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reste, nos regards s'éloignèrent bien vite de cette sombre machine infernale, et en route pour le cap Spartel et les eaux africaines.
Le 31 août, après midi, après avoir accordé pendant quatre heures à la cime vaporeuse du pic de Ténériffe, une contemplation béate, car sa silhouette représente merveilleusement, au dire de tous les navigateurs, la forme géométrique d'un sein de Vénus, nous atteignons la pointe nord de l'île qui lui sert de base.
• Il est 6 heures et nous découvrons au fond d'une large baie la ville cle Salnte-Croix-de-Ténériffe. Bien que nous ayons demandé un pilote, celui-ci n'arrive qu'à la nuit; aussi . nous sommes obligés de prendre les plus grandes précautions pour atterrir et le Saint-Louis ne s'arrête sur ses ancres qu'à huit heures du soir, trop tard pour aller à terre ; et pourtant la vue de la ville tout illuminée au gaz nous attire follement. Comme dérivatif à cette déception, on nous annonce que, dans la nuit, un courrier anglais doit passer pour pren-. dre les correspondances pour l'Europe. Aussitôt chacun saisit sa bonne plume de Tolède, puisque nous sommes en Espagne.
En effet, vers minuit un coup de canon nous éveille; c'est le paquebot qui demande la poste. Il reste sous vapeur, attend le courrier et repart aussitôt.
Durant la matinée du lendemain, pendant qu'on réglait avec le consul et le gouverneur de l'île les conditions de notre fréquentation avec la terre, nous étions réduits à contempler avec admiration le joyau de la couronne coloniale de l'Espagne.
Au pied de hautes falaises de roches noires, évidemment enfantées par le volcan de Ténériffe, et surgissant de la mer, Sainte-Croix étale en gradins. superposés ses maisons aux couleurs vives et variées, entre lesquelles se dressent de belles églises à l'architecture pittoresque. Sur la plage, s'allonge une puissante ceinture de remparts aux lignes sévères des Vauban et des Cormontaigne. qui plongent dans