ANCIEN ET MODERNE
Couture (1815-1879), évoqué dans sa jolie ville
natale avec ses paysages du Valois, qui n'annoncent point l'ennemi qu'il était des paysagistes, et ses vigoureux portraits qui ne furent
pas sans influence sur la jeunesse de Puvis de Chavannes et de Manet; à Bâle, c'est Stückelberg ( 1831 - 1903 ), avec des oeuvres nouvelles
qui confirment que le métier le plus savant ne peut tarir chez un véritable artiste la source
fraîche de l'émotion devant la simple nature ;
à Paris, chez Simonson, c'est Eugène Boudin 1824-1898 , avec de l'inédit toujours délicat.
A Vincennes, ce sont nos Orientalistes depuis Delacroix, Decamps, Dehodencq et Chassériau jusqu'à Renoir et Lebourg, devanciers des jeunes, en ce Palais permanent des Colonies décoré par le long bas-relief de Janniot.
Après Claude Monet, c'est enfin Degas, depuis le 11 juillet, à l'Orangerie des Tuileries : Degas, découvert sous des aspects nouveaux depuis la première vente posthume du 26 mars 1918, en pleine guerre, sous les menaces
Louis BERTOLA : BUSTE DE S. A. LE MAHARAJAH DE BARODA.
THOMAS COUTURE : LE PETIT SENLIS. Exposition rétrospective à Senlis, en juillet-aoùt.
de la Bertha; Degas, hier inédit dans les portraits de sa jeunesse ingriste et studieuse; Degas ici portraitiste, sculpteur et graveur introduisant insensiblement dans ses traductions du vrai cet élément subtil d'instantanéité pittoresque et psychologique, de curieuse mise en page et de perspective un peu japonaise, qui lit rire bourgeoisement mesdames nos familles aux premières expositions des Impressionnistes.
Aujourd'hui, c'est « M. Degas », déjà suspect aux yeux des snobs et des ja presto d'avoir été trop savant : « Il sait dessiner », disent-ils dédaigneusement avec André Lhote, professeur pourtant lui-même. Il est, décidément, « trop fort » pour un temps ivre de vitesse où l'amour, le sentiment, l'art, le portrait, l'esprit, le cerveau pensant sont astreints au régime du moindre effort et réduits à la plus élémentaire expression de la sensation brève. Le peintre de ce temps, ce n'est plus Degas, c'est ce papillon d'Henri Matisse, avec ses effleurements parfois exquis dans une limpide nature morte, et plus souvent irritants, parce que trop sommaires dans les ligures qui ne rappellent en rien l'ancien élève de Gustave Moreau; c'est Pablo Picasso, dont le jeu de peinture abstraite » a remplacé, chez Rosenberg, notre XIXe siècle, évoluant de la ligne d'Ingres à la puérilité du douanier Rousseau. Degas aussi savait dessiner : sa place est au Louvre.
Raymond BOUYER.