' LES NUITS 163
pr. Sarcey, qui approuvait la mise en scène de la Nuit d'Octobre, faisait des restrictions sur le jeu de Delaunay. U aurait voulu, par exemple, un Musset tel qu'il avait été dans la vie réelle, tel que l'artiste l'avait connu, dandy un peu hautain et impertinent, cachant sous un effet voulu de réserve les passions violentes dont il pouvait être agité. Etait-ce donc par timidité excessive qu'il avait adopté cette pose de mélancolie ?
Le critique aurait souhaité un poète nerveux, déséquilibré, en proie au souffle des passions les plus violentes, criant à la fois d'amour et d'horreur, remplis* sant l'univers du bruit de ses sanglots (1).
Delaunay, qui faisait de son personnage un jeune homme parfaitement correct, d'expression distinguée, de mélancolie lassée, au geste rare, aurait pu ren* voyer le critique au texte même. La crise est passée. S'il a pu pousser des cris, il n'en pousse plus :
Je suis si bien guéri de celte maladie
Que j'en doute parfois lorsque j'y veux songer...
Est-ce donc le moment de se montrer agité? Et plus loin :
Muse, je te l'ai dit; je veux sans passion
Te eonter mes ennuis, mes rêves, mon délve...
Faut-il donc qu'à ce passage le poète s'emporte comme un dément? Nous n'ignorons pas qu'il s'anime lorsqu'il s'écrie :
Va-l'en, relire-loi, spectre de ma maîtresse! Rentre dans ton tombeau si tu t'en ea levé; Laisse-moi pour toujours oublier ma jeunesse, Et, quand je pense à toi, croire que j ai rêvé!
Et que la Muse lui répond :
U) Fr. Sarcey, Feuilleton da Temps, 31 mal ltSS. >