LE FÉMINISME SAINT-SIMONIEN 69
Pour marquer ce que le rêve d'Enfantin doit à l'inspiration fouriériste, il ne suffit pas de rappeler que pour Fourier la libération de la femme est la mesure même du progrès.
Il faut creuser plus avant dans la doctrine. Il faut remonter jusqu'à l'optimisme qui fonde, chez l'inventeur « harmonien », l'apologie des passions. Optimisme amoral, comme on dirait aujourd'hui, et même directement hostile à ce que Fourier appelait déjà le « moralisme » : il déclare la contrainte odieuse parce qu'inutile. Fourier distingue bien des variétés de passions. Il refuse d'en condamner aucune. Les assouvir en les employant toutes, c'est sa prétention. Toutes ont leur place marquée dans la maison du Seigneur — pour peu qu'elle soit seulement rebâtie selon le plan fouriériste. Ne retrouve-t-on pas des traces de ce même esprit dans la théorie des diverses « natures » qu'élabore Enfantin ? Il y a selon lui des natures faites pour la constance. D'autres ont besoin de variété. Celles-là, aptes aux affections profondes et durables, sont les « immobiles ». Aux autres les impressions vives,