146 LES CRIMINELS ET LEURS GRACES
mes. Je demandais à M. Lebel : — Qu'est-ce que ceci ? — Il me répondait : — Cela ne sert plus. — A quoi cela avait-il servi ?
Nous dûmes repasser par le préau des hommes. En le traversant, M. Lebel me fit remarquer un escalier près des latrines. C'est là que s'était pendu peu de jours auparavant, aux barreaux de la rampe, un assassin, nommé Savoye, qu'on venait de condamner aux galères. — Les jurés se sont trompés, avait dit cet homme; je devrais être condamné à mort, j'arrangerai cela. — Il « arrangea cela » en se pendant. Il était particulièrement confié à un détenu qu'on avait élevé à la fonction de gardien pour le surveiller, et que M. Lebel cassa.
Pendant que le directeur de la Conciergerie me donnait ces détails, un prisonnier assez bien vêtu s'approcha de nous. Il paraissait désirer qu'on lui parlât; je lui fis quelques questions. C'était un garçon qui avait été ouvrier brodeur et passementier, puis aide de l'exécuteur des hautes oeuvres de Paris, ce qu'on appelait jadis « valet de bourreau », puis enfin, disait-il, palefrenier dans les écuries du roi.
— Monsieur, me dit-il, je vous prie de demander à M. le directeur qu'on ne me mette pas l'habit de la prison et qu'on me laisse mon fainéant.
Ce mot, qu'il faut prononcer faignant, signifie paletot dans le nouvel argot. Il avait en effet un paletot