LES CRIMINELS ET LEURS GRACES 159
Soigneusement alignés, de pauvres arbres chétifs pourrissaient avec résignation, et la courte lueur des becs de gaz vacillait sous le vent frais de la nuit.
Ma première pensée fut de chercher la guillotine. Un monsieur complaisant, qui m'avait deviné, me renseigna : « Elle n'est pas encore arrivée, mais on l'attend d'un moment à l'autre. D'ailleurs, ajoutat—il, en consultant son chronomètre, il n'y a pas de mal. Une heure moins dix... elle n'est jamais là avant une heure et demie... au bas mot... » Je le remerciai, et j'errai, sur la place à la recherche de mes amis que j'avais perdus.
Nous étions là une centaine de personnes dispersées en petits groupes de trois ou quatre. Quelques-uns se promenaient, tapant sur les cailloux avec leurs cannes. D'autres, à l'écart, causaient femmes, ou bien fumaient, assis sur des bancs verdâtres. Et tout ce monde parlait à voix basse ainsi qu'aux enterrements. Je coudoyas les individus : reporters, gens de police, plusieurs soldats en bourgeois, quelques acteurs en quête de fameuses grimaces, des boulevardiers, un prince serbe, sans coihpter la petite bande des abonnés friands qui n'en manquent pas une, ferrés sur les dates, échangeant entre eux des anecdotes et des souvenirs.
Et des lambeaux de phrases s'échappaient, des mots s'éparpillaient, tombant au milieu d'un grand silence, comme des pierres dans un étang. — Vous