ETHNOGRAPHIE. 323
et, avec eux, les parties intéressées; Une rend son jugement qu'après maintes séances, dont- la plupart sont perdues en discours inutiles. Ces jugements sont sans appel et immédiatement exécutoires. Quelquefois, si l'une des pai> ties est ou se croit lésée, il surgit des haines de village parfois terribles; En 1894, le village des Bemarivo fut complètement détruit à la suite d'une rancune entre parents. Souvenfaussi, des individus disparaissent secrètement, victimes de ces haines; l'esprit sakalave ne s'émeut pas de ces faits, qui n'ont jamais de sanction.
Les morts ne sont pas pins enregistrées que les naissances,; mais Tinhumation des défunts donne lieu à quelques cérémonies dont il convient dé parler. Si le mort est pauvre, l'enterrement se fait sans grands frais; le cadavre, enveloppé dans une étoffe blanche ou de couleur, est transporté par des amis à l'endroit qui doit lui servir de sépulture; quelques coups de fusil sont les derniers honneurs rendus à ses restes ; sur là tombe, on dresse une pierre levée, du côté où repose la tête, et le reste de la fosse est recouvert de roches. Encore deux ou trois coups de fusil, et tout le monde va reprendre ses occupations.
Quand le défunt est un chef où un riche Sakalave, la cérémonie a plus d'importance. Le cadavre est enveloppé dans un lamba de soie rouge et enroulé dans un treillage de branches de rafia; on le recouvre ensuite d'un drap blanc et il reste exposé jusqu'au lendemain. Pendant la journée, les parents du défunt, en pleurs, vêtus de deuil et les cheveux dénoués, reçoivent les visites de tout le village ; chaque personne leur apporte un peu d'argent pour payer une quote-part du lamba rouge ; cela s'appelle apporter le « solon-damba ». Au dehors, des gens armés de fusils brûlent de la poudre sans discontinuer en l'honneur du décédé. Le cadavre est éventé sans cesse pour que les mauvais esprits ne puissent en approcher.
Puis, tout d'un coup, la scène change; la nuit est arrivée et la veillée commence; plus de visites, plus dé coups de fusil. Les femmes du village ont toutes dénoué leurs cheveux, et elles accourent vers la maison mortuaire ; les hommes revêtent leurs plus beaux lambas et arrivent aussi; les chants commencent graves et monotones. Mais, bientôt, la fatigue et le sommeil gagnent les chanteurs ; une distribution de rhum les stimule, et la mélopée recommence. Il en est ainsi toute la nuit, et, jusqu'au jour, les libations alternent avec'les chants. L'effet de l'alcool ne tarde pas à se produire; les cerveaux s'échauffent, les voix s'éraillent et les chants font place aux cris ; il n'est pas encore minuit que déjà la veillée funèbre s'est transformée en une bacchanale désordonnée.
Le jour naissant arrête seul ce spectacle écoeurant. On va procéder à l'inhumation. Le cadavre,placé sur une civière portée par quatre hommes, est accompagné par les parents et amis. Pendant le trajet, les fusils lancent leur pétaradé, jusqu'à ce que le mausolée de famille abrite pour toujours la dépouille du défunt. Puis, l'orgie recommence de plus belle et, sur la tombe fermée, on immole des boeufs, dont l'âme, c'est du moins la croyance sakalave, accompagne celle de leur maître au séjour des trépassés. Nous avons vu à Anjokojokù une hécatombe de cinquante boeufs sur la tombe d'un