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flanquements sur les côtés. En avant, marchent les deux escadrons de cavalerie.
Ainsi formée, notre colonne s'avance silencieuse au travers de cette plaine immense et déserte, d'une platitude géométrique désespérante parce qu'elle semble infinie, sans une aspérité, sans un arbre. Marchant sur un sol tapissé d'herbes courtes, dures, saupoudrées d'efflorescences de soude, on volatilise cette poussière en un brouillard funeste à la respiration. Alors l'ordre en colonnes est supprimé et les unités s'avancent, déployées sur un rang avec de fortes distances entre elles et disparaissent sous un nuage blanchâtre qu'elles forment au-dessus d'elles. Et cette phalange antique, entraînant ce nuage encadré par le décor incomparable des cimes neigeuses de la Cordillère, offre un spectacle magnifique, imposant. Mais, si c'est beau c'est aussi bien pénible, et c'est avec un grand soulagement que nous abordons la base du gigantesque mamelon, aux flancs déchirés par les barrancas, au sommet duquel nous trouverons Nopalucan sans poussière saline.
Nopalucan s'appelle ville, mais n'est qu'un immense village occupant un carré de près de deux kilomètres dont le centre forme une vaste place bordée d'îlots des maisons les plus importantes; le reste est un ensemble désordonné de corrals, de jardins parsemés de quelques maisons isolées, fort mal disposées pour y établir des troupes, d'autant que dans toute la ville il n'y a pas une goutte d'eau.
Le tout occupe le sommet d'un mamelon à très large base formant une des assises du massif montagneux que domine la Malinche, la plus haute des montagnes qui s'élèvent dans l'intérieur du grand plateau de Puebla. Aux environs, dans un rayon de huit kilomètres, se trouvent quinze ranchos ou hacyendas, la plupart très importantes. Le général va les reconnaître et y établit ses troupes d'après leur position et les ressources qu'elles possèdent. Puis il installe son quartier général dans une des maisons de la grande place et les divers services de la division dans Nopalucan.