LA CORVETTE
DEUXIÈME SERIE DU FILS DU SUPPLICIÉ
PAR JULES BOULABERT.
1
Amour d'un jeune tigre pour une gazelle.
Huit jours se sont écoulés depuis les derniers événements que nous avons racontés. Une sorte d'intimité qui ne pouvait manquer de naître entre deux hommes du caractère de del Mona et du comte de Mérin'val, a encore resserré les liens de la complicité qui les faisaient déjà presque inséparables. Comme il avait été convenu, Mariana est venue rejoindre son mari et Carlos au château des Dunes; où, charmée par la beauté d'Eve, dont seule elle ignore le mystérieux secret, elle s'est bientôt associée au projet d'un mariage entre la jeune fille et celui qu'elle croit son fils. Quant à Eve, entourée par tant de gens qui conspirent contre son amour et son bonheur, elle ignore encore l'arrestation de Josepha. Gasparo veille sur son protégé. Dans la nuit de la tentative d'assassinat, c'est
lui qui, après s*ètre caché dans le bois, où l'espérance de voir Josepha l'avait conduit, a prononcé, en s'adressant aux meurtriers, les paroles que nous avons rapportées en terminant notre première partie.
11 est dix heures du matin. Que le lecteur veuille bien pénétrer avec nous dans l'appartement, occupé par Mariana. Carlos est auprès d'elle.
Malgré ses quarante-cinq ans, malgré les chagrins et les remords qui ont flétri et.empoisonné une partie de sa vie, Mariana la Béarnaise conserve encore de beaux restes de son éclatante beauté, beauté si fatale à son premier mari. Un peu de mélancolie seulement pourrait trahir la vie agitée de cette femme -, le regard qui s'échappe de ses humides prunelles étincelle toujours du feu de la passion : quand il s'arrête sur Carlos on devine que l'amour maternel monté jusqu'au paroxysme de l'exaltation, fait battre le coeur de Mariana et l'absorbe tout entière.
— Eh bien! mon fils, avez-vous vu Eve, comme cela était convenu? demanda Mariana à Carlos.
— Oui, ma mère.
— Et que vous a-t-eile répondu ?
II» s.