. de la littér. Debidour. Rapports de

l'Eglise et de l'Etat (1789-1871).

II. PAYS ÉTRANGERS.

E. Raymond.L'Espagne.

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révolutions Blerzy. Colon, anglaises. Bondois. L'Europe cont. Doneaud. La Prusse. Henneguy. L'Italie. Regnard.L'Angleterre. Creighton. Histoire rom. Mahaffy. L'antiq. grecque. Faque. L'Indo-Chine.

III. GÉOGRAPHIE. — COSMOGRAPHIE.

Zurcher et Margollé. Les

phénomènes celestes. Catalan. Astronomie. H. Blerzy. Torrents, fleuves et canaux. Boillot. La pluralité des mondes de Foutenelle. Girard de Rialle. - Peuples de l'Asie et de l'Europe.

Grove Continents, Océans. Jouan. Iles du Pacifique. Amigues. A travers le ciel. Faque. L'Indo-Chine. Gaffarel.Frontières franç. Joyeux. L'Afrique franç. Milhaud. Madagascar.

IV. PHILOSOPHIE.

Enfantin. La vie eternelle.

Eug. Noël. Voltaire et Rousseau.

Zaborowski. L'origine du langage.

F. Paulnan. La physiologie de l'esprit.

Renard. L'homme est-il libre?

Robinet. Philos, positive.

V. PHYSIQUE.— CHIMIE. SCIENCES PRATIQUES.

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VI. SCIENCES NATURELLES

Zurcher et Margollé. Telescope et microscope.

Craveilhier. Hygiène.

Brothier. Hist. de la terre.

Turok. Médec. populaire.

Merklen. La tuberculose.

Monin. Les maladies épid

Ferrière. Darwinisme.

Geikie. Géologie.

Zaborowski. L'homme préhistorique.

— Migrations des ani

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che des animaux marin Coupin. Vie dans les me H. Beauregard. Zoolo Maigne. Mines de Fran A: Larbalétrier. L'ag culture française.

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de l'agriculteur.

VII. ENSEIGNEMENT. ECONOMIE POLITIC

— ARTS:

Guyot (Y.). Préjugés nomiques. Corbon L'enseigneme professionnel. Leneveux. Budg. du foye

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ge en Angleterre. G. Meunier. Hist. de l'ar Collier. Les beaux-arts. Genevoix. Matière pre — Procédés industriel Petit. Econ. rur. et agri Coste. Richesse et —Alcoolisme ou Epargn Sérieux et Mathieu; L'a

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VIII. DROIT.

Morin. La loi civile. Jourdan. Justice crimi Paul louis. Les lois ou

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