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Titre : Le Ménestrel : journal de musique

Éditeur : Heugel (Paris)

Date d'édition : 1903-07-26

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 44462

Description : 26 juillet 1903

Description : 1903/07/26 (A69,N30)-1903/08/01.

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k57829901

Source : Bibliothèque nationale de France, TOL Non conservé au département des périodiques

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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m __ 69meA^EF. - \> 30. PARAIT TOUS LES DIMANCHES «'manche 26 Juillet 1903.

(Les Bureaux, 2 bis, rue Yivienne, Paris, ««■) (Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

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MUSIQUE ET THÉÂTRES

HENRI HEUGEL, Directeur

lie Saméfo : 0 fr. 30

Adresser FRANCO a M. HENRI HEUGEL, directeur du MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d'abonnement

Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr.; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province

Abonnement complet d'un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Lrovince. — Pour l'Étranger, les frais de poste en sus

SOMMAIRE-TEXTE

■I. Les Concours du Conservatoire (2e article), ARTHUR POUGIN. — II. Semaine théâtrale : première représentation de l'Irrésolu à la Comédie-Française, A. BOUTAREL. — III. Le Postillon de Lonjumeau à Longjumeau, ARTHUR POUGIN. — IV. Nouvelles diverses, concerts et nécrologie.

MUSIQUE DE CHANT Nos abonnés à la musique de CHANT recevront, avec le numéro de ce jour : SUR TON FRONT DIVINEMENT LOURD

nouvelle mélodie d'ERNEST MORET, poésie d'ERNEST PSICHARI. — Suivra immédiatement : A tes petits pieds de satin, mélodie de L. DIDIER, poésie de Louis MAIGUE.

MUSIQUE DE PIANO

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de PIANO : deux Préludes d'ERNEST MORET, nos 7 et 9 de la collection. — Suivra immédiatement : En flânant, caprice d'ALBERT LANDRY.

LES CONCOURS DU CONSERVATOIRE

CHANT (Hommes).

Pas très brillant, le concours de chant côté mâle. A part deux ou trois élèves relativement distingués et donnant quelques promesses, le reste ne sortait guère d'une malhonnête médiocrité. Le jury a pourtant trouvé le moyen de distribuer huit récompenses sur quinze concurrents, dont deux premiers prix et deux seconds. Mais qui pourra jamais sonder les mystères de la conscience du jury et déterminer les sentiments qui le font agir en telle ou telle circonstance? Autant vaudrait chercher à démêler les fils si vigoureusement embrouillés de l'affaire Humbert, Dauiïgnac et consorts.

Pour ma part, et bien que, au point de vue relatif, la décision dudit jury me semble assez logique, j'avoue que je n'aurais pas trouvé matière en cette séance à un seul premier prix, et que je me serais borné à des récompenses secondaires. Mais je n'ai jamais (soyez-en loué, Seigneur!) siégé clans la loge officielle, où j'aurais été certainement la cause d'épouvantables scandales, et je me borne à indiquer ici mon petit jugement personnel, pour lequel d'ailleurs je ne réclame pas du tout l'infaillibilité.

Donc, ils étaient quinze concurrents, parmi lesquels seulement six ténors, pour la plupart doués de belles et généreuses voix de gorge. Les deux premiers prix ont été attribués à MM. Levison, élève de Mme Caron, et Devriès, élève de M. Edmond Duvernoy. M. Levison est un baryton ^i a chanté avec goût et d'heureux détails d'exécution le délicieux air ■ù'Hérodiade : Vision fugitive. Avec de la chaleur il y a montré une bonne diction et un phrasé très intelligent et vraiment musical. Est-il déjà Prêt pour le théâtre? J'en doute un peu. Nous verrons cela au concours d'opéra-comique, car il ne prend pas part au concours d'opéra. — C'est dans un autre air d'Hérodiade (M. Massenet leur a porté bonheur) que «'est fait entendre M. Devriès, qui avait obtenu l'an dernier un premier

accessit, et sur lequel d'avance on comptait beaucoup. Ténor à la voix fraîche et ne manquant pas de puissance, M. Devriès, on le voit, n'a pas fait mentir les pronostics. Il a donné de l'éclat à certaines parties de son air, et dans d'autres a fait preuve de sentiment.

Les deux seconds prix ont été adjugés à MM. Simard, élève de M. Dubulle, et Lafont, élève de M. de Martini. M. Simard est en possession d'une bonne voix de baryton, qu'il a fait briller dans l'air de l'Africaine : Fille des rois... Cette voix est ample et sonore. Pour le reste, dame, le chanteur est encore bien neuf. On voit pourtant qu'il a de quoi faire, mais c'est à la condition de beaucoup, beaucoup travailler. — Je n'hésite pas à déclarer que M. Lafont m'a paru le roi du concours, dont il était la seule basse chantante, basse vigoureuse et très franche d'ailleurs, qu'il a déployée tout à son aise dans un bel air de la Fête d'Alexandre, de Haendel : A mort, tous ces infâmes. Il arrivait le dernier, pour clore la séance, ce qui ne l'a pas empêché d'obtenir un succès bruyant et mérité. II est vrai qu'il a montré dans cet air superbe de la chaleur, de la couleur, une très bonne vocalisation, avec une accentuation nette, vigoureuse et pleine de franchise. J'ajoute que, comme contraste, il a fort bien dit, avec sentiment, avec émotion, le beau cantabile du milieu. Nous aurons certainement plaisir à retrouver ce jeune homme au concours d'opéra, où il pourra sans doute donner toute sa mesure.

On a décerné deux premiers accessits à MM. Morati, élève de M. Edmond Duvernoy, et Lucazeau, élève de M. Masson. M. Morati est un ténor à la voix solide et grasse, généreuse et sonore. Il a dit l'air de la Juive sagement, sobrement, sans heurts et sans secousses, mais non sans chaleur toutefois. Sa prononciation est excellente, et l'exécution très honorable dans son ensemble. Mais qu'il se méfie de l'infâme chevrotement! — Ténor aussi M. Lucazeau, ténor très franc et très pur, sortant facilement et sans effort. Il a mis de la vigueur, de la chaleur, du mouvement dans l'air de l'Africaine, avec une assez bonne dictiom Il méritait un encouragement.

La série se termine avec les deux seconds accessits accordés à MM. Poumayrac, élève de M. Lorrain, et Chevalier, élève de M. de Martini. M. Poumayrac possède une de ces belles voix de gorge que je signalais en commençant. Comme chanteur je me refuse absolument à l'apprécier, et surtout à justifier la décision du jury à son égard. Il est vrai qu'il avait eu le grand tort de choisir, contre le gré de ' son professeur, l'air d'Obéron, qui lui était on ne peut plus défavorable, et qu'il a chanté... non, je ne vous dirai pas comment il l'a chanté, parce que ce serait absolument inutile. Le fait est qu'il n'y a rien compris. — Bien supérieur lui est M. Chevalier, un autre ténor de gorge, dont pourtant la.voix est assez bonne. Celui-ci avait choisi l'air admirable des Abencérages, de Cherubini : Suspendez à ces murs mes armes, ma bannière. Il a bien chanté cet air d'un si grand style et d'une si noble inspiration, il l'a dit avec sagesse, en le phrasant bien, et en lui communiquant une émotion naturelle. Il y a de l'avenir chez ce jeune homme.

Parmi les élèves non couronnés, je signalerai M. Thirel, un baryton qui a chanté très honorablement l'air d'Othello, de Rossini, et surtout le cantabile d'introduction, dans lequel il a mis du goût et du sentiment; M. Milhau, un ténor qui a mis de la chaleur et un certain éclat, avec une bonne articulation, dans l'air de Guillaume Tell : Asile héréditaire; enfin M. Casella, qui a fait preuve de goût et d'un certain style, de sagesse et de simplicité, dans l'air : O Richard, ô mon roi, de Richard


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LE MENESTREL

Coeur-de-Lion. Ils seront plus heureux l'an prochain, lorsqu'ils auront pris la peine de travailler encore.

Le l'esté no vaut pas l'honneur d'être nommé.

Le jury de ce concours comprenait les noms de MM. Théodore Dubois, président, Charles Lenepveu, Samuel Rousseau, Charles Lefebvre, Escalaïs, Cossira, Bartet, Gailhard, Bernheim et d'Estoumelles de Constant.

CHANT (Femmes).

Sur vingt-trois élèves inscrites pour prendre part au concours de chant, une, MIlc Cauchois, ne s'est pas présentée. Il en restait donc vingt-deux, sur lesquelles, en bonne conscience, on aurait pu en éliminer au moins six, qui étaient manifestement au-dessous delà moyenne et qui n'étaient pas en état de subir l'épreuve. A quoi bon encombrer ainsi ces séances de non-valeurs évidentes? A qui et à quoi cela sert-il? A fatiguer inutilement je ne dirai pas le public, dont on n'a pas à s'inquiéter et qui ne compte pour rien dans l'affaire, mais le jury, dont il me semble que l'audition de tant de nullités doit finir par émousser et fausser le jugement. En réalité, et quels que soient le nombre et la qualité des récompenses décernées, ce concours a été médiocre en son ensemble, et ne nous a pas offert, à mon sens du moins, un sujet vraiment distingué, tout à fait formé et prêt à faire carrière. Ce n'est assurément là la faute de personne, non plus crue de l'institution. Il y a ainsi des années maigres, comme il y a parfois des années grasses. Il en est où l'on voit trois ou quatre seconds prix venir se disputer le premier, et l'on se trouve tout naturellement en présence d'élèves qui sont déjà presque des artistes et qui donnent du brillant et du. relief à l'épreuve. Il n'en était pas de môme cette fois, où pas un seul second prix n'entrait en lice. Et si le jury n'en a pas moins décerné trois premiers prix et le resté à l'avenant, il demeure vrai que la moyenne du concours a été faible et totalement dépourvue d'éclat. Le lecteur voudra bien tenir compte de ces réflexions, et n'accepter que .dans une mesure relative les éloges d'ailleurs sincères que j'adresserai à telle ou telle des héroïnes de cette chaude journée.

Voici, avant tout, la liste des récompenses décernées :

4™ Prix. — MUo Tapponnier, élevé de M. Lorrain,, Mme Vergonnet, élève de M. Masson, :et Mmo Guionie, élève de M. de Martini.

2°« Prix. — M" 08 Foreau, élève de M. Masson, et Duchêne, élève de M. Dubulle.

/cra Accessits. — Mllc Thiesset, élève de M. Warot, MUe Blot, élève de M. Edmond. Duvernoy, et Mme Vallandri, élève du même.

2DS Accessits. — Mm 0 Dangès, élève de M. Crosti, Mlles Lamare, élève de M. Warot, et Vix, élève de M. Dubulle.

Mllu Tapponnier, qui est la fille d'un chef d'orchestre bien connu, ancien directeur, si j'ai bonne mémoire, d'un de nos Conservatoires de province, a été élevée, par conséquent, dans un milieu artistique. Il y paraît par le bon sentiment musical dont elle a fait preuve, et qu'elle a déployé dans l'air du Freischûtz. La voix est bonne, mais on souhaiterait à la cantatrice un peu plus de chaleur et de mouvement. A part cette froideur fâcheuse, elle a fort bien dit Yandante de cet air difficile, sagement, avec goût, en le phrasant d'une façon intelligente. Elle s'est un peu animée dans l'allégro, dont l'exécution était intéressante. Mais •c'est égal, elle manque un peu de « diable au corps », et Weber demande moins de tranquillité. — M" 10 Vergonnet a dit l'air des Pécheurs de Perles : Gomme autrefois dans la nuit sombre... La voix est jolie, et elle a de jolies Inflexions dans le phrasé, qui est élégant. Il me semble toutefois qu'elle a encore beaucoup, mais ce qui s'appelle beaucoup à faire. — C'est dans la valse de l'Ombre du Pardon de Phërmel que nous avons entendu Mra° Gnionie. Vocalisation légère et assez habile (à part le trille, qui n'est pas juste), de la grâce, de la finesse, du goût, de l'assurance. C'est élégaait et très 'gentil.

C'est l'air de Fidelio qui a valu «on second prix à MUe Foreau. Elle en ■a mieux dit la fin que le coimnenoement. Comme ensemble c'est bien, 'mais sans rien de personnel ni de caractéristique. Le phrasé est assez bon, et l'exécution n'a pas été sans quelque éclat et quelque vigueur. A bout cela néanmoins il manque encore .quelque chose, surtout l'accent, ' la verve et la-ctoaleur. — Sa camarade de promotion, Mlle Duchène, est douée d'un beau mezzo-sopraao bien gras, bien velouté, bien nourri, une voix vraiment superbe et qui ne laisse rien à désirer. Elle s'est produite dams un air d'Héraclès, .oratorio de Haendel ; c'est un air de pure diction, par conséquent très difficile, d'un style très large, et qui semble fuir l'effet au lieu de le chercher. La cantatrice l'a dit avec une rare sobriété, tout en y faisant preuve d'mn vrai sentiment dramatique. Il y avait là, de sa part, un effort intelligent et idont il faut liai savoir ;gi'éLa

;gi'éLa sans caractère de MUe Thiesset ne répond malheureusement

pas à ses efforts. On ne doit que lui savoir plus de gré de la façon d elle a chanté l'air d'Obéron et dont elle l'a compris. Dans mie nies '. encore modeste elle y a mis du sentiment dramatique, de l'élan de 1," chaleur, du mouvement. Tout cela n'est assurément pas supérie mais il y a quelque chose, et l'on voit que l'artiste cherche le }}m !■ atteindre. Avec du travail elle l'atteindra. — Mlle Blot a au contrai» ' son service un soprano généreux, ferme, corsé, solide, une voix d'un' '■ étendue et d'une égalité remarquables. Elle .a fait briller cet instrument superbe dans l'air de Norma, qu'elle a dit assez bien et phrasé dW façon assez heureuse; mais elle devra soigner sa vocalisation, cm[M lourde et pâteuse. — Moee Vallandri, une bien jolie blonde, à la phvsin nomie tendre et déliGate, nous a fait faire connaissance avec un air df. Rodelinda, l'un des premiers opéras italiens de Haendel. Elle ne manque ni de grâce ni d'élégance et méritait un encouragement.

Il y avait longtemps crue nous n'avions entendu l'air des Huguenots: O beau pays de la Touraine. Nous devons cette surprise à Mme Dan^s qui ne manque pas d'un certain acquis, et dont la vocalisation le»^ et gracieuse n'est ni sans éclat ni sans couleur. Par exemple, ô madame, travaillez votre trille. Si vous saviez comme il est faux! — MUe Lamare a dit le Perfido, pergiuro, de Beethoven, si effroyablement difficile de style et de diction. Il faut savoir gré aux élèves qui consentent à se mesurer avec de telles difficultés et à faire un tel effort. Je ne dirai pas que MUe Lamare y a réussi, et certainement elle y a montré plus d'intelligence qu'elle n'y a obtenu de résultats. Mais si elle n'a pas atteint le but, elle l'a entrevu, et c'est beaucoup d'y avoir tendu. En réalité. elle a fait preuve d'intelligence, et il faut la louer de certains détails d'exécution. — MUe Vix, dont le soprano est solide, a-déployé de la chaleur et un certain sentiment dramatique dans l'air du troisième acte d'Hérodiade. Mais cela est encore bien jeune, bien inexpérimenté.

M. Gailhard n'a pas même attendu le concours d'opéra pour s'assurer des recrues, et il parait que dès le concours de chant il a engagé non seulement Mlle Blot, dont, je l'ai dit, la voix est superbe, mais qui a bien besoin de travailler encore, mais aussi une élève de M. Crosti. MUc Borgo, qui, sans obtenir de récompense, a chanté assez proprement l'air d'Obéron, mais avec une froideur qui n'exerçait souvent aucune influence sur la température de la salle. Nous verrons ce que ces deux jeunes femmes donneront dans la grande épreuve dramatique.

Jury de ce concours : MM. Théodore Dubois, président, Delmas. Vaguet, Engel, Fournets, Charles Lenepveu, Xavier Leroux, Samuel Rousseau, Plerné, Adrien Bernheim, d'Estoumelles de Constant.

HARPE

■Jury : MM. Théodore Dubois, président, Willy Rheber (professeur au Conservatoire de Genève), Stoïewsky, Riera, Edouard Mangiii, Gabriel Pierné, Auzende, Albert Lavignae, Nollet. — Morceau de concours : Concertstûck, de M. Pierné ; morceau à déchiffrer, du môme.

L'élément masculin brillait cette fois par son absence complète dans le .concours de harpe, et nous n'avons eu affaire qu'à six jeunes filles, qui d'ailleurs ont été toutes récompensées. Deux d'entre elles: MUes Pestre, second prix de 1901, et Meunier, second prix de 1902. ont décroché leur premier prix, MUe Pestre a un jeu sûr, ample et solide. bien égal et non sans couleur ; de la précision, de l'éclat, une exécution bien personnelle, avec d'heureuses recherches de nuances ; bref, ufl très .bon ensemble, et bien .musical. MUc Meunier, qui n'a pas encore accompli sa seizième année, a de l'agilité et de la fermeté, des doigte souples et délicats, de la grâce et de l'élégance. Une corde cassée à sa harpe clés les premières mesures du morceau, -gui l'a obligée à s'arrêter et attendre .qu'on lui apporte un antre instrument, ne l'a pas du Ml démontée, et elle a repris sans .sourciller à. l'endroit où elle avait dû s'interrompre.

Le second prix a été adjugé à MUe Macler, premier accessit île '190* et si, par un hasard heureusement impossible à supposer, j'avais à ffl>! seul composé le jury, je n'aurais pas hésité à lui donner le premier, ainsi qu'à ses deux compagnes, peut-être môme avant elles. C'est qu'elle est charmante, cette jeune fille, et qu'elle a fait preuve d'un tas* qualités. Un joli son, expansif et moelleux, des doigts d'une rare souplesse, une exécution élégante et artistique, bien assurée, pleine *r goût et même de style, faisant ressortir tous les détails et n'en laissa aucun dans l'ombre, joignant la vigueur à la grâce, avec des auaa* du plus heureux effet. Moi, je ne suis pas difficile, et tout ça me su»

Les deux seconds accessits de l'an dernier, .MUcs IaglielbreeM t. Lipschitz, ont monté d'un -cran et se sont vu décerner les premier MUe Inghel'brecht .a les doigts secs, qui lui donnent une sonorité fin* et sans rayonnement ; d'ailleurs habile au point de vue du niécarusn* .qui chez elle est très sûr, elle a un jeu qui est trop dépourvu de g"1'-


LE MÉNESTREL

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etde.moeU.ew» — Celui de ■M-" 6 Lipschitz est solide et corsé, d'une certaine ampleur, et manquant aussi de grâce, mais non de couleur. Son exécution.est un. peu grosse, et aurait besoin de s'alléger.

Enfin» un second accessit a été attribué à M1Ie de Orelly, la doyenne du concours.. Il me semble qu'elle méritait mieux, avec son joli son, ses nuances délicates, son, jeu souple,, habile, qui se distingue par le »oût et l'élégance. Mais, chose assez singulière, M 110 de Orelly, qui était sans doute-la meilleure musicienne de la bande, puisqu'elle a obtenu ua premier prix d'harmonie,, est peut-être celle, qui a le plus mal

déchiffré.

Ces six jeunes Mes sont toutes élèves de. M,.. Hasselmans, dont la dasse reste toujours bien intéressante.

PIANO (Hommes).

■ Même jury. Morceaux de concours : 1. Allegro, de la sonate en ut mineur, op., Ml, de Beethoven ; 2. Valse n° 2, op. 64, en ut % mineur, de Chopin. Morceau à déchiffrer, de M. Georges Marty.

Chose assez singulière ! Le choix des morceaux adoptés pour le concours des classes masculines de piano était particulièrement remarquable, et, de l'aveu général, l'épreuve a été médiocre en son ensemble et certainement au-dessous de la moyenne ordinaire. A côté de la jolie valse de Chopin, si pleine de grâce et d'élégance, c'est-à-dire avant elle,, nous avions l'allégro de la sonate op. 111 de Beethoven, cette sonate d'une incomparable beauté, la trente-deuxième et dernière du maître, qui la dédia à son, élève et protecteur, l'archiduc Rodolphe d'Autriche, futur archevêque d'Olmùtz. Elle est admirable, cette sonate, écrite par Beethoven cinq ans avant sa mort, en 1822, publiée en 1823, alors que depuis longtemps il était complètement sourd! Et qui pourrait s'en douter, en voyant l'architecture si solide,, si imposante, de ce morceau merveilleux, précédé, comme début, par une introduction prodigieuse de seize mesures,, d'un sentiment si pathétique, qui prépare d'une façon si majestueuse le chef-d'oeuvre auquel elle sert de préface et qui, luimême, semble reculer les bornes de l'émotion dramatique à laquelle la musique peut atteindre. Ainsi que l'a dit un biographe, « nous retrouvons ici, à la fin de la carrière de Beethoven, le style nerveux, étincelaut de sa seconde manière, le style qui nous valut la Symphonie héroïque, la symphonie pastorale, la symphonie en ut mineur. Nous ne connaissons aucun allegro de sonate à opposer à celui-ci. Pour lui trouver son égal, il faut chercher dans les symphonies (1) ».

Eli bien, il faut le dire, nos jeunes gens ne nous ont pas procuré l'impression que doit donner un tel chef-d'oeuvre, et il n'en est pas un, je dis pas un seul, qui se soit montré digne de lui. Il faut donc, môme en ce qui concerne les meilleurs, ne leur accorder que des. éloges approximatifs. Et ce qui prouverait, la vérité de ce que j'avance, c'est le nombre relativement peu élevé des récompenses, puisque, sur seize élèves qui se présentaient, six seulement ont été couronnés. Encore pourrait-on dire que le jury s'est trouvé en veine d'indulgence.

Deux premiers prix ont été attribués à. deux élèves de M. Diémer, MM. Battala et Borchard. Le jeune Battala est un enfant de quinze ans à peine, qui nous arrive en droite ligne du Conservatoire de Marseille, où déjà il avait remporté le premier prix. Il le décroche ici à son premier concours, ce qui n'est pas précisément fréquent. Il a montré delà chaleur et de l'éclat dans la sonate, des doigts vigoureux, plus de force (pie de grâce, ce qui ne l'a pas empêché de trouver une certaine délicatesse dans l'exécution de la valse,, qu'il a dite avec beaucoup de finesse et d'agilité. — Son camarade, M. Borchard, était un second prix de 1901. Il a de l'acquis, de la sûreté, une grande sonorité, et son jeu solide, expérimenté, très vigoureux (trop parfois), est remarquable au point de vue du mécanisme, mais on y chercherait vainement la personnalité. Je n'aime pas du tout, par exemple, le style par trop fantasque ïu'û a donné à la. valse.

G est encore un enfant, de quinze ans et demi, le jeune Amour, élève de M. de Bériot, qui s'est vu adjuger l'unique second prix. Il possède de.]à de bonnes et précieuses qualités, au point de vue du style et de

exécution, et son jeu très intéressant a été pour le public une surprise d autant plus agréable qu'il arrivait justement en dernier, à la suite de °ute une série d'élèves de première année, dont aucun n'avait réussi à exciter l'intérêt ou l'attention.

-Le jury a accorcie Qieux premiers accessits à MM. Swirsky, élève de y Diémer, et Hérard, élève de M. de Bériot, Le jeu de M. Swirsky est

uu bo 11 ensemble ; du son, des doigts, de la vigueur dans la sonate, ^certaine délicatesse dans la valse. — Je dois avouer pourtant ma Préférence pour l'exécution bien musicale de M. Hérard, exécution aniple et corsée, chaude et colorée, avec, tour à tour, la grâce et la

■Sueur; excellente surtout dans la sonate, bien crue la valse ait été

[ -de Lenz : Btetioven et ses trois styles.

fort bien dite aussi. 11 me semble qu'on aurait pu élever d'un cran sa récompense.

Enfin,, on a donné un second accessit à M. de Francmesnil, qui l'a mérité pour son jeu bien mesuré et non sans éclat, pour ses doigts excellents,, pour sa bonne main gauche, pour la vigueur et la netteté dont il a fait preuve dans la sonate..

Parmi les élèves non couronnés je signalerai, pour leurs qualités diverses, MM. Loyannet, Dorival et Boscoff, ce dernier victime d'un petit accident de mémoire qui peut-être lui a porté préjudice. Quant à M. Turcat, qui avait obtenu l'an passé uu brillant second prix, je. confesse que je ne vois pas du tout pourquoi on ne l'a pas jugé digne de le partager, cette fois, avec MM.. Battala et Borchard, auxquels il ne m'a pas- paru inférieur.

TRAGÉDIE

Le personnel du concours de tragédie s'est singulièrement renouvelé depuis l'année passée. Nous n'avons plus retrouvé cette fois que M. Gorde, qui avait obtenu alors un second prix. Les neuf autres qui se présentaient étaient tous des concurrents de première année. Quand je dis neuf, je me trompe, car l'un d'eux, M. Grammont, était absent. Nous avons donc vu défiler devant nous six hommes et trois femmes, . dont les plus heureux se sont partagé les récompenses suivantes :

Hommes.

<!** Prix. — M. Gorde, élève de M. Paul Mounet.

Pas de second prix.

4iX Accessit. — M. Jean Worms, élève de M. Silvain.

2e'Accessit. — M. Boyer, élève de M. Silvain.

Femmes.

fer prix.MUe Taillade, élève de M. Paul Mounet.

Pas de 2e prix.

Pas de 1er ni de 2e accessit.

M. Gorde a joué la grande scène d'Oreste avec sa mère au second acte des Erynnies. Il est doué d'une qualité naturelle précieuse : une voix superbe, qui porte merveilleusement. Il a le tort de la faire chanter parfois. Mais il dit bien, avec une rare justesse, et sans exagération. Sa personnalité toutefois ne s'est vraiment dégagée que dans la dernière partie de cette scène longue et difficile, où il a trouvé des accents puissamment dramatiques et empreints d'une véritable grandeur.

M. Jean Worms, qui est le fils de l'excellent comédien dont le public du Théâtre-Français n'a pas encore perdu le souvenir, s'est montré dans une scène de Mitkridate, qu'il a dite avec sagesse sans doute, mais d'une façon un peu banale et sans lui donner aucun relief. Je lui préfère M. Boyer, qui n'est pas sans défauts, mais non plus sans qualités, et qui nous a donné, dans une scène de Charlotte Corday, un Marat assez curieux et très étudié. Il y a du bon chez ce jeune homme, de l'énergie, de l'accent, une certaine grandeur ; son tort est de pousser parfois la tragédie au mélodrame ; il lance alors des cris d'énergumène, des cris d'une telle violence qu'il n'arriverait pas à la moitié de son rôle s'il devait jouer la pièce entière. D'autre part, il a bien saisi et rendu avec intelligence le côté ironique du personnage, tel que l'auteur

l'a tracé.

Je m'étonne qu'on n'ait pas cru devoir accorder aussi un accessit à M. Brou, qui nous a donné un Louis XI intéressant dans le Louis XI de Casimir Delavigne, Bonne diction, bonne démarche, accent dramatique et non sans ampleur, de la vérité, de la variété, avec, là aussi, un sentiment ironique bien compris. Cela était à encourager.

J'ai trouvé, pour ma part, MUe Taillade charmante et véritablement remarquable. Mais une observation se présente ici. Qu'est-ce qu'un concours de tragédie, sinon une épreuve destinée à faire connaître la, façon dont les élèves savent manier la forme ample et sonore de l'alexandrin, les effets qu'ils peuvent tirer du vers tragique, la noblesse, et l'harmonie qu'ils peuvent lui prêter par leur diction ? Or, M"e Taillade a concouru dans une scène d'Angelo, un drame en prose. On croira bien que je ne me plains pas d'entendre même une seule, scène d'Angelo, môme au Conservatoire. Mais enfin, ceci est du drame, et non plus de la tragédie, et après avoir vu MUc Taillade dans le rôle de Catarina, je ne sais pas du tout ce qu'elle pourrait faire dans Andromaque ou dans Bérénice. Ceci dit, je répète (que M 11" Taillade (qui est la fille du grand comédien mort il y a quelques années) a été remarquable dans ce rôle. Jolie, blonde, à la physionomie intéressante et pleine de tendresse, elle est douée d'heureuses qualités naturelles, entre autres d'une voix chaude et sympathique. Elle a fait apprécier une diction excellente, un rare sentiment dramatique, des accents empreints d'une émotion sincère et communicative ; elle ne manque ni de vigueur, ni d'énergie, mais elle ne passe jamais la mesure et ne se livre à aucun excès. Elle a fort bien joué d'un bout à l'autre cette scène


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LE MENESTREL

du poison, qui lui a valu un succès complet et légitime. Je crois pourtant qu'elle sera plutôt à sa place dans les rôles de grâce et de tendresse, et, pour en revenir à la tragédie, dans les princesses que dans les reines.

Je ne veux pas terminer sans mentionner MUe Roche et sans lui adresser un éloge pour l'émotion, la sobriété et l'accent de vérité qu'elle a apportés dans une scène du Cid.

OPÉRA-COMIQUE

Le concours d'opêra-comique, qui n'a pas été sans intérêt et qui a mis en relief deux jeunes artistes déjà vraiment formés, M. Casella et Mllc Foreau, a été un véritable triomphe pour la classe de M. Isnardon, ainsi qu'on peut le constater par la liste des récompenses, que. voici :

Hommes. 1M Prix. — M. Casella, élève de M. Isnardon. 2" Prix. — M. Chevalier, élève de M. Isnardon. Pas de 1er ni de 2° accessit.

Femmes. je? prix.]yrue Foreau, élève de M. Isnardon. 2e' Prix. — Mlle Duchêne, élève de M. Isnardon.

/"™ Accessits. — Mmes Vallandri, élève de M. Isnardon, et Vergonnet, élève de M. Bertin.

2e 9 Accessits. — Mme Dangès, élève de M. Isnardon; MUe Vix, élève du même, et M" 10 Guionie, élève de M. Bertin.

M. Casella n'a fait qu'un saut de son second accessit de l'an dernier au premier prix de cette année. On peut bien dire que le public le lui avait décerné dès avant le jury, dont la décision n'a fait que confirmer l'opinion générale. C'est qu'en vérité il s'est montré charmant dans la jolie scène de Miton, le maître de danse, avec Javotte, au premier acte de le Roi l'a dit, qu'il a jouée avec une grâce, une verve, une légèreté et une désinvolture charmantes. Il y a fait preuve à la fois de gaîté et de naturel, d'une aisance rare, d'une diction parfaite et d'un excellent sentiment scénique. C'était délicieux, et toute la salle était enchantée.

Je croirais volontiers que l'excellente réplique donnée dans Mireille à Mme Vallandri a plus fait pour M. Chevalier que son propre concours, qu'il a passé dans la scène du rêve d'Haydée. Ici il s'est montré simplement convenable, sans aucune qualité particulière, tandis que dans Mireille il a eu des accents pleins de charme et de tendresse qui lui ont valu un vif succès. Son second prix a été très bien accueilli.

Le jury n'a pas cru devoir accorder aucun accessit du côté des hommes, et il m'est avis que le jury a fort bien fait. Il a laissé sur le carreau M. Levison, premier accessit de l'an dernier, qui en effet n'a pas été heureux en représentant Shakespeare au premier acte du Songe d'une nuit d'été. Pour comble de malechance, il s'est trouvé que M. Levison donnait la réplique à M 110 Trannay dans la scène de le Roi l'a dit qui avait fourni un si gros succès à M. Casella, et, clame, la comparaison était loin d'être à son avantage. C'est à recommencer.

M11(i Foreau a obtenu, elle aussi, un succès marqué dans la scène des lettres du troisième acte de Werther, où elle a montré de l'émotion, du pathétique, de la sobriété, et, en résumé, uu ensemble de qualités remarquables. Là encore le jury s'est trouvé d'accord avec le public, en attribuant à M 110 Foreau un premier prix qu'elle avait complètement mérité.

J'en arrive à MUo Duchêne, qui, elle aussi, a fait des preuves de valeur, mais je ferai à son sujet une remarque non point pareille, mais analogue à celle que j'ai présentée à propos de MUe Taillade. Nous sommes au concours d'opéra-comique et Mllc Duchêne vient jouer, quoi? la grande scène du troisième acte d'Orphée, de Gluck. Mais, estce qu'au concours d'opéra on nous offrira une scène du Caïd ou des Rendez-vous bourgeois? Ce serait tout aussi logique. MUe Duchêne a montré du talent dans cette scène d'Orphée, elle a chanté avec émotion, dans un bon sentiment pathétique, l'air célèbre : J'ai perdu mon Eurydice, et elle s'y est fait justement applaudir. Mais encore un coup, sommes-nous, oui ou non, dans un concours d'opéra-comique ? et si oui, qu'y venait faire ce fragment de «tragédie lyrique?» Ou alors, qu'on fasse un concours de déclamation lyrique sans délimitation de genres, et dans lequel ils pourront tous entrer. Mais si l'on continue de les séparer, que la séparation soit du moins complète.

C'est dans la scène délicieuse avec Vincent, au premier acte de Mireille, que nous avons vu Mu,e Vallandri. Elle y a mis de la grâce et de la gentillesse, sans beaucoup d'accent et de relief. C'est encore un peu jeune, et cependant l'artiste parait intelligente et heureusement douée. — Et Mmo Vergonnet nous est apparue au cinquième acte de Manon, dans lequel elle a fait preuve d'émotion et d'un certain sentiment

scénique. Mais le morceau est vraiment trop court pour permettre dp juger sainement son interprète.

Mme Dangès a déployé de la gaîté et une certaine verve gentille dans une scène du Médecin malgré lui, dont on a toujours d'autant plus de plaisir à entendre des fragments que l'ouvrage a malheureusement disparu du théâtre. La jolie voix de Mme Guionie a brillé dans une scène du Maître de chapelle, où M. Levison lui donnait une excellente réplique. La gaîté, la grâce, la jeunesse et l'aisance qu'elle y a montrées nous font entrevoir pour l'avenir une très aimable dugazon. — Et c'est avec un fragment de Djamileh que MUc Vix a obtenu, ainsi que ses deux compagnes, un second accessit. Elle n'en paraissait que médiocrement flattée, pensant sans doute mériter un prix d'honneur, et ' montrait peut-être un peu trop, de dépit par son attitude devant le public et devant le jury, attitude que d'aucuns auraient pu trouver jusqu'à un certain point irrespectueuse, pour ne pas dire plus. Est-il nécessaire d'ajouter que cependant le concours de MUe Vix avait été parfaitement insignifiant, et que ses juges avaient fait preuve de générosité à son égard ?

Ce jury comprenait les noms de MM. Théodore Dubois, président, Victor Capoul, Albert Carré, Xavier Leroux, Ch. Lenepveu, Henri Maréchal, Widor, Georges Hue, Gabriel Pierné, Adrien Bernheim et d'Estoumelles de Constant.

COMÉDIE

Ça, pour une séance, c'est une séance sérieuse. Trente-cinq concurrents, dont seize hommes et dix-neuf femmes, sont venus débiter devant nous trente-cinq scènes plus oumoins longues —plutôt plus que moins. Aussi, entrés dans la salle à neuf heures précises du matin, en sommes-nous sortis à sept heures et demie du soir, après six quarts d'heure de délibération du jury (pauvre jury!). Il est vrai qu'on nous avait accordé, comme aux maçons, une heure et demie pour déjeuner. C'est égal, c'a été dur, et il commençait à faire chaud quand M. Théodore Dubois a proclamé les derniers accessits !

Ce concours appelle toujours les mêmes réflexions, surtout, et avant tout, en ce qui concerne le choix des morceaux, Ah ! ça, messieurs les professeurs du Conservatoire ne connaissent donc plus le répertoire?' Ils ne savent donc pas que la France a produit un certain nombre d'écrivains considérés comme classiques, qui se sont appelés Quinault, Boursault, Regnard, Dancourt, Hauteroche, Dufresny, Destouches, La Chaussée, Marivaux, Le Sage, Sedaine, Guyot de Merville, Favart, etc.? Est-ce ignorance, est-ce paresse, qui fait que les oeuvres de tous ces écrivains sont pour eux comme lettre morte, et que jamais, ou presque jamais on ne les voit paraître sur les programmes, qui nous ressassent toujours les mêmes pièces et les mômes scènes, avec une uniformité désespérante? D'antre part, sur les trente-cinq scènes que les élèves ont déroulées devant nous, il y en avait tout juste cinq en vers. Enfin, sur ces trente-cinq scènes il y en avait aussi tout juste onze tirées du répertoire classique, savoir : sept de Molière, une de Regnard, une de Destouches, une de La Fontaine, et une de Marivaux. J'admire comme un autre les oeuvres de Dumas fils, mais nous faire entendre dans la même séance le Père prodigue, l'Étrangère, Denise, le Fils naturel, Francillon et les Idées de Mme Aubray, je trouve que c'est beaucoup. C'est beaucoup aussi sans doute que de nous donner tant de Meilhac. Margot, l'Autographe, l'Été de la Saint-Martin, sont des fantaisies aimables, de charmants vaudevilles, mais est-ce avec cela que nos apprentis comédiens s'élèveront jusqu'au grand style et acquerront la largeur de débit, la fermeté de diction qu'exigent les oeuvres des maîtres du théâtre et de la langue française? Aussi, voyez-les bredouiller et bafouiller à qui mieux mieux! Il n'y a pas, parmi tous ceux que nous avons entendus dans cette séance formidable, il n'y en a pas six qui sachent articuler et qui se fassent entendre. Des autres on ne saisit pas la moitié des paroles, ils ne prennent pas la peine d'ouvrir la bouche, ils parlent au galop, et si on ne connaissait pas les pièces, on n'en comprendrait pas un mot. Ah ! vraiment, malgré le talent personnel des professeurs, qui n'est pas en cause, l'enseignement de la déclamation au Conservatoire est fait d'une façon pitoyable !

Enfin il faut bien aborder les détails de ce concours, et avant tout faire connaître la liste des récompenses, crue voici :

Hommes.

4ev Prix. — M. Brunot (à l'unanimité), élève de M. Silvain.

2es Prix. — MM. Bacqué, élève de M. Le Bargy, et Bélières, élève de M. de Féraudy.

tfers Accessits. — MM. Guilhen-Puylagarde, élève de M. Georges Bevv, Kolb, élève de M. de Féraudy, Blanche, élève de M. Paul Mounet, et Marey, élève du même.


LE MÉNESTREL

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9es Accessits. — MM. Gribouval, élève de M. Leloir, et Bellanger,

^ Femmes.

jets prix.— MUes Dussane, élève de M. Silvain, Rosni et GladysMahxance, élèves de M. Leloir.

gcs prix.MUes Pouzols-Saint-Phar, élève de M. de Féraudy, et Barthe, élève de M. Silvain. fr Accessit. — MUe Berge, élève de M. de Féraudy. <>es Accessits. — MUcs Barat, élève de M. Silvain, Fleury, élève de M Leloir, Robine, élève de M. de Féraudy, Herland, élève de M. Berr, etLepage, élève du même.

Le grand succès de la journée, sans distinction de sexe, a été pour M Brunot, qui nous a donné, dans les Précieuses ridicules, un Mascai'ille tel qu'on en voit rarement. On sait que la scène se présente régulièrement dans chaque concours, et qu'elle porte généralement bonheur à son interprète. Mais il faut constater que cette fois elle a été louée avec une supériorité absolue. M. Brunot, qui a une excellente voix de trompette et qui articule à merveille, ne s'est pas borné, comme font dans cette scène tous les élèves, à imiter M. Coquelin. Plein d'une verve parfois étourdissante, d'une fantaisie charmante et qui n'est pas celle de tout le monde, il y a apporté une note nouvelle et vraiment ori°inale, qui a excité un fou-rire et lui a valu les applaudissements de toute la salle, et sans que jamais il tombât dans le banal ou le grotesque. Il y a véritablement chez ce jeune homme un tempérament d'artiste. M. Bacqué s'est distingué d'ue façon toute particulière dans la scène de Tartuffe avec Elmire. Dans un jeu très étudié, avec un excellent débit, il.a donné au personnage sa véritable physionomie, sans une note fausse et sans un excès. Doué d'une voix chaude et pénétrante, il prend la peine de prononcer avec une netteté parfaite, sans jamais, comme la plupart de ses camarades, laisser tomber ses phrases et ses finales. Voilà, on peut le dire, une épreuve de tous points excellente. — M. Béliôres paraît bien doué, mais vraiment, la scène qu'il avait choisie dans Pourceaugnac était bien insuffisante à le faire juger, et pour lui accorder un second prix le jury devait avoir évidemment d'autres moyens d'appréciation.

Bien courte aussi la scène du Chandelier qui a valu à M. GuilhemPuylagarde un premier accessit. H y a montré d'ailleurs une certaine chaleur, mais il est encore bien jeune et bien inexpérimenté. — M. Kolb, fils de l'excellente artiste qui est connue de tous, a déployé de l'âme et de la sensibilité clans une scène de Chamillac. Mais il se fait beaucoup de tort en parlant beaucoup trop vite. — Bien en scène, chaleureux, intéressant, M. Marey s'est fait justement applaudir au quatrième acte de l'Etrangère.

M. Gribouval a fait preuve de chaleur et de passion et il a trouvé des larmes dans le Fortunio du Chandelier. Cela est encore un peu jeune, mais cela fait espérer pour plus tard un gentil amoureux, doué d'une voix très sympathique. — M. Bellanger a excité le rire pour la naïveté béate qu'il a su donner au d'Outreville du Fils de Giboyer. Passons au côté féminin.

Une jeune fille de quinze ans, M 110 Dussane, a obtenu un très gros succès pour la franchise et la verve amusante avec lesquelles elle a représenté la Toinette du Malade imaginaire. Il y a là une nature et un tempérament. — C'est dans la scène bien connue de l'Ingénue que nous avons vu une intéressante jeune fille, MUe Rosni. Elle s'y est montrée très gentille, très gamine, très spirituelle. J'aurais eu plaisir pourtant, je l'avoue, à la voir dans quelque chose de plus corsé et de plus important. — Je salue Mlle Gladys-Mahxance, qui, au deuxième acte de Franoillon, nous a montré ce que c'est qu'une comédienne. Grande, jolie, distinguée, elle nous offre un beau physique de Célimène. Elle a mieux et plus : delà chaleur, de l'ampleur dans le jeu, déjà de l'autorité, avec le geste, le ton, la démarche et l'allure d'une artiste déjà formée. Hélas ! pourquoi parle-t-elle si vite? C'est égal, je lui ai entendu dire, avant la délibération du jury, qu'elle avait « raté » sa scène. Ce n'était pas mon avis, et il ne semble pas que c'ait été celui de ses juges.

Mllc Pouzols-Saint-Phar sera aussi, je crois, une comédienne, et dans une scène de Froufrou elle a montré de solides qualités : de la chaleur, de l'émotion, l'intelligence de la scène, un excellent sentiment dramatique sans fracas et sans excès, avec le don des larmes. Elle est bien près du but. Nous avons trouvé de la sensibilité, de la chaleur aussi et de bonnes qualités scôniques dans la scène des Corbeaux, que MIle Barthe a rendu d'une façon déjà remarquable.

Celle du troisième acte du Mariage de Victorine ne manque guère

a aucun concours. C'est MUe Berge, à qui elle a valu l'unique premier

accessit, qui nous l'a offerte cette fois. Elle l'a jouée avec émotion, avec

Pathétique et avec vérité.

Encore un peu jeune, Mlle Barat, dans la Camille d'On ne badine pas

avec l'amour; mais déjà le germe de bonnes qualités, et un sentiment dramatique qui n'est pas exempt d'une vraie chaleur. — Très exagérée, M1Ie Fleury, dans le Mariage de Victorine. Quel besoin de crier ainsi, comme si on était à la Porte-Saint-Martin ou à l'Ambigu? — Trop pressée, MUo Robine, dans le Roman d'un jeune homme pauvre. A force de parler vite, elle mange la moitié des paroles. — M,le Herland, tout aimable dans le Riquet à la houppe, de Théodore de Banville. — Mlle Lepage, sans relief dans VArlèsienne, avec, pourtant, un grain de sensibilité.

Jury de ce concours : MM. Théodore Dubois, président, Victorien Sarclou, Henri Lavedan, Paul Hervieu, Jules Claretie, Paul Ginisty, Mounet-Sully, Alfred Capus, Georges de Porto-Riche, Adrien Bernheim, d'Estoumelles de Constant.

PIANO (Femmes).

Jury : MM. Théodore Dubois, président, Ravina, Raoul Pugno,

Philipp, Georges Pfeiffer, Wormser, Edouard Risler, Braud, Mangin.

Morceaux de concours : Romance sans paroles, n° 18 en la fc>, de

Mendelssohn, et le Festin d'Esope, étude (op. 39) en mi mineur, de

Charles-Valentin Alkan (1). Morceau à vue, de M. AndréJVIessager.

La romance sans paroles de Mendelssohn n'est pas une de ses meilleures ; la fin pourtant en est charmante. Quant à l'étude d'Alkan, c'est la dernière d'une série de Douze études dans tous les tons mineurs dont MM. Delaborde et I. Philipp ont donné récemment une nouvelle et excellente édition. On m'en avait dit pis que pendre avant le concours, et je dois avouer que je l'ai trouvée au contraire très curieuse et très intéressante. C'est, en réalité, un thème varié, dont on a dû, pour la circonstance, retrancher quelques variations. Elle est effroyablement difficile, et il s'y trouve surtout un gredin de passage en doubles croches dont chacune porte un accord de cinq notes à chaque main qui est vraiment diabolique. La vérité est que ce n'était pas un morceau à choisir pour des femmes, d'abord parce qu'il exige une grande dépense de force, ensuite parce que, pour de petites mains, qui parfois ont déjà peine à saisir l'octave, le passage surtout que je viens de signaler est matériellement presque impossible. Ceci dit, j'aurai le courage de répéter, en ce qui me concerne, et contre le sentiment de bien des gens, que j'ai lu et entendu ce morceau avec le plus vif intérêt. Je suis prêt, si l'on veut, à payer cet aveu de ma tête. Mais à qui pourrait-elle bien servir ?...

La journée a été dure. Ces demoiselles étaient au nombre de trentedeux, ce qui faisait un dévidage de 64 morceaux d'exécution, plus 32 morceaux à déchiffrer, en tout : 96 ! Si vous y joignez le temps voulu de la délibération du jury, cela nous a menés de midi à huit heures et demie du soir. Seigneur, ayez pitié de nous !

Sur les trente-deux élèves qui ont pris part à ce tournoi sonore, quinze ont reçu l'approbation du jury sous forme de récompenses. Voici leurs noms :

/ers prix.jolies Delieiiv; élève de M. Delaborde, Roger, Merlin et Atoch, élèves de M. Marmontel.

2es Prix. — MIICS Neyrac, élève de M. Duvernoy, Schultz et Kastler, élèves de M. Marmontel.

/ers Accessits. — Mllcs Weiss, élève de M. Duvernoy, Rolier, élève de M. Delaborde, Franquin, Morillon et Aussenac, élèves de M. Duvernoy. 2e 6 Accessits. — Mllcs Antoinette Lamy et Dupré, élèves de M. Duvernoy, et de Laulerie, élève de M. Marmontel.

Sans être d'une valeur absolument exceptionnelle, le concours a été néanmoins très brillant, et de beaucoup supérieur à celui des classes masculines.

M 110 Dehelly méritait d'être nommée la première pour le premier prix. Elle a un jeu à la fois étoffé et moelleux, un joli son, de l'élégance, de la finesse, des nuances un peu cherchées, mais souvent très heureuses, et de la fermeté quand elle est nécessaire. — Mlle Roger a donné à la romance un fort joli tour. Son exécution générale, fondue et corsée, se distingue par le goût et de bonnes qualités de mécanisme. Ce qui manque encore, c'est la personnalité. — M" 0 Merlin a un joli son, une grâce délicate, un jeu fin, élégant et tout à fait aimable. — M"" Atoch a des doigts lestes, de la fermeté clans le toucher, mais aussi de la grosseur, un jeu un peu bon enfant, non sans une certaine lourdeur, avec plus de solidité que de grâce.

Je regrette, et je regrette très vivement, avec beaucoup d'autres, que le jury n'ait pas cru devoir joindre le nom de M,Ie Charlotte Lamy à ceux de ces quatre jeunes filles. Elle me paraissait la plus vraiment artiste de tout le concours. Elle a fait deux toutes petites fautes, il est vrai. Et puis après? N'en a-t-elle pas moins dit la romance d'une

(1) Par mie erreur assez singulière, le programme indiquait le ton d'ut mineur pour la romance de Jlendelsso'in, qui est en la j? majeur.


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LE MÉNESTREL

façon délicieuse? En a-t-elle moins fait preuve de verve et d'éclat,, avec une main gauche superbe, un son d'une transparence merveilleuse, une grâce exquise, de la légèreté, de la finesse, et tout un ensemble de qualités raies. Vous lui reprochez deux fautes légères? Parbleu! Rubinstein aussi faisait des fautes. Alors, vous ne lui auriez pas donné le prix?... Quand on se trouve devant un tempérament et un talent comme ceux de M'le Charlotte Lamy, on passe sur certains accidents.

Le premier des seconds prix a été donné à Mlle Neyrac, et c'était justice. Elle a de l'élégance et du charme, un joli son, des doigts souples et fermes tout ensemble, de l'habileté, du goût et du style, avec, parfois,, une hardiesse assez, rare. — De MUe SchulLz j'avoue crue je n'ai pas grand'chose à dire,, non plus que de MUe Kastler. Celle-ci a dit la romance d'une façon, un peu sèche; le son chez elle est gros, et l'exécution, un. peu lourde, manque d'air et de lumière. Il me semble qu'elle a bien à travailler encore pour acquérir les qualités qui lui manquent.

M"e Weiss est encore presque une enfant, mais elle promet et elle tient déjà. Elle a une grâce tout aimable et juvénile, et son jeu, très personnel et très élégant, se distingue par des doigts excellents, un mécanisme très habile, de jolies nuances, du brillant et de l'éclat. — Un joli son, du goût et de la grâce, de la délicatesse et de l'agilité, telles sont les qualités que MUe Rolier a fait briller dans un ensemble plein de charme. — C'est plutôt par la solidité que par la grâce que se distingue Mlle Franquin. — L'exécution très intéressante de MUe Morillon se fait remarquer par sa grande sûreté, par un joli son, par la grâce et l'élégance d'un toucher plein de délicatesse. —• MUe Aussenac, qui a très gentiment et très gracieusement dit la romance, a montré beaucoup de précision et de vélocité dans les traits, qui sont bien faits et très brillants.

Mll,E Antoinette Lamy a exécuté 1res finement aussi la romance. Ses doigts, souples et agiles, ne manquent pas de fermeté à l'occasion, et une certaine hardiesse donne de l'intérêt à son exécution. — Celle de jjjiic- Dupré est beaucoup plus terre à terre, et sans personnalité aucune. — Mll 0! de Laulerie manque un peu de puissance, mais elle a de la grâce et des doigts agiles, et si l'étude a laissé parfois à désirer, elle a joué la •romance avec une douceur charmante.

Beaucoup sont restées sur le carreau. Elles étaient si nombreuses! D'abord Mllu Drewett, second prix de 1902, qui ne laisse pas d'avoir d'excellentes qualités, une grande habileté de doigts, un son bien pur et un style excellent. Puis Mlle Heschia, premier accessit aussi de 1902, qui a des doigts solides et un poignet d'acier, qui a chanté la romance d'une façon très expressive, mais qui pourtant a plus de force que de grâce. Puis encore MUos David, Haas, Willemin, Billuart, qui se distinguent par des qualités diverses. Travaillez, mesdemoiselles, prenez de la peine, c'est le fond qui manque le moins.

ARTHUR POUGIN.

P. S. —L'heure à laquelle se termine le concours do violon ne me permet pas d'en rendre compte aujourd'hui. Je me borne, pour l'instant, à donner la liste des récompenses, que voici :

,/crs prix. _ Mile Hoof, élève de M. Berthelier, M. Arthur, élève de M. Nadiiud, M 110 Schuck, élève de M. Lefort, M 110 Lipmann, élève de M. Berthelier, M. Tourret, élève de M. Lol'ort.

2CS Prix. — M. Mondels, élève de M. Rémy, M. Elcus, élève de M. Nadaud, M 11» Gaudefroy, élève do M. Rémy, M. Hewill, élève de M. Lefort..

4™ Accessits. —• M 110 Leroux, élève de M. Nadaud, M. Lestringant, élève de M. Berthelier, M. Canlrelle, élève de M. Rémy, M" 0 Lapiô, élève de M. Rémy, M. Ledru, élève do M. Nadaud.

S™ Accessits. — M. Biltar, élève de M. Berthelier, Mllc Baudot, élève de M. Berthelier, M. Nauwinck, élève do M. Rémy, M. Echecopar, élève de M. Lefort, MllcMorhanpe, élève de M. Nadaud, Mllc Augieras, élève de M*. Rémy.

Le jury était ainsi composé : MM. Théodore Dubois, président, Charles Dancla, Jacques Thibaud, Johannes Wolf, Tracol, Carombat, Touche, Mâche ot Paul Viardot. A. P.

SEMAINE THÉÂTRALE

COMÉDIE-FRANÇAISE : Première représentation de l'Irrésolu, comédie eu quatre actes, en prose, de M. Georges Berr.

Ce n'est pas un vaudeville, il y manque les couplets. Pourtant, deux « minstrels » authentiquement grimés ont dit leur chanson comme pour nous faire croire le contraire. Ce n'est pas une comédie de moeurs, il y manque l'étude sérieuse d'un milieu social; ce n'est pas une comédie de caractères, les personnages ne sont peints que par des saillies, des à peu près, des mots. Les mots, il y en a pendant tout le cours de la pièce ; ils sont superficiels, mais amusants. D'intrigue, on n'en saisit pas de fortement nouée;, les péripéties ne s'enchaînent

guère, n'ayant d'autre source que ceci :. faire et défaire, changer dW d'où l'incohérence. Trois questions se posent en guise de dénouement' Les réponses, essentiellement provisoires, ne peuvent, nous le verroiv' satisfaire personne. ''

Cependant l'ouvrage est joyeux et gai. Mais sa place -était-elle ai Théâtre-Français?

M. Pierre Fontvannes refuse d'épouser Mlle Jeanne Desclavelles fiuV d'un député. « Voyez ce qu'elle a dans la main, dit son père, qui la lui offre comme une mauviette troussée sur un plat : Deux cent mille francs de dot, un trousseau complet, un' siège de député, des espérances d'héritage, etc., etc.. » « Que de choses dans une si petite main » dit galamment notre irrésolu. Il accepte, puis se ravise. Il se décide alors à se rendre acquéreur de l'hôtel d'un vieux garçon, le petit Foucharcl qui le lui cède avec meubles, bibelots, lettres d'amour, etc., tel quel.

Une fois dans ce nid où rien n'est disposé pour l'édification, Pierre, qui avait son idée fixe en l'achetant, n'a plus qu'une pensée et c'est Yvonne, jeune veuve de vingt ans, qui la provoque. Ne pouvant avoir pour maîtresse cette femme plus rusée crue lui, il se résout à lui passer au doigt l'anneau conjugal. Mais, toujours flottant comme un bouchon dans une baignoire, il ne sait ni croire, ni ne pas croire à l'infidélité de sa coquette épouse. Pensez un peu, Yvonne est de celles dont chacun dit avec ironie : « Ah ! elle est honnête ! je n'aurais pas cru cela d'elle. »

Honnête ! nous sommes bien forcés de le croire, sous réserve d'ailleurs. Corpus tanlum inviolatum, animus modo non insons. Elle se refuse au petit Fouchard, non sans lui jeter du sable plein les yeux.

Finalement, Pierre abandonne le domicile conjugal et le réintègre quand sa mère lui assure (qu'en sait-elle?'), qu'Yvonne est innocente. Il a la bonté de se laisser convaincre. Quant au petit Fouchard, on lui persuade que le moyen de conserver les honneurs de la guerre c'est de se poser en Flirt démissionnaire, et, lorsque l'on se débarrasse de lui, son impartialité T'oblige à reconnaître qu'il est impossible de jeter quelqu'un à la porte plus affectueusement.

Quant à Mlle Jeanne Desclavelles, sa petite âme gâtée conduit une intrigue parallèle aboutissant à faire accepter par son père, pour son fiancé, M. Chabreloche, à qui elle entend réserver les deux cent mille francs, le trousseau, le siège de député..... tout ce qu'elle a clans sa petite main.

Au dénouement, deux questions résolues dans la forme restent pendantes au fond : 1° Le ménage Fontvannes est-il réconcilié ? On nous dit oui ; on nous rend témoin de baisers ; 2° Mlle Jeanne aura-t-elle son Chabreloche et sera-t-elle heureuse avec lui? Encore oui. Les faits de la pièce ne justifient pas ces réponses. Troisième question, la vraie. celle-là : Que faire de Julien et d'Antoine, les deux domestiques de la maison, dont le premier a séduit, au su de tous et du mari, la femme de l'autre ?

Renvoyer Julien parce qu'il s'est mal conduit, dit Mme Fontvannes mère ; renvoyer Antoine parce qu'il est paresseux, dit Chabreloche ; les renvoyer tous les deux au nom de la morale, dit MUe Jeanne ; les garder tous les deux, s'écrie Yvonne, c'est bien plus parisien.

Que fera Pierre Fontvannes ?

Cette comédie a été fort bien jouée par MM. Mayer, Delaunay, Garry.

Coquelin cadet, Laugier Mmes Piérat, Muller, Pierson, Fayolle et

de Fava. J'ai cru remarquer cependant que les acteurs ont cherché l'effet plutôt dans la chaleur un peu fiévreuse du débit que dans la pureté de la diction ; beaucoup de mots étaient écornés, échappaient.

M. Berr, qui est de « la Maison », a vu sa pièce accueillie avec sympathie et plaisir. Les applaudissements ont souligné nombre de passages et, à la fin, on a demandé l'auteur pendant dix minutes. H n a pas consenti à se montrer.

AMÉDÉE BOUTAREL.

LE POSTILLON DE LONJUMEAU A LONGJUMEAU

Elle a été charmante, cette petite fête du centenaire d'Adolphe Adam, joliment organisée par M. Léon Robelin, l'excellent maire de Longjnmeau. On sait que la petite ville, Hère de la notoriété qu'elle doit a l'aimable compositeur, a élevé il y a quelques années, sur sa principale place, un monument à sa mémoire. C'est dimanche dernier qu'elle a célébré le centenaire de sa naissance, avec tout l'éclat possible, son? la présidence de M. Adrien Bernheim, commissaire du gouvernement près les théâtres subventionnés, délégué par le ministre.

Dès le matin la petite ville était en fête, toute fleurie, toute pavoisee. tout enguirlandée. A deux heures arrivaient en voiture les invités. W clans quelle voiture! Une vraie chaise de poste, s'il vous plait, s l'H" 1' rondelle », un dernier vestige des temps antiques (c'est-à-dire de 183i>>-


LE MÉNESTREL

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conduite par un postillon en costume classique, un « postillon de Longjumeau ». Lesdits invités étaient reçus aux sons de la chanson du Postillon deLonjumeau : « Oh! oh! oh! qu'il était beau!... » exécutée par la fanfare. Sur une estrade dressée sur la petite place, devant le monument, tous prenaient place, et commençaient les discours. Ils étaient deux, prononcés l'un par M. Léon Robelin, l'autre par M. Adrien Bernheim, tous deux courts, comme il convenait à cette fête plus familière que solennelle, mais fort aimables, et rappelant avec grâce la popularité du compositeur que certains peuvent blaguer à leur aise, mais qui n'en reste pas moins l'auteur de Giselle (un chef-d'oeuvre), du Chalet, du PBStillon, deGiralda et de tant d'autres. Après les discours la toute gracieuse Mne Yvonne Garrick, de la Comédie-Française, récite d'une façon charmante une pièce de vers de M. Paul Fournier, l'auteur du monument, un cumulard qui n'hésite pas à joindre la plume du poète à l'ébauchoir du sculpteur. Puis, à un signal donné, une couronne de lauriers vient tomber sur la tète d'Adolphe Adam. Quand je dis sur la tète, c'est sur l'oreille que je devrais dire, car Adam se trouve coiffé de côté. Ça ne fait rien. Alors commence un gentil défilé, celui de toute une théorie de jeunes filles, personnifiant chacune une des oeuvres du compositeur (il y en a beaucoup!), depuis Pierre et Catherine, la première, jusqu'à la dernière, les Pantins de Violette. Chacune de ces jeunes filles, vêtue du costume de la pièce qu'elle représente, porte une bannière sur laquelle est inscrit le titre de cette pièce. Ceci est tout à fait charmant, et il va sans dire que ce défilé est accompagné par la musique : « Oh ! oh ! oh ! cru'il était beau !... »

Puis, les uns remontent dans la vénérable chaise de poste, les antres vont tranquillement à pied (les courses ne sont pas longues, à Longjumeau), et tous se rendent au « théâtre d'Apollon », simple salle de bal aménagée pour la circonstance, dans laquelle doit avoir lieu la représentation du Postillon. Chemin faisant, on achète à un tas de camelots des cartes postales reproduisant le monument, des médailles, d,es emblèmes spéciaux, que sais-je, et on arrive au théâtre, qui est déjà à moitié plein. Fichtre! il y fait encore plus chaud qu'aux concours du Conservatoire ! C'est égal. On est venu pour voir le Postillon, on verra le Postillon, joué par MM. Leclercq (Chapelou), Victor Julien (le marquis), Michony (Biju), Mary (Bourdon) et M1ULouise Vial (Madeleine). On nous offre des programmes somptueux, et le spectacle commence. Je renonce à en décrire le succès. Mais ce succès devient triomphal lorsque, entre le deuxième et le troisième acte, M1Ies Zambelli et Louise Mante, de l'Opéra (vous voyez qu'on se met bien à Lonjumeau), viennent danser des fragments du ballet de Giselle. Alors c'est du délire, et le public ne contient plus son enthousiasme. J'ai cru un instant que la salle allait crouler sous les applaudissements. Heureusement elle a fait comme l'amante d'Antony, elle a résisté — et on ne l'a pas assassinée.

Et le soir, la fête a continué. Il y avait une grande foire, des concerts, des surprises, des illuminations, l'embrasement du monument et, s'il vous plait, un feu d'artifice, dont le bouquet présentait l'apothéose d'Adolphe Adam. Eh bien, je le répète, tout cela était gai, aimable, bien conçu, d'un « bon enfant » charmant, et c'est bien ainsi qu'il convenait de fêter et de célébrer le souvenir et le centenaire d'Adam, de l'alerte et populaire auteur du Postillon de Lonjumeau, ce Postillon qui a paru 800 fois sur la scène de l'Opéra-Comique, et qu'on y reverra encore, en dépit des snobs et des poseurs.

ARTHUR POUGIN.

NOUVELLES DINEUSES

ÉTRANGER

De Londres : Le petit acte de MM. Michel Carré et Edmond Missa, Maguelone, semble avoir parfaitement réussi au théâtre Covent-Garden de Londres. L'intrigue, dans sa simplicité n'est pas pourtant sans mouvement. Maguelone est une belle fille do la Provence qui vit isolée, dans une cabane, près de la mer. Elle est courtisée à la fois par un pêcheur (pilleur d'épaves, comme dans la Fiancée de la mer) <et par un douanier (comme dans l'Étranger de M. Vincent dîndy). Or, celui-ci a découvert les méfaits de son rival et va 1 arrêter pour le livrer à la justice. C'est alors que, pour sauver le pêcheur qu elle aime, Maguelone feint d'avoir quelques complaisances pour le gabelou. Mais celui-ci veut pousser les choses trop loin. Maguelone se débat et appelle a-l'aide. Le pêcheur survient et plante son couteau dans la poitrine du galante. La foule s'amasse, les gendarmes arrivent... Maguelone arrache le couteau sanglant des mains de son amant et s'écrie : « Le douanier voulait me violenter... .le l'ai tué ! » — M. Missa a écrit une fort aimable partition sur ce sujet, û abord riant, mais qui tourne au tragique vers la fin, comme on a pu voir, h faut surtout citer clans sa partition le joli duo d'amour entre Maguelone et c Pécheur, d'où se détache une ravissante « romance aux étoiles », qui sert aussi de prélude instrumental à la partition. MUe Calvé a été superbe, passionnée

passionnée diverse dans le principal rôle. L'oeuvre et s-a grande interprète ont été saluées d'applaudissements chaleureux.

— La lettre de M" 10 Cosima Wagner, que nous avons publiée dimanche dernier, commence à produire son effet. Le professeur Max Bruckner, de Cobourg, qui devait brosser les décors pour les représentations de Parsifal à New-York, vient de se récuser. Et d'un !

— D'autre part, un journal berlinois ayant demandé àMme Cosima Wagner si elle avait autorisé le concours de M. Van Roy aux représentations de Parsifal à New-York, a reçu la dépèche suivante: « Je n'ai jamais permis à un artiste quelconque de prendre part aux représentations injurieuses de Parsifal à New-York et je ne donnerai jamais cette autorisation. »

— La concurrence que Munich fait à Bayreuth devient sérieuse. On nous écrit en effet de la eapitale bavaroise que les représentations au théâtre wagnêrien du prince-régent, qui auront lieu dans la seconde moitié du mois d'août et la première du mois de septembre, attireront un publie fort nombreux d'étrangers; mais le bourgeois de Munich trouve préférable, par contre, d'appliquer le prix que lui coûterait un fauteuil d'orchestre à l'absorption de bocks de bière qui lui procurent beaucoup plus de jouissance que la musique de l'ancien favori du roi Louis IL Parmi les oeuvres représentées, les Maîtres Chanteurs et le cycle des Niebelungen sont les plus recherchées ; il reste à peine quelques bonnes places pour ces soirées, malgré leurs prix considérables pour l'Allemagne.

— Rappelons les dates de ces représentations wagnériennes de Munich, pour les amateurs du genre :

L'Or du Rhin, les 8 et 25 août et 11 septembre ;

La Vallnjrie, les 9 et 26 août et 12 septembre;

Siegfried, les 10 et 27 août et 13 septembre ;

Le Crépuscule des dieux, les H et 28 août et 14 septembre.

Lohengrin, les 14 et 21 août et h septembre.

Tristan et Iseult, les 15 et 22 août et 5 septembre.

Tannhâuser, les 17 et 31 août et 7 septembre.

Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, les 18 août, 1" et 8 septembre.

Les voyageurs trouveront à la gare de Paris et dans les bureaux-succursales de la compagnie des chemins de fer de l'Est des billets directs d'aller et retour de lre, de 2e :classe et mixtes (lie classe en France et 2e classe en Allemagne) pour Munich. Ces billets, qui sont valables pendant 18 jours et donnent le droit de s'arrêter dans les principales villes du parcours, laissent aux voyageurs le choix entre les itinéraires ci-après :

1° Avrieourt-Strasbourg-Carlsruhe-IJlm et retour. — Prix : 1™ classe, 162fr. 80; 2» classe, 116 fr. 35 (mixtes, 135 fr. 70).

2° Petit-Croix ou Delle-Bâle, la Suisse et retour. — Prix : 1™ classe 159 francs; 2e classe, 111 fr. 85 (mixtes, 133 fr. 30).

De Paris à Munich, la durée du trajet est de 14 h. 1/4 environ en empruntant le train express d'Orient, et de 17 h. 1/2 en utilisant les autres trains express. Les voyageurs qui prendront le train express d'Orient auront à payer un supplément de 23 fr. 80 de Paris à Munich, simple parcours.

— Au musée municipal de Brunswick on conserve précieusement -une affiche théâtrale, qui date de 1742 et qui se termine par cet avis : « Pour la commodité des spectateurs, il est ordonné que les personnes du premier rang se couchent par terre, que celles du second se mettent à genoux, que celles du troisième soient assises et que celles du quatrième se tiennent debout. Do cette façon tout le monde pourra voir. Il est défendit de rire pendant le spectacle, parce que c'est un drame. »

— La Société philharmonique de Yarsovie annonce qu'elle fera exécuter au commencement de la prochaine saison une Cantate solennelle de M. Paderewski, paroles du poète polonais Casimir Tetmayer. L'oeuvre comporte un important choeur mixte.

— Le jour de la mort du pape Léon Xllf, aucune musique n'a joué sur tes places publiques de Rome, et le soir tous les théâtres, sans exception, ont fait relâche. M. Zanardelli, chef du cabinet et ministre de l'intérieur a prescrit jusqu'à nouvel ordre la fermeture des théâtres et de tous les autres lieux de spectacles publics à Rome.

— Jeudi dernier ont commencé à la chapelle Sixline les répétitions des chants qui seront exécutés lors des funérailles solennelles du pape défunt, que le Sacré-Collège célébrera les 29, 30 et 31 juillet. M=''' Perosi a écrit spécialement une absoute à quatre voix, consacrée à Léon XIII.

— Le conseil communal de Yenise vient de pourvoir à la vacance de la direction du Lycée musical Benedetto Marcello, fl a choisi comme directeur un jeune artiste de 27 ans, le compositeur Ermanno Wolf-Ferrari, qui est né Je 12 janvier 1876, à Venise, d'une mère italienne et d'un père autrichien, M. Auguste Wolf, peintre distingué. Le nouveau directeur a fait son éducation musicale sous la direction de M. Rheinberger. à l'Académie de musique de Munich, où il a obtenu la grande médaille d'or. 11 s'est fait connaître aussitôt par différentes compositions vocales. Puis il a fait exécuter un oratorio, la Sulamite, il a fait représenter à Venise un opéra, Cenerentola, et il a obtenu un vif succès à Munich avec un poème lyrique, Vitanuova, inspiré par la (mort de Béatrix. II. vient d'écrire un nouvel opéra, le Donne curiose, qui sera représenté prochainement à Munich.

— Le maestro Amilcare Zanella, nommé récemment directeur du Conservatoire de musique de Parme, a pris, ces jours derniers, possession de son nouveau poste.


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LE MENESTREL

— Une dépèche de Madrid annonce qu'un violent incendie a éclaté aux premières heures du jour au théâtre d'été de l'Eldorado. Trois maisons atte-. nanl, au théâtre ont été complètement détruites. Un choriste a été surpris par l'incendie au milieu de son sommeil et a été carbonisé. Le feu a fait aussi des ravages dans les maisons voisines. Los pertes matérielles sont considérables.

— Un ami de M. Serge Basset, du Figaro, lui envoie cette curieuse affiche d'une représentation donnée au théâtre de Tananarive-Ville. L'affiche est double; une partie est en malgache, l'autre en français:

Lundi 13 avril 1903.. A 9 heures du malin. Le Jeu malgache à Ankadifoloy. Sous la direction de trois célèbres chanteurs, Avarati Imahamasina (de la commune), Itabakiniarivo et Rondrianalrechina d'Ainpanarona (Ambohitrabiby). Le prix des places : premières, 0 fr. 70 ; secondes, 0 fr. 50; troisièmes, 0 fr. 30. Un des couplets do la pièce est ainsi traduit « en vers blancs » dit l'affiche : Hélas! quand on vit encore, - ■

On n'oubliera pas de penser à sa chère;

Et on gémit; de la chère Même le coeur gémit ; et la réflexion pleine d'affliction On l'oubliera quand on est près de sa chère.

Ce « jeu », affirme le correspondant, est le grand succès actuel de Tananarive, et le couplet ci-dessus soulève, à chaque représentation, un enthousiasme indescriptible. C'est probablement que l'original vaut mieux que la traduction.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Nous avons les décorations des Beaux-Arts. Ce n'est pas extrêmement brillant au point de vue musical, et on s'en étonne de la part d'un ministre qui paraît aimer passionnément la musique, puisqu'il a l'intention d'en rendre renseignement obligatoire dans les lycées et collèges, ainsi que nous l'avons exposé dimanche dernier. Pourtant, comme compositeur, nous ne voyons dans la liste que M. Flégier, auteur de Stances qui eurent leur vogue. Espérons que le ministre se rattrapera à la distribution des prix du Conservatoire. Du côté des lettres, nous trouvons, parmi les officiers, M. Adolphe Brisson, l'aimable directeur des Annales politiques et littéraires, parmi les chevaliers, M. Pierre Wolff, l'auteur du Secret de Polichinelle, M. Paul Milliet, le librettiste bien connu, et M. Thiébault-Sisson, critique d'art. Et toujours les éternels oubliés, ceux qui ont le tort de ne pas « se remuer » et de ne compter que sur leurs mérites ! Les ministres se succèdent aux Beaux-Arts, les années se passent et aucun des puissants du jour n'aura l'idée d'aller chercher ces modestes pour leur donner enfin la récompense si hautement méritée par toute une vie de travail utile et d'honorabilité constante. Les noms se pressent sous notre plume, mais nous ne les dirons pas pour n'offenser personne.

— Ceci dit, donnons les titres nombreux de M. Paul Milliet à la décoration, tels^qu'ils sont relatés par le JPigaro :

Auteur dramatique, deux fois élu par ses eonfrères membre de la commission de la Société des auteurs;mais-aussi journaliste. Comme auteur, a fait le poème d'Sérodiade, l'une des oeuvres les plus populaires de Massonet. A fait aussi Werther (avec Edouard Blau, un des oubliés dont nous parlons plus haut), que M. Albert Carré a repris avec succès il y a trois mois, et l'adaptation de celte fortunée Cavalleriarusticana, un succès légendaire ; le Roi de l'argent, joué 150 fois à l'Ambigu; le Duc de Ferrare, Martin et Martine, Symphonie d'avril, les traductions d'André Chénier et de Méphistopliélès; des ballets comme Napoli, représenté deux cents fois consécutives.

Comme journaliste, a écrit des articles sur la musique contemporaine, pleins d'indulgonco pour les jeunes et sévères pour les autres. Vice-président du Congrès de la musique et rapporteur du Congrès du théâtre. Professeur enfin, et conférencier, a fait des cours pour les classes ouvrières, qui ont réuni des milliers d'auditeurs, eta répandu on Angleterre et on Allemagne le goût de nos grands classiques. — Avec tout cela, un timide. Un de nos auteurs qui aiment le moins le bruit autour de lui.

— La distribution des prix aura lieu au Conservatoire, dans la grande salle des concerts, le samedi 1er août, à une heure, sous la présidence de M. Chaumié, ministre de l'instruction publique et des beaux-arts.

— Nous avons annoncé la nomination de M. I. Philipp comme professeur titulaire d'une classe de piano au Conservatoire, en remplacement de M. de Bériot. Par le môme arrêté du ministre des beaux-arts, Mlne Tassu-Spencer est chargée du cours de harpe chromatique, créé au Conservatoire pour une période do cinq années scolaires par décret on date du 8 avril 1903.

— De Nieolot, du Gaulois : M. Félix Duquesnel se plaignait dernièrement qu'on n'eût pas songé à donner à une rue de Paris le nom du compositeur Adolphe Adam. Or, une rue existe, qui porte le nom de l'auteur de Si j'étais Roi\ mais elle est si courte, si misérable, de si peu d'importance, que bien peu la connaissent et qu'on est bien excusable de l'ignorer, si Parisien qu'on soit. La rue Adolphe-Adam commence, en effet, quai de Gesvres, 14, pour finir avenue Victoria, 13, et sa dénomination remonte au décret du 2 mars 1864. Cette rue modeste, qui est moins une rue qu'une ruelle, borde la face de derrière de l'ancien Théâtre-Lyrique, aujourd'hui théâtre Sarah-Bemhardt, et a juste quarante-deux mètres de longueur, ce qui est la largeur du bâtiment théâtral. C'est sur cette façade que s'ouvre la baie par laquelle on introduit les décors au moyen d'un treuil à cordages.—Avant le décret de 1864, cette ruello s'appelait le « cul-de-sac du Théâtre-Lyrique ». Est-ce en souvenir des infortunes financières d'Ad. Adam, qui fut ruiné, comme l'on sait, par l'exploitation du premier Théâtre-Lyrique, qu'on a donné son nom au cul-de-sac

en question ? Ne semble-l-il pas, en tout cas, que ce compositeur charm aurait mérité mieux que le baptême d'une ruelle humide?

Correspondance :

Paris, le 23 juillet 1903.

Mon cher Monsieur Ileugel,

En rentrant du Mont-Dofe, où je suis allé passer quelques jours, je trouve le Mi nestrel du 19 courant avec une note de M. Weckerlin qui semble viser ma nei't élude sur le « Clair de la lune », en rappelant que cet air a paru dans un recueil ri Chardavoine daté de 1575 et qu'il fait partie des Chansons populaires du pam V France, recueillies par le savant musicographe M. "Weckerlin lui-même.

Je n'ai jamais dit le contraire et n'ai cherché à rectifier que les paroles de l'air nn pulaire si connu. Cet air était peut-être, au moment où la légende l'attribue àLulli le « Viens Poupoule » du jour, et je ne serais pas" surpris que le malin florentin se soit emparé de cette scie à la mode pour y adapter — avec ou sans « conduit » — w paroles de sa sérénade à Pierrot. Dans tous les cas, que ces paroles soient ou non du célèbre compositeur, elles n'en demeurent pas moins incohérentes si l'on y conserve la lune qui obscurcit Je texte au lieu de l'éclairer., Et je persiste à dire que c'est pour écrire ton mot au clair de la « lume » de Pierrot que le chanteur lui a demandé de lui ouvrir sa porte et de lui prêter sa plume.

Agréez, mon cher Monsieur Heugel, l'assurance de mes sentiments dévoués.

E. GUIUS.UIT.

•— Mme Malhilde Marchesi, l'émment professeur, dont l'école fournit tant de sujets distingués à tous les grands théâtres de France et d'Europe, vient de partir pour Ems et pour Vienne, où elle va passer ses vacances. Elle sera de retour à Paris pour la réouverture de son école, dont les leçons recommenceront le 1er septembre. ■»

— De Vichy: On vient de donner au Théâtre du Casino de Vichy la première représentation de Milenka, ballet-pantomime en deux tableaux, de M. Jan Blockx, le célèbre compositeur flamand auteur de Princesse d'auberge et de la Fiancée de la Mer. On retrouve dans la partition de Jan Blockx, au milieu des rythmes de danse scandés çà et là par des rondes et des chansons populaires, ce goût pour les larges fresques que le musicien excelle à brosser et où il sait si bien traduire la gaieté et la vie . des grasses liesses flamandes. Parmi les morceaux il faut citer une « Sabotière » que danse le peuple sur une place d'Anvers et qui a obtenu un grand succès. MUe Carlotta Brianza est la principale interprète de Milenka, et tous les habitués de la Monnaie de Bruxelles connaissent la grâce, la souplesse et le brio de cette exquise danseuse. Un rôle de mime est tenu de façon remarquable par M. Saracco. Les costumes et les décors sont délicieux de couleur et parfaits de vérité. Enfin, M. Amalou conduit l'orchestre en maître. Il convenait de signaler cette heureuse tentative de décentralisation artistique.

- — Du Conservatoire de Rennes : M1Ie Montagnon, dont nous avons relaté le grand succès en notre dernier numéro, et quia obtenu le prix d'honneur offert par le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts dans le cours supérieur de piano, est élève de l'éminente pianiste MUe Hélène Kryzanowska. Voici trois ans de suite que les élèves de ce cours remportent cette haute distinction.

NÉCROLOGIE

Nous avons le regret d'apprendre la mort de notre ancien correspondant de Londres, M. Léon Schlésinger, décédé le 19 juillet à Leysin (Suisse). Celait une .âme délicate et un coeur d'artiste. Dès son extrême jeunesse il avait montré des dispositions pour la musique et il laisse d'aimables compositions, comme les pantomimes la Revanche des cigales, la Momie, etc., quelques opéras-comiques, des mélodies et certaines Chansons galantes du XVIIe siècle, qui ont été chantées à Paris et à Londres avec succès. Il fut aussi directeur, à Londres, de la « French Music Association », où il s'occupa de propager la musique française en Angleterre. Ses charmantes qualités et son affabilité lui avaient conquis de nombreux amis. Il était, nous l'avons dit, notre correspondant musical à Londres. Ses critiques, empreintes toujours de fines appréciations et de grande loyauté, étaient fort appréciées dans les divers journaux où il collabora. Léon Schlésinger, né àParis en 1862, était le petit-fils de Strauss, l'ancien et fameux conducteur des Bals de l'Opéra, où il régna tant d'années par ses valses, ses polkas et ses quadrilles endiablés.

— De Potsdam on annonce la mort de G-odefroid-Henri Bellermann, compositeur et surtout écrivain sur la musique renommé, qui était né à Berlin le 10 mars 1832. Fils d'un historien musical qui s'était rendu fameux lui-même par divers écrits importants sur la musique grecque, il fut élève de son père, puis entra à l'Institut de musique d'église, où il eut pour maître l'organiste G-rell. Il se fit bientôt connaître assez avantageusement pour être appelé, en 1866, à succéder à Adolphe-Bernard Marx comme professeur de musique a l'Université de Berlin. Plus tard il devint membre de l'Académie des BeauxArts. Collaborateur. actif de YAllgemeine Musikalische Zeitung, Bellermann a publié divers écrits, parmi lesquels un ouvrage important sur la musique proportionnelle et les signes de mesure du xve au xvie siècle (1858). On lui doit aussi un Traité de contrepoint, dont il a été fait trois éditions. Comme compositeur il a publié des psaumes, des motets, des choeurs, des lieder, et il a fait exécuter des choeurs pour YOEdipe roi et YOEdipe à Colone de Sophocle.

HENRI HEDGEL, directeur-gérant.

IMPRIMERIE CENTRALE DBS CHEMINS OE FER. — IJIPRIHE'UE CHAIX, RUE BERGERE, 20, PARIS. — Sra» Lorfflem).