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de provisions, de barils, cages d'oiseaux moqueurs, perroquets et mille autres choses; des Indiens misérables avec femmes à demi-nues, portant leur produit sur le dos. Puis une longue théorie de véhicules d'un ordre plus relevé, de toutes formes, de tous âges, de toutes dimensions, dans lesquels est entassée la gentry de Jalapa, représentée surtout par des Senoras et leurs enfants et par des Ninas (jeunes filles), presque toutes d'une grâce parfaite et d'une grande beauté. C'est l'écrin de Jalapa. Un régal enfin pour un regard d'artiste, voire même de ceux qui ne le sont pas ! Au travers de tous ces carrosses, une nuée de cavaliers de marque, aux larges sombreros tout brodés, penchés sur leurs selles argentées ou dorées, font la fantasia avec leurs fringants petits chevaux. C'est un spectacle digne de l'hippodrome.
En revenant par le chemin del Molino, qui est moins encombré d'impedimentas et de poussière, je rencontre le colonel Facio accompagnant deux voitures remplies de femmes délicieusement jolies, auxquelles on a donné par galanterie une escorte spéciale de lanciers de Marquez. C'est la famille Guttierrez, une des meilleures de la haute société mexicaine, composée d'hommes distingués et de femmes les plus « sélect» et les plus élégantes d'alors. Aussi, pensant bien ne rien trouver de mieux, après avoir été présenté en formes correctes, j'accompagnai cette petite mais brillante constellation jusqu'à la maison du général Marquez où devait aboutir son orbite.
Hélas ! ce rayon de soleil qui avait lui dans le ciel de mes pensées, devait être bientôt obscurci par un sombre nuag-e. Dans la journée, j'étais attablé dans une grande pièce du quartier général servant de salon au général et de bureau aux aides de camp ; le général s'y promenait avec le capitaine Willette, lorsqu'arrive un sous-officier de planton annonçant que la mère de Floriano, récemment fusillé, demande à parler au général pour solliciter sa grâce. Tableau ! Le général, tout ému, s'esquive d'un côté et Willette
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