A LA SALPETRIERE
Le cabinet de Chareot, à la Salpêtrière, un matin de consultation, il y a dix ou douze ans. Aux murs, des photographies de naïves peintures italiennes, espagnoles, représentant des saintes en prière, des extasiées, convulsionnaires, démoniaques, la grande névrose religieuse, comme on dit dans la maison. Le professeur assis devant une petite table, cheveux longs et plats, front puissant, lèvre rase et hautaine, regard aigu dans la pâle bouffissure de la face. Va-et-vient de l'interne en tablier blanc et calotte de velours, des yeux fins envahis d'une grande barbe; assis autour de la salle, quelques invités, la plupart médecins, russes, allemands, italiens, suédois. Et commence le défilé des malades.
Une femme du Var amène à la consultation sa petite fille, hideuse, courte et boulotte, plaquée aux joues de rouges cicatrices. Dans la toilette verte et jaune, d'un dimanche méridional la taille s'enfle et déborde. L'enfant est enceinte. Vase informe tombé au feu, manqué à la cuisson, on se demande comment elle a pu devenir mère. « Pendant un accès d'épilepsie... » dit Chareot, tandis que la femme du Var, geignarde et veule, nous raconte l'endisposition de sa demoiselle, comment ça la prend,