346 LE MIRACLE FRANÇAIS EN ASIE
pour montrer l'inanité de l'hypothèse. Que si, au contraire, on suppose ces pays reprenant respectivement leur liberté d'action, alors, pour chacun d'eux, c'est la régression mortelle vers le passé, vers l'isolement funeste, vers ce péril d'insécurité et de vulnérabilité dont, précisément, tous ont voulu se garder en se plaçant sous la forte protection de la souveraineté française. De toutes façons, et nos protégés le comprennent, la disparition de notre souveraineté serait la déchéance de l'Indochine, la décadence de chaque État, l'anarchie, jusqu'au jour, nous le répétons, où telle convoitise extérieure viendrait régler le compte de tous en imposant à la faiblesse de chacun le joug d'une domination nouvelle. »
Ces vues de M. Sarraut sont confirmées par ce qui se passe aux portes mêmes de l'Indochine, aux Philippines et en Birmanie. J'en emprunte, pour les Philippines, le témoignage à M. Albert de Pouvourville :
« Lâchés sans expérience, sans chefs et sans contrôle, dans la vie économique et politique, comme de jeunes poulains dans la prairie, les Philippins n'ont fait que des bêtises. En politique, ils se sont dits et crus les maîtres : en sciences industrielles appliquées, ils ont agi tout de travers ou n'ont rien fait. En finances, ils ont tout dépensé et n'ont point fait de recettes. Ils ont obéi à ce double principe extrême-oriental, qu'il faut travailler le moins possible et que, lorsqu'on fait une affaire, il faut d'abord vivre dessus, même si elle ne peut supporter les frais généraux que comporte cette habitude.
« Aujourd'hui, la politique suivie par le gouverneur Harrison a conduit les Philippines au bord du goufre : tous les fonctionnaires sont Philippins, et on peut presque dire que tous les Philippins sont fonctionnaires ; il n'y a ni discipline, ni méthode, ni contrôle : chacun fait ce qu'il veut. Il n'y a plus de routes (et le réseau philippin était célèbre), il n'y a